L’Encyclopédie/1re édition/SÉMI-PÉLAGIENS, ou DEMI-PÉLAGIENS

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SÉMI-PÉLAGIENS, ou DEMI-PÉLAGIENS, s. m. pl. (Hist. eccl.) Pélagiens mitigés, hérétiques qui rejettant les erreurs les plus grossieres des Pélagiens, retenoient quelques-uns de leurs principes. Voyez Pélagiens.

Saint Prosper dans une lettre à saint Augustin, les appelle reliquias Pelagii, les restes de Pélage.

Plusieurs savans hommes dans les Gaules, faute de bien prendre le sens de saint Augustin sur la grace, tomberent dans le sémi-pélagianisme. On les appella Massiliens, ou prêtres de Marseille, parce que ce fut en cette ville que leurs opinions prirent naissance. Cassien qui avoit été diacre de Constantinople, & qui fut ensuite prêtre à Marseille, étoit le chef des Sémi-Pélagiens. Saint Prosper qui étoit son contemporain, & qui écrivit avec force contre lui, dit que Cassien voulant garder je ne sais quel milieu entre les Pélagiens & les orthodoxes, ne s’accordoit ni avec les uns ni avec les autres. On en va juger par l’exposition du Sémi-Pélagianisme.

Ces hérétiques reconnoissoient premierement la chûte d’Adam, le péché originel, & en conséquence l’affoiblissement de la liberté ; mais ils prétendoient que le péché ne lui avoit pas tellement donné atteinte, que l’homme ne pût faire de lui-même & par ses propres forces, quelque chose qui engageât Dieu à lui donner sa grace plutôt qu’à un autre homme. Ils pensoient donc que la grace n’étoit pas nécessaire pour le commencement du salut ; & par le commencement du salut, ils entendoient la foi soit commencée, soit parfaite, le desir du salut, & la priere qui obtient la grace. Credere quæ de medico prædicantur, desiderare sanitatem & ejus auxilium implorare. Cassien dans sa treizieme conférence, attribuoit ces trois choses aux seules forces de l’homme.

2°. Ils admettoient la nécessité de la grace pour les bonnes œuvres & pour la persévérance dans ces bonnes œuvres. Les uns n’en exceptoient que le commencement du salut ; & ce qu’ils appelloient le pieux mouvement qui les portoit à croire, pium credulitatis affectum. Les autres prétendoient que non seulement la volonté de croire ou le commencement de la foi, mais même la volonté spéciale de faire telle ou telle bonne œuvre en particulier, ou ce qu’ils appelloient le commencement des bonnes œuvres, venoit de nous sans la grace.

3°. Ils enseignoient que la grace du salut n’étoit pas donnée par la pure volonté de Dieu, mais en conséquence de son éternelle prescience des mérites purement humains dans leur principe ; prescience qui déterminoit Dieu à accorder la grace à ceux qu’il prévoyoit devoir ainsi bien user de leur libre arbitre, & qu’ils étendoient jusqu’aux enfans, dont Dieu sauvoit les uns plutôt que les autres ; parce qu’il prévoyoit, disoient-ils, que les uns, s’ils étoient parvenus jusqu’à l’âge de raison, auroient mieux usé de leur libre arbitre que les autres.

4°. Ils admettoient en Dieu une volonté générale & égale de sauver tous les hommes sans discernement, & que Jesus-Christ n’avoit pas répandu son sang sur la croix plus spécialement pour les élus que pour les autres hommes.

5°. Ils erroient sur la prédestination, en prétendant qu’elle dépendoit de notre persévérance, fondée sur la prévision de nos mérites commencés par les seules forces de la nature, & que Dieu n’avoit point fait de decret pour sauver quelques-unes de ses créatures préférablement à d’autres ; mais qu’il vouloit toutes également les sauver, pourvu qu’elles-mêmes le voulussent.

Jansénius a mis au nombre des erreurs des Pélagiens d’avoir admis une grace à laquelle la volonté peut accorder ou refuser son consentement ; & dans cette imputation, il est lui-même tombé dans l’erreur, & l’Eglise a condamné sa cinquieme proposition qui la renferme. Voyez Jansénisme.