L’Encyclopédie/1re édition/REGRÈS

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REGRÈS, s. m. (Jurisprud.) en matiere bénéficiale, c’est le retour à un bénéfice que l’on a permuté ou résigné.

Le canon quoniam, qui est du pape Nicolas, causâ 7. quest. j. nous apprend qu’autrefois l’Eglise désaprouvoit fort ces sortes de regrès ; & c’étoit de-là que l’Eglise rejettoit aussi alors toutes les démissions ou les résignations qui se faisoient par les titulaires, dans l’espérance qu’ils avoient de rentrer dans leur bénéfice.

Dans la suite, il a été admis par l’Eglise en certains cas, & singulierement en faveur de ceux qui ont résigné étant malades.

Cependant en France, les regrès n’étoient point admis anciennement lorsque la résignation avoit eu son plein & entier effet en faveur du résignataire.

Cette jurisprudence ne changea que du tems de Henri II. à l’occasion du Sr Benoît, curé des SS. Innocens, qui avoit résigné au nommé Semelle son vicaire ladite cure, & celle de Pouilly diocèse de Sens, lequel n’avoit payé ce bienfait que d’ingratitude. Henri II. ayant pris connoissance de cette affaire, rendit un arrêt en son conseil le 29 Avril 1558, par lequel ledit Semelle fut condamné à remettre les deux bénéfices ès mains de l’ordinaire, pour les conférer & remettre audit Benoît ; & il fut dit que cet arrêt seroit publié & enregistré dans toutes les cours, pour servir de loi sur cette matiere.

Depuis ce tems, le regrès est admis parmi nous, & l’on en distingue de trois sortes.

Le premier est le regrès tacite, qui a lieu en cas de permutation & de résignation. Quand on ne peut pas jouir du bénéfice donné par le copermutant, on rentre dans le sien de plein droit, sans qu’il soit besoin de nouvelles provisions.

Le second est le regrès que l’on admet humanitatis causâ, comme dans le cas d’une résignation faite in extremis. Ces sortes de résignations sont toujours réputées conditionnelles.

On regarde aussi comme telles celles que l’on fait dans la crainte d’une mort civile de celui qui est fondé sur la clause non aliter, non alias, non alio modo.

Dans le cas d’une résignation faite in extremis, le résignant revenu en santé est admis au regrès, quoique le résignataire ait obtenu des provisions, & même qu’il ait pris possession, & soit entré en jouissance.

Au grand-conseil, la maladie du résignant n’est pas regardée comme un moyen pour être admis en regrès, à-moins que le résignant ne prouve qu’il étoit en démence, ou qu’il a résigné par force ou par crainte, ou parce qu’il a cédé aux importunités du résignataire.

La réserve d’une pension n’empêche pas le regrès, à-moins que la pension ne soit suffisante, ou qu’il n’y ait des circonstances de fraude.

La minorité seule n’est pas un moyen pour parvenir au regrès, puisque les bénéficiers mineurs sont réputés majeurs à l’égard de leur bénéfice. Mais les mineurs sont admis au regrès, quand ils ont été induits à résigner par dol & par fraude, & que la résignation a été faite en faveur de personnes suspectes & prohibées. Dumoulin tient même que dans cette matiere les mineurs n’ont pas besoin de lettres de restitution en entier, & que la résignation est nulle de plein droit.

Les majeurs même sont aussi admis au regrès, quand ils ont été dépouillés par force, crainte ou dol.

Le novice qui rentre dans le monde après avoir résigné, rentre aussi dans son bénéfice.

Le résignant revenu en santé qui use du regrès, n’a pas besoin de prendre de nouvelles provisions, nonobstant l’édit du contrôle qui ordonne d’en prendre, l’usage contraire ayant prévalu.

Le regrès dans le cas où il est admis, a lieu quand même le résignataire auroit pris possession réelle & actuelle du bénéfice résigné, & qu’il en auroit joui paisiblement pendant quelque tems, il auroit même encore lieu, quoique le bénéfice eût passé à un second ou troisieme résignataire.

Mais si le résignataire avoit joui paisiblement pendant trois ans depuis que le résignant est revenu en santé, cette possession triennale empêcheroit le regrès, il suffiroit même pour cela qu’il y eût un an de silence du résignant depuis sa convalescence, ou quelque autre approbation de la résignation.

Celui qui a su l’indignité de son résignataire ne peut ni rentrer dans son bénéfice, ni exiger la pension qu’il s’étoit réservée.

Quoique le regrès soit une voie de droit, ce sont de ces choses qu’il n’est pas convenable de prévoir ni de stipuler, de sorte que la résignation seroit vicieuse, si la condition du regrès y étoit exprimée.

Pour parvenir au regrès, il faut présenter requête au juge royal, & y joindre les pieces justificatives des causes sur lesquelles on fonde le regrès.

Le résignant peut faire interroger sur faits & articles son résignataire, ou demander à faire entendre des témoins quand il y a un commencement de preuve par écrit. Voyez Ferret, Pastor, Dumolin. A.