L’Encyclopédie/1re édition/RÉPONSE

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RÉPONSE, REPARTIE, (Synon.) la réponse en général s’applique à une interrogation faite. La repartie se dit indifféremment de toute replique. Quoiqu’une repartie vive & prompte fasse honneur à l’esprit, il est encore plus convenable de se retrancher à une repartie judicieuse ; & dans les questions qu’on a droit de nous faire, il faut s’attacher à y répondre nettement.

Il y a des occasions où il vaut mieux garder le silence que de faire une repartie offensante, & l’on n’est pas obligé de répondre à toutes sortes de questions.

Une repartie se fait toujours de vive voix, une réponse se fait quelquefois par écrit.

Les réponses & les reparties doivent être justes, promptes, judicieuses, convenables aux personnes, aux tems, aux lieux & aux conjectures. Il y a des réponses & des reparties de toutes especes qui laissent plus ou moins à penser à l’esprit. Il y en a de sentencieuses, de jolies, de satyriques, de galantes, de flatteuses, de nobles, de belles, de bonnes, d’heureuses, d’héroïques, &c. Donnons quelques exemples des unes des autres.

On demandoit à Aristarque pourquoi il n’écrivoit point. « Je ne puis pas écrire ce que je voudrois, répondit-il, & je ne veux pas écrire ce que je pourrois ». Tacite a encore mieux dit : Rara temporum felicitas, ubi sentire quæ velis, & quæ sentias scribere licet.

La repartie de la reine Christine à ceux qui se plaignoient de ce qu’elle avoit nommé Salvius sénateur de Suede, quoiqu’il ne fût pas d’une maison assez noble, devroit être connue de tous les rois. « Quand il est question d’avis & de sages conseils, répondit-elle, on ne demande point seize quartiers, mais ce qu’il faut faire. Les nobles avec de la capacité ne seront jamais exclus du sénat, & n’excluront jamais les autres ». Mélang. de litt. par M. Dalembert, t. ij.

On peut mettre dans l’ordre des jolies reparties toutes les saillies quand elles ont du sel. Telle est, par exemple, la réponse d’un mauvais peintre devenu médecin, qui dit vivement à ceux qui lui demandoient la raison de son changement d’état, « qu’il avoit voulu choisir un art dont la terre couvrît les fautes qu’il y feroit ».

Telle est encore la réponse plaisante d’Henri IV. à Catherine de Médicis, lors de la conférence de Ste Bris près de Coignac en 1586. Cette princesse qui employoit ses filles d’honneur à amuser les grands & à découvrir leurs secrets, se tournant vers Henri IV. lui demanda qu’est-ce qu’il vouloit : « Madame, lui répondit-il en regardant les filles qu’elle avoit amenées, il n’y a rien-là que je veuille ». Il ne lui avoit pas toujours fait une aussi bonne réponse.

Un satyrique spirituel interrogé de ce qu’il pensoit d’un tableau du cardinal de Richelieu, dans lequel ce ministre s’étoit fait peindre tenant un globe à la main, avec ces mots latins, hic stante cuncta moventur, en subsistant il donne le mouvement au monde, répondit vivement, ergo cadente, omnia quiescent, lorsqu’il ne subsistera plus, le monde sera donc en repos.

Entre les reparties où regne l’esprit d’une noble galant rie, on peut citer celle de M. de Bussy : « Vous me regardez aussi », lui dit une belle femme : « Madame, lui repartit-il, on sait si bien qu’il faut vous regarder, que qui ne le fait pas dans une compagnie, y entend sûrement finesse ».

J’ai parlé des reparties flatteuses. Une femme vint le matin se plaindre à Soliman II. que la nuit pendant qu’elle dormoit, ses janissaires avoient tout emporté de chez elle. Soliman sourit & répondit qu’elle avoit donc dormi d’un sommeil bien profond, si elle n’avoit rien entendu du bruit qu’on avoit dû faire en pillant sa maison. « Il est vrai, seigneur, repliqua cette femme, que je dormois profondément, parce que je croyois que ta hautesse veilloit pour moi ». sultan admira la repartie & la récompensa.

On a fait souvent de nobles réponses, celle-ci mérite d’être citée. Dans le procès de François de Montmorency, comte de Luze & de Boutteville, M. du Châtelet fit pour sa défense un mémoire également éloquent & hardi. Le cardinal de Richelieu lui reprocha fortement d’avoir mis au jour ce mémoire pour condamner la justice du prince. « Pardonnez-moi, lui répondit-il, c’est pour justifier sa clémence, s’il a la bonté d’en user envers un des plus honnêtes & des plus vaillans hommes de son royaume ».

Je place au rang des belles réponses de l’antiquité celle de Marius à l’officier de Sextilius qui, après lui avoir défendu de la part de son maître de mettre le pié en Afrique, lui demanda sa réponse : « Mon ami, repliqua-t-il, dis à ton maître que tu a vu Marius fugitif, assis sur les ruines de Carthage ». Quelle noblesse, quelle grandeur, & quelle force de sens dans ce peu de paroles ! Il n’y avoit point d’image plus capable de faire impression sur l’esprit de Sextilius que celle-ci, qui lui remettoit devant les yeux la vicissitude des choses humaines, en lui présentant Marius six fois consul, Marius qui avoit été appellé le troisieme fondateur de Rome, Marius à qui les Romains dans leurs maisons avoient fait des libations comme à un dieu sauveur, en le lui présentant, dis-je, fugitif, sans pouvoir trouver d’asyle, & assis sur les ruines de Carthage, de cette ville si puissante, si célebre, & qui avoit été si long-tems la rivale de Rome. Plutarque.

