L’Encyclopédie/1re édition/VERRERIE

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VERRERIE, s. f. (Art méchan.) l’art de la verrerie est celui de faire ce corps transparent & fragile, que nous appellons verre, & d’en former différens ouvrages.

Il y a un verre qui convient à chaque ouvrage.

A l’occasion de chacun de ces ouvrages, nous donnerons la maniere de faire le verre qui leur est propre à chacun.

Cet article aura donc autant de divisions qu’il y a d’usine de verrerie. Or il y a 1°. La verrerie en bouteilles & en charbon.

2°. La différence des verreries en bois & des verreries en charbon.

3°. La verrerie à vitre ou en plats.

4°. La glacerie qui forme deux subdivisions. La glacerie en glaces coulées, avec tous les arts qui y tiennent.

La glacerie en glaces soufflées.

5°. La verrerie en crystal.

Ces differens articles s’éclairciront les uns par les autres.

Verrerie en bouteilles en charbon, les matieres à faire le verre sont la cendre nouvelle, la charée, ou la cendre lessivée & la soude, que l’on appelle varech, & le sable, la cendre nouvelle ou fine se ramasse dans les villes & dans les campagnes circonvoisines.

Il en est de même de la cendre lessivée.

Pour la soude ou varech, elle se fait sur les côtes de la Normandie, avec une herbe saline, qu’on appelle kaly. Cette herbe croît sur les rochers, sur les pierres, au bord de la mer. On la ramasse au mois de Juin ; on la répand au soleil pour la faire sécher. Puis on fait des fosses, au fond desquelles on place quelques pierres ; on allume du feu dans ces fosses, & l’on jette sur ce feu de ces herbes séchées qui s’enflamment ; on continue d’en jetter, à mesure qu’elles se consument. Leurs cendres se réduisent en masse. Dans la masse de ces cendres, on trouve des pierres : ces pierres ont été ramassées avec l’herbe ; mais la plus grande partie y a été mêlée frauduleusement par ceux qui font le varech : car le varech se vend à la livre, & la pierre en augmente le poids.

Le sable se prend dans la terre, les montagnes, les rivieres & les mers.

Les cendres nouvelles ou fines sont plus ou moins fortes en sels, selon les bois d’où elles sont provenues. Les bois durs, comme le chêne, le hêtre, le charme, &c. les donnent excellentes pour l’usage des verreries. Les bois blancs les donnent moins bonnes, les cendres en sont légeres & spongieuses : la différence des contrées influe aussi sur la qualité des cendres. On mêle beaucoup d’ordures à celles qui se font dans les maisons, en balayant les chambres à feu ; d’ailleurs ceux qui font métier de les ramasser, les gâtent encore en y ajoutant du sable ou d’autres matieres étrangeres, pour en augmenter la mesure ; les cendres de fougere, d’épines, d’orties, &c. sont fort bonnes.

Dans toute verrerie où l’on se sert de charbon de terre, il faut des caves, dans lesquelles l’air puisse entrer & passer librement à-travers la grille, & la braise du charbon qui est au-dessus. L’action de cet air augmentera considérablement l’ardeur du feu. Les caves doivent répondre aux soufflets dont elles font les fonctions, leur longueur, largeur & hauteur, selon le plan : on les construit ou de pierres ou de briques.

Les piliers servent à soutenir la voûte, sur laquelle le four est construit.

On donne le nom de grille à cet assemblage de barres de fer qui forment le fond du foyer, & sur lesquelles on fait le feu. Il y en a quatre ou cinq à discrétion ; on les appelle barres de travers ou dormans : elles servent à soutenir les barres mobiles. Ces barres dernieres sont mobiles, afin que l’on puisse plus aisément dégager la grille, & faire passer les crayers ou mâchefer ou mousse.

Crayers ou mousse. C’est la cendre du charbon que la violence de la chaleur convertit en une espece de verre ou de matiere vitrifiée en forme de croute ; cette croute couvre la grille, & étoufferoit le four en empêchant l’air de traverser la grille, si l’on n’avoit le soin de l’en dégager.

Dégager la grille. C’est séparer à coup de barres les crayers qui s’attachent aux sieges, & les nettoyer de cette croute en la rompant.

On appelle sieges deux bancs solides sur lesquels sont posés les pots ; ils sont construits de la même matiere dont on s’est servi pour l’intérieur du four.

Foyer. C’est l’espace d’entre les deux sieges, dont la grille forme le fond. Il est terminé par les tonnelles : c’est le vase ou le bassin à contenir l’échauffage.

Tonnelles. Ce sont deux arcades par lesquelles on fait entrer les pots neufs, & sortir les pots cassés : elles terminent le foyer, & servent aussi à introduire le charbon dont on nourrit le feu par le moyen des tisonniers.

Tisonniers. Ce sont deux trous pratiqués dans les murailles qui ferment les tonnelles, par lesquels on jette le charbon à pelletées.

Chambres. Il y a autant de chambres que de pots ; elles sont pratiquées dans les murailles du four & au niveau des sieges pour la commodité de tourner les pots, quand ils seront cassés ; elles ont six pouces de largeur sur huit de hauteur.

Les ouvroirs sont des trous par lesquels on remplit les pots, & l’on tire la matiere dont on fait la marchandise ; il y en a autant que de pots.

Lunettes. Il y en a six ; quatre aux arches à pots, & deux aux arches à cendriers. Ce sont des trous par lesquels passe le feu du four dans les arches. On les a pratiquées pour attremper les pots, & cuire les matieres. Les lunettes des arches à pots ont sept pouces en quarré, & celles des cendriers six pouces & demi.

Les corniers. Ce sont au-dedans du four les quatre coins des sieges aux lunettes des arches à pots.

Couronne, calotte ou voûte. C’est la partie supérieure du four : elle est massive & faite de briques composées d’un sable dur à fondre, avec la terre glaise qui résiste au feu, ou bien avec la terre dont on fait les pots.

Chemise ou demi-chemise. C’est le revêtement de la couronne. Il est de la même terre dont on s’est servi pour les briques de la couronne : il doit avoir quatre pouces d’épaisseur. Il faut que cette terre soit molle, & de la même trempe que les briques. Quand je dis que les briques de la couronne n’ont que quatre pouces d’épaisseur, je parle de l’ordinaire, car rien n’empêche de leur en donner cinq, ou six, ou sept, &c.

Arche à pot. Il y a quatre de ces arches aux quatre coins du four. On y met attremper les pots : elles sont échauffées par la chaleur du four, qui y entre par les lunettes.

Attremper un pot. Pour attremper un pot, on bouche ou l’on marge avec le margeoir la lunette de l’arche à pot. On met sur trois petits piliers ou sur six moitiés de briques, dont deux moitiés forment chaque pilier, le fond du pot à attremper. On l’enferme dans l’arche par une légere maçonnerie faite de tuiles ou plaques de terre, selon qu’on jugera à propos. Cela fait, on tient d’abord le pot dans une chaleur modérée, plus ou moins de tems, selon qu’il étoit plus ou moins sec. Il reste dans ce premier état environ sept ou huit heures : puis on retire le margeoir d’environ deux pouces, & le pot reste dans ce second état environ le même tems. On retire le margeoir encore un peu, & on laisse encore de l’intervalle, & un troisieme retirement du margeoir, & ainsi de suite jusqu’à ce que le margeoir soit entierement retiré ; on laisse le pot dans ce dernier état en pleine chaleur huit, dix, ou douze heures. A près lesquelles on jette du charbon par un trou pratiqué à la maçonnerie ; & à mesure qu’il se consume, on en jette davantage, observant de le remuer de tems en tems avec un ferret. Lorsque l’arche sera blanche, la chaleur aura été assez poussée ; le pot sera attrempé, on le tirera de l’arche, & on le transportera dans le four.

Arches-cendrieres. On donne ce nom à deux arches pratiquées au-dessus des glaies à recuire les matieres.

La glaie. C’est ainsi qu’on appelle la partie de la voûte, comprise depuis l’extérieur des deux tonnelles, & entre les arches à pots, jusqu’à l’extrémité du revêtement du four.

Margeoir. C’est une tuile faite avec de la bonne terre, c’est-à-dire du ciment & des épluchages de terre à pot, dont on bouche les lunettes des arches à pot, quand on veut donner le feu à attremper les pots.

Fourneau ou arche à recuire les bouteilles. Il y en a quatre, une à chaque coin de la hale : elles sont faites de briques ordinaires.

Cassette. Espece de boîte faite ou de brique ou de pierre, à mettre refroidir les cannes, & à conserver les meules qui s’en détachent. Il y en a quatre, chaque ouvrier a la sienne. Voyez la Planche.

Place. C’est l’endroit du four élevé de chaque côté d’environ quatorze pouces au-dessus de l’aire de la halle, où messieurs travaillent.

Loge. Trou pratiqué au-travers du four, & formant une seule ouverture avec la chambre. Son usage est de loger les pots cassés. Il y en a six. Voyez le plan du four.

Tour. Petite muraille à environ dix-huit pouces de l’ouvroir, à laquelle le crochet est scelle ; elle sert à garantir l’ouvrier de la chaleur.

Croches. Machine de fer posée ou attachée autour, & à la même distance de l’ouvroir, dans laquelle l’ouvrier pose sa canne à chauffer la paraison, & à mettre la cordeline sur l’embouchure de la bouteille.

Terre à pot. C’est une terre blanchâtre ou grise, ou couleur de souris, sans mélange d’autres couleurs ; la terre jaune, rouge ne sont pas bonnes. On épluche soigneusement cette terre de toute ordure ; on prend une partie de cette terre épluchée qu’on met dans une arche pour la bien cuire. Quand elle est bien cuite, on la transporte au moulin. On la passe au tamis, au sortir du moulin, dans un bagne ou un poinçon. Ensuite on fait moudre de la terre grasse aussi épluchée, & on la fait passer par le même tamis dans un autre bagne ou poinçon ; puis on prend une mesure de terre grasse, & une de ciment ou de la terre cuite ; ainsi mesure pour mesure de chaque sorte, autant qu’on en peut délayer à-la-fois dans un auge où l’on marche la terre. Cet auge a six piés de longueur, quatre piés & demi en largeur, & dix pouces de profondeur ; penchant un peu en-dehors, formant un angle au fond d’environ cent cinq degrés ; de planches de chêne d’un pouce d’épaisseur. On y fait le mélange, dont j’ai parlé ci-dessus, en bien retournant la terre ; puis on y fait un creux, dans lequel on verse de l’eau ; cette eau sert à détremper les terres auxquelles on donne la consistence du pain, puis on marche le mélange à pié nud. Marcher la terre, c’est, après l’avoir répandue sur le fond de l’auge, la fouler avec le pié pendant un certain tems ; au bout duquel, on en releve la moitié qu’on met sur l’autre ; alors une moitié de l’auge se trouve vuide & l’autre pleine : on recommence à marcher ou fouler ou étendre la terre vers la partie vuide. Après cette manœuvre, on commence à élever la terre vers le bout vuide avec une petite pelle de bois, en prenant à chaque fois environ huit ou dix livres, & on la jette par rang sur le même fond d’un à l’autre côté ; quand on a fait un rang de motte, on le marche bien, & on continue la même opération sur toute la terre jusqu’à ce qu’elle soit bien liante, alors on la met en masse ou ballons, & l’on en fait des pots.

Pots. Ce sont des creusets faits avec la terre préparée comme nous venons de dire. Ils sont grands ou petits, à discrétion ; ils ont la forme de cône tronqué, d’un pouce & demi d’épaisseur, plus ou moins, au fond ; mais cette épaisseur va en diminuant à mesure qu’on monte, ensorte que le bord a un pouce & neuf lignes ou plus d’épaisseur. Mais il faut que l’épaisseur soit partout plus ou moins grande, selon la quantité de matiere qu’on veut qu’ils contiennent ; les uns les veulent ronds, les autres les veulent ovales, de maniere que le diametre en haut soit de vingt-huit pouces & l’autre de vingt-cinq.

Fonceau. Espece de table sur laquelle on fait le pot ; il en faut cinquante ou soixante, chacune de trente-un ou deux pouces en quarré, faite de plusieurs planches jointes & clouées sur deux morceaux de chevrons, & les coins arrondis ; sur ces soixante, deux doivent être de trente-trois pouces en quarré : On fait le fond du pot sur ceux-ci, dont un doit être couvert d’une toile grossiere.

Batte ou pilon. Morceau de bois en forme de cône tronqué, de six pouces de longueur & de six pouces de diametre par un bout, & de cinq pouces de diametre par l’autre bout, garni d’un manche de deux piés de long ; le bout de six pouces est couvert d’une toile grossiere, on s’en sert pour faire le fond du pot.

Maillet ou battoire. Ce maillet ressemble à celui du menuisier, & l’on s’en sert pour battre & former le contour du pot : il faut que la batte & le maillet soient couverts de toile.

Moulin. Machine composée d’une meule de pierre ou de fer ou de fonte, de cinq piés trois pouces de diametre sur quatorze pouces d’épaisseur, percé d’un trou dans le milieu, de huit pouces huit lignes de diametre, dans lequel on met un essieu, à l’extrémité duquel on met un cheval qui fait tourner la meule qui broye les terres. A côté de cette machine on a deux coffres placés à côté l’un de l’autre, dans lesquels on passe la terre grasse & le ciment. Il y a des verreries dans lesquelles on pile la terre ; pour cet effet on se sert d’auges faits de troncs de chêne, qui ont environ vingt deux à vingt-quatre pouces en quarré ; on les creuse. On laisse aux côtés environ quatre pouces d’épaisseur, & aux bouts sept pouces. On garnit le dedans de tole de moyenne épaisseur, dont on revêtit les côtés & les bouts. Pour le fond il faut qu’il soit couvert de barres de fer plat, de six lignes d’épaisseur, bien cramponées au fond. On a des pilons ou maillets d’environ vingt pouces de longueur, dont l’un des bouts a six pouces de diametre, & l’autre quatre pouces six lignes ; le gros bout en est garni de cloux à ferrer les chevaux, placés bien près les uns des autres.

Maniere de faire les pots. Il faut des chambres bien à l’abri de la pluie, & deux bancs, un de dix-huit pouces de hauteur, & de trois pouces moins larges que les fonceaux ; on prend le fonceau qui est couvert de toile grossiere ; on le pose sur un de ces bancs, le côté couvert de toile en-haut. Les uns prennent un bâton de terre à pot & le posent au milieu du fonceau, prennent la batte ou le pilon, l’applatissent à coup de batte, ajoutent de la terre, & continuent la même manœuvre jusqu’à ce que la terre qui doit faire le fond du pot ait sept ou huit pouces de largeur de plus que la mesure du fond, observant que l’épaisseur soit la même par-tout, & que la surface de cette terre soit bien unie ; on applique la mesure du fond prise en dehors sur la terre ainsi battue, & si l’on trouve que la terre déborde la mesure de trois pouces, cet excédent suffit.

On prend ensuite un autre fonceau, on le place sur l’autre banc qui doit être à côté du premier fonceau ; on parseme ou l’on saupoudre ce fonceau de terre à pot qui ne soit point mouillée. On renverse le fond du pot qui est sur le premier fonceau, sur ce second ainsi saupoudré, observant que la distance des bords du fond aux bords du fonceau soit la même par-tout. Pour renverser il faut être deux ; l’un prend les deux manches du fonceau d’un côté, & l’autre en fait autant de l’autre côté ; ils posent ensemble un côté du fonceau sur le bord de l’autre ; ils élevent l’autre côté, & lorsque le fonceau sur lequel est la terre & qu’il s’agit de renverser, forme un angle droit avec l’autre fonceau, on laisse le premier fonceau, & des mains d’enbas dont on le tenoit, on retient la terre sur laquelle on les place, & l’on acheve de renverser. Le premier renversement fait, le premier fonceau se détache & laisse le second sur le second fonceau.

On prend la mesure pour le fond en-dedans, & l’on commence à relever la terre par les bords tout-autour de cette mesure. Pour cet effet on applique le plat de la main gauche sur les limites de la mesure du fond, & avec la droite on éleve la terre qui est au-delà de ces limites, perpendiculairement tout-autour, on se sert ensuite du maillet pour la redresser, observant de lui conserver l’épaisseur convenable.

On fait ensuite des rouleaux de terre d’environ six ou sept pouces de longueur, sur deux pouces de diametre, un peu pointus par les bouts. On prend ces rouleaux de la main droite, & l’on place le plat de la gauche contre le côté du pot en-dehors, & l’on attache le rouleau en-dedans vis-à-vis la main gauche, en le serrant d’un petit tour de poignet, & avec le doigt de devant, & l’on continue cette manœuvre sur toute la longueur du rouleau, appliquant en même tems le pouce de la main gauche sur le rouleau, pressé par l’index de la droite ; ces trois mouvemens se font successivement. A mesure que le rouleau avance le long du côté du pot, il faut avancer la main gauche & la tenir toujours correspondante à la main droite, le pouce de la main gauche étant toujours pressé contre la partie du rouleau qui monte, & la tenant serrée.

Le rouleau étant ainsi posé, il y aura à la partie inférieure un filet qui débordera ; on applanira ce filet avec le pouce, en commençant où le rouleau finit. On unira pareillement tout le fonceau avec le doigt de devant recourbé, en commençant au commencement du rouleau, & en avançant le doigt vers soi, glissant ce doigt recourbé depuis le bout du rouleau le premier attaché jusqu’à l’autre bout, observant de faire toujours suivre la main gauche appliquée en-dehors ; cela fait, on pose un autre rouleau à l’extrémité du premier, puis un troisieme, jusqu’à ce que le tour du pot soit achevé. On recommence ensuite un second tour, puis un troisieme ; on avance ainsi les côtés du pot, & on les éleve à un bon pouce de plus que le pot ne doit avoir de hauteur ; ce pouce dont le pot est monté d’au-delà de sa mesure se renverse en-dedans ; il y en a qui font leurs pots sans bords renversés.

Pour renverser le bord on prend une latte de quatre pouces ou environ plus longue que le côté du pot, & de dix lignes en quarré ; on marque sur la latte la hauteur du pot. En cet endroit on passe un clou qui la traverse de deux pouces ; on applique ensuite l’autre bout de la latte perpendiculairement sur le fonceau ; on fait entrer la pointe du clou dans la surface du pot, puis tenant d’une main un des bouts de la latte, & l’autre bout de l’autre main, on fait tout le tour du pot : il est évident que la pointe y fera une coupure circulaire dont le plan sera parallele à celui du fond.

Après quoi renversez le bord en-dedans ; que ce bord promine en-dedans d’un demi-pouce ; humectez vos mains d’un peu d’eau, & les appliquant sur cette prominence, abattez-la ; unissez tout le tour du pot, & faites ensorte qu’il soit par-tout de la même épaisseur en tout son contour.

Le printems est la meilleure saison pour faire des pots ; on en fait dans les autres, mais en hiver il faut les garantir de la gelée par la fumée, soit du bois, soit du charbon : en été la trop grande chaleur est sujette à les faire fendre ou fêler.

Fours. Il s’en fait de deux sortes ; les uns d’une bonne terre glaise, la même dont on use pour les pots ; on y peut employer les épluchures de terre à pot, mais pour le premier établissement il faut faire cuire une bonne quantité de terre, moudre ensuite, passer au tamis grossier, & selon que la terre glaise est grasse ou maigre, y ajouter plus ou moins de ciment ou terre cuite. Il faut si elle est trop grasse y ajouter un peu plus de ciment ; le mélange s’en fait comme pour les terres à pots, on l’humecte, & on le jette dans un coin ; l’on continue jusqu’à ce qu’on ait de quoi faire la moitié d’un four. On la laisse ensuite s’imbiber pendant quelques jours, puis on la retourne avec des pelles, & on la remarche jusqu’à ce qu’elle soit liante ; alors on en construit le four tout d’une masse, ou l’on en fait des briques ; les briques sont préférables à la masse.

L’autre sorte de four se fait avec la terre glaise & le sable ; mais il est presqu’impossible de prescrire des regles pour sa composition, parce que la terre peut être plus ou moins grasse, le sable plus ou moins dur, ou plus ou moins fondant, ou plus ou moins pur ou mêlé de matiere étrangere. Si l’on trouvoit du grès dont le grain fût blanc & brillant, on ne risqueroit rien à s’en servir : il faudroit le réduire en sable & le passer au tamis. Pour faciliter cette manœuvre, on mettra recuire les morceaux de grès, & cette préparation en facilitera le broyement.

Pour savoir si la qualité du sable est dure ou tendre, il faut prendre cinq mesures de sable & deux de terre grasse moulue, les mêlanger, humecter & pétrir avec les mains, en faire une brique, & mettre cette brique, quand elle sera bien seche, dans une arche à pot, avec un pot si on a occasion d’en faire recuire un. Cette brique s’attrempera avec le pot ; quand on levera le pot pour le substituer à un autre, faites prendre la brique avec une spatule, & qu’on la place sur les bords de deux pots ; on en connoîtra la qualité au bout de deux jours ; si elle se fond, ou la terre ou le sable ne valoit rien ; mais si l’on est sûr que la terre est bonne, c’est une marque que le sable est ou trop tendre, ou trop mêlé de beaucoup de terre étrangere.

Pour savoir s’il y a parmi le sable des matieres terrestres, prenez-en une pinte ; mettez-la dans une terrine vernissée qui contiendra six ou sept pintes ; versez dessus de l’eau claire ; remuez le sable avec les mains pendant quelque tems, autant qu’il faut pour que la terre se détache du sable ; laissez reposer le tout environ une minute, puis versez l’eau par inclinaison dans une autre terrine vernissée de la même grandeur que l’autre ; remettez encore de l’eau claire sur le sable, & réitérez la même manœuvre jusqu’à ce que l’eau vienne pure ; laissez reposer l’eau trouble dans l’autre terrine, quand cette eau sera claire, versez-la doucement par inclinaison ; faites évaporer le restant de l’eau, & vous aurez la quantité de terre qu’il y avoit dans une pinte de sable. Le sable ainsi lavé peut être plus ou moins dur ; s’il étoit un peu tendre, on en mêlangeroit trois mesures avec une mesure de terre grasse ; mais s’il étoit dur, cela vaudroit mieux pour faire la brique. Lorsque le sable est tendre, mais non mêlé de matieres terrestres ; lorsqu’il a le grain transparent, quelle que soit d’ailleurs la couleur, il sera bon pour le verre à voute ordinaire. Quand vous avez le sable qui convient, faites-en un mêlange de cinq mesures contre deux de terre grasse ; mêlez comme ci-dessus, & achevez l’opération.

Pour faire les briques, les bien faire, & épargner le tems & mieux construire le four, il faut en avoir de plusieurs dimensions ; il en faut pour les murailles, pour les tisonniers, les lits de champ, pour la couronne ou la voute, &c.

Le moule pour les murailles doit avoir dix-neuf pouces de longueur, huit pouces & demi de largeur, & cinq & demi de profondeur dans œuvre pour les tisonniers, vingt & un pouces de longueur, huit pouces & demi de largeur, quatre pouces de profondeur d’un côté, & de l’autre une quantité déterminée par la coupe du tisonnier.

L’arcade du tisonnier doit être le segment d’un cercle plus grand que celui dont le diametre en seroit la largeur, entre les murailles en haut. Voici le moyen de trouver ce segment, si l’on veut procéder méthodiquement & avoir en même tems la coupe de la brique, & par conséquent l’autre côté du moule pour l’arcade du tisonnier. Prenez une ficelle de huit à neuf piés, frottez-la avec de la craie comme font tous les charpentiers, & sur une grande table ou sur un plancher, que quelqu’un fixe la ligne sur le plancher avec le doigt ; faites-en autant, laissant entre votre doigt & celui de qui vous aide, environ quatre piés ; qu’ensuite l’un des deux bande la corde, & lui fasse tracer une ligne blanche en la baissant. Prenez sur cette ligne, la largeur du tisonnier qui est de 30 pouces en hauteur bb ; entre les points bb, coupez cette ligne bb en deux parties égales par la ligne ee au point F ; prenez du point F sur la perpendiculaire Fe, la partie FG de dix pouces qui soit la hauteur de l’arcade ; cherchez le centre n du cercle qui doit passer par les trois points donné bGb derriere ce cercle. Prenez les parties ba, bb, de huit pouces & demi, & du même centre n, découvrez l’arc oo, & tirez les lignes rp ; xp donnera la largeur du moule. Il faut opérer de la même façon pour trouver le centre & la coupe de la couronne, & en avoir les briques.

Le moule pour le lit de champ doit être proportionné à la largeur du four, par exemple, si le four avoit sept piés & demi de largeur, il en faut prendre le tiers ; & que le moule ait trente-un pouces & demi en longueur, huit pouces & demi en largeur, & que les côtés soient de quatre pouces & demi de profondeur. Le sapin qui est sans nœuds, est bon pour faire ces moules.

Quand on a les moules que tout charpentier de campagne peut faire, les dimensions étant données, on travaillera aux briques. Pour faire les briques, on fait porter la terre à les faire dans une chambre dont le plancher soit uni ; on lave bien le moule en dedans ; on l’essuie avec un chiffon, puis on le poudre avec du sable sec & passé au tamis. On le pose sur le plancher ; on prend quatre morceaux de terre, & on les jette dans les quatre coins ; on remplit ensuite le fond du moule ; on marche ensuite sur la terre à piés nuds, ayant soin de bien fouler la terre dans les coins avec le talon. On jette de nouveau de la terre dans le moule ; on la foule comme auparavant ; on continue jusqu’à ce qu’il soit plein ; on a soin de repousser le moule contre le plancher, car il fera effort pour se lever tandis qu’on foulera ; puis on enleve la terre qui déborde le moule, & l’on en sépare le superflu avec le fil de cuire, & qui a deux petits bâtons liés à chaque bout pour le mieux tenir dans les mains. En rasant avec cet outil les bords du moule de l’un à l’autre bout, cela fait avec une petite planche plus longue que la largeur du moule, taillée en coûteau, on acheve de mettre la brique de niveau avec les bords du moule. On prend le moule diagonalement ; on tient le moule qui laisse la brique seule ; on le repoudre de sable, & l’on travaille à une nouvelle brique.

Quand les briques sont un peu seches, comme on s’en assurera en les tâtant, & qu’on les trouve un peu dures, on les dresse sur le champ, ayant soin de les placer bien à-plomb.

Mais cette manœuvre ne suffira pas : pour se servir des briques, il faut qu’elles soient repassées ; pour cet effet, on a une boîte de trente-deux à trois pouces de long sur neuf de large, & six & demi de haut ; ouverte par les deux bouts, comme on voit en b, faite de chêne, d’un pouce d’épaisseur, le fond plus fort, & les côtés bien cloués. Il faut avoir huit lattes de la même longueur que la boëte, & d’environ deux pouces de largeur ; quant à l’épaisseur, il faut que deux de ces lattes ayent un pouce & demi, deux un pouce, deux un demi-pouce, deux trois lignes. On met deux de ces lattes à plat sur le fond de la boîte, l’une à un des côtés & l’autre à l’autre côté, & on les prend de l’épaisseur qui convient à l’espece de briques à passer. Exemple : si l’on veut passer ou rendre unie une brique pour la muraille du four, elle doit avoir cinq pouces & demi d’épaisseur lorsqu’elle est nouvellement faite ; mais en se sechant, elle prend retrait, & perd de son épaisseur. On prend des lattes de six lignes d’épaisseur, on les met dans la boëte ; on y pose aussi la brique de maniere que la surface la plus unie soit en bas ; puis avec une barre quarrée de neuf à dix lignes d’épaisseur que l’on tient entre ses mains, & que l’on applique sur les bords de la boîte ; à un des bouts de la brique, on tire & racle la brique en tirant à soi la barre qui enleve l’excédant de la brique ; cela fait, on répete la même opération à toutes les briques.

Il faut que le four soit construit selon la largeur des pots ; mais il y a ici une remarque à faire, c’est que ceux qui font un nouvel établissement, & qui ont à employer de la terre dont on n’a point encore fait usage, doivent la composer comme celle des pots, en faire quelques tuiles d’environ six pouces de longueur sur quatre de largeur & un d’épaisseur ; quand elles seront seches, en prendre bien exactement la mesure, l’attremper doucement, la faire mettre dans un four ou dans une forge à serrurier, & lui donner ensuite la chaleur d’un four à verre en fonte, la garder à cette chaleur pendant quelque tems ; si l’épreuve se fait dans un four, qu’elle y reste vingt-quatre heures au plus. Il faut ensuite la retirer, la laisser refroidir, la remesurer & comparer ses premieres dimensions avec celle-ci. Si l’on trouve que le retrait soit de trois lignes, & si l’on suppose qu’un pot sec doive avoir trente pouces de hauteur sur trente de diametre, on trouvera ses dimensions avant le retrait ou après ; on dira, six pouces est à trois lignes de diminution, comme trente pouces à sa diminution. On aura la diminution du contour de la maniere suivante : on dira, 7, 22, 30, à la circonférence du pot  ; & ensuite, 6 pouces est à 3 lignes comme à 45, d’où l’on voit que le diametre sera retréci de 15 lignes ; ainsi quand les pots sont de 30 pouces de hauteur & bien secs, il faut qu’un four ait les dimensions suivantes.


Mesures du four en toutes les parties.

Il aura en quarré 7 piés 4 pouces.

La grille en long 7 piés 10 pouces, en larg. 1 pié 4 pouces, haut. aux sieges, 2 piés 9 pouces.

Largeur des chambres, 6 pouces, hauteur huit pouces.

Hauteur des sieges aux ouvroirs, 2 piés 5 pouces.

Hauteurs & largeurs des sieges, 10 pouces.

Hauteur des murs des sieges, 3 piés 11 pouces.

Hauteur de la grille à la couronne, 9 piés.

Hauteur de la grille aux lunettes des arches cendrieres, 6 piés 7 pouces.

Largeur des lunettes, 6 pouces .

Hauteur des sieges aux lunettes des arches à pot, 2 piés 11 pouces.

Largeur des lunettes, 7 pouces.

Hauteur de la grille au centre de la tonnelle, 3 p. 3 pouces.

Longueur de la tonnelle, 2 piés 7 pouces.

Ces dimensions sont pour le charbon qui donne beaucoup de flammes sans donner beaucoup d’ardeur à sa braise ; mais pour le charbon d’Angleterre, ou de S. Etienne en Forez, ou celui dont la braise est ardente, le four pour le même pot ne doit pas avoir de la grille à la hauteur de la couronne plus de 7 piés ; mais il vaut mieux que la couronne soit trop haute que trop basse.

Pour le charbon qui donne moins de flamme que de chaleur, le four aura en quarré 8 piés.

Longueur de la grille, 1. 4.

Hauteur de la grille aux siéges, 2. 6.

Largeur des chambres, 6 pouces.

Hauteur des chambres, 8 pouces.

Hauteur des siéges aux ouvroirs, 2 piés 7 pouces.

Hauteur & largeur des ouvroirs, 10 pouces.

Hauteur des murs des siéges, 4 piés.

Hauteur de la grille à la couronne, 7 piés 6 pouces.

Hauteur de la grille aux lunettes des arches cendrieres, 6 piés 6 pouces.

Largeur des lunettes, 6 pouces & demi.

Hauteur des siéges aux lunettes des arches à pots, 3 piés 3 pouces.

Largeur des lunettes, 7 pouces.

Hauteur de la grille au centre de la tonnelle, 3 piés, 1 pouce.

Largeur de la tonnelle, 2 piés 8 pouces & demi.

Lit de champ ; c’est le dernier rang de briques posées sur leur champ qui termine la hauteur des siéges.

Quand on voudra construire la hale pour une verrerie à bouteilles ou à crystal ; il ne faudra pas que le fond de la cave soit plus de trois piés & demi plus bas que la surface du champ, parce que le four ne chaufferoit pas si bien ; & l’on seroit plus de tems à faire la fonte & à rafiner le verre ; on perdroit du tems, & l’on consumeroit du charbon ; en voici la raison.

Les portes des caves ayant trois piés & demi de hauteur sur la surface du champ, l’air y entrera avec plus de violence, que si les portes étoient aussi basses que la surface du champ ; car dans ce dernier cas, le vent n’y entreroit qu’à mesure qu’il y seroit attiré par le foyer, & agiroit lentement sur le chauffage ; au lieu que dans le premier, son cours seroit encore accéléré de son poids, ce qui le feroit passer avec plus de vîtesse à-travers la grille, enflammer plus rapidement le charbon qui est dessus, & rendre la chaleur plus grande.

Quand on aura tracé le four selon le plan, on posera le premier rang de briques, la surface brute en en-bas ; la surface unie en dessus. Il faut que le dessus de ce premier rang soit uni & de niveau partout ; ensuite on travaillera à la tonnelle, en plaçant ou commençant un second rang sur le rang déjà posé. On est deux à poser une brique, parce que ne s’agissant pas seulement de la poser, mais de l’appliquer bien exactement sur la brique qui est en-dessous ; il faut les frotter l’une contre l’autre jusqu’à ce que les inégalités de l’une & de l’autre disparoissent ; on connoîtra si leur application se fait dans toutes leurs surfaces en balayant & en considérant si elles ont frotté l’une & l’autre par tout. Il faut frotter jusqu’à ce que le frottement soit sensible sur les deux surfaces entieres. On place ensuite une autre brique de la même maniere, & l’on acheve ce rang.

Mais pour lier ces briques, il faut du mortier ; on le fait avec la raclure des briques ; on la ramasse ; on la passe au tamis ; on a une cuve qu’on remplit à moitié d’eau claire ; on l’agite avec un bâten ; cependant un autre y répand la raclure passée ; l’un seme & l’autre tourne jusqu’à ce que le tout ait la consistence d’une bouillie claire. Cela fait, on répand sur le premier lit ou sur les premieres briques frottées, de ce mortier ; on l’égalise avec une truelle ; on pose ensuite les secondes briques frottées, les agitant & frottant jusqu’à ce qu’elles commencent à s’attacher & à prendre ; on leur donne l’assiette qui leur convient ; on prend un morceau de planche qu’on pose dessus ; on frappe quelques coups de marteau sur la planche ; cela assûre la brique & fait sortir l’excès de mortier qu’on ôte avec la truelle ; on opere de la même maniere pour la brique qui doit suivre, c’est-à-dire, qu’on la pose sans mortier ; qu’on la frotte contre celle de dessous ; qu’on fait joindre ses côtés avec l’autre posée ; que pour cet effet on use de la scie ; on frappe sur le côté avec le marteau ; on applique la planche, &c. quant au second lit, on commence par frotter toutes les briques du premier, avant que d’asseoir une seule des briques.

On n’aura pas besoin d’un ceintre pour faire la couronne ; car chaque brique étant une fois posée avec le mortier, on ne la sépareroit pas sans la briser. Au lieu de travailler en-dehors à faire la couronne, on fait un échafaut en-dedans, & l’on conduit la construction de la voûte, comme nous allons dire. Comme la courbe de la voûte est un segment ou une portion du cercle dont le diametre sera plus long que la largeur du four, il en faut chercher le centre, qu’on trouvera, comme on l’a dit, pour la coupe des briques ; & la distance du centre à la circonference sera la ligne qui servira à conduire la voûte.

La muraille du four étant élevée à la hauteur convenable, il faut prendre une planche dont la longueur soit juste la longueur du four, & qui soit percée dans son milieu d’un trou à recevoir une petite corde qu’on noue par les deux bouts ; que la longueur de la corde depuis le trou jusqu’à son nœud, soit égale à la ligne trouvée ci-dessus pour la coupe des briques ; que depuis ce premier nœud jusqu’à l’extrémité de la corde, il y ait un pié d’excédent ; que la planche soit posée horisontalement ; que le trou corresponde au centre du four comme dans ces deux figures ; a est la planche, bb les murailles du four, c le centre, d la corde, e le nœud, h l’autre nœud, iiii le segment ou demi-cercle, dont la planche représente une partie du diametre ; ch est la corde qui servira à conduire l’ouvrage, ou la couronne.

oo, Les chambres ou loges.

p, La tonnelle ou le tisonnier.

rr, Les lunettes ou arches à pots.

x, Les lunettes ou arches à cendrier.

tt, Les ouvreaux.

vu, Les siéges.

zzzz, Les murailles du four.

yyyy, La couronne.

F, La grille ; EABGD, figure intérieure de la voûte, ou l’on voit comment chaque rang de briques se joignent, & la figure qu’elles forment aux angles.

Lorsqu’on commence la voûte, il faut présenter une brique de voûte au point B ou C ou D, ou A; puis prendre la corde à la main & avancer le nœud h jusqu’à cette brique ; de maniere que son côté fasse angle droit avec elle ; & ainsi des autres briques en tous sens. Cet angle droit des briques avec la corde, & la longueur de la corde, déterminent si parfaitement la position des briques, qu’en se conformant à ces deux regles, on construira exactement la voûte, comme nous venons de l’indiquer. On finit par mettre la clé o, & l’on unit la voûte en-dedans en la raclant ; si l’on remplissoit les coins, la voûte deviendroit ronde ; ce qui se peut pratiquer.

Le four & les siéges étant achevés en-dedans, & les ouvreaux taillés, on commencera à construire les quatre arches à pots, sous les planchers desquelles on fait une petite voûte, avec une ouverture ; c’est-là qu’on fait sécher le sable. Tous ces ouvrages s’achevent avec la brique commune ; on n’a qu’à bien suivre le plan, & le suivre avec exactitude, il suffiroit à un mâçon habile pour travailler une verrerie, sans en avoir jamais vue.

Dans les verreries en bois, il y en a qui se servent de la charrée avec un peu de cendres fines : on n’en peut pas faire autant dans les verreries à charbon, parce que dans celles en bois, on tise toujours presque comme si l’on étoit en fonte, & c’est-là ce qui empêche le verre de venir ambité. Mais si dans les verreries à charbon, l’on tisoit pour garantir le verre de venir ambité, la poussiere du charbon tomberoit sur le verre ; elle le feroit bouillir, & les bouillons ou petites vessies occasionnées de cette maniere, gâteroient les marchandises ; & d’un autre côté, si l’on n’étoit pas assidu à tiser, le verre viendroit ambité. Car, comme il n’y a pas beaucoup de sel dans ces cendres, on n’y met pas beaucoup de sable ; ainsi il faut donner feu continuellement.

Ambité. Le verre est ambité, quand il est mol, quand il n’y a pas assez de sable ; alors il vient plein de petits boutons ; le corps du verre en est parsemé ; les marchandises qui s’en font sont comme pourries, & cassent facilement ; il faut alors le rafiner, & perdre à cette manœuvre du tems & du charbon.

Dans toute verrerie, soit en bois, soit en charbon ; il est à souhaiter qu’elles soient à portée d’avoir de la soude de varech ; cela épargnera bien du chauffage, & l’on fondra plus vîte ; ce qui ne sera pas d’un petit avantage aux fabriquans.

Il y a des verreries où l’on se sert de cendres fines seulement ; quand elles sont bonnes, elles portent plus de sable : si au contraire elles sont moins bonnes, elles en porteront moins ; & si elles sont mauvaises, elles n’en porteront point du tout.

Les sables ont des qualités si différentes, qu’il y en a qui fond facilement ; d’autre qui est dur ; mais il n’y en a point qui ne puisse se réduire en verre en lui donnant du fondant. La diversité qui se trouve tant dans les sables que dans les autres matieres, empêche qu’on ne puisse donner une composition fixe.

Au reste, voici comment on peut s’y prendre pour en trouver une bonne. Si l’on établissoit une verrerie à côté d’une autre, on n’auroit qu’à tâcher d’avoir de leur composition. Mais si l’établissement se fait dans un endroit où toutes les matieres soient inconnues, pour lors il faudra préparer une douzaine de petits creusets plats, comme on voit fig. a, composés de bonne terre à pot. Quand la halle & le four seront construits, & avant qu’on ait fait mettre le feu aux tonnelles pour faire sécher & chauffer le four, il faut prendre quelques pots fêlés, comme on ne manquera pas d’en trouver dans la chambre aux pots ; placer deux de ces pots dans le four, sur les siéges, un de chaque côté, devant le trou du milieu ; il faut que ces pots soient renversés, & le cul en-haut. Cependant on fera passer les cendres & le sable, si-tôt que le four sera devenu chaud, & que les arches cendrieres commenceront à rougir ; alors on fera mettre dans ces arches autant de cendres qu’elles en pourront contenir ; se réservant toutefois autant de places qu’il sera nécessaire, pour les retourner ; les cendres étant bien cuites, on les retirera des arches, & on les mettra dans un endroit pavé de briques, jusqu’à ce qu’elles soient refroidies. On fera pareillement sécher & passer le sable ; après quoi on formera les huit différentes compositions suivantes, qu’on mettra ou dans huit terrines, ou dans la même terrine ; mais chaque composition à part.

On mettra six ou huit de ces petits creusets dessus les pots renversés, de maniere qu’on puisse les retirer en mettant un ferret dans le trou de leurs manches. On fera ensuite mettre les pots dans les arches pour les attremper ; puis faire mettre le feu aux tonnelles ; cependant, comme nous avons dit, on fera passer les cendres, &c.

Prenez de la cendre cuite seule, trois fois plein un des petits creusets, & mettez ce creuset à part avec étiquette.

Prenez de la cendre cuite, sept fois plein une chopine ; mettez ces cendres dans la terrine ; prenez de plus une chopine de fable, que vous ajouterez aux sept chopines de cendres dans la terrine, & que vous mêlerez bien, puis vous mettrez ce mélange à part avec une étiquette.

Prenez six mesures de cendre & une mesure de sable ; mettez-les dans la terrine après les avoir bien mélangées ; placez le mélange à part, avec une étiquette.

Prenez cinq mesures de cendre & une de fable, mêlez & mettez à part.

Prenez quatre mesures de cendre & une de sable, mêlez & mettez à part.

Et ainsi de suite, vous aurez :

n°. 1. cendres.

n°. 2. 8. cendre, 1. sable.

n°. 3. 7. cendre, 1. sable.

n°. 4. 6. cendre, 1. sable.

n°. 5. 5. cendre, 1. sable.

n°. 6. 4. cendre, 1. sable.

n°. 7. 3. cendre, 1. sable.

n°. 8. 2. cendre, 1. sable.

Cela fait, quand le four sera devenu blanc, faites porter toute cette composition au four ; puis faites retirer un des creusets, & remplissez-le de la composition n°. 1. & faites-le remettre au four sur le fond du pot, & faites-en autant pour toutes les compositions. Arrangez-les de façon que vous puissiez les reconnoître.

Au bout de quatre heures prenez une cordeline ; c’est une petite tringle de fer ; faites en recourber le bout d’environ cinq pouces ; faites-la chauffer au four, & plongez-la subitement dans l’eau, seulement pour en ôter la fumée, & pendant qu’elle est chaude, essayez tous vos creusets les uns après les autres, & voyez si la matiere est fondue : si elle est fondue, retirez le n°. 1. & le remplissez de la même composition, & le remettez au four ; & ainsi de tous les autres : faites fondre & affiner, ce que vous connoitrez en plongeant la cordeline dans les creusets ; si la matiere fait un fil sans aucun grumeau, ce dont vous vous assurerez en passant le fil de verre entre les bouts du doigt index & le pouce ; si vous ne sentez point de grumeau, vous conclurez que la matiere est affinée. Si toutes les matieres sont fondues & affinées, celle qui donnera le fil de verre le plus épais sera la meilleure : faites chauffer une canne ; retirez ce creuset, mettez-le sur le fil de l’ouvreau ; cueillez à deux ou trois reprises : si au troisieme coup vous en avez suffisamment sur la canne, soufflez : si le verre soufflé est fin, la composition est bonne. Cueillez un second morceau dans le même creuset, puis un troisieme, en un mot autant que vous pourrez ; quand ces morceaux seront un peu froids applatissez-les sur le marbre ; laissez-les encore un peu refroidir ; remettez-les dans l’ouvroir jusqu’à ce qu’ils soient prêts à couler ; alors retirez-les, laissez-les derechef refroidir comme auparavant, & les remettez dans l’ouvreau, & lorsqu’ils se remettront en fusion, retirez-les encore, & les laissez refroidir tout-à-fait : quand ils seront froids, voyez si le verre en est blanc ou non : s’il n’est pas blanc, c’est signe qu’il est bon, & peut-être qu’on y peut ajouter un peu de sable ; mais s’il est blanchâtre, c’est une marque qu’il y faut absolument ôter du fable, & qu’il y en a trop.

Quand par vos essais vous aurez une composition bonne, faites-en avec votre cendre cuite & votre sable ; retirez vos pots félés quand vous ferez déboucher vos tonnelles, pour leur en substituer d’autres.

Il en faut faire autant avec le varech : on écrasera la soude, on en prendra une mesure sur laquelle on mettra une mesure de sable, ou une mesure & demie de sable, ou deux mesures, ou deux mesures & demie ; ce dernier mélange fera le verre un peu blanc : quand on a trouvé la dose de varech & de sable, on prend de la chaux ou de la cendre fine ; on y ajoute autant de sable que le varech en peut porter ; on mêle bien le tout, on met ce mélange dans l’arche cendriere, & l’on répand dessus le varech en morceaux : il se fondra, & en tournant, agitant la matiere à recuire, elle se mêlera avec cette matiere.

La taraison est une espece de tuile faite d’argille, dont on se sert pour retrécir l’ouvroir, selon que les marchandises sont grandes ou petites.

Tuilette, espece de tuile dont on se sert pour boucher l’ouvroir au milieu, & faire passer la flamme par les deux côtés.

Canne, morceau de fer d’environ quatre piés huit pouces de long, en forme de canne, percé dans toute sa longueur d’un trou, de deux lignes de diametre ou environ.

Cordeline, tringle de fer, d’environ quatre piés huit pouces de longueur, que l’ouvrier prend d’une main, & qu’il trempe chaude dans le pot, pour en tirer de quoi faire la cordeline qui entoure l’embouchure de la bouteille ; ce qui se fait en attachant le petit teton qui pend, & tournant en même tems la canne de la main gauche.

Molette, morceau de fer plat, d’environ un pié de longueur, dont l’ouvrier se sert pour enfoncer le cul de la bouteille, & en glacer le col pour la faire dépasser de la canne.

Pincette, morceau de fer plat recourbé en deux, & pointu à chaque bout, dont on se sert pour arracher les pierres du cueillage.

Ferre, machine de fer, ou espece de pince dont on se sert pour façonner la cordeline, & faire l’embouchure de la bouteille.

Ciseaux, ils n’ont rien de particulier : on s’en sert pour couper le verre, quand on veut mettre une anse à quelque vaisseau.

Marbre ou mabre, plaque de fer de fonte, de dix-huit pouces de longueur sur douze de largeur, aux environs d’un pouce d’épaisseur, sur laquelle le paraisonier fait la paraison ; elle est placée sur un billot.

Paupoire, plaque de fonte comme le marbre, de huit ou neuf lignes d’épaisseur ; elle est placée à terre, & c’est là-dessus que le maître souffle & forme la paraison, avant de la mettre dans le moule.

Moule, ce moule est fait de cuivre jaune ; il a la forme d’un cone tronqué, dont le milieu du fond seroit percé d’un petit trou d’environ deux lignes d’épaisseur : le maitre y met la paraison pour lui donner la derniere façon. fig. C, le moule renversé où l’on voit le trou. fig. D, moule coupé dont on fait l’intérieur ; il est un peu concave au fond. Pour le moule d’une pinte de Paris, il faut que le diametre en-haut soit de quatre pouces & quatre lignes. & le diametre en bas à la ligne e, jusqu’à la ligne en-haut f, de 3 pouces 6 lignes ; & de la ligne e jusqu’au fond, de 8 lignes. Il y a aussi les moules a mouler les chopines ; ils sont façonnés comme les moules de pintes, mais ils sont plus petits ; il faut que le diametre f soit de 3 pouces & 6 lignes ; le diametre ; d’en-bas, de 3 pouces & une ligne ; & il faut qu’ils aient l’un & l’autre six lignes d’épaisseur.

Baquet, c’est une petite cuve qu’on remplit d’eau, & dans laquelle on rafraichit les cannes.

Cachere, place pratiquée sur une petite muraille contigue aux fils des ouvreaux, ou remettement du four, dans laquelle le maître sépare la bouteille de la canne ; le col de la bouteille étant glacé, il pose le corps dans la cachere, & tenant ses deux mains étendues, il presse de la main gauche le milieu de la canne, & tenant la main droite à l’extrémité de la canne, il leve cette extrémité, & donne en même tems une secousse de la main gauche ; cette secousse sépare la bouteille de la canne ; il tourne le cul de la bouteille de son côté, puis il y applique la partie du cou qui reste attachée à la canne, & met le col au crochet, pour y appliquer la cordeline.

Banc, siege sur lequel le maître s’assied pour faire l’embouchure.

