L’Encyclopédie/1re édition/SERVICE

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SERVICE, s. m. (Gram.) culte extérieur qu’on rend à Dieu. Le service divin. Office qu’on célebre pour les morts. Vous êtes invité à l’enterrement & au service de M. T. On se consacre au service de Dieu, lorsqu’on embrasse la profession ecclésiastique ou religieuse ; au service de l’état, lorsqu’on se charge de quelque fonction pénible du ministere. Entrer au service, c’est embrasser l’art militaire. Le service d’une maison, c’est tout ce qui appartient à l’économie domestique. Service se prend aussi pour condition ; un domestique est hors de condition, de service. Il s’étend à accorder les marques gratuites de la bienfaisance ; il m’a rendu de grands services. Il y a des circonstances où l’amour & l’amitié ne voyent aucun service trop bas. Il y a des états dont le devoir s’appelle service ; le service d’un chevalier de Malte ; service de cheval ; service de compagnon ; service de corps. Il est quelquefois synonyme à usage ; j’en ai tiré bien du service ; il m’a long-tems servi. On dit aussi un service d’or, d’argent, pour tous les ustensiles de table faits de ce métal ; un service de linge, pour les linges destinés à la table ; on a servi à quatre ou cinq services, pour un certain nombre de plats qu’on sert, & auxquels d’autres succedent. On n’est pas bien servi dans cette auberge, ce qu’il faut entendre & des mets & des domestiques. Etre de service à la tranchée ; être de service chez le roi, c’est exercer ses fonctions chez le roi, c’est être commandé à la tranchée. Servir à la paume, c’est envoyer le premier la balle. Il y a le côté du service.

Service divin, (Critiq. sacr.) le service divin chez les premiers chrétiens, consistoit dans la priere, la lecture des livres sacrés, & la participation à l’Eucharistie. Il finissoit, selon que S. Paul le recommande aux Romains, ch. xvj. 16. par un saint baiser, témoignage d’une communion fraternelle ; ce n’est pas dans ce baiser, dit néanmoins Clément d’Alexandrie, que consiste la charité, mais dans l’affection du cœur ; à-présent, continue-t-il, on ne fait que troubler les églises par les baisers mutuels, Pædag. lib. III. cap. cclxviij. Voyez dans le grec le reste du passage. Il se mêloit déja de la corruption dans les saints baisers. Je finis par remarquer que tout le service divin se nommoit en un seul mot sacrifice dès le tems de Tertulien. (D. J.)

Service militaire, c’est le service que les troupes font à la guerre. Ce service peut être fait par des nationaux ou par des étrangers. Voyez sur ce sujet les ouvrages pour & contre les services militaires étrangers, considérés du côté du droit & de la morale, tant par rapport aux souverains qui les autorisent ou les permettent, qu’aux particuliers qui s’y engagent ; publiés pour mettre le public en état de juger sainement de l’usage des peuples anciens & modernes à cet égard, & en particulier de celui des Suisses, par Loys de Bochat, professeur en droit & en histoire à Lausanne, en trois tomes, in-8°.

Les différentes questions que M. de Bochat examine dans cet ouvrage sont très-curieuses & très-importantes.

Il s’agit de savoir :

« 1° S’il est permis à quelque homme que ce soit de se louer indifféremment à un prince étranger pour porter les armes, sans s’embarrasser de la justice ou de l’injustice des guerres que ce prince peut avoir.

2° Si un prince ou un souverain quelconque peut vendre à un autre souverain les régimens, ou promettre de lui en fournir.

3°. Si un souverain peut permettre que sur ses terres un autre souverain leve des troupes, tout cela sans s’embarrasser de leur destination que d’une maniere politique & indifférente à la justice ou à l’injustice des armes ; & en cas que cela se puisse faire pour un, si cela peut en même tems se faire pour plusieurs ».

Il est aisé de s’appercevoir que ces différentes questions sont fort intéressantes. Nous n’entrerons cependant dans aucun détail sur ce sujet, parce qu’il seroit difficile de le faire sans lui donner beaucoup d’étendue, nous nous contentons donc de renvoyer à l’ouvrage de M. de Bochat, ou au vingt & un & vingt-deux volumes de la bibliotheque raisonnée, où l’on trouve un extrait de cet ouvrage, qui peut en donner des idées assez exactes.

