L’Encyclopédie/1re édition/SERINGUE

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SERINGUE, arbre, (Botan. exot.) c’est ainsi que cet arbre de la Guiane est nommé par les portugais du Para, pao de xiringa, c’est-à-dire, bois de seringue. Les habitans de la province d’Esmeraldas, au nord-est de Quito, l’appellent hhévé, & les Maïnas le nomment caoutchoue du nom de la résine singuliere qu’on en tire. Voyez Résine caoutchoue.

Cet arbre est fort haut & très-droit ; il n a qu’une petite tête, & nulles autres branches dans la longueur ; les plus gros ont environ deux piés de diametre ; on ne voit aucune de ses racines hors de terre. Sa feuille est assez semblable à celle du manioc ; elle est composée de plusieurs feuilles sur une même queue ; les plus grandes qui sont au centre, ont environ trois pouces de long sur trois quarts de pouce de large ; elles sont d’un verd clair en-dessus, & d’un verd plus pâle en-dessous. Son fruit est triangulaire, à-peu-près semblable à celui du palma Christi, mais beaucoup plus gros ; il renferme trois semences oblongues, brunes, dans chacune desquelles on trouve une amande.

Ces amandes étant pilées & bouillies dans l’eau, donnent une huile épaisse en forme de graisse, de laquelle les Indiens se servent au lieu de beurre pour préparer leurs alimens. Le bois de l’arbre est léger & liant ; & comme il vient très-droit & très-haut, il peut servir utilement à faire de petits mâts d’une piece, ou des meches pour les gros mâts.

Pour en tirer le suc laiteux ou la résine, on lave le pié de l’arbre, & on y fait ensuite plusieurs entailles qui doivent pénétrer toute l’écorce : ces entailles se placent les unes au-dessus des autres, & au-dessous de la plus basse on mastique une feuille de balisier ou quelqu’autre semblable, qui sert de gouttiere pour conduire le suc laiteux dans un vase placé pour le recevoir.

Pour employer ce suc, on en enduit des moules préparés pour cela, & aussitôt que cet enduit y est appliqué, on l’expose à la fumée épaisse d’un feu qu’on allume à cet effet, prenant garde surtout que la flamme ne l’atteigne : ce qui feroit bouillonner la résine, & formeroit des petits trous dans le vase qu’on en veut faire. Dès qu’on voit que l’enduit a pris une couleur jaune, & que le doigt ne s’y attache plus, on retire la piece, & on y met une seconde couche qu’on traite de même, & on en ajoute jusqu’à ce qu’elle ait l’épaisseur qu’on veut lui donner ; alors, avant de la dessécher entierement, on y imprime avec des moules de bois taillés pour cela, tous les ornemens qu’on juge à-propos d’y ajouter.

Si le vaisseau qu’on veut faire de cette résine, doit avoir une embouchure étroite, comme, par exemple, une bouteille, on fait le moule avec de la terre grasse ; & quand la résine est desséchée, on le casse en pressant la bouteille, & on y introduit de l’eau pour délayer les morceaux du moule, & les faire sortir par les goulots.

En étendant cette résine sur de la toile, on la peut substituer aux toiles goudronnées, desquelles on fait des prelarts, des manches de pompe, des habits de plongeur, des outres, des sacs pour renfermer du biscuit en voyage ; mais tout ce qu’on voudra faire de cette résine, doit être fait sur le lieu même où sont les arbres, parce que le suc laiteux se desseche & s’épaissit très-promptement, lorsqu’il est tiré de l’arbre : ce sera un objet de commerce exclusif pour la colonie qui possede cette espece de petit trésor.

Les ouvrages faits avec le catoutchoue sont sujets, lorsqu’ils sont récens, à s’attacher les uns aux autres, surtout si le soleil donne dessus ; mais en frottant l’enduit frais avec du blanc d’Espagne, de la cendre, ou même de la poussiere, on prévient cette adhérence incommode, & on fait par le même moyen, prendre sur le champ à l’ouvrage une couleur brune, qu’il ne pourroit acquérir qu’à la longue.

Tous les sucs laiteux tirés de quelques autres arbres du Para peuvent servir à-peu-près au même usage que celui de l’arbre seringue ; mais le suc de ce dernier surpasse tellement les autres, tant par son élasticité que par la propriété de s’attacher plus intimement aux corps sur lesquels on l’applique, qu’on lui a donné la préférence, & que les Portugais n’en emploient point d’autre.

On parvient à dissoudre la résine caoutchoue, en la mêlant avec l’huile de noix, & la laissant longtems en digestion à un feu de sable fort doux. Hist. de l’acad. des Scienc. année 1751. (D. J.)

