L’Encyclopédie/1re édition/SALEP, SALOP et SULAP

La bibliothèque libre.
SALER  ►

SALEP, SALOP & SULAP, s. m. (Diete & Mat. méd.) racine ou bulbe farineuse, ou, pour mieux dire, gommeuse, dont la substance est entierement soluble dans la salive & dans les liqueurs aqueuses, qui est inodore, qui n’a d’autre saveur que celle des gommes & des mucilages, qui est fort en usage chez les Turcs, & dont on commence à se servir aussi à Paris. Voici ce qu’en dit M. Geoffroi le cadet dans un des mémoires de l’académie royale de Sciences pour l’année 1740.

On a découvert, en examinant avec attention le salep des Turcs, que c’étoit la bulbe d’une espece d’orchis ou satyrion. C’est une racine blanche ou roussâtre, selon qu’elle est plus ou moins récente. Les Orientaux nous l’envoient transparente avec un fil de coton. Elle est en usage pour rétablir les forces épuisées ; c’est un restaurant pour les phtisiques ; & on la donne avec succès dans les dissenteries bilieuses, selon Degnerus, qui a publié deux dissertations sur cette maladie, & qui se servoit du salep des Turcs comme d’un remede, pour ainsi dire, spécifique. Le même académicien a réussi à mettre les bulbes de nos orchis dans le même état que le salep, à imiter parfaitement cette préparation, dont les moyens sont inconnus. Voyez à l’article Satyrion, comme M. Geoffroi s’y est pris.

Quant à la maniere de se servir du salep, voici ce qui en est dit dans une lettre sur cette drogue, que le sieur Andri, droguiste de Paris, a fait mettre au journal de Médecine, Septembre 1759. Suivant Albert Seba, les Chinois & les Persans en prennent la poudre, à la dose d’un gros, deux fois le jour dans du vin ou du chocolat.

Le pere Serici nous apprend que les Indiens en prennent une once le soir à l’eau & avec du sucre ; mais la plus saine partie, ainsi que l’européen, le prend au lait, à la dose d’une demi-once ; on le pulvérise dans un mortier, & on fait bouillir cette farine dans du lait avec du sucre pendant un demi-quart d’heure ; il en résulte une bouillie agréable, avec laquelle on fait son dejeuner ; on peut y mettre quelques gouttes d’eau rose ou de fleurs d’orange.

Degnerus a donné une préparation un peu plus détaillée de ce remede. On fait infuser un gros de cette racine réduite en poudre très-fine, dans huit onces d’eau chaude ; on la fait dissoudre à une douce chaleur, on la passe ensuite dans un linge pour la purifier des petites ordures qui pourroient s’y être jointes ; la colature reçue dans un vase, se congele, & forme une gelée mucilagineuse très-agréable : on en donne au malade de deux heures en deux heures, & de trois heures en trois heures une demi-cuillerée, une cuillerée entiere, plus ou moins, suivant l’exigence des cas.

Cette préparation dictée par Degnerus paroît la meilleure, sur-tout quand on ne veut point faire une bouillie, mais qu’on veut donner ce remede dans quelque véhicule liquide, comme dans l’eau simple, dans du vin, dans de la tisane ; la gelée s’y étendra beaucoup mieux que la poudre : on prend, par exemple, le poids de vingt-quatre grains de cette poudre qu’on humecte peu-à-peu d’eau bouillante ; la poudre s’y fond entierement, & forme un mucilage qu’on étend par ébullition dans une chopine ou trois demi-septiers d’eau ; on est maître de rendre cette boisson plus agréable en y ajoutant du sucre, ou quelques légers parfums, ou quelques sirops convenables à la maladie, comme le sirop de capillaire, de pavot, de citron, d’épine-vinette, &c. On peut aussi couper cette boisson avec moitié de lait, ou en mêler la poudre, à la dose d’un gros, dans un bouillon. (b)