Il y a eu dans tous les tems des pays dont les peuples fournissoient indifféremment des troupes à ceux qui vouloient les payer. « Les Gaulois, dit M. le chevalier de Folard, faisoient métier d’aller tuer les autres pour de l’argent, & de s’entretuer quelquefois comme bons compatriotes, parce qu’ils se vendoient indifféremment aux deux partis ; de sorte que les mêmes drapeaux se trouvoient souvent opposés les uns contre les autres. Cela sembloit fort barbare & fort inhumain, continue le savant commentateur de Polybe, comme s’il n’étoit pas libre à chacun d’aller exercer son métier par-tout où il trouvera de l’avantage. On reprochoit la même chose aux Etoliens. Polybe & Tite-Live se fâchent bien fort contre cette conduite. Philippe de Macédoine, si célebre par sa guerre contre les Romains, traitant de la paix avec Q. Flaminius, reprocha à un préteur des Etoliens son infidélité, & l’avarice de sa nation, qui n’avoit nulle honte de fournir des troupes à une puissance, & d’en envoyer à son ennemi. Les Gesates (que M. de Folard croit être les peuples du Languedoc, ou des provinces méridionales des Gaules) faisoient plus que cela, car ils suivoient indifféremment toutes les puissances qui vouloient d’eux. On pouvoit comparer leurs princes, dit toujours M. de Folard, à des marchands de bœufs & de moutons, qui après les avoir vendus, les envoient à différentes boucheries pour être égorgés. Il y a bien des états aujourd’hui qui font le même métier ». Comm. sur Polybe, Q. III. pag. 235. (q)

Service, (Art culin. des Rom.) ferculum : nos officiers de bouche ont nommé service les plats qu’on met tout-ensemble sur la table pour la couvrir ; & ils ont établi des repas à trois, à quatre & à cinq services ; mais il s’agit ici d’indiquer quelle étoit la distribution des services sur les tables des Romains, & non pas sur les nôtres. La voici donc en peu de mots.

Après la distribution des coupes, on servoit les viandes, non pas toujours chaque plat séparément, comme le marque ce vers d’Horace :

Adfertur squillas inter muræna natantes
In patinà porrectâ.

Lib. II. satyr. viij. vers. 42.

Et cet autre :

. . . . . . . . . . . . tum pectore adusto,
Vidimus & merulas poni, & sine clune palumbes.

Mais souvent plusieurs plats ensemble étoient servis sur une table portative, à l’occasion de ce vers de Virgile.

Postquam exempta fames epulis, mensæque remotæ.

Æneid. lib. II. vers. 220.

Servius assure qu’on apportoit les tables toutes garnies : Quia apud antiquos mensas apponebant pro discis. Athénée est conforme à Servius. Tel étoit le premier service ; ensuite les services se multiplioient ; & quoiqu’on retînt toujours les mêmes expressions de premier & second service, primæ & secundæ mensæ, pour tout le souper, ces deux services se subdivisoient en plusieurs autres.

Le premier comprenoit les entrées qui consistoient en œufs, en laitues & en vins miellés, suivant le précepte :

. . . . . . . . . vacuis committere venis
Nihil nisi lene decet.

Après cela venoient les viandes solides, les ragoûts, les grillades ; le second service comprenoit les fruits cruds, cuits & confits, les tartes & les autres friandises que les Grecs appellent μελιπήκτα, & les Latins dulciaria & bellaria.

La table de l’empereur Pertinax n’étoit ordinairement que de trois services, quelque nombreuse que fût la compagnie ; au lieu que celle de l’empereur Eliogabale alloit quelquefois jusqu’à vingt-deux ; & à la fin de chaque service, on lavoit ses mains, comme si l’on eût fini le repas : car l’usage étoit de les laver aussi-bien à la fin qu’au commencement. Exhibuit aliquandò tale convivium, ut haberet vigenti-duo fercula ingentium epularum ; & per singula lavarent, dit Capitolin. (D. J.)

Service, s. f. (Architect.) c’est le transport des matériaux du chantier au pié du bâtiment qu’on éleve, & de cet endroit sur le tas. Ainsi, plus l’édifice est haut, plus le service en est long & difficile lorsqu’on l’acheve. Diction. de Charpent. (D. J.)