L’Encyclopédie/1re édition/SATISFACTION, CONTENTEMENT

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SATISFACTION, Contentement, (Gramm.) l’un de ces deux mots n’a point de pluriel, c’est celui de satisfaction ; & l’autre appliqué au monde désigne les plaisirs qui passent comme une ombre. L’auteur de la justesse de la langue, & M. l’abbé Girard, trouvent quelque différence entre ces deux mots ; selon eux la satisfaction est plus dans les passions, & le contentement dans le cœur : un homme inquiet, disent-ils, n’est jamais content ; un homme ambitieux n’est jamais satisfait. (D. J.)

Satisfaction, (Théolog.) satisfactio ; l’action de satisfaire, c’est-à-dire de réparer une injure ou de payer une dette.

Le terme de satisfaction dans sa signification naturelle, emporte avec soi l’une ou l’autre de ces idées. Un homme a contracté une dette, il la paye ; on dit qu’il a satisfait à son créancier. Une personne en offense une autre, ou l’outrage, soit de paroles, soit d’action ; elle répare ensuite cet outrage, soit par des excuses qu’elle fait à la personne lésée, soit par d’autres voies ; on dit également qu’elle a satisfait à celui qu’elle a outragé.

On distingue deux sortes de satisfaction ; l’une rigoureuse & proprement dite, l’autre non rigoureuse & improprement dite. On définit la premiere une réparation proportionnée à l’injure qu’on a faite, ou le payement d’une somme égale à celle qu’on a empruntée : par satisfaction non rigoureuse & improprement dite, on entend une réparation disproportionnée à la grandeur de l’injure qu’on a faite, mais dont néanmoins se contente par pure bonté & par pure miséricorde, celui qui a été lésé ; ou le payement d’une somme non égale à celle qui a été empruntée, & dont le créancier se contente pour éteindre la dette de son débiteur.

La question de la satisfaction de Jesus-Christ pour le salut du genre humain, est une matiere des plus controversées entre les Catholiques & les Sociniens. Ces derniers conviennent que Jesus-Christ a satisfait à Dieu pour nous ; mais ils entendent qu’il n’a satisfait qu’improprement & métaphoriquement, en remplissant toutes les conditions qu’il s’étoit lui-même imposées pour opérer notre salut, & obtenant de Dieu pour nous une relaxation gratuite des dettes que nous avions contractées envers lui par le péché ; soit parce qu’il s’est imposé à lui-même des peines pour nous montrer ce que nous devons souffrir pour obtenir le pardon de nos crimes ; soit parce qu’il nous a indiqué par son exemple, par ses conseils, & par ses prédications, le chemin qu’il faut tenir pour arriver au ciel ; soit enfin parce qu’il nous a fait entendre par son sacrifice, qu’il falloit accepter la mort avec une résignation parfaite à la volonté de Dieu, en punition de nos péchés.

Les Sociniens avouent encore que Jesus-Christ est le sauveur du monde ; mais seulement par ses discours, ses conseils & ses exemples, & non par le mérite & l’efficace de sa mort ; & s’ils sont forcés de dire que Jesus-Christ est mort pour nous, ils entendent que c’est pour notre avantage & notre utilité, & nullement qu’il ait souffert la mort à la place des hommes coupables.

Pour détruire ces interprétations ou fausses ou insuffisantes, les Catholiques disent que Jesus-Christ a satisfait à Dieu proprement & rigoureusement en payant à son pere un prix non-seulement équivalent, mais encore surabondant pour les péchés des hommes, le prix infini de son sang : 2°. qu’il est leur sauveur non-seulement par ses discours, ses conseils & ses exemples, mais par le mérite & l’efficace de sa mort : 3°. qu’il est mort non pas simplement pour notre avantage, mais au lieu de nous, à notre place, & par une véritable substitution à la place d’hommes coupables.

Le péché étant tout à la fois une dette par laquelle nous sommes obligés envers la justice divine, une inimitié entre Dieu & l’homme, un crime qui nous rend coupables & dignes de la mort éternelle, il s’ensuit qu’à tous ces égards Dieu est par rapport à nous comme un créancier à qui nous devons, comme partie offensée qu’il faut appaiser, comme juge qui doit nous punir. La satisfaction rigoureuse exige donc pareillement trois choses, 1°. le payement de la dette, 2°. le moyen d’appaiser la justice divine, 3°. l’expiation du crime ; d’où il est aisé de conclure qu’étant par nous-mêmes incapables de remplir ces conditions, nous avions besoin auprès de Dieu d’un garant ou d’une caution qui se chargeât de notre dette, & qui l’acquittât pour nous : 2°. d’un médiateur qui nous reconciliât avec Dieu : 3°. d’un prêtre & d’une victime qui se substituât à notre place, & qui expiât nos péchés par les peines auxquelles elle s’est soumise. Or c’est ce qu’a pleinement accompli Jesus-Christ, comme le démontrent les théologiens catholiques, aux ouvrages desquels nous renvoyons le lecteur.

Car sans entrer ici dans un détail qui nous méneroit trop loin, & qui d’ailleurs n’est pas du ressort de cet Ouvrage ; qu’il nous suffise de remarquer pour