L’Encyclopédie/1re édition/VEIES

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VEIES, (Géog. anc.) Veii, ville d’Italie, dans l’Etrurie, près du Tibre, à environ cent stades de Rome. C’étoit une ville puissante, riche & forte ; du moins les historiens nous la représentent comme une ville aussi étendue & aussi peuplée qu’Athènes. Les habitans qui craignoient les Romains, ne s’étoient pas contentés de la situation avantageuse de leur ville, ils avoient encore employé l’art pour la fortifier. Depuis long-tems les Veïens & les Romains vivoient dans une perpétuelle mésintelligence, & commettoient à toute heure des hostilités sur les terres les uns des autres, jusque-là que Florus, l. I. c. xiij. nomme les Veïens assidui & anniversarii Romanis hostes.

Enfin dans l’année 348 de la fondation de Rome, les Romains prirent la résolution de réduire cette puissante ville. Ils commencerent alors ce siege si fameux, que l’histoire compare pour la difficulté & pour la longueur avec celui de Troie. Ce ne fut que dans l’année 357, qu’ils emporterent cette ville. Comme l’armée romaine étoit extrèmement nombreuse, elle donna l’assaut de tous côtés. Les Veïens occupés par-tout ne firent point attention à une mine qu’on creusoit sous leur ville, & ne furent pas en état de repousser l’ennemi lorsqu’il entra chez eux par le souterrein. Les Romains enfouis s’ouvrirent un passage dans l’enceinte du temple de Junon. Le temple principal de cette ville étoit consacré à cette déesse ; & selon la coutume des anciens, il étoit placé dans la haute ville.

Les Romains sortis de la mine eurent encore différens combats à livrer ; mais ils furent vainqueurs, pillerent les maisons, & mirent le feu en différens quartiers. On vendit à l’enchere tous les prisonniers de condition libre ; & l’argent que l’on en tira, fut attribué au fisc. Camille, après le partage du butin fait dans les maisons, ordonna le dépouillement des temples, & forma le dessein de transporter religieusement à Rome la statue de Junon ; en conséquence il choisit dans son armée des jeunes gens bien faits, à qui il ordonna de se purifier par des ablutions & de se revêtir d’habits blancs.

Ce fut à eux qu’il confia le soin de porter à Rome le simulacre de la déesse, & les offrandes qu’on lui avoit faites de tout tems. La jeune troupe entra dans son temple avec un grand air de modestie & de vénération. D’abord Camille toucha la statue, liberté qui n’étoit permise, parmi les Etruriens, qu’à un seul prêtre d’une famille marquée. On dit qu’ensuite il lui demanda si elle consentoit de venir à Rome, & que la statue, selon les uns, lui fit signe, & selon les autres, lui répondit qu’elle partiroit volontiers. Elle fut placée sur le mont Aventin, où elle demeura longtems dans un temple.

Ainsi périt la fameuse ville de Veïes, qui fut dépouillée tout-à-la-fois de ses richesses, de ses habitans & de ses dieux. On peut juger de sa force par la difficulté que Rome eut à la soumettre. Dix ans suffirent à peine à la réduire. On n’en discontinua le siege ni pendant l’hiver, ni pendant l’été. Enfin elle fut prise par la sappe, & l’artifice y eut plus de part que la valeur même.

Les habitans de Veïes sont appellés Veïentes par Cicéron, l. I. de divinat. c. xliv. & Veïentani par Pline, l. III. c. v. C’étoit une colonie greque venue en Italie d’Argos, où Junon étoit particulierement adorée. Le pays des Veïens composoit un quartier de l’Etrurie, qui n’étoit séparé des Sabins & des Latins que par le Tibre ; c’est aujourd’hui la partie la plus orientale du patrimoine de S. Pierre.

Les Romains ne détruisirent pas entierement la ville de Veïes. Tite-Live, l. XXXIX. c. ix. fait entendre qu’elle subsistoit encore après la guerre punique ; & Rome y envoya une colonie que Frontin nomme Colonia vejus. Depuis elle tomba tellement en ruine, qu’on n’en reconnoissoit plus la place. Holstein a eu beaucoup de peine à en trouver quelques vestiges sur une colline escarpée, vis-à-vis de l’île Farnesia, aujourd’hui Isola ; cette position s’accorde avec celle que Denys d’Halicarnasse donne à la ville de Veïes. (D. J.)