L’Encyclopédie/1re édition/TRAPPE

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TRAPPE, s. f. (Archit.) fermeture de bois composée d’un fort chassis & d’un ou deux venteaux, qui étant au niveau de l’aire de l’étage au rez-de-chaussée, couvre une descente de cave. (D. J.)

Trappe, s. f. (terme de Chasse.) sorte de piege qu’on met dans une fosse ou autre lieu pour prendre les loups, les renards & autres bêtes carnacieres. (D. J.)

Trappe, moines de la, (Géog. mod.) cette abbaye est de l’ordre de Citeaux, située dans un grand vallon de la province du Perche, diocèse de Seez, entre les villes de Seez, de Mortagne, de Verneuil & de l’Aigle. Les collines & les forêts qui environnent cette abbaye, sont disposées de telle sorte, qu’elles semblent vouloir la cacher au reste de la terre. Elles enferment des terres labourables, des plans d’arbres fruitiers, des pâturages, & neuf étangs qui sont autour du monastere, & qui en rendent les approches si difficiles, que l’on a besoin d’un guide pour y arriver.

Cette abbaye fut fondée en 1140 par Rotrou, comte de Perche, & consacrée sous le nom de la sainte Vierge en 1214, par Robert, archevêque de Rouen. Rien n’est plus solitaire que ce désert ; car quoiqu’il y ait plusieurs bourgades à trois lieues à l’entour, il semble pourtant qu’on soit dans une terre étrangere & dans un autre pays. Le silence regne partout ; si l’on entend du bruit, ce n’est que le bruit des arbres lorsqu’ils sont agités des vents, & celui de quelques ruisseaux qui coulent parmi des cailloux.

Les religieux de la Trappe se couchent en été à huit heures, & en hiver à sept. Ils se levent la nuit à deux heures pour aller à matines, ce qui dure jusqu’à quatre heures & demie. Une heure après ils disent prime, & se rendent ensuite au chapitre. Sur les sept heures ils vont à leurs divers travaux jusqu’à huit heures & demi, qu’on dit tierce, la messe & sexte ; après cela ils reviennent dans leur chambre, vont ensuite chanter none, & se rendent au réfectoire à midi.

Les tables sont propres, nues & sans nappe. Ils ont devant eux du pain, un pot d’eau & chopine de Paris de cidre. Leur potage est sans beurre & sans huile ; leurs sausses sont d’eau épaissie avec un peu de gruau & de sel. Une heure après le repas, ils retournent au travail du matin. A six heures on dit complies, à sept on sonne la retraite ; chacun se couche sur des ais où il y a une paillasse piquée, un oreiller rempli de paille & une couverture. Tout cela se fait en silence, & sans aucun entretien des uns avec les autres.

L’abbaye de la Trappe étoit tombée dans un grand relâchement, lorsque M. l’abbé de Rancé l’a reformée. Sa vie a été donnée ou plutôt déguisée au public sous les couleurs de la pure adulation, par M. de Maupeou, M. Marsolier, & dom le Nain, frere de M. de Tillemont.

Dom Armand Jean le Bouthillier de Rancé, dit M. de Voltaire, commença par traduire Anacréon, & institua la réforme effrayante de la Trappe en 1664. Il se dispensa, comme législateur, de la loi qui force ceux qui vivent dans ce tombeau, à ignorer ce qui se passe sur la terre. Quelle inconstance dans l’homme ! Après avoir fondé & gouverné son institut, il se démit de sa place, & voulut la reprendre. Il mourut en 1700, à 74 ans.

Au reste les lecteurs curieux de plus grands détails peuvent lire la description de l’abbaye de la Trappe par Félibien, Paris 1671 & 1692, in-8°. (D. J.)

Trappe, abbaye de la, (Hist. ecclés.) elle est de l’ordre de Cîteaux, située dans le Perche, aux confins de la Normandie, à quatre lieues de Mortagne, vers le nord ; elle fut fondée par Rotrou comte de Perche en 1140, sous le pontificat d’Innocent II & le regne de Louis VII. elle fut dans son origine de l’ordre de Savigny ; en 1148. Seslon quatrieme abbé de Savigny, réunit son ordre à celui de Cîteaux, à la sollicitation & par l’entremise de S. Bernard. En 1214 l’église de l’abbaye de la Trappe fut consacrée sous le nom de la sainte Vierge ; en 1200, la comtesse Matilde avoit fondé l’abbaye des Clairistes ; l’abbé de la Trappe fut le premier abbé de cette abbaye de femmes, & ses successeurs ont encore le droit d’en élire les peres & supérieurs. La Trappe d’abord fut célebre par la sainteté de ses premiers religieux ; mais ils dégénererent, sort de toutes les choses humaines, de la vertu de leurs fondateurs. L’abbaye de la Trappe fut plusieurs fois saccagée par les Anglois, pendant les guerres que nous avions alors avec eux. Les religieux de la Trappe eurent le courage de demeurer quelque tems dans leur maison ; la continuité du péril auquel ils étoient exposés, les en chassa ; la guerre venant à cesser, ils rentrerent tous dans leur monastere ; mais ils avoient eu le tems de se corrompre dans le monde. En 1526, la Trappe eut des abbés commendataires ; en 1662, l’abbé Jean le Boutilier de Rancé, converti non par la mort subite, je crois, de la belle madame de Montbazon, dont il étoit amant favorisé, mais par une circonstance extraordinaire qui l’a suivie, porta la réforme la plus austere à la Trappe. C’est-là que se retirent ceux qui ont commis quelques crimes secrets dont les remords les poursuivent ; ceux qui sont tourmentés de vapeurs mélancoliques & religieuses ; ceux qui ont oublié que Dieu est le plus miséricordieux des peres, & qui ne voient en lui que le plus cruel des tyrans ; ceux qui réduisent à rien les souffrances, la mort, & la passion de Jesus-Christ, & qui ne voient la religion que du côté effrayant & terrible. C’est de-là que partent des cris, & là que sont pratiquées des austérités qui abregent la vie, & qui font injure à la divinité.