L’Encyclopédie/1re édition/RANCIDITÉ

La bibliothèque libre.
◄  RANCHER
RANÇON  ►

RANCIDITÉ, s. f. espece de corruption desagréable que les graisses & les substances huileuses contractent à la longue, & que la chaleur leur communique. Les médicamens huileux ne conviennent point en topiques sur les parties attaquées d’inflammation, parce que les huiles échauffées perdent leur caractere bienfaisant ; & au lieu de relâcher & d’adoucir, comme on se le propose, elles deviennent âcres & irritantes par rancidité. Willis a parlé de la rancidité dans son traité de la fermentation.

M. Quesnay, dans sa dissertation sur les vices des humeurs, imprimée à la tête du premier tome de l’académie royale de Chirurgie, met aussi la rancidité des humeurs du corps humain au nombre des effets que leur fermentation peut produire. Il se propose dans cet ouvrage important d’établir les principes physiques qui doivent servir de fondement à la doctrine de la suppuration, de la gangrène, des tumeurs, des plaies, des ulceres, & d’autres sujets de Chirurgie. Les humeurs sont infectées, & les solides diversement irrités par les corpuscules viciés qui sont l’effet des différentes dépravations qu’une portion des fluides contractent. Le lait, par exemple, qui se déprave dans l’estomac, y devient rance & amer. On voit des preuves de l’infection & de la malignité qu’il cause, dans les fievres considérables produites par cette dépravation. Suivant l’opinion commune, le lait est susceptible de s’aigrir par une fermentation acéteuse ; & l’on croit que la plûpart des maladies des enfans viennent d’acides fournis par un lait aigri dans les premieres voies ; mais ne peuvent-elles pas venir plûtôt de la partie butireuse du lait qui devient rance, ou comme l’on dit vulgairement, d’un lait qui tourne en bile ? Il est évident, dit M. Quesnay, que la malignité de cette derniere sorte de fermentation, dont les matieres grasses sont susceptibles, est bien plus malfaisante que celle de la fermentation acescente. La disposition que les matieres devenues rances ont à se corrompre, doit rendre ces matieres plus redoutables, que celles que la fermentation auroit rendues acides ou vineuses ; celles-ci peuvent être avantageuses pour donner de la durée aux humeurs, dans les cas où l’action excessive des vaisseaux les détruiroit trop promptement. Il n’en est pas de même des matieres devenues rances : la partie grasse ou huileuse de ces matieres, qui domine sur les sels acides, & qui empêche que la fermentation ne puisse développer ces sels, rend ces matieres fort susceptibles de pourriture ; ainsi on doit remarquer que les mauvais effets de ces matieres dépend plus de la pourriture qui survient, que de la dépravation qu’elles avoient contractée d’abord par la fermentation. Plus on cherchera à s’instruire sur la théorie & sur la pratique de la Chirurgie, plus on sentira l’utilité de ces connoissances pour aider directement ou indirectement à l’intelligence de plusieurs points de doctrine qui concernent cet art ; & sur-tout pour éclaircir ce qui regarde les tumeurs graisseuses, les hernies épiploïques qui s’enflamment & suppurent ; les tumeurs froides formées par des sucs muqueux & gélatineux, qui ne sont pas susceptibles de putréfaction, & qui se corrompent par rancidité. Voyez Scrophule. (Y)