L’Encyclopédie/1re édition/SCHEMNITZ

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SCHEMNITZ, (Géog. mod.) ville de la haute Hongrie, & l’une des sept villes des montagnes, située partie sur un mont, & partie dans la plaine, au comté de Zoll, au nord-est de Bukans. Elle a des mines d’or, d’argent très-abondantes, & des bains chauds très-renommés. L’empereur possede les plus riches mines, mais les particuliers en ont aussi en propre qui leur procurent de gros revenus. Les principales de ces mines sont celles de Windschacht & de la Trinité. Le détail de leur exploitation mérite de faire un article particulier dans cet ouvrage. Voyez donc Schemnitz, Mines de, (Métall.) (D. J.)

Schemnitz, Mines de, (Métall.) les mines de cette ville de la haute Hongrie, sont extrèmement renommées, quoiqu’elles ne soient pas toutes également abondantes, ni les veines également riches. On estime les veines à-demi-noires les meilleures, parce qu’elles sont ordinairement mêlés de matiere marcassite ; on trouve assez souvent dans ces mines un minéral rouge qui s’attache aux métaux, & que l’on appelle cinnabre d’argent : en le mêlant artistement avec de l’huile, on en fait un vermillon qu’on estime aussi bon que le cinabre sublimé.

Lorsque quelque mineur a découvert une nouvelle veine, on en porte de la montre à un officier appellé probierer, qui l’éprouve en cette maniere : il prend une même quantité de toute sorte de métaux, il les fait sécher, brûler & peser ; il y mêle du plomb, & les purifie. Ensuite il indique à ceux qui fondent dans les grands fourneaux, la quantité de métaux qu’ils employeront pour la fonte. D’ordinaire sur dix livres pesant de matiere nouvellement tirée de la mine, qui rend environ deux onces & demie de bon argent, on mêle par cent livres pesant, quatre mille livres de plomb, & vingt mille livres de pierre de fer ; on y mêle aussi, selon la quantité de marcassite, un peu de kis, qui est une sorte de pyrites ; on y joint encore du slaken à volonté. Cette derniere matiere est l’écume qu’on ôte de dessus la poële, dans laquelle on fait couler les métaux, & elle se forme de ceux qui viennent d’être nommés.

Tout ce qu’on fait fondre dans la fournaise s’écoule par un trou dans une poële qu’on met dessous. Il s’y fait aussi-tôt une écume fort dure, que l’on enleve, & qui emporte l’impureté du métal. On y ajoute ensuite du plomb, qui entraîne avec soi tout l’argent au fond de la poële. Au bout de quelque tems, on prend ce métal, & on le fait fondre une seconde fois : après quoi on en tire le plomb, ainsi que tout ce qui étoit mêlé avec l’argent en forme de litharge ; ce qui est au-dessus est toujours blanc, & ce qui vient le dernier & qui demeure plus long-tems dans le feu, est rouge.

Il y a souvent dans les veines d’argent de Schemnitz un peu d’or, qu’on purifie de cette maniere : on fait fondre l’argent, & on le met presqu’en poudre ; ensuite on le fait dissoudre par le secret d’une eau-forte que l’on compose à Schemnitz, d’une sorte de vitriol particulier, par le moyen duquel l’or demeure au fond, d’où on le tire quelque tems après pour le faire fondre. Cette eau-forte se distille de l’argent, & on peut s’en servir plusieurs fois.

Les principales mines de Schemnitz sont celles de Windschacht & de la Trinité. La mine de la Trinité a dix brasses de profondeur ; elle est solidement bâtie, toujours ouverte ; & quoiqu’elle soit dans une méchante terre qui oblige à de gros frais, elle dédommage par sa richesse. La matiere que l’on en tire est ordinairement de couleur noire, & enduite d’une terre ou boue qui rend l’eau des ruisseaux dans laquelle on la fait tremper, blanche comme du lait ; il y a apparence que c’est ce qu’on appelle lac lunæ.

La mine de Windschacht est fort profonde, on y descend à trois fois par une échelle qui peut avoir trois cens degrés. On y voit une grande roue de neuf aunes de diametre, que les eaux souterreines font tourner en tombant. Cette roue fait mouvoir plusieurs machines, qui élevent l’eau du fond de la mine jusqu’à l’endroit où la roue est placée. L’eau va ensuite par un conduit souterrein, creusé pour cet usage, se rendre au pié d’une montagne voisine.

Outre cette roue, il y en a encore une autre au-dessus de la terre, que douze chevaux font tourner ; elle sert aussi à élever l’eau. Il y a environ deux mille ouvriers occupés à exploiter cette mine ; ils se relevent jour & nuit après huit heures de travail, de façon que chaque ouvrier travaille huit heures dans les vingt-quatre. On leur donne pour salaire de chaque jour quatre gros & demi, dont trente sont l’écu d’Allemagne. Communément la mise de chaque semaine monte à cinq ou six mille florins, & le produit à mille ou douze cens marcs d’argent.

Il fait grand froid dans quelques endroits de la mine, & dans d’autres il y fait extrèmement chaud, sur-tout dans le lieu où l’on travaille. On a toujours néanmoins la précaution de mettre au-dessus de toutes les portes, aussi-bien que dessus tous les chemins où l’on creuse, des barils en maniere de soupiraux, qui servent à faire entrer & sortir l’air, à le renouveller sans cesse, à en remplir les lieux souterreins, & à rafraîchir les travailleurs. Voyez Tollii epistolæ itinerariæ, & les voyages de Brown. (D. J.)