Crochet, tringle de fer de neuf lignes de diametre, courbé & pointu par le bout, avec lequel le fouet arrange les bouteilles dans le four à recuire ; il y a d’autres crochets dont on se sert pour mettre les pots dans le four, ils ont sept piés & demi.

Fer à macler le verre, quand le four est un peu refroidi, le verre devient dans le pot quelquefois cordelé : alors on prend le fer à macler : on le fait rougir dans le four, & l’on en pousse le bout au fond du pot au-travers du verre, & l’on enleve le verre de bas en haut pendant quelque tems, en le remuant avec ce fer à macler.

Verre cordelé, le four étant un peu froid, il y aura dans le pot une partie du verre qui deviendra un peu plus dure que l’autre ; & lorsqu’on a cueilli le verre avec la canne, on prend de l’un & de l’autre ; mais quand la bouteille est soufflée, on voit dedans comme de la ficelle, tantôt grosse, tantôt menue ; comme ces cordes sont d’une qualité différente de l’autre partie de la bouteille, elles feront casser la bouteille ; elles sont à-peu-près de la nature des larmes qui tombent de la couronne du four dans le verre, qu’il faut ôter pour empêcher les bouteilles de casser.

Ferret à écremer, fer dont on se sert pour ôter les pierres & les ordures qui se trouvent sur la surface du verre dans les pots, avant que de commencer à faire les bouteilles.

Larmes, on appelle de ce nom des gouttes qui tombent de la couronne, dans les tems de la fonte ; le four étant en grande chaleur, les sels volatils s’élevent des matieres, & vont frapper contre la couronne ; & comme ces sels sont extrêmement subtils & pénétrent un peu dans la surface de la couronne, elle le résout en verre, dont il tombe quelques gouttes dans les pots ; mais comme la matiere de ce verre est beaucoup plus dure à fondre que celle des pots, elle ne se mêle jamais avec elle, & on l’apperçoit dans le cueillage comme des pierres.

Buche, ou grande barre à mettre les pots. Elle à quatorze piés de long sur deux pouces & trois lignes d’épaisseur, pendant la longueur de la partie quarrée ; depuis la partie quarrée elle va en diminuant jusqu’au bout, où elle doit avoir un pouce & demi de diametre. La partie quarrée a six piés & demi de longueur : on s’en sert pour placer le pot dans le four.

Rouleau. Barre ronde dans toute sa longueur qui est d’environ cinq piés quatre pouces, & son diametre de six lignes. On y remarque un bouton au milieu qui sert d’appui à la grande barre, quand on met le pot sur le siege.

Crochets. Il en faut trois de peur qu’ils ne se cassent. Ils ont neuf piés & demi de longueur, onze lignes de diametre ; les coins en doivent être rabattus ; ce qui les rend à huit pans.

Grand crochet. C’est une barre dont on se sert à l’ouvroir pour lever & tirer le pot sur le siege & le placer comme il convient. Il a dix piés de long sur un pouce dix lignes d’épais.

Bodée. Morceau de bois d’environ trois ou quatre pouces d’épaisseur sur deux piés quatre pouces de longueur, & d’environ dix pouces de largeur avec un pié. On fait glisser une barre dans une échancrure pratiquée à la partie supérieure pour dégager & nettoyer la tonnelle.

Pelle. Il en faut de différentes sortes, mais une de quatorze pouces de longueur sur douze de largeur : les bords repliés, de même que celui où est la douille. Il en faut une petite de cinq pouces & demi de large sur six pouces de long.

Barre à porter. Instrument qui sert à transporter le pot de l’anse dans la tonnelle.

Bâton à porter. Bâton de quatre piés de longueur & d’environ quatre pouces de diametre au milieu, un courbé au milieu ; il sert à porter le pot au tisonnier ou la tonnelle.

Brouettes. On s’en sert pour enlever les immondices, & porter le charbon, &c.

Outils de la cave. Perches. Il en faut quatre. Deux font placées environ vingt pouces au-dessous de la grille, une à chaque bout, & les deux autres dix pouces plus bas. Elles servent à soutenir la barre dont le tiseur se sert pour dégager la grille. Elles rendront ce travail beaucoup plus facile aux tiseurs. On n’a pas cet usage en. France. Il faut les placer, comme on voit fig. a. Le quarre vers la muraille d’un côté, ou le pillier qui soutient une partie de la grille.

Grande barre à dégager. Elle a onze piés de longueur sur quatorze lignes d’épaisseur, où elle est quarrée. La partie équarrie a vingt-deux pouces de long ; le reste est arrondi. Les tiseurs se servent de cette barre pour dégager la grille & mettre le four en fonte.

Petite barre à dégager. Elle n’a que sept piés de long. On se sert de celle-ci, quand on ne peut se servir de l’autre, & alternativement.

Fourche. Tringle de fer d’environ six piés de long sur dix pouces de diametre. On s’en sert pour avancer ou reculer une barre de la grille.

Outils de tiseurs. Estraquelle ou pelle à enfourner. Elle a sept piés & demi de longueur. Les tiseurs s’en servent à tirer la matiere cuite des arches cendrieres, & la porter aux ouvreaux, où on la renverse dans les pots. Il en faut cinq. Les pelles auront neuf pouces de largeur & un pié de longueur, & quatre pouces de profondeur.

Poesle, dont on se sert pour tirer le verre des pots cassés. Elle a six piés de longueur. Le manche en est rond & égal par-tout, de trois lignes & un pouce. Le bassin a sept pouces de diametre.

Rable. Espece de rateau dont on se sert pour arranger la braise dans le four, & pour y en tirer, lorsqu’on veut mettre les pots. Il a onze piés & demi de longueur. Le manche en est égal par-tout, d’environ dix lignes de diametre. Il en faut aussi de sept piés. La plaque qui est au bord a six pouces & demi de long.

Pelle à remuer ou recuire les cendres. Elle a dix piés de long. Le manche en est rond, égal par-tout, de treize lignes de diametre. On change la matiere d’un côté de l’arche à l’autre à plusieurs reprises, afin que les matieres sulphureuses se consument. On connoîtra que cela est fait, lorsque l’arche étant assez chaude pour cuire la cendre, on y appercevra plus d’étincelle en la remuant.

Pelle à tiser. Elle a sept pouces de long sur cinq & demi de large, emmanchée de bois. Le manche est de deux piés quatre pouces de long.

Balai pour nettoyer à-l’entour du four & dans les places où l’on fait la composition.

Brassarts. Ils sont faits de deux vieux chapeaux passés l’un dans l’autre. On en ôte le dessus, & l’on passe le bras droit à travers jusqu’au coude. Ces brassards servent à poser le manche des pelles qui est chaud quand on transporte avec ces pelles de la matiere des arches dans le pot.

Maître tiseur. Son office est de remplir les pots, comme les autres ; mais de plus de faire la composition, & de prendre garde que le verre soit fin, avant que de quitter le four, & de veiller à ce que les autres tiseurs fassent leur devoir.

Fonte. C’est la composition, qui mise dans les pots, se vitrifie par l’ardeur du feu, & devient propre aux ouvrages qu’on en fait.

Compagnons tiseurs. Leur office est de chauffer le four ; d’entrer le charbon ; de vuider les immondices de la cave, & de nettoyer la halle de celles qui s’y sont amassées pendant la fonte.

Deux tamiseurs. Leur office est de faire sécher la charrée quand on s’en sert, le sable ; de passer les cendres fines. On se sert de tamis travaillés au métier avec du laiton. Il en est de même pour les autres matériaux ; ces tamis se font à Strasbourg & en Angleterre.

Messieurs qui font les bouteilles. Il y en a quatre. Leur office dans quelques verreries, est de faire la paraison, & de souffler les bouteilles ; dans d’autres ils prennent la paraison du paraisonnier au sortir de l’ouvroir ; de souffler & de former la bouteille, & faire son embouchure.

Serviteurs ou garçons. Il y en a quatre. Leur office est de cueillir le dernier coup du cueillage, puis de le mettre entre les mains du maître. Si c’est le maître qui fait la paraison, le garçon fait l’embouchure ; si le maître fait l’embouchure, le garçon fait la paraison, & la chauffe à l’ouvroir.

Gamins. Petits garçons dont l’office est de chauffer les cannes ; de cueillir deux, trois ou quatre coups de verre sur la canne, & de porter les bouteilles aux fourneaux à recuire.

Tiseur. Son office est d’avoir soin que le four ne soit ni trop froid, ni trop chaud ; car si le four est trop chaud, le verre deviendra mou, & l’on aura de la peine à le cueillir ; & s’il est froid, le verre deviendra dur & ambité.

Fouet. C’est le nom de celui qui arrange les bouteilles dans le fourneau, & a soin de les tenir dans une chaleur convenable, ni trop froides, ni trop chaudes ; si le fourneau est trop froid, les bouteilles péteront, s’il est trop chaud elles s’applatiront. C’est aussi le fouet qui défourne les bouteilles ; il est aidé dans ce travail par les gamins.

Recuire ou anneler. C’est entretenir les fourneaux dans une chaleur convenable. La journée étant finie, ou les pots étant vuides, on y laisse mourir le feu, & les marchandises se refroidissent peu-à-peu.

Défourner. C’est tirer les marchandises du four, quand elles sont assez cuites ou assez froides.

Macler. Lorsque le verre est devenu cordelé, on prend le fer à macler, on le chauffe, on s’en sert ensuite pour mêler le verre dur avec celui qui est plus mol.

Raffiner. On raffine en verrerie, quand le verre étant devenu ambité, pendant qu’on le travaille, le tiseur est contraint de mettre le four en fonte, & de rendre au verre par la chaleur sa bonne qualité.

Ecremer. C’est dans les verreries à bouteilles, l’ouvrage des serviteurs. On prend le ferret à écrêmer, on en chauffe le bout ; on cueille du verre à quatre à cinq coups ; on l’applatit sur le mabre ; quand il est un peu froid, on fait passer le ferret sur la surface du verre par sa partie plate, en suivant le tour du pot, & l’on entraîne les pierres qui y surnagent ; on recommence cette manœuvre jusqu’à ce qu’on n’apperçoive plus de pierres. Ces pierres viennent en plus grande partie de la soude ou varech quand on s’en sert ; quand on ne s’en sert point elles viennent d’accident ; elles se sont apparemment mêlées avec les matieres en les transportant de place en place.

Mettre les pots dans les arches. On va à la chambre aux pots, on en prend un à la fois ; on le met sur une civiere ; on le porte au four, puis dans chaque arche à pot on place trois petits piliers sur lesquels on pose le pot, de maniere que la chaleur puisse passer en-dessous & sécher le fond. S’il étoit posé à plat, le fond du pot étant plus long-tems à chauffer que le reste, pourroit péter. On les enferme ordinairement d’une légere muraille de briques ; mais trois tuiles ou plaques de terre suffiront. On bouche l’arche en un moment avec ces tuiles ; on les débouche aussi facilement. Il faut que ces tuiles aient été mises à cuire avec les pots, & aient été faites de ciment & d’épluchages de terre à pot.

Mettre le feu aux tisonniers ou tonnelles. Aux environs d’un pié à l’extérieur des tonnelles, on allume un petit feu à chaque tonnelle. On continue ce feu pendant deux jours, en l’augmentant peu à peu, & en l’avançant vers les tonnelles. Le troisieme & quatrieme jour on l’avance encore un peu en-dedans des tonnelles ; & l’on continue cette manœuvre en augmentant le feu, & en l’avançant jusqu’à ce qu’on soit arrivé au milieu du four sur la grille. A l’extérieur de la tonnelle on fait une petite muraille de briques sans mortier, pour boucher la tonnelle à mesure que le feu ou la braise y monte. On force ainsi la chaleur à passer dans le four ; & d’ailleurs on peut approcher plus aisément pour y mettre du charbon. Quand le feu est poussé au milieu, on laisse attremper le four pendant l’espace de deux jours. Puis on descend dans la cave, & à chaque bout de la grille on fait avec une barre deux trous, au travers de la bourbe ; on fait tomber les poussieres & les cendres, jusqu’à ce qu’elles soient suivies de la braise rougeâtre. Alors l’air se portera par ces trous, & le four se chauffera à vûe d’œil. Mais il faut avoir soin que le charbon couvre les trous qu’on a faits : on y travaillera par la tonnelle. Cinq heures après on élargit les trous, & l’on continue de tems en tems à dégager la grille, jusqu’à ce qu’enfin elle soit entierement dégagée : alors le four entrera en fonte. On continuera ainsi trente ou trente-six heures avant que de mettre les pots. La premiere fois qu’on allume le feu, il faut laisser les lunettes des arches ouvertes ; il faut que les arches soient attrempées aussi-bien que les pots. Il ne faut pas oublier de mettre dans les arches à pots à cuire, les margeoirs à marger les lunettes, lorsque les pots sont levés.

Lever les pots. C’est les transporter des arches à pots dans le four sur les sieges. Pour cet effet, on défait la muraille, ou on débouche la tonnelle ; on ôte les immondices, puis on place la bodée à une distance du tisonnier d’environ trois piés. Deux tiseurs, ou un seul selon le besoin, dégagent les crayers ou mousses qui sont attachés à la tonnelle, & l’on écarte la braise afin d’avoir un passage libre sous les pots ; on ôte la bodée & les immondices de la glaie. Cependant il y a un autre tiseur qui écarte les braises qui sont au-devant du pot dans l’arche, de maniere que l’on puisse le mettre sur le côté. Cela fait, on débouche la bouche de l’arche, si elle est bouchée de briques ordinaires en tirant en bas ce qui la bouche ; ce qu’on éloigne ensuite avec les pelles. Mais si elle a été bouchée avec des plaques, deux hommes le ferret à la main, mettant le bout de cet instrument dans les trous des deux plaques du haut, les enlevent avec le crochet, & les mettent à côté ; puis en font autant à la plaque d’en-bas.

On place le bâton à porter au-dessous & tout proche de la plaque ; puis un homme tenant les bouts des ferrets pese dessus, fait balancer la plaque, l’en tire & la met à côté. Cela fait, un tiseur pose un crochet contre le bord du pot en haut, & le pousse pour le dégager, & un autre tiseur pousse le pilier de devant qui soutient le pot par un des côtés ; puis celui à la bûche aborde, met le crochet sur le bord du pot, l’accroche & le baisse ; un autre avec un autre crochet, soutient le pot & le fait tomber doucement. Quand le pot est sur le côté, on place à chaque côté un crochet, & l’on le tire ainsi jusqu’à ce que le bord du pot soit d’environ trois ou quatre pouces hors de la bouche de l’arche. Alors on place la barre à porter au fond du pot, & deux tiseurs avec le bâton à porter, se placent sous la barre, posent le bâton au milieu, & élevent la barre jusqu’à ce qu’elle touche le côté supérieur du pot au fond. Puis un homme placé au bout de la barre à porter, fait balancer le pot ; & ces deux hommes portent ainsi le pot & le placent dans la tonnelle. On ne le laisse pas là ; un autre homme a le rouleau tout prêt, il le place horisontalement à-travers la glaie, environ quatre pouces plus bas que les sieges, dans deux fentes pratiquées à la muraille de la glaie. Alors on use de la bûche ou grande barre à porter ; on la pose sur le rouleau. Deux tiseurs leurs crochets à la main, accrochent le rouleau, l’empêchent de rouler, pendant que l’on glisse le bout de la grande barre au fond du pot qui est dans la tonnelle. Alors on balance le pot ; on pousse la grande barre, & le rouleau roule avec ceux qui conduisent le pot dans le four. Ensuite on tire la grande barre hors du pot, & l’on en applique le bout au-dessus du bord qui est sur la braise ; on le pousse, on le fait entrer assez avant pour qu’en le dressant, le pot ne puisse glisser : il y a même un autre homme à l’ouvroir avec un crochet qui le soutient. Quand il est sur son fond, on y passe le bout de la grande barre, & deux hommes places à l’ouvroir ; l’un avec la barre à crochet, à lever les pots qu’il place sur le bord du pot, le crochet en-dedans, accroche le bord renversé du pot ; & l’autre ayant le bout de sa barre posée contre les parois du pot en-dehors, environ huit ou neuf pouces au-dessous du bord. Alors le signal se donne pour lever le pot, & ceux qui sont au grand ouvreau balancent & élevent le pot à la hauteur des sieges perpendiculairement ; puis celui qui tient le grand crochet à l’ouvroir, tire le pot sur le siege & l’arrange comme il doit être : s’il y a encore d’autres pots à mettre, on répete la même manœuvre. Cela fait, on bouche le tisonnier & l’on marge les lunettes ; & l’on garde le four dans une chaleur douce, afin que le pot s’attrempe aussi dans le four ; & l’on réchauffe le four très-doucement à l’intervalle d’environ une ou deux heures selon l’exigence. Quand le four sera assez chaud, alors on commencera à renfourner la matiere dans les pots. Quatre tiseurs, chacun avec son estraquelle, prennent les matieres dans les arches cendrieres, les portent & les mettent dans les pots ; ils continuent jusqu’à ce que les pots soient remplis à comble ; alors ils bouchent l’ouvroir avec la tuilette, & mettent le four en fonte.

Dans l’espace de six ou sept heures, cette matiere sera fondue, & l’on remplit encore les pots de la même maniere ; & trois ou quatre heures après, on repétera la même chose jusqu’à ce que les pots soient pleins de verre, puis on le rafine ; cela étant fait, les tiseurs ont fini leur journée. Le tiseur qui aura soin du four pendant qu’on fait les bouteilles, en a soin encore le soir ; il descend dans les caves ; il arrange les barres & les craiers ; ensorte que la grille ne puisse avoir de trous, puis il commence à faire la braise.

Torcher la grille. On prend de la bourbe avec un peu d’argille & de paille ; on les mêle ensemble ; & lorsque les barres de traverse ou dormans sont arrangés, on jette cette bourbe partout, de l’épaisseur de 3 ou 4 pouces ; & on la presse & serre avec le pié, afin de bien fermer toute entrée à l’air.

Faire la braise. Pour faire la braise, le tiseur prend le grand rable : il en passe le bout dans le tisonnier & égalise la braise partout, ou le charbon qui est déja dans le four ; puis avec la pelle à tiser, il jette trois, quatre ou cinq pelletées de charbon dans le four : puis il va à l’autre tisonnier, en fait autant, revient au premier, jusqu’à ce qu’il ait rempli le foyer aux deux cinquiemes. Alors, il le laisse dans cet état environ un quart-d’heure, jusqu’à ce que le charbon ait pris feu ; puis il recommence le même ouvrage jusqu’à ce que la braise soit faite. Quand la braise est faite, le foyer en est rempli d’environ trois quarts de la hauteur de la grille. Alors les ouvriers sont appellés à venir travailler ; mais pendant qu’on fait la braise, les garçons sont occupés à dresser les cannes.

Dresser les cannes. Si elles sont nouvellement raccommodées par le maréchal, alors il les met dans l’ouvroir jusqu’à ce qu’elles soient presque blanches. Il met ensuite le bout qui est blanc dans l’eau qui refroidit les parties qui se levent, & qu’il ratisse pour les en détacher, puis il cueille ce verre sur le bout & souffle, afin que le verre n’entre pas dans la canne & n’en puisse boucher le trou, puis il met la canne dans la cassette. Quant aux cannes qui ont déja servi ; on les réchauffe aussi dans le four : quand elles sont chaudes, on ôte le bouchon de verre qui est dans le bout de la canne, ou avec les pincettes, ou bequettes ou marteau. Si la canne est crochue, on la redresse, puis on coule le verre au bout ; on le souffle comme ci-dessus, & on met les cannes dans la cassette quand elles sont froides ; elles sont dressées & propres à servir.

Alors le gamin ou petit garçon fait la taraison, & le grand garçon la met avec un ferret devant l’ouvroir, & retrécit l’ouvroir, selon les marchandises à faire, c’est-à-dire s’il faut des chopines ; le trou sera plus petit que s’il falloit des pintes, &c. puis le garçon écrème le verre ; & toute la place étant bien arrosée & bien balayée, on commence à travailler.

Le petit garçon met une canne dans l’ouvroir à chauffer ; & quand elle est assez chaude, il commence à cueillir.

Cueillir le verre ; c’est plonger le bout de la canne dans le verre d’environ 3 pouces, ce que le petit garçon fait ; puis il la retire, & laisse refroidir un peu le verre. Pendant que le verre se refroidit, il tourne la canne sur elle-même, & fait rouler le verre sur la canne ; sans cette manœuvre le verre tomberoit à terre. Puis il l’y replonge encore & la retire ; il refait la même chose, quatre, cinq ou six fois, selon que le verre est dur ou mol ; puis le grand garçon le prend & cueille le dernier coup ; puis ou lui ou le maître, commence à en faire la paraison.

Paraison. Faire la paraison ; c’est poser la partie du cueillage qui est vers la main sur le tranchant du côté gauche du marbre ; pancher son corps vers le côté droit ; tourner la canne ; la tirer vers soi ; trancher le verre jusqu’au bord de la canne ; puis le poser sur le plat du marbre, sans pancher le corps ni vers un côté, ni vers l’autre du marbre ; baisser la canne & le corps un peu vers la terre ; serrer un peu le bout de la canne où est le verre contre le marbre ; rouler sur elle le verre tranché en la tournant ; se lever tout droit ; poser le bout du verre sur le plat du marbre ; avoir la canne à la bouche, tenue de la main droite vers la bouche, & de la main gauche étendue ; souffler en la tournant, & faire gonfler le verre ; lui faire prendre à-peu-près la forme d’un œuf ; poser ensuite le bout de la canne sur le tranchant du marbre, & trancher ou marquer le col tenant son corps dans la même attitude que quand on a tranché le verre : voilà ce qu’on appelle faire la paraison.

Lorsque la paraison est faite, si c’est le garçon qui l’a faite, il la porte à l’ouvroir, & pose la canne sur le crochet, la tournant plus vîte, à mesure que la paraison devient plus chaude. Quand la paraison est assez chaude, il la retire ; le maître ouvrier la reprend, le pose sur le paupoire, & la souffle autant qu’il convient pour être mise dans le moule ; quand elle y est mise, il la pousse contre le fond du moule en la soufflant, & tournant toujours la canne jusqu’à ce qu’il voye la bouteille formée selon sa volonté. Alors il la retire du moule, la fait osciller, &, par ce mouvement, lui met le cul en-haut ; puis il met le bout froid de la canne sur le paupoire, la tenant toujours de la main gauche & toujours la tournant. Il prend la molette avec la main droite, & avec la partie pointue de cet instrument il enfonce le cul. Après quoi il prend une goutte d’eau au bout de la molette, il en touche le col de la bouteille, il la porte ensuite au crochet ; là d’une secousse il sépare le col de la partie qui reste à la meule ; on entend par meule le verre qui reste à la canne, après que la bouteille en est séparée.

Cette séparation faite, il tourne le cul de la bouteille de son côté, & y attache le bout de la canne. Il place ensuite la canne dans le crochet ; il la tient de la main gauche ; cependant il prend la cordeline de la droite, il en plonge le bout dans le verre, la retire & attache à l’extrémité du col de la bouteille le verre qui pend de la cordeline, tournant la canne jusqu’à ce que le fil de verre rencontre l’extrémité attachée, alors il les joint, & en retirant avec promptitude la cordeline, le fil de verre se sépare & rompt de lui-même. Il pose ensuite la bouteille dans l’ouvroir, il faut chauffer l’embouchure ; quand l’embouchure est chaude, il retire la bouteille, la porte au banc, il s’assied, prend le fer, il en donne du côté plat un ou deux coups contre l’embouchure ; il embrasse la cordeline avec ces deux jambes de fer ; cependant il tourne toujours la canne, il en met une ou toutes les deux dans l’embouchure pour l’arrondir : cela fait, il la donne au grand garçon, quand il en prend la paraison, & le grand garçon la donne au gamin lorsqu’il en prend le cueillage, & celui-ci la porte au fourneau pour recuire.

Nous avons donné dans nos figures les coupes & les plans de deux verreries, l’une à l’angloise, & l’autre à la françoise. Nous allons maintenant en faire la comparaison, afin de rendre cet ouvrage aussi utile qu’il est possible. On sait que tout chauffage, soit de charbon, soit de bois, étant allumé, si l’on empêchoit l’air de s’y porter, il ne tarderoit pas à s’éteindre. Mais si fermant tout accès d’ailleurs à l’air, on ne lui permettoit d’attaquer la superficie allumée du chauffage que par un endroit, par en-bas, par exemple, par-dessous le charbon & le bois, ne laissant en-haut qu’une seule ouverture, par laquelle la fumée & la flamme s’échapperoient, de maniere qu’il y eût, pour ainsi dire, une circulation perpétuelle d’air de bas-en-haut ; cet air circulant entrera avec plus de violence, & se hâtera vers la porte supérieure avec plus de force que dans toute autre hypothèse ou construction. Et dans le cas où la continuité & la violence de la chaleur contribueroit à la perfection de l’ouvrage, il y auroit beaucoup à gagner à établir une pareille circulation, en donnant au fourneau la forme qui pourroit la procurer. Faisons maintenant l’application de ces principes aux verreries de France & d’Angleterre.

Il paroît par nos desseins qui sont faits avec la derniere exactitude, que les verreries françoises sont bâties quarrées ; qu’elles sont terminées par quatre murs perpendiculaires ; qu’elles sont couvertes de tuiles à claire voie & comme les maisons ordinaires ; que quand on y est en fonte, les portes en sont ouvertes, ainsi que les fenêtres, qu’on y est contraint par la nécessité d’user de l’air extérieur & froid, pour chasser, pour dissiper la fumée, & l’emporter par la cheminée ; que cet air a accès par un grand nombre d’ouvertures, tant par bas que par en-haut ; que par conséquent l’air qui est dans la partie supérieure de la halle n’est guere moins froid que l’air extérieur ; que la fumée y nage ; que même souvent elle descend jusqu’en-bas, la hauteur des toits n’étant pas fort considérable ; que les tiseurs en sont incommodés ; que par conséquent l’évacuation n’est pas rapide ; que l’air ou n’entre pas avec violence par la grille, ou perd promptement cette violence ; que l’air n’est pas fort raréfié dans la halle ; qu’il seroit donc à souhaiter qu’on le raréfiât, & que la construction qui remédieroit à cet inconvénient, remédiât aussi aux autres. Or c’est ce qu’opere la construction des verreries angloises.

Les halles à l’angloise sont construites comme on voit dans nos Planches. Elles sont faites ou de brique ou de pierre, mais toujours de brique dans les endroits où la flamme se joue. Les fondemens ont trois piés d’épaisseur ; au-dessus des arcades, l’épaisseur n’est que de seize pouces, puis l’épaisseur diminue encore, & les murs finissent par n’avoir que neuf pouces d’épaisseur. Dans ces halles, quand on est en fonte, toutes les portes & fenêtres en sont fermées, il n’y a d’ouverture libre que celle de la cheminée : cette cheminée étant plus large en bas qu’en haut, l’air n’entre qu’avec plus de violence ; & comme tout est bien clos pendant la fonte, l’air ne s’y refroidit point ; il y est perpétuellement dans une extrème raréfaction ; mais plus la raréfaction sera grande, plus l’air extérieur s’y portera avec impétuosité, s’il y a accès & s’il n’y a qu’un seul accès. Or les choses sont ainsi, l’air n’a qu’un accès dans les halles, c’est en entrant par les caves, & en se portant vers la grille. Qu’on juge donc avec quelle vîtesse il court à cette grille, combien il soufflera le chauffage allumé qu’elle soutient, quelle ardeur il donnera à la flamme, & combien la chaleur du four en sera augmentée ! L’expérience faite, la fonte s’y fait en deux tiers moins de tems que dans les halles à la françoise, & il ne faut pas s’en étonner ; on pense bien encore que les tiseurs n’y sont pas incommodés de la fumée. Mais on dira peut-être, on ne peut obtenir ces avantages de la violence de l’air sans que la consommation du charbon n’en soit plus prompte : il en faut convenir ; mais ce que l’on gagne en chaleur, l’emporte sur ce qu’on dépense en bois dans des tems égaux, & l’on brûle dans une verrerie angloise moins de charbon que dans une verrerie françoise ; d’ailleurs on épargne du tems : mais quand on n’épargneroit que du tems & que de charbon ; si l’on suppose qu’une verrerie françoise soit quinze heures en fonte, la verrerie angloise n’y sera que douze heures. Comme on travaille en France fétes & dimanches, ou sept jours de la semaine, on gagnera donc dans une verrerie angloise par semaine sept fois trois ou vingt-une heures, & sept fois un cinquieme de charbon. On brûle ordinairement à Seve 90 quintaux de charbon par. jour, c’est-à-dire qu’une verrerie à l’angloise n’en consommera que 72 quintaux. Si nous supposons qu’on travaille dans ces deux halles différentes quarante semaines chaque année, & que chaque journée dans chaque verrerie fasse 1600 bouteilles. La verrerie à la françoise aura six journées par semaine, ou 168 heures, & l’angloise au contraire fera ses six semaines en 147 heures. Voyez l’avantage qui résulte de ces différences en faveur de la verrerie angloisé. Six journées ou 9600 bouteilles en 147 heures, & en quarante semaines ou 275 journées, à raison de 1600 bouteilles par journées, donnent 440000 : voilà pour l’angloise.

Six journées ou 9600 en 168 heures, & quarante semaines ou 240 journées, à raison de 1600 bouteilles, donnent 384000, différence en faveur de l’anglois 56000.

Donc si l’on gagne 4 livres par cent de bouteilles, l’anglois aura de bénéfice sur cela seul 2240 livres.

Mais dans la supposition que la verrerie de Seve consume 90 quintaux de charbon chaque journée, & par conséquent dans quarante-cinq semaines & cinq jours, ou 2750 journées ; & supposons que ce charbon coute 20 sols le quintal ou les 100 livres, le charbon coutera à Seve 24750

Mais l’anglois ne consumera que 72 quintaux par jour ou de moins chaque journée, & 275 journées dans quarante semaines, ce qui donnera 19800.

Donc il épargnera en charbon 4950, & en total 7190 livres.

Mais, dira-t-on, la halle angloise coutera plus à construire que la françoise. En apparence, j’en conviens. Dans celle-ci, il faudra des tuiles, des lattes ; la charpente se séchera, il faudra la renouveller. La halle angloise une fois faite, elle n’a plus besoin de rien ; tout bien consideré, elle coutera moins.

Difference des verreries en bois & des verreries en charbon. Il y a peu de chose dans ce que nous avons dit des verreries en bois qui ne convienne aux verreries en charbon. La manutention est la même. La marchandise se fait de la même façon. Les termes de l’art ne changent point. Les tiseurs ont seulement plus d’occupation dans les verreries en bois, que dans les verreries en charbon. Ils sont continuellement sur pié, & vont sans cesse de l’un à l’autre tisonner, fournir du bois au four. On a soin que le bois soit bien sec. Pour cet effet, il y a une charpente au-dessus du four qu’on appelle la roue, où l’on fait sécher les billettes.

Billettes. Ce sont des morceaux de bois fendu menu, d’environ 18 pouces de longueur ; il y a des verreries où l’on fait commerce de bois & de verre. Les troncs de chêne s’emploient en charpente ; les pelles se font de hêtre, on met en sabots le bois qui y est propre ; & l’on garde pour la verrerie le branchage, s’il est gros comme le pouce.

La composition est de cendres fines ou de charrée mêlée avec la soude & le sable. Les essais se font ici, comme dans la verrerie à charbon.

Dans les fours en bois, on débraise pour mettre en fonte. Au lieu que dans ceux à charbon, on dégage la grille.

Débraiser. Lorsque les verriers ont fini leur journée ; le tiseur débouche une partie de la tonnelle, & avec un rable de 12 à 13 piés de longueur, on tire la braise du four, puis la crasse qui est dans la fosse ; cette crasse vient en partie de la matiere qui est tombée entre les pots & le fil de l’ouvroir. Cette matiere est vitrifiée par la chaleur & coule des sieges dans la fosse ; en partie, des cendres que la flamme emporte, qui tombent dans la fosse, & qui se mêlant avec le verre fondu, forme une crasse.

Dans les verreries en bois, on cuit les bouteilles dans les arches à pot ; au lieu que dans celles à charbon, elles sont cuites dans les fourneaux, construits à chaque coin de la halle. Ces fourneaux ne laissent pas de consumer beaucoup de charbon : au lieu que dans les fours en bois, c’est le four qui chauffe les arches, d’où il s’ensuit quelqu’épargne. Aussi-tôt que les verriers ont fini leur journée ; on pousse le margeoir devant la lunette de chaque arche, ce qui empêche le passage du feu ; au bout de huit à neuf heures, on défourne la marchandise, alors on rebouche l’arche, & l’on retire le margeoir. Le feu passe par les lunettes, & les arches sont échauffées.

Defourner. Lorsque les marchandises sont recuites, & assez froides pour être exposées à l’air, on les retire, & on les met dans la brouette pour être portées au magasin.

Les fours à bouteilles en bois n’ont ordinairement que quatre pots ; on en verra toutes les dimensions par les profils.

Atre. Ce sont deux ou un morceau de grès d’environ 5 piés de longueur, 2 piés & demi de largeur, & d’environ 15 pouces d’épaisseur, placés au fond du foyer, entre les deux sieges, creusés au milieu d’environ 2 pouces, & destinés à recevoir & à conserver les matieres vitrifiées qui tombent des pots, lorsqu’ils se cassent ou qu’ils ont été trop remplis.

Arches. Il y en a six, voyez Verre à vitre.

Bonichon. C’est un trou qui communique aux lunettes des arches à pot. Ils font les fonctions de ventouses ; comme l’on cuit les bouteilles dans les arches à pot ; dès qu’on a quitté le travail, on marge la lunette pour empêcher le feu d’entrer, & laisser refroidir les bouteilles. Cependant comme la flamme ne peut passer par les lunettes, le four seroit étouffé, si l’on n’ouvroit le bonichon.

Verreries a vîtres, ou en plats. On verra par les plans, que le four & les pots ont la même figure, que les fours en glaces soufflées, & que ceux de verreries en bouteilles à charbon. Avec cette différence qu’il n’y a point de cave, & qu’il y a un grand ouvroir où l’on ouvre la bosse pour en faire un plat ou une table.

Leur composition est faite de charrée, de sable, de varech ou de soude, qui vient des côtés de la Normandie. Quant aux doses ; prenez trois cens livres de charrée seche & passée au tamis ; deux cens de sable, & deux cens de varech. S’il s’agit d’un nouvel établissement & que les qualités des matieres soient inconnues ; dans ce cas, on aura recours aux essais, & ils se feront ainsi que nous l’avons indiqué dans la verrerie en bouteilles.

On met les matieres recuire dans l’arche à cendres, ainsi qu’on a dit pour les bouteilles ; c’est aussi la même manœuvre pour la fonte. Mais comme il entre dans la composition du verre à vître plus de varech, que dans le verre à bouteille, afin de le rendre plus doux & plus facile à travailler ; quand elle commencera à se rafiner, & qu’il s’élevera à la surface du verre liquide, dans le pot, un sel qui y surnagera comme de l’eau ; on l’enlévera avec la poche. La grande partie de varech ne se fixe pas ; le sel en étant très-volatil ; tellement que si on négligeoit d’ôter ce sel, il s’en iroit presque tout en fumée, ainsi qu’on le voit dans les verreries à vître, par la grande fumée blanche qui sort des ouvroirs, lorsque le verre est bien fondu & commence à s’affiner.

Lorsque les matieres sont cuites dans les arches ; (on suppose que la halle, le four, les arches & le reste est comme nous avons dit de la verrerie en bouteilles). On met dans les pots, on tise & on rafine. On allume des fourneaux à recuire les plats. Il y a au fond de ces fourneaux une ou deux plaques de fer de fonte, concaves & placées au bout contre le derriere du fourneau, & l’autre vers la bouche. Les fourneaux étant chauds, ainsi que le four & le verre affiné ; le maître tiseur a soin d’écremer le verre, on appelle alors les gentilshommes. Les cannes ou felles sont toutes dressées.

On commence par chauffer une felle, le cueilleur la prend, & il en plonge le bout dans le verre environ de trois pouces & demi, en tournant dans le verre la felle. Il la retire doucement pour faire couper ou partir le fil de verre, ainsi que nous le dirons dans les glaces. Il porte ensuite la felle au baquet à rafraîchir ; il la pose & se soulage pendant que le verre se refroidit. Il repete ensuite la même chose en couvrant le premier cueillage ; en cinq reprises, plus ou moins, selon que le verre est dur ou mol, il acheve le cueillage entier, qui doit avoir la forme d’un œuf.

Si cueilleur n’est qu’un apprentif, il ne cueille que quatre coups, & le gentilhomme bossier prend la felle & cueille le cinquieme coup ou la derniere fois. Il porte la felle au baquet, la laisse rafraîchir& refroidir un peu le cueillage, puis il va au marbre ou à la table de fonte, & en tournant le cueillage sur ce marbre, il lui fait la pointe. Il baisse la main pour cet effet, passe le verre sur le marbre, le roule, le releve & se tenant debout, met l’embouchure de la felle dans sa bouche, souffle, fait gonfler la masse de verre, tourne la felle, la fait aller & venir d’un bout du marbre à l’autre, lui donne la forme qu’on voit dans nos Planches ; puis il la porte à l’ouvroir pour la réchauffer. Il pose la felle sur une barre qui est tout contre l’ouvroir & en travers. A mesure que la matiere se réchauffe, il tourne la main plus vîte. Quand elle est assez chaude, il la retire, retourne au marbre, donne un petit coup sur la pointe, l’émousse un peu, roule un ou deux tours sur le marbre, met la felle sur le tranchant du marbre, & posant la pointe sur la barre ronde, il tourne & souffle en même tems pour faire la boudine, voyez nos Pl. le verre se gonfle, il continue de souffler ; & quand le verre ne peut plus se gonfler, parce qu’il est froid, alors on le porte au grand ouvroir, on pose la felle dans le crochet & l’on tourne comme ci-devant. On le retire ensuite, on le porte à la barre, comme on voit dans nos Pl. On souffle en poussant la pointe, le bouton ou la boudine contre la barre, toujours tournant la felle & continuant de souffler, jusqu’a ce que le verre ait la grosseur convenable, on revient alors au grand ouvroir, & poussant la bouteille loin dans le four, en la tournant toujours dans le même sens ; à mesure qu’elle se chausse, l’un de ses diametres s’alonge aux dépens de l’autre ; elle s’applatit. On la retire alors, on la leve en l’air, on la porte & on la pose sur la barre, voyez nos fig. On souffle un peu dans le cas que la partie où est la boudine soit enfoncée ; on la présente au gentilhomme qui l’ouvre, voyez nos Pl. & la pose ensuite sur la barre à trancher, & avec le fer, il fait couler quelques gouttes d’eau sur le col : il frappe ensuite quelques coups sur la felle, la bouteille s’en sépare ; il la retourne & attache à sa partie postérieure le pontil qui y prend, parce qu’il est chargé de verre. Le pontil tient à la boudine, on la reporte en cet état à l’ouvroir, où on laisse rechauffer le col pendant quelque tems, parce qu’il est froid & plus épais que le reste. A mesure qu’il se réchauffe, on l’avance de plus en plus dans le four ; on l’en tire ensuite & l’on donne avec l’embouchure un coup contre une plaque ou planche pour la rendre unie, on la présente ensuite au fouet, voyez nos Planches, qui met dans l’embouchure applatie la planche aiguisée ; l’ouvrier tourne la piece, la presse en même tems contre la planche qui la fait ouvrir environ d’un pié. Il remet ensuite le tout dans le grand ouvroir, & à mesure que la piece se réchauffe, il tourne plus rapidement ; les bords s’étendent peu à peu. Quand l’ouvrage est assez chaud, l’ouvrier le retire subitement de l’ouvroir, leve un peu les mains en l’air ; de sorte que le pontil fasse à-peu-près avec l’horison un angle de trois ou quatre degrés, puis il tourne de toute sa force ; à mesure que la piece s’ouvre, l’ouvrier baisse les mains, s’approche de l’ouvroir ; la piece par ce moyen s’étend & devient presque unie. Il la retire alors de l’ouvroir, la laisse un peu refroidir, il la porte & la pose ensuite sur la pelote, voyez nos Planches & nos fig. La fourchette est placée de maniere que la pelote passe à-travers. Il tient le pontil ferme de la main gauche, il a soin de soutenir le poids du pontil ; car s’il le laissoit porter sur le plat, il en seroit cassé. De la main droite, il donne un coup contre le bout du pontil qui est en l’air ; le pontil se sépare, il le pose contre le mur ou le donne au tisseur ; & avec un brassart à la main, il prend la fourchette par le manche, la leve, la tenant elle & le plat, paralleles à l’horison, puis il met le plat dans la bouche de l’arche. Voyez nos Pl. & nos fig. puis le pousse & le place de maniere que le bord de devant touche ou les plats déja dressés, s’il y en a, ou le mur s’il n’y en a point. Alors un fouet prend une petite fourche, accroche le bout au bord de l’aire le plus éloigné, celui qui est vers la bouche de l’arche pour la tenir ferme. L’ouvrier alors retire la fourchette, de maniere que ses bouts soient environ à 3 ou 4 pouces en-deçà de la boudine ; puis le fouet place les bouts de sa fourchette contre le bord de la piece qui est déja dressée, & qui se soutient, pendant que l’ouvrier dresse l’autre piece. Sans ces précautions, la piece dressée tomberoit & entraîneroit les autres ; car il est évident qu’en levant le plat pour le dresser, son bord inférieur appuiera contre le bord inférieur de la piece déja dressée, & fera pancher son bord supérieur. Mais en plaçant la fourchette comme nous avons dit, cet effet n’aura plus lieu ; l’ouvrier levera la piece sans danger, & la placera contre les autres. Il la soutient dans cet état, tandis que le fouet retire sa fourchette, ensuite il retire la sienne. Voyez nos Pl. & nos fig. Quand le fourneau est plein, on le bouche, on le laisse refroidir 2 ou 3 jours. Quand les plats sont froids, on entre dans le fourneau, & l’on prend le plat par les bords ; on le retire, on l’amene jusqu’à la bouche du fourneau, d’où on le place au lieu où il doit refroidir, puis on le porte au magasin pour être vendu.

Art de la glacerie. De tous les arts auxquels la verrerie a donné naissance, celui qui certainement doit tenir un des premiers rangs, est celui de faire des glaces. C’est de lui qu’on tire un des ornemens le plus noble des appartemens, & la matiere la plus propre à faire des miroirs, tant par l’uniformité de la réflexion, que par la facilité à produire cette réflexion, au moyen de l’étamage.

La glace est une surface de verre bien plane & bien transparente, qui doit laisser passer l’image des objets, sans rien changer ni à leur couleur, ni à leur figure.

Les glaces se fabriquent de deux manieres, par le souflage, ou par le coulage ; il ne sera question ici que du coulage, comme de la maniere la plus avantageuse & la plus en usage.

L’art de la glacerie est susceptible de deux manieres de l’envisager ; ou comme physiciens, dans la vue de connoître les phénomenes qui s’y rencontrent à chaque pas ; ou comme négociant & marchand de glaces. Il me paroît même que dans un art marchand tel que celui ci, il est bon de réunir les deux points de vue, parce que l’artiste doit diriger les opérations du fabriquant pour faire beau, & le fabriquant obligé de vendre, doit régler l’artiste dans ses recherches pour lui inspirer l’économie, seul moyen de faire un grand débit.

Voici l’ordre que je suivrai quant à la matiere.

1°. La position des lieux & l’emplacement propres à établir une fabrique de glaces.

2°. Les matieres en tout genre nécessaires à la belle fabrication.

3°. La connoissance des terres, & la maniere de les travailler.

4°. La construction des fours de fusion & la fabrication des pots.

5°. La recuisson & l’atrempage des fours & des creusets.

6°. La préparation des matieres vitrifiables, & leur choix.

7°. La maniere d’extraire les sels de soude.

8°. Les compositions.

9°. L’opération de friter, & la construction des fours à frite.

10°. La préparation du bois propre au tisage, & la maniere de tiser.

11°. Les opérations de la glacerie, & la description de divers outils.

12°. Les carquaises, & la recuisson des glaces.

13°. Les apprêts.

14°. L’étamage.

La position des lieux & l’emplacement propre à établir une glacerie. Une des principales attentions que doive avoir l’édificateur d’une glacerie, attention d’où naît un des plus grands biens de l’affaire, c’est le choix de la position & de l’emplacement de la fabrique.

Trois choses dirigent naturellement un pareil choix ; la facilité de se procurer les matieres propres, tant à la fabrication qu’aux apprêts, le prix de la main-d’œuvre, & l’aisance des importations & exportations.

Un pays pauvre, mais peuplé, couvert de forêts, abondant en carrieres de sable blanc & pur, de pierres à chaux, d’argille bien homogene, de terre propre à faire des briques & des pierres, tant à bâtir que de sciage, avoisinant quelque riviere navigable, on quelque canal de communication ; un tel pays, dis-je ; paroîtroit fait exprès, & destiné par la nature à l’établissement d’une glacerie.

Dans une pareille position, on seroit sûrement dans le cas de ne pas manquer de matériaux : la main-d’œuvre ne pourroit y être qu’à très-bas prix, & les frais ni de l’imposition des matieres éloignées, comme soude, manganeze, &c. ni de l’exportation de marchandises fabriquées n’y seroient considérables, rien n’étant à si bon marché que les voitures d’eau.

Au reste, il est difficile qu’une contrée réunisse tous les avantages possibles ; mais il faut les connoître tous, & choisir celle où on rencontre le plus grand nombre.

La contrée où l’on pourroit former une fabrique de glaces étant une fois choisie, la premiere recherche à faire seroit l’emplacement de l’établissement, & sa disposition. Il faut pour cet objet un terrein plein, uni & assez étendu pour qu’on ne soit pas borné, quant aux limites. Il est nécessaire aussi qu’il passe dans l’enceinte de la manufacture un courant d’eau assez considérable pour faire aller un moulin propre à écraser les matieres qui ont besoin de l’être, comme ciment, soude, &c. la même eau serviroit à laver le sable, & il ne seroit pas mal qu’elle fût disposée de maniere qu’on pût en amener une partie dans la halle ou attelier de fabrication, tant pour donner la facilité de rafraîchir les outils, que pour abreuver les ouvriers, qui pendant des travaux si chauds & si pénibles, n’ont point de plus grand soulagement.

A l’égard de la disposition particuliere des atteliers, c’est à l’artiste qui connoît l’espace nécessaire à toutes les opérations, & qui sait combien la facilité y est essentielle ; c’est, dis-je, à lui à s’arranger en conséquence. Je me contenterai de dire ici en général, qu’on doit avoir attention, autant qu’il est possible, de se mettre au large pour toutes les parties de la fabrication : point de plus grand mal que la gêne dans une pareille affaire.

Les matieres en tout genre nécessaires à la fabrication. Tant de matériaux sont nécessaires à l’établissement & à l’entretien d’une glacerie, & il en faut de tant de sortes, qu’il n’est pas aisé de les détailler ; il est d’ailleurs à craindre qu’on ne manque d’exactitude & de clarté dans un pareil examen, à moins qu’on ne se fasse une maniere nette & simple d’envisager les choses.

Il y a trois objets qui demandent chacun leurs matériaux, & qui me paroissent les rassembler tous ; les constructions, la fabrication & les apprêts ; je ne parle point ici de l’étamage, j’en traiterai à part à la suite des apprêts.

Dans ma premiere division, je fais entrer les pierres à bâtir, les bois de charpente, les bois de charronnage, les planches, les tuiles à couvrir ou ardoises, ou arciens, relativement au pays que l’on habite ; les briques & les outils propres à employer les matériaux que je viens d’énoncer. On ne trouvera que très peu de chose sur cet objet dans la suite de ce discours, & seulement autant qu’il en sera besoin pour éclairer les autres parties ; 1°. parce que celle-ci n’intéresse que par le besoin où l’on est de se loger ; 2°. parce que le terrein nécessaire étant une fois déterminé & pris, la bâtisse ne regarde pas plus le glacier que le maître maçon ; 3°. parce que nombre de personnes connoissent ces sortes de matieres.

Dans ma seconde division, je renferme tout ce qui est nécessaire à l’attelier de fabrication, que nous appellerons désormais halle. On y comprend la terre ou argille propre à construire les fours de fusion, & les vases servant à contenir le verre ; les matieres qui entrent dans la composition du verre, comme sables, soudes, ou en général fondans, chaux, manganeze, azur ; les fers & cuivres nécessaires à la construction & à l’entretien des outils de la halle ; les matieres combustibles, charbon ou bois.

