L’Encyclopédie/1re édition/SAUVAGE

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SAUVAGE, ce mot sert en matiere médicale à distinguer les végétaux qui croissent naturellement dans les champs d’avec ceux que l’on cultive. Sur quoi il faut remarquer que cette distinction est essentielle, d’autant que les plantes sauvages ont pour l’ordinaire plus d’efficacité que celles qui sont cultivées.

Sauvage est encore une épithete dont l’on se sert en matiere médicale, pour désigner les animaux sauvages, & les distinguer de ceux qui sont privés.

Les animaux sauvages fournissent une meilleure nourriture que les domestiques, car les animaux privés ou domestiques sont d’un tempérament humide, nourris dans la mollesse & l’inaction, tandis que les sauvages ont la chair ferme & même grasse.

D’ailleurs si l’exercice contribue à conserver la santé aux hommes, il fait le même effet parmi les animaux : les sels & les huiles sont plus exaltés dans la viande des animaux qui ont été laissés en liberté ; ils sont plus sains & plus robustes, ils fournissent une nourriture meilleure aux personnes qui ont la force de le digérer, car le même exercice qui exalte leur sel & leur huile rend aussi leur chair plus ferme & plus dense.

Les médicamens tirés du regne animal sont comme les alimens plus efficaces & meilleurs lorsqu’ils sont tirés des animaux sauvages, que s’ils sont pris parmi les animaux domestiques. Tel est le bézoard animal, tel est la graisse d’ours ; tels sont d’autres remedes tirés du regne animal, qui sont d’autant plus efficaces, qu’ils sont tirés des animaux les plus féroces & les moins apprivoisés.

Sauvage ou Sauvement, (Marine.) on sousentend faire le : c’est s’employer à recouvrer les marchandises perdues par le naufrage ou jettées à la mer. Le tiers de ces marchandises appartient à ceux qui les sauvent.

On appelle frais du sauvage le payement qu’on donne à ceux qui sauvent quelque chose, ou la part qu’ils ont à ce qu’ils sauvent.

Sauvages, s. m. plur. (Hist. mod.) peuples barbares qui vivent sans lois, sans police, sans religion, & qui n’ont point d’habitation fixe.

Ce mot vient de l’italien salvagio, dérivé de salvaticus, selvaticus & silvaticus, qui signifie la même chose que sylvestris, agreste, ou qui concerne les bois & les forêts, parce que les sauvages habitent ordinairement dans les forêts.

Une grande partie de l’Amérique est peuplée de sauvages, la plûpart encore féroces, & qui se nourrissent de chair humaine. Voyez Antropophages.

Le P. de Charlevoix a traité fort-au-long des mœurs & coutumes des sauvages du Canada dans son journal d’un voyage d’Amérique, dont nous avons fait usage dans plusieurs articles de ce Dictionnaire.

Sauvages, (Géog. mod.) on appelle sauvages tous les peuples indiens qui ne sont point soumis au joug du pays, & qui vivent à-part.

Il y a cette différence entre les peuples sauvages & les peuples barbares, que les premiers sont de petites nations dispersées qui ne veulent point se réunir, au-lieu que les barbares s’unissent souvent, & cela se fait lorsqu’un chef en a soumis d’autres.

La liberté naturelle est le seul objet de la police des sauvages ; avec cette liberté la nature & le climat dominent presque seuls chez eux. Occupés de la chasse ou de la vie pastorale, ils ne se chargent point de pratiques religieuses, & n’adoptent point de religion qui les ordonne.

Il se trouve plusieurs nations sauvages en Amérique, à cause des mauvais traitemens qu’elles ont éprouvés, & qu’elles craignent encore des Espagnols. Retirés dans les forêts & dans les montagnes, elles maintiennent leur liberté, & y trouvent des fruits en abondance. Si elles cultivent autour de leurs cabanes un morceau de terre, le mays y vient d’abord ; enfin la chasse & la pêche achevent de les mettre en état de subsister.

Comme les peuples sauvages ne donnent point de cours aux eaux dans les lieux qu’ils habitent, ces lieux sont remplis de marécages où chaque troupe sauvage se cantonne, vit, multiplie & forme une petite nation. (D. J.)