L’Encyclopédie/1re édition/TEMPLE

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TEMPLE, TEMPE, s. f. (Synonym.) on nomme indifféremment par ces deux termes, la partie double de la tête, qui est à l’extrémité du front, entre les yeux & les oreilles. L’académie françoise préfere temple à tempe, & je ne crois pas qu’elle ait raison, car outre que tempe ôte l’équivoque, il répond au mot latin tempora, qui désigne le tems ou l’âge de l’homme, à cause que le poil de cet endroit blanchit ordinairement le premier. De-là vient qu’Homere appelle poliocrotaphes les hommes qui grisonnent ; en grec πολιοκρόταφος, de πολίος, chauve, & κροταφος, tempora, la tempe. (D. J.)

Temple, Église, (Synonym.) ces mots signifient un édifice destiné à l’exercice public de la religion ; mais temple est du style pompeux ; église du style ordinaire, du moins à l’égard de la religion romaine : car à l’égard du paganisme, & de la religion protestante, on se sert du mot de temple, même dans le style ordinaire, au-lieu de celui d’église. Ainsi l’on dit le temple de Janus, le temple de Charenton, l’église de S. Sulpice.

Temple paroît exprimer quelque chose d’auguste, & signifier proprement un édifice consacré à la divinité. Eglise paroît marquer quelque chose de plus commun, & signifier particulierement un édifice fait pour l’assemblée des fideles.

Rien de profane ne doit entrer dans le temple du Seigneur : on ne devroit permettre dans nos églises que ce qui peut contribuer à l’édification des chrétiens.

L’esprit & le cœur de l’homme sont les temples chéris du vrai Dieu ; c’est-là qu’il veut être adoré ; envain on fréquente les églises, il n’écoute que ceux qui lui parlent dans leur intérieur.

Les temples des faux dieux étoient autrefois des asyles pour les criminels ; mais c’est, ce me semble, deshonorer celui du très-haut, que d’en faire un réfuge de malfaiteurs. Si l’on ne peut apporter à l’église un esprit de recueillement, il faut du moins y être d’un air modeste, la bienséance l’exige, ainsi que la piété. Girard. (D. J.)

Temple, s. m. (Archit.) c’est dans l’ancienne architecture, un bâtiment destiné au culte divin, & où l’on faisoit les sacrifices : ce bâtiment étoit composé de quatre parties. La premiere étoit formée par des aîles en forme de galerie, ou portiques, nommés pleromata. La seconde étoit un porche appellé pronaos ; une partie à-peu-près semblable étoit opposée à celle-ci ; & une troisieme beaucoup plus grande, étoit au-milieu de ces trois parties.

L’art de l’architecture des temples étoit aussi perfectionné que diversifié chez les Grecs & les Romains ; mais il s’agit seulement d’expliquer ici les principaux termes qui prouvent cette diversité.

Temple amphitrostyle, ou double prostile. Temple qui avoit des colonnes devant & derriere, & qui étoit aussi tétrastyle. Voyez ci-après Temple tétrastile.

Temple à antes. C’étoit, selon Vitruve, le plus simple de tous les temples ; il n’avoit que des pilastres angulaires, appellés antes ou parastates, à ses encoignures, & deux colonnes d’ordre toscan aux côtés de sa porte.

Temple diptere. Temple qui avoit deux rangs de colonnes isolées en son circuit, & qui étoit octostyle, c’est-à-dire, avec huit colonnes de front ; tel étoit le temple de Diane à Ephese. Le mot diptere vient du grec διπτερος, qui a deux aîles.

Temple hypêtre. Temple dont la partie intérieure étoit à découvert, ainsi que l’indique le mot hypêtre, dérivé du grec ιπαιτρας, qui signifie lieu découvert. Il étoit décastyle, ou avec dix colonnes de front, & avoit deux rangs de colonnes en son pourtour extérieur, & un rang dans l’intérieur. Tel étoit le temple de Jupiter Olympien à Athenes.

Temple monoptere. Temple rond & sans murailles, qui avoit un dôme porté sur des colonnes ; c’est ainsi qu’étoit le temple d’Apollon Pythien, à Delphes.

Temple périptere. Temple qui étoit décoré de quatre rangs de colonnes isolées en son pourtour, & qui étoit hexastyle, c’est-à-dire, avec six colonnes de front, comme le temple de l’Honneur & de la Vertu à Rome. Le mot périptere est formé de deux mots grecs, πέρι, à-l’entour, & πτέρον, aîle.

Temple périptere rond. Temple dont un rang de colonnes forme un porche circulaire, qui environne une rotonde, comme les temples de Vesta à Rome, & de la Sybille à Tivoli, & une petite chapelle près S. Pierre in montorio, à Rome, bâtie par Bramante, fameux architecte.

Temple prostyle. Temple qui n’avoit des colonnes qu’à la face antérieure, comme le temple d’ordre dorique de Cérès Eléusis, en Grece. Le mot prostyle est dérivé de deux mots προ, devant ; & στυλίς, colonne.

Temple pseudodiptere, ou diptere imparfait. Temple qui avoit huit colonnes de front, avec un seul rang de colonnes qui régnoit au pourtour, comme le temple de Diane, dans la ville de Magnesie en Grece.

Temple tétrastyle. Le mot grec τετραστυλος, qui signifie quatre colonnes de front, caractérise ce temple. Tel étoit celui de la Fortune virile à Rome. (D. J.)

Temple, de Dieu, (Critique sacrée.) νέως τοῦ θεοῦ ; ce mot, outre le sens propre d’un édifice consacré au culte public de Dieu, se prend au figuré dans l’Ecriture, 1°. pour le séjour des bienheureux, 2°. pour l’Eglise de Jesus-Christ. « L’antechrist, dit Saint Paul, II. Thessalon. ij. 4. siégera dans le temple de Dieu, c’est-à-dire, usurpera dans l’Eglise le pouvoir & les honneurs divins ». 3°. Pour les fideles : Vous êtes le temple de Dieu ; car l’esprit de Dieu habite en vous, I. Corinth. iij. 16. Un poëte grec a dit de la divinité, « qu’elle trouve autant de plaisir à habiter chez les gens de bien que dans l’olympe ». (D. J.)

Temple de Salomon, (Hist. sacrée) David rassembla long-tems des matériaux pour la construction de ce temple, que Salomon éleva sur le mont de Sion, & qu’il acheva dans le cours de deux ans & avec des dépenses prodigieuses. Ce n’étoit cependant qu’une masse de bâtiment, qui n’avoit que cent cinquante piés de long, & autant de large en prenant tout le corps de l’édifice d’un bout à l’autre, ce qui est au-dessous de plusieurs de nos églises paroissiales. On ne conçoit guere qu’un si petit édifice ait occupé cent soixante mille ouvriers, que les rois d’Egypte & de Tyr fournirent à Salomon, au rapport de Clément qui dit avoir lu cette particularité dans un ouvrage d’Alexandre Polyhistor. Il faut donc supposer que c’étoit au travail exquis des ornemens & des décorations intérieures, que la plûpart de ces ouvriers furent occupés. Le livre des chroniques, ch. iij. dit que la seule dépense des décorations du saint des saints, qui étoit une place de trente piés en quarré & de trente piés de haut, montoit à six cens talens d’or. S’il ne s’est point glissé d’erreur dans le texte, c’est une somme de quatre millions trois cens vingt mille livres sterling pour cette seule partie du temple, mais cela n’est pas vraissemblable.

Les édifices extérieurs étoient fort considérables ; car la cour dans laquelle le temple étoit placé, & celle du dehors nommée la cour des femmes, étoient environnées de bâtimens & de bâtimens magnifiques. Les portes qui y conduisoient, répondoient à cette magnificence. Enfin, la cour intérieure qui formoit un quarré de mille sept cens cinquante piés de chaque côté, & qui embrassoit tout le reste, étoit entourée d’une galerie soutenue de trois rangs de colonne à trois de ses côtés, & de quatre rangs au quatrieme. C’étoit-là qu’étoient les logemens des prêtres & des lévites, & les magasins de toutes les choses nécessaires au culte public.

Au milieu de cette derniere enceinte étoit le sanctuaire, le saint, & le vestibule. Le sanctuaire formoit un cube parfait, ayant trente piés en tous sens. Au milieu étoit placée l’arche de l’alliance. A ses deux extrémités on voyoit deux chérubins de quinze piés de haut, l’un d’un côté, l’autre de l’autre, à égale distance du centre de l’arche & du mur de chaque côté. Ces chérubins, en étendant leurs aîles, occupoient toute la largeur du sanctuaire : voilà pourquoi l’Ecriture dit si souvent, que Dieu habitoit entre les chérubins.

Le saint contenoit le chandelier d’or, la table des pains de proposition, & l’autel d’or, sur laquelle on offroit les parfums. Ce métal étoit semé avec profusion dans tout l’intérieur du temple ; les tables, les chandeliers, les vases nombreux, de toutes especes, étoient d’or. L’auteur du II. des Paralyp. vij. 1. dit noblement, pour en peindre l’éclat : majestas Domini implevit domum, la majesté du Seigneur remplissoit son palais.

Mais ce beau temple, depuis sa construction, essuya bien des malheurs. Il fut pillé sous Roboam par Sézac roi d’Egypte. Achaz roi de Juda le ferma. Manassès le changea jusqu’à sa conversion, en réceptacle de superstition & d’idolatrie. Enfin l’an 598 avant Jesus-Christ, & la premiere du regne de Sédécias, Nabuchodonosor s’étant rendu maître de Jérusalem par la rebellion de Jehojakim, ruina le temple de Salomon, en enleva tous les vases, tous les trésors qui y étoient, & les transporta à Babylone.

On sait la suite des événemens qui concernent ce temple. Il demeura enseveli sous ses ruines pendant l’espace de cinquante-deux ans, jusqu’à la premiere année du regne de Cyrus à Babylone. Ce prince, l’an 536 avant Jesus-Christ, permit aux Juifs de retourner à Jérusalem, & de rebâtir leur temple ; la dédicace s’en fit l’an 515 avant Notre-Seigneur, & la septieme année du regne de Darius fils d’Hystaspe. Ce second temple, dont on trouvera l’histoire au mot Jérusalem, fut pillé & prophané l’an 171 avant Jésus-Christ par Antiochus qui y fit un butin, qu’on estima dix-huit cens talens d’or. Trois ans après, Judas Macchabée le purifia & y rétablit le culte de Dieu. Pompée s’étant rendu maître de la ville l’an 63 avant Jesus-Christ, sous le consulat de Caïus Antonius & de Cicéron, il entra dans le temple, en vit toutes les richesses, & se fit un scrupule d’y toucher. Neuf ans après, Crassus moins religieux, les ravit par un pillage sacrilege qui montoit à plus de deux millions sterlings. Hérode abattit ce triste édifice qui depuis cinq cens ans d’existance, avoit beaucoup souffert & des sieges des ennemis, & plus encore des injures du tems. Il éleva à sa place un nouveau temple qui fut réduit en cendre à la prise de Jérusalem par Titus. (D. J.)

Temples, (Littérat.) Est-ce la piété ou la superstition qui éleva tant de temples superbes au culte des dieux ? Pour moi je pense que la politique se flatta par de magnifiques ouvrages de l’art, d’imprimer plus de respect, & d’exciter plus de crainte dans l’esprit des peuples.

Les arbres furent les premiers autels, & les champs les premiers temples. C’étoit sur des pierres brutes ou des mottes de gason, que se firent les premieres offrandes à la Divinité. Dans des tems où l’on ne connoissoit ni l’Architecture ni la Sculpture, on choisit pour le culte religieux des bois plantés sur des hauteurs, & ces bois devinrent sacrés ; on les éclaira de lumieres, parce qu’on y passoit une partie de la nuit ; on les orna de guirlandes & de bouquets de fleurs ; on suspendit dans les chapelles de treillage les dons & les offrandes. L’on y fit des repas publics, accompagnés dans les années fertiles, de chants, de danses, & de toutes les autres marques de la joie & de la reconnoissance.

Les temples de pierre & de marbre naquirent avec les progrès de l’Architecture. Il arriva même alors, que pour conserver l’ancien usage, on continua de planter des bois autour des temples, de les environner de murailles ou de haies, & ces bois passoient pour sacrés.

Bientôt on éleva dans les villes des temples superbes en l’honneur des dieux, & la Sculpture tailla leurs statues. Phidias, par l’effort d’un art également brillant & heureux, d’un bloc de marbre, fit le dieu qui lance le tonnere.

Tremblez, humains, faites des vœux ;
Voilà le maître de la Terre !

C’est en Egypte que la construction des temples prit naissance. Elle fut portée de-là chez les Assyriens, les Phéniciens & les Syriens, passa dans la Grece avec les colonies, & de la Grece vint à Rome. Telle a été la marche constante de la religion, des sciences & des beaux arts. Il n’y eut que quelques peuples, tels que les Perses, les Indiens, les Getes & les Daces qui persisterent dans le sentiment, qu’on ne devoit pas enfermer les dieux dans aucun édifice de la main des hommes, quelque magnifique qu’il pût être : parietibus nunquam includendos deos, quibus omnia deberent esse patentia, comme s’exprime Ciceron ; mais l’idée contraire des nations policées prévalut dans le monde.

Il arriva même, avec le tems, que chaque divinité eut ses temples favoris, dont elle ne dédaignoit point de porter le nom, & c’étoit-là que son culte étoit le plus florissant. Les villes qui leur étoient dévouées, & qui se donnoient le titre ambitieux de villes sacrées, tirant avantage du grand concours de peuple qui venoit de toutes parts à leurs solemnités, prenoient sous leur protection, ceux que la religion, la curiosité ou le libertinage y attiroient, les défendoient comme des personnes inviolables, & combattoient, pour l’immunité de leurs temples, avec autant de zele que pour le salut de la patrie.

Pour en augmenter la vénération, ils n’épargnoient ni la somptuosité des bâtimens, ni la magnificence des décorations, ni la pompe des cérémonies. Les miracles & les prodiges excitant encore davantage le respect & la dévotion populaire, il n’y avoit guere de temples renommés dont on ne publiât des choses surprenantes. Dans les uns, les vents ne troubloient jamais les cendres de l’autel ; dans les autres il ne pleuvoit jamais, quoiqu’ils fussent découverts. La simplicité superstitieuse des peuples recevoit aveuglément ces prétendues merveilles, & le zele intéressé des ministres de la religion les soutenoit avec chaleur.

L’aspect de ces temples étoit fort imposant. On trouvoit d’abord une grande place accompagnée de galeries couvertes en forme de portiques, à l’extrémité de laquelle on voyoit le temple, dont la figure étoit le plus souvent ronde ou quarrée. Il étoit ordinairement composé de quatre parties ; savoir, d’un porche ou vestibule faisant la façade ; d’une autre semblable piece à la partie opposée ; de deux aîles formées de chaque côté par divers rangs de colonnes ; & du corps du temple appellé cella ou ναός. Ces trois premieres parties ne se trouvoient pas néanmoins dans tous les temples. Les temples environnés de colonnes de toutes parts, étoient appellés périptères : on leur donnoit le nom de diptères, quand il y en avoit double rang : tel étoit le second temple d’Ephèse.

On peut voir dans Hérodote quelle étoit la magnificence du temple de Vulcain à Memphis, que tant de rois eurent bien de la peine à achever ; c’étoit une grande gloire, si dans un long regne un prince avoit pu en construire un portique. On connoît la description du temple de Jupiter olympien par Pausanias. Le temple de Delphes étoit aussi fameux par ses oracles que par les présens immenses dont il étoit rempli. Le temple d’Ephese, qu’un insensé brûla pour acquérir l’immortalité, passoit pour un chef d’œuvre de l’art : on le rebâtit encore plus superbement. Les temples de Minerve à Athènes & à Saïs ne sont pas moins célebres. Le temple de Jupiter capitolin à Rome, incendié tant de fois, épuisa la prodigalité de Domitien pour le rebâtir. Le corps du panthéon subsiste toujours dans son entier sous le nom de l’église de tous les saints, auxquels il est consacré, comme il l’étoit dans le paganisme, à tous les dieux. Le temple de la Paix faisoit, au rapport de Pline, un des plus beaux ornemens de Rome. Enfin, rien n’étoit plus étonnant dans le paganisme que le temple de Bélus, composé de sept étages, dont le plus élevé renfermoit la statue de ce dieu. Il y a beaucoup d’autres temples moins célebres, dont nous tracerons l’histoire avec quelque soin, parce qu’elle est très intéressante. Les Antiquaires ont fait dessiner le plan de quelques-uns de ces fameux édifices, sur-tout le P. Montfaucon, qu’on peut consulter dans son antiq. expliq. tom. II. pag. 54. & suiv.

Le respect que l’on avoit pour les temples répondoit à leur beauté ; ils étoient, comme je l’ai dit, un lieu d’asyle pour les coupables & pour les débiteurs ; on n’osoit y cracher ; & dans les calamités publiques, les femmes venoient se prosterner dans le sanctuaire, pour en balayer le pavé avec leurs cheveux. Rarement les conquérans osoient en enlever les richesses ; car la politique & la religion contribuoient également à rendre ces monumens sacrés & inviolables.

L’intérieur de tous ces temples étoit communément décoré de statues de dieux & de statues de grands hommes, de tableaux, de dorures, d’armes prises sur les ennemis, de trépiés, de boucliers votifs, & d’autres richesses de ce genre. Outre ces sortes d’ornemens, on paroit les temples, dans les jours de solemnité, des décorations les plus brillantes, & de toutes sortes de festons de fleurs.

De plus, comme ces temples étoient destinés au culte des dieux, on avoit égard dans leur structure, à la nature & aux fonctions qui leur étoient attribués. Ainsi, suivant Vitruve, les temples de Jupiter foudroyant, du Ciel, du Soleil, de la Lune, & du dieu Fidius, devoient être découverts. On observoit cette même convenance dans les ordres d’architecture. Les temples de Minerve, de Mars & d’Hercule devoient être d’ordre dorique, dont la majesté convenoit à la vertu robuste de ces divinités. On employoit pour ceux de Vénus, de Flore, de Proserpine, & des nymphes des eaux, l’ordre corinthien, l’agrément des feuillages, des fleurs & des volutes dont il est égayé, sympathisant avec la beauté tendre & délicate de ces déesses. L’ordre ionique qui tenoit le milieu entre la sévérité du dorique & la délicatesse du corinthien, étoit mis en œuvre dans ceux de Junon, de Diane, & de Bacchus, en qui l’on imaginoit un juste mélange d’agrément & de majesté. L’ouvrage rustique étoit consacré aux grottes des dieux champêtres. Enfin, tous les ornemens d’architecture que l’on voyoit dans les temples, faisoient aussi-tôt connoître la divinité qui y présidoit.

Au reste, ce ne fut pas aux dieux seuls que l’on bâtit des temples, les Grecs, les Asiatiques, & les Syriens en consacrerent à leurs bienfaiteurs ou à leurs maîtres. Les lois romaines laissoient même la liberté aux proconsuls de recevoir des honneurs pareils ; cet usage même étoit établi dès le tems de la république, comme Suétone le remarque, & comme il seroit aisé de le prouver par un grand nombre d’exemples. (D. J.)

Temples des Egyptiens. (Antiq. Egypt.) Voici la forme des temples d’Egypte suivant Strabon.

A l’entrée du temple, dit-il, est une cour pavée de la largeur d’un arpent, & de la longueur de trois, de quatre ou même davantage. Ce lieu s’appelle dromos en grec, mot qui veut dire la course.

Le long de cet espace, des deux côtés de la largeur, sont posés des sphinx de pierre à vingt coudées, & même plus de distance l’un de l’autre, de sorte qu’il y en a un rang à droite, & un rang à gauche. Après les sphinx est un grand vestibule ; plus avant il y en a un second, puis un troisieme : mais ni le nombre des vestibules, ni celui des sphinx n’est fixé ; il y en a plus ou moins, à proportion de la longeur & de la largeur des dromes.

Après le vestibule est le temple qui a un grand parvis, mais le temple même est petit : il n’y a aucune figure, ou s’il y en a, ce n’est point celle d’un homme, mais de quelque bête. Des deux côtés du pars vis s’étendent les aîles, ce sont des murs aussi hauts que le temple. D’abord leur distance est un peu plus grande que toute la largeur du temple ; ensuite elle se rapprochent l’une de l’autre jusqu’à cinquante ou soixante coudées. Ces murailles sont pleines de grandes figures sculptées pareilles aux ouvrages des Toscans ou des anciens Grecs. Il y a aussi un bâtiment sacre soutenu sur un grand nombre de colomnes, comme à Memphis, d’une fabrique dans le goût barbare ; car outre que les colomnes sont grandes & en grand nombre & disposées en plusieurs rangs, il n’y a ni peinture ni grace ; c’est plutôt un amas de pierres qui a couté inutilement beaucoup de travail.

Les Egyptiens avoient des temples monolythes, ou faits d’un seul morceau de marbre fouillé dans des carrieres éloignées, & qu’on avoit amenées par des machines, que nous ne pouvons construire aujourd’hui, tous savans que nous croyons être dans la méchanique.

Rien de plus superbe que leurs temples, dit Clément d’Aléxandrie, (Pædag. lib. III. cap. 2. p. 216.) rien de plus grave que leurs sacrificateurs ; mais quand on entre dans le sanctuaire, & que le prêtre levant le voile, offre aux yeux la divinité, il fait éclater de rire les spectateurs à l’aspect de l’objet de son adoration ; on voit un chat, un crocodile, un serpent étranger qui se roule sur des tapis de pourpre. C’est là-dessus que saint Clément compare ces dieux égyptiens dans leurs temples aux femmes qui se parent de riches habits ; l’extérieur de ces femmes, continue-t-il, est magnifique, mais l’intérieur en est méprisable.

Ce que Clément d’Aléxandrie avance de la magnificence des temples de l’Egypte, est confirmé par les historiens prophanes. Hérodote, Lucien & autres, n’en parlent pas autrement : ils témoignent tous que l’Egypte avoit un grand nombre de temples plus riches, & plus splendides les uns que les autres. Tels étoient ceux d’Isis & d’Osiris en général ; tels étoient en particulier ceux de Jupiter à Diospolis, & à Hermunthis, celui de Vulcain à Memphis, & celui de Minerve à Saïs. Nous parlerons de ces deux derniers à leur rang. (D. J.)

Temples des Grecs. (Antiq. Greq.) Les Grecs avoient un si grand nombre de temples, de chapelles & d’autels, qu’on en trouvoit à chaque pas dans les villes, dans les bourgades & dans les campagnes. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à lire les anciens auteurs, sur-tout Pausanias qui s’est attaché particulierement à les décrire, & qui en parle presque à chaque page de son voyage de la Grece.

Parmi tant de temples, Vitruve en admiroit principalement quatre bâtis de marbre, & si noblement enrichis, qu’ils faisoient l’étonnement des plus grands connoisseurs, & étoient devenus la regle des bâtimens dans les trois ordres d’architecture, le dorien, l’ionien & le corinthien.

Le premier de ces beaux ouvrages, étoit le temple de Diane à Ephèse ; le second celui d’Apollon dans la ville de Milet, l’un & l’autre d’ordre ionique ; le troisieme étoit le temple d’Eleusis, d’ordre dorique ; le quatrieme étoit le temple de Jupiter Olympien à Athènes, d’ordre corinthien. On pense bien que ces quatre temples ne seront pas oubliés dans notre liste ; il ne s’agit ici que d’observations générales sur tous les temples de la Grece.

Ils étoient partagés en plusieurs parties qu’il est bon de distinguer pour entendre les descriptions qu’en font les historiens. La premiere étoit le vestibule, où étoient la piscine, dans laquelle les prêtres, æditui, puisoient l’eau lustrale, pour expier ceux qui vouloient entrer dans les temples ; ensuite venoit la nef, ναός ; & le lieu saint appellé penetrale, sacrarium, adytum, dans lequel il n’étoit pas permis aux particuliers d’entrer ; il y avoit enfin l’arriere temple, ὀπισθόδομος ; mais tous n’avoient pas cette partie. Les temples grecs avoient souvent des portiques, & toujours des marches pour y monter ; il y en avoit aussi plusieurs avec des galeries autour ; ces galeries étoient formées d’un rang de colonnes posées à un certain espace du mur couvertes de grandes pierres : ces sortes de temples se nommoient pereptères, c’est-à-dire, ailés ; diptères, quand la galerie avoit deux rangs de colonnes ; prostyles, lorsque les colonnes formoient le portique sans galerie ; & enfin hypethres, quand ils avoient en-dehors deux rangs de colonnes, & autant en-dedans, tout le milieu étant découvert à-peu-près comme nos cloîtres. Les Romains imiterent toutes ces différentes structures. Vitruve remarque encore d’autres particularités qu’on peut voir dans son ouvrage : je n’en citerai que deux.

1°. Un temple ne pouvoit être consacré sans la statue du dieu qui devoit être placée au milieu. Il y avoit au pié de la statue un autel sur lequel les premieres offrandes qu’on faisoit, étoient de légumes cuites dans de l’eau, & une espece de bouillie qu’on distribuoit aux ouvriers qui avoient élevé la statue.

2°. Quoique communément les hommes & les femmes entrassent dans les temples, il y en avoit dont l’entrée étoit défendue aux hommes ; tel étoit celui de Diane à Rome, dans la rue nommée Vicus-patricius, ainsi que Plutarque nous l’apprend ; & néanmoins tout le monde pouvoit entrer dans les autres temples de cette déesse. On croit que la raison de cette défense venoit de ce qu’une femme qui prioit dans ce temple, y reçut le plus sanglant affront.

