L’Encyclopédie/1re édition/SECOURS

La bibliothèque libre.
◄  SECOURIR
SECOUSSE  ►

SECOURS, s. m. (Gram.) aide, assistance ; il faut implorer le secours du ciel ; nous devons du secours aux pauvres ; il ne faut pour donner du secours, que voir dans le malheur d’un autre, celui auquel nous sommes exposés.

Secours, (Hist. ecclés. mod.) c’est le nom que les fanatiques modernes de France, appellés convulsionnaires, donnent à divers tourmens que l’on fait endurer aux personnes qui sont sujettes aux convulsions, & qui dans les instans où elles prétendent en être saisies, assurent que ces tourmens leur procurent un vrai soulagement. Ces prétendus secours consistent tantôt à recevoir plusieurs centaines de coups de buche contre l’estomac ; tantôt à recevoir des coups d’épée dans les bras, dans le ventre, & dans d’autres parties du corps, tantôt à se faire piquer les bras avec des aiguilles ou des épingles ; tantôt à se laisser fouler rudement aux piés ; tantôt à se faire serrer fortement avec une corde, &c. Dans ces dernieres années on a vu des convulsionnaires se faire attacher sur des croix avec des cloux, qui, de l’aveu des spectateurs les moins prévenus, leur perçoient très-réellement les piés & les mains, & leur causoient des douleurs que ces malheureuses victimes de la fourberie avoient bien de la peine à masquer à des yeux attentifs ; cependant elles prétendoient que tout cela ne leur faisoit aucun mal, & qu’au contraire elles y trouvoient un très-grand soulagement. Ces convulsionnaires, après avoir été ainsi attachées en croix pendant quelques heures qu’elles employoient on priéres éjaculatoires, & en exhortations mystiques & prophétiques, sur les maux de l’église, finissoient quelquefois par se faire percer le côté, à l’imitation du Sauveur du monde ; après quoi on les détachoit de la croix, & elles affectoient d’avoir oublié tout ce qui s’étoit passé, & d’être satisfaites des supplices qu’elles venoient d’éprouver. Tous ces faits incroyables sont attestés par un grand nombre de témoins non suspects, & très peu disposés à s’en laisser imposer ; les gens éclairés n’ont vu dans tout cela que des femmes séduites par des imposteurs intéressés, ou par des fanatiques aveugles ; ils ont pensé que le desir du gain déterminoit des pauvres femmes à se laisser tourmenter, & à jouer une farce indécente & lugubre, dont le but étoit de persuader que le Tout-puissant prenoit visiblement en main la cause des appellans de la constitution Unigenitus, & qu’il opéroit en leur faveur des œuvres surnaturelles. Le gouvernement avoit pris le parti de dissimuler pendant quelque tems la connoissance qu’il avoit de ces extravagances ; mais les mysteres de la religion chrétienne indignement joués par les prétendus convulsionnaires, ne lui ont pas permis de tolérer plus long-tems de pareils abus. Voyez Convulsionnaires.

Secours, se dit ordinairement dans l’Art militaire, d’une armée qui vient secourir une place assiégée, pour tâcher d’en faire lever le siege à l’ennemi.

Quoiqu’on ne doive entreprendre un siege qu’après avoir pris toutes les précautions convenables pour ne point manquer cette entreprise, & résister à tous les efforts de l’ennemi qui voudroit en empêcher, il arrive cependant quelquefois qu’il assemble son armée plus promptement qu’on ne le croyoit, ou que le siege étant plus long qu’on n’avoit cru, on se trouve obligé de le combattre pour ne point interrompre l’opération du siege.

Il y a dans ce cas deux partis à prendre : le premier d’attendre l’ennemi dans les lignes, & le second d’y laisser une partie de l’armée pour leur garde & pour continuer les travaux des approches, & d’aller avec le reste au-devant de l’armée ennemie pour la combattre hors de la portée des lignes & de la place.

Ce dernier parti paroît avoir moins d’approbateurs que le premier ; mais, si nous osons dire notre sentiment sur ce sujet, nous croyons qu’on ne peut rien prescrire de géneral à cet égard ; parce que ce sont les circonstances particulieres dans lesquelles on se trouve, qui doivent décider de la conduite qu’il faut tenir en cette occasion.

Si l’armée assiégeante n’a rien à craindre pour la sûreté de ses convois ; si elle est assez nombreuse pour bien garnir tous ses postes & mettre ses lignes partout en état de faire une bonne défense, elle doit dans ce cas se borner à les défendre, pour ne point faire dépendre le succès du siege, de l’évenement toujours incertain d’une bataille. Mais si elle se trouve gênée pour ses fourrages ; si l’ennemi peut couper & intercepter ses convois, elle doit, si elle est assez forte pour aller au-devant de l’ennemi & pour laisser un nombre de troupes suffisant pour continuer le siege, & résister à tous les efforts de la garnison ; elle doit dis-je, dans ce cas, prendre le parti d’aller le combattre pour se délivrer de toutes les inquiétudes qu’il peut lui donner.