Ma troisieme division renferme ce qui est essentiel aux apprêts, comme pierres de sciage, plâtre sable gros & fin, émeril, potée, lisiere, bois propre à faire des outils. Il n’est pas besoin de rien dire de plus ici de diverses matieres contenues dans les deux dernieres divisions ; la suite du discours donnera des éclaircissemens détaillés sur chacune d’elles en particulier, tant pour la maniere de les connoître, que pour celle de les employer.

Des terres & de la maniere de les travailler. On n’a pû penser à faire du verre, sans s’être procuré auparavant une matiere assez réfractaire, pour résister sans se calciner & sans se fondre à l’action du feu violent nécessaire à la fusion du verre & à son affinage, dans la vue d’en construire le lieu du feu, & les vases servant à contenir le verre.

La matiere la plus réfractaire qu’on connoisse jusqu’au présent, est sans contredit l’argille ; elle ne fond que très-difficilement après un tems très long,[1] & n’est nullement sujette à la calcination. L’argille est assez connue, & on en fait usage dans un assez grand nombre d’arts, pour qu’il fût inutile d’en citer les propriétés ; cependant pour plus grande exactitude, nous dirons un mot des marques distinctives qui la caractérisent.

L’argille est une terre savonneuse au toucher, fort compacte, & composée de parties très-fines : on ne les voit jamais sous la forme de grains, comme le sable qui compose une terre de grès, mais en poussiere ; elle ne fait effervescence avec aucun acide. Une des propriétés qui caractérise le mieux l’argille, c’est qu’elle pétille & se désunit au feu à-peu-près comme le sel marin qu’on y jette. Cette propriété fait naître deux questions, l’une sur la cause de ce pétillement, l’autre sur les précautions à prendre pour l’éviter, puisqu’il suffiroit pour empêcher de faire usage de l’argille.

L’argille, ainsi que tous les autres corps, renferme des parties, selon quelques-uns aqueuses, selon d’autres, d’air. Lorsqu’elle se trouve exposée à l’action du feu, ces particules tendent à se raréfier, mais elles ne peuvent le faire à cause de la compacité de l’argille, sans écarter les parties de l’argille ; & comme ces parties ne sauroient s’écarter aussi vîte que la dilatation des particules, soit d’eau, soit d’air, l’exigeroit, elles se séparent avec bruit & crépitation.

Le pétillement venant de la compacité de l’argille, le moyen d’empêcher ce pétillement seroit de diminuer cette même compacité, ou ce qui est la même chose, d’augmenter les pores de l’argille au moyen de quelque intermede ; par exemple, en paîtrissant l’argille avec du sable, on réussiroit très bien à rendre l’argille plus poreuse, & à empêcher le pétillement, & on en feroit un corps très-solide & très-dur : mais une autre difficulté se rencontre ici ; si on employoit le mélange de sable & d’argille à la construction d’un four ou des vaisseaux propres à renfermer du verre, le contract du verre en fusion disposeroit les parties de sable avec lesquelles il a de l’affinité à se joindre à lui, conséquemment à se vitrifier, & la déperdition des vases s’ensuivroit bientôt après.

L’argille déjà brûlée, ou ciment, n’a pas le même inconvénient, & elle a plus d’analogie avec la nature de l’argille même, puisque lorsque le mélange a été quelque tems exposé au feu, il est de la même nature dans toutes ses parties. L’argille n’est plus différente du ciment étant devenue ciment elle-même, & le composé est bien plus homogene que ne l’auroit été le mélange de la terre & du sable, qui, ne changeant jamais au feu, ne peut être analogue à la terre avant l’action du feu, ni le devenir par cette même action.

Le mélange de l’intermede à l’argille est si nécessaire, que si l’on faisoit une brique ou un vase un peu épais d’argille paîtrie pure, jamais sa compacité ne permettroit à l’humidité qu’elle renfermeroit, de se dissiper assez librement pour ne pas occasionner des fentes, qu’on appelle communément gersures.

Dans un établissement déja formé, les démolitions de fours & les vieux pots procurent du ciment pour fournir à la fabrication & composition des terres ; mais dans un établissement nouveau où on n’a pas les mêmes ressources, on est obligé de brûler de la terre exprès pour faire du ciment.

Il y a diverses manieres d’en faire : on peut brûler la terre en l’exposant au feu en morceaux tels qu’on les apporte de la carriere ; mais j’aimerois mieux la mouler & la façonner en briques minces après l’avoir paîtrie ; la laisser sécher & cuire dans cet état, précisément comme on cuit la brique, & voici mes raisons. Tous les morceaux de terre étant de la même épaisseur, se cuisent également, au lieu que de la premiere maniere, les morceaux plus épais se cuiroient plus difficilement que les minces. On pourroit à la vérité obvier à cet inconvénient, en cassant les morceaux & les réduisant tous à-peu-près à la même grosseur ; mais outre la grande quantité de poussiere qu’on dissiperoit, & qui seroit une vraie perte, si, par la propriété de l’argille, quelques morceaux un peu plus petits que les autres venoient à éclater, ils se réduiroient en parties assez insensibles, pour être difficilement recueillies.

Quant à la proportion qu’il faut mettre entre la terre & le ciment, on ne sauroit donner de regle exacte ; elle dépend de la qualité de la terre que l’on a à employer ; celle qui est plus compacte, qui a plus de tenacité, & qu’on dit vulgairement être plus grasse, demande plus de ciment ; celle qui est moins tenace ou plus maigre, en exige moins. Il faut éviter avec autant de soin de mettre trop de ciment, que d’en mettre trop peu ; le trop de ciment rend la terre maigre à l’excès, & fait perdre beaucoup de leur solidité aux ouvrages qui en sont construits, les parties manquant de ce gluten qui les unit & dont l’argille abonde.

Les artistes sont fort partagés dans leurs opinions sur l’espece de ciment qu’on doit mélanger à l’argille ; les uns veulent du gros ciment, dans la vue d’occasionner une plus prompte sécheresse en laissant des pores plus ouverts ; d’autres sentant qu’il y a une grande difficulté à mélanger également du ciment de cette sorte, & à le répandre uniformement dans la terre, ont crû obvier à cet inconvénient sans abandonner l’avantage des grands pores, en employant du ciment de moyenne finesse ; d’autres enfin employent du ciment le plus fin qu’il leur est possible. Ce dernier parti me paroît le plus avantageux ; en effet, plus le ciment sera divisé en grand nombre de parties, plus il sera aisé qu’il s’en trouve dans toutes les parties de l’argille ; le mélange en sera plus égal, la sécheresse plus uniforme, les gersures moins fréquentes & moins à craindre.

On trouve des argilles de bien des couleurs : les plus pures & celles dont on fait le plus communément usage, sont la blanche & la grise ; la rouge renferme une base martiale qui lui ôte presque en total sa qualité de réfractaire. La premiere opération qu’on fasse subir à l’argille, c’est de la priver des parties hétérogenes qu’elle peut contenir : celle qu’on y observe le plus communément sont les parties ferrugineuses qui se manifestent par leur couleur rouge ou jaune, semblable à celle de la rouille des terres d’autre nature que l’argille, comme une sorte de sablon : les yeux seuls suffisent pour se convaincre de l’existance de ces deux corps étrangers. Presque toutes les argilles renferment un acide qui se manifeste très-bien au goût : qu’on détrempe de l’argille dans l’eau, & qu’après avoir laissé clarifier l’eau, on la goûte, on lui trouvera un goût acide & désagréable, qui pourroit même être nuisible jusqu’à un certain point aux animaux qui feroient usage de cette eau.

On pourroit, par des distillations, obtenir l’acide contenu dans l’argille, & par-là déterminer sa nature ; mais une pareille recherche seroit inutile à mon sujet, il me suffit de savoir qu’il existe un acide quelconque dans l’argille, pour ne pas ignorer que cet acide peut nuire, & pour chercher à le bannir. Il y a aussi des argilles qui renferment des pirites, & même en grand nombre.

L’épluchage prive assez bien la terre des parties colorées qui la tachent, & des terres étrangeres. Pour parvenir à cet épluchage, on casse le bloc de terre avec des marteaux armés d’un tranchant, & on les réduit en petits morceaux de la grosseur à-peu-près d’une noix ; lorsqu’on apperçoit des taches ou des terres de différente nature, on les ôte avec le tranchant du marteau, ou avec la pointe d’un couteau. Il est à remarquer que pour procéder à l’épluchage, il est nécessaire que la terre soit seche, parce qu’alors la différence entre la terre pure & les parties étrangeres est plus sensible que lorsque l’argille est humide.

Lorsqu’on se contente de l’épluchage, & que l’on ne cherche pas à bannir l’acide ; on met la terre à tremper ou à fondre dès qu’elle est épluchée dans des caisses larges & peu profondes, c’est-à-dire qu’on la couvre d’eau. On la laisse dans cet état le tems nécessaire pour qu’elle soit assez imbibée & également dans toutes ses parties. Après que la terre est suffisamment trempée, on épuise l’eau qui restoit encore dans la caisse, on y ajoute le ciment ; après quoi des hommes entrent dans la caisse, & pétrissent la terre avec les piés (ce qu’on appelle la marcher ou la corroyer), jusqu’à ce qu’elle soit bien mêlée avec le ciment, & qu’il n’y ait aucune partie qui ne se sente du mélange. Lorsque la terre a été bien pétrie ou corroyée, elle a reçu toutes ses façons, & il ne manque plus que de l’employer.

On appelle marron dans la fabrication des terres, un morceau d’argille plus dur que se reste de la terre, & qui n’a pas de liaison avec elle. Le marron peut venir de deux causes, soit de l’état où étoit l’argille, lorsqu’on l’a mise à tremper, soit de la maniere dont on l’a marchée.

Lorsque la premiere cause a lieu, faisons une remarque assez singuliere, & qu’il est aisé de vérifier par l’experience. Un morceau d’argille humide a beau tremper, il ne se fond jamais également ; il reste toujours des parties qui n’ont pas été dissoutes : ces parties sont plus dures que le reste de la terre, & voilà le marron. Il est aisé d’éviter cet inconvénient en ne mettant l’argille à fondre que lorsqu’elle est bien seche.

Lorsqu’un morceau d’argille n’a pas été écrasé par les piés des ouvriers, & conséquemment n’a pas reçu le même mélange de ciment que les autres parties de terre ; il reste plus dur, ses parties étant moins maigres, plus cohérantes, & voilà le marron.

Disons un mot de la maniere de marcher la terre, & l’on entendra par-là aisément les moyens d’éviter les marrons. Les ouvriers disposent la terre dans la caisse de maniere qu’il y ait une petite partie de la caisse vuide dans un bout ; ensuite ils portent leur talon chacun dans le milieu de la caisse ; & prenant une portion de terre, ils l’écrasent sous leur talon, & en forment un bourrelet dans le vuide de la caisse ; ramenant leur talon à eux, en faisant la même manœuvre, le bourrelet occupe toute la largeur de la caisse. Ils continuent à écraser la terre & à en former des bourrelets, jusqu’à ce qu’ils soient à l’extrémité de la caisse ; alors s’ils ont été de droite à gauche, ils s’en retournent de gauche à droite, écrasant les bourrelets qu’ils ont faits, & en en faisant de nouveaux, & ainsi de suite jusqu’à parfait mélange du ciment. J’ai raisonné comme s’il n’y avoit que deux ouvriers ; s’il y en avoit davantage, ils n’en agiroient pas moins sur les mêmes principes.

On conçoit très-bien qu’il n’y aura point de marrons, si toutes les parties de terre passent sous le talon des ouvriers ; & pour cet effet. 1°. qu’il n’y ait jamais dans la caisse une quantité d’argille telle que les hommes ne puissent toucher le fond de la caisse ; 2°. que la terre ne soit mouillée qu’autant qu’il le faut, pour que les ouvriers puissent l’écraser ; lorsqu’elle l’est davantage, elle devient glissante, & s’échappe de dessous les piés sans être écrasée ; 3°. que les ouvriers fassent leurs bourrelets petits, en prenant peu de terre à la fois.

Tout ce que nous avons dit jusqu’ici ne touche point à la maniere de chasser l’acide ; sa qualité de sel le rendant miscible à l’eau, on l’expulsera de l’argille en faisant la lotion de cette même argille. Voici la maniere dont certaines personnes s’y sont prises. Ils ont réduit en coulis[2] l’argille sur laquelle ils avoient à opérer, & ensuite l’ont laissé déposer, ont décanté l’eau claire, & en ont remis de nouvelle, avec laquelle ils ont fait un nouveau coulis, & ont répeté cette opération jusqu’à cinq ou six fois. Après ce travail la terre ne peut qu’être exempte de tout acide. Mais combien toutes ces opérations ne rendent-elles pas la fabrication des terres chere & longue ? L’argille détrempée à ce point n’est pas de long-tems en état d’être composée & marchée ; je suis persuadé que six semaines ou deux mois suffiroient à peine pour mettre une battée[3] nécessaire & requise ; conséquemment pour préparer les terres absolument nécessaires, il faudroit des bâtimens inouis, une main-d’œuvre prodigieuse & des frais immenses.

Il me semble qu’il suffiroit de faire passer l’argille par deux ou trois eaux, sans en faire de coulis ; il faut au contraire, par les raisons énoncées ci-dessus, l’éviter autant qu’il est possible ; on y parviendra, en versant l’eau doucement, la faisant même passer au-travers d’un tamis pour qu’elle ne tombe pas toute au même point ; par ce moyen on ne causera aucune agitation dans la terre, & on ne lui donnera pas la moindre disposition à faire du coulis ; car on sait par expérience qu’on ne peut faire du coulis qu’en remuant & agitant la terre après qu’elle est fondue. La moindre quantité de terre dans la plus grande d’eau, tant qu’elle ne seroit pas agitée, ne feroit rien de plus que se fondre, & n’en deviendroit guere plus molle. On ne répandra donc sur la terre que l’eau qu’il faudra pour la couvrir en entier. Lorsque l’eau y aura passé un certain tems, on la décantera, & on y en mettra d’autre qu’on décantera encore ; & lorsqu’on aura fait deux ou trois fois cette opération, la terre sera encore dans un état propre à recevoir le ciment & à être marchée.

Lorsque l’on a à travailler de la terre remplie de pirites, on les sépare très-bien, en réduisant la terre en coulis. Les pirites se déposent au fond, & on décante le coulis dans d’autres vases où on le laisse déposer. Quoique cette opération entraîne, comme nous l’avons dit, à de grands frais, dans le cas où elle seroit absolument indispensable, on la rendroit beaucoup moins couteuse, en la faisant en très grand, c’est-à-dire, réduisant à la fois & dans le même vaisseau, grande quantité de terre en coulis, & se mettant toujours en avance de terre prête à marcher, de coulis à même de sécher, de coulis fait, & de terre prête à réduire en coulis.

La construction des fours de fusion & la fabrication des pots. Rien n’a été plus arbitraire jusqu’aujourd’hui que la maniere de faire des fours, & la forme qui leur est convenable. Chacun s’en rapporte sur cela aux idées vraies ou fausses qu’il s’est faites. Plusieurs croyent que la forme est assez indifférente quant à la chaleur ; & leur raison est que le four étant un milieu de feu, il est peu important de quelle forme soit ce milieu, pourvû qu’il soit milieu de feu, & puisque d’ailleurs il paroit naturel de penser que l’on peut porter tout espace soit quarré, soit rond, soit oblong, &c. à un même degré de chaleur. Cet avis ne seroit pas le mien ; je serois plus porté à croire qu’en réunissant tous les objets, c’est-à-dire la forme du four & la disposition des courans d’air, on feroit de meilleur ouvrage, & on devroit s’attendre à un plus heureux succès.

J’ai, en traitant des fours, deux choses à détailler : 1°. la maniere de les construire quant à la main-d’œuvre & à l’emploi des matériaux ; 2°. la forme qu’on a coutume de leur donner.

Il y a nombre de moyens pratiquables pour parvenir à la construction d’un four ; faire des briques ordinaires avec la terre préparée, comme nous l’avons dit ci-dessus, les laisser sécher, & les faire cuire, après quoi on bâtit le four : ce seroit, on le sent, très-possible ; mais 1°. il seroit à craindre que la liaison qu’on mettroit entre les briques, ne supportât pas l’action du feu, comme les briques elles-mêmes, & que ces mortiers, en prenant retraite, ne laissassent les joints trop considérables ; alors lorsque la surface des briques viendroit à se vitrifier, chaque coin seroit une source de larmes, & il en pleuvroit dans le fourneau ; 2°. la retraite des mortiers nuiroit à la solidité de l’ouvrage, en dérangeant la liaison des briques ; 3°. les paremens des briques étant autant de surfaces droites, dérangeroient l’exactitude de la courbe, qu’on donneroit pour forme au four ; en outre, si l’on se trompoit dans la construction, il ne seroit possible de rectifier son ouvrage qu’en le recommençant. On éviteroit une grande partie de ces desagrémens, en employant l’argille molle, ayant seulement la dureté & la consistence nécessaires pour la rendre propre à être travaillée. Lorsque le four seroit parachevé, s’il y avoit des parties trop surbaissées, on en seroit quitte en coupant les portions excédentes, au lieu de démolir ; tout comme s’il y avoit des parties trop élevées, en ajoutant de la terre également molle, on pourroit remédier au deficit.

Il y a des maîtres de verrerie qui se contentent dans leurs constructions de se faire apporter la terre en tas auprès d’eux, en prenant des portions qu’ils roulent dans leurs mains, & dont ils font des especes de saucissons connus sous le nom de patons, environ de cinq à six pouces de diametre sur un pié de long, & donnent à leur four la forme qu’ils veulent, en mettant ces patons les uns sur les autres, ou à côté des autres, selon le besoin, & les unissant par la compression. Une attention essentielle qu’ils doivent avoir, c’est de poser leurs patons, d’abord par un bout, & de les appliquer ensuite successivement d’un bout à l’autre, en appuyant depuis le commencement de l opération jusqu’à la fin. On met en pratique cette façon de faire, dans la vue de chasser l’air, qui ne manqueroit pas de se loger entre les patons, si on les appliquoit les uns sur les autres immédiatement & sans précaution, & qui outre qu’il gêneroit, comme intermede, l’union des parties du four, pourroit nuire par sa dilatation lorsqu’il sentiroit l’action du feu.

Voici une autre maniere de bâtir les fours bien plus commode & bien plus en usage. Moulez votre terre en tuiles[4] d’échantillons propres à chaque partie du four, & qui soient distinguées par le nom de chacune de ces parties. Lorsque ces tuiles sont à un degré de dureté, tel que l’on puisse les rabattre sans les écraser, c’est-à-dire, qu’elles sont mi-seches, on les emploie.

On commence par bien nettoyer la place où on a à les poser ; ensuite on la mouille avec du coulis, qui sert de mortier dans toute cette bâtisse : après quoi on pose la tuile, non sans l’avoir raclée avec soin dans tous ses paremens pour éviter les saletés & les corps étrangers, ainsi qu’une surface un peu trop seche qui empecheroit la tuile de bien s’unir avec le reste de la maçonnerie. La tuile posée, on l’assure & on l’arrange en sa place par de légers coups de batte[5]. Lorsque l’on a une assise de tuiles déposée, on en forme une seconde par-dessus, après avoir ratissé les nouvelles tuiles, mouillé le lieu où l’on a à les placer, avec un balai trempé dans le coulis. On rebat avec un peu de force la seconde assise pour l’unir à la premiere, & ainsi de suite jusqu’à l’entiere confection du fourneau.

Lorsque le four est fini, on coupe les bavûres des tuiles, c’est-à-dire les parties de la terre que la pression de la batte auroit forcé de déborder ; si l’on retroussoit ces mêmes parties sur les parois du four, elles ne pourroient jamais s’unir assez immédiatement auxdits parois, pour ne pas se détacher, & devenir une source de pierres.

L’instrument avec lequel on recoupe les parties du four, qui en ont besoin, s’appelle gouge. C’est un outil de fer d’environ deux piés de manche, pour pouvoir le tenir à deux mains, & travailler avec force. Au bout du manche se trouve une petite plaque de fer quarrée, qui est vraiment la gouge ; elle a environ trois à quatre pouces de large sur à-peu-près autant de long, & elle est armée d’un tranchant aceré. La gouge peut être plate ou ronde. La plate sert à recouper les endroits étendus en surface, & est terminée par ses deux côtés par un rebord de trois à quatre lignes. La ronde sert à recouper dans les lieux concaves ; on enleve par son moyen de plus petites ou de plus grandes parties, comme les circonstances l’exigent, par la propriété qu’elle a de ne toucher la surface à recouper, qu’en un nombre de points tel qu’on le veut, & suivant le besoin. La figure donnera tous les éclaircissemens desirables sur la forme des gouges. Voyez les Pl. & leur explic. Pl. V. G g.

Si on est obligé d’interrompre la construction d’un four, lorsqu’on la reprend, il est prudent de racler les surfaces de l’ouvrage déja fait antérieurement, & de les humecter, pour qu’elles puissent s’unir avec les tuiles plus humides qu’elles, qu’on y appliqueroit.

Lorsqu’un four est totalement construit & recoupé, il faut être incessamment occupé à le rebattre, pour prévenir les gersures, en resserrant les parties de l’argille à mesure qu’elles se séparent ; pour augmenter de plus en plus l’union des parties en les rapprochant, & enfin pour hâter la sécheresse. On ne voit pas au premier coup d’œil le quomodò de ce troisieme avantage ; cependant si l’on veut y réfléchir, on sentira bientôt qu’un corps ne se desseche que par la dissipation des parties humides. Ces parties, en se dissipant, quittent l’intérieur pour se porter à la surface, & le rebattage les chasse, comme la pression chasse l’eau de l’éponge qui la contient. Le rebattage est encore utile, si l’on se trouve en danger de quelque gelée légere, par le mouvement ou il met les parties.

Lorsqu’un four est parfaitement sec, on le recuit & on l’attrempe ; mais ce n’est pas ici le lieu de parler de cette opération.

La grandeur du four & sa capacité sont nécessairement relatives à la mesure des pots qu’il doit contenir, & la mesure des pots l’est au pié sur lequel on veut monter la fabrication. Plus les pots sont grands, plus ils contiennent de matiere & plus on peut fabriquer ; mais aussi plus le four doit être grand. Il est à remarquer qu’il y a certaines mesures que l’on ne doit pas passer, pour la facilité de la chauffe, & pour ne pas augmenter la dépense en bois en plus grande raison que la fabrication. Il y a, par exemple, bien peu ou même point de différence dans l’emploi du bois, entre un four de sept piés & un de huit ; mais si l’on excédoit de beaucoup la mesure ordinaire, on seroit sujet à mécompte, & il seroit à craindre que la chauffe ne fut difficile ; car si l’on mettoit beaucoup de bois à la fois, il charbonneroit, fumeroit & chaufferoit mal ; si l’on en mettoit moins, il se réduiroit en flamme avec trop de précipitation, se dissiperoit trop tôt pour que le tiseur eût le tems d’en remettre de nouveau, & le four seroit en danger de jeûner.

Dans les manufactures qui donnent le plus grand produit, on s’est contenté de faire le géométral des fours, quarré, de huit piés sur chaque face. On voit en A (fig. 1. Pl. VI.) le quarre du four dans les dimensions que nous venons d’indiquer. Le quarré A est formé ordinairement d’une pierre de grès dure, placée sur une fondation solide plus ou moins profonde, suivant la qualité du terrein sur lequel on bâtit. Ce grès 1, 2, 3, 4, doit avoir environ trois piés de large & dix piés de long, pour empiéter d’un pié sous chaque tonnelle B, dont nous donnerons bientôt la description.

Les côtés du grès 1, 2, 3, 4, c’est-à-dire les espaces abde & fghk sont remplis en massif de grès ordinaire travaillé en mortier d’argille pure. Il seroit sans doute meilleur de faire tout le massif du quarré A du four en argille composée de ciment ; le verre qui tombe indispensablement dans le four, corroderoit moins l’âtre ; mais le four seroit incomparablement plus long à sécher & à mettre en état de service.

On voit en B & B (même figure) le géométral d’ouvertures connues sous le nom de tonnelles. On appelle ce géométral communément âtre des tonnelles. L’âtre des tonnelles est ordinairement un peu élevé au-dessus du plan du four, par exemple de quatre pouces, pour que lorsqu’il a coulé du verre dans le four, il n’aille pas aussitôt sur l’âtre des tonnelles, où il gêneroit la chauffe ; car c’est-là que se fait le feu. Les tonnelles sont d’une largeur de trois piés, ceintrées à une pareille élévation. Quant à la longueur fi de la tonnelle, elle suffit à trente pouces. On peut voir en B (fig. 1, 2, Pl. VIII.) les élévations & les ceintres des tonnelles.

Les parois du four ont dix pouces ou un pié d’épaisseur, & s’appellent embassure : si l’on les considere en entier depuis le plan géométral du four, jusqu’au commencement de la couronne. Si on ne les considere que depuis le lieu où sont posés les pots, elles prennent le nom de mormues.

Sur le quarré A du four, s’élevent deux banquettes destinées à poser les vases nécessaires, & qu’on appelle sieges.

Les sieges sont élevés de vingt-huit pouces (comme III, fig. 1 & 2. Pl. VIII.), au-dessus du quarré du four ; la base des sieges est de 45°. de large, la surface sur laquelle posent les pots, d’environ trente pouces, & le siege est terminé par un plan incliné depuis son pié jusqu’à sa surface supérieure. On voit ce talud exprimé en Q (fig. 2. Pl. VI.), ainsi que la base du siege en abse, & sa surface supérieure en abdc. La plus grande largeur du siege, tant à la base qu’au-dessus, est nécessaire pour donner plus de solidité au siege obligé de soutenir un poids considérable, & qui est dans le cas d’être rongé par le verre qui se répand à son pié. Il est, je crois, inutile de dire qu’il y a deux sieges dans le four, l’un de chaque côté, & s’étendant d’une tonnelle à l’autre.

L’espace G qui se trouve entre le pié des deux sieges (fig. 2. Pl. VI.), est dit âtre du four.

On doit donner un peu plus de largeur au siege à la place des cuvettes, parce que deux cuvettes l’une devant l’autre occupent plus d’espace que le fond d’un pot. Il faut aussi échancrer un peu se talud exprime par Q (fig. 2. Pl. VI.), au siege à cuvette, parce que les pots passant par cet endroit, lorsqu’on les met dans le four, l’entre-deux des sieges y doit être relatif au diametre desdits pots.

On appelle en général ouvreau, toutes les ouvertures pratiquées au four pour la facilité du travail. Les quatre représentées en plan en C, C, C, C, (fig. 1. Pl. VI.), & en élévation en C, C, (fig. 1. Pl. VIII.), dont le géométral est à niveau des sieges, s’appellent ouvreaux à cuvettes, parce que c’est par ces ouvertures qu’on introduit dans le four les vases nommés cuvettes, & qu’on les en tire. La largeur des ouvreaux à cuvette, & leur hauteur, sont relatives à la largeur & à la hauteur des cuvettes : comme on leur donne ordinairement seize pouces dans ces deux dimensions, l’ouvreau a environ dix-huit pouces de large ; quant à la hauteur, le milieu de la voute est élevé d’environ vingt à vingt-un pouces au-dessus du siege, & les piés droits ont environ dix huit pouces d’élévation ; la surface plane qui fait le bas des ouvreaux, se peut très-bien distinguer par le nom d’âtre des ouvreaux.

On voit en D E (fig. 1. Pl. VI.) des plaques de fonte destinées à présenter à la cuvette lorsqu’on la tire du four, un chemin ferme, sur lequel elle puisse glisser ; ces plaques prennent depuis l’ouvreau, & sont assez longues pour qu’on puisse mener les cuvettes jusques hors toute la bâtisse du four, afin d’éviter la gêne dans l’emploi des outils.

Les parois du four se montent droits, depuis le siege jusqu’à la hauteur des pots, c’est-à-dire, environ jusqu’à trente ou trente-un pouces, & les angles du four sont sensibles jusqu’à la même élévation. Quelques constructeurs ont imaginé & pratiqué d’arrondir les angles du four, depuis les ouvreaux à cuvette ; mais cette construction ne peut être que nuisible, parce que à moins d’une extrème attention à pousser la cuvette bien avant sur le siege, un de ses coins se trouveroit sous l’arrondissement du coin du four, qui ne pourroit manquer d’y répandre une pluie de larmes.

Lorsque les parois du four sont élevés à la hauteur convenable, c’est là que commence la voute, qu’on appelle communément la couronne ; à la naissance de la couronne, se trouve le bas d’ouvertures connues sous le nom d’ouvreaux d’en-haut, qui suivent dans leur élévation, la courbe de la voute : il y a six ouvreaux d’en-haut, trois au-dessus de chaque siege ; nous ne parlerons que des trois d’un seul côté, ce que nous en dirons devant s’entendre également des trois autres : leur largeur & leur hauteur commune sont d’environ dix pouces ou un pié ; il, sont voutés en plein ceintre. Voyez les ouvreaux d’en haut en coupe horisontale, en O, P, O, (fig. 2. Pl. VI.) Dans la coupe longitudinale du four en O, P, O, (fig. 1. Pl. VIII.) & en élévation extérieure (fig. 2. Pl. VII.), le nom d’ouvreau du milieu que porte P, désigne suffisamment sa place ; il partage le côté du four en deux également ; quelques-uns appellent cet ouvreau, ouvreau à enfourner, tirant ce nom de l’usage qu’ils lui donnent.

Les ouvreaux OO, sont nommés ouvreaux à tréjeter, servant à cette opération, comme nous le dirons par la suite : leur place doit être telle qu’on puisse travailler aisément dans le pot & dans les cuvettes : on voit (fig. 2. Pl. VI.) la maniere dont sont disposés les divers vases sur le siege ; le point du milieu de l’ouvreau O, doit être placé de maniere que si l’on tiroit une ligne de ce point à celui du milieu de l’ouvreau qui est immédiatement vis-à-vis de lui, cette ligne fut tangente à la circonférence du pot M ; par cette disposition, la moitié de l’ouvreau donneroit sur le pot, l’autre moitié au-dessus des cuvettes : or la distance Pb du milieu de l’ouvreau à enfourner, au coin du four = 48 pouces ; le diametre du pot, = 30 pouces ; donc Ob = 18 pouces : il faut donc placer le milieu de l’ouvreau à trejetter, à 18 pouces du coin du four.

A-peu-près à la même hauteur que les ouvreaux d’en-haut, se trouvent quatre ouvertures R, R, R, R, dont on voit le géométral, la direction (fig. 2. Pl. VI.), & l’orifice dans l’intérieur du four (fig. 2. Pl. VIII.), ces ouvertures s’appellent lunettes, & servent à communiquer le feu du fourneau dans les quatre petits fours qui y sont joints, & qu’on nomme arches : les lunettes sont rondes, & ont de quatre à six pouces de diametre ; leur orifice dans le four vû leur direction oblique, se présente en une forme ovale, & a de six à huit pouces de grand diametre ; le point du milieu de l’orifice en dedans du four est environ à dix pouces de la ligne du milieu du four : par cette position, s’il se détachoit de la lunette quelques saletés, comme larmes, pierres, &c. elles tomberoient entre les deux sieges, c’est-à-dire dans un lieu où elles ne pourroient nuire. Quant à l’ouverture de la lunette dans l’arche, rien n’en détermine la place, si ce n’est l’attention qu’on doit faire qu’elle dirige le feu vers le milieu de l’arche, pour que tout l’espace en soit plus uniformément échauffé.

L’élévation du four, depuis le plan géométral jusqu’au point culminant de la voute = 8 piés, comme la largeur & la longueur du four.

Toute l’étendue du four, au-dessus des ouvreaux & des lunettes, est ce qu’on appelle la couronne : rien de plus indéterminé que la courbe que l’on donne à la voute ou couronne ; si l’on parvenoit à connoître celle ABFDE formée par la coupe latitudinale du four, c’est-à-dire, sa section par un plan vertical passant par le milieu des ouvreaux à enfourner (fig. 1.), & celle a b d e f g h (fig. 2.) formée par la coupe du four en long, ou d’une tonnelle à l’autre ; ces deux courbes connues détermineroient la forme de la couronne.

On pourroit faire la forme de la couronne d’un four de fusion, purement circulaire, & alors tout se réduiroit à faire passer un arc de cercle AGHCKIE, par les points A, E, & le point C qui fait l’élévation du four.

Nous avons déja dit quelque chose des larmes qui se détachent de la couronne, & la définition que nous en avons donnée suffit pour faire connoître combien elles peuvent nuire : ces larmes tendent à se détacher de la voute dans une direction verticale : on se débarasseroit d’une grande partie de cet inconvénient, en formant une nouvelle route aux larmes, & s’opposant à leur chute perpendiculaire ; le cercle ne peut remplir cet objet, faisant changer trop souvent de route aux larmes[6], & ne leur présentant une inclination ni assez uniforme, ni assez rapide, pour les déterminer.

Il faut donc nécessairement tracer la courbe de maniere qu’elle fasse mieux le plan incliné. Voici la methode de quelques constructeurs. Ils choisissent un point L sur la ligne du milieu du four (fig 1.), élevé de dix pouces au-dessus des sieges ; au point L ils tracent la ligne MN, tel que ML = LN = dix pouces ; ensuite plaçant le compas en M, du rayon ME, ils tracent l’arc EDF, & du point N, avec le rayon AN, ils tracent l’arc ABF, qui coupe le premier en F ; & ils ont pour la courbe totale de leur couronne ABFDE ; chaque partie ABF, FDE, de la courbe, présente aux larmes qui s’y formeroient une pente plus rapide que la courbe CKIE, puisque FDE approche plus de la ligne verticale OE ; mais la réunion des deux parties de la couronne en F, rendroit la voute plus élevée qu’il ne faudroit, puisque la hauteur est déterminée en C. Pour obvier à cet inconvénient, lorsqu’on est parvenu à une certaine élévation en Q & en R, c’est-à-dire qu’il n’y a plus guere que dix-huit pouces de la couronne à fermer, on ramene les deux parties de la courbe jusqu’à ce qu’elles se joignent en C, & alors il se forme une arrête qu’on voit régner de C en S, c’est à-dire qu’elle va d’une tonnelle à l’autre : elle a de F en C aux environs de trois pouces, diminue à mesure qu’elle approche de la tonnelle, & s’efface entierement vers S ; par ce moyen, les larmes qui se trouvent de Q en E, & de R en A, sont sollicitées à aller vers E & A, par l’inclinaison des plans QDE & RBA, par la force attractive de ces portions de four, sans compter la viscosité des larmes elles-mêmes, qui les retient & combat leur chûte. De R en C, & de Q en C, les larmes sont conduites par l’inclinaison de la voute, jusqu’à l’arrête qui leur sert pour-ainsi dire de gouttiere, & les détermine à tomber entre les deux sieges.

Une difficulté de cette méthode, c’est l’opération de trouver avec exactitude les points M, N, au moyen de la position de la ligne MN. On pourroit obvier à cette difficulté, en prenant des centres remarquables, & qui existassent dans quelque partie du four : par exemple, les bords T, X, des sieges, me paroitroient assez propres à servir de centres. Des points T, X, avec les rayons TA & XE ; tracez les arcs AYZ, & E & Z, qui se coupent en Z qu’est-ce qui empêcheroit de prendre cette nouvelle courbe AYZ & E, pour génératrice d’une couronne du four ? elle s’éleveroit moins au-dessus de la vraie hauteur de four, & conséquemment on seroit moins obligé à en décliner pour former l’arrête en C ; la nouvelle courbe donneroit à la vérité aux larmes une pente moins rapide, mais le plan incliné seroit plus uniforme, C X & E approchant plus de la ligne droite EC, que C Q D I E ; un avantage de plus dans la nouvelle construction, c’est que la capacité du four en est diminuée : on a de moins les figures X D E & x, & yBAYy.

Quant à la courbe formée par la coupe longitudinale, & qu’on voit (fig. 2.), elle n’est pas différente de celle de la figure premiere que nous venons de décrire ; le four ayant toutes ses dimensions égales : seulement en adoptant la derniere courbe dont nous avons parlé, comme les bords des sieges que nous avons pris pour centres, ne se trouvent pas dans cette coupe-ci, où l’on voit un des sieges 1, 2, dans sa longueur : je chercherai pour centre, des points x, t, semblablement posés, c’est-à-dire autant distans du point k, qui fait le milieu du four à cette hauteur, que les points X, T, de la fig. 1. l’étoient du milieu du four. Il sera néanmoins nécessaire, comme il n’y a point d’arrête à former dans cette coupe, de trouver un autre moyen de réduire la voute à la juste hauteur, en l, au lieu du point i, où la réunion des deux parties de la courbe la porteroit : pour cet effet du point k milieu du four comme centre, & de l’ouverture lk, tracez l’arc dlf qui coupe en d & f, les arcs h g i & a b i, & votre couronne réduite à la hauteur donnée, prendra la forme a b d f g h.

Connoissant à présent les diverses parties d’un four, c’est le moment de dire un mot des diverses tuiles qu’on emploie à leur construction. L’embassure se construit ordinairement avec des tuiles quarrées, de dix pouces ou un pié sur chaque face, & environ deux pouces d’épais : on voit le géométral en E, & le perspectif en e du moule de ces tuiles (Pl. IV.). Le pié droit des tonnelles se monte avec des tuiles de vingt pouces sur dix, & deux pouces d’épais ; les tuiles qui servent à former la voute de la tonnelle, ont environ six lignes d’épaisseur de plus à un côté qu’à l’autre, & celles qui font le ceintre des tonnelles ont environ trois pouces d’épais d’un côté, sur un ou un & demi de l’autre : les tuiles de couronne ont dix pouces, ou un pié de long, sur environ six pouces de large en un bout, & environ cinq en l’autre, & environ deux pouces d’épaisseur en un bout, & un & demi en l’autre. Les sieges se font avec des tuiles qu’on pose de champ les unes à côté des autres ; le côté qui pose sur l’âtre a quarante-cinq pouces ; le côté qui joint l’embassure, & qui fait la hauteur de la tuile sur son champ, est de vingt-huit pouces, hauteur du siege, & le côté qui se trouve au haut de la tuile, & qui fait partie de la largeur du siege en sa face supérieure, est de trente pouces, l’épaisseur est de deux pouces : on voit aisément que les dimensions de la tuile de siege, sont relatives à celles qu’on veut donner aux sieges. Voyez Pl. IV. les moules de ces diverses tuiles.

Au reste il est certain qu’avec le même échantillon de tuiles on pourroit construire un four en entier : on n’auroit qu’à les recouper relativement aux lieux où l’on voudroit les placer.

Le siege est la seule partie du four, qu’il y auroit un grand danger à construire avec un autre échantillon que le sien. Il arrive quelquefois que les pots qu’on est dans le cas d’ôter du four, tiennent fortement au siege, par la vitrification du cul du pot, & de la surface du siege : or si le siege étoit composé de tuiles d’embassure, entassées les unes sur les autres, & non de grandes tuiles sur leur champ, il seroit à craindre qu’en faisant effort pour détacher le pot, on n’emportât des morceaux du siege.

Lorsque le four est fini de construire & qu’il est bien sec, on le revêtit d’une nouvelle maçonnerie en briques, soit ordinaires soit blanches[7], tant pour faciliter le service, que pour augmenter la solidité du four & le préserver des injures du dehors.

La maçonnerie lmno (Pl. VI. fig. 1.) en briques ordinaires, qui revêtit le mormue entre les deux ouvreaux à cuvette, a environ vingt pouces d’épaisseur, elle forme un relais lq, ap, d’environ un pouce ou un pouce & demi, comme l’arche en forme un rs, tx, pour donner la facilité de poser la tuile dont nous verrons qu’on bouche l’ouvreau à cuvette. Les côtés ml, no, ne font pas une embrasure droite, en tombant perpendiculairement sur qp, comme feroit la ligne zl ; une telle position ne pourroit manquer de gêner le mouvement des outils qui doivent travailler à l’ouvreau à cuvette ; l’inclinaison des lignes lm, no, n’a d’autre regle qui l’établisse, que l’exacte connoissance que le constructeur doit avoir des outils & de leur usage.

La maçonnerie dont nous venons de parler a deux piés d’élévation en DE (fig. 2. Pl. VII.) : on place à cette hauteur des plaques de fonte qui regnent de G en H ; ces plaques sont fort utiles aux opérations qui se passent aux ouvreaux d’en-haut : elles ont vingt pouces de large, relativement à l’épaisseur de la maçonnerie sur laquelle elles posent, & en leur supposant un pouce, ou un pouce & demi d’épaisseur, il reste encore près de cinq pouces de la plaque à l’ouvreau.

Sur les plaques s’élevent des piliers ou sortes de contreforts : ils me sembleroient assez bien nommés éperons. Je ne leur connois d’autre utilité que de fortifier la maçonnerie : on en voit le géométral en ghik ; & mnol (Pl. VII. fig. 2.) & l’élévation en IK, LM (Pl. VII. fig. 2.). Quant à la place des éperons, les points k, m (Pl. VI. fig. 2.), sont déterminés par les relais qk, mr, qu’on doit laisser assez grands pour placer avec facilité la piece dont nous verrons qu’on ferme l’ouvreau ; les côtés kg, ml, des éperons, sont perpendiculaires au côté du four, parce que les outils que l’on emploie par l’ouvreau P, n’ayant pas besoin de grands mouvemens, peuvent se passer de l’espace qu’on se procureroit, en écartant davantage l’un de l’autre les points l, g. Il n’en est pas de même des ouvreaux à trejetter O, comme on a à y manier des outils qui demandent du mouvement, on incline la ligne hi pour avoir l’embrasure hs plus évasée : le point i est déterminé par la longueur qu’on doit donner à la ligne 1 &, comme le point k l’a été par la ligne kq ; au reste les éperons s’avancent jusqu’à environ quatre à cinq pouces du bord des plaques, & ont environ quatre pouces de largeur en g h, o l ; l’élévation des éperons est déterminée par l’élévation du revêtement de la couronne, qui l’est par la hauteur des arches, dans la vue que le dessus du four & celui des arches fassent une planimétrie.

Communément le dessus du four est tel, qu’une perpendiculaire abaissée de l’avancement cd (fig. 2. Pl. VIII.) tombe sur le bord de la plaque ; & conséquemment s’avance plus que les ouvreaux, de la même quantité que le bord extérieur de la plaque : on appelle cet avancement sourcilier[8], & on le garnit de tôle, qu’on charge de mortier d’argille commune, mêlée de foin, qu’on appelle communément torchis. On voit par-là que l’éperon prenant à quatre ou cinq pouces du bord des plaques, doit laisser faillir le sourcilier d’environ quatre ou cinq pouces ; le sourcilier est élevé d’environ neuf piés & demi au-dessus de l’aire de la halle.

Depuis l’ouvreau on gagne le sourcillier, par un plan incliné, exprimé en coupe par ef (fig. 2. Pl. VIII.) & une élévation par e f, e f, e f (fig. 2. Pl. VII.), ce plan incliné est confondu dans la nomination sourcilier ; mais comme je crois intéressant de donner des noms différens aux différentes parties d’un tout, j’appellerai dans la suite ce plan incliné talud. On peut faire l’éperon & le talud en terre à four, dans les lieux touchés immédiatement par la flamn e ; quant au surplus, rien n’empêche de le bâtir en briques ordinaires.

On revétit la couronne du four d’une seconde calotte, appliquée immédiatement sur la couronne, construite de briques blanches & de mortier d’argille ; cette seconde calotte s’appelle chemise : au-dessus de la chemise on fait simplement un massif ordinaire, qu’on éleve jusqu’à la hauteur des arches, & qu’on couvre de torchis.

Pieces de four. Lorsqu’on chauffe le four, on est obligé de boucher les ouvreaux, en tout ou en partie, suivant le besoin. Le trop grand nombre d’ouvertures & leur grandeur ne pourroient que refroidir le four & le rendre difficile à échauffer. Les ouvreaux à cuvette, qui sont les plus grands, & qui seroient par cette raison les plus nuisibles, sont fermés en total & hermétiquement, c’est-à-dire margés, au moyen d’une tuile cuite composée d’argille & de ciment, dite d’ouvreau à cuvette ; la tuile a vingt ou vingt-un pouces de large, & environ trois pouces de ceintre, ce qui lui donne environ vingt-quatre pouces de hauteur. On peut en voir le moule (Pl. X. fig. 8.) & le géométral (Pl. VIII. fig. t.) la tuile se po se contre l’ouvreau, & pour empêcher totalement la flamme de passer entre la tuile & les piés droits de l’ouvreau, on garnit cet espace de torches ou mélange de foin & de mortier roulé sur terre, en forme de saucissons[9].

Les ouvreaux d’enhaut ne sont jamais margés ; ils servent de soupiraux & établissent le courant d’air ; mais il ne faut pas s’imaginer que l’on les laisse totalement ouverts ; dans ce cas le volume d’air extérieur qui donneroit à l’ouvreau étant trop considérable par rapport à celui qui pousse la flamme dans le four par la tonnelle(disposée comme elle doit être pour chauffer), le combattroit & se feroit passage dans le four, qu’il ne manqueroit pas de refroidir. Pour obvier à cet inconvénient, on bouche les ouvreaux en partie avec des pieces qu’on y applique ; on en a de plus ou moins grandes, suivant que l’on desire plus ou moins d’ouverture. Lorsqu’on veut faire des soupiraux capables de produire un grand feu, on applique aux ouvreaux des pieces de dix à douze pouces de large, sur autant de long, dont on peut voir le moule (fig. 10. ou 11. Pl. X.) & le géométral (fig. t Pl. VIII.) & on les appelle simplement tuiles. Lorsqu’on ne fait plus de feu & qu’il ne s’agit que de fermer passage à l’air extérieur pour conserver la chaleur qui est déjà dans le four, & empêcher sa diminution trop précipitée ; on met au-lieu de la tuile une piece de douze ou treize pouces de large, sur autant de long, qu’on appelle plateau ; on peut en voir le géométral (Pl. VIII. fig. p) & le moule (fig. 9. Pl. X.) Les pieces d’ouvreau d’en-haut sont percées d’un seul trou, dans lequel on passe un instrument de fer, d’environ quatre piés de long, qu’on nomme ferret, lorsqu’on veut boucher ou déboucher les ouvreaux. Voyez les diverses sortes de ferrets, Pl. XVIII, en A B, C D. Un seul trou suffit pour ces pieces, leur poids n’étant pas aussi considérable que celui des tuiles des ouvreaux à cuvettes. C’est sous les tonnelles qu’on fait le feu ; mais comme ces ouvertures sont les plus considérables d’un four, il est d’autant plus essentiel de les diminuer, pour s’opposer à l’accès de l’air extérieur & au refroidissement.

La tonnelle disposée pour la chauffe prend le nom de glaie, & les pieces qui composent la glaie s’appellent pieces de glaie. Pour faire la glaie (fig. 3. Pl. VIII.) on prend le milieu de la tonnelle, & de ce milieu prenant huit pouces de chaque côté en li & ii, on place bien à plomb deux pieces Jnommées joues, ayant quatre pouces de large, quatre pouces d’épais, & seize pouces de long. Voyez les joues à part en E, E, même Pl.) & leur moule, Pl. X. fig. 5. sur les deux joues, on place une piece C, de quatre pouces de large, sur quatre pouces d’épaisseur, & vingt-quatre pouces de long, qu’on nomme chevalet, & qu’on peut voir à part même Pl. en e, & son moule Pl. X. fig. 7. ce qui forme une ouverture quarrée de seize pouces sur chaque face, que nous appellons grand trou de la glaie ou bas de la glaie. Au milieu du chevalet on forme un trou T, de quatre pouces quarrés, par lequel on jette le bois, & qu’on appelle par cette raison tisar. Le bas de la glaie est divisé en deux par une piece S, qu’on appelle chio ; on peut le voir à part en S (même planche), & son moule Pl. X. fig. 6. Le chio a quatre pouces d’épais, & environ dix-sept pouces de 1 en 2, sur autant de 3 en 4 ; on le pose devant le grand trou de la glaie, & on l’unit au chevalet & aux joues avec du mortier. Le chio est percé d’un trou pour le prendre avec le ferret. Lorsqu’on a besoin de boucher les ouvertures formées par le chio, on en vient à bout au moyen de deux pieces de fonte M, M, qu’on peut voir à part en m, m[10] même planche. Tout le reste de la glaie, depuis les joues jusqu’au pié droit de la tonnelle, & depuis le tisar jusqu’au ceintre, est bâti en briques ordinaires ou en morceaux d’échantillon de quatre pouces de large sur autant de long. Il est, je crois, inutile de dire, que les pieces tant de la glaie que des ouvreaux sont en terre à four ; on peut voir à côté de la fig. 3. Pl. VIII. le géométral de la glaie.

