L’Encyclopédie/1re édition/SCOTI

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SCOTI, (Géogr. anc.) peuples de la Grande-Bretagne, dans sa partie septentrionale. Aucun auteur ancien n’a connu ces peuples : ce qui fait conclure qu’ils n’ont pas été de toute ancienneté dans cette île, ou que du-moins ils ne portoient pas ce nom-là. Claudien est le premier qui en ait parlé : il dit, Scotorum cumulos flevit glacialis Jernæ.

Les Bretons furent, à ce qu’on croit, les premiers habitans de l’Ecosse. Après eux les Pictes y occuperent les contrées orientales ; & enfin les Scots furent le troisieme peuple qui passa dans ce pays, où ils s’établirent du côté de l’occident. Ils venoient, à ce qu’on croit, de l’Irlande : mais on ne convient pas du tems qu’ils y sont venus, les uns mettant cette époque plutôt, les autres plûtard. Les anciennes chroniques du pays que Buchanan a suivies dans son histoire, disent que les Scots passerent d’Irlande en Ecosse, sous la conduite d’un roi, nommé Fergus, environ trois cens quarante ans avant J. C. D’autres prétendent qu’ils y sont passés deux ou trois cens ans après la naissance du Sauveur, & apportent entr’autres preuves, ce passage de Claudien qui vivoit dans le troisieme & quatrieme siecle.

Totam cum Scotus Hybernen
Maris, & in festo spumavit remige Tethis.

Il fait là manifestement allusion à une descente des Scots Irlandois dans la Bretagne : mais il s’agit de savoir si c’est la premiere fois qu’ils y passerent, ou si ce ne fut pas plutôt un renfort de monde, que les Scots envoyoient à leurs compatriotes ; ou si vous voulez, une nouvelle tentative qu’ils firent sous le commandement de Renda ou Rutaris, pour rentrer dans cette partie de la Bretagne, après en avoir été chassés.

On ignore l’origine du nom de Scots ; le sentiment ordinaire est que ce mot vient du vieux teutonique, scutten ou scuthen, qui signifie archers, & par con séquent qu’il a la même origine que le nom des Scythes : on ajoute sur cela, que les ancêtres des Ecossois ont été très-habiles au maniment de l’arc & de la fleche, & que c’étoit leur principale arme.

Mais ce n’est pas tout, comme les Scots avoient passé de l’Irlande dans l’Ecosse, on demande de quel pays ils étoient venus dans l’Irlande ? Les uns croyent qu’ils étoient une colonie de Scythes, c’est-à-dire d’Allemands venus du Nord de la Germanie ; d’autres pensent que les Scots étoient venus d’Espagne, savoir des côtes de la Galice & de la Biscaye ; & que c’est peut-être à cause de cela que les Ecossois sauvages, qui sont la vraie race des Scots anciens, s’appellent en leur langage Gajothel ou Gaithel, & leur langue Gaithlac. On remarque aussi sur le témoignage de Tacite, que les peuples qui habitoient les côtes occidentales de la Bretagne (ou comme on parle de l’Angleterre), paroissent être venus d’Espagne, & avoient beaucoup de rapport avec les Espagnols. Il en pouvoit être de même des côtes occidentales de l’Ecosse.

Au reste, les mœurs de ces peuples, n’étoient pas fort différentes de celles des Bretons d’Angleterre : c’étoit de part & d’autre une barbarie égale, un grand amour pour les armes & pour tous les exercices violens, une éducation dure, une grande habitude à supporter les fatigues les plus rudes, toutes les incommodités de la guerre, toutes les injures de l’air, une grande sobriété, une grande simplicité, & beaucoup de bravoure & de courage, même dans les femmes qui alloient à la guerre avec leurs maris. Chacun y servoit à ses dépens, & y alloit de son bon gré, sans qu’il fût nécessaire de faire des enrôlemens. Ils avoient de certains caracteres hiéroglyphiques & sacrés, dont ils se servoient particulierement dans les monumens funéraires, comme tombeaux, épitaphes, cénotaphes, & semblables. On en voit encore aujourd’hui un de ce genre dans la province d’Angus, ou le cimetiere du village du Meigil.

Quand ils vouloient se divertir, & faire débauche, comme on parle, ils se servoient d’une espece d’eau-de-vie, ou de liqueur forte, qu’ils tiroient de diverses herbes odoriférantes, comme thym, marjolaine, anis, menthe, & d’autres qu’ils distilloient à leur maniere.

Il ne pouvoient pas souffrir de gens infectés de maux contagieux, comme de lepre, de mal-caduc, des lunatiques, ou semblables : ils leur coupoient les parties destinées à la génération, afin qu’ils ne pussent point mettre au monde de misérables enfans, qui eussent un jour de si terribles maladies. S’il se trouvoit quelque femme qui en fût atteinte, ils l’empêchoient de se marier, & la contraignoient de vivre en sequestre.

Dans la suite des tems, les Saxons s’emparerent de la partie de l’Ecosse, dont les Romains avoient fait une province, & en chasserent les Scots & les Pictes, qui furent forcés de se retirer dans le nord de leur pays. Mais vers le milieu du neuvieme siecle, les Scots se rendirent maîtres du pays des Pictes ; & environ quarante ans après, sous le regne de Kenneth, ils le remirent en possession de la partie méridionale de l’Ecosse, qui avoit été occupée par les Saxons Northumbriens, dont ils ruinerent le royaume. Ce fut alors que toute l’Ecosse réunie sous un seul maître, ne fut plus connue que sous le nem d’Ecosse ou Scotland, d’où les François ont fait par corruption le nom d’Ecosse, & ont appellé Ecossois, les peuples, qui dans leur langue propre, s’appellent Scots. Le Chevalier de Jaucourt.