Enfin, les politiques considérant la magnificence des temples de la Grece, le nombre de prêtres & de prêtresses de tous ordres qui les desservoient, & les frais des sacrifices ; les politiques, dis-je, demandent avec curiosité, par quel moyen on suppléoit à de si grandes dépenses. Je réponds d’abord que les temples à oracles n’avoient besoin de rien pour leur subsistance ; ils regorgeoient de présens, & les autres avoient des revenus particuliers qui leur étoient affectés : voici ceux de ma connoissance.

L’un de ces revenus à Athènes étoit le produit des amendes auxquelles on condamnoit les particuliers, amendes dont la dixieme partie appartenoit à Minerve Poliade, & la cinquantieme aux autres dieux, & aux héros dont les tribus portoient le nom. De plus, lorsque les Prytanes ne tenoient pas les assemblées conformément aux lois, chacun d’eux étoit puni par une amende de mille dragmes qu’il falloit payer à la déesse. Si les proëdres, c’est-à-dire, les sénateurs chargés de faire à ces assemblées le rapport des matieres sur lesquelles on devoit délibérer, ne le faisoient pas suivant les regles, & dans l’ordre prescrit, ils étoient aussi condamnés à une amende de quarante dragmes, appliquée comme l’autre au profit de Minerve, ce qui devoit l’enrichir.

Outre cette espece de revenu appartenant en commun aux dieux, & qui varioit suivant le nombre & la grandeur des fautes, les temples en avoient de particuliers ; c’est le produit des terres consacrées aux divinités : rien n’étoit plus commun dans la Grece que ces fondations. Je ne parle pas ici des terres que l’on consacroit aux dieux, & qui étoient condamnées à rester éternellement incultes, comme le territoire de Cirrha proscrit par le decret solemnel des amphictions, la campagne située entre Mégare & l’Attique consacrée aux déesses d’Eléusis, & plusieurs autres : il ne s’agit que de celles que l’on cultivoit, & dont les fruits faisoient la richesse des temples.

Tel fut le champ que Xénophon consacra à Diane d’Ephèse, en exécution d’un vœu qu’il lui avoit fait pour son heureux retour dans la retraite des dix mille. Il l’acheta d’une partie de l’argent qui provenoit des dépouilles des Perses, & de la rançon de leurs prisonniers ; ce champ étoit situé auprès de Scilunte, petit bourg fondé par les Lacédémoniens sur la route de Sparte à Olympie ; il employa ce qu’il eut de reste après cet achat, & à faire bâtir un temple sur le modele de celui d’Esphèse : un trait de ressemblance assez singulier entre ces deux édifices, c’est leur situation. Le fleuve qui couloit auprès du temple d’Ephèse se nommoit Sellène, & nourrissoit beaucoup de poisson. Un ruisseau du même nom, & qui avoit le même avantage, arrosoit la campagne où Xénophon fit élever le sien. Ses environs, aussi variés que fertiles, offroient des terres labourables, des pâturages excellens, où les animaux destinés à servir de victimes trouvoient une nourriture abondante, des forêts remplies de gibier de toutes espèces, & qui servoient de retraite à une grande multitude de bêtes fauves.

Le temple étoit environné d’un bois sacré & de jardins plantés d’arbres fruitiers de toute saison. Devant la porte de cet édifice, on voyoit une colomne que Xénophon fit élever comme le monument de la fondation, & sur laquelle on lisoit ces mots : ἱερὸς ὁ χῶρος τῆς Ἀρτέμιδος : terre consacrée à Diane. Elle étoit affermée ; celui qui percevoit les fruits devoit en payer la dixme à la déesse, & déposer le reste pour être employé aux réparations & aux dépenses ordinaires.

Cette dixme servoit aux sacrifices offerts dans la fête solemnelle que Xénophon institua en l’honneur de Diane. Elle se célébroit tous les ans, & duroit plusieurs jours ; tous les habitans du bourg & des environs s’y trouvoient, & la divinité nourrissoit pendant tout le tems ses adorateurs, en leur fournissant du blé, du vin, & toutes les choses nécessaires à la vie. Xénophon même, afin de procurer l’abondance, indiquoit auparavant une chasse générale, à laquelle il présidoit avec ses enfans. J’ai rapporté tous ces détails d’après les Mém. des Inscript. parce que c’est peut-être la seule fondation dont les particularités nous ayent été conservées, & qu’elle peut donner une idée de toutes les autres. (D. J.)

Temples des Romains, (Ant. rom.) Rome & l’Italie n’avoient peut-être pas moins de temples que la Grece. Donnons une idée générale de leur origine, de leur consécration & de leur structure ; les détails sont réservés à chaque temple en particulier.

On sait assez que les anciens romains ont eu beaucoup d’attachement pour leur religion ; je dirai mieux, beaucoup de superstition dans leur culte. Il ne leur arrivoit guere d’heureux ou fâcheux succès, qui ne fût suivi de la construction de quelque temple. Le nom même des temples qu’ils consacrerent aux dieux, tire son origine du temple augural, c’est-à-dire, d’une simple enceinte dans laquelle les augures observoient le vol des oiseaux. Tous les lieux tracés par les augures étoient même appellés temples, templa, quoiqu’ils ne fussent pas destinés au culte de la religion ; c’est ainsi que les augures trouverent le secret d’accréditer leur ouvrage.

Les uns attribuent la fondation des premiers temples de l’Italie à Janus, par l’invocation duquel on commençoit tous les sacrifices ; les autres en donnent la gloire à Faune, & prétendent que le mot fanum en tire son origine. Quoi qu’il en soit, ces premiers temples n’étoient que des bois sacrés, puisque les Romains, au rapport de Varron, ont été sans temples pendant l’espace de 170 ans. Ainsi le temple de Jupiter Féretrien & celui de Jupiter Stator n’étoient point apparemment consacrés, & le temple de Janus ne doit être envisagé que comme un monument de l’union des Romains & des Sabins, dont la statue de ce dieu à deux visages étoit le symbole, & le fut aussi de la paix & de la guerre.

Les formalités requises pour l’établissement d’un véritable temple, étoient l’autorité des lois, l’observation des auspices, les cérémonies de la consécration. Un magistrat qui avoit fait vœu de bâtir un temple, n’engageoit point la république sans son consentement. Quand la construction du temple avoit été résolue dans le sénat, il falloit une loi ou un plébiscite pour l’exécution du projet. Sous les empereurs, leur volonté tenoit lieu de loi.

Ensuite on consultoit les augures qui s’assembloient par ordre des duumvirs, c’est-à-dire, des commissaires nommés pour la conduite de l’ouvrage. Les augures commençoient par le choix du terrein, en quoi ils avoient égard à la nature & aux fonctions des dieux auxquels le temple devoit être consacré. Suivant les observations de Vitruve, les temples de Jupiter, de Junon & de Minerve devoient être construits sur des hauteurs, parce que ces divinités avoient inspection sur toutes les affaires de l’empire dont elles prenoient un soin particulier. Mercure, Isis & Sérapis, dieux du commerce, avoient leurs temples proche des marchés. Ceux de Mars, de Bellone, de Vulcain & de Vénus étoient hors de la ville ; on les regardoit comme des divinités ou turbulentes ou dangereuses. Il est vrai que ces convenances n’ont pas toujours été observées.

Le lieu de la construction étant choisi, les augures prenoient les auspices, & si les auspices étoient favorables, ils traçoient le plan du temple : c’est ce qu’on appelloit effari ou sistere templum. On posoit la premiere pierre avec plus de cérémonie encore. Les vestales accompagnées de jeunes garçons & de jeunes filles, ayant pere & mere, arrosoient la place de trois sortes d’eaux ; on la purifioit encore par le sacrifice d’un taureau blanc & d’une genisse. Le grand prêtre invoquoit les dieux auxquels le temple étoit destiné. La pierre sur laquelle étoient gravés les noms du magistrat & du souverain pontife, étoit mise dans la fondation avec des médailles d’or & d’argent, & du métal tel qu’il sort de la mine, aux acclamations de tout le peuple qui s’empressoit d’y préter la main.

Lorsque le temple étoit bâti, on en faisoit la dédicace. Cette fonction appartenoit dans les premiers tems aux grands magistrats ; ensuite à cause des dissensions qui survinrent à cette occasion, on eut recours à la puissance du peuple. Enfin on en laissa la disposition au sénat, avec l’intervention des tribuns du peuple, qui n’y eurent plus de part sous les empereurs.

Le jour de la dédicace d’un temple étoit une fête solemnelle, accompagnée de réjouissances extraordinaires. On immoloit des victimes sur tous les autels ; on chantoit des hymnes au son de la flute. Le temple étoit orné de fleurs & de bandelettes. Le magistrat qui faisoit la cérémonie, mettoit la main sur le jambage de la porte, appellant à haute voix le souverain pontife, pour lui aider à s’acquitter de cette fonction, en prononçant devant lui la formule de la dédicace qu’il répétoit mot-à-mot. Ils étoient si scrupuleux sur la prononciation de ces paroles, qu’ils s’imaginoient qu’un seul mot ou une syllabe oubliée ou mal articulée gâtoit tout le mystere. C’est pourquoi le grand pontife Metellus qui étoit begue, s’exerça plusieurs mois pour pouvoir bien prononcer le mot d’opifera. Le deuil étoit incompatible avec la solemnité ; on le quittoit pour y assister en habit blanc. Sur ce prétexte, les ennemis d’Horatius Pulvillus qui faisoit la dédicace du temple du capitole, vinrent troubler la cérémonie, en lui annonçant la fausse nouvelle de la mort de son fils, mais il la reçut sans s’émouvoir, & continua ce qu’il avoit commencé.

Tacite, liv. II. parlant du rétablissement du capitole, nous a conservé la formule & les autres cérémonies de la consécration du lieu destiné à bâtir un temple. Vespasien, dit-il, ayant chargé L. Vestinus du soin de rétablir le capitole, ce chevalier romain consulta les aruspices, & il apprit d’eux qu’il falloit commencer par transporter dans des marais les restes du vieux temple, & en bâtir un nouveau sur les mêmes fondemens l’onzieme jour avant les kalendes de Juillet, le ciel étant serain. Tout l’espace destiné pour l’édifice fut ceint de rubans & de couronnes. Ceux des soldats dont le nom étoit de bon augure, entrerent dans cette enceinte avec des rameaux à la main ; puis vinrent les vestales accompagnées de jeunes garçons & de jeunes filles dont les peres & meres vivoient encore, qui laverent tout ce lieu avec de l’eau de fontaine, de lac & de fleuve. Alors Helvidius Priscus, préteur, précédé de Plaute Elien, pontife, acheva d’expier l’enceinte par le sacrifice d’une vache & de quelques taureaux qu’il offrit à Jupiter, à Junon, à Minerve & aux dieux patrons de l’empire, & les pria de faire ensorte que le bâtiment que la piété des hommes avoit commencé pour leur demeure, fût heureusement achevé. Les autres magistrats qui assistoient à cette cérémonie, les prêtres, le sénat, les chevaliers & le peuple pleins d’ardeur & de joie, se mirent à remuer une pierre d’une grosseur énorme, pour la traîner au lieu où elle devoit être mise en œuvre. Enfin on jetta dans les fondemens plusieurs petites monnoies d’or & d’autres pieces de métal, comme nous venons de le dire. Les noms des magistrats étoient gravés au frontispice des temples qu’ils avoient dédiés. Ceux qui les faisoient rebâtir, en y mettant de nouvelles inscriptions, n’en ôtoient pas celles des premiers fondateurs.

Quoique la partie du temple appellée cella sût destinée au culte de la religion, on ne laissoit pas d’y traiter d’affaires profanes après les sacrifices, en tirant des voiles qui couvroient les statues & les autels. Elle ne pouvoit être dédiée à plusieurs divinités, à moins qu’elles ne fussent inséparables, comme Castor & Pollux ; mais plusieurs dieux pouvoient avoir chacun la sienne sous un même toît ; & alors ce temple s’appelloit delubrum, quoique ce terme soit un terme générique.

La statue du dieu y étoit placée quelquefois dans une niche ou tabernacle appellé ædicula. Elle regardoit le couchant, afin que ceux qui venoient l’adorer, eussent le visage tourné vers l’orient. Autour étoit le sanctuaire.

Il y avoit ordinairement trois principaux autels dans le temple. Le plus considérable étoit placé au pié de la statue. Il étoit fort élevé, & par cette raison on l’appelloit altare. On brûloit dessus l’encens & les parfums, & l’on y faisoit des libations. Le second étoit devant la porte du temple, & servoit aux sacrifices. Le troisieme étoit un autel portatif nommé anclabris, sur lequel on posoit les offrandes & les vases sacrés. Les autels des dieux célestes étoient plus hauts que les autres ; ceux des dieux terrestres étoient plus bas, & ceux des dieux infernaux fort enfoncés.

Il y avoit toujours grand nombre de tables, de toutes sortes d’ustensiles & de vases sacrés dans les temples. On suspendoit les offrandes & les présens à la voûte nommée tholus. On attachoit aux piliers les dépouilles des ennemis, les tableaux votifs, les armes des gladiateurs hors du service.

Tout ce qui servoit aux temples, comme les lits sacrés appellés pulvinaria, & les présens qu’on y avoit offerts, étoient gardés dans une maniere de trésor appellé donarium. Les particuliers y mettoient aussi leurs effets en dépôt.

Les statues des hommes illustres, leurs images en bas-relief enchâssées dans des bordures appellées clypei votivi, & les tableaux représentans leurs belles actions & leurs victoires, faisoient l’ornement des temples. L’or, le bronze, le marbre & le porphyre y étoient employés avec tant de profusion, que l’on peut dire que la somptuosité de ces édifices étoit digne de la grandeur & de la magnificence de l’ancienne Rome. La plûpart étoient ouverts à tout le monde, & souvent même avant le jour pour les plus matineux, qui y trouvoient des flambeaux allumés.

Enfin il faut remarquer qu’il y avoit à Rome des temples particuliers nommés curies, qui répondoient à nos paroisses, & des temples communs à tous les Romains, où chacun pouvoit à sa dévotion aller faire des vœux & des sacrifices, mais sans être pour cela dispensé d’assister à ceux de sa curie, & surtout aux repas solemnels que Romulus y avoit institués pour entretenir la paix & l’union.

Ces temples communs étoient desservis par différens colleges de prêtres ; au lieu que chaque curie l’étoit par un seul qui avoit inspection sur tous ceux de son quartier. Ce prêtre ne relevoit que du grand curion, qui faisoit alors toutes les fonctions du souverain pontife. (D. J.)

Temple des assemblées du sénat, (Antiq. rom.) selon les regles de la religion, le sénat ne pouvoit s’assembler dans aucun lieu profane ou privé ; il falloit toujours que ce fût dans un lieu séparé, & solemnellement consacré à cet usage par les titres & les cérémonies des augures. Au rapport des anciens auteurs, on en voyoit plusieurs de cette espece dans les différentes parties de la ville. Le sénat s’y assembloit ordinairement selon la destination des consuls & la commodité particuliere de ces magistrats, ou celle des sénateurs, ou selon la nature de l’affaire qu’on y devoit proposer ou terminer. Ces maisons ou ces lieux d’assemblée du sénat furent appellés curies ; telle étoit la curie calabre bâtie, suivant l’opinion commune, par Romulus, la curie hostilienne bâtie par Tullius Hostilius, & la curie pompeïenne, par Pompée.

Mais les assemblées du sénat furent le plus souvent tenues dans certains temples dédiés à des divinités particulieres, tels que celui d’Apollon Palatin, de Bellone, de Castor & Pollux, de la Concorde, de la Foi, de Jupiter Capitolin, de Mars, de Tellus, de Vulcain, de la Vertu, &c. Voyez-en les articles.

Tous les temples que nous venons de nommer, ont été célébrés par les anciens auteurs, parce que le sénat y fut souvent convoqué. Dans chacun de ces temples on voyoit un autel, & une statue élevée pour le culte particulier de la divinité dont il portoit le nom. On les appelloit curies, à raison de l’usage qu’on en faisoit ; ce nom leur étoit commun avec les curies propres ou les maisons du sénat, qui à cause de leur dédicace solemnelle, furent souvent appellées temples ; car le mot temple dans le premier sens qu’on y avoit attaché, ne signifioit rien de plus qu’un lieu séparé & consacré par les augures, soit qu’il fût ouvert ou fermé, ou qu’il se trouvât dans la ville ou dans la campagne. En conséquence de cette idée, nous voyons que le sénat s’assembloit dans certaines occasions en un lieu découvert, principalement dans les tems où les esprits étoient ébranlés par des récits de prodiges ; mais on étoit bien guéri de cette vaine superstition dans les siecles polis de la république ; les Romains, du tems de Séneque, ne donnoient plus dans ces erreurs populaires.

La politique en rendant les temples propres à l’usage du sénat, étoit de graver aussi fortement qu’il se pût, dans l’esprit des sénateurs, l’obligation de se conduire selon les lois de la justice & de la religion, ce qu’on pouvoit en quelque maniere se promettre de la sainteté du lieu & de la présence, pour ainsi dire, des dieux. Ce fut l’objet de l’un des censeurs, lorsqu’il enleva la statue de la déesse Concorde d’un quartier de la ville où elle se trouvoit placée, & qu’il la fit porter dans la curie qu’il consacra à cette divinité ; il présumoit ainsi, dit Cicéron, qu’il banniroit toute dissension de ce temple destiné au conseil public, & qu’il avoit consacré au culte de la Concorde.

Lorsque pour assembler le sénat, on choisissoit les temples des autres divinités, tels que celui de Bellone, de la Foi, de la Vertu, de l’Honneur, c’étoit toujours dans l’objet d’avertir les sénateurs par la sainteté du lieu, du respect & de la vénération dûe à ces vertus particulieres, que leurs ancêtres avoient déifiées, à raison de leur excellence. Ce fut pour accréditer de plus en plus cette maxime religieuse, qu’Auguste ordonna que chaque sénateur, avant que de prendre place, adressât la priere à la divinité du temple où le sénat étoit assemblé, & qu’il lui offrît de l’encens & du vin.

Le sénat en deux occasions particulieres s’assembloit hors les portes de Rome, ou dans le temple de Bellone, ou dans celui d’Apollon ; premierement, lorsqu’il étoit question de recevoir les ambassadeurs, particulierement ceux qui venoient de la part des ennemis, & auxquels on n’accordoit pas la liberté d’entrer dans la ville ; en second lieu, pour donner audience aux généraux romains, & régler avec eux quelque affaire importante ; car il ne leur étoit pas permis de venir au-dedans des murs, tant que leur commission duroit, ou qu’ils avoient le commandement actuel d’une armée. (D. J.)

Temple d’Adonis, (Antiq. égypt. & greq.) ce prince de Byblos dut son apothéose & l’étendue de son culte aux soins d’une épouse passionnée. On lui bâtit des temples en Syrie, en Palestine, en Perse, en Grece & dans les îles de la Méditerranée ; Amathonte, entr’autres, bâtit un temple célebre à ce nouveau dieu. Je ne dirois rien ici des honneurs que lui rendoit la ville de Dion en Macédoine, ni du temple qu’on lui avoit élevé dans cette ville, sans une particularité qui mérite quelque attention. Hercule passant auprès de ce temple, fut invité d’y entrer, pour assister à la fête d’Adonis ; mais ce héros se mocqua des habitans, & leur dit ces mots qui devinrent dans la suite un proverbe, οὐδεν ἱερόν, nihil sacrum. Ce propos dans la bouche d’un de nos philosophes modernes passeroit pour une belle impiété, mais Hercule étoit bien éloigné d’en dire ; il voulut au contraire faire entendre par ce discours qu’Adonis n’avoit pas mérité d’être mis au nombre des dieux, & assurément il avoit raison. Si l’on doit honorer la mémoire de quelqu’un, c’est sans contredit de celui qui par ses travaux, ses bienfaits, ses lumieres, ou qui par des découvertes utiles, a rendu d’importans services aux hommes ; mais il étoit honteux de déifier un jeune efféminé connu seulement par l’amour d’une déesse insensée, dont les galantes avantures devoient plutôt être ensévelies dans l’oubli, qu’immortalisées par des fêtes qui en rappelloient à jamais le souvenir. (D. J.)

Temple d’Alexandrie, (Antiq. égypt.) c’est ainsi qu’on nommoit par excellence du tems des Ptolemées, les Sérapéon. Voyez Sérapéon, & Temple de Sérapis. (D. J.)

Temple d’Anaïtis, (Antiq. cappadoc.) il est vraissemblable que cette déesse des Cappadociens est Diane, ou la lune ; Plutarque ne laisse aucun lieu d’en douter, puisqu’il dit dans la vie d’Artaxerxès Mnémon, que ce prince établit à Aspasie sa concubine, prétresse de la Diane que les habitans d’Ecbatane appellent Anaïtis. De plus, Pausanias nous apprend que les Lydiens avoient un temple de Diane sous le nom d’Anaitis.

Mais l’anecdote la plus curieuse sur cette déesse, soit qu’elle fût Diane, la lune ou Venus, nous la devons cette anecdote à Pline, liv. XXXII. ch. xxiij. « Dans une expédition, dit-il, que fit Antoine contre l’Arménie, le temple d’Anaïtis fut saccagé, & sa statue qui étoit d’or mise en pieces par les soldats, ce qui en enrichit plusieurs. Un d’eux qui s’étoit établi à Boulogne en Italie, eut l’honneur de recevoir un jour Auguste dans sa maison, & de lui donner à souper. Est-il vrai, lui dit ce prince, pendant le repas, que celui qui porta les premiers coups à la déesse, perdit aussi tôt la vûe, fut perclus de tous ses membres, & expira sur le champ ? Si cela étoit, répondit le soldat, je n’aurois pas le bonheur de voir aujourd’hui Auguste chez moi, étant moi-même celui qui lui donnai le premier coup, dont bien m’en a pris ; car si je possede quelque chose, j’en ai obligation à la bonne déesse, & c’est d’une de ses jambes, seigneur, que vous soupez aujourd’hui ». (D. J.)

Temple d’Apollon, (Antiq. greq. & rom.) le fils de Jupiter & de Latone eut des temples sans nombre dans toute la Grece, sur-tout à Delphes, à Claros, à Ténédos & à Milet. Ce dernier temple étoit un des quatre qui faisoit l’admiration de Vitruve. On l’avoit bâti d’ordre ionique, ainsi que celui de Claros ; mais l’un & l’autre n’étoient pas encore achevés du tems de Pausanias.

Apollon eut aussi des temples dans toute l’Italie, & principalement à Rome. Entre ceux qui embellissoient cette capitale, le premier & le plus renommé est sans doute celui qu’Auguste lui consacra sur le mont Palatin, après la victoire d’Actium.

Ce temple fut construit de marbre blanc & de forme ronde. Il étoit par ses ornemens l’un des plus magnifiques de Rome. Le char du soleil en or massif, décoroit le frontispice, les portes étoient d’ivoire ; en entrant dans le temple, on voyoit une belle statue d’Apollon, ouvrage du célebre Scopas ; un chandelier à plusieurs branches, suspendu à la voute, éclairoit l’intérieur de l’édifice ; ces ouvrages des plus célébres artistes avoient été enlevés des temples de la Grece. Le sanctuaire du dieu étoit orné de plusieurs trépiés d’or.

Auguste déposa dans la base de la statue d’Apollon les livres des Sibylles enfermés dans des cassettes dorées. Le jeune Marcellus son neveu, consacra dans ce temple, une précieuse collection de pierres gravées. L’édifice étant achevé, l’empereur en fit la dédicace l’an 726 de Rome, trois ans après la bataille d’Actium. Horace composa dans cette occasion l’ode qui commence par ces mots :

Quid dedicatum poscit Apollinem
Vates !

Le temple d’Apollon Palatin étoit précédé d’une cour de figure ovale, environnée d’une superbe colonnade de marbre d’Afrique ; les statues des Danaïdes remplissoient les autres colonnes. On avoit placé au milieu de cette cour les statues équestres des fils d’Egyptus ; l’autel du dieu étoit accompagné des statues des filles de Proetus, ouvrage de l’artiste Myron, armenta Myronis, dit joliment Properce.

Auguste fit bâtir près du temple une galerie qui contenoit deux magnifiques bibliotheques ; l’une pour les ouvrages de poésie & de jurisprudence écrits en latin ; l’autre étoit destinée aux ouvrages des auteurs grecs. Ces édifices devoient être fort élevés, car il y avoit dans la bibliotheque grecque une statue d’Apollon, haute d’environ quarante-cinq piés ; Lucullus l’avoit enlevée de la ville d’Apollonie du Pont, & cette ville l’avoit payée cinq cent talens, environ deux millions cinq cent mille livres de notre monnoie. Les savans de Rome s’assembloient ordinairement dans ces bibliotheques ; on décidoit dans ces assemblées des nouveaux ouvrages de poésie.

Le sénat fut souvent convoqué par Auguste dans le temple d’Apollon ; il ordonna même que la distribution des parfums pour purifier le peuple, & le disposer à la solemnité des jeux séculaires, se feroit devant ce temple, comme devant le temple du capitole ; & cet usage étoit encore observé sous le regne de Domitien.

La derniere assemblée de la fête séculaire, fut aussi convoquée dans ce temple ; les chœurs des enfans y chanterent des hymnes sacrés en l’honneur d’Apollon, adoré sous le nom & l’emblême du soleil, dont le char décoroit comme nous l’avons dit le frontispice de l’édifice ; après ces chants, ils firent des vœux pour la prospérité de l’état.

