L’Encyclopédie/1re édition/SAINT-PIERRE de Rome

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SAINT-PIERRE de Rome, (Architect. mod.) De l’aveu de toutes les nations, ce temple principal de Rome moderne est le plus beau, le plus vaste, & le plus hardi qui soit dans le monde. Dix papes de suite contribuerent à l’achevement de la basilique de Saint Pierre.

Jules II. sous qui la Peinture & l’Architecture commencerent à prendre de si nobles accroissemens, voulut que Rome eût un temple qui surpassât de beaucoup Sainte-Sophie de Constantinople. Il eut, dit M. de Voltaire, le courage d’entreprendre ce qu’il ne pouvoit jamais voir finir. Léon X. suivit ardemment ce beau projet. Il falloit beaucoup d’argent, & ses magnificences avoient épuisé son trésor. Il n’est point de chrétien qui n’eût dû contribuer à élever cette merveille de la métropole de l’Europe ; mais l’argent destiné aux ouvrages publics ne s’arrache jamais que par force ou par adresse. Léon X. eut recours, s’il est permis de se servir de cette expression, à une des clés de S. Pierre, avec laquelle on avoit ouvert les coffres des chrétiens pour remplir ceux du pape ; il prétexta une guerre contre les Turcs, & fit vendre des indulgences dans toute la chrétienté, à dessein d’en employer le produit à la construction de son nouveau temple.

Le plus singulier de cette basilique, c’est qu’en y entrant on n’y trouve rien d’abord qui surprenne à un certain point : la symmétrie & les proportions y sont si bien gardées, toutes les parties y sont placées avec tant de justesse, que cet arrangement laisse l’esprit tranquille ; mais quand on vient à détailler les beautés de cet admirable édifice, il paroît alors dans toute sa magnificence. En voici seulement les principales dimensions.

Sa longueur est de 594 piés, sans compter le portique ni l’épaisseur des murs. La longueur de la croix est de 438 piés ; le dôme a 143 piés de diametre en-dedans ; la nef a 86 piés 8 pouces de largeur, & 144 de hauteur perpendiculaire ; la façade a 400 piés de profil : du pavé de l’église au haut de la croix qui surmonte la boule du dôme, on compte 432 piés d’Angleterre. Le portail est digne de la majesté du temple.

Ce sont d’abord plusieurs gros piliers qui soutiennent une vaste tribune ; ces piliers forment sept arcades qui sont appuyées de marbre violet d’ordre ionique : le devant de la tribune est aussi orné de colonnes, & d’une balustrade de marbre ; au-dessus sont des fenêtres quarrées qui font un fort bel effet ; & le tout est terminé par une balustrade sur laquelle on a placé la statue de Notre-Seigneur & celles des douze apôtres, qui ont 18 piés de haut.

La coupole est sans doute l’objet de ce temple le plus digne de nos regards : il ne restoit dans le monde que trois monumens antiques de ce genre ; une partie du dôme du temple de Minerve dans Athenes, celui du Panthéon à Rome, & celui de la grande mosquée à Constantinople, autrefois Sainte-Sophie, ouvrage de Justinien. Mais ces coupoles assez élevées dans l’intérieur, étoient trop écrasées au-dehors. Le Bruncleschi, qui rétablit l’Architecture en Italie au xjv. siecle, remédia à ce défaut par un coup de l’art, en établissant deux coupoles l’une sur l’autre dans la cathédrale de Florence ; mais ces coupoles tenoient encore un peu du gothique, & n’étoient pas dans les nobles proportions. Michel-Ange Buonaroti, donna le dessein des deux dômes de Saint-Pierre, & Sixte-Quint exécuta en vingt-deux mois cet ouvrage dont rien n’approche.

Toute la voute est peinte en mosaïque par les plus grands maîtres. Ce dôme est soutenu par quatre gros piliers, au bas desquels on a placé quatre statues de marbre blanc plus grandes que nature.

Urbain VIII. a fait construire pour sa part le grand autel de marbre de ce temple, dont les colonnes & les ornemens paroîtroient par-tout ailleurs des ouvrages immenses, & qui n’ont là qu’une juste proportion : c’est le chef-d’œuvre du Bernini, digne compatriote de Michel-Ange.

Le grand autel dont nous parlons est directement sous le dôme : quatre colonnes de bronze torses, ornées de festons, soutiennent un baldaquin de métal ; quatre anges de même matiere plus grands que nature, posés sur chaque colonne ; & plusieurs petits anges distribués sur la corniche, donnent une majesté singuliere à cet autel.

La confession de Saint-Pierre, qu’on suppose l’endroit où cet apôtre a été enterré, est directement dessous : ce lieu, qui est interdit aux femmes, est tout revêtu de marbre, & magnifiquement décoré.

Tout reluit d’or & d’azur dans Saint-Pierre de Rome ; tous les piliers sont revêtus du marbre le plus poli ; toutes les voûtes sont de stuc à compartimens dorés.

On trouve dans ce lieu des morceaux de peinture des plus grands maîtres. Le cavalier Lanfrant a peint la voûte de la premiere chapelle. On voit dans la seconde un saint Sébastien du Dominiquain. Dans la chapelle du saint Sacrement est un tableau de la Trinité de Pierre Cortone, &c.

Les morceaux de sculpture surpassent peut-être tout le reste : le plus considérable est la chaire de S. Pierre. Cette chaire, qui n’est que de bois, est enchâssée dans une autre chaire de bronze doré, environnée de rayons, & soutenue par les quatre docteurs cardinaux de l’Eglise, saint Ambroise, saint Jérôme, saint Augustin, & saint Grégoire, dont les statues plus grandes que nature, sont posées sur des piédestaux de marbre. Le dessein de ce bel ouvrage est encore du cavalier Bernin. Aux deux côtés de la chaire de S. Pierre sont deux superbes mausolées, l’un d’Urbain VIII. & l’autre de Paul III. (D. J.)