Seringue, s. f. (Chirurg.) cylindre creux avec un piston garni à sa tête de filasse, de feutre ou de castor, bien uni & graissé, pour en remplir exactement la capacité, glisser facilement dedans, & pousser quelque liqueur dans une cavité, ou en pomper les matieres purulentes. Il y a des seringues qui contiennent une chopine ou seize onces de liquide ; d’autres pour injecter les plaies, les ulceres, les fistules, l’uréthre, la vessie, le vagin, la poitrine ; par conséquent il faut en avoir de différentes grandeurs. Celles qui servent à faire des injections dans la vessie, dans la poitrine & dans les grands abscès, sont ordinairement longues de quatre pouces & demi, sur un pouce neuf lignes de diametre, fig. 4. Pl. XXXI. On en a de plus petites par degrés, à proportion des cavités qu’on veut injecter. La plûpart de ces seringues sont d’étain ; leurs siphons ou canules qui s’adaptent à l’extrémité antérieure du cylindre, sont plus ou moins longs, gros ou menus, droits ou recourbés, suivant le besoin. Quelques-unes ont le bout fait en poire, percé de petits trous, afin que la liqueur en sorte comme d’un arrosoir ; tel est celui qu’on emploie pour le vagin, fig. 6 & 7. Les petites seringues n’ont pour siphon qu’un petit tuyau pyramidal, soudé ou monté à vis au milieu de l’extrémité antérieure du cylindre, fig. 8 & 9. Le piston de toutes les seringues, excepté de celles à lavement, est terminé postérieurement par un anneau dans lequel on le passe pour appuyer dessus, & faire sortir la liqueur, pendant qu’on tient le corps de la seringue avec les autres doigts. On fait aussi des seringues de cuivre, assez grandes pour injecter les vaisseaux dans les préparations anatomiques. Les oculistes se servent d’une petite seringue d’argent, appellée seringue oculaire, pour injecter les points lacrymaux. Voyez fig. 10. Pl. XXIII. Elle est longue d’environ deux pouces. Son diametre a quatre lignes ; son siphon long de dix lignes & demie s’adapte sur la seringue par le moyen d’une vis qui s’ajuste dans un écrou. L’extrémité antérieure de ce siphon donne naissance à un petit tuyau d’environ trois lignes de longueur, qui est si fin, qu’à peine apperçoit-on l’ouverture qui est au bout. Enfin l’on a inventé une espece de seringue pour injecter l’oreille par la trompe d’Eustache. Son corps est assez semblable à celui des autres petites seringues ; mais son siphon est un canal de cuir long de trois piés & demi, sur trois lignes de diametre. A ce canal terminé en vis on ajoute encore un siphon auxiliaire long de six grands pouces, sur trois ou quatre lignes de diametre, fait d’étain, fort courbé & recourbé à contre sens vers son extrémité, qui est terminée par un mamelon alongé, applani par-dessus, & dont la figure imite en quelque maniere celle d’un pigeon. Au bout de ce mamelon est un bouton haut de deux lignes, percé sur son sommet d’un petit trou. C’est ce bouton qui doit s’adapter à l’entrée de la trompe d’Eustache dans le fond de la bouche, derriere la cloison du nez. Deux choses particulieres à cette seringue, c’est 1°. une soupape de cuivre garnie de cuir, appliquée sur la tête du cylindre, couverte d’un petit chapiteau d’étain sur lequel s’ajuste le siphon par le moyen d’un écrou d’étain qui y est lié, & qui reçoit une vis percée qui se trouve sur le sommet du chapiteau. Cette soupape en s’élevant permet à la liqueur de la seringue de passer dans le canal de cuir, & en refuse le retour en s’abaissant. 2°. C’est une pompe d’étain composée d’un tuyau long d’environ six pouces, sur trois lignes de diametre, dont l’extrémité postérieure est évasée en mamelon, montée sur un petit reservoir de neuf lignes de large vers sa base, & sur une culasse quarrée large de huit lignes, haute de quatre. Toutes ces pieces se montent à vis. La culasse est percée d’un trou large de quatre lignes, bouchée par une cheville de bois aussi percée d’un trou, dont le diametre est d’environ une ligne & demie. Sur le sommet de cette cheville est attachée une soupape de cuivre garnie de cuir, qui permet à la liqueur qui entre par la culasse & le trou de la cheville, de passer dans le tuyau de la pompe & dans la seringue, & qui en empêche le retour. La pompe se termine antérieurement par une vis percée qui s’engage dans l’écrou d’un petit canal pyramidal situé horisontalement à côté de la tête du corps de la seringue. C’est par cette pompe posée dans un grand pot d’eau tiede qu’on charge la seringue. En la faisant jouer l’eau entre par ce tuyau dans le cylindre, parcourt toute la machine, s’insinue dans la trompe d’Eustache, & sort par le nez & par la bouche. Voyez le traité des instrumens de Chirurgie par M. Garangeot, seconde édition, où il est marqué que le sieur Guyot, maître des postes de Versailles, a inventé cette seringue pour son utilité particuliere, & a été entierement guéri d’une surdité de cinq ans, par le moyen de plusieurs injections d’eau chaude qu’il fit avec cette machine.

Le mot de seringue vient du grec σῦριγξ, syrinx, fistula, flûte, ou tout corps cylindrique creux.

On peut aussi se servir d’une seringue avec des siphons particuliers pour sucer les plaies sans se servir de la bouche. Voyez Succion.

Dans quelques pays étrangers, & sur-tout en Hollande, au-lieu de seringue on se sert d’une vessie préparée, comme on voit, fig. 11. Pl. VII. Le défaut où on peut se trouver de l’instrument convenable à faire des injections dans une partie, peut être réparé par l’usage de la vessie. On noue d’abord au-dessus de la canule en a ; on la remplit de la liqueur ; on la noue ensuite en b ; on ôte le lien a ; & par la pression des mains, on fait sortir la liqueur par le tube. Hippocrate a décrit cette maniere d’injecter. Nos seringues sont d’une invention moderne. (Y)