Je ne parlerai pas de la construction des fours de glacerie propres à être chauffés en charbon ; je ne connois pas de manufactures de cette espece qui emploie cette sorte de chauffe ; mais d’autres verreries chauffent bien en charbon, leurs fours sont connus, & si l’on étoit obligé de chauffer de même pour faire des glaces, on pourroit imiter leur construction en les adaptant aux manœuvres de la glacerie.

Nous avons déjà eu occasion de parler des arches F, F, F, F, (Pl. VI.fig. 1.) c’est ici le lieu d’en dire quelque chose de plus détaillé. Des quatre arches, trois sont destinées à y recuire les pots & les cuvettes, & la quatrieme à y conserver une certaine quantité de matiere prête à être enfournée dans les pots. C’est d’après ces différens usages que l’on doit regler la forme des arches & diriger leur construction. Les côtés ac, de des arches sont divergens entr’eux, tellement qu’il y a environ quarante-quatre pouces de a en d, tandis que ce= 7 piés . Cette divergence existe dans la vûe de faciliter les mouvemens des grands outils, que nous détaillerons par la suite en parlant des diverses opérations.

Lorsque l’on ne veut mettre que trois pots dans les arches, il suffit de faire ac = 8 piés ou 8 piés & demi. Quant aux côtés cf, on pourroit le faire parallele aux côtés dg du four ; mais dans ce cas on rendroit les arches trop grandes, sans rien ajouter à leur capacité intérieure. On pourroit changer cf en ch, de maniere que ch fût perpendiculaire à ac ; mais il est visible qu’on perdroit beaucoup de la capacité de l’arche. Pour prévenir, autant qu’il est possible, les inconvéniens des positions cf, ch, prenons-en une moyenne c g. Si vous voulez savoir la longueur de cg, disposez dans une place unie ou sur un papier, au moyen d’une échelle, disposez, dis-je, trois fonds de pot, de maniere qu’ils tiennent le moins de place possible, sans cependant qu’on puisse être gêné. Figurez votre arche relativement à l’espace nécessaire aux pots, aux épaisseurs des murs, & à la largeur de la gueule, & vous trouverez cg = 9 piés ou environ. La courbe que prend le côté xg est reglée par l’espace nécessaire aux outils qui travaillent aux ouvreaux à cuvettes

Pour donner moins de largeur aux arches, on pratique le plan coupé il, qui diminue de lg le côté c g.

On monte les arches jusqu’à la hauteur d’environ trente pouces, en massif, qu’on peut construire sans inconvénient en pierres à bâtir ordinaires. A cette élévation de trente pouces se trouve le pavé de l’arche qu’on fait en briques ordinaires sur leur plat. La forme intérieure de l’arche est reglée par l’emplacement des trois fonds de pot, 4, 4, 4 (Pl. VI. fig. 2.)

On laisse au-devant des arches à pots une ouverture dont on voit le géométral en F (Pl. VI. fig. 2.) & l’élévation en F (Pl. VII. fig. 3.) Cette ouverture s’appelle gueule de l’arche. & sert au passage des pots, soit pour les mettre dans l’arche, soit pour les en tirer : elle a environ quarante-deux pouces de large sur autant d’élévation, & est voutée en ceintre très surbaissé.

La gueule de l’arche est fermée par une porte de tôle, communément appellée ferrasse de l’arche, qui s’abaisse sur la gueule au moyen d’un boulon ab (fig. 3. Pl. VII.) autour duquel la ferrasse tourne comme sur une charnier. Lorsqu’on veut ouvrir l’arche, la ferrasse est retenue dans la position horisontale par un crochet fixé pour cet effet aux bois de la roue, lieu au-dessus du four pour sécher le bois, dont nous allons bien-tôt donner la description.

Sur le même plan que les gueules des arches se trouve une ouverture S (Pl. VI. fig. 2.) connue sous le nom de bonnard. Le bonnard n’a d’autre usage que de servir de tisar pour chauffer les arches, lors de la recuisson. Nous avons déjà eu occasion de dire, que le feu du four communiquoit dans les arches au moyen des lunettes R ; mais il ne seroit pas assez fort pour terminer la recuisson, & on y ajoute par la chauffe des bonnards. Le bonnard a environ dix pouces de large & dix pouces d’élévation, vouté à plein ceintre, fig. 2. Pl. VII.

On sépare le lieu où va le bois qu’on jette par le bonnard, du reste de l’intérieur de l’arche, par un petit mur 5, 6, appellé clair-vote, épais de quatre pouces, & bâti de briques arrangées comme on le voit en je, à côté de la fig. 2. Pl. VI.

L’élévation de la voute de l’arche est d’environ cinquante deux pouces, & les piés droits d’environ trente ou trente-deux.

Il y a quelque différence entre l’arche à matiere & celle à pots. Dans la premiere il n’y a point de bonnard, la gueule suffit à vingt pouces de large, n’étant destinée à passer que des pelles.

Il est mieux de paver l’arche à matiere en fonte qu’en briques, à cause des parties de celles-ci qui pourroient se détacher. La lunette qui communique le feu du four dans cette arche, est un peu moins large que celle des arches à pots, ne servant qu’à tenir les matieres seches ; or pour être dans cet état elles ont besoin de beaucoup moins de feu que les pots pour recuire.

L’arche à matiere se ferme par une plaque de tôle posée sur des gonds. Au-dessus de la porte est une petite cheminée d’environ quatre pouces quarrés, qui, faisant courant d’air, donne de l’action au feu de la lunette, & sert de sortie aux fumées qui pourroient en venir.

Les arches sont construites en briques ordinaires ; l’épaisseur de leurs parois n’a rien qui la regle que la solidité de la bâtisse.

Au-dessus de la voute de l’arche on éleve un massif qui donne pour hauteur totale environ neuf piés & demi ; on couvre le dessus des arches de torchis comme le dessus du four.

Tout ce que nous avons dit jusqu’ici prouve, que l’air de la halle étant au niveau des ouvreaux à cuvette, doit être plus haute que le bas de la glaie ou l’âtre des tonnelles, de toute la hauteur des siéges. Il faut s’attacher à rendre cette pente la plus douce qu’on peut, depuis le devant des arches, pour faciliter l’usage des instrumens à roues, qu’on emploie dans ce lieu.

Les arches sont réunies par une voute cde (fig. 3. Pl. VII.) qui étant élevée d’environ quatre piés au-dessus du ceintre de la tonnelle, suit la pente du terrein. On remarque en fg au-devant de la voute cde, une espece de sourcilier qui n’est pas d’une utilité assez marquée pour qu’on ne pût bien s’en passer. Le dessous de la voute que nous venons de décrire, l’entre-deux des arches, est connu sous le nom de glaie, qui appartient proprement, comme nous l’avons dit, à la bâtisse dont on ferme la tonnelle ; pour éviter l’équivoque & distinguer les divers lieux par divers noms ; j’appellerai celui-ci antre du tiseur.

Au-dessus du four & de ses arches est un lieu qu’on appelle la roue ; c’est un assemblage de pieces de charpente (Pl. IX.) disposc par l’intervalle des chevrons qui le composent, à recevoir le bois dont on chauffe le four, & destiné à l’y faire sécher.

La longueur de la roue est déterminée & est relative à l’emplacement qu’on a, vis-à-vis de chaque glaie. Quant à la largeur, elle est déterminée par celle du four. Il ne faut pas que la roue avance trop au-dessus des ouvreaux, le feu pourroit y prendre. Les extrémités de la roue sont soutenues par des chevalets représentés en face en BB, BB (Pl. III. fig. 1.) & en profil en H, H (fig. 2. même Pl.) Des cubes D de dix huit pouces sur chaque dimension, supportent la roue, sur le dessus du four & des arches. On éleve les pilles de bois sur la roue jusqu’à la hauteur d’environ sept ou huit piés ; un chemin ABCD regne d’un bout à l’autre de la roue, & donne la commodité de la charger.

Chaque partie de la roue a sa dénomination particuliere. On appelle devantures, les parties qui sont au-dessus des ouvreaux, coin ce qui se trouve au-dessus des arches, & culée ce qui est compris depuis le devant des arches jusqu’au chevalet de la roue.

Le four construit, la fabrication des vases nécessaires est le premier objet qui se présente. On connoit dans l’art de couler des glaces deux sortes de vases, savoir les pots ou creusets & les cuvettes. Les pots servent à contenir le verre pendant sa fusion, & pendant qu’il se met dans l’état de finesse où il doit être pour en former des glaces ; les cuvettes sont des creusets portatifs, où l’on transvase le verre prêt à être travaillé, pour pouvoir le tirer du four avec facilité.

Les pots des glaciers sont des cônes tronqués & renversés. La grandeur du pot est relative, comme nous l’avons dejà dit, au pié sur lequel on veut monter la fabrication. Celle-ci peut être assez avantageuse avec des pots de vingt-huit ou trente pouces de diametre en-bas, de trente ou trente-deux pouces de diametre en-haut, & d’environ trente pouces d’élévation : l’épaisseur est d’environ trois pouces dans le cul, & de deux pouces dans la fleche.[11]

Il y a deux manieres de faire des pots, en moule ou à la main. Dans les deux méthodes on commence par former le cul du pot sur un plan B, assez semblable à un rond de tonneau, qu’on appelle fonceau. Le fonceau est cloué sur une espece de civiere pour pouvoir le manier avec aisance (Pl. V. B.) Quant a son diametre, il est reglé par celui qu’on veut donner au cul du pot.

Pour former le cul du pot, on jette la terre sur le fonceau avec force, pour qu’il ne reste aucun vuide entre le fonceau & le cul du pot. On passe & repasse plusieurs fois les ongles & le dessus des doigts sur la terre, dans la vue d’en approcher les parties, de la rendre plus compacte, sur-tout de donner passage aux particules d’air qui seroient restées engagées dans la terre, & qui ne pourroient que nuire comme corps étranger, & comme corps susceptible de dilatation.

Lorsque le cul du pot est fait dans l’épaisseur convenable, si on veut le monter en moule, on pose sur le fonceau le moule A, Pl. V. qui n’est autre chose que des douves de tonneau, reliées en-haut & en-bas de deux cercles de fer léger qui les retiennent. Le moule se ferme & s’ouvre au moyen d’une charniere, & tient fermé par deux clavettes exprimées dans la figure. On sent très-bien que le moule doit avoir de dedans en-dedans la mesure que l’on veut donner au pot de dehors en-dehors.

Lorsque le moule est placé, le potier presse les bords du cul du pot jusqu’à ce que la terre touche le moule : c’est cette opération qui fait l’union du cul du pot à sa fleche, & qui forme le jable[12]. Le potier prend ensuite de la terre, dont il forme des patons, il pose ses patons tout-autour du moule avec les mêmes précautions que nous avons indiquées en parlant des constructions de four. Sur cette premiere assise, il en pose une seconde, & ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il ait atteint le haut du moule, instant où le pot est fin. Alors le potier n’est occupé qu’à l’unir en-dedans, on ôtant avec le doigt les parties qui débordent, & passant dessus la main mouillée. L’ouvrier doit pour la solidité de son ouvrage appuyer de son mieux ses patons, tant sur ceux d’au-dessous que contre le moule. La maniere dont il pose ses patons est encore pour lui un sujet de grande attention ; il ne doit pas les poser, stratum super stratum, mais de maniere qu’en approchant du moule ils fassent la lame de couteau. Le paton supérieur fera la moitié de l’épaisseur, tandis que l’autre moitié sera formée par le paton inférieur : leur profil sera cbd celui du paton inférieur, & abc celui du supérieur. Il y aura, ce me semble, plus de liaison de cette façon que si les patons ne faisoient que poser l’un sur l’autre, comme a b c d, c d e f.

Le potier à la main agit comme le potier en moule, avec la différence que n’ayant rien qui appuie son ouvrage, comme le potier en moule, il est obligé de travailler sa terre un peu plus dure. S’il apperçoit que la terre soit un peu trop molle, il la laisse raffermir, & discontinue son travail. En commençant un pot, il place le fonceau sur un escabeau dans la vue de hausser son ouvrage, & de travailler plus à son aise, & il baisse l’escabeau à mesure qu’il éleve son pot.

Le potier à la main en posant son paton met la main gauche en-dedans du pot. Elle lui sert d’un point d’appui, au moyen duquel il est en état de serrer les parties de son pot, & de lui donner autant de consistance & de densité qu’un potier en moule.

Les cuvettes sont des vases quarrés : elles sont dans le même cas que les pots, on les fait de même en moule ou a la main. Les moules à cuvettes ne sont autre chose que quatre planches quarrées qui s’assemblent à mortaises, Pl. V. fig. C, D.

La grandeur des cuvettes dépend de la capacité des pots & du nombre des cuvettes, qu’on veut que contienne chaque pot. Il seroit aisé de déterminer géométriquement la capacité des pots, & par-là même les dimensions des cuvettes. Mais si on suivoit en cela l’exactitude géométrique, on seroit en danger d’errer dans pratique. Le verre étant une matiere visqueuse & gluante, il s’en attache autour du pot en tréjettant, une certaine quantité qui est assez long-tems à couler jusqu’au fond du pot pour faire défaut dans l’opération. L’expérience nous apprend qu’un pot tel que nous les avons déja décrits, contient six cuvettes de seize pouces sur chaque face de dehors en-dehors, & seulement trois de vingt-six sur seize : on voit le moule de la premiere en C, & celui de la seconde en D, Pl. V.

La manutention pratiquée pour faire des cuvettes est la même que pour faire des pots. On forme seulement les coins de la cuvette qui doivent être des angles droits, avec une petite équerre de fer qu’on passe intérieurement de bas en-haut. Les cuvettes n’ont pas besoin d’une aussi grande épaisseur que les pots.

Les pots & les cuvettes en séchant se détachent du moule ; & lorsqu’ils en sont parfaitement détachés, on démonte le moule, ce qu’on appelle démouler les pots & les cuvettes. Lorsque la cuvette est démoulée, on forme avec de la terre qu’on y applique dans sa longueur & au milieu de sa hauteur deux feuillures d’environ 2 pouces de large, & six lignes de profondeur. On détermine ces deux dimensions au moyen d’une regle qu’on pose au côté de la cuvette, & autour de laquelle le potier place sa terre. Ces deux coulisses sont connues sous le nom de ceintures des cuvettes, & servent à les prendre avec les outils que nous décrirons dans la suite.

On doit avoir le soin de rebattre les pots & les cuvettes, jusqu’à ce que la terre devienne trop dure pour céder à l’action de la batte. On voit en E, E, E, F, les diverses sortes de battes dont on se sert.

On doit avoir le plus grand soin de procurer aux pots & aux cuvettes un desséchement égal, & point trop précipité : l’humidité contenue dans la terre ne pourroit se dissiper si promptement, sans occasionner des gerçures. Je ne sache pas d’autre précaution a prendre pour parvenir à ce but, que de tenir les pots & les cuvettes dans un lieu assez chaud, pour éviter la gelée dans les saisons qui pourroient en faire courir le danger ; assez renfermé pour être à l’abri des coups de vent, & tel qu’on n’ait pas à y craindre le hâle de l’été. Le desséchement est à la vérité long dans de tels endroits, mais il y est presque sur : lorsque les pots & les cuvettes son bien secs, on coupe extérieurement l’angle que forme la jonction du fond & de la fleche, pour donner prise aux pinces avec lesquelles on remue quelquefois ces vases, ce qu’on appelle chanfreindre les pots & les cuvettes.

De la recuisson & l’attrempage des fours & des creusets. Un four, quelque forme qu’on lui donne, ne sauroit être employé sans préparation, & cette préparation consiste à l’amener par degrés, pour ainsi dire, insensibles au degré de chaleur qu’il doit subir dans son travail. Si l’on exposoit tout-à-coup un four à l’action d’un feu violent, cette seule conduite seroit une raison suffisante pour sa destruction, l’humidité renfermée dans l’argille ne manqueroit pas de faire des ravages d’autant plus considérables que le feu seroit plus fort : les parties du four étant exposées trop précipitamment au feu, éclateroient plutôt que d’obéir à son action ; & par toutes ces raisons, la solidité en seroit non-seulement exposée, mais indubitablement anéantie. Cette action d’amener le four par une chaleur graduée au point où il doit être, est ce qu’on appelle attrempage & recuisson d’un four.

On confond souvent dans le langage ordinaire attrempage & recuisson ; je ne crois cependant pas qu’attremper & recuire soient synonymes. Il me semble qu’attremper exprime l’opération de monter peu-à-peu & avec ménagement la chaleur du four, & que recuire est chauffer quelque tems avec le dernier degré de feu, pour achever de faire prendre au four la retraite dont il est susceptible. Selon ma définition, la recuisson seroit la suite de l’attrempage, l’attrempage à son plus haut degré, en un mot, la perfection & le point définitif de l’attrempage.

On ne sauroit prudemment exposer un four à l’attrempage, sans qu’il soit aussi sec que l’air extérieur peut le sécher à lui seul. Il seroit dans cet état bien moins susceptible des ravages de l’humidité, en contenant beaucoup moins, & celle qui y étoit s’étant évaporée fort lentement.

Il est cependant très-difficile d’avoir un four à ce degré de sécheresse, parce que vu l’épaisseur de sa masse, je suis convaincu qu’un an suffiroit à peine pour le dessécher au point nécessaire à l’attrempage, encore faudroit-il qu’il fut bâti dans un lieu bien sec, sur des fondations bien exemptes d’humidité, & qu’on travaillât sous un climat favorable ; car il est clair que toutes ces choses entrent en compte dans les conditions du desséchement d’un four.

On peut dessécher un four artificiellement d’une maniere aussi sûre & bien plus prompte, mais on doit avoir attention de faire long tems à une distance de lui un feu peu violent, & dont il ne reçoive de chaleur, pour ainsi dire, que celle de la fumée. On sent par les dangers qu’on courroit, en faisant trop de feu, jusqu’à quel point il faut porter le ménagement & le scrupule dans ce desséchement artificiel.

On peut commencer à allumer le feu, dont nous venons de parler, vis-à-vis des deux tonnelles un mois ou six semaines après son entiere confection, & alors un intervalle de trois ou quatre mois suffit, depuis la construction finie jusqu’à la fin de la recuisson. On peut compter, si l’on veut, le tems du desséchement artificiel dans l’attrempage, & alors on sera environ deux mois à attremper ou recuire. Si on avoit à attremper un four bien sec, un attrempage bien soigné pourroit durer une douzaine ou une quinzaine de jours ; sa recuisson parfaite seroit l’affaire de cinq ou six jours de plus, & on auroit son four recuit dans les environs de trois semaines.

Voici comme on s’y prend ordinairement pour conduire le feu avec gradation lors de l’attrempage, en supposant le four bien sec. On allume d’abord le feu à l’entrée de deux autres, & même en-dehors avec du gros bois. Après l’avoir laissé long-tems en cet endroit, pour que le four en ait été autant échauffé qu’il est possible qu’un tel feu l’échauffe à cette distance, on l’approche un peu davantage de la tonnelle, & on le laisse en sa nouvelle place encore un certain tems. On l’approche de nouveau, & ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il soit sous la tonnelle, c’est-à-dire dans l’intérieur même du four. On chauffe sous la tonnelle toute ouverte encore quelque tems avec du gros bois : après quoi on fait la glaie ; mais on chauffe sans mettre le chio par le bas de la glaie, en le bouchant seulement d’une ferrasse : on met le chio, & on chauffe avec du petit bois par le tisar. C’est alors qu’on fait grand feu & qu’on termine la recuisson.

On met les plateaux aux ouvreaux pendant l’attrempage, le feu ne devant pas être violent, & les courans d’air étant conséquemment inutiles ; mais à la recuisson, on substitue les tuiles aux plateaux.

Les arches se recuisent très-bien, sans ajouter de nouveaux soins. On n’a qu’à fermer les arches, laisser les lunettes débouchées ; & lorsque les arches sont aussi rouges qu’elles peuvent le devenir par le feu des lunettes, on finit par les chauffer quelque tems au moyen du bonnard. Ensuite on les refroidit par gradation, en commençant par supprimer le feu du bonnard, margeant la lunette, & ouvrant enfin le devant des arches.

Toutes les précautions pratiquées lors de la recuisson d’un four, & le tems nécessaire à cette opération reçoivent nécessairement des modifications & des changemens relativement aux especes de terre qu’on emploie aux pays qu’on habite, au climat sous lequel on vit.

Il n’est pas besoin d’ajouter que pour faire un bon attrempage on doit avoir autant de soin d’empêcher que le feu pendant l’opération ne tombe, c’est-à-dire ne passe promptement d’un degré de feu à un moindre ; que l’on doit en avoir, de ne pas donner tout-à-coup un feu trop violent, non-seulement par le risque qu’on courroit si le four passoit subitement du chaud au froid, mais encore par le danger où l’on s’exposeroit de nouveau en remontant le feu.

Quelques soins que l’on prenne de ménager l’attrempage, il est impossible d’anéantir totalement l’effet de la retraite des terres, & conséquemment d’éviter tout-à-fait les gerçures ; mais il est intéressant de réparer ce désastre le mieux qu’il est possible : le chanvrage & le coulis sont les moyens usités en pareil cas. On insinue dans les gerçures, avec la lame d’un couteau, des filasses roulées dans l’argille, ce qu’on appelle chanvrer. Si les gerçures sont peu profondes, ou dans une position telle que le coulis qu’on y feroit passer, n’y restât pas, ou n’y restât que très-difficilement, on remplit en entier la gerçure de filasse. Si au contraire la gerçure est telle qu’en en bouchant un côté on pût y retenir du coulis, on place une filasse dans le lieu par où pourroit s’échapper le coulis, & on remplit tout le vuide avec un coulis un peu épais. Telles sont les gerçures des sieges. Comme presque toutes sont les joints des tuiles qui s’ouvrent plus ou moins, on chanvre le talud du siege pour retenir le coulis, & on coule par le dessus du siege. D’autres remplissent les vuides des sieges avec du sable pur, après avoir chanvré le talud : cette maniere a des avantages. Le sable plus coulant remplit mieux les moindres interstices ; & n’étant pas susceptible de retraite, la réparation a moins à craindre de l’action du feu. Le seul danger de cette méthode seroit que le contact du verre qui tomberoit sur les sieges, ne disposât le sable à la fusion ; mais le risque diminue, si l’on observe combien le sable est insinué profondement dans l’intérieur du siege, & combien il est enveloppé de parties du siege qui, étant argilleuses, lui font un rempart contre le verre.

Tous les artistes conviennent assez généralement de la nécessité de chanvrer, mais ils different beaucoup sur le tems de cette opération. Les uns attrempent leur four & le font rougir, le font ensuite refroidir par gradation, en margeant toutes les ouvertures & le démargeant peu-à-peu, chanvrent & procedent à rechauffer ce qui est vraiment un second attrempage. Voici les raisons sur lesquelles ils fondent leur méthode. Après un grand feu, disent-ils, la terre a pris à-peu-près toute la retraite dont elle est susceptible, & on réparera conséquemment bien mieux les gerçures, puisqu’elles sont toutes déclarées. Leur principe est vrai, mais, pour éviter un inconvénient, ils tombent dans de bien plus considérables ; 1°. ils courent le risque de deux attrempages, au-lieu d’un seul : 2°. ils perdent du tems ; 3°. que font-ils en échauffant & refroidissant leur four plusieurs fois ? Ils font passer ses parties successivement d’un état de contraction à un état de dilatation, & vice versâ ; ce qui ne peut se faire sans déranger la position relative de ces-mêmes parties, & sans altérer leur union.

D’autres artistes sentant tous ces inconvéniens, ont fait chauffer leur four, mais non jusqu’à le rougir, ont arrêté ensuite leur attrempage, ont chanvré & ont recommencé à attremper. Ils ont eu moins de risque à courir, ayant poussé moins loin le premier attrempage, ils ont perdu moins de tems, & le four a été en un moindre danger. A la vérité leur four est moins bien réparé & à un plus grand feu, il se déclare des gersures qui n’avoient encore pû paroître : mais c’est une croix du métier qui est bien plus aisée à supporter que les maux auxquels s’exposent les premiers. Le second parti est donc le meilleur : il n’est cependant qu’un palliatif, il laisse subsister les mêmes inconvéniens, & ne fait que les diminuer. On éviteroit tous les inconvéniens de la premiere méthode par une troisieme, qui conserveroit à la vérité le desagrément de la seconde. Ce seroit de prendre pour chanvrer le moment de l’attrempage où un ouvrier pourroit encore entrer & se tenir dans le four, & où il ne pourroit souffrir le moindre degré de chaleur de plus. On chanvreroit sans cesser d’attremper, on ne courroit risque ni de deux attrempages, ni de diverses températures, & on ne perdroit aucun tems[13].

J’ai vu des maîtres de verrerie s’aviser de mettre les pots verds dans le four avant la recuisson de celui-ci, & de les attremper & recuire en même tems qu’ils attrempoient & recuisoient leur four. Cette méthode a réussi à quelques-uns ; conséquemment il n’y a pas moyen de douter qu’elle ne soit pratiquable, mais elle expose à des dangers. Lorsque le pot a reçu un certain degré de feu, une diminution de chaleur qui ne feroit rien au four à cause de son épaisseur, causeroit la perte totale du pot. Au reste, quand cette maniere de recuire les pots seroit prouvée être la meilleure, comme on use plus de pots que l’on ne recuit de fours, on seroit forcé d’en mettre une autre en pratique. Voici l’ordinaire. On place les pots dans l’arche, comme on le voit dans la fig. 2. Pl. VI. en faisant attention que les pots soient bien secs, l’arche froide, & la lunette bien bouchée ; la disposition & l’arrangement des pots dans l’arche dépendent de la connoissance qu’on a de la manœuvre usitée, pour tirer les pots de l’arche après leur recuisson. La seule observation que font ceux qui les placent, c’est de ne pas gêner cette manœuvre, & en même tems de ne pas approcher les pots de la clairevoie, de peur que le premier coup de feu sortant de la lunette ne les touche & ne les endommage[14].

Lorsque les pots sont placés dans l’arche, on la laisse quelque tems ouverte ; en cas que sa température ne soit pas semblable à celle de laquelle sortent les pots. On bâtit ensuite le devant de l’arche, ce qu’on appelle en terme de métier, faire l’arche, faire la glaie de l’arche. On laisse seulement un espace ouvert au haut de la gueule de l’arche pour établir le courant d’air, lorsqu’on la chauffera : on dispose le bas de la glaie de l’arche, de maniere qu’on puisse aisément y pratiquer une petite ouverture pour voir l’état des pots, lorsqu’on le desire. Après que les pots ont été quelque tems dans l’arche faite, on démarge la lunette ; mais il faut le faire avec beaucoup de précaution. On se contente de faire tomber par le bonnard, avec l’instrument qu’on appelle grand mere (Pl. XIX. fig. I.) un peu du mortier qui retient l’espece de plateau nommé margeoir, qui bouche la lunette ; à une autre occasion, on en fait tomber une plus grande partie. On opere de même jusqu’à ce que rien ne retienne le margeoir, & l’on donne par ce moyen le feu le plus doucement qu’il est possible ; lorsque le margeoir est tout-à-fait décollé de la lunette, on l’en écarte de maniere, qu’il y ait environ trois lignes entre la lunette & lui, ce qu’on appelle détacher le margeoir. On l’écarte toujours de même, par gradations insensibles, jusqu’à ce qu’il touche la clair-voie ; alors on repousse le margeoir plus loin que la lunette, de devant laquelle on l’ôte, c’est à compter de ce moment que la lunette fait sur les pots, tout l’effet qu’on peut en attendre. Lorsque son feu a commencé à faire changer de couleur à l’arche, on allume le bonnard. D’abord on y jette une buche de gros bois, qu’on y laisse prendre seule ; on augmente le feu peu-à-peu, & enfin on le pousse le plus fort qu’on peut. On doit avoir attention de suivre le bonnard avec régularité, & de ne pas laisser tomber le feu ; encore moins, si par hasard il tombe, doit-on le remonter trop précipitamment.

Pendant toute la recuisson des pots, les ferrasses que nous avons dit s’abaisser sur le devant de l’arche, restent abattues. La recuisson totale dure environ sept jours, on peut même la faire en cinq, mais il faut alors des pots bien secs, & beaucoup d’exactitude. La recuisson est d’autant plus parfaite, que la chaleur de l’arche, lorsqu’on en retire les pots, est plus approchante de celle du four ; ils s’apperçoivent moins du changement de température en entrant dans le four, sur-tout si on a pris la précaution de diminuer un peu le feu de celui-ci. La recuisson se termine en réchauffant le four avec précaution, & le remontant par degrés.

Tous les pots de quelque terre qu’ils soient construits, ont besoin de souffrir un très-grand feu avant qu’on les remplisse de matiere vitrifiable : il est bon qu’ils prennent, sans être genés, la retraite dont ils sont susceptibles. Si on remplissoit le pot, avant qu’il eût pris sa retraite, il ne tendroit pas moins à la prendre, il ne pourroit le faire avec régularité, & également empêché par le verre qu’il contiendroit, & cette retraite gênée occasionneroit sans contredit, dérangement de parties, déchirement, désunion.

Lorsque les pots sont recuits, on ne sait guere leur bon ou mauvais état, que par l’inspection. On cherche cependant à en juger par le son en frappant légerement le haut de la fleche, avec le crochet à tirer les larmes (Pl. XXII. fig. 1.) ce qu’on appelle sonder les pots ; c’est ainsi qu’on juge au son, si une cloche est félée ou non. Rien n’est si équivoque que cette indication ; des mauvais pots sonnent quelquefois très-bien, & il arrive que des bons pots sonnent mal.

Il en est de la recuisson des cuvettes, comme de celle des pots ; on la conduit de même, & elle est sujette aux mêmes inconvéniens. On pratique en farsant la glaie de l’arche à cuvette, une ouverture semblable aux ouvreaux à cuvette, on la tient margée avec une tuile, & c’est par-là qu’on tire les cuvettes de l’arche.

Il faut trois choses pour une bonne recuisson, le ménagement du feu, la sécheresse de l’arche, & la sécheresse des pots.

Le ménagement du feu. On en a déja vû les raisons.

La sécheresse de l’arche. Lorsqu’elle est humide, les vapeurs qui s’élevent du pavé frappant le cul du pot, déja chaud, le détériorent nécessairement, le font gercer, & vont quelquefois même jusqu’à le détacher de la fléche.

La sécheresse des pots. Un pot peu sec peut à toute rigueur se recuire à force de précautions : mais il est continuellement en danger. J’en ai vû qui paroissoient très-bien recuits, & dont l’intérieur n’avoit seulement pas changé de couleur. Les surfaces étoient recuites, & l’humidité s’étoit trouvée retenue dans le milieu & comme concentrée. Or, qu’arrive-t-il ? A quelque coup de feu un peu plus violent, elle cherche à forcer les barrieres qui la retiennent, & le pot périt.

Lorsqu’un pot est manqué à la recuisson, je ne lui connois que deux sortes de défauts, les gerçures & les calcinures, à-moins que par un coup de feu trop subit, il n’ait éclatté en nombre de morceaux. Les gerçures sont de deux sortes ; les unes vont de haut en-bas, & les autres parallelement au cul du pot. Elles sont toutes les effets d’une humidité trop promptement dissipée : mais les secondes, qui se trouvent dans le sens des patons, joignent à cette raison celle de la mal-façon dans la construction du pot ; c’est une preuve que le potier n’a pas fait tout ce qu’il auroit dû, pour joindre bien parfaitement ses patons. Les gerçures sont quelquefois occasionnées par l’air, qui est resté entre les patons & que l’ouvrier a négligé d’en faire sortir.

Les gerçures attaquent toute l’épaisseur du pot, & conséquenment un pot gercé est absolument hors de service. Il n’en est pas de même de ce que j’appelle calcinures ; elles n’ont point de route fixe sur la surface du pot ; elles ont l’air, si l’on me permet la comparaison, des lignes qui désignent une carte géographique. Elles ne touchent ordinairement que la superficie, & ne pénétrent que très-rarement l’intérieur.

Il est imprudent de s’exposer au service de pareils pots ; mais dans de grands besoins j’ai vû des pots attaqués de calcinures durer long-tems.

Je regarde les calcinures comme l’effet d’un corps froid, qui a touché le pot lorsqu’il étoit chaud, mais qui ne l’a pas touché assez long-tems pour nuire aux parties du milieu.

On conserve des pots ou des cuvettes tous recuits dans les arches, mais on s’expose à un nouveau danger en ramenant l’arche par degrés, de sa grande chaleur au simple feu de la lunette. On pourroit s’en garantir en laissant toujours le bonnard allumé, ce qui seroit une dépense de bois trop considérable, si l’on étoit obligé de l’entretenir long-tems.

Choix des matieres vitrifiables, & leur préparation. A l’exception des chaux métalliques, aucune substance ne se vitrifie seule & sans mésange, par la simple action du feu. Le sable lui-même qu’on regarde communément comme la base du verre, ne change point de nature par l’action du feu le plus violent, lorsqu’il est pur. Des expériences occasionnées par le hasard ont appris, que le sable mêlé à des substances alkalines fondoit, & faisoit du verre. Les cendres des végétaux, qui contiennent beaucoup d’alkali fixe, ont servi de fondans ; la soude a été employée de préférence, comme la cendre qui contient le meilleur alkali, & elle a été la seule en usage dans les glaceries. Le mélange du sable & de la soude faisant un verre verd qui colore de même les objets qu’on regarde au-travers ; on y a additionné de la manganeze, substance minérale, dont la propriété est de colorer le verre en rouge & d’être volatile. Elle aide par son évaporation à la dissipation du principe colorant, & lorsque la dose n’en est pas assez forte pour qu’il en reste trop, après la fusion & l’affinage, elle donne au verre un œil diaphane & animé, fort agréable.

Ayant une fois déterminé quelle substance devoit entrer dans la confection du verre, il a fallu se décider par les observations des phénomenes, sur les meilleures especes de ces substances.

On a remarqué que le sable coloré donnoit au verre une couleur désagréable : on a observé, que le sable fin fondoit avec plus de facilité que le gros. Par ces considérations, on s’est déterminé pour le sable fin & blanc. Celui qui en un certain volume présente un œil azuré, n’est pas moins bon.

Lorsqu’on a été déterminé pour les qualités du sable, on a cherché les moyens de lui donner ces qualités, ou du-moins de les lui procurer à un degré plus éminent. Le sable ne peut être coloré que de deux manieres, ou par le mélange d’argille impure, ou dans les parties propres qui le constituent. Les parties argilleuses sont assez bien emportées par la lotion : voici comme on s’y prend pour laver le sable ; on remplit un baquet d’eau, & on passe du sable dans l’eau avec le tamis[15] fig. 3. Pl. X. garnie de poignées de fer. Par ce moyen le sable reçoit en tombant dans l’eau une agitation assez considérable, & très-propre à en favoriser la lotion. Lorsqu’il y a une certaine quantité de sable dans le baquet, on l’agite & on la retourne avec une palette, exprimée (fig. 1. Pl. X.) & emmanchée d’un manche de bois. L’eau se colore en se chargeant des parties argilleuses, qui étoient auparavant combinées avec le sable ; on la verse & on la renouvelle ; on remue de même le sable dans la nouvelle eau, qu’on renouvelle encore, lorsqu’elle est salie, & on en agit de la sorte jusqu’à ce que l’eau reste claire. Alors le sable est suffisamment lavé. Les dimensions des outils propres à cette opération n’ont rien qui les décide exactement ; il faut seulement qu’ils soient d’une longueur commode pour le service. Quant à la palette, elle ressemble fort à une petite bèche de jardin, & n’est pas mal dans les proportions de la figure.

Lorsque le sable est coloré dans ses propres parties, la lotion n’y remédie pas. Alors on dissipe le principe colorant, en exposant le sable à l’action d’un feu capable de l’évaporer. Communément on ne sait subir cette opération au sable, que quand il est mélangé avec la soude ; nous en dirons un mot en parlant des frites.

Les soudes n’ont d’autre qualité désirable, que celle de contenir beaucoup d’alkali, & de le contenir d’une bonne nature. Celles d’alicante sont les meilleures qu’on connoisse, & les plus en réputation. Celles de Sicile en approchent beaucoup ; celles de Carthagène sont moins bonnes, en ce qu’elles contiennent des sels neutres, non-seulement inutiles, mais même nuisibles à la fusion, & à l’affinage. Celles de Languedoc qu’on cultive aux îles Sainte-Marie, & dans le diocèse de Narbonne, sont assez bonnes. Elles sont connues dans ce pays sous le nom de salicor. Le verre qui en résulte parvient rarement à un affinage bien parfait ; il est cependant marchand.

On entend communément par soude, la cendre du kali majus cochleato, plante marine la plus propre à être brulée pour l’usage des verreries. On cultive cette plante avec grand soin dans les pays de bonne soude, & on lui fait recevoir autant de façons qu’au froment.

Il est inutile d’entrer dans la description de la plante ; elle ne peut servir au maître de verrerie, que lorsqu’elle est brulée, & il lui suffit d’en connoître la bonne qualité dans cet état. Nous dirons cependant un mot de la maniere dont on fait l’incinération des plantes.

On a observé que les cendres des plantes seches ne contiennent pas autant d’alkali, que celles des plantes qui ne le sont qu’autant qu’il le faut pour pouvoir brûler ; & que plus les cendres des plantes renferment de phlogistique, plus il s’y trouve d’alkali ; comme on voit que le charbon en contient plus que les cendres ordinaires. Ce sont ces observations qui doivent diriger dans la maniere de faire l’incinération des plantes. Brûlons-les mi-seches, & ne les brûlons pas à l’air libre ; le phlogistique se dissiperoit avec trop de facilité ; & d’ailleurs l’acide que l’air ne manqueroit pas d’y apporter, se combineroit avec l’alkali, & formeroit des sels neutres.

Voici comme on s’y prend pour brûler les plantes. On fait dans la terre un trou représentant un cône renversé ; on tapisse le tour du cône de plantes, & on fait du feu au sommet. Celui qui sert cette espece de fourneau, pose des herbes sur le feu & en remet de nouvelles autour du cône. Il en agit toujours de même jusqu’à ce que le trou soit presque plein de cendres. Alors on les remue à-peu-près comme on remue la chaux qu’on éteint ; & les sels qui y sont contenus, fondus par l’action du feu, forment une sorte de pâte. Lorsqu’on en est à ce point, on couvre le trou de terre, & les cendres qu’on y laisse quelque tems refroidir, parviennent à se coaguler & à former un corps solide assez dur pour obliger de le casser avec une masse, lorsqu’il s’agit de le tirer du fourneau.

On pourroit faire ces sortes de fourneaux en briques ou en grès, & on seroit même alors dans le cas de ménager au sommet du cône un courant d’air propre à favoriser l’action du feu. Je préférerois la construction en grès, cette matiere étant plus analogue que la brique à la composition du verre, & les parties qui s’en détacheroient, étant conséquemment moins dangereuses.

La bonne soude contient ordinairement la moitié de sel. Elle n’est jamais parfaitement connue, que par l’expérience de la fusion après son mêlange avec le sable. Voici cependant les marques auxquelles on se rapporte. On regarde comme la meilleure soude, la plus noire, la plus pesante, & celle dont le goût est le plus âcre, le plus caustique, en un mot, le plus alkalin.

On ne fait subir à la soude d’autre préparation, lorsqu’on l’emploie en nature, que de l’écraser au bocart, la tamiser bien fin pour favoriser son mélange avec les autres matieres, & la priver de son principe colorant, par la calcination qu’elle éprouve lors de la fritte ; opération que nous détaillerons dans la suite.

La manganeze se tire de Piémont ou de Suisse. Celle de Piémont est bien meilleure : j’en ai employé de Suisse, qui donnoit au verre un rouge pâle & desagréable. La manganeze forme des masses noires, qui présentent lorsqu’on les casse des grains fins & brillans, comme ceux de l’acier. On regarde comme la meilleure, la plus noire, & celle à laquelle on ne remarque point de taches. Elle ne reçoit d’autre préparation, que celle d’être épluchée avec des marteaux tranchans (à-peu-près comme on épluche la terre), pour la priver de certaines parties ferrugineuses qui se manifestent par la couleur rouge ; on l’écrase ensuite au bocart, & on la tamise au tamis le plus fin, pour la mêler aux autres matieres.

On fait entrer aussi dans les compositions du verre, des morceaux de glace, communément appellés cassons. On doit avoir attention qu’ils soient de belle couleur & analogues, s’il est possible à la composition dont on se sert. Des cassons de mauvaise couleur la communiqueroient aux glaces, dans la fabrication desquelles ils entreroient ; & des cassons de densité différente de celle des glaces qu’on auroit intention de faire, ne pourroient que gâter le mêlange & occasionner un défaut d’union dans les parties. On doit aussi se donner le plus grand soin pour enlever aux cassons les défauts qui seroient susceptibles de rester les mêmes après la nouvelle fusion (telles sont les larmes & les pierres), & à enlever les saletés qui se trouveroient sur la surface desdits cassons. Un épluchage bien exact sert à bannir les larmes & les pierres, comme aussi à séparer le verre de mauvaise couleur, & la lotion ôte les saletés de la surface. On lave les cassons en les mettant dans un panier, (fig. 4. Planc. X.) dont le fond est fait à-peu-près comme celui des cazerets, où l’on met à égoutter le fromage. On remue le panier plein de cassons, le tenant par l’anse, à-peu-près comme on tourne un tamis. On peut employer les cassons seulement épluchés & lavés ; mais communément on leur fait subir une autre opération : on les calcine, c’est-à-dire qu’on les fait rougir dans un four exprès pour cet usage, fait comme nous décrirons dans la suite les fours à fritte. On les remue avec un rable, outil qu’on trouve représenté en 4, 8, 6, 7 (Pl. XII. vignette), & dont nous donnerons une plus exacte description en parlant des frittes Lorsque les cassons sont bien rouges, on les entasse sur le devant du four avec le rable ; on les prend avec des pelles de tôle, telles que KH (Planc. XVIII.) qui ont un pié de long en MN sur environ huit ou dix pouces de large en LG & quatre pouces de rebord en IM[16] emmanchées d’un manche d’environ sept pieds, dont trois & demi GO en fer, & trois & demi OH en bois ; & on éteint les cassons rouges dans l’eau. Le refroidissement subit qu’ils éprouvent, les fait casser & les réduit en petites parties ; on a par-là l’avantage de pouvoir les mêler plus parfaitement aux autres matieres, dont la combinaison produit le verre. Les cassons calcinés prennent le nom de calcin, & c’est dans cet état qu’on les emploie.

Le mêlange du calcin à la composition du verre, donne des avantages. Comme c’est une matiere qui a déjà été fondue & affinée & qui est déjà verre ; elle dispose les autres à la vitrification ; elle abrege leur affinage, & leur donne plus de consistance & de liaison que n’en auroit du verre neuf ; c’est-à-dire, dans lequel il ne seroit entré aucun calcin. Je dirois, si on me permettoit l’expression, que par le moyen du calcin la composition est plutôt verre, & l’est plus parfaitement. En outre, on met de cette maniere à profit les rognures des glaces qu’on a été obligé de récuire.

Il nous reste à dire un mot d’une autre maniere de composer, qui est moins anciennement en usage que celle dont nous venons de parler.

La soude est composée de sel alkali fixe, vulgairement appellé salin qui est seul le fondant, & d’une base calcaire. On a pris le parti d’extraire le sel de la soude, & au lieu de la terre calcaire qui étoit combinée avec le sel, à laquelle est attachée la plus grande quantité de principe colorant (comme on le remarque à sa couleur noire après l’extraction) ; de la proportion de laquelle le fabriquant n’est jamais le maître ; on emploie de belle chaux, la plus blanche & la plus pure qu’on pût trouver. L’artiste a du moins l’avantage d’être maître de la proportion de sa chaux.

On peut employer la chaux éteinte : dans ce cas on seroit obligé de la laisser sécher pour la passer au tamis fin. On évite cette longueur en n’y jettant que l’eau qu’il faut pour la faire tomber en efflorescence & réduire en poussiere les morceaux un peu gros. On peut même pour moins d’embarras, la laisser fuser à l’air, & en passer la poussiere au travers d’un tamis pour la faire servir aux compositions. Il y auroit peut-être alors des morceaux qui a la vérité ne fuseroient qu’imparfaitement, à-moins d’un très-long tems ; mais on auroit toujours le premier moyen & en outre dans un établissement de cette importance on trouveroit d’autres usages aux chaux de rebut, comme les batisses, les recrépis, &c.

On remarque que les glaces dont le verre a été composé en sel, sont plus transparentes que celles dont il a été composé en soude.

Maniere d’extraire les sels de soude. La qualité des sels d’être miscibles à l’eau, fournit le moyen le plus simple de les séparer de la base calcaire, avec laquelle ils se trouvent combinés dans la soude.

Qu’on jette dans l’eau la soude bien pulvérisée & passée par un tamis fin, & qu’on l’agite pour aider à la dissolution ; la laissant reposer ensuite, la base calcaire ne manquera pas de se précipiter, & l’eau de rester claire, chargée de l’alkali qui étoit renfermé dans la soude. Alors en faisant évaporer l’eau, on obtiendra l’alkali. L’opération en entier s’appelle extraction de l’alkali. Elle doit être dirigée par les phénomenes qu’on a eu occasion d’observer, & par les expériences déjà faites, tournant toujours ses vues du côté de la prompte extraction & de l’économie sur-tout celle du tems.

Après que nous aurons parlé de l’opération en elle-même, nous parlerons des divers moyens employés à la faire, & de différentes machines à extraire.

Pour obtenir une plus grande quantité de salin dans un même tems, ce qui est en effet perfectionner & abréger l’opération, il faut que l’eau avec laquelle on a lessivé la soude, soit plus chargée de sel, ou, pour parler d’une maniere plus analogue au langage ordinaire, il faut que la lessive soit plus forte. Mais il y a une qualité de sel au-de-là de laquelle l’eau n’en sauroit dissoudre davantage ; ce qu’on appelle son point de saturation. On estime qu’il faut environ huit livres d’eau pour une livre de soude d’Alicante. Ce n’est pas qu’il n’y ait des modifications relativement aux diverses eaux : on doit donc chercher à saturer l’eau avant d’en commencer l’évaporation.

Lorsqu’on en est à ce point, voici les phénomenes qu’on a observés, & d’après lesquels il est à-propos de régler l’évaporation.

Si l’eau s’évapore lentement & à un feu léger, l’alkali qui en résulte, renferme beaucoup de sels neutres ; si elle s’évapore à petits bouillons, le salin est plus pur ; si elle s’évapore à gros bouillons, on gagne la promptitude dans l’opération.

J’ai oui dire à quelques personnes qui se donnoient pour habiles glaciers, que l’alkali obtenu par l’évaporation à gros bouillons, étoit plus grossier que celui qu’on obtenoit par l’évaporation à petits bouillons ; c’est-à-dire qu’il renfermoit des parties calcaires, provenant de la base de la soude. Il me semble avoir des raisons de douter de ces différences. Comment après l’évaporation peut-il rester des parties calcaires, si la lessive a été bien clarifiée ? & si elle ne l’a pas bien été, comment dix pintes de lessive évaporées à petits bouillons, jusqu’à siccité bien parfaite, laisseront-elles moins de base calcaire mêlée à l’alkali, que dix pintes de la même lessive évaporées à gros bouillons jusqu’au même degré de siccité ? La base renfermée dans les dix premieres pintes aura-t-elle reçu, par l’évaporation à petits bouillons, la propriété d’être volatile, pour ne plus s’y trouver après l’évaporation ? On sent combien il seroit absurde de le penser.

Il est bien plus aisé de concevoir comment il peut y avoir plus ou moins de sels neutres, mêlés à l’alkali suivant les diverses manieres de faire l’évaporation. L’air a bien plus de facilité à communiquer de l’acide à la lessive, lorsqu’elle s’évapore à un feu très-léger, & qu’elle n’est pas dans ce mouvement violent de dilatation & d’expansion qu’elle communique à l’atmosphere environnant, & qui doit tendre à éloigner les corps étrangers.

D’après ce raisonnement, l’alkali qui résulte de l’évaporation à gros bouillons doit être plus exempt de sels neutres, que toit autre. Cette raison, jointe à la promptitude de l’opération, doit faire préférer l’évaporation à gros bouillons.

Toutes les diverses machines à extraire le salin, ne consistent qu’en vases qui servent, les uns à faire la dissolution, les autres à évaporer. Elles ne different que dans la disposition desdits vases pour la commodité du service, l’exactitude de l’extraction, & l’économie des alimens du feu.