Alme sol, curru nitido diem qui
Promis & celas, aliusque & idem
Nasceris ; possis nihil urbe Româ
Visere majus.

Si Palatinas videt æquus arces,
Rem que Romanam, latiumque felix ;
Alterum in lustrum, meliusque semper
Proroget oevum
.

Le soleil, au bout d’un certain nombre de révolutions dans le zodiaque, devoit ramener la même solemnité & les mêmes vœux pour la puissance éternelle de l’empire romain.

Sur l’une des portes du temple d’Apollon Palatin, on voyoit les Gaulois qui tomboient du capitole, & sur l’autre les quatorze enfans de Niobé, fille de Tantale, qui périrent misérablement pour l’orgueil de leur mere, qui avoit irrité la colere de Latone & d’Apollon.

Au reste Properce, liv. II. éleg. xxxj. a fait la description de ce temple, on peut la lire ; j’ajouterai seulement que c’étoit aux branches du magnifique candelabre de ce temple, & qui en éclairoit tout l’intérieur, que les poëtes attachoient leurs ouvrages, après que le public les avoit couronnés.

Lorsque l’académie françoise fut placée au louvre, elle fit frapper une médaille qui n’est pas trop modeste. L’on voit sur cette médaille Apollon tenant sa lyre, appuyé sur le trépié d’où sortent ses oracles ; la légende est, Apollon au palais d’Auguste. (D. J.)

Temples de Bacchus, (Antiq.) on reconnoissoit ce dieu dans toutes ses statues, à sa couronne de pampre, à son air de jeunesse, à ses longs cheveux, à la beauté de son visage, à l’embonpoint de son corps, qu’Orphée & Théocrite ont tant célébrée, & qui a fait dire à Ovide.

. . . Tibi enim inconsumpta juventa est.
Tu puer eternus, tu formosissimus alto
Conspiceris coelo
.

C’étoit l’assesseur de Cérès. Virgile leur fait en commun une invocation au commencement de ses géorgiques, parce que leurs fêtes se célébroient en même tems, & que leurs temples étoient communs. Bacchus en eut dans toute la Grece, qui de plus institua en son honneur ces fêtes tumultueuses si connues sous le nom d’orgyes. Téos lui rendoit un culte particulier ; il avoit un temple à Eleusis & dans d’autres villes, sous le nom d’Iacchus. Dans son temple à Phigalie, le bas de sa statue étoit toute couverte de feuilles de lierre & de laurier ; le reste étoit enluminé de vermillon.

Enfin ce dieu étoit extrêmement honoré dans les gaules, ainsi que le prouvent plusieurs monumens trouvés en différens endroits ; mais il l’étoit sur-tout dans une petite île située à l’embouchure de la Loire, où il avoit une espece de chapelle, desservie par des femmes qui célébroient ses orgyes. Strabon qui parle de cette île, liv. IV. & du culte qu’on y rendoit à Bacchus, ajoute que les femmes dont je viens de parler, enlevoient tous les ans, avant que le soleil fût couché, & remettoient dans le même lieu, le toît de cette chapelle. (D. J.)

Temple de Bellone, (Antiq. rom.) ce temple étoit selon Donat hors la ville, près de la porte Carmentale, & du Cirque de Flaminius, au lieu où l’on voit le palais Savelli & l’église saint Ange in Pescheria. Dans le vestibule de ce temple, étoit placée la colonne bellique, contre laquelle les consuls, toutes les fois qu’on avoit résolu la guerre, tiroient une fleche, ou frappoient d’une javeline, vers la partie où répondoit le peuple qu’on alloit attaquer. Ce temple fut bâti par le censeur Appius Claudius, vers l’an de Rome 457, & servit quelquefois aux assemblées du sénat. (D. J.)

Temple de Bélus, (Antiq. babyloniennes.) si ce temple étoit le plus ancien de tous ceux du paganisme, comme on a lieu de le penser, il étoit aussi le plus singulier par sa structure. Berose, au rapport de Josephe, en attribue la construction à Bélus, qui y fut lui-même adoré après sa mort ; mais il est certain que si le Bélus de cet historien est le même que Nemrod, comme plusieurs savans le croient, son dessein ne fut pas de bâtir un temple, mais d’élever une tour qui pût le mettre à couvert, lui & sa suite, des inondations ou autres désastres.

Cette fameuse tour qu’on appelle vulgairement la tour de Babel, formoit dans sa base un quarré, dont chaque côté contenoit un stade de longueur, ce qui lui donnoit un demi-mille de circuit. Tout l’ouvrage étoit composé de huit tours, bâties l’une sur l’autre, & qui alloient toujours en diminuant. Quelques auteurs, comme le remarque M. Prideaux, trompés par la version latine d’Hérodote, prétendent que chacune de ces tours ait été haute d’un stade, ce qui monteroit à un mille de hauteur pour le tout ; mais le texte grec ne porte rien de semblable, & il n’y est fait aucune mention de la hauteur de cet édifice. Strabon qui a décrit ce temple, ne lui donne qu’un stade de haut, & un de chaque côté.

Le savant éditeur de l’impression de l’ouvrage de M. Prideaux, faite à Trévoux, dit qu’en suivant la mesure des stades qui étoient en usage du tems d’Hérodote, le seul des anciens qui parle pour avoir vû cet édifice, il ne devoit avoir que 69 toises de hauteur ou environ, c’est-à-dire un peu plus d’une fois la hauteur des tours de l’Eglise de Paris ; ce qui n’est pas si excessif, vû la magnificence de quelques bâtimens de l’Europe.

Le même éditeur remarque encore, que comme cet ouvrage n’étoit fait que de briques, que des hommes portoient sur leur dos, comme nous l’apprenons des anciens, sa construction n’a rien qui doive surprendre ; & quoiqu’il fût plus haut de 119 piés que la grande pyramide, comme elle étoit bâtie, ou du moins couverte de pierres d’une longueur excessive, qu’il falloit guinder à une si prodigieuse hauteur, elle doit avoir été infiniment plus difficile à construire.

Quoi qu’il en soit, nous apprenons d’Hérodote, qu’on montoit au haut de ce bâtiment par un degré qui alloit en tournant, & qui étoit en-dehors. Ces huit tours composoient comme autant d’étages, dont chacun avoit 75 piés de haut, & on y avoit pratiqué plusieurs grandes chambres soutenues par des piliers, & de plus petites, où se reposoient ceux qui y montoient. La plus élevée étoit la plus ornée, & celle en même tems pour laquelle on avoit le plus de vénération. C’est dans cette chambre qu’étoient, selon Hérodote, un lit superbe, & une table d’or massif, sans aucune statue.

Jusqu’au tems de Nabuchodonosor, ce temple ne contenoit que la tour & les chambres dont on vient de parler, & qui étoient autant de chapelles particulieres ; mais ce monarque, au rapport de Berose, lui donna beaucoup plus d’étendue, par les édifices qu’il fit bâtir tout-au-tour, avec un mur qui les enfermoit, & des portes d’airain, à la construction desquelles le même métal & les autres ustensiles du temple de Jérusalem avoient été employés. Ce temple subsistoit encore du tems de Xerxès, qui au retour de sa malheureuse expédition dans la Grece, le fit démolir, après en avoir pillé les immenses richesses, parmi lesquelles étoient des statues d’or massif, dont il y en avoit une, au rapport de Diodore de Sicile, qui étoit de 40 piés de haut, & qui pouvoit bien être celle que Nabuchodonosor avoit consacrée dans la plaine de Dura. L’Ecriture, à la vérité, donne à ce colosse 90 piés de haut ; mais on doit l’entendre de la statue & de son pié-destal pris ensemble.

Il y avoit dans le même temple plusieurs idoles d’or massif, & un grand nombre de vases sacrés du même métal, dont le poids, selon le même Diodore, alloit à 5030 talens ; ce qui joint à la statue, montoit à des sommes immenses. C’étoit au reste, du temple agrandi par Nabuchodonosor, qu’Hérodote, qui l’avoit vû, fait la description dans son premier livre ; & son autorité doit l’emporter sur celle de Diodore de Sicile, qui n’en parloit que sur quelques relations. Hérodote dit, à la vérité, que dans une chapelle basse de ce temple, étoit une grande statue d’or de Jupiter, c’est-à-dire de Bélus ; mais il n’en donne ni le poids, ni la mesure, se contentant de dire que la statue, avec une table d’or, un trône & un marche-pié, étoient tous ensemble estimés par les Babyloniens, huit cens talens (175 mille liv. sterlings).

Le même auteur ajoute que hors de cette chapelle, étoit aussi un autel d’or, & un autre plus grand sur lequel on immoloit des animaux d’un âge parfait, parce qu’il n’étoit pas permis d’en offrir de pareils sur l’autel d’or, mais seulement de ceux qui tetoient encore ; & qu’on brûloit sur le grand autel chaque année le poids de cent mille talens d’encens. Enfin, il fait mention d’une autre statue d’or massif, qu’il n’avoit pas vûe, & qu’on lui dit être haute de douze coudées, c’est-à-dire de 18 piés. C’est sans doute de la même, que parle Diodore, quoiqu’il lui donne 40 piés de hauteur, en quoi il est plus croyable, si c’étoit celle de Nabuchodonosor, comme il y a toute sorte d’apparence.

Quoi qu’il en soit, j’ai dit d’après Hérodote, que dans la plus haute tour, il y avoit un lit magnifique ; & cet auteur ajoute, qu’il n’étoit permis à personne d’y coucher, excepté à une femme de la ville que le prêtre de Bélus choisissoit chaque jour, lui faisant accroire qu’elle y étoit honorée de la présence du Dieu. (D. J.)

Temple de bonus eventus, (Antiq. rom.) ce dieu du bon succès avoit à Rome un temple fort fréquenté, dans lequel on voyoit une de ses statues faite de la main de Praxitele. Cette statue ingénieuse avoit un bandeau sur le front, tenoit une patere de la main droite ; & de la gauche, un épi & un pavot. (D. J.)

Temple de Cardia, (Antiq. rom.) cette déesse allégorique eut un temple sur le mont Cælius, que Brutus lui bâtit, après avoir chasse Tarquin le superbe, de Rome. (D. J.)

Temples de Castor et de Pollux, (Antiq. grecq. & rom.) Pausanias, dans son voyage de Corinthe, l II. c. xxij. décrit le temple de Castor & de Pollux, où l’on voyoit de son tems les statues, non seulement de ces dieux, & de leurs femmes, Hilaire & Phébé, mais de leurs enfans ; ces statues, ainsi que leurs chevaux, paroissent avoir été les plus anciennes statues équestres qu’il y eût en Grece, car elles étoient d’ébéne, de la main de Dipoenus & de Scyllis.

Le principal temple des Dioscures à Rome, & dans lequel le sénat s’assembloit quelquefois, étoit dans le cirque de Flaminius. Les Romains dans leurs sermens, juroient d’ordinaire par ces deux divinités, qu’ils regardoient comme de sûrs garans de la vérité de leurs démarches. On trouve dans les anciens poëtes comiques des vestiges de ces sermens. Pol. Per. Ecastor. Mehercle, Medius Fidius.

Dans un quartier de Naples, entre la vicairerie & le château ; on voit encore le portique d’un fameux temple, bâti en l’honneur de Castor & Pollux, par Tibere Jule, achevé & consacré par Pélagon, affranchi d’Auguste, ainsi qu’il paroît par l’inscription grecque qui s’y lit aujourd’hui, & que je rapporte en latin.

Tiberius Julius, Tarsus, Jovis filiis & urbi,
Templum, & quæ in templo,
Pelagon Augusli libertus,
Et procurator perficiens,
Ex propriis conservavit.

Le portique est corinthien : les entre-colonnes ont plus d’un diametre & demi. Les bases sont attiques, & les chapiteaux à feuilles d’olive, travaillés par excellence.

L’invention des caulicoles sous la rose, est belle & particuliere, en ce qu’ils s’entrelacent, & semblent sortir des feuilles montantes sur d’autres caulicoles, qui portent les cornes du tailloir du chapiteau. Cet exemple, & quelques autres encore prouvent qu’un architecte peut quelquefois s’écarter des régles ordinaires, pourvû qu’il le fasse avec jugement, & toujours conformément à la nature des choses qu’il imite. Le frontispice est enrichi de la représentation d’un sacrifice en bas-relief. (D. J.)

Temples de Cérès, (Antiq. grecq. & rom.)

Prima Ceres ferro mortales vertere terram
Instituit.

Géorg. liv. I.

elle mériteroit toujours le titre de déesse du blé & de la terre, quand même elle n’auroit fait qu’établir des lois sur la propriété des terres, afin que chacun pût recueillir le blé qu’il avoit semé, &, pour m’exprimer avec Virgile, partiri limite campum.

Aussi toute la Grece, la Sicile & l’Italie instituerent des fêtes en son honneur, & éleverent des temples à sa gloire. Les seuls Phénéates lui en consacrerent plusieurs dans un petit espace de terrein.

On voyoit, du tems de Pausanias, à Stiris, un de ses temples bâti de briques crues ; mais la déesse étoit du plus beau marbre, & tenoit un flambeau à la main.

Elle avoit un temple à Thebes, sous le nom de Cérès Thesmophore, ou la législatrice ; on y gardoit des boucliers d’airain, qu’on disoit être ceux des principaux officiers de l’armée lacédémonienne qui furent tués à Leuctres.

Un feu éternel brûloit dans son temple à Mantinée, ville d’Arcadie.

Son temple, aux Thermopiles, étoit bâti au milieu d’une grande plaine près du fleuve Asope, & c’étoit là que s’assembloient les Amphictions, & qu’ils lui offroient à leur arrivée un sacrifice solemnel.

La même déesse avoit à Rome plusieurs temples, dont le plus beau étoit dans la onzieme région de la ville. Différentes classes de ministres, & ses seules prêtresses, jouirent à Rome jusqu’au regne de Néron, du privilege d’assister au combat de la lutte.

Cicéron vous donnera une belle description des statues de Cérès, que Verrès enleva des temples de la Sicile. Il est heureux qu’il n’ait pas été nommé préteur d’Eleusis, il en auroit pillé le beau temple, dont il ne reste plus de vestiges, ainsi que de tous les autres élevés à la gloire de cette grande divinité.

Plus de nouvelles de celui qu’elle avoit à Sparte, & dont les cérémonies empruntées d’Orphée, donnerent lieu au bon mot de Léotichidas rapporté par Plutarque. Le sacrificateur de ce temple appellé Philippe, initioit les hommes dans les cérémonies d’Orphée. Il étoit réduit à une vie si nécessiteuse, qu’il mendioit son pain ; cependant il publioit que les Lacédémoniens qui entreroient par son ministere dans ses solemnités, seroient assurés après leur mort d’une félicité sans pareille. Eh ! fou que tu es, lui dit Léotichidas, que ne te laisses-tu donc vîtement mourir, pour prendre pour toi la félicité que tu promets aux autres. (D. J.)

Temple de la Concorde, (Antiq. rom.) curia concordiæ ; on trouve à la descente du capitole des débris de ce temple dédié solemnellement à la Concorde par Camille. Il servoit de lieu d’assemblée du sénat pour y traiter des affaires publiques, d’où l’on voit qu’il avoit été consacré, parce que le sénat ne s’assembloit dans aucun temple pour les affaires d’état, si ce temple n’avoit été consacré, c’est-à-dire, bâti en conséquence de quelque vœu ou de quelque augure.

Parmi le grand nombre de statues dont il étoit enrichi, les historiens ont principalement mentionné celle de Latone, tenant dans ses bras Apollon & Diane ses deux enfans ; celle d’Esculape & de la déesse Hygéa ; celle de Mars & de Minerve ; celle de Cérès & Mercure ; enfin celle d’une victoire. Cette derniere pendant le consulat de M. Marcellus & de M. Valerius, fut frappée d’un coup de foudre. On voit par l’inscription qui subsiste encore dans la frise, que ce temple ayant été consumé par un incendie, le sénat & le peuple romain le firent rebâtir : voici l’inscription. S. P. Q. R. incendio comsumptum restituit.

Les entre-colonnes ont moins de deux diametres ; les bases sont composées de l’attique & de l’ionique, & different en quelque chose de la maniere ordinaire, mais elles ne laissent pas d’être belles. Les chapiteaux sont aussi composés de l’ordre dorique & ionique, & sont très-bien travailles ; l’architrave avec la frise dans la partie extérieure de la façade, ne sont qu’une bande toute unie, sans aucune distinction de leurs moulures, ce qui fut fait pour y mettre l’inscription ; mais par dedans, c’est-à-dire, sous le portique, ils ont toutes leurs moulures distinctes, comme on le peut remarquer dans le dessein qu’on en a fait. La corniche est simple sans ornemens ; il ne reste plus aucune partie antique des murs de la nef, & même ils ont été mal réparés.

Il y avoit un autre petit temple de la Concorde bâti par l’édile Flavius, & joint au græcostase ; c’étoit le lieu où les ambassadeurs envoyés vers le sénat attendoient sa réponse. Le sénat y rendoit aussi quelquefois des jugemens ; Pline, l. XXXIII. dit cænaculum suprà graecostasim, ubi aedes Concordiae, & basilica Opimia. Il avoit été réparé par Opimius. (D. J.)

TEMPLES DE CYBELE, (Antiq. grecq. & rom.) la mere des dieux fut extrêmement honorée en Phrygie, & eut le plus superbe de ses temples à Pessinunte, capitale du pays. Les Romains ne reconnurent cette divinité que vers l’année 548, sous le consulat de Cornelius Scipion, surnommé l’Africain, & P. Licinus, au sujet d’une pluie de pierres durant la seconde guerre punique. Ils eurent recours aux livres de la Sibylle, & on trouva que pour chasser les Carthaginois d’Italie, il falloit faire venir la mere des dieux de Pessinunte à Rome. On dépêcha donc aussi-tôt des ambassadeurs au roi Attalus, qui leur fit délivrer la déesse représentée par une grosse pierre informe & non taillée. M. Valerius, l’un des députés, étant arrivé à Terracine avec cette pierre, en donna avis au sénat, & lui manda qu’il étoit nécessaire d’envoyer avec les dames le plus homme de bien de toute la ville pour la recevoir.

Le sénat jetta les yeux sur P. Cornelius Scipion Nasica ; il alla la recevoir avec les dames romaines au port d’Ostie, qui l’apporterent à Rome, & la mirent dans le temple de la victoire sur le mont Palatin.

L’année suivante M. Livius & Claudius censeurs, firent bâtir un temple particulier pour elle, & treize ans après, M. Junius Brutus le dédia. (D. J.)

TEMPLES DE DAGON, (Antiq. phéniciennes) cette divinité célebre des Philistins, & dont l’Ecriture parle souvent, avoit des temples magnifiques en Phénicie, entr’autres à Gaza & à Azoth. Dagon est un nom phénicien, qui veut dire froment ; Dagon le dieu du blé, l’inventeur du labourage, méritoit bien après sa mort, les honneurs divins. (D. J.)

TEMPLE DE DELPHES, (Antiq. grecq.) Voyez DELPHES, temple de ; il nous manque une description détaillée de ce temple célebre, bâti par les Amphictions, & qui subsistoit encore du tems de Pausanias ; mais, il n’étoit pas aussi magnifique pour sa structure que celui de Jupiter Olympien à Athenes, il possedoit du-moins un chef-d’œuvre de Phidias, & de plus il étoit inestimable par les présens immenses que lui procuroit son oracle ; toute la terre y avoit apporté ses offrandes, il falloit bien que le nombre en fût infini, puisque malgré tous les pillages qu’en firent consécutivement tant de peuples & de rois, Néron dans son voyage de la Grece, quarante ans après que les Thraces eurent saccagé & brûlé ce fameux temple, y trouva & en enleva encore cinq cent statues de bronze. (D. J.)

TEMPLES DE DIANE, (Antiq. grecq. & rom.) cette grande divinité des Ephésiens étoit encore honorée dans toute la Grece par quantité de temples, dont Pausanias vous donnera la description : bornons-nous à parler de ceux qu’elle avoit à Rome.

Le premier temple qu’on lui bâtit fut sur le mont Aventin, sous le regne de Servius Tullius, à la persuasion duquel les Romains & les Latins lui éleverent ce temple à frais communs ; ils s’y assembloient tous les ans, y faisoient un sacrifice au nom des deux peuples, & y vuidoient tous leurs différends : & afin qu’il restât un monument éternel de cette confédération, on fit graver sur une colonne d’airain les conditions de cette alliance avec les noms de toutes les villes qui y étoient comprises, & des députés qui les avoient signées.

Ce temple étoit garni de cornes de vaches, dont Plutarque & Tite-Live rapportent le sujet. Ils nous disent qu’un certain sabin, nommé Autro Coratius, ayant une vache d’une beauté extraordinaire, un devin l’avertit que s’il immoloit cette vache à Diane dans son temple du mont Aventin, il ne manqueroit jamais de rien, & que sa ville soumettroit toute l’Italie sous son empire. Autro étant venu à Rome pour ce sujet, un de ses valets avertit le roi Servius de la prédiction du devin ; ce prince ayant consulté sur cet article le pontife Cornelius, il fit avertir Autro de s’aller laver dans les eaux du Tibre, avant de sacrifier cette vache, & cependant le roi Servius la sacrifia lui-même, & en attacha les cornes aux murailles du temple.

Auguste éleva un temple à Diane dans la Sicile, après la défaite de Sextus Pompeius & le recouvrement de cette province. Il fit graver au frontispice de ce temple trois jambes, qui sont le symbole de la Trinacrie ou de la Sicile, avec cette inscription, imperator Caesar.

Strabon, liv. IV. de la description du monde, raconte qu’en l’île d’Icarie on voyoit un temple de Diane nommé ταυροπόλος, & Tite-Live, l. IV. de la cinquieme décade, appelle ledit temple Tauropolium, & les sacrifices qui s’y faisoient tauropolia ; toutefois Denis dans son livre de situ orbis, dit que Diane n’a pas été nommée Tauropola du peuple, mais des taureaux dont il y avoit grande abondance dans le pays. (D. J.)

TEMPLE DE TOUS LES DIEUX, (Antiq. rom.) le temple de tous les Dieux, étoit l’édifice le plus superbe & le plus solidement bâti de la ville de Rome ; il est vrai que j’en ai déjà parlé au mot Panthéon [c’étoit son nom], mais j’ai beaucoup de choses à rectifier & à ajoûter à cet article.

Le corps de l’ouvrage subsiste encore aujourd’hui sous le nom de Rotonde ou d’église de tous les Saints, auxquels ce temple est consacré, comme il l’étoit dans le paganisme à tous les dieux : on en trouvera le dessein dans le II. tom. de l’Antiq. expliq. par le pere Montfaucon, qui l’a pris pour le plan de Serlio, & pour le profil dans Lafreri.

Ce superbe édifice ne reçoit le jour que par un trou fait au milieu de la voute, mais si ingénieusement ménagé, que tout le temple en est suffisamment éclairé. Sa forme est de figure ronde, & il semble que l’architecte ait voulu, comme en un grand nombre d’autres temples de la premiere antiquité, imiter en cela la figure qu’on donnoit au monde : quod forma ejus convexa, fastigiatam coeli similitudinem ostenderet.

La bâtisse de ce temple est fort ancienne ; on ignore le tems de sa construction. Agrippa, gendre d’Auguste, ne fit que le réparer, le décorer, & y ajoûter le portique que l’on admire aujourd’hui, & sur la frise duquel il a fait mettre son nom ; de-là vient qu’on nomme ce temple le Panthéon d’Agrippa.

Son portique est composé de seize colonnes de marbre granit, chacune d’une seule pierre : ces colonnes ont cinq piés de diametre, & plus de trente-sept piés d’hauteur, sans y comprendre la base & le chapiteau. De ces seize colonnes il y en a huit de face & huit derriere, le tout d’ordre corinthien. Comme on trouva, du tems du pape Eugene, près de cet édifice, une partie de la tête d’Agrippa en bronze, un pié de cheval & un morceau de roue du même métal, il y a apparence que ce grand homme étoit représenté lui-même en bronze sur ce portique, monté sur un char à quatre chevaux.

Diogène, athénien, dit Pline, décora le Panthéon d’Agrippa, & les caryatides, qui servent de colonnes au temple, sont mises au rang des plus belles choses, ainsi que les statues posées sur le haut du temple, mais elles sont trop élevées pour qu’on puisse leur rendre toute la justice qui leur est dûe.

Septime Sévere fit encore dans la suite des réparations considérables à ce beau monument de la piété des anciens ; mais le temple est toujours demeuré tel qu’il étoit au tems de Pline, avec la seule différence qu’il a été dépouillé de ses statues, & de cette grande quantité d’ornemens de bronze dont il étoit enrichi. On ne voit pas même où pouvoient être placées les caryatides dont Pline fait mention ; on a soupçonné qu’elles avoient occupé l’attique qui regne au-dessus des colonnes, dans l’intérieur de l’édifice. On ignore le tems auquel elles ont été supprimées, & on n’est pas plus instruit du motif de leur destruction. Il y a cependant apparence qu’on est venu à cette extrémité lorsque le temple a été converti en église, il a fallu en ôter les statues des divinités ; & les caryatides furent mises apparemment au rang des statues, par des gens qui ne savoient pas que les caryatides étoient un ordre d’architecture, & n’avoient aucun rapport avec le culte religieux.

