L’Encyclopédie/1re édition/SARCOPHAGE

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SARCOPHAGE, s. m. (Antiq. grecq. & rom.) sarcophagus & sarcophagum, tombeau de pierre où l’on mettoit les morts que l’on ne vouloit pas brûler. C’est de-là que nous est venu le mot de cercueil, qu’on écrivoit autrefois selon son origine sarcueil. Sarcophagus dérive du grec, & signifie à la lettre qui mange de la chair, parce qu’on se servoit au commencement pour creuser des tombes, de certaines pierres qui consumoient promptement les corps. Les carrieres dont on les tiroit, étoient dans une ville de la Troade, appellée Assum. Dans quarante jours un corps y étoit entierement consumé, à l’exception des os. Cette pierre étoit semblable à une pierre-ponce rougeâtre, & avoit un goût salé ; on en faisoit des vases pour guérir de la goute en mettant les piés dedans, & ne les y laissant pas long-tems ; ce remede ridicule a eu son cours comme tant d’autres.

Les sarcophages étoient ouverts par le haut, & creusés en forme de cofre : il s’en faisoit de marbre, mais les plus communs étoient de terre cuite ou de tuile battue ; on en a trouvé quelques-uns longs de six piés & larges de deux, à sept lieues de Reims en Champagne, sur la riviere de Retourne, dans chacun desquels étoient étendus les os d’un homme mort, avec une épée, & près de leur épaule gauche un petit vase de terre plein d’une liqueur huileuse.

Les sarcophages de marbre sont ordinairement faits d’un seul morceau creusé à coups de ciseau ; l’ouverture est capable de contenir un ou deux corps. Le sarcophage décrit par Marlianus, & trouvé dans le lieu qu’on nomme la chapelle du roi de France à Rome, étoit magnifique. Il avoit huit piés & demi de long, cinq de large, & six de profondeur. On dit qu’on y avoit inhumé la femme de l’empereur Honorius avec des ornemens impériaux, qui produisirent quelques livres d’or lorsqu’ils furent brûlés. Il y avoit dans ce sarcophage des vaisseaux de crystal & d’agate, & plusieurs anneaux, outre une pierre précieuse, sur laquelle étoit gravée la tête d’Honorius. Voyez les inscriptions de Gruter.

Il faut rapporter aux sarcophages un coffre de marbre blanc, fait d’une seule piece, qui se voit dans l’église de saint Nicaise de la ville de Reims ; il a servi de tombeau à Jovinus, chef de la cavalerie & infanterie romaine, & vivant sous le regne des enfans de Constantin : Ammian Marcellin fait souvent mention de lui. Ce coffre est une des plus belles pieces de France en fait de sépulture antique. Il a sept piés de longueur, quatre de largeur, & autant de profondeur : il est taillé à plein relief dans sa face antérieure, & représente une chasse autrefois faite par un seigneur romain, que l’on voit à cheval lançant un javelot contre un lion déja transpercé d’un autre dard depuis la gorge jusqu’au côté gauche, où le fer lui sort entre deux côtes. Autour de ce personnage sont quelques figures à cheval. Il y a plusieurs bêtes mortes sculptées sur le champ, qui servent d’ornement à cet ouvrage.

C’est dans les sarcophages qu’on mettoit anciennement les os ou les corps des grands seigneurs. Cassiodore en parle en ces termes : Artis tuæ peritiâ delectati, quam in excavendis, atque ornandis marmoribus exerces, præsenti auctoritate concedimus ut te rationabiliter ordinante dispensentur arcæ quæ in Ravennati urbe ad recondenda funera distrahantur : quarum beneficio cadavera in supernis humœra sunt, lugentium non parva consolatio. C’est d’un sarcophage qui étoit sur la voie appienne, qu’on a tiré l’inscription suivante.

D. M. S.

C. Cærellio. C. F. Fab. Pulcheriano sabino
vix. An. LXXI. M. IIII. D. VIII. H. VII. C.
Cærellius. Raneus. Sabinus. sarcophagum fecit
marmoreum V I nonas Maii
M. Junio Sullano, & L. Norbano Balbo
Coss. H. M. D. M. A.

(D. J.)