L’armée assiégeante doit encore prendre le même parti, si la circonvallation de la place est trop étendue pour qu’elle puisse bien défendre toutes ses différentes parties. Quand elle seroit même alors inférieure à celle de l’ennemi, elle ne peut guere se dispenser de sortir des lignes pour aller le combattre. Il n’est point rare dans les fastes militaires de voir une armée inférieure arrêter & même vaincre une armée plus nombreuse ; le tout dépend de l’habileté du général pour choisir des postes avantageux. En allant ainsi au devant de l’ennemi, on peut lui en imposer par cette démarche hardie, le surprendre même quelquefois, & le battre comme le fit M. le maréchal de Tallard au siege de Landau, en 1703.

Il y a encore plusieurs autres considérations qui peuvent servir à déterminer le parti qu’il convient de prendre contre une armée qui vient au secours d’une place. Si, par exemple, l’ennemi est supérieur en cavalerie, il est plus avantageux de l’attendre dans les lignes, que d’aller au-devant, parce que cette cavalerie lui sera peu utile dans l’attaque de la ligne, & qu’elle lui donneroit beaucoup d’avantage en combattant en plaine.

Si l’on a des troupes de nouvelles levées, ou étonnées par quelques défaites, il est certain qu’on pourra les contenir & leur faire faire leur devoir plus aisément derriere le parapet des lignes, qu’en rase campagne.

Si l’on est supérieur en artillerie, on peut encore se borner à la défense des lignes ; l’artillerie étant mieux située derriere des retranchemens qu’en plaine, peut causer une très-grande perte à l’ennemi ; dans une bataille on peut aisément en arrêter l’effet ; le secret n’en est pas grand, dit quelque part M. le chevalier Folard ; il ne s’agit que d’en venir promptement à l’arme blanche.

Il seroit aisé d’appuyer les préceptes précédens par des exemples ; mais comme les circonstances ne sont jamais exactement les mêmes, on ne peut en tirer des regles sûres pour la conduite qu’on doit tenir dans les cas semblables. On a vu d’ailleurs plusieurs fois le hasard & la témérité réussir dans des entreprises que le succès même ne pouvoit justifier aux yeux des maîtres de l’art. C’est pourquoi ce sont moins les exemples qui doivent décider du parti que l’on doit prendre dans les différentes situations où l’on se trouve à la guerre, que la connoissance des moyens que l’ennemi peut employer pour l’exécution de ses desseins, & l’examen des expédiens que la nature du terrein, le tems, & les circonstances particulieres peuvent fournir pour s’y opposer. Après avoir mûrement réfléchi sur ces différens objets, si le plus grand nombre de raisons militent plutôt pour un parti que pour l’autre, c’est celui-là qu’il faut adopter.

Ainsi lorsqu’on trouve qu’il y a plus d’inconvénient à attendre l’ennemi dans les lignes que d’en sortir pour le combattre, on doit aller au-devant de lui, & choisir les postes les plus avantageux pour cet effet. Mais si les lignes sont en bon état, & que nulle raison particuliere n’oblige de commettre l’évenement du siege au hasard d’un combat, on doit dans ce cas se contenter d’empêcher l’ennemi de forcer les lignes, continuer les opérations du siege, même à sa vue, comme on le fit à Philisbourg en 1734, à la vue du prince Eugene, dont l’armée étoit campée à la portée du canon de la circonvallation de cette place.

Tel étoit l’usage des anciens ; on remarque que leurs plus grands généraux ne sortoient de leurs lignes pour combattre dans les siéges, que lorsqu’ils se trouvoient avoir de grands avantages sur l’ennemi, ou lorsqu’il étoit absolument nécessaire de le faire pour se procurer des subsistances ; autrement ils se bornoient à défendre leur camp ou leurs lignes. Virgile qui fait parler son héros relativement aux préceptes des plus grands généraux, lui fait recommander à ses troupes en quittant son armée, de ne point sortir de leurs retranchemens, quoi qu’il pût arriver, pour combattre ; mais de se borner à défendre leur camp.

Ita discedens proeceperat optimus armis
Æneas : si qua interea fortuna fuisset,

Neu struere auderent aciem, neu credere campo :
Castra modo & tutos servarent aggere muros.

Æneid. lib. IX.