L’Encyclopédie/1re édition/RECOMPENSE

La bibliothèque libre.
RECOMPOSER  ►

RECOMPENSE, s. f. prix accordé pour quelque action qu’on juge bonne & utile. Dans la croiance des Chrétiens, & même des Déistes, il y a des châtimens & des recompenses à venir. Il y a des philosophes qui nient l’immortalité de l’ame & la vie future, admettant l’existence de Dieu, parce que la vertu, selon eux, est suffisamment recompensée par elle-même, & le vice suffisamment puni dès ce monde-ci. Ils croyent que la loi qui anéantit les êtres sans retour, est universelle & s’exécute sur l’homme, ainsi que sur tous les autres animaux. Rien ne dégoute plus de bien faire, que les récompenses mal placées. Quelle bizarrerie dans nos lois ! Tous les crimes ont leur punition ; aucune vertu n’a sa recompense ; comme si les citoyens n’avoient pas autant de besoin d’être encouragés à la vertu, qu’effrayés du vice. En cela les Chinois sont plus sages que nous. On dit, pourquoi vous recompenser ? Vous avez fait votre devoir. Mais ne m’en a-t-il rien coûté pour faire ce devoir ?

Recompenses militaires, (Hist. anc.) prix ou marques d’honneur accordés par l’état aux guerriers, en reconnoissance de leur bravoure. On peut les distinguer chez les anciens en deux especes générales, savoir en recompenses honorables, & en recompenses lucratives.

Les premieres étoient celles auxquelles les peuples avoient attaché des idées de gloire, & qui étoient moins précieuses par les marques de distinction prises en elles-mêmes, que par la réputation qu’elles procuroient. De ce genre étoient chez les Grecs, les statues, les inscriptions, &c. & chez les Romains, les différentes couronnes & l’honneur du triomphe. Voyez Couronne & Triomphe.

Les recompenses lucratives étoient, ou des sommes d’argent, ou des terres conquises distribuées aux vieux soldats, ou des pensions données après leur mort à leurs femmes & à leurs enfans. Cette distinction supposée, il est facile de l’appliquer aux différens genres de recompenses militaires usitées chez les anciens.

Les Grecs pour exciter l’émulation & l’amour de la gloire, avoient imaginé grand nombre de ces distinctions flateuses, dont les hommes sont toujours avides : une statue, une inscription honorable sur son tombeau, engageoient un citoyen à se sacrifier pour la patrie. A Athènes on exposoit pendant trois jours les ossemens de ceux qui avoient été tués dans le combat, & chacun s’empressoit à leur venir jetter des fleurs, offrir de l’encens & des parfums ; on les ensevelissoit ensuite avec pompe dans autant de cercueils qu’il y avoit de tribus dans la république, & avec un concours infini de peuple. Enfin quelques jours après un citoyen ou un orateur des plus qualifiés d’Athènes prononçoit publiquement leur oraison funebre.

Outre cela la république nourrissoit les veuves de ces illustres morts, lorsqu’elles étoient dans le besoin, faisoit élever leurs enfans jusqu’à ce qu’ils fussent parvenus à l’adolescence, & alors on les renvoyoit chez eux avec cette cérémonie singuliere. Pendant les fêtes de Bacchus, un héraut les produisoit sur le théâtre, couverts d’une armure complette, & les renvoyoit avec cette formule qu’il prononçoit, & qu’Eschine nous a conservée. « Ces jeunes orphelins, à qui une mort prématurée avoit ravi au milieu des hasards leurs peres illustres par des exploits guerriers, ont retrouvé dans le peuple un pere qui a pris soin d’eux jusqu’à la fin de leur enfance. Maintenant il les renvoye armés de pié en cap, vacquer sous d’heureux auspices à leurs affaires, & les convie de mériter chacun à l’envi les premieres places dans la république. »

Ceux qui survivoient aux dangers de la guerre, & qui avoient rendu des services importans à l’état, étoient honorés d’une couronne dans l’assemblée du peuple ; elle étoit d’abord d’un olivier sacré qu’on conservoit dans la citadelle, ensuite on décerna des couronnes d’or. Souvent ils étoient nourris aux dépens du public dans le pritanée, & souvent aussi gratifiés d’une certaine quantité de terres dans les colonies.

Les Romains employerent à-peu-près les mêmes recompenses, comme on peut voir au mot Couronne. Mais ils avoient, outre cela, pour les généraux, les honneurs du grand & du petit triomphe, distinctions que les Grecs n’accorderent jamais à leurs plus grands hommes. D’ailleurs les généraux eux-mêmes faisoient à leurs soldats des distributions de blés, & même de terres, comme Sylla en donna aux siens, ou des largesses pécuniaires ; ainsi César donna deux cens mille sesterces au centurion Sceva, qui dans une action avoit reçu deux cens trente fleches sur son bouclier. Le congé absolu étoit toujours accompagné, ou d’un établissement dans les colonies, ou sous les empereurs, d’une espece de pension, qui étoit régulierement payée aux vétérans sur le trésor public pour leur subsistance. Outre cela les promotions à des grades supérieurs pour les officiers subalternes, les couronnes d’or, & le titre d’imperator déférés aux généraux, étoient de puissans aiguillons pour les faire voler à la gloire.

Récompense, (Jurisprud.) est une indemnité que l’on donne à quelqu’un pour lui tenir lieu de quelqu’autre chose qu’il devoit avoir.

La récompense en fait de communauté, est l’indemnité qui est due à un des conjoints, pour l’autre qui a profité des deniers de la communauté.

Cette indemnité a lieu, lorsqu’un des conjoints a fait des deniers de la communauté, quelques impenses ou améliorations sur ses propres, ou qu’il a racheté quelque rente qu’il devoit de son chef : dans ces cas & autres semblables, celui qui a profité des deniers de la communauté, doit récompense à l’autre conjoint ou à ses héritiers, conformément aux articles 232 & 234 de la coutume de Paris ; autrement il dépendroit des conjoints de s’avantager l’un ou l’autre indirectement, aux dépens de la communauté, ou même de leurs propres biens.

Quand la femme ou ses héritiers renoncent à la communauté, ils ne peuvent demander de récompense au mari pour ce qu’il a tiré à son profit de la communauté, ils ne peuvent demander que le remploi de leurs propres s’il y en a eu d’aliénés.

Mais pour les impenses & améliorations faites sur les propres de la femme, la récompense en est toujours due au mari, quand même la femme renonceroit à la communauté.

Il y a une autre sorte de récompense ou indemnité qui est due par le frere aîné à ses puînés, quand il retient tout l’enclos ou jardin joignant le château ou manoir qui contient plus d’un arpent de terre. Cette récompense doit être fournie en terres du même fief, quand il y en a, sinon en d’autres terres ou héritages de la même succession, à la commodité des puînés, le plus que faire se peut, au dire de prudhommes, ainsi qu’il est porté par l’article 13 de la coutume de Paris.

Celle d’Etampes, art. 10, porte, qu’à défaut d’héritages, la récompense sera fournie en deniers ou autrement ; que pour raison de ce, il n’est dû au seigneur aucun quint ni rachat.

Il est encore dû une autre sorte de récompense au légataire, lorsque le testateur lui ayant laissé plus que le quint des propres, l’héritier ne veut lui abandonner que le quint, & que cet héritier trouve dans la succession d’autres biens libres en meubles & acquêts ; mais s’il n’y avoit pas d’autres biens, le légataire n’auroit point de récompense à prétendre. Voyez Communauté, Propres, Remploi, Préciput, Legs, Quint des propres. (A)