Je mets au rang des belles réponses modernes celle de Louis XII. au sujet de ceux qui en avoient mal agi à son égard avant qu’il montât sur le trône, & celle de madame de Barneveld à Maurice de Nassau sur les démarches qu’elle faisoit auprès de lui pour sauver la vie à son fils aîné, qui avoit eu connoissance de la conspiration de son frere sans la découvrir.

Louis XII. replique à ses courtisans qui cherchoient à le flatter du côté de la vengeance, « qu’il ne convenoit pas au roi de France de venger les injures faites au duc d’Orléans ». Cette réponse de Louis XII. est d’autant plus héroïque qu’on l’avoit indignement outragé, qu’il étoit alors tout-puissant, & qu’il n’y avoit personne dans son royaume qui l’égalât en courage.

Madame de Barneveld interrogée avec une espece de reproche par le prince d’Orange pourquoi elle demandoit la grace de son fils, & n’avoit pas demandé celle de son mari, lui répond « que c’est parce que son fils étoit coupable, & que son mari étoit innocent ».

Une autre belle réponse est celle de la maréchale d’Ancre qui fut brûlée en place de Greve comme sorciere, événement dont on se souviendra avec étonnement jusqu’à la derniere postérité. Le conseiller Courtin interrogeant cette femme infortunée, lui demanda de quel sortilege elle s’étoit servi pour gouverner l’esprit de Marie de Médicis : « Je me suis servie, répondit la maréchale, du pouvoir qu’ont les ames fortes sur les esprits foibles ». Voltaire.

On peut mettre encore au nombre des belles reparties celle de mylord Bedford à Jacques II. roi d’Angleterre. Ce roi pressé par le prince d’Orange assembla son conseil, & s’adressant au comte de Bedford en particulier : « Mylord, dit-il, vous êtes un très bon homme & qui avez un grand crédit, vous pouvez présentement m’être très-utile. Sire, repartit le comte, je suis vieux & peu en état de servir votre majesté, mais j’avois autrefois un fils qui pourroit en effet vous rendre de grands services s’il étoit encore en vie ». Il parloit du lord Russel son fils qui avoit été décapité sous le dernier regne, & sacrifié à la vengeance du même roi qui lui demandoit ce bon office. Cette admirable repartie frappa Jacques II. comme d’un coup de foudre, il resta muet sans repliquer un seul mot. Burnet.

Je ne veux pas omettre la bonne repartie que fit en 1274 S. Thomas d’Aquin à Innocent IV. Il entroit dans la chambre du pape pendant que l’on comptoit de l’argent ; le pape lui dit : « Vous voyez que l’Église n’est plus dans le siecle où elle disoit, je n’ai ni or ni argent » ; à quoi le docteur évangélique répondit : « Il est vrai, saint pere, mais elle ne peut plus dire au boiteux, leve-toi & marche ».

On sait aussi la repartie heureuse de P. Danès, évêque de Lavaur : comme il déclamoit fortement au concile de Trente contre les mœurs des ecclésiastiques, il fut interrompu par l’évêque d’Orviette, qui dit avec mépris, gallus cantat, à quoi Danès repartit, utinam ad galli cantum Petrus resipisceret.

Les Spartiates sont les peuples les plus célebres en réponses héroïques, je n’en citerai qu’une seule. Philippe étant entré à main armée dans le Péloponnese, dit aux Lacédémoniens que s’ils ne se rendoient pas à lui, ils n’auroient que des souffrances à attendre de leur résistance téméraire : « Eh, que peuvent souffrir ceux qui ne craignent pas la mort, lui repartit Damindas » ! Plutarque. (Le chevalier de Jaucourt.)

Réponse, s. f. (Jurisprud.) en terme de palais se dit de ce qui est repliqué verbalement à quelque interrogation, ou par écrit à quelque demande, dire ou autre procédure.

Réponse cathégorique, est celle qui se rapporte précisément à l’interrogation.

Réponses à causes d’appel sont les écritures que l’intimé fait en repliques à celles de l’appellant dans une instance appointée au conseil.

Réponse par crédit vel non, c’étoit une ancienne maniere de répondre de la part des témoins qui se contentoient de dire qu’ils croyoient ou ne croyoient pas telle chose ; l’article 36. de l’ordonnance de 1539 abroge ces sortes de réponses.

Réponses de droit, responsa prudentum, sont les décisions des anciens jurisconsultes, auxquels il étoit permis de répondre sur les questions qui leur étoient proposées.

Réponse à griefs, est une piece d’écriture que l’intimé fait contre les griefs fournis par l’appellant.

Réponse de vérité, est celle qui est précise & affirmative, & non faite par crédit vel non. Voyez l’ordonnance de Roussillon, article 6. (A)

Réponse, f. f. (Commerce.) engagement qu’on prend pour un autre de payer en la place une dette, ou l’acquitter d’une chose qu’il promet en cas qu’il ne l’exécute pas lui-même. On se sert plus ordinairement du mot de cautionnement. Voyez Cautionnement.

Réponse, lettre écrite d’après une autre qu’on a reçue, & qui a celle-ci pour objet : voilà ma lettre ; voilà sa réponse.