L’Encyclopédie/1re édition/SIRENES

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SIRENES, s. f. (Mythol.) ces monstres demi-femmes & demi-oiseaux, doivent leur naissance à la fable ; ce fut, dit-elle, trois filles du fleuve Achéloüs, & de la muse Calliope. On les nomma Parthénope, Leucosie, & Ligée ; & selon d’autres, Aglaophénie, Thelxiépie, & Pisinoé, noms qui roulent sur la douceur de leur voix & le charme de leurs paroles ; mais les graces du chant, qui leur furent données en partage, les enorgueillirent jusqu’à oser défier les déesses du Parnasse ; il leur en couta leurs aîles qui leur furent arrachées en punition de leur témérité ; elles se retirerent dans des îles désertes, & proche de la côte de Sicile ou de Campanie ; de-là, elles attiroient sur leurs écueils les passagers, par l’harmonie de leur voix, & leur donnoient ensuite la mort. Désespérées de n’avoir pû surprendre dans leurs pieges Ulysse, ou Orphée, elles se précipiterent dans la mer, & ne furent plus entendues depuis. On tient qu’une d’elles donna le nom de Parthénope à la ville qui prit ensuite celui de Naples, & qu’une autre laissa celui de Léucosie à une île de ces mers là.

Les sirènes avoient la tête & le corps de femme jusqu’à la ceinture, & la forme d’oiseau, de la ceinture en bas ; ou tout le corps d’oiseau, & la tête de femme ; car on les trouve représentées en ces deux manieres, & dans les mythologues, & sur les anciens monumens ; l’une tient une lyre, l’autre deux flutes, & la troisieme un rouleau pour chanter.

Ceux qui veulent moraliser sur cette fable des poëtes, disent que les sirènes n’étoient autre chose que des courtisanes, qui demeuroient sur les bords de la mer de Sicile, & qui par les attraits de la volupté, séduisoient les passans, & leur faisoient oublier leur course ; ils ajoutent même que le nombre & le nom des trois sirènes, a été inventé sur la triple volupté des sens, la musique, le vin, & l’amour ; en conséquence de cette idée, ils ont tiré l’étymologie de sirènes, du mot grec σειρὰ, qui signifie une chaîne, pour dire qu’il étoit comme impossible de se tirer de leurs liens, & de se détacher de leurs charmes invincibles. Strabon assure que les sirènes eurent un temple près de Surrente. (D. J.)