L’Encyclopédie/1re édition/SANG-DRAGON

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répand promptement de la langue à toute la bouche, mais qui disparoît aussi-tôt.

Les Orientaux, les Malayes & les peuples de l’île de Java, tirent le suc résineux du fruit de cet arbre de la maniere suivante, selon le rapport de Kaempfer. On place les fruits sur une claie posée sur un grand vaisseau de terre, lequel est rempli d’eau jusqu’à moitié ; on met sur le feu ce vaisseau légerement couvert, afin que la vapeur de l’eau bouillante amollisse le fruit, & le rende flasque ; par ce moyen la matiere sanguine qui ne paroissoit pas dans ce fruit coupé, en sort par cette vapeur chaude, & se répand sur la superficie des fruits. On l’enleve avec de petits bâtons, & on la renferme dans des follicules faites de feuilles de roseau pliées, qu’on lie ensuite avec un fil, & que l’on expose à l’air, jusqu’à ce qu’elle soit desséchée.

D’autres obtiennent ce suc résineux par la simple décoction du fruit ; ils le cuisent jusqu’à ce que l’eau en ait tiré tout le suc rouge ; ils jettent ensuite le fruit, & ils font évaporer cette eau jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un suc épais qu’ils renferment dans des follicules.

La troisieme espece de sang-dragon est nommée, dans Hermandiez, 59. ezqua-hailt, seu sanguinis arbor ; c’est un arbre qui a les feuilles de bouillon-blanc, grandes & anguleuses ; il en découle par incision une liqueur rouge, dite sang-dragon.

La quatrieme espece s’appelle draco arbor, indica, filiquosa, populi folio, angsana Javanensibus, comme le Hort. Amst. rarior, 213. C’est un grand arbre qui croît dans Java, & même dans la ville de Batavia ; son bois est dur, & son écorce rougeâtre. Ses feuilles sont placées sans ordre, portées par des queues longues & grêles ; elles sont semblables aux feuilles du peuplier, mais plus petites, longues de deux pouces, larges à peine d’un pouce & demi, pointues, molles, lisses, luisantes, d’un verd-gai qui tire sur le jaune ; d’un goût insipide. Ses fleurs sont petites, jaunâtres, odorantes, un peu ameres ; ses fruits portés par de longs pédicules, sont d’une couleur cendrée, durs, ronds, applatis, cependant convexes des deux côtés dans leur milieu ; membraneux à leur bord, garnis de petites côtes saillantes. Chaque fruit contient deux ou trois graines oblongues, recourbées, rougeâtres, lisses, luisantes, ressemblantes un peu de figure à des petits haricots. Quand on fait une incision au tronc, ou aux branches de cet arbre, il en découle une liqueur qui se condense aussi-tôt en des larmes rouges, que l’on nous apporte en globules enveloppées dans du jonc.

Il seroit bien difficile de dire en quoi consiste la différence des sucs que l’on tire de ces différentes plantes, si toutefois il y a quelque différence ; car on ne distingue point la variété de ces sucs dans les résines seches qu’on nous envoie ; ce qu’il y a de sûr, c’est que le vrai sang-dragon ne se dissout point dans l’eau, mais dans l’esprit-de-vin & dans les substances huileuses. La fumée qu’il répand, lorsqu’on le brûle, est un peu acide, comme celle du benjoin ; c’est une résine composée de beaucoup d’huile grossiere, & d’un sel acide mêlés ensemble ; elle contient peu de parties volatiles huileuses, comme on peut le conclure de ce qu’elle n’a ni goût, ni odeur. On donne au sang-dragon une vertu incrassante & dessicative, & on l’emploie intérieurement, à la dose d’une drachme, pour la dissenterie, les hémorrhagies, les flux de ventre & les ulceres internes. On s’en sert extérieurement pour dessécher les ulceres, agglutiner les levres des plaies, & fortifier les gencives. Les Peintres le font entrer dans le vernis rouge, dont ils colorent les boîtes & coffres de la Chine. (D. J.)