L’Encyclopédie/1re édition/SECRET

La bibliothèque libre.
◄  SECQUES

SECRET, s. m. (Morale.) c’est toute chose que nous avons confiée à quelqu’un, ou qu’on nous a confiée dans l’intention de n’être pas révélée, soit directement, soit indirectement.

Les Romains firent une divinité du secret, sous le nom de Tacita ; les Pythagoriciens une vertu, & nous en faisons un devoir, dont l’observation constitue une branche importante de la probité. D’ailleurs, l’acquisition de cette qualité essentielle à un honnête homme, est le fondement d’une bonne conduite, & sans laquelle tous les talens sont inutiles. Si l’on ne doit pas dire imprudemment son secret, moins encore doit-on révéler celui d’autrui ; parce que c’est une perfidie, ou du-moins une faute inexcusable. Il convient même d’étendre cette fidélité, jusque vis-à-vis de celui qui y manque à notre égard.

Ce n’est pas tout ; il faut se méfier de soi-même dans la vie : on peut surprendre nos secrets dans des momens de foiblesse, ou dans la chaleur de la haine, ou dans l’emportement du plaisir. On confie son secret dans l’amitié, mais il s’échappe dans l’amour ; les hommes sont curieux & adroits ; ils vous feront mille questions épineuses dont vous aurez de la peine à échapper autrement que par un détour, ou par un silence obstiné ; & ce silence même leur suffit quelquefois pour deviner votre secret. (D. J.)

Secret, adj. (Phys. chambre de secrets, voyez Cabinets secrets.

Secret, (Médec.) en latin arcanum, en grec ἀπόρρητον, ἀποϰρύφον, μυστήριον, remede dont on tient la préparation secrette pour en relever l’efficacité & le prix.

On croiroit que la plûpart des hommes, très-sensés d’ailleurs pour leurs affaires, doivent avoir peu de confiance pour les prétendus secrets dans ces maladies reconnues incurables par tous les Médecins ; mais telle est la force de l’amour de la vie, qu’on s’abuse à cet égard ; ou peut-être telle est l’impudence de ces gens à secret, que leur trafic va toujours. Cette pratique est aussi ancienne que le monde, & ne finira qu’avec lui. Quoique ces prétendus secrets ne se trouvent communément par l’examen qu’une drogue fort connue, mal préparée, & quelquefois un poison lent, néanmoins on donne la confiance à ceux qui les possedent, & qui n’exigent de vous autre chose, que de n’être pas plus inquiets qu’ils le sont de votre guérison.

Si néanmoins l’on y faisoit quelque attention, on verroit que dans tous les pays, dans tous les siecles, & sans remonter si haut, dans celui où l’on vit, on a oui parler successivement des gens qui prétendoient avoir le même secret infaillible que cet homme auquel on est prêt de donner sa confiance. On se rappelleroit qu’on a toujours oui parler de gens qui faisoient les mêmes promesses, qu’on n’avoit pas de leur habileté des témoignages moins décisifs ; & que par l’évenement ces gens-là sont morts dans la misere, ou se sont trouvés n’être que des fourbes accrédités.

Je n’ignore pas que ceux qui les écoutent, & surtout les grands, plus communément dupes que les autres hommes, prétendent que de telles personnes qui se vantent de secrets, ne s’enrichissent pas par la jalousie des gens de l’art qui s’opposent à leur établissement, les dégoutent, les décréditent, & les empêchent d’exercer leurs talens ; mais ces moyens seroient bien foibles contre des succès véritables ; & il n’est pas possible que ceux qui les auroient en partage, ne triomphassent bien-tôt de tous les obstacles que l’envie pourroit leur opposer.

Nous ne présumons pas, malgré la force invincible de toutes ces raisons, de voir jamais passer le regne des secrets en Médecine. Il est doux de tout espérer d’une maladie mortelle ; la mort surprend sans s’être fait craindre ; on la sent plutôt qu’on n’a songé à s’y résoudre : notre ignorance, notre foiblesse, notre goût pour le merveilleux, l’amour de la vie qu’on nous promet, dont l’opération est active, dont le bien touche par le sentiment ; la séduction facile de l’imagination occupée de ce seul objet ; le penchant naturel pour ce qui flatte nos desirs ; l’espérance dont on nous berce ; l’abandon même des gens de l’art, qui ce dent sans regret aux instances du malade ; tout cela, dis-je, doit triompher des principes les plus évidens, des raisonnemens les plus solides ; & il faudroit être bien peu philosophe, pour s’en étonner.

Nous ne prétendons pas par toutes ces réflexions contre les faux possesseurs de prétendus secrets, nier la possibilité d’en trouver de vrais & d’excellens. Il n’est pas douteux que la Médecine peut faire des progrès à cet égard ; & c’est par cette raison, que l’Angleterre a promis de si belles récompenses à la découverte d’un remede contre la pierre. Mais ceux qui trouveront ce remede ou autre semblable, loin d’avoir à redouter l’envie ou la jalousie de personne, doivent être assurés de leur fortune, de leur gloire, & de leur immortalité. (D. J.)

Secret, (Marine.) c’est l’endroit du brûlot où le capitaine met le feu pour le faire sauter.

Secret, s. m. terme d’Organiste ; ce mot signifie la caisse, la layette où l’on réserve le vent pour le distribuer selon les besoins. (D. J.)