Les plaques de bronze dorées qui couvroient toute la voute, furent enlevées par l’empereur Constance III. Le pape Urbain VIII. se servit des poutres du même métal pour faire le baldaquin de S. Pierre, & les grosses pieces d’artillerie qui sont au château Saint-Ange ; en un mot, toutes les choses précieuses dont ce temple étoit rempli ont été dissipées. Les statues des dieux, qui étoient dans les niches qu’on voit encore dans l’intérieur de temple, ont été ou pillées ou enfouies ; & il n’y a pas bien long-tems encore, qu’en creusant près de cet édifice, on trouva un lion de Basalte, qui est un beau marbre d’Egyte, & puis un autre, qui servirent à orner la fontaine de Sixte V. sans parler d’un grand vase de porphire, qu’on plaça près du portique. (D. J.)

Temple d’Eleusis, (Antiq. grecq.) un des plus célebres du monde, élevé en l’honneur de Ceres & de Proserpine. Hetinus le fit d’ordre dorique, & d’une si vaste étendue, qu’il étoit capable de contenir trente mille personnes ; car il s’en trouvoit du moins autant, & souvent plus, à la célébration des mysteres de ces deux déesses ; c’est un fait que certifient Hérodote, l. VIII. ch. lxv. & Strabon, l. IX. pag. 365. Vitruve observe que ce temple étoit d’abord sans colonnes au-dehors, pour laisser plus de place & de liberté aux cérémonies religieuses qui se pratiquoient dans les sacrifices éléusiniens ; mais Philon dans la suite y ajouta un portique magnifique. (D. J.)

Temple d’Éphèse, (Antiq. grecq.) Voyez Éphèse, temple d’.

Le premier temple d’Ephèse, qui fut brûlé par Erostrate, passoit pour une des sept merveilles du monde : on avoit employé 220 ans à l’élever. Les richesses de ce temple devoient être immenses, puisque tant de rois avoient contribué à l’embellir, & qu’il n’y avoit rien de plus fameux en Asie que cet édifice.

Le second temple d’Ephèse fut construit par Cheiromocrate, le même qui bâtit la ville d’Alexandrie, & qui du mont Athos vouloit faire une statue d’Alexandre. Ce dernier temple, que Strabon avoit vû, n’étoit ni moins beau, ni moins riche, ni moins orné que le premier. Xénophon parle d’une statue d’or massif qui y étoit. Strabon assure aussi que les Ephésiens, par reconnoissance, y avoient placé une statue d’or en l’honneur d’Artémidore. Le concours de monde qui se rendoit à Ephese pour voir ce temple, étoit infini. Ce que raconte saint Paul, Act. 19. de la sédition tramée par les orfévres d’Ephèse, qui gagnoient leur vie à faire de petites statues d’argent de Diane, est bien propre à nous prouver la célébrité du culte de cette déesse.

Vitruve observe que le temple dont nous parlons étoit d’ordre ionique & diptérique, c’est à-dire qu’il regnoit tout-à-l’entour deux rangs de colonnes, en forme d’un double portique ; il avoit 71 toises de longueur, sur plus de 36 de largeur, & l’on y comptoit 127 colonnes de 60 piés de haut.

Ce temple étoit un asyle des plus célebres, qui s’étendoit à 125 piés aux environs. Mithridate l’avoit borné à l’espace d’un trait de fleche. Marc Antoine doubla cette étendue ; mais Tibere pour éviter les abus qui se commettoient à l’occasion de ces sortes de droits, abolit cet asyle : aujourd’hui on ne trouve plus, d’un si superbe édifice, que quelques ruines, dont on peut voir la relation dans le voyage de Spon. (D. J.)

Temples d’Esculape, (Antiq greq. & rom.) ce dieu de la santé fut premierement honoré à Epidaure, ville d’Esclavonie, où il avoit un temple magnifique & une statue d’or & d’ivoire d’une grandeur extraordinaire, sculptée par Trasimede de l’île de Paros. Le dieu étoit représenté assis sur un trone, tenant d’une main un bâton, & s’appuyant de l’autre sur la tête d’un dragon, avec un chien à ses piés. Pausanias dit que ce chien étoit mis aux piés d’Esculape, parce qu’un chien l’avoit gardé lorsqu’il fut exposé ; on pourroit aussi penser, dit M. le Clerc, que ce chien étoit l’emblème de l’attachement, du zèle, & des autres qualités nécessaires à un médecin dans sa profession.

Les Romains éleverent un temple à Esculape dans l’île du Tibre. L’occasion en fut extraordinaire au récit d’Aurélius Victor.

Rome & le territoire qui l’environnoit, étoient ravagés par la peste. Dans cette désolation, on envoya dix ambassadeurs à Epidaure avec Q. Ogulnius à leur tête, pour inviter Esculape à venir au secours des Romains. Les ambassadeurs étant arrivés à Epidaure, comme ils s’occupoient à admirer la statue extraordinaire d’Esculape, un grand serpent sortit de dessous son autel, & traversant le temple, il alla dans le vaisseau des Romains, & entra dans la chambre d’Ogulnius. Les ambassadeurs comblés de joie à ce présage, mirent à la voile, & arriverent heureusement à Antium, où les tempêtes qui s’éleverent alors, les retinrent pendant quelques jours. Le serpent prit ce tems pour sortir du vaisseau ; & il alla se cacher dans un temple situé dans le voisinage, qui étoit dédié à Esculape. Le calme étant revenu sur la mer, le serpent rentra dans le vaisseau, & s’avança sur le rivage où on lui bâtit un temple, & la peste cessa.

Pline dit qu’on bâtit un temple d’Esculape en cet endroit par une espece de mépris pour l’art qu’il avoit inventé, comme si les Romains avoient envoyé à Epidaure une ambassade solemnelle, à dessein d’injurier le dieu dont ils avoient alors besoin.

Plutarque a rendu une meilleure raison au jugement de M. le Clerc, du choix qu’on faisoit de certains lieux, pour y bâtir les temples d’Esculape. Il a pensé que celui des Romains, & presque tous ceux de la Grece, avoient été situés sur des lieux hauts & découverts, afin que les malades qui s’y rendoient, eussent l’avantage d’être en bon air.

Il n’y a pas de doute que ce ne fût à l’imitation des Grecs, que les Romains placerent le temple d’Esculape hors de Rome ; & l’on pourroit apporter une excellente raison de la préférence que les Grecs donnerent à cette situation : ils avoient éloigné le temple d’Esculape des villes, de peur que la corruption occasionnée par la foule des malades qui s’adressoient aux prêtres de ce dieu pour être guéris, ne passât dans les lieux qu’ils habitoient, si les temples en avoient été voisins, ou qu’ils n’eussent respiré un air empesté par la même cause, s’ils avoient été élevés dans les villes. (D. J.)

Temple de la Félicité, (Antiq. rom.) templum Felicitatis. Les Romains dresserent un temple & un autel à cette déesse, & firent faire sa statue par Archésilas statuaire ; elle avoit couté à Lucullus soixante grands sesterces, c’est-à-dire environ 6000 francs. (D. J.)

Temple de la Foi, (Antiq. rom.) le temple de la Foi, bâti sur le mont Capitolin, & dans lequel le sénat s’assembloit quelquefois, n’étoit pas éloigné du temple d’Apollon. Numa Pompilius avoit placé la Fidélité parmi les dieux, dans l’objet d’engager chaque citoyen, par l’appréhension de cette divinité, à garder la foi dans les contrats, ce qui est confirmé par Cicéron, liv. III. des Off. & par Pline, l. XXXV. ch. x.

Temple de la Fortune, (Antiq. greq. & rom.) jamais divinité n’eut plus de temple, & sous plus de noms différens. Les Romains surtout se distinguerent en ce genre dans la vue de se la rendre favorable. Servius Tullius lui éleva le premier temple dans le Forum, mais il fut incendié.

Cette déesse avoit un célebre temple à Antium sur le bord de la mer ; on l’appelloit le temple des Fortunes antiatines. Mais le temple de la Fortune le plus renommé dans l’antiquité, est celui que Sylla lui fit à Préneste ; le pavé de ce temple étoit de marqueteie. L’on voyoit dans ce même temple une figure équestre de la déesse toute dorée, & c’est assurement son appanage. Celui que lui fit bâtir Q. Catulus, étoit dédié à la Fortune du jour, Fortunæ hujusce diei, & cette idée est ingénieuse.

Si celui que lui consacra Néron n’étoit pas le plus magnifique, il étoit du-moins le plus singulier, & le plus brillant par la matiere qui y fut employée. Il fut entierement construit d’une sorte de pierre trouvée en Cappadoce, & que Pline nomme phingias, laquelle à une blancheur éblouissante, joignoit la dureté du marbre ; ensorte, dit-on, que les portes fermées on y voyoit clair. Ce temple se trouva dans la suite renfermé dans l’enceinte de la maison d’or de cet empereur.

Cette déesse en avoit un dans la rue neuve, sous le titre de la Fortune aux mamelles, qu’on représentoit à-peu-près comme la Diane d’Ephèse, & comme Isis, dont elle a la coëffure sur quelques figures que le tems nous a conservées.

Domitien en fit construire un autre à la Fortune de retour, Fortunæ reduci, expression qui se trouve souvent sur des médailles, & celle de Fortuna redux.

Le baron Herbert de Cherburi, auteur d’un savant traité sur la religion des gentils, prétend que les Orientaux ni les Grecs n’avoient jamais rendu aucun culte à la Fortune ; & que les Romains étoient les seuls qui l’eussent adorée. Mais ignoroit-il que les habitans d’Antioche avoient dans leur ville un temple magnifique de cette divinité ; que ceux de Smyrne lui avoient consacré la belle statue que Bubalus en avoit fait ; & qu’enfin, au rapport de Pausanias, la Grece étoit remplie de temples, de chapelles, de statues, de bas-reliefs & de médailles de cette même déesse. (D. J.)

Temple des Furies, (Antiq. greq. & rom.) ces déesses redoutables avoient dans plusieurs endroits de la Grece des autels & des temples, sur lesquels, dit Euripide, presque personne n’osoit jetter les yeux. Le temple qu’elles avoient en Achaïe, dans la ville de Ceryme, passoit par un lieu fatal à ceux qui y entroient étant coupables de quelque crime. Oreste leur fit bâtir trois temples célebres, un auprès de l’Aréopage, & les deux autres en Arcadie. Tous leurs temples étoient un asyle assuré pour ceux qui s’y retiroient. La déesse Furine que Cicéron croit avoir été la même que les Furies, avoit un temple à Rome dans la quatorzieme région. (D. J.)

Temples des Graces, (Antiq. greq. & rom.) des divinités si aimables n’ont manqué ni de temples, ni d’autels. Ethéocle, roi d’Orchomene, fut, dit-on, le premier qui leur en éleva dans sa capitale, & qui régla ce qui concernoit leur culte. Près du temple qu’il fit bâtir en l’honneur des Graces, on voyoit une fontaine que son eau pure & salutaire rendoit célebre par tout le monde. A quelques pas de-là couloit le fleuve Céphise, qui par la beauté de son canal & de ses bords, ne contribuoit pas peu à embellir un si charmant séjour. L’opinion commune étoit que les Graces s’y plaisoient plus qu’en aucun autre lieu de la terre. De-là vient que les anciens poëtes les appellent ordinairement déesses de Céphise, & déesses d’Orchomene.

Cependant toute la Grece ne convenoit pas qu’Ethéocle eût été le premier à leur rendre les honneurs divins. Les Lacédémoniens en attribuoient la gloire à Lacédémon leur quatrieme roi. Ils prétendoient qu’il avoit bâti un temple aux Graces dans le territoire de Sparte, & sur les bords du fleuve Tiase, & que ce temple étoit sans contredit le plus ancien de tous ceux où elles recevoient des offrandes.

Quoi qu’il en soit, elles avoient encore d’autres temples à Elis, à Delphes, à Pergé, à Perinthe, à Byzance, & en plusieurs autres endroits de la Grece & de la Thrace. Dans l’île de Paros une des Cyclades, elles avoient un temple, & un prêtre à vie.

Non-seulement elles avoient des temples particuliers, elles en avoient aussi de communs avec d’autres divinités. Les temples consacrés à l’Amour & à Vénus, l’étoient aussi ordinairement aux Graces. Assez souvent elles avoient place dans ceux de Mercure, pour nous apprendre que le dieu de l’éloquence ne pouvoit se passer de leur secours. Mais surtout les Muses & les Graces n’avoient d’ordinaire qu’un même temple, à cause de l’union intime qui étoit entre ces deux sortes de divinités. Pindare invoque les Graces presqu’aussi souvent que les Muses, il confond leurs jurisdictions ; & par une de ces expressions heureuses qui lui sont familieres, il appelle la poésie le délicieux jardin des graces.

Il seroit trop long de parler des autels qui leur furent consacrés, Pausanias vous en instruira ; je dirai seulement qu’aucune divinité n’en méritoit davantage, puisqu’une de leurs prérogatives étoit de présider à la reconnoissance. On sait que Démosthenes rapporte dans sa harangue pour la couronne, que les Athéniens ayant secouru les habitans de la Chersonnese dans un besoin pressant, ceux-ci pour éterniser le souvenir d’un tel bienfait, éleverent un autel avec cette inscription, χαριτος βώμος : autel consacré à celle des Graces qui préside à la reconnoissance. (D. J.)

Temples d’Hercule, (Antiq. phénic. greq. & rom.) le culte d’Hercule fut porté en Grece, à Rome, dans les Gaules, en Espagne, & s’étendit, selon Pline, jusque dans la Taprobane, île entre l’Inde & le Gange.

Son temple de Tyr étoit célebre ; Hérodote qui y fut attiré par curiosité, nous dit qu’il trouva ce temple orné de magnifiques présens & qu’il y avoit deux statues de ce dieu, une d’or, & l’autre d’une pierre précieuse qui jettoit pendant la nuit un grand éclat ; qu’il avoit demandé aux prêtres si ce temple étoit ancien, & qu’ils lui avoient répondu qu’il l’étoit autant que la ville, qui avoit été bâtie depuis deux mille trois cens ans ; époque plus ancienne que les Grecs.

Il ajoute qu’il y avoit dans la même ville un autre temple dédié à Hercule Thasius, & que s’étant transporté à Thase, il y avoit vu un temple bâti en l’honneur de ce dieu par ceux qui enleverent Europe, événement qui précede de cinq générations la naissance de l’Hercule grec : d’où il conclut qu’Hercule est une ancienne divinité, & que les Grecs font bien d’en honorer deux, l’un comme un dieu immortel, l’autre comme un héros.

Les habitans de Gadès (Cadis) firent ériger à Hercule un temple magnifique à quelque distance de leur ville ; la situation de ce temple dans un lieu si éloigné, son ancienneté, le bois incorruptible dont il étoit construit, ses colonnes chargées d’anciennes inscriptions & d’hiéroglyphes, les travaux d’Hercule qui y étoient représentés, les arbres de Géryon, qui, selon Philostrate, jettoient du sang, les cérémonies singulieres qui s’y pratiquoient ; tout cela le rendoit fort célebre, & la ville de Gadès se croyoit en sûreté sous la protection du héros. Aussi Théron, roi d’Espagne, ayant voulu piller ce temple, une terreur panique dispersa ses vaisseaux qu’un feu inconnu dissipa tout-d’un-coup.

Hercule eut aussi plusieurs temples à Rome, entr’autres deux assez célebres ; le temple du cirque de Flaminius, qu’on appelloit le temple du grand Hercule, gardien du cirque ; & le temple qui étoit au marché aux bœufs, dans lequel, dit Pline, il n’entroit jamais ni chiens, ni mouches. (D. J.)

Temples de Janus, (Antiq. rom.) il y avoit trois temples dans Rome en l’honneur de Janus ; le premier de ces temples fut bâti par Romulus après la paix des Sabins : il fit mettre dans ce temple la statue de Janus à deux visages, pour dire que la nation romaine & la sabine s’étoient unies ensemble, & que les deux rois, Romulus & Tatius, ne faisoient qu’un chef pour gouverner. Ce temple n’avoit que deux portes, qui étoient ouvertes en tems de guerre & fermées en tems de paix.

C’étoit dans ce temple que les consuls, après la guerre déclarée, se rendoient accompagnés du sénat & des soldats, & qu’ils en ouvroient les portes ; c’étoit-là aussi où ils prenoient possession de leur charge, & conséquemment on disoit qu’ils ouvroient l’année.

Le second temple de Janus fut construit par Cn. Duillius dans le marché aux poirées, après la premiere guerre de Carthage : mais étant à demi-ruiné par la longueur du tems, il fut rebâti par l’empereur Tibere, comme dit Tacite, l. II. de ses annales.

Le troisieme, sous le nom de Janus, quadrifrons, à quatre visages, fut élevé dans le marché aux bœufs, en une petite vallée, appellée le Vélabre, entre le mont Palatin & le capitole. Voici quel en fut le sujet : les Romains, dit Servius, représenterent d’abord Janus à deux visages ; mais, après la prise de Falérie en Toscane, ayant rencontré une statue de Janus à quatre faces, ils voulurent en avoir une pareille à Rome ; & pour l’honorer davantage, ils lui bârirent un temple à quatre faces, chacune étoit de douze niches, avec une grande porte, ce qui marquoit les quatre saisons de l’année & les douze mois. Varron dit qu’il y avoit douze autels dédiés à Janus, & que chacun d’eux représentoit un mois de l’année.

Outre ces trois temples, il y avoit une chapelle sous le titre, ædes Jani curiatii, dédiée à Janus, par cet Horace qui défit les trois curiaces. On parle encore d’un Janus Septimianus, qu’on croit avoir été un bâtiment ouvert aux allans & venans, & qui avoit été édifié par Septimius Severus. (D. J.)

Temples d’Isis, (Antiq. égypt.) on a découvert dans la basse Thébaïde, au village de Bhabéit, c’est-à-dire en arabe maison de beauté, les restes d’un des plus beaux, des plus vastes & des plus anciens temples d’Egypte, qu’on juge avoir été un de ceux qui ont été autrefois élevés en l’honneur d’Isis.

Les pierres de ces ruines sont d’une longueur, d’une épaisseur énorme, & de marbre granit, ornées la plûpart de sculpures qui représentent en demi-reliefs des hommes, des femmes, & des hiéroglyphes. Plusieurs de ces pierres portent la figure d’un homme debout, un bonnet long & pointu en tête, tenant deux gobelets, & les présentant à trois ou quatre filles qui sont debout l’une derriere l’autre. Ces filles ont un javelot dans une main, un bâton plus court dans l’autre, & sur la tête une boule entre deux cornes déliées. D’autres pierres sont gravées d’images hiéroglyphiques d’oiseaux, de poissons & d’animaux terrestres. Un pilier de granit fort haut & fort massif, ayant dans sa partie supérieure quatre entaillures aux quatre faces, paroît avoir été construit pour soutenir les arcades & les voûtes de ce grand édifice. Chaque face du pilier présente aux yeux une tête de femme gravée plus grande que nature.

Hérodote, avec toute l’antiquité, fait mention d’un temple construit au milieu du Delta, dans le village de Busiris, consacré à la déesse Isis, femme d’Osiris ; il paroît assez probable que l’édifice ruiné qui se voit à Bhabeit étoit ce temple même de la déesse Isis, & que la ville dont parle Hérodote est le village de Bhabeit, situé au milieu du Delta, proche Sebennythus ou Sammanoud. Cette opinion est d’autant plus croyable, que dans le reste de l’île on n’a point encore trouvé de vestiges d’aucun monument de marbre ou de pierre qui puisse convenir à d’autres divinités qu’à la déesse Isis.

Les ruines du temple de cette déesse ont environ mille pas de tour. Elles sont à une lieue du Nil, & à deux ou trois lieues de Sammanoud & de la grande Méhalée, vers le nord, à vingt-cinq ou trente lieues du Caire. Dans le monceau de ces ruines, on ne voit que grosses masses de marbre. Recueil d’observat. curieuses, tome III. (D. J.)

Temples de Junon, (Antiq. greq. & rom.) Junon avoit des temples dans toute la Grece, celui d’Argos étoit célebre, Pausanias, in Corinth. en parle ainsi. En entrant dans le temple, dit-il, on voit sur un trône la statue de cette déesse d’une grandeur extraordinaire, toute d’or & d’ivoire. Elle a sur la tête une couronne, surmontée des graces & des heures. Elle tient d’une main une grenade, & de l’autre un sceptre, au bout duquel est un coucou. Près de cette statue, sculptée par Polyclete, il y en avoit une autre fort ancienne faite en colonne de bois de poirier sauvage. Un certain Buneus, fils de Mercure, fit élever à la déesse un magnifique temple à Corinthe. Celui de Samos étoit renommé par le culte que les habitans lui rendoient, comme on peut le voir dans Virgile. En un mot, de toutes les divinités du paganisme il n’y en eut point dont le culte fût plus solemnel que celui de Junon. On trouvoit par-tout dans la Grece des temples, des chapelles ou des autels qui lui étoient dédiés.

L’Italie ne marqua pas moins de respect à une déesse, qui étoit tout ensemble la sœur & la femme de Jupiter. Elle avoit trois fameux temples, entr’autres, sous le nom de Junon sospita, l’un de ces temples étoit à Lanuvium, les deux autres se voyoient à Rome ; Cicéron dit, dans la harangue pour Murena, que les consuls, avant que d’entrer en charge, devoient y offrir un sacrifice à la déesse. La statue que Junon reine avoit à Veïes, fut transportée sous la dictature de Camille sur le mont Aventin, où elle fut consacrée par les dames de la ville dans le temple que le même Camille lui dédia : on respectoit tellement cette statue, qu’il n’y avoit que son prêtre qui pût la toucher. Junon, sous le nom de Lucine, avoit un temple près de Rome dans un bois sacré ; c’est Ovide qui le dit.

Gratia Lucinæ dedit hæc tibi nomina lunus,
Vel quia principium, tu dea, lucis habes.

Elle avoit, sous le nom d’Ilithie, un temple, dans lequel, pour tous ceux qui naissoient à Rome, qui y mouroient, ou qui y prenoient la toge virile, on devoit porter une piece de monnoie.

La même déesse avoit, sous le nom de Juga ou de Pronuba, selon Virgile, un autel dans la rue appellée Jugaria, & un autre autel sous le nom de Licinia. Pline observe qu’elle avoit un temple orné de peintures, sous le nom de Junon Ardia. Le temple de Junon Matuta est connu des antiquaires ; celui de Junon Moneta l’est encore davantage, parce qu’elle est représentée sur les médailles avec les instrumens de la monnoie.

Tite-Live, l. IV. nous apprend que, sous le nom de Lacinia, elle avoit un temple sur ce promontoire d’Italie, & que ce temple n’étoit pas moins respectable par sa sainteté, que célebre par les riches présens dont il étoit orné : Inclytumque templum divitiis etiam, non tantum sanctitate suâ. (D. J.)

Temples de Jupiter, (Antiq. greq. & rom.) entre les temples que toute l’antiquité païenne éleva dans le monde en l’honneur du maître des dieux, sideream mundi qui temperabat arcem, je dois au-moins décrire les deux plus beaux, je veux dire celui de Jupiter olympien à Athènes, & celui de Jupiter capitolin à Rome.

Le premier, selon Pausanias, in eliac, étoit le fruit des dépouilles que les Eléens avoient remportées sur les Pisans lorsqu’ils saccagerent la ville de Pise. Ce temple, dont Libon originaire du pays avoit été l’architecte, étoit d’ordre dorique & tout environné de colonnes par-dehors, ensorte que la place où il étoit bâti formoit un superbe péristyle. On avoit employé à cet édifice des pierres d’une nature & d’une beauté singuliere.

La hauteur de ce temple, depuis le rez-de-chaussée jusqu’à sa couverture, étoit de soixante & huit piés, sa largeur de quatre-vingt-quinze, & sa longueur de deux cens trente. La couverture étoit d’un beau marbre tiré du mont Pentélique & taillé en tuiles. Du milieu de la voûte pendoit une victoire de bronze doré, & au-dessous de cette statue étoit un bouclier d’or, sur lequel on voyoit la tête de Méduse ; aux deux extrémités de la même voûte étoient aussi suspendues deux chaudieres dorées. Par-dehors, au-dessus des colonnes, regnoit au-tour du temple un cordon auquel étoient attachés vingt-un boucliers dorés, consacrés à Jupiter par Mummius après le sac de Corinthe.

Sur le fronton de devant étoit représenté le combat de Pélops avec Œnomaüs, & Jupiter au milieu. Stérope, une des filles d’Atlas, le char à quatre chevaux, étoient à la droite du dieu ; Pélops, Hippodamie occupoient la gauche. Le fronton de derriere, ouvrage d’Alcamene, le meilleur statuaire de son tems après Phidias, représentoit le combat des Centaures & des Lapithes à l’occasion des noces de Pirithoüs.

Une grande partie des travaux d’Hercule se voyoit sculptée dans l’intérieur de cet édifice ; & sur les portes qui étoient toutes d’airain, on remarquoit entr’autres choses la chasse du sanglier d’Erymanthe, & les exploits du même Hercule contre Diomede, roi de Thrace, contre Géryon, &c. Il y avoit deux rangs de colonnes qui soutenoient deux galeries fort exhaussées, sous lesquelles on passoit pour arriver au trône de Jupiter.