Il y a des regles qui naissent de la chose, & qui doivent être communes à toutes les machines. Par exemple, on doit faire les vases de dissolution plus profonds que les autres, pour pouvoir y lessiver une plus grande quantité de soude ; & ceux d’évaporation plus larges, afin que donnant à l’eau une surface plus étendue, l’évaporation en soit plus prompte. Ceux-ci ont moins besoin de profondeur que les premiers. On sent bien que les vases ne peuvent être que de métal, & parmi les métaux, que de fer ou de cuivre. On est obligé de bannir ce dernier, parce que l’alkali le corrode & le détruit en peu de tems. On emploie très-bien la fonte, ainsi que le fer ; mais on a des observations à faire. Le feu calcine le fer, ainsi que tous les métaux imparfaits, & fait casser la fonte assez aisément. Comment se mettre à l’abri de ces inconvéniens ? par l’attention scrupuleuse de ne laisser jamais les chaudieres sans eau. Mais d’un autre côté, comment obtenir le salin si l’on ne peut pousser l’évaporation jusqu’à siccité ? Lorsque l’eau a assez bouilli pour passer de beaucoup le point de saturation, on la transporte dans d’autres chaudieres, ou l’on entretient une chaleur bien moindre, souvent même avec de simples braises. L’eau entretenue chaude, continue à s’évaporer, plus lentement à la vérité ; mais elle ne laisse pas de s’épaissir encore. D’ailleurs elle a été trejettée, contenant plus d’alkali qu’elle n’en peut tenir en dissolution ; au moyen de quoi l’alkali superflu tombe au fond, & on doit avoir soin de l’en retirer tour de suite avec des écumoires de fer, d’environ six pouces sur chaque face. Le sel chauffant de plus près, & touchant le fond de la chaudiere, ne manqueroit pas de s’y sécher, d’y former croûte, & le fond de la chaudiere se calcineroit nécessairement n’étant plus touché par l’eau. On voit par-là que les dernieres chaudieres, connues sous le nom de chaudieres de réduction, sont les plutôt gâtées : c’est un inconvénient du métier, auquel je ne vois pas trop comment remédier.

Si l’on vient à arrêter l’extraction, il y a toujours quelques eaux de reste ; mais il n’est pas mauvais d’avoir déjà de la lessive prête, lorsqu’on recommence à extraire. Si l’on cesse pour ne recommencer jamais, on s’expose au risque de pousser la derniere évaporation jusqu’à siccité.

La figure quarrée est en quelque maniere adoptée pour les chaudieres de salines[17]. C’est la plus favorable à la disposition des chaudieres, & même à leur construction ; sur-tout si elles sont en fer. Car dans ce cas on les forme de tôles clouées les unes à côté des ancres, & il est bien plus aisé de plier des feuilles de tôle à angles droits, pour faire les coins, que de leur donner la forme ronde, ou toute autre.

On voit dans la Planche III. une machine d’extraction assez commode. La grandeur des chaudieres dépend de la quantité de sel qu’on veut fabriquer. Plus la chaudiere de dissolution est grande, plus on peut y lessiver de cendres ; plus la chaudiere d’évaporation a d’étendue, plus l’évaporation en est considérable ; & enfin plus la chaudiere de réduction peut contenir d’eau réduite, plus on y recueille de sel. Ainsi nous ne parlerons pas des dimensions, nous nous contenterons de décrire les diverses machines, & la maniere de s’en servir. Nous dirons seulement que dans les machines les mieux construites, & les mieux servies, on n’extrait guere dans 24 heures que 500 p. à 700 p. de sel.

Dans la machine exprimée Pl. III. on a fait les trois chaudieres de même mesure, c’est-à-dire de 8 piés sur 4 ; elles different par la profondeur. D1 a 18 pouces, D2 & D3 ont de 8 à 12 pouces. Elles sont posées sur trois fourneaux d’une inégale hauteur, de telle sorte que le bas de la chaudiere D1 soit à niveau da haut de D2, & de même pour D2 & D3, afin de pouvoir faire passer l’eau de l’une dans l’autre avec facilité, au moyen de robinets, si l’on veut s’éviter la peine de la transvaser avec des poches ou cuilleres.

Il faut que la maconnerie de la chaudiere D1, quoique la plus haute, ne le soit pas assez pour gêner le travail dans ladite chaudiere. La hauteur de B1 sera suffisante de 2 piés 6 pouces ; celles de B2 & B3 sont décidées par la condition que nous avons mise à la position des chaudieres. Supposant que les chaudieres D 2, D 3, ayent 8 pouces de rebord ; B2 = 30po8=22 & B3 = 22 po8 = 14 pouces. Si l’on vouloit donner à B3 & B2 plus d’élévation ce ne pourroit être qu’en exhaussant B1 ; & alors comme la hauteur de B1 pourroit devenir incommode au service de la chaudiere D1, on en seroit quitte pour exhausser le terrein vers la face ab, & faire le service de ce côté. Les dimensions des fourneaux en longueur & largeur, sont déterminées par celles des chaudieres. Chaque fourneau est séparé par un petit mur d’entrefend ; & il est inutile de dire que toute cette maçonnerie doit être construite en pierres bien propres à résister à l’action du feu, ou en briques. On pratique des tisars CCC, d’environ 18 pouces d’ouverture, à l’un des bouts des fourneaux, & des cheminées EEE à l’autre bout, pour établir le courant d’air.

On fait la dissolution dans la chaudiere D1 ; on évapore dans la chaudiere D2, & D3 sert de chaudiere de réduction. Il est difficile cependant qu’une seule chaudiere de réduction suffise à une évaporante, ou dans ce cas la besogne va un peu plus lentement. L’évaporante D2 ayant besoin du plus grand feu, il’est naturel de l’allumer au tisar C2, & dans ce cas je serois d’avis de pratiquer un cendrier d’environ 5 piés de profondeur, au-dessous du tisar C2, pour recevoir les braises, & en même tems pour favoriser la combustion. Si l’on chauffoit en charbon de terre, on substitueroit une grille aux barreaux qui servent à soutenir le bois, & on feroit le cendrier un peu plus profond. Il faudroit que la descente au cendrier, nécessaire pour en ôter les braises, n’eût que la largeur du tisar, afin de laisser encore assez de place pour se service de la chaudiere D2[18]. Les tisars C1 & C3, destinés seulement à contenir des braises, n’ont besoin ni de cendrier, ni d’une si aussi grande ouverture. Il suffiroit, je crois, qu’elle eût un pié, & au moyen des cheminées le courant d’air seroit assez considérable pour conserver un certain tems les braises dans toute leur ardeur. On pourroit même s’en passer en faisant dans chaque mur d’entrefend, une ouverture par laquelle il passeroit une portion du feu du tisar C2, qui tiendroit lieu des braises avec lesquelles on chauffe les fourneaux B1, B3. Il seroit à craindre, à la verité, que le feu ne fôt trop violent pour les chaudieres D1, D3, qui en ont besoin de peu ; celle de réduction, pour les raisons ci-dessus énoncées, & celle de dissolution, parce que l’eau tiede favorise à la vérité, son usage : mais la moindre ébullition suffiroit pour empêcher l’eau de se clarifier.

Il seroit aisé de remédier à cet inconvénient au moyen de soupapes, placées à cet effet : une démonstration me fera entendre. Soit abcd le mur qui sépare le fourneau B1 du fourneau B2, e le trou de communication du feu. Je voudrois qu’entre deux barreaux de fer, gh, lm, faisant feuillure, ou deux feuillures formées en maçonnerie, fut placée une taule s quarrée, qu’on pût mouvoir de dehors, le long de la feuillure, au moyen du manche fi qu’on feroit passer par un flan n, pratiqué au mur du fourneau. En poussant la tôle jusqu’à moitié du trou, on le diminue d’autant, & conséquemment la chaleur doit diminuer, ne passant par la communication que la moitié du feu qui y passoit auparavant. On peut de même diminuer le feu des , &c. Il seroit possible de marquer toutes ces gradations sur la partie du manche qui sort du fourneau.

La soude, une fois lessivée, on la met dans des cases FFFF, où on l’arrose d’une certaine quantité d’eau, pour éviter la perte du peu d’alkali qui y seroit demeuré. On la laisse égoutter dans des bassins GGGG, faits au-dessous des cases ; & l’eau qui tombe dans les bassins n’étant pas encore assez saturée pour en faire l’évaporation, on l’emploie à faire la dissolution de la nouvelle soude, qu’on a mise dans la chaudiere de dissolution. La soude totalement privée de son sel, prend le nom de marc de soude.

Les cases ainsi que les bassins, sont construits en maçonnerie.

Lorsqu’on retire le sel de la chaudiere de réduction, on le met sur un ou plusieurs égouttoirs de tôle, qui donnent dans ladite chaudiere par un bout, & qui sont percés par ce même bout. On les dispose en pente pour favoriser leur opération, assez désignée par le nom qu’ils portent. Le sel qu’on y dépose, se décharge dans la chaudiere du peu d’eau qu’il a conservée ; & lorsque l’egouttoir est plein, on porte le sel avec des pelles, semblables à celles que nous avons décrites en parlant de la calcination des cassons ; on le porte, dis-je, dans des cases HHHH, destinées à le sécher & à le conserver sec au moyen du tisar I pratiqué dessous, & dans lequel on met de la braise.

Rien ne détermine les dimensions des égouttoirs & des cases à recevoir, tant le marc que le sel, que la quantité de matiere qu’on desire que les unes & les autres contiennent. Dans la Planche III. l’égouttoir a 5 piés de long, sur 4 de large, & un pié de rebord (Voyez le plan de l’égouttoir oprq, & son rebord stxy), & les cases ont 6 piés sur 4.

Un artiste qui s’est fait un nom, & qui a fait même époque dans la glacerie, il y a quelques années, gagnant la confiance plus par l’ostentation de son savoir, & la magnificence de ses expressions, que par sa science dans l’art, quoiqu’il ne manque pas d’ailleurs de connoissances physiques, a donné à la manufacture royale de S. Gobin, une nouvelle machine à extraire, dont on voit le détail Pl. IV. Sa machine est en fer de tôles fortes, clouées à côté l’une de l’autre. Le but de l’inventeur étoit de faire la dissolution & l’évaporation dans un même vase, de faire même le fourneau de la même piece ; au moyen de quoi, sans avoir besoin de maçonnerie que celle du massif propre à soutenir la machine, on devoit travailler.

Il fit un coffre de tôle dont on voit le géométral en ABCD, fig. 1. de 10 piés de long, sur 4 piés de large, avec la précaution de ne pas fermer son coffre du côté qui devoit porter à terre, comme on le voit par la fig. 4. exprimant l’élévation du coffre avant qu’on y ait cloué le devant, & destinée à faire sentir que le coffre de cette machine à extraction, n’est autre chose qu’un parallélépipede creux auquel il manque un de ses grands côtés.

On fait au-devant du coffre en EF, une ouverture de 18 pouces de large, & de 18 pouces de haut, faisant office de tisar. Le coffre doit avoir 4 piés d’élévation (Voyez HGKI, fig 3, & 4.) on en voit le perspectif, fig. 2. Il est destiné à servir de fourneau au moyen du tisar cf. pratiqué à une des extrémités, & des cheminées gh construites à l’autre extrémité, posant les barreaux du tisar en ef, d’un bout à l’autre du coffre, sur une maçonnerie préparée à cette intention ; il faut pratiquer un cendrier au-dessous, comme dans la machine décrite ci-dessus.

Si l’on adapte un rebord HLMN, fig. 3, d’un pié de hauteur à l’entour du coffre, & a sa partie supérieure, on forme une chaudiere dont le dessus du coffre fait le fond. Si l’on cloue des tôles PO au bas du coffre & tout-à-l’entour dans une position divergente, de maniere qu’au haut du coffre, la distance QO = dix-huit pouces, cette nouvelle partie de la machine s’appelle ses ailes. Le tisar empêche de continuer les aîles au-devant du coffre. On doit les faire monter asse haut pour que quand elles sont pleines d’eau, la cloueure qui joint le rebord au coffre, puisse être mouillée, & qu’elle ne se ressente pas du mauvais effet du feu. On soutient le poids des aîles par une maçonnerie PRO.

Voici l’usage de la machine que nous venons de décrire. On met à dissoudre dans les aîles ; lorsque l’eau est clarifiée, on la trejette dans la chaudiere pratiquée au-dessus du coffre, ou elle s’évapore avec assez de facilité, & d’où on la fait passer dans une chaudiere de réduction construite à part, & placée à côté de la grande machine. Le reste de la manœuvre est comme nous l’avons indique pour l’autre maniere d’extraire.

On me permettra de faire sentir les inconvéniens de cette machine, d’après l’usage assez long que j’en ai fait, & les observations les plus exactes. 1°. Une telle machine est plus chere que toute autre, vu la quantité de fer nécessaire à sa construction. 2°. S’il arrive un accident à une partie quelconque de la machine, toutes les autres lui sent liées, de maniere que l’accident devient commun à toutes, & qu’elles sont toutes également hors de service. 3° Il est impossible d’obtenir de la lessive claire dans les aîles, parce qu’elles chauffent presqu’aussi fort que l’évaporante. On peut à la vérité remédier à cet inconvénient, en revêtant l’intérieur du coffre du côté des aîles d’une maconnerie ; mais autre difficulté : si la machine vient à perdre son eau, comment le fabricateur au-travers de la maçonnerie, jugera-t-il du lieu par où peche sa machine, & de la raison de l’accident ? 4°. Lorsque la soude est déposée au fond des ailes, comment l’en tirer au-travers d’un volume d’eau, qui est plus considérable à mesure qu’on approche du haut, & qui par l’agitation qu’on lui imprime, fait tomber le plus souvent ce qu’on avoit déja pris dans la pelle ? On peut, à la vérité, diminuer le feu, & laisser l’eau des aîles plus basse : alors on n’a d’autres ressources, pour empêcher la machine de se gâter, que de diligenter l’opération, & de chercher plus à la faire vîte, qu’à la faire bien.

Quelque soin qu’on ait d’avoir des instrumens adaptés par leur forme au bas des aîles, pour pouvoir fouiller par-tout, & de détacher la soude du fond avec des outils piquans, on ne sauroit la tirer toute bien exactement, & ce qui en reste, à force de sentir l’action du feu, se coagule, se durcit, & empêche l’eau de toucher le fond des ailes & le bas du coffre, au moyen de quoi il est très-difficile d’empêcher cette partie de se calciner. On sent très-bien que si l’on veut faire usage de cette machine, on sera obligé de hausser le terrein tout-au-tour pour pouvoir faire le service ; autrement quatre piés de coffre & un pié de rebord feroient une hauteur à laquelle aucun homme ne pourroit travailler.

Voici la description d’une troisieme maniere d’extraire, meilleure, à mon avis, que les deux précédentes : elle n’a aucun des inconveniens de la seconde, & par elle l’opération est plus parfaite que par la premiere machine, & le marc de soude moins sujet à conserver encore des sels.

Soient AAAB, fig. 2. Pl. II. quatre chaudieres, dont trois A, A, A, de quatre piés sur quatre piés, & B de cinq & demi sur quatre, & toutes d’un pié à quinze pouces de profondeur, disposées sur une maçonnerie construite en gradin, comme dans la Pl. III. avec la différence que le fourneau va de la premiere chaudiere à la quatrieme sans séparation, & qu’au lieu que le fond de AI soit au niveau du bord de B, il est d’environ quatre pouces au-dessous. De cette maniere le marc de soude se trouve plus bas que les robinets, & on n’a pas à craindre qu’il en passe avec la lessive. La chaudiere B est élevée sur son fourneau de trente pouces au-dessus de terre. La hauteur des bords des chaudieres A regle l’élévation des maçonneries, sur lesquelles elles sont posées ; ainsi en leur supposant à toutes un pié de bord, dont quatre pouces sont au-dessus du bord de la chaudiere inférieure ; A1 sera de trente-huit pouces au-dessus de terre ; A 2 sera élevée de quarante-six pouces, & A 3 de cinquante-quatre. La maçonnerie a six piés de large tandis que les chaudieres n’en ont que quatre.

On pratique un tisar de dix-huit pouces en E, à un des bouts du fourneau, sous la chaudiere la plus basse qui sert d’évaporante, fig. 1. 3 & 4. Le lieu du feu n’occupe que la longueur de la chaudiere B, & on y forme un cendrier de même largeur que le tisar, fig 2. comme dans les machines dont il a été question ci-dessus, plaçant les barreaux du tisar a, a, a, a.

La fig. 3. exprime la maniere dont est construit le tisar dans l’intérieur du fourneau. La maçonnerie est à plomb de b en c, de la hauteur d’un pié, & elle va de c en d joindre le bord de la chaudiere.

La fig. 2. nous fait connoître la construction du fourneau sous les chaudieres A. A l’extrémité e dutisar on forme un petit relais ef de six pouces pour terminer le tisar, & de f on construit en maçonnerie un talud fg, dans la vue de diminuer la capacité du fourneau, & de diriger la chaleur sous les chaudieres A. Le talud fg est tel que gh = fi, c’est-à-dire que la distance du talud à la chaudiere B, est la même que celle du talud à la chaudiere A 3. On voit en l un trou d’environ huit pouces sur chaque face, pratiqué pour faire courant d’air, & auquel il ne seroit pas mal d’adapter une cheminée. Lorsqu’on s’apperçoit que le feu devient trop fort sous les chaudieres A, on peut le modérer autant qu’on veut, en bouchant le trou l, au moyen d’une soupape pareille à celle de la Pl. III. On voit, dans la fig. 4. la disposition de la maçonnerie à l’extérieur du côté du tisar.

Quant au service de la machine, le voici. On fait la dissolution dans la chaudiere A 1, & l’évaporation dans la chaudiere B. Lorsque la seconde a été dissoute en A1, on la fait passer en A2, ou on lui fait subir une nouvelle dissolution ; de A2 elle passe en A3, où on la dissout encore. Lorsqu’elle sort de A3, on peut la jetter sans courir risque de la moindre perte. Toutes ces opérations n’alongent point le travail, & n’entraînent pas à plus de dépense. Elles se font, pour ainsi dire, à feu & à tems perdu, l’extraction roule en entier sur les chaudieres A1 & B, elles doivent même travailler plus vîte que de toute autre maniere. Au-lieu de faire la dissolution avec de l’eau pure & claire, on la fait avec celle qu’on prend dans la chaudiere A2, qui est bien plutôt saturée, ayant déja les parties salines dont elle s’est chargée dans les chaudieres A2 & A3 : ainsi A3 est la seule qui reçoive l’eau pure des bassins D. L’eau de A3 fait la dissolution de A2, & l’eau de A2 fait la dissolution de A1.

Le terrein doit être disposé avec soin au-tour des chaudieres A, A, A, B, sans quoi on ne pourroit travailler dans les chaudieres A2 & A3, cette derniere sur-tout étant à quatre piés & demi de terre.

La réduction se fait dans quatre chaudieres C, C, C, C, placées sur des fourneaux, dont on voit l’élévation du côté du tisar, fig. 5. On les chauffe, comme dans la seconde méthode que nous avons donnée, & on y pratique des petites cheminées, ne fût-ce que des simples ouvertures, à l’opposite du tisar.

Il nous reste encore une méthode d’extraction à décrire, mais comme elle exige quelque connoissance de la purification des sels, nous allons commencer par en dire un mot.

Purifier les sels, ne peut être autre chose que les priver des parties hétérogenes qu’ils contiennent. Ils ne peuvent contenir que du marc de soude, des sels neutres ou une trop grande quantité de principe colorant. Pour en séparer le marc de soude, il n’y auroit qu’à leur faire subir une nouvelle dissolution. Le marc de soude se déposeroit, on décanteroit l’eau claire, & on l’évaporeroit. Ce moyen doubleroit les dépenses ; ainsi il n’y faut pas penser. On doit seulement tâcher d’extraire avec tant d’exactitude, qu’il ne se trouve point de marc de soude combiné avec le sel, ou du-moins qu’il ne s’y en trouve que très-peu.

Je ne vois pas de moyen de séparer les sels neutres de l’alkali, si ce n’est la fusion. Ne pouvant, comme l’alkali, entrer dans la constitution du verre, ils se manifestent au-dessous du creuset sous une forme liquide, & on est le maître de les enlever. Mais comme dans cet instant il n’est plus tems de penser à purifier le sel, que d’ailleurs les sels neutres ne se mêlant pas à la substance du verre, ne peuvent nuire à sa qualité, à-moins que d’être en grande quantité, ne pensons qu’à bannir le principe colorant.

On ne doit entendre par calcination des sels, que l’opération par laquelle on les délivre de leur principe colorant. Nous avons vu précédemment que l’on ne fait subir la calcination à la soude (qui cependant en a bien plus besoin que le sel), que dans l’opération de la fritte ; à plus forte raison, me dira-t-on, seroit-il possible de ne calciner le sel que dans la même conjoncture. Aussi n’exige-t-on pas que la calcination particuliere des sels soit absolument parfaite, on sent néanmoins que plus elle aura été poussée loin, moins la fritte aura de besogne à faire, & mieux, & plutôt elle sera faite.

On met le sel dans un four pareil à ceux que nous verrons en parlant des frittes. On le chauffe d’abord fort doucement pour dissiper peu-à-peu son humidité : si on la mettoit en mouvement tout-à-coup par un feu violent, il s’en manifesteroit plus qu’il ne pourroit s’en dissiper, le sel en seroit dissous & liquéfié, & demeureroit dans cet état jusqu’à ce que toute son humidité fût dissipée ; alors il s’accrocheroit au pavé du four, & ne pourroit que s’y détériorer, c’est ce qu’on appelle la fusion aqueuse. Il faut prévenir la fusion aqueuse en chauffant d’abord doucement, & retournant le sel avec des instrumens appellés rables, dont on trouvera la description & l’usage en parlant des frittes, pour qu’il chauffe également dans toutes ses parties. On ne court aucun risque de pousser le feu, & de chauffer avec force, lorsqu’on s’apperçoit de l’entiere évaporation des parties humides ; ce qu’on connoît à la diminution des fumée, à leur cessation totale, & lorsqu’avec le rable on ne sent rien de gras ni de pâteux dans le sel. Le coup d’œil de l’expérience fait connoître mieux que toute autre chose, la fin de la calcination. Au surplus, je suis d’avis qu’on doit la continuer tant qu’on s’apperçoit que le sel change de couleur, & qu’il prend une nuance plus approchante du blanc. Lorsqu’il a été assez de tems chauffé, sans faire voir aucun changement, pour donner occasion de penser qu’il n’en recevra plus, il seroit inutile de pousser plus loin l’opération, puisque d’ailleurs la fritte fait ce qui pourroit rester à faire.

La calcination est plus ou moins parfaite, plus ou moins aisée, relativement à la qualité du sel. L’alkali pur se calcine bien plus vîte & bien mieux que lorsqu’il contient des sels neutres, & la couleur est bien plus blanche après la calcination.

Dans tous les atteliers que nous avons décrits ci-dessus, il est nécessaire de faire la calcination dans un four exprès : dans celui qui nous reste à décrire, le même feu qui fait l’évaporation fait aussi la calcination. Voici le détail de cette nouvelle maniere. On fait la dissolution dans des bassins à l’eau froide. La lessive est plus claire que lorsqu’on dissout avec de l’eau chaude, l’eau n’ayant pas ce mouvement que lui donne l’action du feu, & qui, pour peu qu’il se trouve fort, l’empêche de se clarifier. Mais, me dira-t-on, l’eau froide dissout moins de sel que la chaude ; dès-lors la lessive ne sera pas assez forte, & conséquemment rendra moins à l’opération. La disposition des chaudieres obvie à cette difficulté. On fait passer la lessive dans la chaudiere A, Pl. V. fig. 1. qui est échauffée légerement par le feu du tisar. L’eau s’y évapore en partie, diminue de quantité, & celle qui reste tenant en dissolution tout le sel qui étoit répandu dans une plus grande quantité d’eau, se trouve saturée lorsqu’on la trejette dans la chaudiere d’évaporation B. Celle A ne me paroîtroit pas mal nommée chaudiere de préparation. Après une évaporation suffisante, on fait passer l’eau dans la chaudiere de réduction C, & pour la suite on en agit comme à l’ordinaire.

Les chaudieres A, C ont quatre piés sur quatre, & B en a sept sur quatre ; elles ont toutes un pié de rebord. Elles sont placées à la même hauteur sur une bâtisse de quatre piés. Le feu est allumé sous l’évaporante B, au moyen du tisar T, de dix-huit pouces de large, qu’on construit le plus près qu’on peut de la préparatoire A. On fait un cendrier E à l’ordinaire, fig. 2. sous le tisar, dont on place les barreaux, un pié au-dessous du sol. On voit dans cette figure la disposition du fourneau.

La maçonnerie est montée à-plomb de l en f, hauteur d’un pié, & elle fait de s en g jusqu’à la hauteur d’un pié, un talud incliné de telle sorte que fm=six pouces. De h en i le talud est plus roide, monte jusqu’à l’élévation de dix-huit pouces, & au point i commence un autre talud, qui va de i en n, de maniere que no = huit pouces. Ce talud est fait dans la même vue que celui qu’on remarque, Pl. II. sous les chaudieres A. On fait de n en o une ouverture de six pouces sur chaque face, qu’on peut diminuer à volonté pour diminuer le feu si l’on en a besoin.

Au moyen de la perpendiculaire gm, on a de m en p sous la chaudiere de réduction un pavé sur lequel on peut faire la calcination. La gueule de cette espece de fourneau de calcination est sur le côté ps, & est semblable pour la forme à la gueule des fours à fritte que nous décrirons bien-tôt. Le terrein est disposé en cet endroit de maniere que ladite gueule & le pavé soient à une hauteur commode pour le travail. Voyez l’élevation fig. 3. Au-dessus de la gueule on fait une cheminée, tant pour recevoir les fumées, que pour favoriser la combustion.

Des compositions. L’état du four dans lequel on a à travailler, regle la proportion des matieres dans les compositions ; s’il ne chauffe pas assez bien pour dissiper la manganese, il faut nécessairement la mettre en petite dose ; s’il ne fond pas facilement, la proportion du fondant devra être un peu plus forte. Lorsqu’on emploie de la soude en nature, on réussit assez bien en combinant parties égales de soude & de sable ; quant à la manganese, j’en mets quatre livres sur mille livres de soude & de sable, si je crois pouvoir les dissiper : si après l’opération le verre se trouve trop rouge, j’en mettrai moins dans la suite ; si l’affinage[19] du verre est trop long, j’augmente la quantité de calcin, & l’on sent en effet que plus on ajoûtera dans une composition de matieres qui a été affinée, plus l’affinage du tout sera prompt. Je ne puis donner de regle exacte sur les proportions des matieres qui entrent dans la composition, je me contenterai d’en indiquer diverses qui ont toutes fait de beau verre a mais on pourroit en trouver beaucoup d’autres qui feroient aussi beau en général ; lorsque toutes les matieres ont été bien calcinées, il est difficile de faire du verre de mauvaise couleur, sur-tout en employant du calcin qui soit lui-même de beau verre ; si au contraire on se négligeoit dans les calcinations, il est bien difficile que le verre ne soit pas jaune.

Les effets de chaque matiere, sur-tout quand on travaille en salin, doivent entrer dans les considérations à faire pour les compositions ; le salin mis en trop grande quantité ne se combine pas tout aux matieres auxquelles il a été mêlé ; l’alkali superflu se manifeste au-dessus du verre, se mêle au bain du sel de verre[20], rend l’évaporation du sel de verre plus difficile, & conséquemment retarde l’opération ; au surplus il est regardé comme donnant au verre une couleur verte ; la chaux est regardée comme colorant le verre en jaune, lui donnant un défaut de solidité, & le rendant friable & cassant ; la manganese en trop grande quantité répand trop de rouge dans le verre, & lorsqu’il y en a trop peu, le verre est d’un verd léger que l’on distingue aisément des verds qui viennent d’autre cause, & les verriers disent alors que le verre est bas en couleur. Le calcin donne au verre du corps & de la facilité, tant à la fonte qu’à l’affinage ; quant à la couleur, il donne au verre celle qu’il a ; si c’est du bon calcin, de bonne couleur, il donnera cette qualité au verre dans la composition duquel il entrera ; si au contraire il est de couleur désagréable, il en donne à toute la masse du verre une nuance moindre à la vérité que celle qu’il a lui-même, mais qui ne laisse cependant pas d’être fâcheuse. Le sable n’est pas considéré comme donnant aucune qualité, ni bonne ni mauvaise, c’est par rapport à lai que les autres matieres sont employées, il est la base du verre ; une trop grande quantité rendroit cependant le verre plus difficile à fondre.

D’après toutes ces considérations, on peut travailler avec succès ; mais la difficulté de la chose, c’est que tout est relatif, & n’est qu’une affaire de comparaison ; telle composition sera excellente dans un four, qu’on n’oseroit entreprendre dans un autre. Mais, me dira-t-on, en suivant les mêmes constructions, n’aura-t-on pas toujours le même four ? J’en conviens, mais ce four n’est pas toujours dans le même état ; en vieillissant, il perd ses qualités. Alors un artiste habile observe les phénomenes avec soin, cherche à en voir la raison, & tâche de se conduire en conséquence.

Lorsqu’on emploie du salin où il y a beaucoup de sels neutres, il faut une chauffe bien plus forte par la nécessité de dissiper ceux-ci, que si l’alkali avoit été bien pur ; il y a une infinité de nuances qui s’appercoivent par l’expérience, & de petites attentions qu’il est impossible de rendre ici.

Lorsqu’on compose en soude, me dira-t-on, si la chaux fait jaune, le verre doit bien tenir de cette couleur, puisque de cette maniere il y a plus de chaux que de toute autre, vu la base calcaire de la soude. On remédie à cet inconvénient en mêlant de l’azur à la composition. La chaux fait jaune, l’azur bleu, l’union de ces deux couleurs produit le vert, & cette nouvelle nuance étant corrigée par la manganese, le verre se trouve à un assez bon ton de couleur ; il ne faut pas mettre beaucoup d’azur ; il seroit à craindre que la nuance ne fût trop forte, & cette couleur est fort difficile à dissiper ; une once par pot suffit.

Voici des exemples de compositions employées dans deux fours, dont l’un chauffoit mal, & l’autre chauffoit fort bien ; dans le premier, on composa pendant quelque tems dans ces proportions 240 p. salin, 300 p. sable, 40 p. chaux, 25 onces manganese, 267 p. calcin. Avec cette composition, les affinages étoient longs, & l’on fondoit avec peine, quoiqu’il y eût plus de salin qu’il n’en auroit fallu pour peu que le four eût pû chauffer. On augmenta la dose du calcin de 100 p. sur la même quantité des autres matieres ; on n’augmenta pas la dose de la maganese, parce qu’elle ne se dissipoit pas aussi aisément qu’on auroit desiré.

Cette nouvelle composition de 300 p. sable, 40 p. chaux, 240 p. salin, 25 onces manganese, & 367 p. calcin, parut avoir assez de corps pour soutenir une augmentation de chaux, & d’ailleurs la chaux étant une substance alkaline, ne pouvoit pas nuire à la fusion ; on composa donc de cette maniere 240 p. salin, 300 p. sable, 50 p. chaux, 25 onces manganese, 367 p. calcin.

Toutes ces compositions firent de beau verre ; mais on va voir combien elles sont différentes de celles dont on se servit dans le four qui chauffoit bien.

La bonne ou la mauvaise chauffe contribue beaucoup à la bonne fabrication ; le travail est bien plus prompt, plus suivi, plus satisfaisant, & les phénomenes plus aisés à observer par leur régularité, lorsque l’on a affaire à un feu violent. Le service d’un mauvais four est toujours ruineux, quelque soin que se donne l’artiste pour en-tirer tout le parti possible, même lorsqu’il réussit ; parce qu’il met infiniment plus de tems pour faire le même ouvrage, que s’il avoit bon feu, & conséquemment beaucoup plus de dépenses.

Voyons les compositions de la réveillée[21] du bon four. Les premieres furent de 203 p. salin, 282 p. sable, 33 p. chaux, 293 p. calcin, & 19 onces manganese. S’appercevant que le four chauffoit assez pour fondre avec moins de salin, affiner avec moins de calcin, & dissiper plus de manganese, on composa avec 202 p. salin, 282 p. sable, 33 p. chaux, 282 p. calcin, 22 onces manganese. Ce fut par les mêmes raisons de facilité de fonte, qu’on diminua encore le salin, & l’aisance qu’on avoit à dissiper la manganese, en fit augmenter la dose. On composa sur le pié de 200 p. salin, 310 p. sable, 33 p. chaux, 282 p. calcin, & 24 onces manganese. Le four vint à diminuer de force, on diminua le sable, on augmenta le calcin, on rendit la proportion de la manganese relative à ces nouveaux changemens.

On sent très-bien que l’on auroit fait une sottise si l’on avoit travaillé dans le premier four les compositions de celui-ci, & réciproquement ; car comparant les deux ci-à-côté, où le sable est en même dose.

Premier four.
Calcin. Salin. Sable. Chaux. Manganese.
367… 240… 300… 30… 25 onces… 958 p 7 onc. poids total.
Second four.
282… 200… 300… 33… 23 onces… 8.6 p. 7 onc. poids total.

Dans le premier four, 200 p. salin n’auroient pû fondre 300 p. de sable, & on n’auroit pû affiner avec si peu de calcin.

Voilà tout ce que je crois pouvoir dire sur cet objet ; la relation de l’état du four, avec les proportions des matieres, jettant tant de vague sur cette partie, & y ayant, comme on vient de voir, tant de combinaisons propres à faire du beau verre, en supposant qu’on ait eu toutes les attentions nécessaires pour les calcinations.

L’action de réunir & mélanger toutes les matieres propres à faire du verre, est connue sous le nom d’assemblage ; ainsi assembler ou faire l’assemblage, signifie en terme de métier, mêler & réunir les matieres nécessaires à la composition du verre.

Lorsque l’assemblage est fait, on fait subir à la composition l’opération de la fritte que nous allons détailler, ainsi que les fours où elle se fait, & les outils employés à la faire. Il est nécessaire de prêter à cette description d’autant plus d’attention, que les fours à calciner les sels & les cassons, sont les mêmes que ceux que nous allons décrire.

Ce que c’est que fritter, & la construction des fours à fritte. L’opération de fritter consiste à faire subir aux matieres assemblées une calcination générale & parfaite ; c’est pour ainsi dire, la perfection de toutes les calcinations particulieres, une récapitulation des calcinations antérieures, & si l’on veut me passer le terme, elle est destinée à mettre les matieres au même ton de calcination. On sent combien cette opération est utile ; par elle toutes les parties hétérogenes qui se trouvent volatiles ont occasion de se dissiper ; ainsi c’est à elle qu’on doit l’entiere expulsion du principe colorant, & conséquemment la belle couleur des glaces : c’est aussi à elle qu’on doit le mélange parfait & intime des matieres qui constituent le verre : par elle la manganese se répand dans toutes les parties de la composition, & acquiert une sorte d’adhérence à ces parties, qui la fait entrer dans la composition du verre ; car on a éprouvé qu’en mêlant la manganese à la composition après que celle-ci avoit été frittée, & l’exposant à la fusion sans faire subir l’opération de la fritte à la manganese elle-même, la propriété volatile de cette derniere matiere en occasionnoit l’évaporation avant qu’elle pût se mêler aux parties du verre & les colorer ; dès-lors l’effet qu’on en attendoit se trouvoit nul.

La fritte est une opération indispensable, comme il est évident par les avantages que nous venons de lui reconnoître. Il en est un cependant, qui, quoique très-considérable, n’en entraîne pas la nécessité : c’est la perfection de la calcination. Il est certain que l’on auroit cette raison de moins de faire des frittes, si l’on rendoit les calcinations particulieres aussi-bien faites qu’il fût possible ; mais d’un autre côté, l’attention particuliere & suivie qu’il faudroit avoir pour la calcination de chaque matiere en particulier, répandroit beaucoup de minuties dans une besogne qui en est déja assez pleine par elle-même ; encore courroit-on le risque d’avoir des calcinations inégales, & conséquemment de faire de mauvais ouvrage : quelques glaciers qui ont voulu se dispenser de fritter, ont été obligés d’abandonner ce projet, ne le remplissant qu’à leur perte.

Nous dirons d’abord un mot de la maniere dont se comporte la composition lorsqu’on la chauffe, des précautions avec lesquelles on la chauffe, des qualités & propriétés qu’elle acquiert par la fritte ; ensuite nous décrirons les fours à fritte, & l’emploi des outils nécessaires à fritter.

Lorsque la fritte est enfournée, il ne faut pas faire éprouver tout-à-coup un feu violent ; cette conduite exposeroit à l’accident de la fusion aqueuse. On chauffe donc d’abord foiblement pour donner le tems à l’humidité de se dissiper lentement ; la fritte fume & s’amollit, c’est dans cet instant qu’il faut la remuer avec force pour l’empêcher de devenir plus molle, en aidant à l’évaporation de son humidité ; lorsque la fritte ne fume plus, & qu’elle redevient friable, on peut pousser la calcination à un grand feu en remuant souvent la fritté. Cette précaution est absolument nécessaire, 1°. pour donner lieu à toutes les parties de se calciner également, 2°. pour obvier à la disposition qu’a la fritte de le réunir en morceaux[22], il faut empêcher que la fritte ne se prenne avant qu’on la regarde comme finie, ce qu’on reconnoît lorsqu’après avoir passé la fusion aqueuse, & avoir été chauffée quelque tems on n’apperçoit plus aucun changement dans sa couleur ni en général dans son état.

Après que la fritte est finie, on y jette la quantité de calcin qu’on juge convenable ; on ne fait pas subir au calcin tout le tems de la fritte ; 1°. parce qu’il n’a absolument besoin que d’être mêlé à la fritte, & qu’il ne faut que très-peu de tems pour celà ; 2°. de peur que cette matiere qui a déja été fondue, & qui a plus de propension à la vitrification que les autres, ne vint à fondre en tout ou en partie, & ne dérangeât par cet accident l’opération de la fritte.

Il est nécessaire pour la facilité du frittier,[23] & pour l’aisance de l’opération, de ne pas mettre une grande quantité de fritte dans le four ; plus il y en aura, moins il sera aisé de la remuer & d’exposer toutes ses parties au feu :[24] huit ou neuf cens livres de fritte suffisent dans un four de dix piés de ciametre.

Les sentimens sont partagés sur la fritte ; les uns veulent qu’on la laisse prendre en morceaux les plus gros qu’il est possible ; les autres veulent au contraire qu’elle soit prise le moins qu’il se peut ; je serois volontiers de l’avis de ces derniers, & voici mes raisons. 1°. La fritte restant en petites parties, reçoit une calcination bien plus parfaite & plus générale que lorsqu’elle se prend. Dans ce dernier cas, les parties intérieures ne ressentent plus l’action du feu. 2°. Le mélange du calcin est bien plus uniforme ; lorsqu’on laisse prendre la fritte, il y a des morceaux où il n’y a point de calcin ; d’autres ne sont autre chose que du calcin. 3°. Lorsqu’on enfourne la fritte dans le creuset pour faire du verre, si elle est en gros morceaux, la chûte d’un de ceux-ci peut casser le creuset, ce qu’on ne risque pas lorsque la fritte n’est pas prise.

Les qualités auxquelles on reconnoît de bonnes frittes, sont la belle couleur d’un blanc un peu rouge, la légereté & la porosité ; ces deux dernieres propriétés prouvent que l’on n’a pas négligé de remuer la fritte, & que par-là on a aidé autant qu’on a pu à sa calcination, puisqu’elle n’a pû se coaguler assez pour acquérir une densité un peu considérable.

On doit avoir soin d’éplucher la fritte avec le plus grand scrupule, pour en séparer les dégradations du four qui auroient pû y tomber, & les autres parties hétérogenes qui par hasard s’y rencontreroient.

Les compositions faites en soude, sont bien plus longues & bien plus difficiles à fritter que celles qu’on fait en salin, la raison en est bien sensible ; la soude renferme beaucoup de principe colorant, & n’a subi aucune opération qui pût l’en priver, comme le salin qui a passé par une premiere calcination ; aussi se conduit-on bien différemment pour travailler les compositions en soude, que pour fritter des compositions en salin. On fritte les premieres deux fois ; la premiere tient lieu de la calcination que subit le salin avant d’être employé ; on fritte cette fois sans manganese : on défourne la composition, on l’écrase si elle est prise, on y ajoute la manganese, & on la remet au four où elle subit une seconde fritte d’environ quatre heures, qu’on appelle repassée. Les frittes en sel sont environ le même tems à le faire, & ne sont conséquemment que des sortes de repassées.

La premiere fois qu’on enfourne les compositions en soude, elles subissent environ huit heures de chauffe.

On voit dans la Planche XII. les plans & coupes des fours à fritte en usage ; le pavé du four présente une surface ronde A de cinq piés de rayon ; il est fait en briques posées de champ comme nous avons vu, qu’étoit le pavé des arches à pots.

Le pavé A est elevé sur un massif en bonne pierre de la hauteur de trente pouces. (Fig. 2 & 3. même planche.) Le four est ouvert d’une gueule B destinée au travail ; elle a dix-huit ou vingt pouces de large, & est ceintrée à plein ceintre. On laisse à la gueule le moins d’épaisseur qu’il est possible, & seulement celle qu’il faut pour la solidité du four : on forme un relai txzy de six pouces qu’on place de maniere que tz=quatre piés, & au-dessus duquel on forme un ceintre de pareille hauteur, qu’on trouve exprimé en zek &. (fig. 4, Pl. XIII.) Le relai tx (Planche XII, fig. 1.) donne lieu de poser une tôle ou ferrasse devant le four quand on en a besoin, & son éloignement de la gueule donne la facilité d’atteindre toutes les parties du four avec le rable. C’est aussi pour cette facilité que quelquefois on ôte au four la forme circulaire de 2 en 1, & on lui fait prendre la forme 1, 3, 2. On place à la gueule du four une plaque de fonte cf qui s’engage de chaque côté sous la maçonnerie, & qui déborde un peu le massif ; lorsque la fritte est faite, on la fait tomber dans un bassin MN pratiqué depuis le pié droit F de la cheminée jusqu’au tisar, dans la vue d’y laisser refroidir la fritte : ce bassin est d’une largeur de trois piés, la plaque ef empeche par sa position la fritte de toucher le massif en tombant. La voute du four est élevée du rayon de son aire, c’est-à-dite, de cinq piés ; on peut la concevoir formée par la partie BTS 4 qui a tourné au tour du diametre B 4 jusqu’à ce qu’elle ait été s’appliquer sur la partie B 54.

De quelque maniere qu’on coupe le four, par la ligne mn, ou par la ligne cd, comme dans les figures 2, 3, la courbe que sa voûte présentera, sera toujours la même, le four n’étant qu’une demi-sphere, dont le rayon est de cinq piés.

Le four à fritte est chauffé par le tisar ED de dix-huit pouces de large & d’environ sept piés de long. Le tisar peut être indifféremment à droite ou à gauche de la gueule du four, suivant l’emplacement que l’on a. Laissant un pié pour l’épaisseur 2 6 des murs du four, le tisar se trouve à six piés de la ligne cd, & sa ligne du milieu conséquemment à six piés neuf pouces.

Le tisar est dirigé parallelement à la ligne c d.

Si l’on considere le devant du massif du four désigné par la ligne 7 8, on verra que le tisar est plus enfoncé d’environ un pié, & que l’ouverture C depuis le four jusqu’au pié droit F de la cheminée, est de deux piés, au moyen de quoi on a de chaque côté du tisar un relais 9, 10, 11, 12, pour placer la porte qui sert de fermeture au tisar. Les barreaux du tisar sont élevés de deux piés au-dessus de terre (qr, fig. 2, Pl. XII.) : ce qui les place à six pouces au-dessous du pavé. Le ceintre du tisar est élevé de deux piés au-dessus des barreaux. Les barreaux du tisar sont bien plus solides lorsqu’on les fait en bonne fonte, que lorsqu’on les fait en fer.

Le feu du tisar se communique dans le four par une ouverture ST (fig. 1, Pt. XII.) d’environ cinq piés de large, & prenant à l’extrémité D du tisar. L’ouverture commence à six pouces au-dessus du pavé (fig. 3. Pl. XII.) ; les barreaux du tisar & par conséquent le feu se trouvent environ à un pié au-dessous de l’ouverture, & par-là on évite le danger de faire tomber des charbons dans la fritte, en jettant du bois dans le tisar ou en l’y remuant.

On peut regarder l’ouverture ST comme une maniere d’entonnoir, puisque du côté du four elle a la hauteur du four, & du côté du tisar, celle du tisar, qui est bien moindre. Cette disposition en entonnoir paroît la plus favorable pour déployer la flamme dans le four & lui donner plus d’étendue. Le cendrier a environ cinq piés de profondeur au-dessous des barreaux du tisar ; il s’avance d’un pié plus que le tisar, c’est-à-dire en 8, 14, à l’alignement du devant du four.

On voit (fig. 4, Pl. XIII.) la maniere dont on dispose le devant d’un four à fritte pour pouvoir y travailler. De chaque côté de la gueule du four on place une barre de fer verticale, telle que 1, 2, 3, 4. Elles sont l’une & l’autre retenues par d’autres barres engagées dans la maçonnerie, & dont il ne sort que les bouts 1, 2, 3, 4, formés en anneau Les barres verticales sont armées de crochets élevés d’environ six pouces au-dessus de la plaque du devant du four. On pose sur ces crochets une barre horisontale xy, garnie de chevilles, & connue sous le nom de barre du four à fritte.

On pratique une cheminée au-devant des fours à fritte pour recevoir les fumées. Les piés droits en sont placés, l’un au tisar, l’autre à l’extrémité opposée du bassin MN (voyez F F, Pl. XII.). La cheminée a trois piés de profondeur, & son manteau est élevé de six piés au-dessus de terre (fig. 4, Pl. XIII.). Il seroit à craindre qu’il ne tombât par le tuyau de la cheminée, des saletés, comme suie, &c. dans le bassin MN, ou la fritte demeure un peu de tems. On prévient cet inconvénient en dirigeant le tuyau au-dessus du tisar jusqu’où le bassin ne s’étend pas ; mais ce remede n’est qu’un palliatif ; il peut tomber des ordures du manteau comme du tuyau, & alors elles iroient nécessairement dans le bassin. Il n’y auroit qu’à abattre la fritte dans un coffre de tôle posé sur des roulettes ; dès que la fritte seroit abattue, on la retireroit de dessous le manteau de la cheminée, & on la laisseroit refroidir en sûreté.

Au-dessus du four à fritte, on pratique un appartement bien propre i, (fig. 2 & 3, Pl. XII.) qu’on remplit de sable lavé, pour l’y faire sécher ; l’appartement i s’appelle sablonette.

On se sert aussi de fours à fritte double(Pl. XIII.). Ceux-ci ne sont point differens de ceux que nous venons de décrire : c’est simplement deux de ces derniers construits à côté l’un de l’autre, présentant leur devant HI, HI (Pl. XIII. fig. 1.) sur la même ligne, communiquant par les ouvertures BC, BC, au même tisar FG, qui leur est commun, & qui au lieu d’avoir sa gueule sur la même face que celles des fours, l’a en E, sur la face opposée ; au moyen de ce four double, il n’est besoin que du même feu pour faire deux frittes à la fois.

Lorsqu’un four à fritte est achevé de construire, on a toujours le soin de le chauffer par degrés, pour l’attremper & le recuire, avant de le faire travailler.

La vignette de la Planche XII. représente l’opération de la fritte, ou, si vous voulez, les frittiers en action. Ils ont derriere eux des matieres toutes assemblées dans les caisses de bois 1, 2, portées sur des roulettes. Les dimensions de ces caisses n’ont rien qui les décide ; elles doivent seulement contenir au moins ce qu’on met à chaque fois dans le four, c’est-à-dire une fritte, & elles ne doivent pas être assez grandes pour que le frittier seul ne les puisse remuer avec facilité & sans embarras, en s’aidant seulement du levier.

Lorsque le frittier veut enfourner sa fritte, il ôte la barre de son four, approche sa caisse, prend sa matiere avec une pelle représentée en 3, & garnie d’un manche de trois piés, & la jette en tas dans le four, recule sa caisse pour obtenir la place nécessaire à son travail, & replace sa barre dans la position ou elle doit être lorsqu’il travaille. Alors il prend le rable qu’on voit entre les mains du frittier, dans la vignette de la Planche XII. aussi bien qu’en 45, 67.

