L’Encyclopédie/1re édition/REBUS

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REBUS, s. m. (Littér.) jeu d’esprit assez insipide qui consiste à employer, pour exprimer des mots, des images des choses & des syllabes détachées, ou des portions de mots. Telle est la devise de l’écu de la maison de Savoie Raconis, qui porte dans ses armes des choux, cabus, & pour mot ceux-ci tout n’est, ce qui joint avec les choux, signifie tout n’est qu’abus ; ou celui-ci ainsi figuré :

Deus gratiam denegat
nus nam bis

qui en ajoutant à chaque mot de la premiere ligne super, pour exprimer qu’ils sont au-dessus des monosyllabes de la seconde, signifie, Deus supernus, gratiam supernam denegat superbis.

On fait honneur de l’invention des rebus aux Picards, c’est pourquoi l’on dit communément rebus de Picardie.

Leur origine vient, selon Ménage, de ce qu’autrefois les ecclésiastiques de Picardie faisoient tous les ans, au carnaval, certaines satyres qu’ils appelloient de rebus quæ geruntur, & qui consistoient en plaisanteries sur les aventures & les intrigues arrivées dans les villes, & où ils faisoient grand usage de ces allusions équivoques, mais qui furent ensuite prohibées comme des libelles scandaleux.

Marot, dans son coq-à-l’âne, a dit qu’en rébus de Picardie, par une étrille, une faux & un veau, il faut entendre étrille Fauveau.

On faisoit autrefois grand cas des rébus, & il n’y avoit personne qui ne voulût en imaginer quelqu’un pour désigner son nom. Le sieur des Accords a fait un recueil des plus fameux rébus de Picardie. On est revenu de ce goût, & les rébus ne se trouvent plus que sur les écrans & quelquefois sur les enseignes ; comme pour dire à l’assurance, on peint un A sur une anse.

Cependant on trouve dans l’antiquité quelques traces des rébus, & même dans le siecle d’Auguste. Cicéron, dans sa dédicace aux dieux, inscrit son nom par ces mots, Marcus Tullius, & au bout une espece de petit pois, que les Latins appelloient cicer, & que nous nommons pois chiche. Jules-César fit représenter sur quelques-unes de ses monnoies un éléphant, qu’on appelloit César en Mauritanie. On raconte aussi que Lucius Aquilius Florus & Voconius Vitulus, tous deux préfets de la monnoie dans le même siecle, firent graver sur le revers des especes, le premier une fleur, & l’autre un veau. A moins qu’on ne dise que c’est-là l’origine des armes parlantes.

On pourroit encore annoblir davantage les rébus en en cherchant les fondemens jusques dans les hiéroglyphes des Egyptiens ; mais ce seroit prodiguer de l’érudition mal-à-propos.