Ce trône & la statue du dieu étoient le chef-d’œuvre de Phidias, & l’antiquité n’offroit rien de plus magnifique. La statue d’une immense hauteur étoit d’or & d’ivoire, si artistement mêlés, qu’on ne pouvoit la regarder sans être frappé d’étonnement. Jupiter portoit sur sa tête une couronne qui imitoit la feuille d’olivier ; il tenoit à sa main droite une victoire, & de la gauche un sceptre d’une extrème délicatesse, qui soutenoit une aigle. La chaussure & le manteau du dieu étoient d’or ; & sur le manteau étoient gravés toutes sortes de fleurs & d’animaux.

Le trône brilloit d’or & de pierres précieuses. L’ivoire, l’ébene, les animaux & plusieurs autres ornemens y faisoient par leur mélange une agréable variété. Aux quatre coins de ce trône étoient quatre victoires, qui sembloient se donner la main pour danser ; les piés du trône, du côté de devant, étoient ornés de sphinx, qui arrachoient de tendres enfans du sein des thébaïdes ; au-dessous on voyoit Apollon & Diane qui tuoient à coups de fleches les enfans de Niobé.

Quatre traverses du même trône, & qui alloient d’un bout à l’autre, étoient ornées d’une infinité de figures d’une extrème beauté ; sur une étoient représentés sept vainqueurs aux jeux olympiques ; on voyoit sur une autre, Hercule prêt à combattre contre les Amazones, & le nombre des combattans de part & d’autre, étoit de vingt-neuf. Outre les piés du trône, il y avoit encore des colonnes qui le soutenoient.

Enfin une grande balustrade, ornée de figures, enfermoit tout l’ouvrage. Panénus, habile peintre de ce tems-là, y avoit représenté avec un art infini, Atlas qui soutient le ciel sur ses épaules, Thésée & Pirithoüis, le combat d’Hercule contre le lion de Némée, l’attentat d’Ajax sur Cassandre, Hippodamie avec sa mere, Prométhée enchaîné, & mille autres sujets de l’histoire fabuleuse. A l’endroit le plus élevé du trône, au-dessus de la tête du dieu, étoient les graces & les heures, les unes & les autres au nombre de trois.

Le piédestal qui soutenoit toute cette masse, étoit aussi orné que le reste. Phidias y avoit gravé sur or, d’un côté le soleil conduisant son char, de l’autre Jupiter & Junon, les graces, Mercure & Vesta. Vénus y paroissoit sortir du sein de la mer, & être reçue par l’Amour, pendant que Pitho, ou la déesse de la persuasion, lui présentoit une couronne. Apollon & Diane n’avoient pas été oubliés sur ce bas-relief, non-plus que Minerve. On remarquoit au bas de ce piédestal, Amphitrite, Neptune, & Diane ou la Lune, qui paroissoit galoper sur un cheval. Enfin, un voile de laine teint en pourpre & brodé magnifiquement, présent du roi Antiochus, pendoit du haut jusqu’en bas.

Je ne dis rien des autres ornemens de ce superbe édifice, ni du pavé qui étoit du plus beau marbre, ni des présens que plusieurs princes y avoient consacrés, ni du nombre infini de statues qui l’embellissoient. On peut sur tout cela consulter Pausanias, ou, si vous l’aimez mieux, les marbres d’Arondel de Prideaux.

C’est assez pour moi de remarquer que ce temple, plus grand qu’aucun dont on ait connoissance, excepté le seul temple de Bélus à Babylone, pouvoit passer pour une des merveilles du monde. Il avoit été entrepris par Pisistrate, & continué par ses enfans Hippias & Hipparque ; mais la grandeur du dessein de ce temple fut cause qu’il demeura imparfait plus de 700 ans, quoique de puissans princes, tels que Persée roi de Macédoine, Antiochus Epiphane roi de Syrie, eussent contribué par des sommes considérables à le finir.

Ce fut l’empereur Adrien qui eut cette gloire. Il lui en coûta pour l’achever plus de dix huit millions de notre monnoie. Ce temple avoit au-dela de cinq cens pas géométriques de circuit, & tout cet espace étoit orné de statues plus admirables encore pour la délicatesse de l’ouvrage que pour l’or & l’ivoire qu’on y avoit prodigués. Tite-Live a peint en deux mots bien élégamment la magnificence de ce temple : templum in terris incohatum pro magnitudine dei ; car de son tems il n’étoit pas achevé, & du nôtre il reste à-peine quelques traces de ses ruines.

On bâtit à Rome en l’honneur de Jupiter plusieurs temples sous divers noms. Tels ont été celui de Jupiter le vainqueur, que L. Papyrius Cursor lui voua à la journée des Samnites, & que Fabius fit exécuter après leur défaite ; celui de Jovis, Jupiter tonnant, qu’Auguste fit construire en la montée du capitole, & celui de Jupiter ultor, ou le vengeur, que M. Agrippa lui dédia ; mais aucun de ces temples n’égala celui de Jupiter Capitolin, dont nous avons promis de tracer l’histoire.

Il fut ainsi nommé du capitole sur lequel on le bâtit, comme on le voit par la médaille d’Aurelia Quirina vestale, où Jupiter est représenté assis au milieu de son temples, qui est de figure quarrée. Il tient son foudre d’une main, & son sceptre de l’autre, avec cette légende, Jupiter optimus, maximus, capitolinus.

Ce temple fut voué par le vieux Tarquin, & édifié par Tarquin le superbe, qui paya pour sa construction le poids de quarante mille livres en argent, deux millions. Il n’eut pas cependant la gloire de le dédier, parce qu’il fut chassé de Rome peu de tems avant qu’il l’eût entierement achevé.

L’ouvrage ayant été fini depuis avec tous les ornemens qu’on avoit dessein d’y mettre, Publicola desiroit passionnement de le consacrer, mais Horatius lui disputant cet avantage, eut le secret de faire ordonner par le peuple qu’il en feroit la consécration, & sur l’heure même il l’exécuta. En vain Marcus Valerius, frere de Publicola, qui se tenoit sur la porte du temple, lui cria, pour l’en détourner : « Horatius, on vient d’apprendre que votre fils est mort de maladie dans le camp ». Horatius, sans se troubler, répondit, « qu’on l’enterre », & acheva la consécration.

Ce temple ayant été brûlé pendant les guerres civiles, Sylla le rebâtit, & l’orna de colonnes de marbre qu’il avoit fait apporter d’Athènes du temple de Jupiter Olympien ; mais la mort l’ayant surpris avant que d’en faire la dédicace, il avoua que c’étoit la seule chose qui manquoit à son bonheur. Catulus le consacra 67 ans avant J. C.

Ce second temple fut encore incendié l’an 69 de N. S. lorsque Vitellius assiégea Clavius Sabinus dans le capitole. Tacite dit qu’on ne sait si ce furent les assiégeans qui y mirent le feu pour pouvoir forcer plus aisément la place, ou si ce furent les assiégés pour pouvoir mieux se défendre ; quoi qu’il en soit, l’historien indigné contre les auteurs de cet embrasement, s’emprime ainsi : id facinus post conditam urbem luctuosissimum, fœdissimumque populo romano accidit, nullo externo hoste, propitiis si per mores nostros liceret diis, sedem Jovis optimi, maximi, auspicato à majoribus pignus imperii, conditam quam non Porsenna deditâ urbe, neque Galli captâ, temerare potuissent, furore principum excindi.

L’année qui suivit la mort de Vitellius, Vespasien releva le temple de Jupiter de fond en comble, l’exhaussa plus que les deux autres n’avoient été, le consacra, & mourut avant que de le voir périr par l’embrasement qui consuma le capitole peu de tems après son décès.

Domitien rebâtit le même temple superbement pour la quatrieme fois, & en fit la dédicace. La hauteur de ce temple étoit proportionnée symmétriquement à sa grandeur, qui étoit de 200 piés de face de chaque côté ; la longueur surpassoit la largeur presque de 15 piés, selon Denis d’Hlicarnasse, qui dit : latera singula ducentorum ferè pedum sunt, exiguâ longitudinis, & latitudinis differentiâ ; nisi quod ista illam vincit pedibus ferè quindenis.

Ce temple étoit si magnifique, que la seule dorure coûta plus de douze mille talens, c’est-à-dire plus de deux millions 572 mille livres sterling. Ses colonnes, dit Plutarque, sont de marbre pentelique, & étoient dans leur origine d’une longueur admirablement proportionnée à leur grosseur ; nous les avons vues à Athènes, continue-t-il ; on a voulu les rétailler & les repolir à Rome ; travail qui a gâté leur symmétrie, parce qu’en les rendant trop menues, il leur a fait perdre toute leur grace qui consistoit dans la proportion. Ce trait nous apprend combien du tems de Domitien, Rome étoit inférieure à la Grece pour le goût des beaux arts ; mais on sait qu’en tout tems elle lui a cédé cet avantage ; Horace & Virgile en conviennent eux-mêmes. (D. J.)

Temples de Latone, (Antiq. greq.) cette fille de Saturne eut le bonheur d’être aimée de Jupiter, & d’être admise au rang des déesses malgré la haine de Junon. Elle eut plusieurs temples dans la Grece, entr’autres un dans l’île de Délos auprès de celui de son fils. Pausanias fait mention d’un autre temple de Latone à Argos ; sa statue même étoit un ouvrage de Praxitele. Les Egyptiens lui bâtirent un temple dans la ville de Butis. Quelques françois ont écrit, peut-être pour se divertir sur des jeux de mots, que Latone avoit un temple chez les Gaulois dans un bourg du comté de Bourgogne appellé Laone (aujourd’hui S. Jean de Laulne ou de Laône), en retranchant le t du mot latin Latona. (D. J.)

Temples de la Liberté, (Antiq. rom.) Un peuple aussi justement idolâtre de la liberté, que le peuple romain, ne pouvoit pas manquer d’en faire une divinité, & de lui consacrer des temples & des autels. Aussi cette déesse qu’on invoquoit pour conserver cette même liberté que l’extinction de la royauté avoit procurée, en avoit-elle plusieurs dans la ville.

Cicéron, liv. II. de nat. deor. fait mention d’un de ces temples. Publius Victor en avoit fait construire un sur le mont Aventin, avec un vestibule qu’on nommoit le vestibule de la Liberté. Les anciens qui parlent souvent de ce vestibule, ne nous apprennent pas à quel usage on le destinoit. Mais on peut croire qu’on y faisoit les ventes publiques, comme dans les autres. Tite-Live parlant du temple que Tibérius Gracchus avoit consacré à la même déesse, dit que les colonnes en étoient de bronze, & qu’on y voyoit de très belles statues. Lorsque Cicéron partit pour son exil, P. Clodius son persécuteur consacra la maison de ce grand homme à la Liberté.

Enfin Dion nous apprend que les amis d’Antoine, par un decret public, firent ériger à la même déesse un temple en faveur de Jules-César ; action bien digne de ces derniers romains, qui élevoient un temple à la Liberté en l’honneur de celui qui leur avoit fait perdre les restes de cette précieuse prérogative, que les Marius & les Sylla leur avoient encore laissée, & dont jusqu’alors ils avoient été si jaloux. (D. J.)

Temples de Mars, (Antiq. greq. & rom.) le culte de Mars étoit peu répandu dans la Grece, cependant Athènes avoit dédié un temple célebre à ce dieu des batailles.

On admiroit dans ce temple cinq statues ; une du dieu, ouvrage d’Alcamene ; une de Pallas, par Locrus, statuaire de Paros ; une de Bellone, par les enfans de Praxitele, & deux de Vénus. Devant la porte du temple on voyoit un Hercule, un Thésée & un Apollon dont les cheveux étoient noués avec un ruban. Outre ces divinités, quelques hommes illustres avoient aussi leurs statues dans ce temple ; Colliadès, archonte d’Athènes & l’un de ses législateurs, Harmodias, Aristogiton & Pindare. Xerxès avoit enlevé toutes ces statues ; mais Alexandre les ayant trouvées dans le palais de Darius, les renvoya aux Athéniens.

C’est chez les Romains principalement que Mars étoit honoré, car ils le regardoient comme le protecteur de leur empire. Auguste lui bâtit deux temples célebres, l’un sur le capitole, d’après le modele de Jupiter Férétrius, & à l’occasion des étendards rapportés par les Parthes. Il éleva l’autre dans son forum, & le dédia à Mars vengeur, Marti ultori, en mémoire de la bataille de Philippes, selon le témoignage d’Ovide :

Templa feres, & me victore vocaberis ultor ;
Voverat, & fuso lætus ab hoste redit.

Dion, liv. L. de son histoire, ajoute qu’on déposa dans ce temple les enseignes enlevées aux défenseurs de la liberté romaine, & le sénat ordonna que le char sur lequel César avoit triomphé, seroit mis dans le temple de Mars, pour conserver la mémoire des victoires de l’empereur. Ce temple de Mars étoit soutenu de cent colonnes. On prétend que c’est sur ses ruines qu’on a bâti dans Rome moderne l’église de Sainte Marie des Palmes.

Il y avoit encore dans l’ancienne Rome un autre temple de Mars hors de la ville & sur la voie Appienne, où le sénat s’assembla quelquefois. La remarque de Vitruve est en général vraie ; il dit qu’ordinairement les temples de Mars étoient hors des murs, afin de servir de rempart aux villes contre les périls de la guerre ; cependant outre qu’Auguste s’écarta de cette regle, nous savons du même Vitruve, qu’à Halicarnasse le temple de Mars étoit situé au milieu de la forteresse ; mais ce qu’on observa plus régulierement, fut l’ordre dorique dans les temples de ce dieu. (D. J.)

Temples de Mercure, (Antiq. grecq. & rom.) ce dieu semble avoir été inventé pour le bien des hommes, si toutes les louanges que lui donne Horace dans une de ses odes (ode x. l. I.) sont vraies. Quoi qu’il en soit, les Grecs & les Romains eurent Mercure en vénération, & lui dresserent dans les carrefours & sur les grands chemins ces statues nommées hermes. Il y avoit plusieurs temples en différentes villes de la Grece, dont quelques-uns cependant étoient déja en ruine du tems de Pausanias ; mais ce dieu étoit particulierement honoré à Cyllene en Elide, où il avoit un temple célebre, & à Tanagre ou il en avoit deux. Il eut en Achaïe un temple & un oracle qu’on consulta long tems. Mercure avoit encore à Rome dans le grand cirque un fort beau temple qui lui fut dédié l’an 675 de la fondation de cette ville. Enfin, si nous en croyons Tacite, les Germains l’adoroient comme le souverain des dieux, & lui immoloient des victimes humaines : Deorum maximum Mercurium colunt, cui humanis quoque hostiis litare fas habent. (D. J.)

Temples de Minerve ; (Antiq. grecq. & rom.) le culte de Minerve apporté d’Egypte dans la Grece, passa dans la Samothrace, & de-là dans l’Asie mineure. Les Rhodiens furent les premiers peuples de ces cantons, qui dresserent des temples à Minerve, pour leur avoir enseigné l’art de faire des statues colossales ; mais ayant manqué de feu dans un sacrifice qu’ils lui faisoient, la fable dit qu’elle se retira de dépit en la ville d’Athènes, où elle fut adorée sous le nom de παρθένος, c’est-à-dire, la déesse vierge. Les Athéniens lui firent bâtir un temple immortel, & lui dresserent une statue de la main de Phidias, toute d’or & d’ivoire, de 39 piés de haut. Nous en avons parlé au mot Statue, & au mot Sculpteurs anciens, à l’article de Phidias.

La déesse, car c’est ainsi qu’on la nommoit par excellence, ne regnoit pas moins souverainement dans la Laconie que dans l’Attique ; en effet il n’est pas étonnant que celle qui présidoit aux combats, fût singulierement honorée par les Lacédémoniens ; aussi avoit-elle sept ou huit temples dans Sparte ; mais le plus célébre (& peut-être de l’ancienne Grece), fut commencé par Tyndare, qui en jetta les fondemens ; Castor & Pollux y travaillerent après lui, & entreprirent d’y employer le prix des dépouilles qu’ils avoient remportées sur les Aphidnéens ; cependant comme leur entreprise étoit restée fort imparfaite, les Lacédémoniens long-tems après construisirent un nouveau temple à Minerve, qui étoit tout d’airain, ainsi que la statue de la déesse, & ce n’est pas le seul temple de l’antiquité qui ait été de ce métal. Ce fameux temple porte le nom de Chalciœcos : on sait que χαλκὸς signifie de l’airain, & οἶκος une maison. Thucydide, Polybe, Diodore, Plutarque, Tite-Live, en un mot, presque tous les auteurs grecs & latins ont parlé du temple Chalciœcos de Sparte, mais Pausanias l’a décrit.

L’artiste, dit-il, dont les Lacédémoniens se servirent, fut Gitiadas, originaire & natif du pays. Audedans du temple la plûpart des travaux d’Hercule sont gravés sur l’airain, tant les avantures qu’on connoît sous ce nom, que plusieurs autres que ce héros a courues volontairement, & dont il est glorieusement sorti. Là sont aussi gravés les exploits des Tyndarides, & sur-tout l’enlevement des filles de Leucippe. Ensuite vous voyez d’un côté Vulcain qui dégage sa mere de ses chaînes, d’un autre côté Persée prêt à partir pour aller combattre Méduse en Lybie ; des nymphes lui mettent un casque sur la tête & des talonnieres aux piés, afin qu’il puisse voler en cas de besoin. On n’a pas oublié tout ce qui a rapport à la naissance de Minerve, mais ce qui efface tous le reste, c’est un Neptune & une Amphitrite qui sont d’une beauté merveilleuse. On trouve ensuite la chapelle de Minerve.

Aux environs du temple il y a deux portiques, l’un au midi & l’autre au couchant. Vers le premier est le tombeau de Tyndare ; sur le second portique on voit deux aigles éployées, qui portent chacune une victoire ; c’est un monument de celles que Lysandre remporta, l’une près d’Ephèse sur Antiochus, lieutenant d’Alcibiade qui commandoit les galeres d’Athènes ; l’autre sur la flotte athénienne qu’il défit entierement à Aigospotamos. A l’autel du temple de Minerve il y a deux statues de Pausanias qui commandoit l’armée de Lacédémone au combat de Platée. A l’aîle gauche du temple d’airain, il y a une chapelle qui est consacrée aux Muses, parce que les Lacédémoniens marchent à l’ennemi au son des flûtes & de la lyre.

Les Spartiates éleverent un autre temple à Lacédémone à leur retour de Colchos, en l’honneur de Minerve Asia.

On voyoit encore dans la rue Alpia le fameux temple de Minerve dit Ophthalmitis, Minerve conservatrice des yeux ; c’est Lycurgue lui-même qui consacra ce temple à la déesse, en mémoire de ce que dans une émeute, ayant eu un œil crevé par Alcandre à qui ses lois déplaisoient, il fut sauvé en ce lieu là par le peuple, sans le secours duquel il auroit peut-être perdu l’autre œil, & la vie même.

L’histoire parle beaucoup du temple que Minerve avoit à Sunium ; il en reste encore dix-sept colomnes entieres d’un ouvrage tout semblable à celui du temple de Thésée à Athènes. On y voit sur un bas-relief de marbre de Paros, une femme assise, avec un petit enfant, qui, comme elle, leve les bras, & paroît regarder avec effroi un homme nud qui se précipite du haut d’un rocher.

Minerve eut aussi plusieurs temples à Rome, entr’autres celui du mont Aventin, dont Ovide fait mention dans le liv. VI. de ses Fastes.

Mais le plus célebre temple de la déesse étoit à Saïs, métropole de la basse Egypte dans le Nôme qui en prenoit le nom, Saïtes Nomos. Hérodote dit que ce superbe temple avoit été embelli par les soins d’Amasis, d’un vestibule qui surpassoit de beaucoup en grandeur & en magnificence, tous les monumens que les rois ses prédécesseurs avoient laissés. Ce même prince y ajouta des statues d’une grandeur prodigieuse ; car les Egyptiens aimoient les figures colossales, sans parler des pierres immenses pour leur énorme grosseur, & qui venoient la plûpart d’Elephantine, ville éloignée de Saïs de vingt journées de navigation.

La chapelle de ce temple offroit en particulier quelque chose d’unique en son genre ; cette chapelle étoit d’une seule pierre taillée dans les carrieres de la haute Egypte, & qu’Amasis avoit fait venir avec des soins & des peines incroyables, jusqu’à Saïs où elle devoit être placée dans le temple de Minerve. « Ce que j’admire par-dessus tous les autres ouvrages d’Amasis, dit Hérodote, c’est cette maison d’une seule pierre qu’il fit transporter d’Elephantine, & que deux mille hommes, tous pilotes & marins ne purent amener qu’en trois ans. Cette maison avoit de face vingt & une coudées de largeur & huit de hauteur, & dans œuvre cinq coudées de haut, & dix-huit de longeur ». Cependant cette maison n’entra point dans le temple de Minerve, où étoit inhumé Psamméticus ; elle fut laissée à la porte, soit qu’Amasis fût piqué des plaintes de l’architecte, sur la fatigue que lui avoit causé cet ouvrage, soit par les accidens déja arrivés à ceux qui le conduisirent sur le Nil, soit enfin par d’autres raisons qu’Hérodote n’a pu savoir. (D. J.)

Temples de la Miséricorde. (Antiq. grecq. & rom.) Voilà les temples les plus dignes de l’humanité. Les Athéniens ont eu les premiers la gloire de diviniser cette vertu, de construire dans Athènes un temple à son honneur, & d’en faire un lieu d’asyle. Les Romains eux-mêmes frappés de cette belle idée, bâtirent dans Rome le second temple à la Miséricorde. Il eût été beau d’en élever à cette vertu dans tous les pays du monde. (D. J.)

Temples de Neptune, (Antiq. grecq. & rom.) nous avons peu de détails sur les temples que Neptune avoit à Rome : dans le dernier siecle, lorsqu’on fouilloit des fondemens ; on y apperçut quantité de morceaux de marbre excellemment travaillés : & comme parmi des débris des corniches on trouva des dauphins & des tridens, on conjectura que c’étoit un temple consacré à Neptune.

Sa façade étoit périptère, & sa forme pycnostyle, ou à colonnes pressées. Ses entre-colonnes avoient un diametre & demi moins un onzieme, ce qui mérite d’être remarqué, vû qu’il n’y en a peut-être jamais eu de si pressées dans aucun autre édifice. De tout ce temple, il ne reste plus aucune partie sur pié : mais Palladio, en examinant de près ces ruines, est parvenu à la connoissance de ses dimensions, dont il a donné les desseins dans son architecture : j’y renvoie les lecteurs.

Il est certain néanmoins que Neptune fut un des dieux du paganisme des plus honorés ; car indépendamment des Libyens qui le regardoient comme leur grande divinité, il avoit dans la Grece & dans les lieux maritimes d’Italie un grand nombre de temples élevés en son honneur. Les Atlantides, dit Platon dans son Critias, lui en consacrerent un magnifique, dans lequel il étoit représenté dans un char tiré par quatre chevaux aîlés, dont il tenoit les rênes, & sa statue touchoit la voûte du temple. Hérodote, l. VII. fait mention du temple que les Pasidéens lui avoient consacré, & Pline, l. XXXI. parle de celui qu’il avoit chez les Cariens. Pausanias en décrit aussi plusieurs. (D. J.)

Temple de la Paix, (Antiq. rom.) on voit à Rome des vestiges de ce temple proche Sainte Marie-la-Neuve, sur le chemin qu’on appelle la Via sacra. On prétend qu’il est bâti dans le même lieu où étoit anciennement le palais de Romulus.

Ce temple fut commencé par l’empereur Claude, & conduit à sa perfection par Vespasien, après la conquête de la Judée. Ce prince y fit mettre en dépôt toutes les riches dépouilles qu’il avoit tirées du temple de Jérusalem.

Le temple de la paix passoit pour être le plus vaste, le plus superbe & le plus riche de Rome ; il avoit trois cens piés de long, & deux cens de large. Tout ruiné qu’il est, les vestiges qui nous en restent encore suffisent pour juger de son ancienne grandeur.

A la face d’entrée il y avoit une loge à trois ouvertures bâtie de brique, & le reste de la largeur de la façade étoit un mur continu. Les pilastres des arcades de la loge avoient des colonnes par-dehors qui leur servoient d’ornement, & qui régnoient le long du mur continu. Sur cette premiere loge, il y en avoit une autre découverte avec une balustrade ; & au-dessus de chaque colonne étoit une statue.

Au dedans du temple il y avoit huit grandes colonnes de marbre d’ordre corinthien, de cinq piés quatre pouces de diametre, dont la hauteur compris la base & le chapiteau, faisoit cinquante-trois piés. L’entablement avoit dix piés & demi, & portoit la voûte de la nef du milieu.

Les bases de ces colonnes étoient plus hautes que la moitié de leur diametre, & la plinthe en emportoit plus du tiers ; ce qu’on fit apparemment pour leur donner plus de force ; leur saillie étoit d’une sixieme partie de leur diametre. La modénature étoit d’une fort belle invention, & la cimaize de l’architecture étoit d’un dessein peu commun. La corniche avoit des médaillons au lieu de larmier.

Les murs de ce temple étoient enrichis de statues & de peintures. Toutes les voûtes avoient des compartimens de stuc, & généralement tout y étoit fort riche. Cet édifice périt par une incendie, ou par quelque autre accident, sous l’empereur Commode. (D. J.)