Le rable est l’instrument le plus intéressant à connoître dans cette partie : c’est l’usage qu’on en fait, qui rend la fritte mieux ou plus mal faite ; il est destiné à la remuer. C’est une longue barre de fer au bout de laquelle on ajoute une patte abcd, faisant angle droit avec la barre qu’on appelle communément manche du rable. On pose le rable sur la barre du devant du four, qui lui sert de point d’appui ; on le place entre deux des chevilles qu’on remarque sur la barre pour l’empêcher de glisser & de changer mal-à-propos de position. Les dimensions du rable sont relatives au four dans lequel on fritte. Si le four a dix piés de diametre, le rable doit avoir environ quinze ou seize piés de manche. Quant à la patte, plus les frittes qu’on enfournera seront fortes, plus elle devra être longue de a en b, pour pouvoir aller jusqu’au pavé ; car c’est bc qui touche le pavé. Il n’est pas besoin que la patte du rable soit fort large de b en c ; il suffit qu’elle le soit assez pour que le rable ait de l’assiette sur le pavé, & qu’il ne change pas de position au moindre obstacle. Un rable à fritte ne me paroîtroit pas mal en proportion, ayant ab = neuf pouces, & bc = six pouces. On met un petit manche de bois au bout du rable pour le tenir avec facilité.

Le rable a deux mouvemens : du devant du four au fond, & réciproquement, & de droite à gauche comme de gauche à droite. Dans le premier, le rable pose sur le côté bc, & le frittier le pousse devant lui jusqu’au fond du four, & trace un sillon dans la matiere qu’il a eu bien soin d’étendre sur tout le pavé du four. Il porte ensuite la patte de son rable deux pouces à côté de l’endroit où elle étoit, & tirant à lui il forme un autre sillon, & ainsi de suite. Cette opération s’appelle labourer la fritte. Elle tend à faire passer au-dessus les parties qui étoient au-dessous, pour leur faire éprouver plus immédiatement l’action du feu ; lorsque les parties que le frittier vient d’exposer au feu, ont été un peu chauffées, il recommence & fait revenir dessus celles qu’il avoit fait passer dessous, & il opere de même jusqu’à la fin de la fritte.

Le second mouvement du rable tend, comme le premier, à changer la disposition des parties de fritte dans le four. Le rable ne pose plus sur bc, mais sur son côté a b. Le frittier met le manche de son rable d’abord à la premiere cheville, & il le remue de droite à gauche, & de gauche à droite. Il fait la même manœuvre en plaçant le rable à chaque cheville pour atteindre toutes les parties du four. Point de maniere plus favorable de présenter souvent au feu différentes parties, & point de moyen plus propre à empêcher la fritte de prendre. Cette manœuvre s’appelle rizeler la fritte. C’est par ces deux manutentions souvent répetées, qu’on parvient à faire éprouver à la fritte une calcination égale & uniforme dans toutes ses parties. Le rable sert aussi à abattre la fritte dans le bassin lorsqu’elle est faite.

Il est nécessaire que le frittier ait auprès de lui plusieurs rables, pour en changer lorsque celui dont il se sert, vient à se trop échauffer.

De la préparation du bois propre au tisage, & de la maniere de tiser. Rien de plus desirable pour la bonne fabrication qu’une chauffe violente, soutenue & bien entendue ; rien conséquemment de plus important que le bon tisage. Nous entendons par tisage, l’action de chauffer le four. La bonté du tisage dépend de trous causes : de la qualité du bois qu’on emploie, de la maniere dont s’y prend l’ouvrier, & de sa vigilance. Le fabricateur n’est pas responsable de cette derniere condition ; elle ne dépend pas de lui, mais les deux premieres tiennent immédiatement à sa capacité. De toutes les especes de bois, celles qui, en faisant plus de flamme, produisent le plus de chaleur, sont sans contredit le hêtre & le frêne & particulierement le premier. Dans bien des pays de forêts, ces deux bois font, pour ainsi dire, une espece à part distinguée par le nom de foyard, qu’on donne à l’un & à l’autre. Différens des bois blancs, comme le tremble, le sapin, &c. ils produisent presque aussi peu de braise, & font une flamme active & animée, au lieu de la flamme pâle & languissante des bois blancs. Les chênes, de quelque espece qu’ils soient, ne peuvent entrer en comparaison avec le hêtre pour l’usage des verreries ; ils charbonnent beaucoup & produisent peu de flamme, ainsi que peu de chaleur. Les arbres fruitiers sauvageons qu’on trouve assez communément dans les bois, peuvent encore servir passablement au tisage.

Ces considérations ont déterminé à choisir le hêtre de préférence à tout autre bois, pour le tisage ; on a cherché ensuite la maniere de façonner ce bois, la plus favorable à sa prompte & parfaite combustion. On a regardé comme la meilleure, la méthode de refendre les pieces de hêtre, & d’en faire des morceaux d’environ quatre ou six pouces de tour, ou, si on veut, tels que l’on puisse les embrasser entre le pouce & le doigt du milieu. Voici les observations qui ont engagé à prendre ce parti. 1°. La plupart des morceaux sont privés de l’écorce qui les empêcheroit de s’enflammer aussi promptement que le cœur du bois le fait. 2°. Le bois sans écorce seche bien mieux. 3°. Le tiseur ayant à employer du petit bois, mesure & regle bien mieux la quantité qu’il croit devoir en mettre dans son four. Le hêtre ainsi façonné prend le nom de billete. La longueur de la billette est réglée par la construction du four dans lequel on la brûle. Dans celui que nous avons décrit, le milieu du tisar se trouve à vingt deux pouces au-dessus de l’âtre des tonnelles, & le haut à vingt-quatre. La bonne longueur du bois sera donc d’environ vingt-sept pouces ; par ce moyen une billette jettée dans le four pourra toucher d’un bout à l’âtre des tonnelles, & de l’autre au tisar, & demeurer par-là dans une position presque droite, qui sera plus favorable à la combustion, que si la billette tomboit à plat sur l’âtre des tonnelles.

On a essayé de tiser avec de la charbonnette ou bois de charbonnage, qui est façonné dans les branches des gros arbres ou dans la cime des taillis. La charbonnette quoique de même grosseur que la billette, fait bien moins bon feu, & il y a bien des raisons pour cela. 1°. On sait que le bois des branches est incomparablement moins bon que le bois de tronc. 2°. La charbonnette est toute couverte d’une écorce qui lui conserve son humidité plus long-tems, & qui empêchant le feu d’agir immédiatement sur le bois, en retarde la combustion & le fait charbonner.

A toutes les précautions possibles & usitées pour se procurer de belle & bonne billette, ajoutez celle de ne l’employer que très-seche, & vous aurez le meilleur aliment du feu qu’il soit possible : la billette encore humide produit beaucoup de fumée, peu de chaleur, & brûle difficilement.

On ne peut obtenir une chausse bien exacte que par l’exactitude du tiseur & sa bonne besogne. Il doit mettre du bois dans son four d’une maniere bien réglée, n’en laisser jamais manquer, & en même tems n’en pas mettre trop ; car s’il en mettoit une quantité trop considérable, il ne s’enflammeroit pas assez vite, le four seroit engorgé, il paroîtroit beaucoup de fumée, & on chaufferoit mal. On a imaginé un moyen de régler la chauffe, en assujettissant le tiseur à des mouvemens toujours les mêmes, qui puissent produire l’effet qu’on desire, sans exiger nulle combinaison d’un être qui très-souvent n’en est pas capable. On l’oblige de tourner d’un pas égal à-l’entour du four, pendant tout le tems de son travail, & chaque fois qu’il passe devant chaque glaie, il est tenu de mettre dans le tisar une même quantité de billettes. Le pas d’un bon tiseur est tel, qu’il fait la valeur de sept lieues pendant les six heures qu’il travaille. Le nombre des billettes qu’il jette dans chaque tisar, doit être tel, qu’il finisse de se consumer lorsque le tiseur revient au même tisar. Le four s’engorgeroit & boucanneroit[25], si le bois étoit plus long-tems à se consumer ; au contraire il jeûneroit, & le feu manqueroit d’aliment, si le bois étoit consumé avant que le tiseur fût à même d’en mettre d’autre. C’est ce juste milieu qu’il faut chercher avec le plus grand soin.

L’usage du rable est la plus grande difficulté du travail du tiseur. On trouve le plan de cet instrument dans le bas de la Planche XVIII. en kc. Le rable du tiseur ressemble par la figure au rable à fritte, mais il est beaucoup plus léger & plus court Il a huit piés de manche, savoir six piés de k en d en fer, & deux de d en c en bois. La patte du rable a quatre pouces de 1 en 2, & autant de 2 en 3. Le rable du tiseur est destiné à débarrasser l’âtre des tonnelles, des braises qui s’y déposent, & qui ne manqueroient pas d’intercepter le courant d’air, en bouchant les deux soupiraux du bas de la glaie : c’est cet usage du rable qui décide sa longueur. En lui donnant huit piés, l’âtre des tonnelles en a deux & demi ; il restera donc en-dehors cinq piés ou cinq piés & demi de manche, pour manier l’instrument. L’ouvrier met sa main droite en c, & la gauche plus avant sur le manche du rable. Dans le mouvement de cet outil, la main gauche du tiseur lui sert, pour ainsi dire, de point d’appui, & sa droite dirige son opération. Il insinue son rable successivement par chacune des ouvertures du bas de la glaie, le porte jusqu’à l’extrémité de la tonnelle, & retirant à lui, il dégage de braise le devant de ses soupiraux. Il a sur-tout attention de bien tenir libres les environs des joues ; comme elles sont placées chacune du côté d’un des sieges, cette précaution ne peut que diriger le feu vers cette partie où il est le plus intéressant qu’il porte son action. Par cette manœuvre que le tiseur est obligé de répéter fréquemment, & qu’on connoit sous le nom de rabler, il ne fait qu’entretenir le même courant d’air ; il n’ôte pas toute la braise de son four. Cette opération seroit trop longue, pour qu’étant répétée, elle ne nuisît à la chauffe. Lorsque le tiseur est absolument gêné par la braise, & qu’il veut la vuider, il recherche avec son rable tous les endroits de l’âtre des tonnelles, & retire en-dehors toute la braise qu’il y rencontre : ce qu’on appelle débraiser. Pendant le débraisage on doit toujours tiser avec force, pour ne pas donner au four le tems de se refroidir. A peine le tiseur a-t-il fini de débraiser, qu’on prend les braises avec une pelle de tôle z a (Pl. XVIII.) plate & large, connue sous le nom de pelle à débraiser. On les met dans un coffre de tôle T, monté sur un petit brancard & une petite roue, couvert du couvercle X, & connu sous le nom de brouette à braises, & on les mene hors de la halle. Dès que les braises sont enlevées, le tiseur doit avoir pour premier soin de donner avec son rable un même arrangement, au devant de chaque soupirail, au peu de braises qui restent, pour ne pas diminuer un soupirail plus que l’autre, & ne pas rendre les deux courans d’air inégaux. Il dôit avoir la même attention chaque fois qu’il rable, pour la disposition des braises qu’il amene en retirant son outil. Les braises sont disposées au-devant de la glaie, comme 1, 3, 6, fig. 3, Planche VIII.

Il existe une autre maniere de rable e f g h, (Planche XVIII.) qu’on nomme communément grand rable. Son usage est de nettoyer le bas du four par une seule tonnelle, d’un bout à l’autre. Aussi a-t-il dix piés de manche de fer, de e en f, & six en bois, de g en h, qu’on y ajoute, pour le tenir sans brûler. Sa patte ciml, a environ un pié de c en i, ou de l en m ; & seulement environ trois pouces de i en m : lorsqu’on s’en sert, il pose sur ei, ou lm ; on sent, que pour employer le grand rable, il faut au-moins que le chio soit ôté, & le bas de la glaie ouvert.

A présent que nous tenons toutes les connoissances primordiales, c’est-à-dire, que nous connoissons les matieres nécessaires à la fabrication des glaces ; que nous savons les préparer, & les rendre par la fritte, propres à faire du beau verre ; que nous savons faire des creusets & des fours, recuire les uns & les autres, & que nous venons d’apprendre à chauffer ces mêmes fours ; c’est le lieu de considérer la suite des opérations, par laquelle on parvient à donner au verre, la forme de glaces : & en raisonnant sur ces opérations, nous décrirons en même tems, les outils propres à chacune d’elles.

Opérations de la glacerie, & description de divers outils. La premiere opération à faire dans la glacerie. c’est de remplir les pots de matiere. C’est en même tems la plus simple ; elle est désignée par le mot enfourner. On débouche celui des ouvreaux d’en-haut, qui donne sur le pot qu’on veut enfourner. Il seroit peut-être plus commode de déboucher l’ouvreau ou milieu ; parce que, donnant sur deux pots, on ne seroit obligé de déboucher que deux ouvreaux pour enfourner les quatre pots ; au lieu qu’en enfournant par l’ouvreau à tréjetter, on est obligé de les déboucher tous quatre, l’un après l’autre. L’usage de l’ouvreau d’en-haut & le tems d’enfourner, excitent une question parmi les Artistes ; mais comme il faut connoître le travail entier pour l’entendre, ce n’est pas ici le lieu d’en parler.

Toute l’opération d’enfourner consiste à prendre de la matiere dans l’arche avec une pelle K H, Planche XVIII. & à la porter dans le pot par l’ouvreau. La seule précaution qu’exige cette opération, c’est d’être faite avec propreté & célérité.

Quant à la propreté, ne remplissez pas trop les pelles, pour qu’il ne tombe pas de matiere ni par terre, ni dans le four ; introduisez-les légerement dans l’ouvreau, sans en toucher ni l’arbre ni les parois, & ne les renversez que quand vous êtes immédiatement au-dessus du pot[26]. Lorsqu’il tombe de la matiere sur l’âtre de l’ouvreau, ratissez-la avec un instrument, (fig. 3. bas de la page 20) qu’on appelle graton. Il ressemble assez à un rable, dont la patte, qui est proprement le graton, est beaucoup plus mince, & a trois pouces, sur un pouce & demi. On y adapte un manche d’environ huit piés, pour donner à l’ouvrier la facilité de s’en servir, sans se brûler.

Pour ce qui regarde la promptitude de l’opération d’enfourner ; elle consiste à ne laisser jamais l’ouvreau vuide de pelle. On voit dans la vignette de la Planche XVIII. l’opération faite avec assez de vivacité ; l’ouvrier 1 remplit sa pelle à l’arche ; l’ouvrier 2 porte la sienne à l’ouvreau ; l’ouvrier 3 enfourne ; l’ouvrier 4 va à l’arche, chercher de la matiere ; & les ouvriers 5, 6, attendent que l’arche soit libre, pour remplir leurs pelles. On m’observera peut-être, que les ouvriers 1, 2, 3, 4, suffiroient pour enfourner ; car il pourroit y en avoir toujours un à l’arche, l’autre à l’ouvreau ; un troisieme en y allant, & le quatrieme en revenant, comme ils sont dans la vignette. Conséquemment 5, 6, seroient inutiles, & on pourroit se dispenser de les employer. Mais si l’on fait attention, que la moindre circonstance, en retardant le plus petit mouvement des ouvriers 1, 2, 3, 4, peut retarder l’opération ; que, d’ailleurs, ce danger est inévitable, par la nécessité de déboucher & reboucher, comme de gratoner l’ouvreau ; on conviendra que la présence des ouvriers 5, 6, n’est pas inutile. Il seroit possible, m’objectera-t-on, de diminuer le tems de l’opération, en faisant enfourner des deux côtés du four en même tems. On doit sentir, que les enfourneurs, vu leur grand nombre, seroient obligés d’attendre long-tems à l’arche ; ce qui nuiroit beaucoup à la diligence qu’on demande, & le four ouvert des deux côtés, ne pourroit qu’éprouver un refroidissement considérable.

Une observation essentielle lorsqu’on enfourne, c’est d’enfourner également, c’est-à-dire, de ne pas mettre plus de matiere dans un pot que dans l’autre.

Il ne suffit pas d’enfourner une fois pour remplir le pot ; les parties de la matiere qu’on a enfournées, se fondant, se rapprochent les unes des autres, & occupent moins d’espace : conséquemment le pot qui étoit à comble, quand on a fini d’enfourner, est fort éloigné d’être plein après quelques heures de chauffe. On fait tirer des larmes[27] ou essais de verre avec le crochet (Planche XXII. figure 1.) ; lorsqu’on connoît que le bain de verre ne baissera plus, on enfourne de nouveau. Avant que d’enfourner une seconde fois ; il faut laisser venir le verre au plus haut point de perfection qu’il est possible. On laisse évaporer tout le sel de verre, & on attend que les points qui paroissent dans le verre soient dissipés, du-moins en plus grande partie. Ces points ne sont autre chose, que l’air renfermé dans le verre, qui se dilate par l’action du feu. Dans les premieres larmes, ils sont imperceptibles ; ils deviennent plus gros, plus ouverts ; l’air qui les forme ayant reçu un plus grand degré de dilatation. Ils prennent alors le nom de bouillons : enfin, ils gagnent la surface du bain du verre & se dissipent : le verre est dit plus fin, à mesure qu’il renferme moins de ces points ou bouillons.

On sent combien il est intéressant que le verre soit fin, ou à-peu-près, avant d’enfourner une seconde fois ; l’air renfermé dans le bas du bain de verre, a bien moins de peine à gagner le haut, que si le pot étoit plein : en agissant toujours de même, la totalité du verre contenu dans le pot, est bien plutôt affinée, & en état d’être travaillée, que si l’on se pressoit de renfourner, après avoir simplement fondu la matiere qui avoit été d’abord enfournée. Par la méthode que nous venons d’indiquer, lorsque la derniere fonte[28] est faite, on n’a plus à affiner que cette derniere fonte, qui ordinairement est peu considérable.

On fait communément trois fontes ; j’en ai fait quelquefois quatre. Le nombre en est relatif à la qualité des matieres que l’on emploie : si elles contiennent beaucoup de sel de verre, il occupe une place qui se trouve vuide après sa dissipation, & il faut un plus grand nombre de fontes.

Le sel de verre est quelquefois si abondant, qu’il est nécessaire de l’ôter de dessus le pot avec des poches, pour ne pas perdre le tems à attendre sa parfaite dissipation. On se sert de poches de fer ; celles de cuivre seroient trop tôt déteriorées : on insinue les poches dans l’ouvreau à tréjetter ; on les plonge dans le pot d’où on les retire pleines de sel de verre. Il faut avoir attention de ne pas déposer ce sel dans un lieu mouillé ; l’humidité le fait élancer au loin, lorsqu’il est encore fluide ; & ceux qui sont auprès peuvent en être incommodés. On doit donc par la même raison, ne les toucher non plus qu’avec des poches seches.

La derniere fonte faite, il n’y a plus qu’à chauffer avec violence, pour affermir la masse entiere du verre, & en même tems pour dissiper la manganese superflue, & n’en laisser que ce qui est nécessaire à la bonne couleur du verre.

La manganese se manifeste ordinairement dès la premiere fonte ; elle diminue un peu dans l’intervalle de la premiere à la seconde ; elle redevient un peu plus forte lorsqu’on a fait la seconde ; elle diminue encore dans l’intervalle de la seconde à la troisieme ; elle se manifeste de nouveau après la troisieme ; & lorsque c’est la derniere, elle va en diminuant, jusqu’à ce que le verre soit bon à travailler. Au reste, la couleur de la manganese ne regle point du tout le tems des fontes : que le verre soit plus ou moins haut en couleur, on enfourne toujours, lorsque le verre est jugé assez fin, & que le sel est dissipé.

Lorsque le verre est fin, qu’il ne joue plus, c’est-à-dire, qu’il ne change pas d’état, & que la couleur n’est pas trop haute, il est tems de le travailler. Pour cet effet, il faut le faire passer dans les cuvettes pour pouvoir le transporter avec facilité ; mais il est nécessaire de nettoyer auparavant les vases dans lesquels on doit transvaser le verre ; d’autant plus que celui qui y est resté des opérations précédentes, a perdu la couleur qu’il avoit à force d’être chauffé, est différent en qualité du nouveau verre qu’on mettroit dans les cuvettes, & ne se mêleroit pas assez intimement à lui, pour ne pas causer des différences fâcheuses dans la couleur des diverses parties de glaces qui en seroient formées, & ne pas les parsemer de veines plus basses en couleur les unes que les autres. Les dégradations, les larmes, qui tombent quelquefois de la couronne dans les cuvettes, exigent aussi la précaution de les nettoyer. L’opération par laquelle on y parvient est connue sous le nom de curage.

Avant de procéder au curage, on nettoie la halle, & sur-tout les environs du four, où se doit faire l’opération. On a au coin de chaque arche du côté de l’ouvreau, un baquet plein d’eau propre. Ces sortes de baquets sont ordinairement cerclés en fer, & garnis de tôle légere autour de leur bord, pour empêcher qu’ils ne soient brûlés par le verre qui y tombe toujours pendant le curage. On démarge l’ouvreau à cuvette, c’est-à dire, qu’on ôte les torches qui garnissoient le tour de la tuile ; on se sert pour cela de la grand’mere, Planche XIX. fig. 1. C’est un instrument de fer assez mince, de la longueur d’environ trois piés, fait par le bout b comme le bout d’un ferret, & présentant à l’autre extrémité a, une petite dent d’environ un pouce. On insinue la dent de la grand’mere à quelques parties de la torche, & tirant à soi, on arrache les torches en entier tout-autour de la tuile. Lorsque l’ouvreau est démargé, on enleve le débris des torches avec le rabot, (fig. 5.) instrument de bois formé comme on le voit dans la figure. Après avoir raboté le dessous de l’ouvreau, on acheve de le nettoyer au moyen du balai, (fig. 6.) qu’on passe aussi sur le ceintre de l’ouvreau, pour en faire tomber les parties de torches qui y seroient encore attachées.

Lorsqu’on n’a bouché qu’avec une tuile, on ne peut balayer sous le ceintre de l’ouvreau qu’après avoir ouvert le four ; & alors on est en danger de faire tomber soi-même des saletés dans les cuvettes ; mais bouchez avec deux tuiles l’une devant l’autre, & margez sur la seconde. Après le démargement & le rabotage, on n’a qu’à ôter la seconde tuile, & on pourra balayer le haut de l’ouvreau & ses piés droits sans danger, à la faveur de la premiere. Après avoir balayé on débouche, c’est-à-dire, qu’on ôte la derniere tuile avec le cornard, & le four paroît ouvert. S’il y a quelque chose sur l’âtre de l’ouvreau, qui demande à être arraché, & qui fasse résistance, on le gratonne ; s’il pend quelque larme au ceintre de l’ouvreau, on l’enleve aussi avec le graton.

Il arrive quelquefois que le cul de la cuvette tient au siege, soit par le verre qui est tombé sur le siege, soit par la vitrification des deux surfaces. On détache la cuvette du siege, au moyen de la pince, (fig. vij.) ce qu’on appelle élocher la cuvette, d’où la figure 7, prend le nom de pince à élocher.

Lorsque la cuvette est élochée, on la prend avec le chariot à tenaille, que l’on voit en geométral & en profil. (fig. 8. & 9.) Cet instrument mérite bien que nous nous arrêtions un moment à sa description.

Le chariot à tenaille, ce sont deux branches de fer B G H I, C G K L qui se croisent en G où elles sont arrêtées comme les branches d’une paire de ciseaux, ayant la liberté de s’écarter ou se resserer. Les branches sont portées en G sur un essieu & des roues. Les branches sont contournées, de maniere que lorsqu’elles sont à l’endroit où elles font tenaille, elles prennent la forme quarrée KLIH d’une cuvette. La tenaille est un peu plus resserée de I en L, que de K en H.

Les proportions du chariot à tenaille, c’est-à-dire, l’ouverture de la tenaille, la longueur de l’instrument de G en I, ou en L, la longueur de l’essieu & le rayon des roues, tout cela est relatif à la mesure des cuvettes & au four, & la longueur GB l’est à celle qu’on a donnée à GI ou GL. On donne aux roues un peu moins d’un pié de rayon, pour pouvoir les faire passer sous les plaques des ouvreaux d’en haut. Les moyeux sont à environ vingt-quatre pouces l’un de l’autre. Quant à la distance de G au bout de la tenaille, il faut qu’elle soit suffisante pour aller prendre la cuvette du devant, & c’est sur cela qu’on se regle. Le point G ne peut approcher de l’ouvreau de plus près, que le rayon des roues = onze pouces : l’ouvreau a douze pouces d’épaisseur ; la premiere cuvette a seize pouces, comptons lui en dix-huit, pour sa distance, tant du ceintre de l’ouvreau, que de la cuvette du devant, & supposons qu’on pince celle-ci de sept pouces, c’est-à-dire, qu’on avance la tenaille de sept pouces dans la ceinture : pouces = 4 piés. On a donné quatre piés six pouces dans la figure à GM pour plus de facilité. Les extrémités L, I de la tenaille finissent en s’amincissant. On fixe les tenailles au degré d’ouverture qu’on veut, au moyen d’une clavette, qu’on met dans les divers trous d’un morceau de fer EF, que j’appelle clé & qui passe au-travers d’une des branches GC de la tenaille.

A l’extrémité des bras GB, GC du chariot, sont placés des poignées AB, CD = environ neuf pouces, pour placer les mains des deux ouvriers destinés à conduire le chariot. On fait GB = cinq piés deux pouces.

On voit dans la figure 9, que les branches des tenailles, en approchant des poignées, prennent une courbure, qui met lesdites poignées à une élévation plus considérable, & plus commode aux ouvriers.

Pour bien mener le chariot à tenaille, un des deux ouvriers, doit presser sur les poignées, pour enlever la cuvette de terre, & l’autre doit pousser ou tirer le chariot, suivant le lieu où il veut le mener.

Il est inutile de prendre les cuvettes bien avant dans la ceinture ; il est suffisant qu’on les tienne assez, pour que leur poids ne les fasse pas échapper. L’action de prendre la cuvette avec les tenailles du chariot, est dite embarrer la cuvette.

Lorsque la cuvette est suffisamment & assez surement embarrée, on la tire du four & on la pose sur une ferrasse, auprès d’un des baquets. Alors deux ouvriers s’approchent de la cuvette, avec un instrument tel que la fig. 3 montre (p. 19.) qu’on appelle grapin.

Le grapin a six piés de longueur ; il présente en d, une surface plate & tranchante, qui a deux pouces & demi de d en e ; on appelle de le foulon. A l’autre extrémité, est une patte, à-peu-près semblable à celle du graton, & ayant seulement environ un pouce de c en f, & environ deux pouces & demi de c en g. La patte du grapin est ordinairement de cuivre pour plus de propreté. Par-là on n’est pas sujet aux pailles, dont le fer est quelquefois taré, & auxquelles peut se prendre le verre.

On fouille avec la patte du grapin, dans le fond de la cuvette, on en enleve tout le verre, qu’on jette à chaque fois dans le baquet. Un des cureurs se trouvant, par la position, trop loin pour jetter dans le baquet, on lui présente une petite poche de cuivre, qu’on voit fig. 10, Pl. XIX. connue sous le nom de poche du gamin, du nom qu’on donne communément au petit ouvrier qui la présente. Le cureur remplit la poche du gamin, qui va ensuite la mettre dans le baquet. S’il y a beaucoup de verre dans la cuvette, on en ôte la plus grande partie, avec la poche du gamin, avant d’employer le grapin. S’il y a dans la cuvette quelque corps qui résiste, & qui soit collé au paroi de la cuvette, les deux cureurs placent leurs foulons de côtés opposés, & font effort l’un contre l’autre pour le détacher. Lorsque la cuvette est curée, les deux ouvriers qui étoient au chariot à tenailler, la replacent au four, comme ils l’en avoient ôtée, on rebouche & on remarge. Lorsqu’il y a deux cuvettes dans un ouvreau, tandis qu’on cure celle de la tuile, d’autres ouvriers tirent celle du devant, & on la cure au baquet de l’autre arche. Celle des deux cuvettes qui est achevée de curer la premiere, se place devant, & la seconde à la tuile.

On répete la même opération aux quatre ouvreaux, pour curer toutes les cuvettes.

La description que nous avons faite des divers outils propres au curage, a peut-être fait perdre un peu de vûe, la suite de l’opération. Remettons-la sous les yeux par une courte récapitulation. On démarge, on rabote les torches, on enleve la premiere tuile, on balaye l’ouvreau, on débouche, on gratone l’âtre de l’ouvreau, on éloche la cuvette, on la prend avec le chariot à tenaille, on la mene auprès du baquet, on la cure, on la replace dans le four ; les deux cuvettes replacées, on rebouche, & enfin l’on remarge.

Cette opération exige beaucoup de promptitude, tant pour éviter le refroidissement du four, que pour empêcher le verre contenu dans la cuvette, de se durcir en refroidissant, & de se refuser à l’action du grapin. Le seul moyen de se procurer la diligence nécessaire, c’est de faire ensorte que les actions particulieres des ouvriers se succedent avec ordre & vivacité ; d’avoir deux chariots à tenaille, pour tirer du four la seconde cuvette, dès que la premiere est auprès du baquet. Par ce moyen les deux cuvettes se trouvent curées presque au même instant.

Une raison qui doit encore engager à curer avec vivacité, c’est que la cuvette sortant d’un lieu très chaud, ne pourroit que souffrir de la nouvelle température qu’on lui fait essuyer, si on l’y laissoit trop long-tems exposée ; & quand elle auroit le bonheur de refroidir sans périr, elle ne pourroit éviter sa perte en rentrant dans le four.

Lorsqu’on replace une cuvette, les ouvriers qui menent le chariot à tenaille, connus sous le nom de placeurs de cuvettes, font bien de ne laisser toucher la cuvette au siege, que quand elle est exactement à sa place. Si elle touche avant, ils sont obligés de débarrer & de pousser le jable de la cuvette, avec les extrémités de la tenaille ; mais la même raison qui oblige d’élocher la cuvette, l’empêche de glisser sur le siege. Aussi avant de mettre la cuvette à l’ouvreau, jette-t-on sur le siege quelques billettes, sur lesquelles la cuvette glisse sans effort.

On voit dans la vignette le curage assez bien détaillé ; 3, 3, expriment les cureurs en action : l’un recherche le verre dans la cuvette, l’autre en met dans la poche du gamin ; & les placeurs de cuvettes 5, 5, attendent qu’ils aient achevé de curer leur cuvette, pour la replacer. Pendant que ceux-ci eurent, d’autres placeurs de cuvettes 2, 2, sont occupés à en embarer une autre, tandis que l’ouvrier 1 l’éloche.

Lorsque toutes les cuvettes sont bien curées, ce seroit le moment du tréjetage ; mais le four ayant été chauffé avec force, depuis la premiere fonte, le verre se trouve dans un état de trop grande fluidité, pour le prendre avec la poche, sans en répandre ; on dit alors que le verre est trop mou. Il est aisé de le corriger de ce defaut, en laissant refroidir le four, c’est-à-dire, en ne tisant plus. Mais comme le four pourroit souffrir du contact de l’air extérieur, & d’un trop prompt refroidissement, on le marge, c’est-à-dire, qu’on met aux ouvreaux d’en haut, les plateaux, au lieu de tuiles, & que le tiseur bouche les soupiraux de sa glaie, avec ses margeoirs. La cessation du tirage s’appelle la cérémonie, & l’action de cesser de tiser est dite arrêter le verre, ou faire la cérémonie.

Le tems de la cérémonie est relatif à la fluidité du verre : plus il est fluide quand on l’arrête, plus il est de tems à parvenir au degré de consistance où il doit être pour tréjetter, plus aussi la cérémonie doit être longue.

Après la cérémonie, on fait encore précéder le trajétage de l’opération connue sous le nom d’écrémer. Son nom seul désigne qu’elle consiste à enlever la surface supérieure du verre, pour ne pas mettre dans les cuvettes les saletés qui seroient tombées de la couronne, comme pierres, larmes, &c.

La figure 2. (Pl. XX.) représente le pontil, outil avec lequel on écreme. C’est une barre de fer de six piés de long de a en d, qui présente une partie ab, de huit ou neuf pouces, large d’environ deux, & épaisse d’environ six lignes. On fait chauffer le bout ab du pontil, pour que le verre s’y attache mieux : on le fait passer par l’ouvreau à tréjetter, & on le promene légerement sur la surface du pot ; lorsque le pontil est enveloppé de verre, on le tire de l’ouvreau, en le tournant, pour ne pas laisser tomber le verre, & l’écrémeur arrange son coup de verre[29], au tour du pontil, en appuyant successivement chacune des faces de cet outil, sur une plaque de fonte disposée sur un baquet ; il retourne à l’ouvreau & acheve d’écrémer son pot. S’il lui fait prendre plus de deux coups de verre, il se conduit toujours de même.

On voit dans la vignette de la Planche XX. en 1, un écrémeur dans l’action d’écrémer ; & en 2, un autre écrémeur arrangeant son coup de verre au-tour de son pontil.

L’écrémage est immédiatement suivi du tréjettage.

L’opération de tréjetter consiste à prendre du verre dans le pot, avec la poche, (fig. iv. Pl. XX.) & à le mettre dans la cuvette à côté. La poche est de cuivre, & est enmanchée d’un manche de fer de six piés neuf pouces, ou sept piés de long. Le diamettre de la poche est réglé par la largeur de l’ouvreau à tréjetter. Par rapport au four que nous avons décrit, la poche peut avoir neuf ou dix pouces de diamettre, y compris l’épaisseur, & on peut lui donner quatre ou cinq pouces de profondeur. Lorsque le tréjeteur fait passer sa poche dans l’ouvreau, soit en entrant, soit en sortant, il doit avoir attention de renverser sa poche, en cas qu’il tombât des saletés du ceintre de l’ouvreau.

Lorsque le tréjetteur prend du verre dans le pot, il est placé un peu du côté de l’arche, & lorsqu’il veut renverser sa poche dans la cuvette, il se place plus du côté de l’ouvreau du milieu. On peut voir ces positions dans la vignette de la Planche XXI.

Lorsque le tréjeteur veut porter au-dessus de la cuvette sa poche pleine de verre, il doit éviter avec soin de laisser au-tour de la poche des bavures de verres : elle tomberoient dans le four entre le pot & la cuvette, & feroient une perte réelle. C’est dans cette circonstance que les barres que nous avons placées sur les plaques des ouvreaux d’en haut, sont bien utiles. Elles servent d’un point d’appui, au moyen du quel le tréjeteur fait rentrer les bavures dans la poche, par un coup sec qu’il donne, en portant en bas la queue de sa poche, & la tournant dans sa main à droite ou à gauche, suivant la position des bavures.

Il faut avoir attention de rafraîchir souvent les poches, parce que, si elles s’échauffoient trop, le verre s’y attacheroit ; la poche courroit elle-même risque de se gâter. Il suffit d’avoir pris deux pochées de verre, avec une poche, pour devoir prudemment la porter dans un des baquets placés au coin des arches.

L’ouvrier qui tréjette ne peut juger bien sainement lui-même de l’état de son ouvrage ; mais il est averti par ceux qui le regardent de l’autre côté du four par l’ouvreau opposé. Le moyen d’accélerer le tréjettage, c’est d’avoir continuellement une poche à l’ouvreau. Deux tréjetteurs suffisent pour cela ; tandis que l’un tréjette, l’autre rafraîchit.

On ne débouche ordinairement qu’un ouvreau de chaque côté du four. Dans la vignette, on a représenté les deux ouvreaux du même côté débouchés, pour mettre sous les yeux tous les instans de l’opération. On voit les quatre tréjetteurs en action ; 1 prend du verre dans le fond du pot ; 2 verre dans la cuvette, celui qu’il a pris ; 3 rafraîchit sa poche, & 4 retourne à l’ouvreau.

La poche est le seul instrument nécessaire pour le tréjetage, lorsque le four est garni de tous ses pots ; mais s’il y avoit un pot de cassé, & qu’on fût obligé de remplir les cuvettes qui lui correspondent du verre des autres pots, il faudroit donner au tréjeteur des aides, pour porter sa poche pleine. Les aides du tréjeteur se serviroient de l’instrument (Pl. XX. fig. 5.), on le connoît sous le nom de gambier. C’est une barre de fer d’environ quarante pouces. Il y a au milieu du gambier, une échancrure e, dans laquelle on loge le manche de la poche auprès de la cueillere, & deux ouvriers portent le gambier, l’un de e en f, & l’autre de e en g.

Dans la vue de diminuer le nombre d’ouvriers, on peut employer, si l’on veut, le crochet (fig. 6. même Planche), pour tenir lieu de gambier. Cet outil ne demande l’emploi que d’un ouvrier, d’où on peut le nommer gambier à une main.

D’après le mouvement que l’on fait éprouver au verre pendant le tréjetage, il ne peut que se ressentir de l’agitation, & il est en effet rempli de bulles, de bouillons, qu’il n’avoit pas lorsqu’on l’a arrêté. Il est nécessaire de rechauffer avec force, pour lui rendre son état de finesse : ce tems de nouvelle chauffe, & l’action de remettre le verre dans son premier état, sont dits faire revenir le verre dans les cuvettes.

Lorsque le verre est bien revenu, ce qu’on connoît à l’inspection de larmes tirées des cuvettes, il ne faut penser qu’à le couler. Couler est l’opération par laquelle on donne au verre la forme de glaces.

Immédiatement après la revenue du verre, il seroit trop mou pour le travailler avec facilité : on lui donne de la consistance par une petite cérémonie.

L’opération de couler est trop compliquée pour décrire les outils, à mesure que nous en trouverons l’usage, comme nous avons faits dans les précédentes : ainsi nous prendrons le parti de décrire tous les outils, & on en verra l’usage en décrivant l’opération.

Il y a trois especes d’outils employés pour la coulée ; les uns sont destinés à tirer la cuvette du four, & à la mener au lieu de l’opération ; le, seconds concourent à la formation de la glace ; les troisiemes servent à la pousser dans le four destine à la recuire & à l’y placer.

Nous comptons parmi les premiers, la pince à élocher, la grande pince, les grands crochets, le ferret, le chariot à ferrasse. Parmi les seconds, le sabre, le grapin, la poche de gamin, le bulai, la table, les tringles, le rouleau, les tenailles, la potence, la croix à essayer la table, les mains ; & enfin parmi les derniers le procureur, la pelle, le grillot, l’ygrec, la grande croix.

On connoît la pince à élocher.

La grande pince, fig. 7. Pl. XX. est une grosse barre de fer arrondie par le haut, formant un talon en h, pour avoir occasion de s’en servir, comme de lévier, & présentant une partie platte de h en i, que j’appellerois volontiers la pelle de la pince. La grande pince a environ 7 piés de h en l, & sa pelle environ un pié de long sur trois pouces de large, & demi-pouce d’épaisseur.

Le grand crochet, fig. 8. Pl. XX. est moins gros, que la grande pince, est arrondi dans le haut, comme elle, & a onze piés de long, & six ou huit pouces de crochet.

On connoît le ferret.

Le chariot à ferrasse, dont on voit le géométral, fig. 9. Pl. XX. & le profil aussi-bien que le perspectif, fig. 1. & 2. Pl. XXI. sert à voiturer les cuvettes pleines du four à la carquaise[30], & à les ramener vuides.

L’outil dont nous entreprenons la description consiste en deux barres de fer mn, on, qui se réunissent en une seule, en np, connue sous le nom de queue du chariot. Au-bout de la queue du chariot sont deux poignées pour les mains de deux ouvriers, comme dans le chariot à tenaille.

Les branches mn, no se prolongent en s & en r, pour y fixer une tole ou ferrasse txyz, sur laquelle on pose la cuvette. La grandeur de la ferrasse est relative avec celle des cuvettes, pour pouvoir transporter de grandes cuvettes de 26 pouces sur 16 ; on en donne à la ferrasse 24 sur 18.

La longueur de la ferrasse détermine l’écartement des branches du chariot en mo ; on lui donne ordinairement 18 pouces.

Le charriot à ferrasse est monté sur des roues de fer de deux piés de diametre. L’écartement des branches regle la longueur de l’essieu. Il a environ 33 pouces d’un moyeu à l’autre.

Les branches du chariot doivent être pliées, comme on le voit dans le profil, fig. 1. Pl. XXI. de maniere que la partie ro qui porte la ferrasse touche terre ; que la partie mn qui pose sur l’essieu se trouve à une hauteur de terre à-peu-près égale au rayon de la roue, & que la queue np en se courbant en-haut, mette les poignées à une hauteur commode aux ouvriers.

Le chariot à huit piés de long dans son géométral, des poignées à l’extrémité de la ferrasse.

L’essieu est placé environ à 40 pouces du côté de la ferrasse.

Du point m, fig. 1. Pl. XXI. sur chaque branche du chariot part une branche de fer bien plus mince, qui s’éleve en faisant l’arc environ à 10 pouces au-dessus des branches du charriot, & qui à 10 pouces de l’essieu se réunit en 1, fig. 9. Pl. XX. avec celle & 1, qui part de l’autre branche, pour s’aller attacher ensemble en 2, sur la queue du chariot : ces deux petites branches se présentent, comme on le voit, fig. 2. Pl. XXI. en q, 1, 2, & &, 1, 2.

Lorsqu’on veut faire marcher le charriot, deux ouvriers appuyent sur les poignées pour enlever la cuvette de terre, & deux autres passent un de chaque côté du charriot, mettent une main sur 1, 2 ; & l’autre en 1 q, ou & 1, suivant le côté où ils se trouvent placés, & poussent devant eux le chariot.

Parmi les outils de la seconde espece, nous connoissons déjà le grapin, la poche du gamin & le balai.

Le sabre est un outil qu’on voit, fig. 1. Pl. XXIII. il a 4 piés de long ; le bout ab est la partie qui sert : c’est une plaque de cuivre, qui a environ 6 pouces de long sur deux de large, avec la forme qu’on lui remarque dans la figure. Le bout ab du sabre s’emmanche dans un manche de fer bc, qui à son tour est emmanché dans un manche de bois cd. On voit, fig. 2. Pl. XXIII. la maniere dont toutes les parties du sabre sont unies. Le manche de fer présente une feuillure 1, 2, dans laquelle la lame de cuivre s’engage, & où elle est fixée par des cloux qui passent au travers du tout. Le manche de fer a à son autre extrémité une lame qui s’engage dans une feuillure 3, 4, pratiquée au manche de bois.

La table est sans contredit un des outils les plus importans de la glacerie ; c’est un solide de cuivre, qui présente une surface supérieure OPQR, fig. 3. Pl. XIV. bien unie & exempte d’inégalités. La longueur & la largeur de la table dépendent de la grandeur des glaces qu’on veut y travailler. On n’en a pas fait dont les dimensions passassent dix piés sur six. L’épaisseur de la table est relative à ses autres dimensions ; plus la table sera grande, plus aussi il faudra qu’elle soit épaisse : celle dont nous donnons le plan a 4 pouces d’épaisseur, fig. 4.

Il faut avoir soin de faire chauffer la table avant l’opération, parce que le contact d’un corps aussi froid causeroit des accidens, qui entraîneroient nécessairement la perte de la glace ; aussi a-t on l’attention de couvrir la table de braises long-tems avant de travailler.

Quelques artistes croyent utile de faire la table un peu creuse au milieu, parce que, disent-ils, la chaleur du verre qu’on y verse dilate le cuivre ; & comme cette dilatation trouve plus de résistance à la surface inférieure qu’à la supérieure, toute son action se fait sentir à la surface supérieure, & principalement dans le milieu où le flot du verre est le plus immédiatement. Ce milieu se bombe, ce qui doit nécessairement diminuer l’épaisseur de la glace dans le milieu. C’est pour rendre le bombement de la table moins sensible, qu’ils se sont déterminés à en creuser le milieu.

On observe sur cela 1°. que le plus grand obstacle qu’on puisse apporter à la dilatation, c’est l’épaisseur de la table : plus elle sera épaisse, moins il sera aisé de l’échauffer à un point aussi nuisible. 2°. Que pour creuser avec sureté, il faudroit savoir exactement de quelle quantité la table unie & bien à la regle se bombe par la chaleur. 3°. Qu’en creusant la table il peut arriver qu’on la rende plus mince au milieu qu’ailleurs, & alors au-contraire elle seroit plus susceptible qu’auparavant du mauvais effet de la chaleur. D’après toutes ces observations, je préfererois de mettre la surface de ma table bien à la regle, & j’y ajouterois la précaution de la bien polir pour éviter les inégalités.

La table est portée sur un pié connu sous le nom de chassis de la table dont on voit le détail, Pl. XV. La fig. 4. nous représente la maniere dont s’unissent à mortaises & à tenons les quatre pieces de bois qui forment le chassis. Les extrémités GH, KI, sont disposées pour recevoir, la premiere, une seule roue de fonte, qu’on y arrête au moyen d’un boulon passant par le trou L, & prenant la roue par son centre, & la seconde KI, deux roues en M, N. On voit en EF une piece de bois qui traverse le chassis pour en augmenter la force, & qui va jusqu’en CD : on l’a laissée en F sans la prolonger, parce qu’elle auroit empêché de voir d’autres détails plus intéressans du chassis. Les trois roues destinées au transport de la table, ont environ 20 ou 22 pouces de diametre, sur 5 ou 6 pouces d’épaisseur ; & la hauteur des roues, celle du chassis, & l’épaisseur de la table prises ensemble, doivent porter la surface supérieure de celle-ci, au niveau du pavé des carquaises ; aussi voit-on dans les fig. 1, 2, 3, Pl. XV. que la surface supérieure de la table est à 30 pouces au-dessus du sol de la halle.

Quant à l’usage des roues, si l’on veut faire suivre à la table sa même route, sans changer sa direction, ni sa position ; faites avancer la roue seule, & les deux roues de l’autre côté, avec la même vitesse. Si vous voulez lui faire changer de position, fixez la roue seule E, fig. 3. & autour de cette roue comme centre, faites tourner les deux roues F. F, fig. 1. en faisant la révolution plus ou moins entiere, vous serez le maître de changer plus ou moins la direction de votre table, & de lui donner celle que vous voudrez.

On fait un chemin en piece de bois, tout autour de la halle, pour la facilité du transport de la table.

On met entre la table & le chassis des barres de fer, d’espace en espace, de AB en CD, pour soutenir également le poids de la table.

Les tringles qu’on voit en X Y, S T, fig. 3. Pl. XIV. sont de fer. Elles sont destinées à être placées sur la table, sur laquelle on répand le verre, & à supporter le rouleau qui l’applatit. Les tringles reglent donc l’épaisseur de la glace par la leur, & la largeur de la glace par l’espace SX, qu’on laisse entr’elles. La tringle est arrêtée en S ou en X, par un petit crochet qui appuie contre l’épaisseur de la table, & qui empêche la tringle d’être entraînée par le mouvement du rouleau. On donne aux tringles l’épaisseur qu’on veut donner aux glaces. On en a même plusieurs paires de diverses épaisseurs, étant obligés de donner plus ou moins d’épaisseur aux glaces, suivant qu’on veut en faire de plus ou moins grandes. L’épaisseur des tringles ordinaires est de 4 à 6 lignes. La surface 1, 2, sur laquelle pose le rouleau a environ un pouce de large ; on sent que les tringles doivent avoir la longueur de la table.

Le nom seul du rouleau désigne sa forme. C’est un cylindre de cuivre creux représenté en az. Il est destiné à appuyer sur le verre & à l’applatir. Le rouleau a environ 10 pouces de diametre, & un pouce & demi d’épaisseur. Quant à sa longueur, elle est égale à la largeur de la table. Dans la fig. 5. Pl. XIV. le rouleau est représenté ouvert pour en faire voir l’intérieur. Au milieu en M & à 6 pouces des extrémités en O & en P, sont trois triangles de fer battu, qu’on a engagés dans le rouleau en le fondant, & qui sont percés chacun d’un trou quarré, qui doit se trouver dans l’axe du cylindre. Par les trois triangles on fait passer une barre de fer bien juste au trou qui devient l’axe du rouleau.

Pour se servir du rouleau, on a deux poignées de fer, fig. 6. & 7. de deux piés de long, arrondies, & dans lesquelles s’engagent les bouts de l’axe, comme des tenons dans leurs mortaises.

Lorsque le rouleau n’est pas sur la table, il est posé sur un chevalet de bois représenté fig. 5. Pl. XV. Le chevalet doit être le plus approchant qu’il est possible, de la hauteur de la table. Par ce moyen, lorsque le rouleau tombe de la table sur le chevalet, il le dégrade moins, tombant de moins haut ; & lorsqu’on veut remettre le rouleau sur la table, on le fait avec plus de facilité, ayant à le porter à une moindre élévation. Le chevalet représenté en perspective, fig. 5. & en élevation par un des bouts, fig. 6. a deux piés de hauteur.

On peut s’aider pour relever le rouleau de l’outil, fig. 2. Pl. XXX. qui n’est autre chose qu’une pince de sept piés & demi, présentant en ab un talon de dix-huit pouces, & en a un crochet, qui s’engageant à un boulon d placé à chaque côté de la table pour servir de point d’appui, agit comme levier du second genre. On appelle cet outil bras à lever le rouleau. Voyez les bras en action, fig. 3. Pl. XXX.

