L’Encyclopédie/1re édition/SARLAT

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SARLAT, (Géogr. mod.) ville de France dans le Périgord, à une lieue & demie de la rive droite de la Dordogne, à 10 lieues au sud-est de Périgueux, à 15 au nord-ouest de Cahors, à 125 de Paris. Il y a présidial, sénéchaussée, bailliage, élection, & un évêché d’un modique revenu ; il a été démembré de celui de Périgueux, suffragant de Bourdeaux, & fut érigé par le pape Jean XXII.

Cette ville doit son origine à une abbaye d’hommes, ordre de saint Benoît, fondée du tems de Charlemagne. Ses habitans sont très-pauvres, & n’ont d’autre commerce que l’huile de noix. Long. 18. 50. latit. 46. 6.

Trois gentilshommes, hommes de lettres, & c’est une chose rare dans ce royaume, MM. Amelin, de la Boëtie & de la Calprenede, sont nés à Sarlat.

Amelin (Jean d’) a composé une histoire de France, & a publié une traduction de quelques livres de Tite-Live sur les guerres puniques. Cette version n’est pas mauvaise, outre que l’auteur a eu soin d’y marquer à la marge le nom moderne des villes, des rivieres & des provinces. Il vivoit sous le regne d’Henri II.

Boëtie (Etienne de la) mort en 1563 à 33 ans, a laissé un traité curieux, intitulé de la servitude volontaire, ouvrage qu’il fit à l’âge de 18 ans ; tout le monde le connoît, car il est imprimé à la suite des œuvres de Montagne son intime ami.

Calprenede (Gautier de Coste sieur de la) naquit à deux lieues de Sarlat. Il servit d’abord cadet, ensuite officier dans le régiment des gardes, & devint enfin gentilhomme ordinaire du roi. Il mourut en 1661 d’un coup de tête que lui avoit donné son cheval, qu’il avoit relevé trop vivement dans un faux pas.

Il avoit dès sa jeunesse beaucoup de talens pour narrer agréablement. Aussi montoit-il assez volontiers étant cadet au régiment des gardes, dans la salle de l’appartement de la reine, où il débitoit plusieurs petites histoires agréables, qui attiroient du monde de l’un & l’autre sexe autour de lui. La reine se plaignant un jour à ses femmes de chambre de ce qu’elles ne se rendoient pas exactement à leur devoir, elles répondirent qu’il y avoit dans la premiere salle de son appartement, un jeune militaire qui contoit des histoires si amusantes, qu’on ne pouvoit se lasser de l’écouter. La reine voulut le voir, & elle fut si satisfaite de son esprit & de ses manieres, qu’elle lui donna une pension.

Il est auteur des tragédies de la mort de Mithridate, du comte d’Essex, de la mort des enfans d’Hérode, & de plusieurs autres. Elles eurent peu de succès. Le cardinal de Richelieu s’en étant fait lire une, dit que la piece étoit bonne, mais que les vers en étoient lâches. « Comment lâches ! s’écria la Calprenede, quand on lui rapporta la décision du cardinal ; cadedis, il n’y a rien de lâche dans la maison de la Calprenede ».

C’est à ses romans qu’il dut toute sa réputation dans le dernier siecle ; mais le nôtre ne la lui a pas confirmée. Le premier ouvrage qu’il publia en ce genre, est Cassandre : le second est Cléopatre, qu’il acheva en 1645. Le premier est plus intéressant, & le second plus varié pour les événemens. M. Despréaux cependant trouvoit que les caracteres s’y ressembloient trop, car c’est le roman de Cléopatre qu’il censure, quand il dit dans l’art poétique,

Souvent, sans y penser, un écrivain qui s’aime,
Forme tous ses héros semblables à soi-même ;
Tout a l’humeur gascone, en un auteur gascon ;
Calprenede & Juba parlent du même ton.

Il est certain que ces deux ouvrages sont écrits avec noblesse, mais avec beaucoup de négligence. Son dernier roman est Pharamond, dont il n’a travaillé que les sept premiers tomes. Comme il en vouloit faire son chef-d’œuvre, il le composoit à loisir. Il est en effet mieux écrit, & conduit avec plus d’art que les deux autres. Vaumoriere l’a fini, mais il s’en faut beaucoup que la fin vaille le commencement.

La tragédie de Mithridate de la Calprenede fut représentée pour la premiere fois, le jour des rois 1635. A la fin de la piece Mithridate prend une coupe empoisonnée, & après avoir délibéré quelque tems, il dit en avalant le poison : mais c’est trop différer… un plaisant du parterre acheva le vers, en criant à haute voix : le roi boit, le roi boit. (Le chevalier de Jaucourt.)