Temples des Parques, (Antiq. greq. & rom.) on ne crut pas dans tout le monde payen qu’il fût nécessaire de se mettre en dépense pour des déesses inéxorables qu’il étoit impossible de fléchir ; de-là vient qu’elles n’eurent que des statues en plusieurs endroits & peu de temples dans la Grece. Athènes n’en éleva point à leur honneur, Sicyone leur consacra seulement un temple dans un bois sacré, & les Lacédémoniens leur en bâtirent un autre dans leur capitale auprès du tombeau d’Oreste. (D. J.)

Temple de la Piété, (Antiq. rom.) templum pietatis, dédié par Attilius dans la place romaine, à l’endroit où demeuroit cette femme qui avoit nourri son pere prisonnier du lait de ses mamelles. (D. J.)

Temples de Pomone, (Antiq. rom.) cette belle nymphe qui plut à Vertumne, & qu’il rendit sensible à force de soins, de louanges & de respects, est une pure divinité des poëtes latins ; cependant elle eut à Rome des temples & des autels. Son prêtre portoit le nom de Flamen Pomonalis, & lui offroit des sacrifices pour la conservation des fruits de la terre. (D. J.)

Temples de Proserpine, cette fille de Cérès enlevée pour sa beauté par Pluton, avoit plusieurs temples en Sicile, lieu de sa naissance. Strabon, l. VII. parle des prairies d’Enna, où Pluton la vit, & en devint amoureux. Cicéron lui-même dans sa sixieme Verrine, nous a laissé de ce lieu charmant, une description aussi élégante que fleurie ; mais enfin comme le destin avoit prononcé que Proserpine fût souveraine des enfers, les Grecs & les Romains bâtirent peu de temples en l’honneur d’une divinité inexorable. Pausanias ne cite que celui qu’elle avoit à Sparte sous le nom de Proserpine conservatrice. Il avoit été bâti, selon les uns, par Orphée de Thrace ; & selon d’autres, par le scythe Abaris. Proserpine n’avoit aussi qu’un seul temple à Rome, dans la cour duquel on alloit acheter tout ce qui étoit nécessaire pour les funérailles. Je ne sais pourquoi les Gaulois regardoient Proserpine comme leur mere ; mais Strabon, l. IV. nous apprend que depuis la conquête des Romains, cette déesse avoit un temple dans les Gaules desservi à la maniere des Samothraces. (D. J.)

Temples de la Pudicité, (Antiq. rom.) la pudeur est une vertu trop essentielle au beau sexe, pour qu’on ne l’ait pas érigée en divinité. Aussi l’histoire nous apprend-elle que les Romains l’honoroient sous le nom de la Pudicité ; & cette déesse avoit dans leur ville des temples & des autels, sur lesquels on lui offroit des sacrifices. Mais comme si les grands devoient avoir d’autres dieux que le peuple, on distinguoit à Rome la Pudicité des dames patriciennes d’avec celle des plébéiennes. Nous avons indiqué ailleurs l’origine de cette orgueilleuse & singuliere distinction. (D. J.)

Temple des dieux purs, (Antiq. grecq.) Pausanias est le seul auteur qui en parle. « On voit, dit-il, sur la hauteur qui commande la ville de Pallantium, un temple bâti à ces divinités qu’ils appellent pures, & par lesquelles ils ont coutume de jurer dans leurs plus importantes affaires ; du reste, ils ignorent quelles sont ces divinités, ou s’ils le savent, c’est un secret qu’ils ne révelent point. S’il est donc permis de deviner, continue Pausanias, je crorois que ces dieux ont été appellés purs, parce que Pallas ne leur sacrifia pas de la même maniere qu’Evandre son pere, avoit sacrifié à Jupiter Lycéus ». Voyages de l’Arcadie, l. VIII. c. xliv. (D. J.)

Temple de la déesse Quies, (Antiq. rom.) cette déesse, car son nom féminin indique que c’en étoit une, avoit un temple chez les Romains hors la porte Colline, & un autre, selon Tite-Live, lib. IV. dans la rue Labicane ; on l’invoquoit pour jouir du repos, & ceux qu’elle exauçoit, étoient assurément bienheureux. (D. J.)

Temples de la Renommée, (Antiquités.) il est sûr que la Renommée eut un culte établi dans la Grece, sur-tout à Athènes, comme nous l’apprenons de Pausanias ; & un temple fameux, ainsi que le dit Plutarque dans la vie de Camillus. Il seroit inutile de chercher des figures de cette déesse, plus ressemblantes que le portrait qu’en a fait Virgile, liv. IV. de son Enéide.

Ex templo Lybiæ magnas it Fama per urbes, &c.


(D. J.)

Temple de Romulus, (Antiq. rom.) Numa Pompilius éleva un temple à ce fondateur de Rome, & prescrivit qu’il fût honoré sous le nom de Quirinus, par des sacrifices solemnels. C’est ainsi que fut faite l’apothéose de César, justement assassiné par les amateurs de la liberté ; mais l’apothéose de César vint trop tard, tout le monde s’en mocquoit. Les uns, dit Pline, liv. II. c. xv. appelloient Auguste le faiseur de poupées ; les autres disoient qu’il achevoit de peupler le ciel, qui depuis long-tems n’avoit reçu de membre d’aucune colonie romaine. (D. J.)

Temples de Saturne, (Antiq. rom.) je sais que la tradition grecque portoit que dès l’âge d’or, le fils de Caelus & de Vesta avoit un temple à Olympie ; mais Rome lui rendit le culte le plus religieux, & lui dédia divers temples.

Le premier temple qui fut bâti à Saturne, fut celui que lui fit élever T. Tatius roi des Sabins, au Capitole, après la paix faite entre lui & Romulus. Le second fut voué par Tullus Hostilius, après avoir triomphé trois fois des Sabins, & deux fois des Albins : il le dédia, & institua les saturnales. Le troisieme fut dédié par les consuls A. Sempronius Atratinus & M. Minutius. D’autres disent néanmoins que ce fut Tarquin le superbe qui le bâtit, & que selon l’avis de Valerius Publicola, on en fit le lieu du trésor public. C’étoit dans ce temple que les ambassadeurs étrangers étoient premierement reçus par les questeurs romains, qui écrivoient leurs noms dans les registres de l’état, & fournissoient aux frais de leur séjour. C’étoit encore là où se gardoient les minutes des contrats, & de tous les actes que les peres & meres faisoient, comme aussi les noms de tous les citoyens romains, écrits dans les livres éléphantins. Ceux qui avoient recouvré leur liberté, y alloient pendre leurs chaînes & les lui consacrer, selon le témoignage de Martial.

Has cum geminâ compede dedicat catenas,
Saturne, tibi zoilus annulos priores.


(D. J.)

Temples de Sérapis, (Antiq. égyptien.) ce dieu avoit des temples en Asie, dans la Grece & à Rome ; mais les Egyptiens, dont Sérapis étoit une des principales divinités, éleverent sur tout autre peuple, plusieurs temples en son honneur. Le plus ancien se voyoit à Memphis ; il n’étoit pas permis aux étrangers d’y entrer, & ses propres prêtres n’avoient ce droit qu’après avoir enterré le bœuf Apis. Cependant le plus renommé de tous les temples de Sérapis, étoit celui que Ptolomée Soter lui consacra ; on l’appelloit Sérapéon, & j’en ai donné l’article qu’il faut remplir ici, parce que c’étoit un des plus superbes édifices, & des plus respectés qu’il y eût dans le monde.

Ce temple, dit Denys le géographe, est tout éclatant d’or, & l’on n’en trouve aucun sur la terre pour lequel on ait plus de dévotion. Il n’étoit point dans l’enceinte de la ville d’Alexandrie, mais hors des murs, ainsi que celui de Saturne ; la raison en est que les lois de l’Egypte défendoient d’immoler des victimes sanglantes à ces deux divinités dans l’enclos des villes, de peur de les profaner par le sang de telles hosties.

Suivant quelques historiens, le simulacre du dieu Sérapis touchoit de chacune de ses mains, sur un des côtés du temple, & étoit un assemblage de tous les métaux & de tous les bois. On avoit pratiqué à l’orient, ajoute-t-on, une petite fenêtre avec tant de justesse, qu’à un certain jour bien connu des prêtres, quelques rayons du soleil s’échappoient par cette étroite ouverture, & venoient tomber sur les levres de la statue de Sérapis. Le peuple crédule pensoit que l’astre du jour venoit baiser la bouche de cette divinité.

Selon Strabon, il n’y avoit rien de plus gai que les pélerinages qui se faisoient au temple de Sérapis. « Vers le tems de certaines fêtes, dit-il, on ne sauroit croire la multitude de gens qui descendent sur un canal d’Alexandrie à Canope, où est le temple. Jour & nuit, ce ne sont que des bateaux pleins d’hommes & de femmes qui chantent & qui dansent avec toute la liberté imaginable. A Canope il y a sur le canal une infinité d’hôtelleries, qui servent à retirer ces voyageurs, & à favoriser leurs divertissemens ».

Le temple de Sérapis fut détruit par l’ordre de l’empereur Théodose, & alors on découvrit, dit un écrivain ecclésiastique, l’effronterie des prêtres de cette divinité, qui avoient pratiqué un grand nombre de chemins couverts, & disposé une infinité de machines pour tromper les peuples par la vûe de faux prodiges.

Sérapis avoit un oracle fameux dans un de ses temples à Babylone, où il rendoit ses réponses en songe. Pendant la derniere maladie d’Alexandre, quelques chefs de son armée allerent passer une nuit dans ce temple célebre, pour consulter la divinité s’il seroit avantageux d’y transporter Alexandre. Il leur fut répondu en songe, qu’il valoit mieux ne le point transporter, & peu de tems après ce conquérant mourut. La réponse étoit excellente à tout événement. (D. J.)

Temples du Soleil, (Antiquit.) l’astre du jour fut la grande divinité des Phéniciens, des Egyptiens, des Atlantides, & pour le dire en un mot, de presque tous les peuples, barbares & policés de l’univers. Par-tout on reconnut, par-tout on éleva des temples en l’honneur du Soleil, & on les dirigea du côté de l’orient. Les Ammonites l’adorerent sous le nom de Moloch ; les Phéniciens sous celui de Thammus ; les Chaldéens l’honorerent sous ceux de Bélus ou de Baal ; les Arabes leurs voisins lui offroient des parfums, & l’appelloient Adonée ; les Moabites Belphegor ; les Perses Mitras ; les Ethiopiens Asabinus ; les Grecs & les Romains Apollon ou Phœbus. Les Massagetes, selon Hérodote, lui sacrifioient des chevaux, les Germains, dit César, n’ont d’autres dieux que ceux dont ils reçoivent quelque bien, le Soleil, la Lune & le Feu : deorum numero eos solùm ducunt quorum opibus apertè juvantur, Solem, Vulcanum & Lunam. Enfin, si nous en croyons le pere Laffiteau, il n’y a dans le vaste continent de l’Amérique, aucuns peuples connus qui n’adorent le Soleil.

On connoît la médaille d’Héliogabale, qui porte pour légende : Sancto deo Soli. On sait que cet empereur se glorifia toujours d’avoir été prêtre du Soleil dans la Syrie, & que son nom fait allusion à cette dignité ; mais nous ne devons pas oublier, qu’il consacra à Rome un temple au Soleil, où, dans le dessein de le rendre plus respectable, il fit transporter le culte de Cybèle ou de Vesta, le palladium & les anciles. Il voulut même y joindre le culte que rendoient au vrai Dieu les Samaritains, les Juifs & les Chrétiens.

Herodien nous a conservé l’histoire du culte que cet empereur rendoit au Soleil dans ce temple. « Héliogabale, dit-il, érigea un temple magnifique à ce dieu (le Soleil), & y plaça plusieurs autels, sur lesquels il immoloit tous les matins des hécatombes de taureaux, & un grand nombre de brebis ; & après y avoir répandu une profusion d’aromates, il y faisoit des libations de vins vieux des plus excellens ; en sorte qu’on voyoit le vin & le sang ruisseler de tous côtés. Des chœurs de musique, rangés au-tour de ces autels, augmentoient la célébrité de ce culte. Des femmes phéniciennes avec leurs instrumens de musique, qui étoient des cymbales & des tympanons, dansoient en cercle ; & les entrailles des victimes ainsi que les aromates, étoient portées dans des bassins d’or, par tout ce qu’il y avoit de plus qualifié à Rome ».

Ant. Varius, au rapport de Lampride, fit aussi construire dans la même ville, un temple en l’honneur du Soleil, mais qui fut moins célebre que celui d’Héliogabale. (D. J.)

Temples de Tellus, (Antiq. grecq. & rom.) la terre avoit des temples dans plusieurs lieux de la Grece, & entr’autres à Sparte, voyez ce qu’en dit Pausanias. Il est parlé de celui que la déesse Tellus avoit à Rome dans la premiere philippique de Ciceron, où il raconte ce qui s’étoit passé dans le sénat, lors de la mort de César, sur la proposition faite par Antoine, d’abolir à jamais la charge de dictateur, qui avoit usurpé dans la république toute l’autorité du pouvoir des rois. On rendit dans ce temple un decret, tel qu’Antoine le desiroit, & dans les termes qu’il avoit lui-même conçus. (D. J.)

Temples de Thémis, (Antiq.) cette déesse de la justice n’eut que peu de temples après sa mort. Ovide parle des oracles qu’elle rendoit sur le parnasse, mais c’est un poëte qui parle ; Pausanias nous apprend, que les Athéniens lui éleverent un temple dans leur ville assez près de la citadelle ; il ne nous reste ni mouvemens, ni statues de cette divinité, tout a péri avec elle. (D. J.)

Temple de Thesée, (Antiq. grecq.) on avoit élevé à Athenes un temple à la gloire de Thésée. Ce temple étoit remarquable par les fêtes que les anciens y solemnisoient en l’honneur de ce héros, & par des distributions de farine qu’on y faisoit aux pauvres de la ville ; mais ce qui prouvoit encore mieux la vénération des Athéniens pour leur fondateur, c’est qu’ils avoient fait de ce temple un asyle inviolable, où venoient se refugier les esclaves maltraités de leurs patrons. Il fut bâti après la bataille de Marathon, consacré pendant les victoires de Cimon, réparé comme les autres, par les soins d’Hadrien, & ensuite apparemment, par les libéralités des princes chrétiens qui en firent une église. Aujourd’hui la voûte en ruine ne sera jamais rétablie, que par un nouvel évenement qui changera ce temple en mosquée. (D. J.)

Temples de Vacune, (Antiq. rom.) Vacune étoit adorée particulierement dans le pays des Sabins, où elle avoit un temple sur le mont Fiscellus, aux confins du Picenum, vers les sources du Nar. Cette même déesse des vacations, avoit un autre temple entre Caspérie & Otricule, avec un bois & une ville du même nom. La ville subsiste encore aujourd’hui, & s’appelle Vaccuna. (D. J.)

Temples de Vénus, (Antiq. egypt. grecq. & rom.) cette déesse dont Homere paroît avoir dérobé la ceinture, est des plus célébres dans l’antiquité payenne, par le nombre & la beauté de ses temples. Strabon, liv. XVII. nous apprend qu’elle en avoit un superbe à Memphis ; il seroit bien difficile d’en découvrir aujourd’hui quelque reste, puisque les ruines même de cette capitale de l’Egypte, ne sont plus que des masures fort peu distinctes, quoiqu’elles continuent jusque vis-à-vis du vieux Caire. Les Menphytes avoient aussi construit un temple à la fille de Jupiter & de Dioné, & nourrissoient dans ce temple une génisse qui lui étoit consacrée.

Son culte passa de Phénicie, dans les îles de la Grece, & de-là en Sicile, & chez les Romains. Cythere, Amathonte, Gnide, Paphos, Idalie, lui éleverent des temples qui apprirent au monde corrompu, que pour célébrer la déesse de l’amour, il étoit permis de s’affranchir des regles de la pudeur.

Le temple de Vénus à Cythere, passoit pour le plus ancien, & le plus célebre de tous ceux que Vénus eût dans la Grece ; sa statue la représentoit armée. Les Eginetes lui avoient bâti dans leur île, un temple magnifique, dont M. Fourmont a encore vû vingt-une colonnes subsistantes. Elle avoit aussi un temple en Laconie, sous le nom de Vénus Ambollogera, c’est-à-dire qui éloigne la vieillesse, & à ce sujet on lui fit une hymne qui commençoit par ces mots : belle Vénus, éloignez de nous la triste vieillesse ; c’est Plutarque qui nous apprend cette particularité dans le liv. III. quest. 6. de ses propos de table. Tacite a décrit la situation du temple de Paphos, & la statue singuliere de la déesse.

Les Siciliens bâtirent à Vénus un temple célebre sur la montagne Eryx ; ce temple étoit rempli de femmes qu’on y consacroit par vœu, & qui de leurs galanteries, enrichissoient le trésor de la déesse. Du tems de Diodore, qui a fait une exacte description de ce temple, il étoit encore dans son premier éclat ; mais cette splendeur ne fut pas de longue durée, puisque Strabon qui a suivi de près Diodore, écrit que de son tems, ce temple étoit presque désert.

Enée apporta de Sicile en Italie, une statue de Vénus Erycine, à qui l’on fit depuis bâtir un temple à Rome avec de très-beaux portiques, hors de la porte Colline : mais ce temple n’approchoit point de celui que cette déesse avoit dans le huitieme quartier de la ville ; c’étoit un magnifique édifice, auquel la place dite forum Cæsaris, elle-même superbement ornée, servoit comme de parvis. Il semble, selon les termes d’Appien, que le forum n’ait été fait que pour le temple. César, dit-il, ajouta au temple de Vénus une place consacrée, τεμένος, dont il fit un forum, non pas pour la vente des choses nécessaires à la vie, mais pour les affaires, comme étoit chez les Perses la place où l’on venoit apprendre la justice.

A l’entrée de ce temple, s’élevoit une basilique où l’on rendoit les jugemens. Vitruve le cite pour exemple des pycnostyles, c’est-à-dire des temples, où les colonnes ne sont éloignées l’une de l’autre, que d’un diametre & demi ; peut-être est-ce ce temple qui se voit dans une médaille du même Jules César, qualifié imp. IV. avec cette légende Veneri victrici vota ; il est à six colonnes ; la statue de la déesse paroît au milieu, tenant à la main une victoire.

Victor nous apprend, que dans le forum de César, & apparemment dans le temple de Vénus genitrix, étoient deux statues de Vénus ; l’une revêtue d’une cuirasse, & l’autre de la main du fameux sculpteur Arcésilaüs : celle-ci peut fort bien être celle de deux médailles qui nous restent. Pline en parle au XXXV. liv. La premiere de ces deux statues peut être cette Vénus parfaitement belle, qui fut envoyée à César par Cléopatre. César paya cette galanterie par une autre ; il fit placer à côté de la déesse une belle statue de la reine d’Egypte, qui s’y voyoit encore du tems d’Appien.

Ovide dit, que l’aqueduc de l’eau appia passoit sous ce temple, dont la situation est encore marquée par ces mots qui désignent le forum Cæsaris : c’est-là, ajoute-t-il, que le jurisconsulte devient souvent la dupe de l’amour, & celui qui fait fournir aux autres des moyens de défense, n’en trouve aucun pour lui-même. Vénus, du milieu de son temple, rit de le voir dans ses piéges ; c’étoit tout-à-l’heure un présomptueux avocat, il ne veut maintenant être qu’un client soumis.

Subdita quà Veneris facto de marmore templo
Appias expressis aëra pulsat aquis.

. . . . . . . . . .

Illo sæpe loco capitur consultus amori,

Qui que aliis cavit, non cavet ipse sibi.

. . . . . . . . . .

Hunc Venus e templis quæ sunt confinia, ridet

Qui modò patronus, nunc cupit esse cliens.

Le culte de Vénus genetrix s’étendit dans les provinces avec celui de Jules-César ; une inscription d’Ebora en Espagne, nous montre les décurions de la ville, érigeant un monument à César, & les dames portant un présent à sa mere.

DIVO JULIO
LIB. JUL. EBORA
OB. ILLIUS. IN. MUN. ET MUN.
LIBERALITATEM
EX D. D. D.
QUOJUS. DEDICATIONE
VENERI GENITRICI
CÆSTUM MATRONÆ
DONUM TULERUNT.

Ce fut dans les jeux qui se faisoient pour la premiere fois en l’honneur de Vénus genitrix, que parut pendant sept jours la fameuse comete, qui fut regardée par le peuple, comme le signe de l’apothéose de César. Jules-César ayant achevé le temple, avoit, peu de jours avant sa mort, établi un college de prêtres pour faire les jeux de la dédicace ; Octavien les fit célébrer ; & en mémoire de cette comete, il fit placer dans le même temple une statue d’airain de César avec la comete sur sa tête ; ces jeux devinrent annuels, & les consuls furent chargés d’en faire la dépense.

Ce temple fut bâti l’an de Rome 708 ou quarante-cinq ans avant J. C. Il fut consumé ou du-moins fort endommagé dans l’incendie arrivée sous Néron. (D. J.)

Temple de la Vertu et de l’Honneur, (Antiq. rom.) templum Virtutis & Honoris ; Marius le fit bâtir par l’architecte Mutius. Ce temple pourroit être mis au nombre des plus excellens ouvrages, s’il avoit été fait de marbre, & que la magnificence de la matiere eût répondu à la grandeur du dessein.

S. Augustin, en parlant de ce temple, fait entendre qu’on en peut tirer une belle moralité, à laquelle Vitruve donne encore matiere par une particularité qu’il en cite, & que S. Augustin ne savoit pas : c’est que ce temple n’avoit point de posticum, ou de porte de derriere, comme la plûpart des autres ; car cela nous apprend que non-seulement il faut passer par la vertu pour parvenir à l’honneur, mais que l’honneur oblige encore de repasser par la vertu, c’est-à-dire, d’y persévérer.

Le sénat fut assemblé dans le temple bâti par Marius à la Vertu & à l’Honneur, lorsqu’on voulut rappeller ce grand homme de son exil. Le sénatus-consulte qu’on fit à cet égard, fut rédigé en loi dans l’assemblée des centuries tenue au champ de Mars le 4 Août de l’an 696, sous le consulat de C. L. Spinter & de Q. C. Metell. Nepos. (D. J.)

Temple de Vertumne, (Ant. rom.) je croirois bien que ce dieu champêtre avoit plusieurs temples chez les Romains ; cependant l’histoire ne parle que de celui qu’on éleva en son honneur dans le marché de Rome où il avoit aussi une statue, dont Cicéron dit, à l’occasion des rapines des Verrès : y a-t-il quelqu’un, qui dans le chemin qui conduit de la statue de Vertumne au grand cirque, n’ait trouvé sur chaque degré des marques de ton avarice ? (D. J.)

Temples de Vesta, (Antiq. greq. & rom.) son temple à Athènes étoit dans l’enceinte du prytanée, & l’on y conservoit à l’honneur de la déesse un feu perpétuel, comme dans celui qu’elle avoit à Rome, & dont nous allons parler. On le nommoit ædes Vestæ ; Numa lui fit bâtir ce fameux temple proche de son palais, au milieu du marché romain, entre le mont Palatin & le mont Capitolin ; c’est le sentiment de Denys d’Halicarnasse, l. II. sect. 65 & 76. C’est aussi dans ce même endroit que Plutarque met le temple de Vesta.

Horace le place sur le bord du Tibre opposé à l’autre bord du fleuve qui va se jetter dans la mer : nous avons vu le Tibre, dit-il, repoussant avec furie ses eaux vers sa source, menacer d’engloutir le palais de Numa & le temple de Vesta.

Ire dejectum monumenta regis
Templaque Vestæ.

ode 2, l. I.

Ovide met ce temple à un des bouts de la rue neuve, qui est joint au marché romain.

Quà nova romano nunc via juncta foro est.

Publius Victor met ce temple dans le huitieme quartier où étoit le marché romain ; ces divers sentimens prouvent qu’il y avoit à Rome plus d’un temple consacré à Vesta. Quant au plus célebre de tous, j’entends celui qui fut construit par Numa ; l’entrée en étoit défendue aux hommes, & la déesse y étoit servie par les vestales ; c’étoit dans ce temple que Numa fonda un foyer de feu éternel, & sur lequel résida d’une maniere sensible la majesté de la déesse. L’histoire & les médailles nous représentent ce temple de forme ronde ; toutes ses faces sont égales, dit Ovide ; il n’y a point d’angle tout-autour, & le dôme qui le couvre, le défend de la pluie :

Par facies templi : nullus procurrit in illis
Angulus, à pluvio vindicat imbre tholus.

On croit, dit Plutarque, que Numa Pompilius ne donna une forme ronde au temple qu’il fit bâtir à la déesse Vesta, que pour représenter la figure du monde universel, au milieu duquel les Pythagoriciens placent le siege du feu qu’ils appellent vesta, & disent être l’unité. Ovide donne en poëte physicien, comme feroit M. de Voltaire, les raisons de la rondeur du temple de la déesse. Vesta, dit-il, est la même chose que la terre ; il y a pour l’une & pour l’autre un feu inextinguible, & la terre & le feu font connoître leur forme. La terre ressemble à une balle qui ne s’appuie sur rien ; son fardeau pesant se trouve suspendu ; l’air qui environne son globe, le presse également de tous côtés, tel au-moins qu’il nous est représenté dans une petite figure où l’art de Syracuse, c’est-à-dire, d’Archimede, nous a rendu l’immensité du ciel, &c.

Arte syracosiâ suspensus in aëre clauso
Stat globus, immensi parva figura poli.