Lorsqu’on a à voiturer le rouleau dans divers endroits de la halle, on se sert d’un chariot qui, de son usage, prend le nom de chariot à rouleau. On le voit en géométral, fig. 3. Pl. XVI. en profil, fig. 2. & en perspective, fig. 1.

Ce sont deux branches AC, DF, paralleles, qui présentent de A en B & de D en E des parties courbes, comme d e, fig. 2. ayant 10 pouces de d en e, & 5 pouces de profondeur, & formant conséquemment des demi-cercles capables de retenir le rouleau. Les branches AC, DF, fig. 3. vont se réunir en G, pour n’en former qu’une GH, qu’on nomme queue du chariot, à l’extrémité de laquelle sont de k en i des poignées pour placer les mains des ouvriers, comme dans les autres chariots, dont nous avons donné la description.

Les branches du chariot à rouleau sont portées sur des roues de fer LM, NO, de 30 pouces de diametre. La longueur de l’essieu dépend de l’écartement des branches AC, DF, qui me paroît suffisant, à 30 pouces, pour porter un rouleau de 6 piés : car en le prenant bien au milieu, il débordera de chaque côté des branches du chariot de 21 pouces, la partie la plus considérable sera entre lesdites branches, & par conséquent le rouleau sera posé avec sûreté. La longueur de l’essieu connue, ainsi que la largeur des roues & la grandeur des moyeux, il y aura environ 4 piés d’un moyeu à l’autre, c’est-à-dire, pour largeur totale de la machine. Il faut mettre le rouleau le plus près de l’essieu qu’il se pourra, c’est-à-dire, faire les bras BC, EF, du levier les plus courts qu’il sera possible, pour augmenter la force des ouvriers qui seront en KI. Le rayon de la roue = 15 pouces : pour que le rouleau n’empêche pas celle-ci de tourner, faisons FE, ou BC = 16 pouces.

On donne de longueur au chariot depuis l’essieu jusqu’aux poignées environ 8 piés. Le point de réunion G des branches est environ à 4 piés de l’essieu, & il reste à-peu-près 4 piés de queue.

De C & F s’élevent deux branches CP, FP, qui se réunissent en P, en une seule qui s’attache en G. Ces branches semblables à celles que nous avons fait observer au chariot à ferrasse, servent comme dans celui-ci à placer les mains des ouvriers qui poussent le chariot.

Les tenailles sont un instrument propre à prendre la cuvette, & à la renverser sur la table. Ce n’est autre chose qu’un cadre de fer, qu’on fait juste à la mesure des cuvettes qu’on veut prendre : au moyen de quoi on est oblige d’avoir deux tenailles, l’une pour les petites cuvettes, l’autre pour les grandes. On voit, fig. 1. Pl. XIV. une petite tenaille : tout ce que nous en dirons doit s’entendre de même de la grande tenaille, fig. 2.

Le cadre HILK a 16 pouces de H en I, & seulement 15 de I en L, pour serrer la cuvette avec plus de force. Le cadre est ouvert au milieu du côté HK, & deux branches QB, RC y sont ajoutées de telle sorte, que la parti CRKLSG, tournant sur une charniere G, s’approche plus ou moins de l’autre partie QHIO du cadre, & se fixe à l’ouverture desirée au moyen d’une clé EF, & d’une clavette. De G en P, il n’est besoin que d’une branche.

Aux extrémités de la tenaille, on forme des poignées IM, PN, AB, CD, de huit pouces, la charniere G est à un pié du cadre.

La branche GP, doit être telle que QI Z, que la largeur de la table, & on le sentira si on conçoit le mouvement de la tenaille.

Suppose qu’on veuille couvrir la table entiere de verre, on commence à en verser du côté PQ (fig. 3.) & on continue jusqu’au côté OR, en faisant parcourir à la cuvette toute la largeur de la table ; de cette maniere, le côté HK de la tenaille donne sur le bord OR de la table.

Si les poignées MP, PN, étoient trop près de la cuvette pour qu’elles no pussent se trouver au-delà de PQ (fig. 3.), les mains de l’ouvrier se trouveroient immédiatement au-dessus du verre, & il se brûleroit. On sait donc pour éviter ce danger QP = six piés & demi (fig. 1.). Il n’est pas besoin que OB, SC, soient aussi longs, parce que lorsqu’on commence à verser en PQ (fig. 3.), il n’y a point de verre sur la table : le verseur qui est en AB, CD (fig. 1.), ne court pas danger de se bruler, en avançant un peu ses bras sur la table ; & lorsque la cuvette est au bord O R (fig. 3.), l’ouvrier est bien éloigné du flot de verre : on fait donc BQ = environ trois piés & demi, par ce moyen BO a environ cinq piés, & la tenaille entiere est un instrument d’environ dix piés.

A six pouces en 1, 2, 3, 4, de O, S, Q, R, les branches des tenailles sont arrondies & un peu déprimées ; c’est là que s’attachent les chaines qui suspendent les tenailles : car on sent bien que deux hommes ne pourroient soutenir le poids d’une cuvette pleine, s’ils n’étoient aidés.

Il est, je crois, inutile de dire que l’on prend la cuvette dans la ceinture, avec le cadre de la tenaille.

On voit (fig. 2. Pl. XVII.) la maniere dont est suspendue la tenaille ; ses collets 1, 2, 3, 4, sont embrassés par des chaines qui vont s’attacher à trois piés au-dessus des tenailles en 5, 6, 7, 8, aux extrémités des petits fleaux 5, 6, 7, 8, qui ont environ huit pouces de longueur ; 5 6, 7 8 s’ajustent par leur milieu aux extrémités y, x, de la branche xy qui a environ trente pouces de long ; elle est immobile dans sa position, retenue par la piece verticale tg = 18 pouces, qui est fixe au milieu de xy, & soutenue par les arcs-boutans tA, tB.

A l’extrémité t de la piece tg est un trou dans lequel peut être reçu le crochet a (fig. 1.)

Le bout t de tg, s’insere dans le trou s, pratiqué au milieu de la tôle opqr, dans la même forme que la branche tg, pour que t, y entre comme un tenon dans sa mortaise : par ce moyen le trou t se trouve au-dessus de la ferrasse.

La tôle opqr a environ quatre piés sur près de deux, & sert à couvrir la cuvette pour empêcher qu’il n’y tombe des saletés.

La potence (fig. 1. Pl. XVII.) est une piece de bois ZC, arrondie & garnie en fer à son extrémité C. C s’engage dans un collier ab de fer qui l’arrête à une piece de charpente, & lui laisse la liberté de tourner.

A l’extrémité Z est un pivot de fonte sur lequel la potence tourne : on fait agir le pivot dans un crapeau, ou maniere de trou pratiqué dans une piece de fonte qu’on met à niveau du terrein.

A la hauteur d’environ quatre piés est fixé un cric consistant en un pignon, une roue dentée, & un treuil, où s’enveloppe une corde ; au moyen d’une manivelle on fait tourner le pignon qui engrene dans la roue, & la faisant tourner, fait envelopper au-tour du treuil la corde, qui se développe si l’on tourne en sens contraire. La manivelle se trouve à environ trois piés au-dessus du terrein.

Deux piés au-dessous de l’extrémité C est une poulie c, sur laquelle passe la corde.

De i en h est un bras de fer destiné à recevoir une autre poulie g, sur laquelle la corde passe encore, pour aller accrocher la tenaille : la poulie g est en quelque sorte le point de suspension de la tenaille : la fonction du bras hi, est par conséquent de porter ce point de suspension à la distance qu’on desire ; par exemple à huit piés, comme dans la figure, ce bras doit être tel que la corde passant sur les deux poulies ait une position horisontale : la branche lm, n’a d’autre usage que de retenir le bras hi dans sa position.

On fait ordinairement la hauteur totale de la potence = 18 piés : au reste plus la potence sera haute, plus on aura de facilité à verser la cuvette sur la table : car soit & (fig. 3. Pl. XIV.) la potence placée vis-à-vis le milieu de la table, & à trois piés de distance de celle-ci ; si le point de suspension est à huit piés de la potence, c’est-à-dire si le bras de la potence a huit piés du point &, comme centre d’un rayon de huit piés, tracez l’arc 3, 4, 5, 6, ce seroit celui que décriroit la cuvette sur la table, si on l’abandonnoit à-sa pesanteur, & qu’on fit tourner la potence ; mais en versant après l’avoir menée en P, on la conduit le long de OR : on lui fait donc constamment quitter la position à laquelle l’entraine sa pesanteur, & on aura bien plus d’avantage pour combattre cette pesanteur, si le point de suspension est élevé, ou si la potence est haute.

La potence, telle que nous venons de la décrire, n’est pas un outil d’un transport aisé. Lorsqu’on veut la changer de place, on la dégage du collier qui la tient par en-haut, & tandis que des ouvriers la maintiennent dans sa position perpendiculaire, en la soutenant avec des bâtons de, qui y sont fixés, d’autres engagent le pivot z entre les deux dents AB, BC, de l’instrument dont on voit le géométral (fig. 5. Pl. XXIII.), le profil (fig. 4.), & le perspectif (fig. 3.), on appelle cet outil chariot à potence : ce n’est qu’une barre de fer de sept piés de long, présentant à un des bouts deux parties AB, CB, que je nomme dents du chariot, qui ont environ cinq pouces de A en B, ou de C en B, & qui demeurent écartées d’environ trois à quatre pouces : à l’autre extrémité sont deux poignées EF, EG, pour poser les mains des ouvriers. Le chariot à potence est élevé sur des roulettes de fonte, de quatre pouces de rayon, & l’essieu, en y comprenant les deux moyeux, a environ dix-huit pouces, & est placé de maniere par rapport au reste du chariot, que DA ou DC= 8 pouces, tandis que DE = 6 piés 4 pouces : on voit combien les ouvriers qui sont en FG, ont de force pour enlever le pivot hors de son crapeau.

Lorsque le pivot est entre les dents du chariot, les ouvriers qui sont aux poignées tirent le chariot à eux, ou le poussent devant eux, suivant le lieu où on desire de mener la potence, tandis que ceux qui sont aux bâtons de de la potence, la soutiennent perpendiculairement au terrein.

La croix à essuyer la table est représentée (fig. 2. Pl. XXII.) ; son nom désigne son usage, ce n’est qu’un morceau de bois joint en croix à l’extrémité d’un manche AB ; on entoure de linge le bâton CD, qui est en croix au bout de AB, CD = 36 pouces, AB = près de dix piés, pour que l’ouvrier chargé de cet outil puisse porter CD à l’extrémité de la table, étant à l’autre extrémité, & en ramenant CD à lui, il essuye la table & en ôte toutes les saletés, cette opération se fait immédiatement avant de verser le verre sur la table.

La main (fig. 3. Pl. XXII.) est un instrument de cuivre ou de fer, destiné à accompagner le rouleau dans son mouvement, pour empêcher le verre de déborder par-dessus les tringles, par la pression du rouleau, la partie EHIK qui est vraiment la main, a six pouces de large sur environ huit de long & neuf lignes d’épaisseur. La courbarre EH sert à bien entourer le rouleau, pour qu’il ne passe pas de verre entre le rouleau & la main ; la main avec son manche a six piés de long ; le manche est de même matiere que la main, jusqu’en F, c’est-à-dire l’espace de trois piés, & il se joint à un manche de bois FG, aussi de trois piés, de la même maniere que nous avons expliqué l’emmanchement du sabre.

Il est inutile de dire qu’il doit y avoir deux mains, une à côté de chaque tringle : on peut voir l’action des mains dans la Planche XXIV. où sont représentées la table, le rouleau, les tringles, les mains, & la croix de linge, prêts à travailler, & la cuvette suspendue au-dessus de la table dans l’instant où l’on va la renverser.

Il ne nous reste à décrire que les outils de la troisieme espece.

Le procureur (fig. 2. Pl. XIX.), est un outil de fer, de six piés de long, à un des bouts duquel est une patte absolument semblable à celle d’un grapin ; il sert lorsque la glace est faite à lui former, en repliant son extrémité, un bourrelet connu sous le nom de tête de la glace, par lequel on puisse la prendre pour la pousser dans la carcaise, & pour l’y placer.

La pelle est l’instrument qui sert à pousser la glace dans la carcaise (fig. 5. Pl. XXII.) : c’est une plaque de fer battu LNMO, qui a environ quarante pouces de N en M, & trois pouces de N en L ; à la plaque LNMO, on joint un rebord LQPO de deux pouces, tel que par une de ses extrémités MOP ; la pelle se présente sous la forme rst.

Au milieu de LO, on adapte un manche en fer RS de 18 pouces, auquel on en joint un autre de bois ST = 8 piés 6 pouces, ce qui donne à l’instrument la longueur de dix piés, qui lui est nécessaire pour accompagner la glace jusqu’à la gueule de la carcaise.

Lorsqu’on veut pousser une glace, on fait passer la partie NLOM sous la glace ; le rebord LQPO faisant résistance contre la tête de la glace, on n’a qu’à pousser la pelle pour pousser la glace en même-tems.

Le grillot n’est autre chose qu’une piece de bois, d’environ deux ou trois pouces d’équarrissage, avec laquelle on appuie sur la tête de la glace, en même-tems que la pelle la pousse pour l’empêcher de coder à l’effort de ceux qui poussent, & de laisser passer la pelle dessous. Le grillot doit avoir au-moins huit piés de long.

L’y grec (fig. 6. Pl. XXII.), sert à donner à la glace dans la carcaise, la position que l’on croit convenable ; ce n’est qu’un crochet de fer ab de deux pouces, avec lequel on prend la tête de la glace lorsqu’on veut la tirer, & avec lequel on peut aussi la pousser, si l’on en a besoin ; l’y grec a une pointe ac au-dessus du crochet, aussi de deux pouces ; le manche est tout de fer & a environ quinze piés.

Lorsqu’on a poussé la glace dans la carcaise, autant que peut le faire l’y grec, & qu’on l’a bien disposée, on acheve de la mettre en place ; avec un outil nommé la grande croix (fig. 1. Pl. XXV.) ; ce n’est qu’un morceau de fer 1. 2. qui a un pié de long sur quatre pouces de haut, & un pouce d’épaisseur. Il est emmanché d’un manche assez long pour atteindre l’extrémité de la carcaise.

L’usage de la grande croix est difficile, parce qu’à moins que cet outil ne soit bien exactement au milieu de la tête de la glace, il la fait tourner, & il est impossible de l’amener bien droit à la place qu’on lui destine : on seroit plus sûr de son opération, si on substituoit à la grande croix une pelle de la même forme que celle que nous avons décrite, mais qui n’eût que dix-huit pouces, & qui prendroit le nom de grande pelle, de la longueur de son manche.

Voila tous les instrumens nécessaires à la coulée : on va en voir l’usage dans la description de l’opération.

La coulée est précédée du rabotage de la carcaise, dont nous avons négligé de parler. Il consiste à faire passer d’un bout à l’autre de la carcaise & plusieurs fois, un rabot de bois dont on voit le géométral (fig. 2. Pl. XXV.), & le perspectif (fig. 3. même Planche), aussi-bien que le manche qui est en fer jusqu’en H, & en bois de K en I.

Cet outil est connu sous le nom de grand rabot. Le rabotage ôte les saletés qui seroient sur le pavé de la carcaise, & en unit les inégalités.

Nous nous servirons pour décrire la coulée, des quatre vignettes des Planc. XXII. XXIII. XXIV. XXV. où on a choisi les instans les plus intéressans de l’opération.

Lorsqu’on est prêt à couler, on débouche l’ouvreau à cuvette, & on se met en devoir de tirer la cuvette pleine hors du four. Pour cet effet, un ouvrier au moyen de la pince à élocher, donne passage sous la cuvette à la grande pince, dont un autre fait passer la partie h i (fig. 7. Pl. XX.) entre le siege & la cuvette.

Les deux crochets passent derriere la cuvette, chacun d’un côté, & aident l’action de l’ouvrier menant la grande pince qui, en tirant son outil, tire aussi la cuvette qui y pose ; la grande pince & les crochets menent donc la cuvette le long de la plaque D E (fig. 1. Pl. VI.), jusque sur la ferrasse du chariot qu’on a disposée au-bout de la plaque.

Un ouvrier souleve un peu la cuvette avec un ferret, dont il se sert comme d’un levier du second genre, & par cette action donne à la grande pince la liberté de se retirer ; le ferret lui-même se dégage de dessous la cuvette, qui alors se trouve placée à plat sur la ferrasse.

Les ouvriers qui tiennent les poignées du chariot, aidés de quelques autres, menent la cuvette auprès de la carquaise.

On peut voir (vignette de la Pl. XXII.), en 1, l’action de la grande pince ; en 2, 2, 2, 2, celle des grands crochets ; & en 3, 3, les ouvriers qui sont aux poignées du chariot.

Lorsque la cuvette est arrivée auprès de la carquaise, on l’écreme pour ôter toutes les saletés qui se trouveroient sur la surface du verre ; les ouvriers 1, 2, (vignette de la Pl. XXIII.) passent chacun d’un côté de la cuvette, tenant chacun un sabre ; ils croisent leurs sabres pour atteindre au bord de la cuvette qui leur est opposé, ne pouvant voir le verre au bord qui est de leur côté ; dans cet état, ils passent légerement le côté a b (fig. 1. Pl. XXIII.) de leur sabres, d’un bout à l’autre de la cuvette, & enlevent toute la surface du verre ; lorsque le verre qu’ils ont enlevé est sur le bord de la cuvette, deux ouvriers 3, 4, le recueillent avec des grappins, & le mettent dans la poche que présente le gamin 5, pendant que les ouvriers 1, 2, 3, 4, 5, sont occupés à l’écremage de la cuvette, d’autres 6, 7, le sont à prendre la cuvette par sa ceinture avec les tenailles.

Après que la cuvette est écremée, l’ouvrier qui est à la manivelle, c’est-à-dire celui qui fait agir le cric, l’enleve de terre jusqu’à la hauteur de la table ; dès que la cuvette a quitté la terre, un ouvrier en balaye le cul, & les grappineurs grattant l’extérieur du jable & des parois, en détachent le verre qui y seroit par hazard tombé en écrémant.

On suppose les tringles disposées sur la table, à la largeur qu’on veut donner à la glace, le rouleau déja sur la table prêt à agir.

Quand la cuvette est à la hauteur requise, l’ouvrier 12 (vignette de la Pl. XXIV.), passe la croix de linge d’un bout à l’autre de la table ; les ouvriers 1, 2, prennent les poignées des tenailles, & renversent sur la table le verre contenu dans la cuvette, en commençant à une tringle, & finissant à l’autre, comme nous l’avons déja indiqué. Les rouleurs 3, 4, poussent le rouleau de la gueule de la carquaise à l’autre bout de la table, avec un mouvement bien égal & bien soutenu, & à mesure qu’ils avancent, les verseurs font faire à leur cuvette le même chemin, avec le même mouvement : le teneur de manivelle 1, 1, est attentif à tenir la cuvette toujours à la même hauteur, pour ne pas occasionner une agitation & une vacillation qui ne pourroient être que très nuisibles. Les ouvriers 5, 6, ont chacun une main, qu’ils disposent une à côté de chaque tringle, comme nous l’avons dit en parlant de cet instrument, & ils suivent le mouvement du rouleau : à côté des verseurs sont les deux grapineurs 7, 8, qui par leur position sont appellés grappineurs de devant ; ils sont attentifs au verre qui sort de la cuvette, pour en enlever les larmes ou pierres, ou autres défauts accidentels. Lorsque la glace est coulée, c’est-à-dire que la cuvette est vuide, & que les rouleurs ont laissé retomber le rouleau sur le chevalet, les grappineurs 9, 10, qui par leur position derriere les rouleurs, se nomment grappineurs de derriere, de deux coups secs qu’ils donnent à chaque extrémité de la tringle, la détachent de la glace, & par-là même ils séparent la bavure qui a passé malgré la main, par-dessus la tringle ; ensuite ils font tomber la bavure dans une auge qui est à leurs piés à côté de la table ; pendant ce même instant le teneur de manivelle abaisse la cuvette vuide sur la ferrasse du chariot, on ôte les tenailles de la ceinture, on ramene la cuvette au four, & on la replace avec le chariot à tenaille.

Dès que les tringles sont détachées, on fait la tête de la glace ; on passe la pelle dessous, & les ouvriers 1, 2, 3, la poussent, vignette de la Pl. XXV. Les grappineurs de devant leur aident en posant la pâte de leur grappin derriere la pelle, & poussant. Les ouvriers 6, 7, appuient sur la tête de la glace avec le grillot, & les deux grappineurs de derriere 8, 9, se tiennent à l’ouverture de la carquaise prêts à redresser la glace, si elle venoit à tourner d’une maniere qui gênât son entrée dans la carquaise.

Lorsque la glace est enfournée, après l’avoir laissée un peu sur le devant de la carquaise pour lui laisser prendre plus de dureté, on la range avec l’y grec, & on la pousse ensuite avec la grande croix ou la grande pelle le plus avant qu’on peut dans la carquaise.

Lorsqu’on a coulé toutes les cuvettes, on marge bien exactement toutes les ouvertures de la carquaise, & on remplit de nouveau les cuvettes. On laisse revenir le verre, & on fait une seconde coulée dans une seconde carquaise chauffée pour cet effet. Après la seconde coulée, on tréjette de nouveau, & on coule une troisieme fois ; car la dimension des pots est telle, qu’ils fournissent suffisamment de verre pour trois coulées.

L’assemblage de toutes les opérations & le tems qui s’écoule depuis la premiere fonte jusqu’à la troisieme coulée, prend le nom d’enfournement.

Après la derniere coulée, on chauffe avec force une demi-heure, pour faire couler au fond de la cuvette le verre qui étoit demeuré aux parois, & on cure de nouveau. Ce second curage est absolument nécessaire, car le verre qu’on laisseroit dans les cuvettes jusqu’à la fin de l’enfournement suivant, perdroit sa couleur, & se détérioreroit à un point excessif.

Les artistes sont partagés dans leurs opinions sur le tems de faire la premiere fonte. Les uns veulent que ce soit dès que les pots sont vuides, c’est-à-dire immediatement après le dernier tréjettage, & ils prétendent par-là gagner le feu de la revenue du verre par lequel la fonte avance d’autant. Les autres prétendent que le feu essuyant des changemens pendant les opérations, la fonte est chauffée trop inégalement, & se retarde plutôt que d’avancer, en conséquence ils n’enfournent qu’après le second curage, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a plus d’opérations à faire. En employant la premiere maniere d’enfourner, il est indispensable de le faire par les ouvreaux du milieu. On seroit en danger de laisser tomber de la fritte dans les cuvettes pleines, si on enfournoit par les ouvreaux à tréjetrer.

La premiere opération qui se présente après la coulée, c’est celle de défourner les glaces, c’est-à-dire de les tirer hors de la carquaise après le refroidissement parfait de celle-ci.

Prenant la tête de la glace avec un crochet, fig. 1. Pl. XXVI. on la tire sur le devant de la carquaise, qu’on a mis à la regle auparavant. Lorsque la glace est sur le devant du four, on ôte la poussiere qui est dessus, on applique une équerre, fig. 3. à la bande de la glace[31] ; on y ajuste la regle graduée, fig. 2. pour avoir une longueur capable d’occuper toute la largeur de la glace ; on fait passer le diamant à rabot, fig. 10. le long de la regle, & par-là on coupe la surface supérieure du verre.

Le diamant à rabot est un vrai diamant brut, monté au-dessous, & bien au milieu d’un parallélépipede de buis, garni d’une plaque de cuivre. Le parallélépipede a environ deux ou trois pouces de long sur six ou neuf lignes de haut, & autant de large. Au milieu de la surface supérieure s’éleve perpendiculairement une petite branche de cuivre d’environ deux pouces de long, servant à fixer le diamant dans la main de l’ouvrier.

Lorsque le diamant a coupé la surface de la glace, on frappe avec le petit marteau, fig. 5. immediatement au-dessous du trait, on le fait ouvrir, & on lui fait pénétrer toute l’épaisseur de la glace.

Pendant qu’on ouvre le trait, un ouvrier soutient la tête de la glace pour que son poids ne la fasse pas séparer trop promptement.

Lorsque la tête de la glace est séparée avec des pinces, fig. 8. appellées pinces à égruger, on ôte les inégalités que pourroit avoir laissées le trait de diamant aussi bien que les langues, c’est-à-dire les endroits où l’ouverture du trait, au-lieu de le suivre, auroit tendu à entrer plus avant dans la glace.

Après toutes ces opérations, un ouvrier tire la glace par la tête, (j’appelle tête dans cet endroit le lieu où elle étoit), & trois ouvriers de chaque côté la prennent par la bande, à mesure qu’elle sort de la carquaise, sans hausser ni baisser les uns plus que les autres. Lorsque la glace est entierement dehors, & ne touche plus à rien, les ouvriers 2, 4, 6, vignette de la Pl. XXVI. baissent leur bande jusqu’à ce qu’elle pose sur deux coëtes, fig. 9. qu’on dispose une vers chaque tête, & qui ne sont autre chose que des morceaux de bois quarrés, dont on rembourre une des faces. Les ouvriers 3, 5, 7, qui tiennent l’autre bande, la soutiennent pendant que 2, 4, 6, baissent, & dès que la bande de ces derniers touche au coëte 3, 5, 7, en levant la leur, donnent à la glace la position verticale. L’ouvrier 1, qui est à la tête de la glace, suit avec ses bras le mouvement des bandes, & même le regle.

Lorsqu’on a mis la glace dans cette position, on l’enleve au moyen de bricoles, fig. 7. dont on met une vers chaque extrémité de la glace, & une troisieme au milieu, si la glace est bien grande.

La bricole n’est qu’un angle garni de cuir au milieu, ayant une poignée de bois à chaque extrémité. Le tout ensemble a environ quatre piés de long.

On fait poser la glace sur le cuir du milieu de la bricole, & un homme de chaque côté de la glace prend une des poignées. C’est lorsque tous les ouvriers tiennent les poignées de leurs bricoles qu’ils enlevent la glace en la serrant de leurs épaules, pour l’empêcher de vaciller, & qu’ils la portent au magasin du brut, où on doit la visiter, l’examiner & l’équarrir.

La mise des pots dans le four est une opération assez compliquée pour exiger la même précaution que nous avons prise pour la coulée, de décrire tous les outils nécessaires à l’opération avant de décrire l’opération elle même.

Il sembleroit naturel d’avoir décrit la mise des pots avant aucune autre opération, parce que sans pots il est impossible d’en faire aucune. Mais la mise des pots ne s’est pas présentée la premiere à mon imagination ; d’ailleurs elle est de saison dans tous les tems, car il est inévitable qu’on n’ait dans une réveillée nombre de pots à remplacer.

L’opération de mettre un pot présente trois instans ; 1°. celui auquel on le retire de l’arche ; 2°. celui auquel on l’introduit dans le four ; 3°. celui auquel on le place sur le siege. Les outils qui servent à la premiere partie de l’opération sont le sergent, le moise, les deux grands crochets, le balai & le grand chariot ; ce dernier fait seul la seconde partie de l’opération. Enfin pour la troisieme, on emploie la fourche, les grands crochets, la dent de loup, la barre d’équerre, les deux barres croches & le rable du tiseur.

Le sergent est, par rapport à l’arche, ce qu’est, par rapport au four à fritte, la barre du devant du four. C’est une barre de fer qu’on place devant la gueule de l’arche à diverses hauteurs, suivant le besoin, au moyen de divers crochets disposés à chaque côté de la gueule de l’arche.

Le sergent sert de point d’appui au moïse dans son action.

Le moïse est un instrument de fer, ressemblant beaucoup pour la forme au cornard, Pl. XXVII. fig. 4. mais bien plus fort & plus long. Sa longueur doit être au-moins de douze piés. Ses cornes ont environ dix pouces de long, & sont écartées d’environ cinq ou six pouces.

On connoît les deux grands crochets.

Le grand chariot est un des instrumens le plus considérable de la glacerie ; on diroit à sa forme que c’est un grand moïse, emmanché dans un manche de bois & monté sur des roues. On voit le géométral du grand chariot, fig. 1. Pl. XXVIII. & le profil, fig. 2. même Planche.

Les cornes ab, cb. du chariot, ont environ vingt pouces de long, & s’écartent d’un pié de a en c ; depuis le bout des cornes, jusqu’à l’endroit d où commence le manche, il y a quatre piés de distance. En d. la barre de fer s’emmanche dans un manche de bois, portant environ six pouces d’équarrissage, & fortifié de deux viroles, l’une en d, & l’autre en e, où finit le prolongement de ad dans l’intérieur du bois. On garnit même quelquefois l’espace de de tôle.

Le manche du grand chariot a environ onze piés & demi de d en f & de A en B. A l’extrémité B, est un anneau où place ses mains l’ouvrier qui dirige le mouvement du chariot. En ggg sont trois boulons de fer, distans entr’eux d’environ dix-huit pouces, ainsi que le premier gi de l’extrémité B. Les boulons passent de neuf pouces de chaque côté du manche du chariot, & sont destinés à placer les mains des ouvriers qui menent cet outil.

Les roues sur lesquelles est monté le grand chariot, doivent le porter à une hauteur propre à travailler dans l’arche avec facilité. Aussi leur donne-t-on environ quatre piés de diametre ; & on les sait en bois pour éviter l’excessive pesanteur qu’elles auroient, si on les faisoit en fer comme celles des autres chariots. On place l’essieu sur le manche à environ trois pieds de d desorte qu’il reste environ 8 piés de h en B, partie connue sous le nom de queue du chariot.

Quant à la longueur de l’essieu, elle dépend de la largeur de l’antre sous lequel le chariot est obligé d’aller. Dans les fours tels que nous les avons décrits, on peut très-bien se servir du grand chariot avec un essieu d’environ quatre piés.

On voit dans le profil (fig. 2.) que la queue du chariot se courbe en haut pour la facilité des ouvriers.

Parmi les outils qui servent à la troisieme partie de l’opération, celui qui y contribue le plus est la fourche dont on voit le géométral, Planc. XXIX. fig. 1. & le profil fig. 2. La fourche ressemble au grand chariot. Les cornes en sont à-peu-près aussi longues, mais elles sont moins écartées, AB valant environ dix pouces.

Comme elle travaille dans le four & que quelquefois elle met un pot en place par la tonnelle la plus éloignée, on lui-donne sept piés de N ou B en C. Elle est emmanchée dans un manche de bois, semblable à celui du grand chariot.

Les roues ont environ deux piés de diametre, les cornes de la fourche n’ayant besoin d’être élevées que jusqu’à la hauteur du siege. On gagne par-là l’avantage de faire entrer les roues mêmes sous la tonnelle, si on a besoin : c’est aussi pour se conserver cette facilité, que l’essieu n’a guere que vingt-sept pouces.

L’essieu est placé en E à environ un pié de C ; & on fait la queue de la fourche EFGH = 11 piés : ce qui donne à l’instrument entier dix-neuf piés de long.

La queue de la fourche est garnie d’un anneau à son extrémité H, comme celle du grand chariot ; & les trois boulons sont semblablement posés dans les deux outils.

La dent-de loup. (fig. 3. Pl. XXVII.) est une barre de fer, légere, ayant douze piés de long & formant à une de ses extrémités un crochet d’environ deux de 1 en 2. Le crochet est tel que 1, 3 = deux pouces ainsi que 1, 4.

La barre d’equerre (fig. 2. Pl. XXVII.) est une barre de fer ayant dix piés & demi de long, pliée à angle droit à une de ses extrémités, où elle forme un crochet ab de vingt-un pouces.

Les barres croches sont des pinces telles que (fig. 1. Pl. XXVII.) d’environ huit piés & demi de long, & ayant une petite courbure en approchant d’une de leurs extrémités.

Lorsqu’on a à placer un pot dans le four, on commence par lever la ferrasse qui forme l’arche, & on abat les glaies tant de l’arche que du four. On débarrasse avec soin les débris des glaies pour que la manœuvre n’en soit pas génée : on place le sergent au-devant de l’arche, ensuite on pousse un peu le pot avec les cornes du moïse, appuyé sur le sergent ; & l’on profite de cet instant pour ôter avec un des grands crochets de dessous le pot un des briquetons sur lesquels il pose, dans la vue de faire pencher le pot du côté de la gueule de l’arche. Alors les grands crochets tirent le pot par le haut de la fleche pour le renverser, le coucher, si l’on peut ainsi dire, sur le pavé de l’arche, ce qu’on appelle abattre le pot. Moïse se met en-dedans du pot pour le soutenir, crainte qu’il ne soit abattu trop vivement & qu’il ne frappe contre le pavé de l’arche. On voit dans les ouvriers 1, 2, 3 (Pl. XXVIII. vignette) l’action de moïse & des deux grands crochets.

Lorsque le pot est abattu, plaçant les crochets à son jable, on l’attire doucement sur le devant de l’arche, de maniere qu’il présente son ouverture à la gueule de l’arche, & on ôte le sergent. Alors on balaie le pot pour en ôter la poussiere, & en savoir le bon ou mauvais état.

On approche le grand chariot dont on enfonce les cornes jusqu’au fond du pot. On souleve un peu le pot ; & lorsqu’il est ainsi chargé sur les cornes du chariot, retirant celui-ci en arriere, on retire le pot hors de l’arche.

Le chariot est conduit par neuf hommes, un au bout de la queue qui dirige le mouvement de l’outil & la manœuvre ; deux à chacun des trois boulons, & un à chaque roue pour les retenir, les accélérer ou changer la direction du chariot, en retenant l’une plus que l’autre.

On mene le charriot sous l’antre & on approche le pot de la tonnelle avec un mouvement bien réglé, les ouvriers qui sont aux roues opposant leurs efforts à la pente du terrein ; à mesure qu’on approche de la tonnelle, on baisse le pot, & on le fait entrer sous la tonnelle sans toucher à l’âtre, aux piés droits, ni au ceintre ; on le pousse assez avant pour que le bord supérieur ait passé le ceintre de la tonnelle ; alors on retire le chariot, & on amene la fourche.

On passe les cornes de la fourche sous le bord du pot, & on le releve entre les deux sieges. La dent-de-loup qu’on fait passer par le tisar de l’autre glaie, accroche le bord du pot de son côté, le maintient droit & l’empêche de s’abattre de nouveau. L’action de la dent-de-loup donne à la fourche le tems de prendre le pot par le jable. On l’enleve jusqu’à la hauteur du siege sur lequel on fait poser le bord de son cul. Alors la dent-de-loup devenue inutile, se retire.

La barre d’équerre passe par l’ouvreau à trejetter correspondant au pot qu’on place, entre dans le pot, & les ouvriers qui s’en servent peuvent, en tirant à eux, soutenir le pot que sa pesanteur entraineroit entre les deux sieges.

Pendant l’action de la barre d’équerre la fourche abandonne le pot, & le reprenant plus loin du siege, est en état de le porter plus avant : la fourche abandonne encore le pot, & la barre d’équerre le soutient ; ainsi desuite, jusqu’à ce qu’il soit assez avant sur le siege pour s’y soutenir de lui-même. Alors l’action de la barre d’équerre devient nulle, & c’est le moment de mettre en œuvre les deux barres croches.

L’une passe par l’ouvreau du milieu, & toutes deux agissant comme leviers, favorisent l’action de la fourche, en appellant le pot au mormue[32].

Le pot est bien placé lorsqu’il coupe l’ouvreau du milieu par la moitié, & qu’il ne laisse de distance entre lui & le mormue, que l’épaisseur d’un rable de tiseur.

Lorsqu’on retire un pot du four, c’est précisément la même opération que lorsqu’on l’y met : seulement les outils agissent en ordre & en sens contraires. La fourche travaille la premiere, & au lieu de pousser le pot au mormue, elle l’attire entre les sieges. La dent-de-loup au lieu de le soutenir, le pousse pour l’abattre, &c.

Des qu’on a pris dans l’arche les pots dont on a eu besoin, s’il en reste encore on refait l’arche, & on laisse baisser le feu par gradation, jusqu’à ce qu’il soit réduit à celui de la lunette.

On a aussi le plus grand soin de refaire promptement la glaie du four, d’abord que l’opération est finie.

L’opération de mettre des cuvettes neuves au four est bien moins compliquée. (Pl. XXX. vignette.) On tire la cuvette sur le devant de l’arche avec les grands crochets ; on la met sur une pelle de tôle, & un homme tenant la queue de la pelle, aidé d’un gambier, la porte à l’ouvreau, la pose sur la plaque ; le chariot à tenaille la prend & la place.

On peut aussi porter la cuvette en mettant les cornes de moïse au fond de la cuvette, & portant le moïse lui-même chargé de la cuvette, jusque sur la plaque où on pose la cuvette.

A la vérité, on ne peut alors poser la cuvette sur son cul, mais on l’y retourne en la soutenant avec tel outil que ce puisse être, pour empêcher qu’elle ne tombe avec trop de force sur la plaque.

Lorsqu’on a pris dans l’arche les cuvettes dont on a besoin pour conserver celles qui restent, on replace la tuile de l’arche, on la marge, & on reduit le feu à celui de la lunette.

Le verre qui se répand dans le four, soit lors des opérations, soit par la casse de quelques vases, se sallit, & devient jaune ou noir par le mélange des cendres. Il prend alors le nom de picadil. Lorsque le picadil est trop abondant, il va jusques sur l’âtre des tonnelles, & gêne la chauffe. Alors on prend le parti de le tirer hors du four, & c’est la seule opération qui nous reste à décrire.

On ouvre une tonnelle, on puise dans le bain de picadil avec des poches de fer (fig. 4. Pl. XXXI.) qui ont six pouces de diametre sur environ autant de profondeur, & environ onze piés de manche. On vuide la poche sous l’antre au devant de la tonnelle qu’on croise d’une buche un peu grosse, pour empêcher le picadil de céder à la pente du terrein & de redescendre dans le four.

Il seroit impossible de manier les poches à picadil si on n’avoit un point d’appui. On emploie pour cet usage le danzé, instrument dont on voit le géométral fig. 1. Pl. XXXI. le perspectif fig. 2. & le profit fig. 3. Je ne doute pas qu’un homme intelligent au moyen du danzé, ne se passât de beaucoup d’autres outils.

Le danzé n’est autre chose qu’un cadre de fer ABCD de dix-huit pouces sur chaque face, (fig. 1.) sur les côtés AB, CD, duquel s’élevent deux triangles aussi-de fer EFG, (fig. 3.) de quinze pouces de-haut, percés de deux trous 1, 2. Le trou 1. (fig. 3.) est destiné à faire passer une traverse ab (fig. 2.) qui n’a d’autre usage que de fortifier la construction de l’outil. Par le trou 2 (fig. 3.) passe une autre traverse df (fig. 2.) qui est véritablement le point d’appui, & sur laquelle pose le manche de la poche. La branche ghk sert à donner plus de force au danzé.

Lorsque la poche s’échauffe on va la rafraîchir dans un baquet avec l’aide d’un gambier.

Quand on n’a plus de picadil à tirer, on gratte avec des rables l’âtre de la tonnelle pour le bien nettoyer, & pour empêcher que le verre qui s’y seroit attache pendant l’opération n’y reste.

On finit par prendre le danzé avec des crochets par le triangle, ou la branche ghk, & le tirant hors de l’antre, on entraîne avec lui la masse de picadil qui l’entoure. Elle est quelquefois si considérable, que l’on ne pourroit jamais vaincre sa pesanteur, si les ouvriers ne réunissoient leurs efforts par des crics, comme on le pratique pour certaines opérations de marine.

L’opération de tirer du picadil est fort bien représentée dans la vignette de la Pl. XXXI. L’ouvrier 1 ramene sa poche pleine de picadil, les ouvriers 2, 3, lui tiennent un gambier prêt pour l’instant où il voudra porter sa poche à rafraîchir. L’ouvrier 4 rafraîchit sa poche, & les porteurs de gambier 5, 6, qui lui ont aidé à la porter au baquet, attendent qu’il soit prêt à la rapporter au four.

Il y a des outils de glacerie qui servent assez souvent, & qui ne tiennent à aucune opération ; tels sont la houlette, le diable & le gros diable.

La houlette, fig. 1. Pl. XXX. présente à une de ses extrémités une partie plate de six pouces de large sur environ neuf de long, que j’appelle pelle de la houlette. Le manche de l’outil a environ dix-huit piés de long. La houlette ne sert guere que dans le cas de quelque réparation de four. On pose une tuile ou une torche sur la pelle de la houlette, & appuyant le manche sur le danzé, on la fait entre dans le four par la tonnelle ou l’ouvreau à cuvette, relativement au lieu où l’on a à réparer, & on porte la tuile à la place qu’on veut.

Le diable, fig. Pl. XXVII. est une pince forte d’environ sept piés de long, à laquelle je ne connois d’autre usage, que d’élocher les pots lorsqu’on est à même de les ôter du four. Cette opération se fait par l’ouvreau à cuvette, & on doit avoir attention, quand un pot est éloché, d’introduire un briqueton, ou quelqu’autre intermede entre le pot & le siege, pour empêcher qu’ils ne se recollent.

Le gros diable est un instrument fig. 5. Pl. XXVII. long d’environ douze piés, s’amincissant & faisant tranchant à une de ses extrémités. Il fait l’office du belier des anciens lorsqu’on a quelque chose à arracher ou à dégrader dans le four. On appuie le gros diable sur le danzé, & on le pousse avec force & accélération contre la partie à détruire, qu’on frappe avec le tranchant du gros diable.

La recuisson des glaces n’est absolument autre chose que leur refroidissement gradué & insensible. C’est le passage de l’état de chaleur où est le verre dans l’instant de la coulée, à un refroidissement parfait. On ne parviendroit jamais à avoir des glaces entieres si on les laissoit refroidir à l’air libre. Le contact immédiat de l’air feroit sur elles un effet de même sorte que celui de l’eau sur les canons rouges. Cette contraction subite, à laquelle les parties des glaces n’auroient pas le tems de se prêter, en causeroit la séparation forcée, & les glaces éprouveroient une maniere de calcination.

C’est par cette raison que l’on pousse les glaces dans un four si-tôt après les avoir coulées. Ces fours prennent de leur usage le nom de fours de recuisson, qui leur est générique avec tous ceux qui, en verrerie, font la même fonction de recuire. Ceux qui sont destinés à le recuisson des glaces coulées, sont particulierement nommés carquaises. On chauffe la carquaise quelque tems avant de couler ; & il faut, lors de cette opération, qu’elle soit rouge de feu dans toutes ses parties ; autrement on manqueroit son but, & les glaces qu’on y enfourneroit ne trouvant pas un milieu assez relatif à l’état où elles seroient dans cet instant, ne pourroient manquer de souffrir les mêmes inconvéniens que si elles restoient à l’air libre.

Il y a aussi un danger considérable à couler dans une carquaise trop chaude. La glace au-lieu de prendre une certaine consistence qui puisse favoriser l’usage des outils avec lesquels on est obligé de la toucher, s’amollit. Elle se refoule lorsqu’on la pousse avec l’y grec, soit avec la grande pelle, comme elle s’étend en la tirant avec le crochet de l’y grec.

La Pl. XXXII. présente le détail d’une carquaise & de toutes ses parties ; le pavé de la carquaise est posé sur un massif à la même hauteur que la table, afin que la glace passant de l’un sur l’autre, voyage sur le même plan. Le pavé doit être droit & uni ; car la glace étant molle lorsqu’on l’y met, elle recevroit toutes les impressions que lui donneroit la forme du pavé : aussi toutes les fois qu’on est à même de couler dans une carquaise, a-t-on le soin de présenter la regle à son pavé dans tous les tems avant de la chausser.

Le pavé d’une carquaise est fait en briques posées de champ. On ne les unit pas avec du mortier ; mais on se contente de les poser sur du sable bien passé, dont on dispose une couche entr’elles & le massif, dans la vue que si le feu fait jouer le pavé, au-lieu de le gauchir en entièr (ce qu’il ne manqueroit pas de faire, si toutes les briques se tenoient), il se contente de faire élever telle ou telle brique qui peut ceder à l’action du feu sans en entraîner d’autres, & sans dégrader totalement le pavé. Les briques tiennent dans leur position par le simple soutien de celles qui sont à côté. On remplit leurs joints de sable ; & pour égaliser la surface du pavé, on le couvre aussi d’une légere couche de sable.

Les dimensions du pavé de la carquaise dépendent de la quantité & de la grandeur des glaces qu’on se propose d’y mettre. En supposant qu’on veuille v placer huit glaces de petites cuvettes, fig. Pl. XXXII. la longueur sera suffisante de vingt-trois piés entre les tisars sur une largeur de douze piés, ou en comprenant toute l’étendue de la carquaise de a en b de dedans en-dedans, elle aura de long vingt-huit piés sur douze de large.

Vû l’étendue de cette espece de fourneau, on chauffe par les deux extrémités au moyen de deux tisars placés un à chaque bout.

A l’une des extrémités est une gueule D, fig. 1. par laquelle on fait entrer les glaces dans la carquaise. L’ouverture de cette gueule est proportionnée à la largeur des glaces qu’on fabrique. Si l’on fait des glaces de six piés de large, il faut au-moins que la gueule en ait sept, comme dans la figure. Il est inutile que le ceintre de la gueule soit bien haut, il suffit que dans son milieu il s’éleve à un pié, comme dans les figures 3 & 4. L’extrémité où est placée la gueule de la carquaise est dite devant de la carquaise.

La gueule s’étendant à sept piés de b en 1, if reste cinq piés jusqu’à l’autre paroi de la carquaise de 1 en 3, on prend la partie 3, 2 = 18 pouces pour l’ouverture du tisar de devant, & il reste 1, 2 = 3 piés & demi pour l’épaisseur de la maçonnerie, qui est entre la gueule de la carquaise, & celle du tisar. Cette maçonnerie a besoin d’une certaine force étant destinée à soutenir l’effort des voûtes, tant de la gueule de la carquaise que du tisar. A la distance. 3, 4 = 6 pouces du devant de la carquaise, on forme des relais 4, 5, 6, 7, = 3 pouces chacun, pour placer la porte du tisar, au moyen de quoi le tisar, au lieu où l’on forme les piés droits qui doivent soutenir sa voûte, a un pié de largeur ou d’ouverture de 5 en 6, & quinze pouces de long de 5 en 8 ; bien entendu que l’espace de 3 en 8 est occupé par la maçonnerie qui sépare le tisar d’avec le cendrier qu’on pratique au-dessous, comme on peut le voir par les figures 3, 4, qui expriment les élévations tant intérieures qu’extérieures du devant de la carquaise. On voit dans ces mêmes figures que le tisar est ceintré à environ quinze pouces d’élévation. Le tisar depuis le point 8 s’avance encore de deux piés & demi dans l’intérieur de la carquaise. Le tisar entier s’avance donc de quatre piés trois pouces dans la carquaise ; les barreaux du tisar qui commencent en 8 sont d’environ huit pouces, au-dessous de 8 & du pavé du four, pour empêcher les braises de tomber sur ce pavé. La maçonnerie qui se trouve entre le tisar de devant & la gueuse de la carquaise, avance de trois piés de 2 en 9, dans la carquaise ; l’épaisseur de la gueule 1 f= un pié, & de f en x la maçonnerie fait avec f 1 un angle tel que xf = deux piés & demi.

Le tisar qui se trouve à l’autre extrémité de la carquaise, & qu’on appe le le tisar de derriere, est fait comme celui de devant, avec la différence qu’il est placé au milieu de la carquaise. Il a dix-huit pouces de large & cinq piés de long du devant de sa gueule à son extrémité. Pour qu’il n’avance pas trop dans la carquaise, on lui fait déborder le devant de ladite carquaise de deux piés & demi, au moyen de quoi faisant le mur de la carquaise de deux prés & demi d’épais, le tisar ne prendra rien de l’intérieur. On fortifie le tisar d’une maçonnerie de deux piés d’épaisseur de chacun de ses côtés. Le tisar ou sa maçonnerie occupera donc cinq piés & demi de la largeur de la carquaise. Il restera donc trois piés trois pouces de chaque côté du tisar. La voûte du tisar forme l’entonnoir en approchant de la carquaise, fig. 2. du-moins quant à la hauteur, puisqu’à la gueule elle n’a que dix-huit pouces d’élévation, & à l’extrémité elle a environ trois piés.

A côté du tisar sont deux ouvertures E E, fig. 1. d’un pié trois pouces de large. On forme un petit relai à leur entrée pour les fermer d’une tuile. Ces ouvertures s’appellent lunettes des carquaises, ou par quelques uns gueulettes. Elles servent à faire passer des outils pour ranger les glaces, si par hasard elles ont pris une mauvaise position à l’extrémité de la carquaise. C’est pour favoriser cet usage que la lunette s’aggrandit vers l’intérieur de la carquaise où elle a trois piés de large. La voûte de la lunette est à plein ceintre, & augmente d’élévation comme la lunette a augmenté de largeur. La lunette est placée au milieu de yd, partie de la largeur de la carquaise qui reste de chaque côté du tisar ; on voit en fig. 5 & 6. la vue tant intérieure qu’extérieure du derriere de la carquaise.

