L’Encyclopédie/1re édition/SAKÉA

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SAKÉA, s. f. (Antiq. persanes.) fête considérable des Cappadociens, qui se célébroit à Zéla & dans la Cappadoce avec grand appareil, en mémoire de l’expulsion des Sagues ; c’est le nom que les Persans donnoient aux Scythes. On solemnisoit la même fête en Perse, dans tous les lieux où l’on avoit reçu le culte d’Anaïtis ; on donnoit ce jour-là de grands repas, dans lesquels les hommes & les femmes croyoient honorer la déesse en buvant sans ménagement. Ctésias, Hist. de Perse, liv. II. a parlé du sakéa des Persans, & Béroze appelle de même les saturnanales qui se célébroient à Babylone le 16 du mois Loüs ; dans cette fête on donnoit le nom de zoquane à l’esclave qui y faisoit le personnage de roi.

Dion Chrysostome, ort. iv. de reg. parle vraissemblablement de la même fête qu’il appelle la fête des sacs : « Ne vous souvenez-vous pas, dit-il, de la fête des sacs que les Perses célebrent, & dans laquelle ils prennent un homme condamné à mort, le mettent sur le trône du roi, & après lui avoir fait goûter toutes sortes de plaisirs, le dépouillent de ses habits royaux, lui font donner le fouet, & le pendent ».

Mais Strabon est celui de tous les anciens qui paroit nous ramener à la véritable origine de cette fête, & nous apprendre en même tems à quelle divinité elle étoit consacrée ; or comme il devoit être très-instruit des coutumes & de la religion des peuples qui célébroient cette solemnité, étant né en Cappadoce ; je vais rapporter ce qu’il en dit. « Parmi les Scythes qui occupoient les environs de la mer Caspienne, il y en avoit que l’on nommoit Sakéa ou Saques ; ces Saques faisoient des courses dans la Perse, & pénétroient quelquefois si avant dans le pays, qu’ils allerent jusques dans la Bactriane & dans l’Arménie, & se rendirent maîtres d’une partie de cette province, qu’ils appellerent de leur nom Sakasene, d’où ensuite ils s’avancerent dans la Cappadoce, qui confine le Pont-Euxin. Un jour qu’ils célébroient une fête, le roi de Perse les ayant attaqués, les défit à plate couture. Pour éterniser la mémoire de cette victoire, les Perses éleverent un monceau de terre sur une pierre, dont ils formerent une petite montagne, qu’ils environnerent de murailles, & bâtirent dans l’enceinte un temple, qu’ils consacrerent à la déesse Anaïtis, & aux dieux Amanus & Anaudratus, qui sont les génies des Perses, & établirent en leur honneur une fête appellée saka, qui se célebre encore par ceux qui habitent le pays de Zéla, car c’est ainsi qu’ils nomment ce lieu ». (D. J.)