Ce qu’il y a de particulier, c’est qu’un lieu si saint & le centre même de la religion, n’étoit pas un temple dans toutes les formes, parce qu’il n’avoit pas été consacré par les augures ; mais la cour ou l’enclos étoit proprement le temple, parce que les augures en avoient fait la consécration. Numa, dit Servius, voulut éviter par ce défaut d’inauguration, s’il est permis de parler ainsi, que le sénat ne s’y assemblât, ne senatus ibi haberi posset. Ce prince craignit les inconvéniens que le tumulte de ces sortes d’assemblées pouvoit occasionner dans une maison de filles du plus haut rang, dont la conduite étoit délicate, & devenoit l’affaire de tout l’empire.

On ne sait pas bien encore, dit Denys d’Halicarnasse, ce qui est gardé si secrettement dans l’intérieur du temple, outre le feu sacré que tout le monde peut voir ; Quelques-uns, ajoute-t-il, ont osé avancer qu’indépendamment du feu sacré, il se trouve encore dans le temple de la déesse certaine chose dont la garde & la connoissance est réservée au seul pontife & aux seules vestales. La preuve qu’ils en apportent, c’est ce qui arriva pendant la premiere guerre punique. Le feu ayant pris au corps de l’édifice, les vestales tout éperdues se retirerent en désordre ; & Lucius Cecilius Metellus, pontife, homme consulaire, qui après une victoire signalée avoit triomphé des Carthaginois, & dans la pompe de son triomphe avoit donné cent trente-huit éléphans en spectacle au peuple romain ; Lucius Metellus, dis-je, comptant pour rien le péril où s’il s’exposoit, & sacrifiant sa vie au bien public, traversa cet incendie, pénétra jusqu’au fond du sanctuaire, & fut assez heureux pour sauver les choses sacrées qui alloient être réduites en cendres, ce qui lui valut les honneurs extraordinaires qui se lisent encore aujourd’hui sur la base de sa statue au capitole.

A cette vérité tout le monde mêla ses conjectures pour deviner ce secret de la république ; Denys d’Halicarnasse condamne leur curiosité comme contraire au respect que tout homme pieux doit aux choses divines ; mais nos savans n’ont pas été si scrupuleux que l’historien des antiquités romaines. Sans être entrés dans le sanctuaire du temple, ils ont eu l’art de dévoiler le mystere, & ont découvert que ce gage de la perpétuité de l’empire romain, ce pignus imperii qu’on gardoit si religieusement & avec tant de secret dans le temple de Vesta, étoit le palladium ; il paroît même par des passages d’Ovide, de Properce, de Pline & de Lucain, que sous les empereurs le voile étoit levé ; cependant les Romains ne laisserent échapper le secret, que quand ils virent leurs frontieres assez fortes pour ne plus appréhender qu’on vînt évoquer leur divinité protectrice, & dévouer leur ville, comme ils en avoient usé à l’égard de leurs ennemis.

C’est un des beaux temples de Rome consacrés à Vesta, que celui qui se nomme aujourd’hui l’église de S. Etienne située sur le bord du Tibre.

L’ordre de ce temple est corinthien ; les entre-colonnes n’ont qu’un diametre & demi, & la hauteur des colonnes, y compris la base & le chapiteau, est de douze diametres. Les bases n’ont point de plinthe, mais les marches où elles posent, leur en servent ; l’architecte a usé de cet artifice afin que l’entrée de son portique restât plus libre, parce les colonnes y sont fort pressées. Le diametre de la nef, en y comprenant l’épaisseur des murs, est égal à la hauteur des colonnes. Les chapiteaux sont taillés à feuilles d’olive. On n’y voit plus rien de la corniche ; mais Palladio l’a supplée dans le plan qu’il nous a donné de cet édifice, & en a ajouté une de son dessein. Les ornemens de la porte & des fenêtres sont fort simples & de bon goût. Sous le portique & au-dedans du temple, les fenêtres sont soutenues par des cimaises qui vont regnant tout-autour ; elles forment comme une espece de piédestal, ou d’embasement au mur & à la couverture. Ce mur sous le portique est fait d’une maçonnerie de pierres divisées par carreaux depuis la corniche de l’embasement jusqu’au sofite. Il est tout uni par dedans, avec une autre corniche, à dos de celle qui est sous le portique d’où commence la voûte.

A Tivoli, à cinq ou six lieues de Rome, sur la cascade du Téveronne, on voit un autre temple de Vesta dont la forme est ronde. Les habitans disent que c’étoit autrefois la demeure de la sibylle Tiburtine ; il est assez vraissemblable que c’étoit un temple dédié à la déesse Vesta ; cet édifice est d’ordre corinthien. Les entre-colonnes ont deux diametres ; le pavé est élevé au-dessus du rez-de-chaussée à la hauteur d’un tiers des colonnes ; les bases n’ont point de socle ; le but de l’architecte, en le supprimant, a été de rendre la promenade sous le portique plus libre. Les colonnes sont précisément aussi hautes que le diametre de la nef est large, & penchant en-dedans vers le mur du temple, de telle sorte que le vif du haut des colonnes tombe à plomb sur le vif du pié de leur fût en-dedans. Les chapiteaux sont taillés à fleur d’olive & très-bien exécutés, d’où l’on peut conjecturer que cette fabrique a été faite dans un siecle de goût. L’ouverture de la porte & des fenêtres est plus étroite par le haut que par le bas, ainsi que Vitruve enseigne qu’on le doit pratiquer. La maçonnerie de ce temple est de pierre tiburtine incrustée de stuc si proprement, qu’il semble être tout de marbre. C’est là la description qu’en fait Palladio. (D. J.)

Temples de la Victoire, (Antiq. greq. & rom.) Pausanias nous apprend que cette divinité avoit plusieurs temples dans la Grece, & Tite-Live parle de ceux qu’elle avoit à Rome ; il faut consulter ces deux auteurs ; les Romains lui bâtirent le premier temple durant la guerre des Samnites, sous le consulat de Lucius Posthumus & de M. Attilius Regulus. (D. J.)

Temples de Vulcain, (Antiq. égypt. & rom.) Le temple de Vulcain où le sénat s’assembloit, étoit placé à côté de celui de la Concorde ; ils étoient tous deux situés dans le lieu appellé par les anciens, velia, à vellendis gregibus, qui, selon Varron, s’étendoit depuis l’arc de Titus, jusqu’à celui de Constantin. Tatius, au rapport de Denis d’Halycarnasse, lui fit bâtir ce temple hors de l’enceinte de la ville, les augures ayant déclaré que le dieu du feu ne devoit pas être dans la ville même.

Mais parmi les anciens peuples, les Egyptiens sont ceux qui ont le plus honoré ce dieu : il avoit à Memphis ce temple magnifique décrit par Hérodote, & cette statue colossale renversée, qui étoit haute de soixante & quinze piés, sur laquelle Amasis fit élever deux autres statues, chacune de vingt piés de hauteur, & du même marbre que la grande ; cependant l’intérieur de cet édifice, bien loin de mériter l’admiration de ceux qui y entroient, ne fit qu’exciter les mépris & les railleries de Cambyse, qui se mit à éclater de rire en voyant la statue de Vulcain, & celles des autres dieux, semblables à des pygmées, lesquels véritablement devoient faire un contraste bien ridicule avec les colosses qui étoient dans les vestibules dont on vient de parler. (D. J.)

Temples des Chrétiens, (Rélig. chrétienne.) au commencement du christianisme, les chrétiens n’avoient pour temples & pour autels que des cimetieres, & des maisons particulieres, où ils s’assembloient. Ce fut sur ces cimetieres qu’ils bâtirent leurs premieres églises, lorsque Constantin leur en eut donné la liberté.

Ils nommerent ces églises, titres, tituli ; oratoires, domus oratoriæ ; dominiques, dominicæ ; martyres, martyria ; conciles des saints, concilia sanctorum ; basiliques, basilicæ : tous ces mots s’entendent aisément ; mais Licinius qui étoit en guerre contre l’empereur Constantin, ordonna d’abattre, en orient, l’an 379. de Jésus-Christ, la plûpart de ces nouvelles églises. L’an 484, Huneric, roi des Vandales, les fit fermer en Afrique ; cependant elles se multiplierent avec l’accroissement du christianisme, sur-tout dans les siecles d’ignorance ; voici en général quelle en étoit la disposition.

On les tournoit vers l’orient, symbole de la lumiere ; la porte étoit précédée d’un vestibule, où se tenoient les pénitens, & à l’entrée une grande place pour les laïques ; c’est ce que nous appellons la nef ; il y avoit ensuite un lieu nommé sancta, où les prêtres se plaçoient, c’est le chœur ; & enfin le sancta sanctorum, qui est cette enceinte de l’autel que l’on nomme aujourd’hui le sanctuaire ; il y avoit de plus dans les églises, certains endroits particuliers pour prier ; c’est ce que l’on nomme aujourd’hui des chapelles ; on y faisoit encore ce qu’on appelle une sacristie, où l’on serroit les ornemens & les vases sacrés.

On mettoit plusieurs autels dans la même église, car comme on y enterroit les martyrs, on élevoit un autel sur le sépulcre des plus distingués. Au-devant de la porte étoit un grand vaisseau plein d’eau, dont les prêtres, & ceux qui venoient pour prier, se lavoient les mains & le visage : voilà l’origine de l’eau benite.

Il faut encore remarquer qu’il y avoit dans chaque église des endroits séparés par des planches, les uns destinés pour les hommes, & les autres pour les femmes ; le côté droit étoit pour les femmes, & le côté gauche pour les hommes, parce que le côté gauche, dit Baronius, étoit censé le plus noble dans l’église.

Enfin, les mendians se tenoient dans le vestibule, parce qu’il leur étoit défendu d’entrer dans l’église, pour ne point causer, en demandant l’aumone, de distractions aux fideles qui prioient.

Quant aux ornemens des églises, il y avoit dans chacune des lampes & des vases sacrés, qu’on fit d’argent, & même d’or, à mesure que le christianisme s’accrut & s’enrichit. Il paroît par l’hymne de Prudence, sur S. Cassien, que Paulin, évêque de Nôles, dans la province du royaume de Naples, orna de peintures les oratoires de S. Félix, pour instruire les paysans qui nouvellement convertis, se rendoient dans ces oratoires ; c’est ainsi qu’il paroît que dès le cinquieme siecle, les images furent introduites dans les églises.

Le lecteur peut consulter sur tous ces détails, Hospinianus, de templis ; Bingham, antiquités ecclésiastiques, en anglois ; & George Whéler, descript. des églises des anciens chrétiens. (D. J.)

Temples des Chinois, (Hist. de la Chine.) parmi les édifices publics où les Chinois font paroître le plus de somptuosité, on ne doit pas obmettre les temples, ou les pagodes, que la superstition des princes & des peuples a élevés à de fabuleuses divinités : on en voit une multitude prodigieuse à la Chine ; les plus célebres sont bâtis dans les montagnes.

Quelque arides que soient ces montagnes, l’industrie chinoise a suppléé aux embellissemens & aux commodités que refusoit la nature ; des canaux travaillés à grands frais, conduisent l’eau des montagnes dans des bassins destinés à la recevoir ; des jardins, des bosquets, des grottes pratiquées dans les rochers, pour se mettre à l’abri des chaleurs excessives d’un climat brulant, rendent ces solitudes charmantes.

Les bâtimens consistent en des portiques pavés de grandes pierres quarrées & polies, en des salles, en des pavillons qui terminent les angles des cours, & qui communiquent par de longues galeries ornées de statues de pierre, & quelquefois de bronze ; les toîts de ces édifices brillent par la beauté de leurs briques, couvertes de vernis jaune & verd, & sont enrichis aux extrémités, de dragons en saillie de même couleur.

Il n’y a guere de ces pagodes où l’on ne voie une grande tour isolée, qui se termine en dôme : on y monte par un escalier qui regne tout-au-tour ; au milieu du dôme est d’ordinaire un temple de figure quarrée ; la voûte est souvent ornée de mosaïque, & les murailles sont revêtues de figures de pierres en relief, qui représentent des animaux & des monstres.

Telle est la forme de la plûpart des pagodes, qui sont plus ou moins grands, selon la dévotion & les moyens de ceux qui ont contribué à les construire : c’est la demeure des bonzes, ou des prêtres des idoles, qui mettent en œuvre mille superchéries, pour surprendre la crédulité des peuples, qu’on voit venir de fort loin en pélerinage à ces temples consacrés à la superstition ; cependant comme les Chinois, dans le culte qu’ils rendent à leurs idoles, n’ont pas une coutume bien suivie, il arrive souvent qu’ils respectent peu & la divinité & ses ministres.

Mais le temple que les Chinois nomment le temple de la Reconnoissance, mérite en particulier que nous en disions quelque chose. Ce temple est élevé sur un massif de brique qui forme un grand perron, entouré d’une balustrade de marbre brut : on y monte par un escalier de dix à douze marches, qui regne tout le long ; la salle qui sert de temple, a cent piés de profondeur, & porte sur une petite base de marbre, haute d’un pié, laquelle en débordant, laisse tout-au-tour une banquette large de deux ; la façade est ornée d’une galerie, & de quelques piliers ; les toîts, (car selon la coutume de la Chine, souvent il y en a deux, l’un qui naît de la muraille, l’autre qui la couvre), les toîts, dis-je, sont de tuiles vertes, luisantes & vernissées ; la charpente qui paroît en dedans, est chargée d’une infinité de piéces différemment engagées les unes dans les autres, ce qui n’est pas un petit ornement pour les Chinois. Il est vrai que cette forêt de poutres, de tirans, de pignons, de solives, qui regnent de toutes parts, a je ne sais quoi de singulier & de surprenant, parce qu’on conçoit qu’il y a dans ces sortes d’ouvrages, du travail & de la dépense, quoiqu’au fond cet embarras ne vient que de l’ignorance des ouvriers, qui n’ont encore pû trouver cette simplicité qu’on remarque dans nos bâtimens éuropéens, & qui en fait la solidité & la beauté : la salle ne prend le jour que par ses portes ; il y en a trois à l’orient, extrémement grandes, par lesquelles on entre dans la fameuse tour de porcelaine, & qui fait partie de ce temple. Voyez Tourde porcelaine. (D. J.)

Temple des Gaulois, (Antiq. gauloises.) Les Gaulois n’avoient anciennement d’autres temples que les bois & les forêts, ni d’autres statues de leurs dieux, ni d’autres autels, que les arbres de ces bois ; on a cent preuves de cette vérité, & César en effet ne dit pas un mot de leurs temples, ni des statues de leurs dieux. On objecte que Suétone observe que ce même Jules César pilla les temples des Gaulois, qui étoient remplis de trésors. On objecte encore que Strabon fait aussi mention des temples des Gaulois ; mais on peut répondre que ces auteurs parlent le langage de leur nation, & conformément à leurs préjugés.

Il est vrai, dit l’abbé Banier, que les Gaulois avoient des lieux consacrés spécialement au culte de leurs dieux ; que c’étoit dans ces lieux que se pratiquoient les cérémonies religieuses, qu’on y offroit les sacrifices, &c. mais ces temples, si on veut les appeller ainsi, n’étoient pas des édifices comme ceux des Grecs & des Romains : c’étoient des bois, c’étoient, à Toulouse, les bords d’un lac consacré par la religion, qui servoient de temples. Dans ces lieux, on renfermoit les trésors : ainsi les auteurs que j’ai cités ont eu raison en un sens, de dire que César avoit pillé les temples des Gaulois, c’est-à-dire, les lieux qui leur en servoient ; c’est suivant cette distinction, qu’il faut entendre ce que dit Strabon, que c’étoit dans leurs temples que les Gaulois crucifioient les hommes qu’ils immoloient à leurs dieux, c’est-à-dire dans ces forêts mêmes qui leur servoient de temples ; car comment seroient entrés dans des édifices, quelque spatieux qu’on les supposât, ces colosses d’osier dans lesquels ils mettoient les criminels & les captifs, & quel désordre n’y auroit pas causé le feu qui les consumoit ?

Les Semnons, Celtes d’origine, & qui suivoient la même religion que les Gaulois, n’avoient aussi d’autre temple qu’une forêt : personne, dit Tacite, n’a son entrée dans cette forêt, s’il ne porte une chaîne, marque du domaine suprème que le dieu a sur lui. Ce ne fut que depuis l’entrée des Romains dans les Gaules, qu’on commença à y bâtir des temples ; l’usage même en fut rare, & l’on continua malgré ces nouveaux temples, à sacrifier dans les forêts, & à représenter les dieux du pays, par des troncs d’arbres, pratique qui subsista dans quelques cantons des Gaules long-tems après que le christianisme y eut triomphé de l’idolatrie, & on en découvroit encore quelques restes du tems de Charlemagne.

Enfin les Gaulois s’accoutumant aux mœurs & aux usages de leurs vainqueurs, éleverent un grand nombre de vrais temples, où furent déposées les statues qui représentoient également les anciens dieux du pays, & ceux des Romains. Les antiquaires, & sur-tout le pere dom Bernard Montfaucon, ont fait dessiner les restes de plusieurs de ces temples, qu’on peut voir dans leurs ouvrages. On remarque qu’ils sont presque tous de figure ronde ou octogone, comme si ces deux figures étoient les plus propres à renfermer les maîtres du monde. (D. J.)

Temples des Japonois, (Idolat. asiatiq.) on doit distinguer dans le Japon les temples des Sentoïstes & ceux des Budsoïstes.

Les sectateurs de la religion du Sinton appellent leurs temples mia, mot qui signifie la demeure des ames immortelles, & ils nomment siusja, la cour du mia, avec tous les bâtimens qui en dépendent.

Leurs mias ont beaucoup de rapport aux fana des anciens Romains ; car généralement parlant, ce sont des monumens élevés à la mémoire des grands hommes. Les mias sont situés dans les lieux les plus rians du pays, sur le meilleur terrain, & communément au-dedans ou auprès des grandes villes. Une allée large & spacieuse, bordée de deux rangs de cyprès extrémement hauts, conduit à la cour du temple, où se trouvent quelquefois plusieurs mias ; & dans ce cas-là l’allée dont on vient de parler mene tout droit aux principaux mias ; la plûpart sont situés dans un bois agréable, quelquefois sur le penchant d’une colline tapissée de verdure, où l’on monte par des marches de pierre.

L’entrée de l’allée qui conduit au temple, est distinguée du grand chemin ordinaire par un portail de pierre ou de bois d’une structure fort simple ; deux piliers posés perpendiculairement soutiennent deux poutres mises en travers, dont la plus haute est, par maniere d’ornement, courbée vers le milieu, & s’éleve aux deux extrémités. Entre ces deux poutres il y a une table quarrée, qui est ordinairement de pierre, où le nom du dieu à qui le mia est consacré, est écrit en caracteres d’or. Quelquefois on trouve une autre porte faite de la même maniere, devant le mia, ou devant la cour du temple, s’il y a plusieurs mias dans une cour, à quelque distance du mia, il y a un bassin de pierre plein d’eau, afin que ceux qui vont faire leurs dévotions puissent s’y laver. Tout contre le mia, il y a un grand coffre de bois pour recevoir les aumônes.

Le mia est un bâtiment simple, sans ornement ni magnificence, communément quarré, fait de bois, & dont les poutres sont grosses & assez propres. La hauteur n’excede guere celle de deux ou trois hommes, & la largeur n’est que de deux ou trois brasses. Il est élevé d’environ une verge & demi au-dessus de la terre, & soutenu par des piliers de bois. Autour du mia il y a une petite galerie où l’on monte par quelques degrés.

Le frontispice du mia est d’une simplicité qui répond au reste ; il consiste en une ou deux fenêtres grillées, qui découvrent le dedans du temple à ceux qui viennent faire leurs dévotions, afin qu’ils se prosternent devant le lieu sacré ; il est toujours fermé, & souvent il n’y a personne qui le garde.

Le toit est couvert de tuiles, de pierre ou de coupeaux de bois, & il s’avance beaucoup de chaque côté pour couvrir cette espece de galerie qui regne tout-autour du temple. Il differe de celui des autres bâtimens, en ce qu’il est recourbé avec plus d’art, & composé de plusieurs couches de poutres, qui s’avançant par-dessous, ont quelque chose de fort singulier. A la cime du toit, il y a quelquefois une poutre plus grosse & plus forte que les autres, posée en long, & à ses extrémités deux autres poutres toutes droites qui se croisent.

Cette structure est faite à l’imitation, aussi-bien qu’en mémoire de celle du premier temple ; & quoiqu’elle soit fort simple, elle est néanmoins très-ingénieuse & presque inimitable, en ce que les poids & la liaison de toutes ces poutres entrelacées, sert à affermir tout l’édifice.

Sur la porte du temple il pend une grosse cloche plate, qui tient à une corde longue, forte & pleine de nœuds : ceux qui viennent faire leurs dévotions frappent la cloche, comme s’ils vouloient avertir les dieux de leur arrivée : mais cette coutume n’est pas ancienne, & on ne la pratiquoit pas autrefois dans la religion du Sintos ; elle a été empruntée du Budso, ou de la religion idolâtre étrangere.

Dans le temple, on voit du papier blanc suspendu & coupé en petits morceaux, & par-là on veut donner au peuple une idée de la pureté du lieu. Quelquefois on place un grand miroir au milieu du temple, afin que les dévots puissent s’y voir & faire réflexion, que comme ils apperçoivent très-distinctement les taches de leur visage dans ce miroir, de même les taches de leur cœur les plus secretes paroissent à découvert aux yeux des dieux immortels.

Il y a un grand nombre de ces temples, qui n’ont aucune idole ou image du Cami auquel ils sont consacrés ; & en général l’on peut dire qu’ils n’ont point d’images dans leurs temples, à moins que quelque incident particulier ne les engage à y en mettre ; tels par exemple, que la grande réputation & la sainteté du sculpteur, ou quelque miracle éclatant qu’aura fait le Cami. Dans ce dernier cas, on place dans le lieu le plus éminent du temple, vis-à-vis de l’entrée, ou du frontispice grillé, une châsse appellée fonga, c’est à-dire, le véritable temple, & devant cette châsse les adorateurs du Cami se prosternent ; l’idole y est enfermée, & on ne l’en tire qu’à la grande fête du Cami, qui ne se célebre qu’une fois tous les cent ans. On enferme aussi dans cette châsse des reliques du même dieu, comme ses os, ses habits, ses épées, & les ouvrages qu’il a travaillés de ses propres mains.

Le principal temple de chaque lieu a plusieurs chapelles qui en dépendent, qui sont ornées par-dehors de corniches dorées. Elles sont soutenues par deux bâtons pour être portées avec beaucoup de pompe à la grande fête du dieu auquel le temple est consacré.

Les ornemens du temple sont ordinairement des dons qui ont été faits en conséquence de quelque vœu, ou par d’autres raisons pieuses.

Les temples du Sintos sont desservis par des laïques, qui sont entretenus ou par des legs, ou par des subsides, ou par des contributions charitables. Ces desservans du temple sont soumis pour le temporel aux juges impériaux des temples que nomme le monarque séculier.

Quant à ce qui regarde les temples des budsdos, c’est-à-dire, des sénateurs du paganisme étranger reçu au Japon, nous nous contenterons de remarquer que ces temples ne sont pas moins magnifiques que ceux des sintoistes. Ils sont également remarquables par leur grandeur, par leur situation charmante, & par leurs ornemens : mais les ecclésiastiques qui les desservent, n’ont ni processions, ni spectacles publics, & ne se mêlent d’autre chose que de faire leurs prieres dans le temple aux heures marquées. Leur supérieur releve d’un général qui réside à Miaco. Ce général est à son tour soumis aux commissaires de l’empereur, qui sont protecteurs & juges de tous les temples de l’empire ; voyez de plus grands détails dans Koempfer. J’ajouterai seulement que tous les temples du Japon ressemblent beaucoup aux pagodes des Chinois ; que ces temples sont extrèmement multipliés, & que leurs prêtres sont sans nombre ; pour prouver ce dernier article, il suffira de dire qu’on compte dans Miaco & aux environs 3894 temples, 37093 prêtres pour y faire le service. (D. J.)

Temples des Indiens, les Européens les nomment pagodes. Voyez Pagode.

Temples des Juifs modernes, voyez Synagogue.

Temples des Mages, (Hist. des Perses.) c’est Zoroastre qui les éleva. Il fleurissoit pendant que Darius Hystaspe occupoit le trone de Perse, 486 ans avant J. C. Après être devenu le plus grand mathématicien & le plus grand philosophe de son siecle, il reforma le magisme, & établit sa nouvelle religion chez les Perses, les Parthes, les Bactriens, les Chowaresmiens, les Saces, les Medes, & dans une partie des Indes.

Avant lui les Mages dressoient des autels pour y conserver leur feu sacré en plein air ; mais la pluye, les tempêtes, les orages, éteignoient souvent ce feu, & interrompoient le culte ; Zoroastre pour remédier à cet inconvénient, ordonna d’ériger partout des temples ; & pour rendre plus vénérable le feu des temples qu’il avoit érigés, il feignit d’en avoir apporté du ciel, & le mit sur l’autel du premier temple dans la ville de Xis en Médie, d’où on dit que le feu fut répandu dans tous les autres temples des Mages.

Ayant divisé les prêtres en trois ordres, il fit bâtir trois sortes de temples, dont le principal fut élevé à Balch, où il résida lui-même en qualité d’archimage. Mais après que les mahométans eurent ravagé la Perse dans le vij. siecle, l’archimage fut obligé de se retirer dans le Kerman, sur les bords de l’Océan méridional vers les Indes, & c’est-là que jusqu’ici ses successeurs se sont maintenus.

