L’Encyclopédie/1re édition/SOME

La bibliothèque libre.

SOME, s. f. (Marine chinoise.) vaisseau dont les Chinois se servent pour naviguer sur mer, & qu’ils nomment tchouen. Les Portugais ont appellé ces sortes de vaisseaux soma, sans qu’on sache la raison de cette dénomination.

Les somes (car nous avons francisé le mot portugais), ne peuvent point se comparer à nos vaisseaux européens, ni pour l’art de leur construction, ni pour leur grandeur, puisqu’ils ne portent guere au-delà de deux cens cinquante tonneaux, & s’il est vrai que la connoissance de la navigation soit fort ancienne chez les Chinois, il est certain qu’ils ne l’ont pas plus perfectionnée que leurs autres sciences.

Leurs tchouen ou somes ne sont à proprement parler que des barques plattes à deux mâts : ils n’ont guere que 80 à 90 piés de longueur ; la proue coupée & sans éperon, est relevée en haut de deux especes d’ailerons en forme de corne, qui font une figure assez bizarre ; la poupe est ouverte en-dehors, par le milieu, afin que le gouvernail y soit à couvert des coups de mer ; ce gouvernail qui est large de 5 à 6 piés, peut s’élever & s’abaisser par le moyen d’un cable qui le soutient sur la poupe.

Ces vaisseaux n’ont ni artimon, ni beaupré, ni mâts de hune ; toute leur mâture consiste dans le grand mât & le mât de misaine, auxquels ils ajoutent quelquefois un fort petit mât de perroquet, qui n’est pas d’un grand secours ; le grand mât est placé assez près du mât de misaine, qui est fort sur l’avant ; la proportion de l’une à l’autre, est communément comme 2 à 3. & celle du grand mât au vaisseau, ne va jamais au-dessous, étant ordinairement plus des deux tiers de toute la longueur du vaisseau.

Leurs voiles sont faites de natte de bambou ou d’une espece de cannes communes à la Chine, lesquelles se divisent par feuilles en forme de tablettes, arrêtée dans chaque jointure, par des perches qui sont aussi de bambou ; en-haut & en-bas sont deux pieces de bois : celle d’en-haut sert de vergue : celle d’en-bas, faite en forme de planche, & large d’un pié & davantage, sur cinq à six pouces d’épaisseur, retient la voile lorsqu’on veut la hisser, ou qu’on veut la ramasser.

Ces sortes de bâtimens ne sont nullement bons voiliers, ils tiennent cependant mieux le vent que les nôtres, ce qui vient de la roideur de leurs voiles, qui ne cedent point au vent ; mais aussi comme la construction n’en est pas avantageuse, ils perdent à la dérive l’avantage qu’ils ont sur nous en ce point.

Ils ne calfatent point leurs somes & autres vaisseaux avec du goudron comme on fait en Europe ; leur calfas est fait d’une espece de gomme particuliere, & il est si bon qu’un seul puits ou deux, à fonds de cale du vaisseau, suffit pour le tenir sec. Jusqu’ici ils n’ont eu aucune connoissance de la pompe.

Leurs ancres ne sont point de fer comme les nôtres ; elles sont d’un bois dur & pesant, qu’ils appellent pour cela tie mou, c’est-à-dire bois de fer. Ils prétendent mal-à-propos que ces ancres valent beaucoup mieux que celles de fer, parce que, disent-ils, celles-ci sont sujettes à se fausser, ce qui n’arrive pas à celles de bois qu’ils emploient : cependant, pour l’ordinaire, elles sont armées de fer aux deux extrémités.

Les Chinois n’ont sur leur bord ni pilote, ni maître de manœuvre ; ce sont les seuls timonniers qui conduisent la some, & qui commandent la manœuvre. Il faut avouer néanmoins qu’ils sont assez bons pilotes côtiers, mais mauvais pilotes en haute mer ; ils mettent le cap sur le rumb qu’ils croient devoir faire, & sans s’embarrasser des élans du vaisseau, ils courent ainsi comme ils le jugent à propos. Voyez de plus grands détails dans l’histoire de la Chine, du pere du Halde. (D. J.)