Le temple de Kerman n’est pas moins respecté de nos jours de ceux de cette secte, que celui de Balch l’étoit autrefois. (D. J.)

Temples des Mahométans, voyez Mosquée.

Temples des Péruviens, (Antiq. péruviennes.) leurs temples étoient consacrés au Soleil & à la Lune. Garcilasso de la Vega nous a donné la description de celui de Cusco, capitale du Pérou ; on sera peut-être bien-aise d’en trouver ici le précis.

Le grand autel étoit du côté de l’Orient, & le toit de bois fort épais, couvert de chaume par-dessus, parce qu’ils n’avoient point l’usage de la tuile ni de la brique. Les quatre murailles du temple, à les prendre du haut en bas, étoient lambrissées de plaques d’or. Sur le grand autel on voyoit la figure du Soleil, marquée sur une plaque d’or ; cette figure s’étendoit presque d’une muraille à l’autre ; elle échut par le sort à un gentilhomme castillan, qui la joua, & la perdit dans une nuit.

On peut juger par cet échantillon qui échut en partage à cet officier, combien étoit grand le trésor que les Espagnols trouverent dans ce temple. Aux deux côtés de l’image du Soleil, étoient les corps de deux de leurs yncas, artistement embaumés, & assis sur des trones d’or, élevés sur des plaques de même métal.

Les portes de ce temple étoient toutes couvertes de lames d’or. A côté du temple on voyoit un cloitre à quatre faces, & dans sa plus haute enceinte, une couronne d’or fin, qui pouvoit bien avoir une aune de large. Tout-autour de ce cloitre regnoient cinq pavillons en quarré, couverts en forme de pyramide.

Le premier étoit destiné à loger la Lune femme du Soleil ; ses portes avec son enclos étoient tapissés de plaque d’argent, pour donner à connoître par la couleur blanche, que c’étoit l’appartement de la Lune, laquelle étoit représentée sur une plaque d’argent, & avoit le visage d’une femme.

L’appartement le plus proche de celui de la Lune étoit celui de Vénus, des Pléiades, & d’autres étoiles. Ils honoroient extrémement l’astre de Vénus, parce qu’ils le regardoient comme le messager du Soleil, allant tantôt devant lui, tantôt après. Ils ne respectoient pas moins les Pléiades à cause de la disposition de ses étoiles, qui leur sembloient toutes égales en grandeur.

Pour les autres étoiles en général, ils les appelloient les servantes de la Lune, & elles étoient logées près de leur dame, pour obéir commodément à ses ordres. Cet appartement & son portail étoient couverts de plaques d’argent comme celui de la Lune. Son toit étoit semé d’étoiles d’argent de différentes grandeurs.

Le troisieme appartement étoit consacré à l’éclair, au tonnerre & à la foudre. Ils ne regardoient point ces trois choses comme des dieux, mais comme des génies subordonnés au Soleil, & toujours prêts à exercer sa justice sur la terre.

Ils consacroient à l’arc-en-ciel le quatrieme appartement, parce que ce météore procede du Soleil. Cet appartement étoit tout enrichi d’or, & sur les plaques de ce métal, on voyoit représentées au naturel avec toutes ses couleurs, dans l’une des faces du bâtiment, la figure de l’arc-en-ciel qui s’étendoit d’une muraille à l’autre.

Le cinquieme & dernier appartement du temple étoit celui du grand sacrificateur, & des autres prêtres qui assistoient au service du temple, & qui devoient être tous du sang royal des Yncas. Cet appartement enrichi d’or, comme les autres, depuis le haut jusqu’au bas, n’étoit destiné ni pour y manger, ni pour y dormir, mais servoit de salle pour y donner audiance, & y déliberer sur les sacrifices qu’il falloit faire, & sur toutes les autres choses qui concernoient le service du temple. (D. J.)

Temples, (Hist. des Arts.) après avoir parlé des temples en littérature, il faut terminer ce vaste sujet par considérer leur mérite & leurs défauts, du côté des beaux arts. Salomon fit construire dans la terre promise un temple magnifique, qui fut l’ornement & la consolation de Jérusalem. Depuis cette époque, le peuple choisi a toujours soupiré pour la montagne de Sion ; mais la décoration de cet édifice n’est pas assez connue, pour que nous puissions la faire entrer dans l’histoire des goûts.

On ne sauroit remonter en ce genre avec certitude, au-delà des Grecs ; l’ouvrage dogmatique le plus ancien que nous ayons dans cet art, est celui de Vitruve, qui vivoit sous Auguste, & qui ne dit presque rien des monumens qui avoient pû précéder ceux de la Grece.

Les Grecs n’ornerent jamais d’enjolivemens de sculpture l’intérieur de leurs temples ; les murs étoient élevés perpendiculairement, & voilà tout ; l’enceinte avoit la figure d’un parallélogramme régulier ; les portes & les frontons étoient sur les deux petits côtés opposés ; il n’y avoit presque que le seul temple de la Vertu qui n’eût point de porte de derriere.

Ces temples qui dans leur simplicité intérieure, pouvoient laisser à l’esprit, le recueillement qu’il doit apporter dans son humiliation ; ces temples, dis-je, étoient au-dehors d’une architecture magnifique. La plûpart étoient environnés de péristiles à plusieurs rangs de colonnes ; les deux petits côtés portoient des frontons ; sur le tympan de ces frontons, on représentoit en bas-relief des combats, & des sacrifices.

Toutes les colonnes étoient à une même hauteur, & on ne les plaça jamais les unes sur les autres ; les temples les plus simples n’avoient que quatre colonnes, c’est-à-dire, deux sur le devant, & deux sur le derriere ; les temples plus ornés étoient entourés de péristiles à un ou deux rangs de colonnes. La profondeur de ces péristiles ne pouvoit produire d’obscurité incommode ; car ces temples n’étoient point éclairés par les côtés ; ils recevoient le jour, ou parce qu’ils étoient découverts, ou par les portes, ou par des croisées pratiquées au-dessus de l’édifice. Quelquefois enfin, le temple étoit séparé des colonnes ; tel étoit à Athènes celui de Jupiter Olympien ; entre le péristile & le temple, il y avoit comme une cour.

Dans les temples de Jupiter, on employoit l’ordre dorique, qui pouvoit rendre la majestueuse simplicité du maître des dieux. On faisoit ceux de Junon d’ordre ionique, dont l’élégance pouvoit convenir à une déesse ; le temple de Diane d’Ephèse avoit un double péristile, & étoit selon quelques auteurs, de ce même ordre ionique, qui par sa légereté pouvoit avoir été choisi comme étant le plus convenable à la divinité des chasseurs. Enfin, on doit dire à la louange des Grecs, qu’ils furent toujours très attentifs dans la construction de leurs temples, à faire choix des ordres qui convenoient le mieux aux différens caracteres des divinités.

Les Romains qui dans tous les arts, s’étoient efforcés de suivre les traces des Grecs, surent quelquefois égaler leurs maîtres dans l’Architecture. Les richesses immenses de l’empire laissoient aux artistes qui s’y rendoient de toutes parts, la facilité de se livrer à la beauté de leurs compositions, ou des modeles de la Grece, une sorte d’élévation d’ame, qui portoit les Romains à faire élever de superbes édifices ; une politique sage, qui encourageoit la vertu & les talens par des arcs de triomphe, ou par des statues ; en un mot, toutes ces vûes de grandeur, multiplierent étonnemment des monumens respectables, que le tems ni la barbarie n’ont pû détruire encore entierement.

Les temples romains, quoique plus grands & plus magnifiques que ceux de la Grece, avoient à-peu-près les mêmes décorations extérieures. Ceux de Jupiter foudroyant, du ciel, de la terre, & de la lune, étoient découverts. Pour les dieux champêtres, on construisoit des grottes dans le goût rustique. Au milieu de ces temples, on plaçoit la statue du dieu qu’on vouloit honorer ; au pié de la statue, étoit un autel pour les sacrifices ; les autels des dieux célestes étoient fort exhaussés ; ceux des dieux terrestres, étoient un peu plus bas ; & ceux des dieux infernaux, étoient enfoncés.

Les Romains eurent aussi des basiliques d’une belle architecture : c’étoient des lieux publics destinés à assembler le peuple, lorsque les rois ou les principaux rendoient la justice. Ces édifices étoient ornés intérieurement par plusieurs rangs de colonnes. Lorsqu’on eût commis à de petits magistrats le soin & l’emploi de juges, les marchands commencerent à fréquenter les basiliques ; enfin, ces édifices furent destinés à célébrer les mysteres des nouveaux chrétiens.

Dès que le Christianisme eut pris faveur, il abandonna les basiliques, pour decorer intérieurement les églises de son culte ; & ces ornemens intérieurs dont on les chargea, servirent de modele pour toutes celles qu’on fit construire dans la suite. On s’éloigna de la simplicité intérieure des temples antiques ; on n’eut plus d’attention à conserver dans des maisons d’adoration, une sorte de dignité majestueuse, de laquelle les idolâtres ne s’étoient jamais éloignés. Dans la Grece, il n’y avoit qu’un ou deux temples, dont l’intérieur fût orné par des colonnes ; mais ces temples n’étoient point fameux, & ne méritent pas de faire d’exception.

Un temple grec étoit dans la simplicité de quatre murs élevés perpendiculairement ; il étoit entouré de colonnes toutes égales, & qui soutenoient un même entablement. D’un premier regard, on ne disoit point comme dans le gothique, par quelle adresse étonnante a-t-on pû élever un édifice si peu soutenu, tout découpé à jour, & qui cependant dure depuis plusieurs siecles ? Mais plutôt l’esprit se reposant dans la solidité apparente & réelle de toutes les parties, s’occupoit agréablement à développer les sages ressources que l’art avoit su se faire, pour mettre un certain accord entre des beautés constantes, & qui à chaque fois qu’on les voyoit, savoient produire une nouvelle satisfaction.

Lors du renouvellement des arts & des sciences, le goût gothique se trouva généralement répandu dans l’Architecture ; les Artistes ne purent employer les beautés de l’antique, qu’en les rapprochant de la dégradation, que l’instinct habituel faisoit applaudir. Ainsi, en conservant le fond de l’architecture des Goths, on chercha à y introduire les plus belles proportions des anciens.

Dans la construction des églises modernes, on a donné au plan la forme d’une croix ; on a réservé tous les ornemens pour l’intérieur. On a ouvert plusieurs portes ; on a fait des bas côtés ; il y a eu des fenêtres sur toute la longueur & à toute hauteur ; & c’est ce qu’on ne voyoit point aux temples des Grecs ; mais aussi on a mis le chœur & la nef dans une même direction ; on a supprimé les faisceaux des colonnes, pour n’en admettre qu’un seul ordre avec un entablement régulier ; les vitres ont été laissées dans leur transparence ; les ornemens n’ont été employés qu’avec économie, & ce sont-là tout autant de corrections des erreurs gothiques.

Les modernes, ajoutera quelqu’un, pratiquent encore de belles décorations ; j’en conviens : mais elles sont rarement à leur place. Ainsi, quoique plus rapprochés en apparence des Grecs, que ne l’étoient les Goths, nous pourrions à certains égards, nous en être fort éloignés. Je le crois d’abord par la vérité du fait ; en second lieu, parce que nous nous en croyons plus près ; enfin, parce que nous sommes venus après les Goths, & que la succession des goûts pourroit nous avoir détourné de la pureté primitive.

Quoiqu’il ait paru de tems à autres des artistes très-habiles, avec un peu d’attention, on ne peut méconnoître la dégradation du goût, & cette fatalité qui a toujours interrompu l’esprit dans sa marche. Dans tous les arts, il a fallu pendant long-tems, se traîner dans la carriere fatigante & incertaine des essais mal conçus, avant que de franchir l’intervalle immense qui peut conduire à quelque perfection. Lorsque l’esprit a atteint à quelques beautés vraies & constantes, rarement sait-il s’y reposer. De fausses subtilités se présentent ; on croit en s’y abandonnant, renchérir sur la belle simplicité de la nature ; & les arts retombent dans la période des erreurs, que l’imbécillité d’un instinct perverti fait néanmoins applaudir.

L’architecture des temples mahométans n’est pas propre à rectifier notre goût ; car ce sont des ouvrages communément tout ronds avec plusieurs tours. Quelques-unes de ces tours qui sont à la mosquée de Médine, où est le tombeau de Mahomet, sont torses, non pas cependant comme nos colonnes, dont les spires sont dans différens plans ; ce sont plutôt comme des courbes, qui rampent autour de ces tours circulaires. Cette figure des temples mahométans, aux tours près, est celle que les anciens avoient constamment employée dans les temples de Vénus. Se seroit-on asservi à cette similitude, parce que le ciel de Mahomet est celui de la déesse des plaisirs ? (Le chevalier de Jaucourt.)

Temples des Siamois, (Idolat. asiat.) Voyez Siam. (Géogr. mod.)

Temple de la Gloire, (Morale.) le temple de la gloire est une belle expression figurée qui peint la haute considération, & pour ainsi dire le culte que méritent ceux qui se sont rendus célebres par de grandes & de belles actions.

La gloire est une illustre & large renommée de plusieurs & grands bienfaits exercés sur notre patrie, ou sur toute la race du genre humain ; telle est la belle définition qu’en donne Cicéron ; ce n’est pas, ajoute-t-il, le vain soufle d’une faveur populaire, ni les applaudissemens d’une imbécille multitude que les sages dédaignent, qui constitue la place dans le temple de la gloire ; mais c’est l’approbation unanime des grandes actions, approbation donnée par tous les honnêtes-gens, & par le suffrage incorruptible de ceux qui peuvent juger de l’excellence du mérite, car des témoignages de cette espece répondent toujours à la vertu, comme l’écho répond à la voix.

Puisque la vraie gloire est la récompense générale des belles actions, on conçoit sans peine qu’elle sera chere aux gens de bien, & qu’ils la préféreront à toute autre. Ceux qui y aspirent, ne doivent point attendre pour prix de leurs travaux les ans, le plaisir, ni la tranquillité de la vie ; au contraire, ils doivent sacrifier leur propre tranquillité pour assurer celle des autres, s’exposer aux tempêtes & aux dangers pour le bien public, soutenir des combats avec ceux qui veulent le détruire, avec les audacieux, & même avec les plus puissans.

Ils doivent marcher dans cette carriere par amour pour la vertu, & non pour captiver l’affection & les louanges d’un peuple volage. Ceux qui sont touchés de la vaine gloire, disent, comme Philippe : « ô Athéniens, si vous saviez tout ce que je fais pour être loué de vous ». Mais ceux qui ne goutent que la vraie gloire, disent avec Socrate : « ô Athéniens, ce n’est pas pour être loué de vous que je suis le pénible chemin de la vertu, c’est pour la vertu seule ».

Voilà les notions que Cicéron inculque pour engager les hommes à tâcher de mériter une place dans le temple de la gloire, dont il avoue qu’il étoit amoureux ; eh quel amour peut être mieux placé ? Cette passion est surement un des plus nobles principes qui puissent enflammer une belle ame. Elle est plantée par Dieu dans notre nature pour la dignifier, si je puis parler ainsi, & elle se trouve toujours la plus forte dans les ames sublimes. C’est à elle que nous devons les grandes & admirables choses dont parle l’histoire dans tous les âges du paganisme.

Il n’y a peut-être point d’exemple qu’aucun homme sensible aux périls de son pays, n’ait été porté à le servir par la gloire qu’il acquerroit. Donnez moi un enfant que la gloire échauffe, disoit Quintilien, & je répondrai du succés de mes leçons. Je ne sai, dit Pline, si la postérité daignera jetter quelques regards sur moi ; mais je suis sûr d’en mériter quelque chose, non pas par mon esprit & par quelques foibles talens, ce seroit pur orgueil ; mais par le zele & par le respect que je lui ai toujours voué.

Il ne paroîtra point étrange, que les plus sages des anciens aient considéré la gloire comme la plus grande récompense d’une belle vie, & qu’ils aient poussé ce principe aussi loin qu’il étoit possible, quand on réfléchira que le grand nombre d’entr’eux n’avoit pas la moindre notion d’aucune autre récompense ; si quelques-uns goutoient l’opinion d’un état à venir de félicité pour les gens vertueux, ils la goutoient plutôt comme une chose désirable, que comme une opinion fondée ; c’est pour cela qu’ils s’efforçoient de tenir leur gloire & leur immortalité des suffrages de leurs descendans ; ainsi par une fiction agreable, ils envisageoient cette renommée à venir, comme une propagation de leur vie, & une éternisation de leur existence ; ils n’avoient pas une petite joie d’imaginer, que si ce sentiment n’atteignoit pas jusqu’à eux, du-moins il s’étendroit aux autres, & qu’ils feroient encore du bien étant morts, en laissant l’exemple de leur conduite à imiter au genre humain.

Tous ces grands hommes ne regardoient jamais que ce fût proprement leur vie, celle qui étoit bornée à un cercle étroit d’années sur la terre ; mais ils envisageoient leurs actions comme des graines semées dans les champs immenses de l’univers, qui leur porteroient le fruit de l’immortalité à-travers de la succession des siecles.

Telle étoit l’espérance de Cicéron, & il faut convenir qu’il n’a pas été déçu dans son espoir. Quoi qu’en disent de prétendus beaux esprits modernes, qui nomment le sauveur de la république, le plus vain des mortels ; tant que le nom de Rome subsistera, tant que le savoir, la vertu & la liberté auront quelque crédit dans le monde, Cicéron sera grand & couvert d’actions glorieuses.

Si quelqu’un demandoit à-présent, quelles sont les places du temple de la gloire, on pourroit peut-être mettre au premier rang les fondateurs des empires, tels que Cyrus & Romulus ; au second rang paroîtroient les législateurs qui sont comme des souverains éternels ; tels étoient Lycurgue, Solon, Alphonse de Castille. Au troisieme rang, seroient placés les libérateurs de leur pays opprimé par des partis étrangers ; tel fut Henri IV. quand il éteignit la ligue. Les conquérans qui ont étendu les limites de leur empire pour rendre heureux par des lois immuables, les peuples qu’ils ont soumis, se trouveroient placés au quatrieme rang ; les noms de ces derniers échappent à mon souvenir.

Mais la place du temple de la gloire, émanée du mérite le plus cher à l’humanité, sera conservée à ces princes sages, justes, vigilans, qui par une certaine tendresse d’entrailles, ont acquis le titre de peres de la patrie, en faisant le bonheur des citoyens ; Trajan, Marc Aurele, Alfred, occupent cette place isolée, qui est supérieure à toute autre.

Si Alexandre succédant à Philippe, se fût déclaré le protecteur de tous les états & de toutes les villes de la Grece, pour leur assurer leurs libertés, & les laisser vivre selon leurs lois ; que content des bornes légitimes de son empire, il eût mis toute sa joie à le rendre heureux, à y procurer l’abondance, à y faire fleurir les lois & la justice, aussi-bien qu’il fit fleurir les arts & les sciences, il eût exercé sur tous les cœurs l’empire le plus durable, il eût acquis la sublime gloire, il seroit devenu à tous égards l’admiration de l’univers ! Infiniti potentiæ domitor ac frænator, ipsâ vestutate magis ac magis florescit !

Après les places des souverains, viennent celles des sujets dans le temple de la gloire. Les premiers sujets dignes de cet honneur, seront ces grands ministres, ces bras droits du prince, qui le consolent ou le soulagent, sans accabler le peuple, partagent & souvent portent seuls le fardeau de l’empire, en conservant toujours leur vertu & leur intégrité. Ces sortes de ministres paroissent rarement sur la terre ; la France nomme Sully sous Henri IV. Ils étoient dignes l’un de l’autre.

Ensuite il faut placer les capitaines. les généraux d’armée qui se sont rendus célebres sur terre ou sur mer, par leurs belles actions ou leurs victoires ; l’histoire grecque & romaine en fournissent le plus grand nombre, & les monumens qui parlent de leur renomée, ont passé jusqu’à nous ; les particularités qui concernent celle de Philopœmen, par exemple, ne nous sont point inconnues.

Ce généralissime des Achéens ayant gagné la bataille de Messene, le musicien Pylade qui chantoit sur Ja lyre, la piece intitulée les Perses, prononça par hasard un vers qui dit :

C’est moi qui couronne vos têtes
Des fleurons de la liberté.

Tous les Grecs jetterent les yeux sur Philopœmen avec des applaudissemens & des battemens de mains qui ne finissoient point, rappellant dans leur esprit les beaux siecles de la Grece, & se flattant de la douce espérance que leur vertueux chef, feroit revivre ces anciens tems.

Après les grands capitaines, il faut placer dans le temple de la gloire, ces magistrats & ces hommes laborieux, qui chargés du dépôt des lois & de l’administration de la justice, s’y dévouent avec héroïsme. Tel étoit parmi nous un chancelier de l’Hôpital, il n’y a point eu de successeurs.

Je n’assignerai point les autres rangs ; c’est assez de dire que ceux qui dans tous les ordres de l’état, cultivent éminemment les fruits de la sagesse, des sciences & des beaux arts, ont des places distinguées dans le temple de la gloire.

Mais quelques personnes à l’opinion desquels je suis prêt de me ranger, mettent dans le sanctuaire de ce temple, au-dessus des sujets & des souverains mêmes, ces généreuses victimes, telles que les Regulus & les Decius qui se sont immolés volontairement, & par le plus beau des sacrifices, pour le salut de leur patrie.

Le chancelier Bacon remarque, qu’il y a deux sortes d’immortalité, celle du sang & celle de la gloire ; la premiere, dit-il, se communique par la propagation, & nous est commune avec les bêtes ; la seconde n’appartient qu’à l’homme, & c’est par de grands services, de grandes & bonnes actions, qu’il doit chercher à se perpétuer. Les ouvrages des historiens, des poëtes & des orateurs sont les vrais temples de la renommée. Le tems vient à bout du bronze & du marbre ; il ne peut rien sur les ouvrages d’esprit. Voilà les ailes sur lesquelles les grands hommes sont portés éternellement & rappellés à la mémoire des hommes. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Temples, nom que les Anglois donnent à deux colleges, où les chevaliers du temple faisoient autrefois leur demeure. Voyez Templiers.

Après la suppression de l’ordre des Templiers, quelques professeurs en droit acheterent ces maisons, & ils les convertirent en auberges ou hôtelleries. Voyez Auberge.

On appelle un de ces bâtimens le temple intérieur, relativement à l’hôtel d’Essex, qui faisoit aussi partie de la demeure des Templiers ; & l’autre s’appelle le temple extérieur, comme étant situé hors de la barre du temple.

Du tems des Templiers, le trésor du roi d’Angleterre étoit gardé dans le temple intérieur, comme celui du roi de France au temple à Paris.

Le chef de cette maison s’appelloit le maître du temple, qui fut cité au parlement la 49e année du regne d’Henri III. & le principal ministre de l’église du temple, s’appelle encore aujourd’hui du même nom. Voyez Maître.

Nous avons aussi à Paris une espece d’ancienne forteresse nommé le temple, qui étoit la maison ou le monastere des chevaliers Templiers. Après la destruction de ceux-ci, elle a passé avec leurs autres biens à l’ordre de saint Jean de Jérusalem ou de Malte ; mais elle a toujours conservé le nom de temple. C’est dans son enceinte qu’est situé le palais du grand prieur de la langue de France, qui y a un bailli, d’autres officiers, & une jurisdiction particuliere. L’enceinte du temple est un lieu privilégié pour des ouvriers & artisans qui n’ont pas droit de maîtrise dans Paris. On ne peut pas non plus y arrêter un homme pour dettes. L’église est desservie par des chapelains de l’ordre de Malte, les archives & la chancellerie de la langue de France y sont aussi renfermées, & le chapitre général s’y tient tous les ans le 11 de Juin.

Temple, s. m. (outil de Charron.) c’est un morceau de bois, de la longueur de trois piés ou environ, qui est gros de deux pouces, large à-peu-près de-même par en-bas, plus plat que rond, dont la tête est plus plate & plus large, un peu ronde, percée au milieu d’un petit trou. Voyez la fig. Pl. du Charron.

Les Charrons se servent de cet outil pour enrayer, c’est-à-dire, pour marquer, quand les raies sont placées dans le moyeu, la distance à laquelle il faut former les mortaises dans les jantes. Cela s’éxécute en plaçant le bout large & plat du rabat sur le milieu du moyeu, en faisant passer une petite cheville de fer dans le trou de la tête du rabat & ensuite dans le trou qui est au milieu du moyeu, de façon qui le rabat peut tourner autour de la roue prête à être montée, & alors l’ouvrier marque les places des mortaises sur les jantes avec de la pierre noire.

Temple, s. m. (terme de Férandin.) crémaillere composée de deux petites lames de bois dentelées, arrêtées l’une contre l’autre par une boucle coulante & terminées par des pointes d’épingle. (D. J.)

Temple, (terme de Tisserand.) ce sont deux barres de bois attachées l’une à l’autre par une ficelle, & dont les extrémités sont garnies de petites pointes de fer. On accroche les deux bouts du temple aux deux lisieres de la toile auprès de l’endroit que l’ouvrier travaille. Le temple est garni dans le milieu de petits crans, pour pouvoir en éloigner ou écarter les deux barres, selon la largeur de la toile. Il a outre cela une espece d’anneau de cuir mobile, appellé le cuiret, pour embrasser les deux barres à-la-fois & les empêcher de s’écarter.