La voûte de la carquaise prend dans sa longueur la forme qu’on remarque dans sa coupe longitudinale, fig. 2. Il est inutile qu’elle soit bien élevée ; ce seroit même nuisible, en ce qu’on auroit un espace trop considérable à échauffer. Aux deux extrémités la voûte a environ trois piés de hauteur, & elle va en exhaussant jusqu’au milieu, qui a environ quatre piés, & où est la plus grande élévation.

Quant à la forme que prend la voûte dans la coupe latitudinale, on voit par les figures 4 & 6. que rien ne ressemble plus à une anse de panier. Les parois de la carquaise ne forment presque pas de piés droits, la voute commence presque sur le pavé.

Au-dessus de la voûte de la carquaise on forme en massif une planimétrie, qui se trouve élevée à environ douze piés de terre ; on la couvre de torchis, comme le dessus du four de fusion, & la sécheresse du lieu en fait un excellent magasin de pots prêts à attremper.

On éleve le mur du devant des carquaises à la hauteur convenable pour s’en servir à soutenir la charpente de la halle.

Les glaciers sont partagés dans leurs opinions au sujet des carquaises. Les uns veulent qu’elles soient ouvertes de plusieurs trous ou cheminées dans la voute : on en met ordinairement une au milieu de la carquaise, & deux à chaque extrémité. Les autres prétendent que de pareilles cheminées ne peuvent que nuire. Selon les premiers, les cheminées qui restent bien bouchées pendant tout le tems de la chauffe, & qu’on ouvre aussi-tôt que l’opération est finie, hâtent le refroidissement de la carquaise, & mettent les glaces en état d’en être plutôt tirées. Cette même raison alléguée pour, est tournée contre par les ennemis des cheminées. En effet, comment, disent-ils, peut-on regarder comme gradué un refroidissement qu’on cherche à presser par quel moyen que ce puisse être ? La maniere de raisonner des derniers me paroit plus relative à la définition que nous avons donnée de la recuisson des glaces : j’ai cependant fait de très-bonnes recuissons dans les carquaises à cheminées.

La définition de la recuisson conduit nécessairement à faire marger toutes les ouvertures de la carquaise d’abord après la coulée, & à les démarger ensuite peu-à-peu, à-peu-près comme on démarge la lunette d’une arche.

On appelle les parois de la carquaise mormues de la carquaise.

La bonté de la recuisson se reconnoit à la coupe. Une glace mal recuite se coupe difficilement, le diamant y prend mal : lorsqu’il y prend, le trait s’ouvre avec peine, quelquefois même la glace se casse & se met en pieces avant que le trait soit ouvert, & lorsqu’il se détache de la glace quelques morceaux qu’on tient avec la main, elle en est repoussée à-peu-près comme elle le seroit par un ressort qui se débanderoit contre elle. Je ne vois pas d’autre raison de ce phénomène, si ce n’est que la glace ayant été refroidie plus promptement qu’il n’eût été convenable, ses parties ont souffert un degré subit de contraction, qui en a fait comme des petits ressorts bandés. Par le coup de diamant ou les efforts que l’on fait pour l’ouvrir on rompt les petits ressorts à une des extrémités, & dès-lors on s’expose à toute leur violence, ils se débandent subitement, & suivant leur direction ils font un effet différent ; quelquefois la glace éclate, quelquefois le coup de diamant s’ouvre dans toute sa longueur, avec une rapidité incroyable.

Il se présente à la recuisson des glaces des phénomènes étonnans ; mais outre que ce n’est pas ici le moment d’entrer dans ce détail, comme l’explication que je chercherois à en donner pourroit devenir systématique, je me réserverai d’exposer ma façon de penser sur cet objet, dans une autre occasion.

Des apprêts. Lorsque les glaces sont recuites & qu’on les a tirées de la carquaise, il ne faut plus pour les mettre en état de vente que les réduire à l’épaisseur convenable & les polir, ce qu’on appelle les apprêter.

Avant que d’apprêter les glaces, on les équarrit, pour s’épargner la peine & la dépense de travailler les parties qui les empêchent d’avoir la forme quarrée, la seule reçue dans le commerce, & qui par-là deviennent inutiles.

Il seroit superflu d’entrer dans le détail de la maniere dont on coupe les glaces pour les équarrir, ni dans la description des outils qui servent à cette opération ; on en doit être suffisamment instruit par ce que nous avons dit de la façon dont on coupe les têtes des glaces, sur le devant de la carquaise.

Pour faire un bon équarrissage, on doit avoir deux attentions ; 1°. de se conserver le plus grand volume ; 2°. & de retrancher les défauts qui pourroient occasionner, ou casse de la glace pendant le travail, ou difficulté de vente.

Une précaution que l’on ne doit pas négliger, c’est que la table sur laquelle on pose à plat les glaces à équarrir soit bien de niveau & à la regle, afin que la glace portant sur tous ses points, éprouve le coup de marteau sans se casser.

On couvre la table d’une légere couche de sable, pour que la glace brute y glisse avec facilité, lorsqu’on veut ou la pousser ou la retirer, ou la tourner d’une bande à l’autre ; sans cette précaution on auroit beaucoup de peine, le brut étant fort pesant.

La table à équarrir doit être d’une hauteur à laquelle on puisse travailler avec facilité ; on la fait ordinairement de vingt-six pouces d’élévation. Il est inutile qu’elle soit aussi longue ni aussi large que les glaces qu’on a à équarrir, la bande qu’on coupe étant toujours hors de la table. Une table de quatre-vingt-dix pouces sur soixante, suffit pour y réduire les glaces les plus grandes à leur juste volume.

Le moment le plus difficile de l’opération d’équarrir, est celui où on couche la glace sur la table, surtout si elle est grande.

On commence par la poser de champ contre la table, de maniere qu’elle s’appuie également partout sur le bord de celle-ci ; ensuite deux hommes la prennent, un à chaque bout, l’enlevent d’un égal mouvement, sans lui faire quitter la table, & tendant à la poser sur celle-ci. Pendant ce tems un troisieme les favorise, en soutenant la bande de la glace qui quitte la terre, & un quatrieme de l’autre côté de la table présente ses bras à la bande qui penche vers la table, pour la soutenir & l’empêcher de poser trop vîte ou inégalement, & même de vaciller.

Lorsque les glaces sont équarries, c’est le moment de leur faire subir le premier apprêt, connu sous le nom général de douci, qui cependant n’appartient proprement qu’à certains instans de ce travail.

Les apprêts des glaces sont un vrai traité de frottement, c’est par lui que tout s’y fait.

On commence par marquer les défauts que l’on remarque dans la glace à travailler, & que l’on croit pouvoir être emportés avec la partie qu’on est obligé d’user, pour réduire le morceau à son épaisseur ; ensuite on scelle la glace sur une pierre bien droite & bien unie ; nous allons raisonner comme si c’étoit une petite glace, ou au-moins une glace de moyen volume.

La pierre sur laquelle on scelle, doit être proportionnée au volume de la glace que l’on scelle, & si elle déborde elle doit le faire à-peu-près de la même quantité de toutes parts.

Cette pierre est ordinairement placée dans une caisse de bois, qui la déborde de quatre ou cinq pouces sur toutes ses faces, au-dessus des bords de laquelle elle est élevée par deux ou trois travelots sur lesquels elle pose : la caisse est toujours pleine d’eau, parce que l’eau est nécessaire à ce travail ; le tout est posé sur des piliers de pierre, à une hauteur telle, que l’ouvrier puisse atteindre avec les bras à toutes les parties de la glace, dans la supposition que nous avons déjà faite, qu’elle étoit de moyen volume.

La pierre avec sa caisse prennent le nom de banc, & les bancs servant à sceller les moyens volumes se nomment bancs de moilons, parce que l’outil employé par l’ouvrier dans ce cas est connu sous le nom de moilon, comme nous le dirons par la suite.

Le scellage consiste simplement à tamiser sur la pierre du plâtre cuit avec un tamis bien fin, & le paîtrir avec de l’eau propre, ce qu’on appelle le gacher. Lorsque le plâtre est bien gaché, qu’on le sent par-tout également délayé, & qu’on l’a répandu sur toute la surface de la pierre, on y pose d’abord une bande de la glace, & on laisse baisser peu-à-peu l’autre bande, jusqu’à ce que la glace soit à plat sur la pierre, après quoi on remue un peu la glace sur le plâtre, pour en insinuer également sous toutes ses parties, & pour qu’il n’y en ait aucune qui porte à faux ; ensuite on la place, on la laisse en repos, le plâtre seche, se prend, & la glace est ferme & solide ; on fait des bords de plâtre autour de la glace pour conserver ceux de cette derniere & la fixer encore plus fermement en sa place ; on nettoye le reste du banc, ainsi que la surface de la glace, qui est alors en état bien convenable pour être travaillée.

Une assez bonne précaution à prendre pour la perfection du scellage, c’est dès que la glace est posée sur le plâtre, d’y monter & de piétiner dessus, c’est-à-dire marcher sur toutes ses parties, en faisant glisser ses piés à côté l’un de l’autre. Par cette manœuvre on chasse les particules d’air qui pourroient être restées entre la glace & la pierre, & on contribue encore à distribuer également le plâtre sous la glace.

Dès que la glace est scellée, l’ouvrier commence à disposer les outils qui lui sont nécessaires pour la travailler ; ils sont en très-petit nombre.

Il scelle une petite glace sur une pierre mince, place cette glace sur celle de son banc[33], & pose dessus une molette qui s’y applique bien immédiatement.

La molette. Ce n’est qu’une petite pierre quarrée fort mince, encadrée dans un cadre de bois d’environ trois ou quatre pouces de hauteur, qu’on remplit de plâtre. A chaque coin de la molette & à sa surface supérieure est une pomme de bois. L’ouvrier prend successivement ces pommes, & par cette manœuvre fait tourner la molette, & conséquemment la petite glace à laquelle elle est immédiatement appliquée, & qui pose sur la levée.[34]

Les figures donneront sur les formes des outils & sur la maniere de les employer, les éclaircissemens qu’on pourroit desirer.

L’ouvrier répand du sable à gros grains, ou pour parler plus simplement, du gros sable sur sa levée, avec une palette, petit outil de bois, plat, désigné assez par son nom. Il mouille un peu son sable, & fait tourner sa molette sur tous les endroits de la levée. Les parties du sable usent les parties de la glace, & diminuent les inégalités. Lorsque le sable est usé lui-même, on essaye la levée, & on remet de nouveau sable, ce qu’on appelle donner une nouvelle touche.

Si la levée est usée par le sable, la glace qui roule dessus, & qui par cette raison est appellée dessus, s’use aussi, & s’apprête en même tems. Le dessus s’use même plutôt que la levée, étant moins grand ; car il doit toujours être tel qu’il puisse tourner entre la main de l’ouvrier, & son corps : aussi emploie-ton plusieurs dessus pour apprêter une seule levée.

On doit avoir toujours attention de ne pas travailler brut contre brut ; les inégalités seroient trop considérables, & pourroient occasionner des casses.

La molette du doucisseur, dont nous venons de donner l’usage, est l’instrument le plus léger qu’on mette sur une levée, & il sert seulement à acheminer la levée, c’est-à-dire, à ôter les inégalités les plus considérables. Lorsque l’ouvrier s’apperçoit que son dessus roule bien & uniment sur la levée, à la molette il substitue le moilon[35], qui ne differe du premier outil que par sa grandeur & par son poids. On place le moilon sur de plus grands dessus, & on le fait travailler, comme la molette, conduisant le dessus sur toute la levée, essuyant la levée avec une éponge, dès que la touche de sable est usée, & remettant une nouvelle touche.

Lorsque l’on n’apperçoit plus aucun endroit brut sur la levée, on dit qu’elle est débrutie, & lorsqu’elle est à la regle, on la dit dressée.

Lorsque le dessus est assez diminué d’épaisseur, on le change, & on a toujours attention de travailler les premiers les dessus les moins grands.

Quand la levée est atteinte d’un côté, c’est-à-dire qu’on a fait disparoître les défauts auxquels on s’appliquoit, & qu’on la juge assez diminuée d’épaisseur, on la descelle, c’est-à-dire qu’on la décolle de dessus le plâtre.

Avant que de desceller, on use la derniere touche de gros sable plus que les autres, dans la vue de rendre égale par-tout la piquure que le gros sable laisse sur la glace.

Pour parvenir au descellage, on commence par défaire les bords. On insinue la lame de deux couteaux entre la pierre & la glace, de telle sorte que les couteaux soient du même côté, & ne soient pas assez distans entr’eux pour se contredire dans leur action. On donne par-là passage à l’air au-dessous de la glace, & on continue la même manœuvre tout-autour de la levée, jusqu’à ce que l’on la voie absolument détachée de la pierre. Il suffit, sur-tout quand une glace est grande, de la décoller de la pierre en un grand nombre d’endroits, & alors l’ouvrier, en la tirant ou en la poussant avec force, acheve de l’arracher de dessus le plâtre.

Lorsque la glace est descellée, on l’enleve de dessus la pierre, & on nettoie bien la levée & la pierre. Ensuite on la rescelle de la maniere que nous avons indiquée, mettant sur le plâtre le côté atteint, & on travaille à son tour le côté brut, en manœuvrant comme on a fait pour le premier côté.

A ce second scellage il est inutile de piétiner sur la levée ; la surface qui touche le plâtre, étant assez unie pour le toucher également par-tout sans cette précaution.

Après que le second côté a été passé au gros sable, la glace est à l’épaisseur qui convient à son volume, & en même tems elle est autant exempte de défauts que le travail peut la rendre. Il ne s’agit plus que d’enlever la piquure grossiere que le gros sablé a laissée sur les surfaces.

Pour cet effet on substitue au gros sable du sable plus fin, connu sous le nom de sable doux, & on en passe jusqu’à ce que l’on ne remarque plus aucune piquure de gros sable, alors on doucit le sable doux, c’est-à-dire que l’on en use la derniere touche jusqu’à ce que l’on s’apperçoive qu’elle ne peut plus faire aucun effet, dans la vue d’en rendre la piquure générale égale par-tout, & en même tems moins forte & plus fine ; après quoi il n’existe plus d’autres défauts dans la levée que la piquure de sable doux.

On la corrige en passant au lieu de sable doux, de l’émeril grossier.

Il est inutile de dire que l’on a continuellement le soin d’essuyer la levée avec une éponge propre, avant que de mettre une nouvelle touche, soit de sable doux, soit d’émeril.

Lorsque l’on ne reconnoît plus à la glace de piquure de sable doux, on doucit l’émeril, comme l’on a fait le sable doux.

On corrige la piquure du premier émeril en en passant d’une seconde espece plus fine que la premiere, qu’on doucit aussi lorsqu’elle a absolument effacé la piquure du premier émeril. Enfin on rectifie le second émeril par un troisieme encore plus fin que le second, que l’on travaille comme les deux premiers. Alors ce côté a reçu toutes les préparations qui dépendent du doucisseur.

On descelle la levée, pour passer au sable doux & aux émerils, le côté qui étoit sur le plâtre, & qui n’avoit encore reçu que du gros sable. Lorsque les deux côtés ont été ainsi travaillés, il est question de les polir.

On connoit assez l’émeril, pour que je me dispense d’en parler fort au long ; je dirai seulement un mot de la maniere dont on en obtient de plus ou moins fin.

On le met dans un vase où on le délaie dans de l’eau ; on laisse ensuite reposer l’eau quelque tems. Les parties les plus grossieres & les plus pesantes tombent au fond, & celles qui sont plus fines, sont encore retenues par l’eau. On transvase celle-ci dans un autre vaisseau, où l’on la laisse reposer plus longtems. Alors les parties plus fines se déposent à leur tour, & l’on a de l’émeril de deux especes. Si l’on en veut d’une troisieme, on délaie le second, & en agissant, comme l’on a déja fait, on a encore un nouvel émeril plus fin que les deux premiers.

Pendant que les émerils sont encore humides, on les façonne en boules communément nommées pelotes. dont on frotte sur les levées, lorsqu’on s’en sert

je ne me suis étendu sur la description d’aucun outil, n’y en ayant aucun assez compliqué pour que l’inspection de la figure ne suffise.

On conduit le travail des dessus comme celui des levées, ne les employant à passer du sable doux que lorsqu’ils ont assez passé au gros sable, &c.

Il y a quelque différence entre la travail des grandes glaces & celui des petites. Les premieres se scellent sur de très-grandes pierres, sur lesquelles on peut en assembler plusieurs. Deux ouvriers travaillent sur ces bancs.

Le scellage est de même ; il demande seulement des précautions plus exactes, parce qu’on a à manier des morceaux plus considérables. Les moilons ne servent qu’à passer quelques touches de gros sable sur les joints des glaces, qu’on a scellées ensemble pour les égaliser & les unir. On substitue au moilon une table sur laquelle on scelle le dessus ; mais comme les dessus de ces sortes de levées sont fort grands, & conséquemment difficiles à manier, on pose le dessus sur la levée, & on scelle la table sur le dessus, au lieu de sceller le dessus sur la table. On a attention que ladite table ne déborde pas le dessus plus d’un côté que de l’autre.

Les planches qui forment la table, sont réunies par des travelots sur lesquels elles sont clouées. A chaque extrémité de ladite table sont deux chevilles par lesquelles les ouvriers la prennent, tant pour l’enlever de dessus la levée, que pour desceller le dessus ; & vers chaque bout de la table sont deux courbes de bois percées chacune d’un trou. Sur cette table est posée une roue de bois léger, qui a ordinairement 104 pouces de diametre, & est composée de dix raies & de dix jantes. Il y a deux entreraies, un de chaque côté du moyeu, percés de trous, de maniere qu’on puisse arrêter les entreraies, & conséquemment la roue, à la table par une cheville qui passe par les trous de l’entreraie & des courbes de la table, connues sous le nom de cabriolets.

La figure donnera tous les éclaircissemens nécessaires sur la forme des roues & de leurs tables.

Un ouvrier, à chaque extrémité du banc, tire la roue à lui, & la pousse réciproquement à son camarade ; & tous deux ensemble la font tourner sur la levée : ce qui fait, comme on sent, l’effet du moilon, de passer sur toutes les parties de la glace, & de s’appliquer sur celles qui en ont le plus besoin, en tournant plus long-tems la roue dessus.

Si l’on veut dans certains cas augmenter le frottement, on charge la roue de pierres.

Les bancs sur lesquels on travaille avec la roue, prennent le nom de bancs de roues.

Le descellage est, pour les ouvriers & la roue, le même que pour les moilonneurs ; il n’y a que celui du dessus qui differe. Comme on a scellé la table sur le dessus, de même on descelle la table & non le dessus, qui reste sur la levée.

Pour cet effet on tire la table à un bout du banc, de maniere que les deux chevilles de la table débordent le banc. Un ouvrier prend lesdites chevilles, & soutient la table, tandis qu’un autre passe les couteaux entre le dessus & la table, & commence à les décoller l’un de l’autre. L’on continue à enlever la table par petites secousses, pour la détacher peu à-peu du dessus. Si l’on a peine à y réussir, l’on pose les couteaux ailleurs, & on fait de nouvelles tentatives.

Lorsque la table est absolument séparée du dessus, on la retourne de maniere que chacun de ses bouts présente ses chevilles de chaque côté de la levée, & prenant la table par les chevilles, on l’enleve de dessus la levée.

Lorsque les glaces ont reçu toutes les préparations que nous venons d’expliquer, & qu’elles sont parfaitement doucies, il ne reste plus qu’à leur donner la surface unie & diaphane qui leur convient. Ce second apprêt est connu sous le nom de poli.

Du poli. Avant que de polir les glaces, on vérifie si elles sont effectivement bien quarrées, s’il ne reste pas quelqu’un des défauts qu’on espéroit d’emporter au douci, & qui exigeroit réduction ; enfin s’il n’y a pas sur les bords des défauts de douci que l’art du polisseur ne puisse corriger, & qu’il est nécessaire de couper ; en un mot, on leur fait subir un second équarrissage.

Pour procéder au poli, on scelle la glace sur une pierre proportionnée par son volume à celui de la glace. Auparavant l’inspecteur chargé de diriger le travail des ouvriers, visite la glace, & avec du marc de potée, il marque en rouge la surface de la glace au-dessous des défauts, 1°. parce que l’on les voit mieux sur de la couleur, que s’ils étoient seulement sur un fond blanc tel que le plâtre ; 2°. pour que l’ouvrier soit instruit plus aisément du lieu où ils sont, & s’y applique comme il convient, & enfin pour que l’on puisse juger plus aisément du poli que sur un fond tout blanc.

Les bancs de poli ne sont autre chose que des pierres bien droites & unies, montées seulement sur des treteaux. On n’a pas besoin d’eau dans ce travail, comme au douci ; c’est pourquoi les pierres ne sont pas dans des caisses.

La premiere chose qu’ait à faire le polisseur, c’est de corriger les défauts du douci qu’il remarque, avec des outils qui prennent les parties de la glace plus en détail que ceux du doucisseur, & avec lesquels il puisse s’appliquer aux moindres défectuosités.

Pour cet effet il frotte sa glace d’émeril, & avec un petit morceau de glace de huit pouces sur cinq, dont on arrondit les quatre coins, & qu’on nomme pontil, il conduit son émeril sur toutes les parties de la glace, dont il mouille légerement la surface pour aider le passage du pontil.

Lorsqu’il ne faut que perfectionner le douci, il passe simplement & également le pontil sur toute la surface de la glace. S’il y a en des endroits des défauts plus marqués, comme acrocs, filandres, déchirages, tous provenant du frottement de quelques corps dur & tranchant, sur la surface de la glace, il passe sur ces endroits des touches particulieres qu’on appelle pour cette raison touches à part. L’ouvrier doit avoir attention, en passant des touches à part, de parcourir assez d’espace, pour ne pas creuser la surface de la glace, & par-là diminuer son épaisseur en une partie plus qu’en une autre.

Lorsque les défauts sont emportés, il passe des touches générales, pour rendre la surface d’autant plus égale, & enfin lorsqu’il juge n’avoir plus besoin de passer d’émeril, il le doucit.

Il n’est, je crois, pas besoin de dire que si le polisseur a été oblige d’employer du premier émeril, il faut qu’il le corrige avec du second, & ainsi de suite.

Après avoir passé son éméril, le polisseur laisse sécher sa glace, pour voir s’il ne reste aucun défaut qui l’empêche de polir ; s’il ne trouve rien de défectueux, il prend son polissoir, outil de bois de sept pouces & demi de long sur quatre pouces & demi de large, & neuf lignes d’épaisseur, traversé dans sa largeur & au milieu de sa longueur, d’un manche qui déborde d’environ trois ou quatre pouces de chaque côté. Au milieu du manche est un trou ovale ressemblant assez à l’orbite de l’œil. Le dessous du polissoir est garni de lisieres de drap. On frotte le drap du polissoir avec de la potée en bâton, qui n’est autre chose que le caput mortuum de l’eau-forte, préparé pour cet usage ; & on le mouille en le frottant d’une brosse trempée dans l’eau. On pose le polissoir ainsi frotté ou, en terme de métier, graissé, sur un coin de la glace, & on le pousse devant soi aussi loin qu’on a la force de le faire, en appuyant dessus suivant un des bords de la glace, & ne passant le polissoir que sur une partie de la glace. La partie qu’on polit, s’appelle tirée. La tirée prend la forme d’un éventail, n’ayant que la largeur du polissoir au coin de la glace, & ayant un pié ou quinze pouces de large à son autre extrémité.

Lorsque le polissoir est sec, à force de le frotter sur la glace, on le graisse de nouveau & on le seche encore. L’action de sécher le polissoir est dite, faire une séchée ; ainsi lorsqu’on dit, qu’une tirée a été polie en deux ou trois séchées, on entend par-là qu’on a graissé & séché le polissoir deux ou trois fois. Lorsqu’une tirée est parfaitement polie, on en fait une autre à côté ; c’est-à-dire amenant toujours le polissoir sur le même coin, & travaillant à côté de la premiere tirée un espace pareil, & dans la même forme.

On a soin que la seconde tirée empiette sur la premiere, pour égaliser le poli, & pour qu’on ne puisse distinguer les séparations des tirées. Après la seconde tirée, on en polit une troisieme, aussi de suite, jusqu’au bord qui est perpendiculaire au premier où l’on a commencé. Alors on dit, que l’on a un coin de poli ; & lorsqu’on a poussé le polissoir de 30 ou 36 pouces sur la glace, ce coin consiste en un quart de cercle, qui a pour centre le coin de la glace, & pour rayon 30 ou 36 pouces.

Ordinairement un coin se polit en quatre ou cinq tirées : on fait la même opération aux quatre coins.

Si les tirées ne se sont pas croisées, & qu’il reste des endroits de la glace que le polissoir n’ait pas touchés, on fait d’autres tirées dans le milieu de la glace, dirigées de la maniere la plus favorable pour atteindre tous les endroits non polis. Si les tirées des coins se sont croisées, le lieu de leur jonction est nécessairement moins poli que le reste des coins, & on s’y applique plus immédiatement.

Lorsque toutes les parties de la glace sont à-peu-près au même degré de poli, on doit porter toute son attention à égaliser le poli, & à mêler les divers chemins du polissoir. Pour cet effet, on fait des séchées sur chaque bande de la glace, parallélement aux têtes[36], & d’une tête à l’autre : on en agit de même aux têtes parallélement aux bandes. Enfin on mouille d’eau de potée la surface entiere de la glace, qu’on seche ensuite avec le polissoir. Les séchées en bandes & en têtes dont nous avons parlé, sont connues sous le nom de recoupage, & la derniere séchée, où on mouille toute la surface de la glace, est dite séchée d’eau.

Le polisseur seroit très-fatigué s’il étoit obligé de tirer de ses bras tout le frottement de son polissoir ; pour le soulager on lui a donné une fleche, qui n’est autre chose qu’un morceau de bois verd d’environ six piés, qu’on courbe à force. A l’un des bouts est un bouton qui entre dans l’œil du polissoir ; à l’autre bout est un clou qui fixe la fleche à un plancher, disposé environ à 24 pouces au-dessus du banc. La fleche appuyée par son ressort contre le plancher, fait arc-boutant contre le polissoir, & l’ouvrier n’a presque plus qu’à faire glisser ce dernier.

Lorsqu’il y a des endroits où le frottement du polissoir ne suffit pas, on y substitue un autre outil, connu sous le nom de brulot, absolument semblable au polissoir, à l’exception que le brulot n’a environ que 2 pouces ou 2 pouces & demi de largeur.

Quand un côté de la glace est poli, on la descelle, & on la rescelle pour polir le second côté. On rougit en entier le côté poli, parce que le poli du second côté seroit bien plus difficile à appercevoir, la glace ayant déjà de la transparence, & le fond blanc du plâtre offrant par cette raison une réflexion bien plus difficile qu’auparavant. On marque à l’ouvrier les défauts de ce côté, en les renfonçant d’une ligne blanche, qu’on forme en ôtant en ces endroits le rouge dont on avoit couvert toute la surface.

Après qu’on a descellé une glace, tant au douci qu’au poli, on racle le plâtre qui reste sur la pierre, avec l’instrument nommé riflard, qu’on peut voir dans la figure.

Une des pratiques ingénieuses de l’attelier du poli, c’est le scellage des numeros. Comme ils sont tous de trop petit volume pour être travaillés seuls, on est obligé d’en assembler un certain nombre ; mais ils sont de différentes épaisseurs, & l’un débordant au-dessus l’autre, il seroit impossible de les travailler en même tems. Alors on prend le parti de les assembler sur une glace doucie, qu’on appelle modele.

On fait glisser les numeros sur le modele, de maniere qu’il ne reste point d’air entre les deux surfaces, au moyen de quoi le simple poids de l’atmosphere les retient collés au modele. Les surfaces des numeros sont nécessairement bien à la regle du côté du modele, & la différence des inégalités d’épaisseur ne se fait sentir que de l’autre côté, qu’on met sur le plâtre lorsqu’on scelle. En ôtant le modele, la surface sur laquelle on a à travailler se trouvera parfaitement unie. Le seul effet qui résultera des épaisseurs inégales, sera qu’il y aura sous tel numero, plus ou moins de plâtre que sous tel autre.

Après que les glaces sont polies, on les nettoye, on les molette, & c’est la derniere opération du fabriquant.

Ce dernier apprêt qui est très-peu considérable, consiste à rectifier le poli, c’est-à-dire à corriger les défauts qu’on remarque au poli en regardant la glace posée sur un tapis noir, ou gros-bleu, & éclairée par un jour tombant obliquement sur elle.

On se sert pour cet effet d’un petit outil de bois, d’environ 4 pouces de long, sur 2 pouces de large, & autant d’épaisseur, garni de lisieres, ou encore mieux de chapeau, & légérement graissé de potée : cet outil s’appelle molette.

Pour graisser la molette, on la frotte sur un verre, qu’on tient scellé sur une pierre mince qu’on mouille avec la brosse, & qu’on frotte de potée : ce verre dans cet état s’appelle moletoir.

On passe la molette avec force sur les endroits qu’on apperçoit moins bien polis que les autres, jusqu’à ce que le nuage qu’on y voyoit soit dissipé.

La glace ayant reçu toutes ces façons, est dans le cas d’être étamée ; & c’est l’usage le plus avantageux qu’on puisse en faire.

L’étamage est l’opération la plus simple, & en même tems la plus utile. On se sert pour étamer d’une pierre bien droite & bien unie, entourée d’un cadre de bois, qui présente au tour de trois côtés de la pierre, une petite rigolle, percée à deux des coins. Cette espece de table est tellement disposée sur les piés qui la soutiennent, qu’on peut à volonté la mettre de niveau, ou lui donner de la pente du côté où sont les trous.

On commence d’abord par bien nettoyer la glace à étamer ; ensuite sur ladite table bien de niveau, on étend une feuille d’étain battu, de maniere qu’il n’y reste pas le moindre pli ; on répand après cela du mercure sur la feuille d’étain, & disposant une bande de papier sur le bord de la table jusqu’à la feuille, du côté où il n’y a point de rigole, & où le cadre ne déborde pas la pierre, on fait glisser la glace, d’abord sur le papier, & ensuite sur le mercure, dans la vue que sa surface ne prenne point de saletés dans le trajet.

On charge la glace de pierres pour qu’elle touche plus immédiatement à la feuille d’étain, & que le mercure superflu en sorte avec plus de facilité. C’est pour cette derniere raison que l’on penche la table, lorsque la glace est chargée. Le mercure superflu coule dans la rigole, & se décharge par les trous qui y sont pratiqués dans des bassins de bois.

On sent très-bien l’action du mercure dans l’étamage : il forme avec l’étain un amalgame qui s’unit à une des surfaces de la glace, & refléchit les rayons de lumiere.

Lorsqu’on juge l’étamage assez parfait & solide, on décharge la glace, & on la pose sur des égouttoirs de bois, dont on rend la pente plus ou moins rapide, à volonté, & sur lesquels elle acheve de perdre le mercure superflu qui pourroit lui rester.

L’inspection des figures rendra clair ce que nous venons de dire, tant des apprêts, que de l’étamage.

Tel est l’art de faire des glaces, qui est sans contredit une des branches les plus utiles & les plus agréables de la verrerie. Je souhaite que ce que j’en ait dit soit assez clair pour en convaincre le lecteur ; & je serois trop heureux si je pouvois animer les artistes, plus instruits, à communiquer leurs observations & leurs travaux. Cet article des glaces coulées est de M. Alut le fils.

Glaces soufflées. Le crystal étant affiné, les cannes ou felles dressées, les baquets remplis d’eau, la place bien arrosée & balayée, & le fourneau bien chaud, on appelle les ouvriers, on commence par cueillir. Pour cet effet, on chauffe un peu la felle, on en plonge le bout dans le crystal à la profondeur de deux ou trois pouces, on tourne la felle pendant que le bout en est dans le crystal liquide, on la retire doucement afin que le fil qu’elle entraîne puisse se séparer & ne soit point amené sur le fil de l’ouvroir ; on la porte au baquet, on la rafraîchit avec de l’eau, on laisse refroidir ce premier cueillage ; on le répete en cette maniere autant de fois qu’il est nécessaire, selon la grandeur de la glace qu’on se propose de souffler l’avant dernier cueillage. Lorsque la matiere cueillie est un peu froide, on la souffle à dessein de l’élargir, & de prendre au dernier coup plus de crystal : ce cueillage s’appelle la poste. Quand elle est assez froide, on la replonge encore en tournant la felle dans le crystal ; on la retire en baissant la main doucement, afin de faire séparer le fil, & arrondir le cueillage ; cela fait, on va au baquet rafraîchir la canne ou felle ; le paraisonnier la prend ensuite, & la porte au marbre ou à la table : c’est une plaque de fer de fonte, il la roule en la soufflant en même tems, & lui donnant la forme appellée paraison, qu’on voit dans nos Pl.

Quelquefois la paraison devient plus mince d’un côté que de l’autre ; alors on continue à tourner cette partie mince sur le marbre ou sur la table qui la refroidit, & soufflant en même tems, l’autre partie épaisse cede, & l’égalité se rétablit.

Cela fait, on va au baquet rafraîchir la selle, puis on la porte à l’ouvroir pour réchauffer la paraison égalisée ; quand elle y est, on la tourne d’abord doucement, mais on augmente de vîtesse à mesure qu’elle s’amollit. Quand la paraison est assez chaude, on la retire pour la faire alonger ; si elle est bien lourde, deux ouvriers ou paraisonniers soutiennent la felle en l’air, & donne lieu à la paraison de s’alonger ; on souffle à mesure qu’elle s’alonge, afin de lui donner le diametre qu’il faut, puis on la remet à l’ouvroir pour la réchauffer, observant comme auparavant de tourner d’autant plus vîte, qu’elle s’amollit davantage. Quand elle est assez chaude, on la retire, on acheve de l’alonger jusqu’au point convenable ; on pose la felle sur un tréteau ; un autre ouvrier, avec un poinçon & un maillet, y pratique un trou ; cela fait, on la reporte à l’ouvroir, mais on n’en réchauffe qu’environ la moitié ; quand elle est chaude, on revient au tréteau, & un autre ouvrier, avec le procello, met d’abord la pointe de cet instrument dans le trou fait avec le poinçon ; on tourne la felle, & comme le procello est à ressort, le trou s’élargit peu-à-peu ; quand toute l’ouverture est faite, on reporte à l’ouvroir, on réchauffe comme auparavant, on revient, on monte sur la chaise ; alors un ouvrier avec un ciseau fend la piece jusqu’à la moitié. On descend de dessus la chaise, on va au treteau, un autre ouvrier avec le pontil, l’attache à la piece ; puis avec un fer trempé dans l’eau, dont on pose le bout sur la piece, & d’où il en tombe sur elle quelque goutte, prépare la séparation de la felle qui se fait d’un petit coup qu’on lui donne. La piece séparée de la felle, on la porte avec le pontil à l’ouvroir, pour la chauffer comme auparavant. On revient au treteau, on acheve d’ouvrir le trou avec le procello ; un ouvrier alors monte sur la chaise, & avec un ciseau on acheve de fendre. Un autre ouvrier s’approche avec une pelle ; on pose la piece sur cette pelle, on détache le pontil de la piece par un petit coup : l’ouvrier à la pelle la prend, la porte dans l’arche à applatir.

La chaleur de l’arche commence à l’amollir ; on pose la piece sur la table à applatir, l’ouvrier prend le fer à applatir, c’est une tringle de fer d’environ 10 ou 11 piés de long, & il renverse un des bords de la piece vers la table, ensuite l’autre ; puis avec la polissoire, il frotte la glace par-tout pour la rendre unie ; ensuite on pousse la glace sous l’arcade, afin de la faire entrer sous le fourneau à recuire. A mesure qu’elle se refroidit, on la pousse vers le fond du fourneau ; quand elle est encore plus froide, c’est-à-dire, qu’il n’y plus de risque qu’elle se plie ; on la dresse, & entre chaque sept ou huit pieces ainsi dressées, on met la barre de travers pour les empêcher de courber. Sans ces barres, les pieces poseroient les unes sur les autres, & plieroient ; quelquefois la glace est si grande, qu’on ne peut pas la dresser ; alors on la retire de l’arche, on la prend sur une pelle, & on la met dans le fourneau. Le fourneau étant plein, on le bouche, on marge, & on le laisse refroidir, mais on a grand soin de tenir le fourneau dans une chaleur convenable ; trop chaud, les pieces plieroient ; trop froid, elles se couperoient difficilement avec le diamant, & seroient trop sujettes à casser : quand elles sont froides on les retire, & on les emmagasine.

Il y a deux sortes de pontils ; le travers en étant un peu chaud, on les trempe dans le métal, ils s’en couvrent, on les laisse refroidir, puis on les attache à la piece.

Verreries en crystal. Les fours de ces verreries sont ronds. Voyez les plans & les profils. Ils sont faits en masse ou avec de la brique préparée exprès ; leur interieur & leur extérieur sont revétus de briques ordinaires : on voit par le profil qu’il y a trois voûtes, une plus basse, qui est le foyer où il y a une grille faite de terre, sur laquelle on place le bois à brûler ; & au lieu de tirer la braise par le tisonnier, on remarque une petite porte au fond du foyer qui est à cet usage. C’est par-là qu’on fait passer la braise dans une cave, quand il y en a trop. Cette voûte est percée d’une lunette qui donne passage à la flamme dans la seconde voûte où les pots sont placés autour de la lunette. Cette seconde voûte est pareillement percée d’une lunette qui donne passage à la flamme dans l’arche ou dans la troisieme voûte, dans laquelle on met recuire les marchandises ; si ceux qui construisent ces fours, se servoient de la méthode que nous avons expliquée dans la verrerie à bouteilles en charbon, pour faire & préparer leurs briques selon les voûtes de leur four, ils abrégeroient beaucoup leur travail dans la construction ; car on peut déterminer les dimensions des moules, de maniere qu’on n’auroit rien à tailler. On voit qu’au lieu de faire les faces du moule rectilignes, il faudroit qu’ils suivissent la courbure des voûtes, observant encore que les briques se retrécissent, & que par conséquent si l’on veut avoir un four de six piés en diametre, il faut faire les moules comme pour un four de six piés quatre pouces.

On fait les pots à la main ou dans un moule. Ils ont ordinairement 2 piés 2 ou 3 pouces de largeur, sur 16 pouces de haut.

Quoiqu’il y ait huit pots dans ces fours, on ne travaille qu’à deux, trois ou quatre, & cela selon les nombres des ouvriers qu’on a, & selon les marchandises qu’on fait. Il y a deux ouvriers qui travaillent dans le même pot, auquel il y a deux ouvroirs, à moins qu’on ne fasse de grosses pieces ; dans ce cas il n’y a qu’un ouvrier au même pot. Les autres pots sont pour fondre & raffiner la matiere. A mesure qu’elle se raffine & qu’on en a besoin, on la trafie d’un pot dans un autre avec la poche ou la cueillere, & cela sans la retirer du four.

Trafier le verre ou le crystal, c’est prendre la poche ou la cueillere, la tremper dans l’eau, si elle est sale, la laver & la plonger dans le crystal liquide ; & quand son bassin en est plein, le renverser dans les autres pots.

Quand ce pot est vuide, on le remplit derechef de sa fritte, pour être raffinée & tenue prête à être trafiée.

Dans ces fours, qu’il y ait six, sept à huit pots, il faut autant d’arcades qu’il peut y avoir de pots. C’est par ces arcades qu’on fait entrer les pots dans le four, & non pas, comme dans les autres verreries, par la tonnelle. Quand ils sont cuits, on les prend sur une planche, & on les porte, comme on voit dans les figures. On bouche le devant des arcades avec des torches faites de la même terre que le four. Voyez Torche, Verrerie à bouteilles.

Nous avons dit que les pots étoient faits à la main ou au moule ; mais nous ajoutons qu’on a le même soin à éplucher la terre.

On fait dans les verreries dont nous traitons, outre le crystal, le verre blanc, le verre commun, les verres de couleurs, & les émaux.

Il semble qu’on doive au hasard la rencontre de la premiere composition du crystal, que les Chimistes ont ensuite perfectionnée. Car c’est à eux qu’on a l’obligation de ces belles couleurs que l’on pratique au crystal, qui imitent si bien les pierres précieuses, avec la matiere & l’emploi de leurs teintures qui se tirent des métaux & des minéraux.

Les premieres ou élémentaires matieres du crystal sont le salpêtre, le sel de soude, la potasse, le sable blanc & crystallin, ou le caillou noir ou pierre à fusil réduit en poudre, ce qui n’est pas difficile. Faites rougir ce caillou au feu, jettez-le dans de l’eau fraiche, & il deviendra aisé à piler. Mais j’avertis qu’on ne s’en sert guere, quoiqu’il fasse le plus beau crystal. On aime mieux employer le sable qu’on trouve tout pulvérisé, que de perdre du tems & de la peine à pulvériser le caillou.

Quand on se sert du salpêtre seulement, on ne fait point de fritte ; on prend du salpêtre qu’on mêle avec le sable ou caillou réduits en poudre, autrement appellé tarce, & on met le tout dans les pots : mais si l’on emploie le sel de soude, il faut faire une fritte.

On prendra dans l’art de la verrerie la maniere de tirer le sel de soude. Cet auteur qui ne savoit rien du tout de l’art de la verrerie, a tiré ce qu’il peut y avoir de bon dans son livre d’un auteur italien, appellé Nery, & d’un auteur anglois appellé Merret.

Le sel de soude bien purifié donnera un très-beau crystal.

Il faut observer que les compositions qu’on donnera du crystal, quoiqu’elles réussissent dans les verreries où elles sont en usage, il ne s’ensuit pas qu’elles aient le même succès ailleurs. Car les sels peuvent être plus ou moins forts, les sables plus ou moins fondans. Cela suffit pour faire manquer : mais pour s’assurer de son fait, il faut recourir aux épreuves. Prenez cinq ou six livres de composition, mettez-les dans un petit creuset : procédez du reste comme dans les essais pour la verrerie en bouteille ; quand la matiere sera rafinée, si le crystal se trouve trop tendre ou trop mol, il faut ajouter un peu de sable. S’il est dur & qu’il ne fonde pas, il en faut conclure que les sels sont foibles, ou que le sable est très-dur ; & pour y remédier, il faut ou ajouter du sel, ou ôter du sable.

On peut compter sur les compositions suivantes.

Prenez cent livres de salpêtre, cent cinquante livres de sable blanc, pur & net, & où il n’y ait point de matieres terrestres, & dont on s’assurera, comme dans la verrerie à bouteilles. Ajoutez deux livres d’arsenic blanc ; faites-en bien le mélange, rafinez, & quand la matiere sera affinée, cueillez, soufflez une piece qui ait l’épaisseur d’un écu de France. Si le papier paroît à-travers ce morceau de crystal froid, comme à la vue, sans perdre de sa blancheur, le crystal est comme il doit être. Mais si vous appercevez quelque teinture verdatre, prenez de l’arsenic blanc, pilez-le ; prenez-en plus ou moins, selon que le crystal sera plus ou moins verdâtre : mettez-le dans un cortet de papier, & le glissez ensuite dans le trou d’une barre de fer, qu’on appelle le quarré ; & plongez ensuite cette barre au fond du pot ; levant cette barre d’une main, & éloignant le visage le plus que vous pourrez, afin d’éviter la vapeur, remettez cette barre, & lui faites faire le tour du pot : continuez cette manœuvre jusqu’à ce que la barre soit rouge : retirez alors la barre ; & au bout de deux ou trois heures, vous appercevrez du changement en mieux dans votre crystal. Mais pour lui donner encore plus de pureté, tirez-le hors du pot avec la poche ou la cueillere ; faites-le couler dans de l’eau fraiche, dont vous remplirez des baquets. Quand il sera froid, relevez-le de-là ; remettez le dans les pots ; refondez-le, & vous aurez un crystal plus pur.

Autre composition avec la mine de plomb. Prenez deux cens cinquante livres de minium ou de mine de plomb, cent livres de sable ; ajoutez cela à la composition précédente, avec trois livres d’arsenic blanc ; mêlez-bien ; faites fondre.

Faites les observations précédemment indiquées ; si vous avez des groisils ou morceaux de crystal cassé ; ajoutez-les à la composition avant que de la mêler dans les pots.

Autre composition avec le sel de soude. Le sel de soude étant fait, comme on verra à l’article des glaces ; prenez de ce sel reduit en poudre cent cinquante liv. deux cens vingt-sept livres de sable blanc, ou caillou, ou tarce ; ajoutez cinq livres de manganese en poudre très fine ; mêlez ; faites passer par un crible de peau : mêlez encore ; mettez le tout dans la carquaise, & faites-en un fritte, comme nous avons dit aux glaces.

La manganese de Piémont est la meilleure. Faites-la bien rougir au feu, puis jettez-la dans de l’eau fraiche ; retirez-la ; faites-la sécher ; quand elle sera seche, pilez, passez à un tamis de soie, & elle sera préparée & prête à l’usage.

Quand la fritte sera faite, plus long-tems vous la garderez, meilleure elle sera.

Quand vous voudrez vous en servir, vous remarquerez si le crystal qu’elle donnera sera fin, ou s’il aura quelque teinture verdâtre ; & vous ajouterez de la manganese en poudre plus ou moins, selon que le crystal sera plus ou moins verd ou obscur ; pour cela vous vous servirez du quarré. Vous laisserez raffiner ; & vous acheverez de le rendre net, en le coulant dans l’eau.

Quand je dis qu’on se sert du quarré, c’est de la maniere suivante. Vous répandrez la manganese sur la surface du crystal avec une cueillere, & vous mêlerez ensuite avec le quarré. Il y en a qui font faire le bout rond à cet instrument ; mais il n’en est pas plus commode pour cela.

Autre composition qui ne donnera pas un beau crystal, mais un beau verre blanc. Prenez de la soude d’Alicante pilée, & passée au tamis de soie, parce que cette soude étant mêlée de pierre, il est bon que la poussiere en soit très-menue, afin que cette pierre se fonde plus facilement. Prenez deux cens livres de cette soude ainsi passée, cinquante livres de sel de nitre, deux cens soixante-quinze livres de sable, dix onces de manganese en poudre ; mêlez ; faites une fritte. Quand vous emploirez cette fritte, remarquez quand le crystal sera en fusion, s’il n’est pas un peu bleuâtre ou verd ; dans le cas où cela seroit, ajoutez de la manganese selon le besoin ; & dans vos essais, si vous trouvez le crystal un peu rouge, c’est bon signe ; cette rougeur passera : si cette rougeur est trop foncée, jettez dans les pots quelques livres de groisils de crystal ; cette addition mangera la rougeur. Si le pot étoit trop plein, il en faudroit ôter avec la poche pour faire place au groisil.

Observation. Quand le crystal sera en fusion, on appercevra à sa surface un sel, qu’on appelle sel de verre ; il ne faut pas ôter ce sel trop tôt, mais seulement quand la matiere est bien fondue, & qu’en le tirant avec un ferret chaud on s’apperçoit que le verre commence à s’affiner. On enleve ce sel avec la poche, mais non pas entierement. Il faut bien prendre garde qu’il n’y ait de l’eau dans la cueillere, cela feroit sauter le sel avec grand bruit, & l’on risqueroit d’avoir le visage brûlé, & même les yeux crevés.

Beau verre commun. Prenez cent livres de soude en poudre, cent cinquante livres de cendre de fougere, cent quatre-vingt-dix de sable, six onces de manganese ; mêlez, calcinez, mettez le tout chaud dans le pot ; rafinez, mêlez à cela les collets de verre blanc, c’est-à-dire, le restant de verre qui tenoit au bout des cannes, & qu’on conservoit dans la cassette ; on ne les a point employés ni avec le crystal, ni avec le beau verre blanc, parce que les pailles de fer qui s’y attachent auroient nourri le crystal.

Les verres à boire se font avec la cendre de fougere seulement & le sable, mêlés ensemble & calcinés.

Remarquez que pour tout beau verre & crystal, il faut laver le sable quand il n’est pas pur.

Crystal avec la potasse. Prenez cent soixante livres de sable, cent quatre de potasse la plus pure, dix livres de craie purifiée, cinq onces de manganese ; mêlez ; faites fondre ; rafinez : si le crystal est obscur, faites-le couler dans l’eau ; refondez, & vous aurez un crystal qui ne le cédera point à celui de Bohème.

Mais observez de n’employer de la craie que bien blanche, seche & pilée grossierement ; mettez-la ensuite dans une cuve avec de l’eau propre ; remuez jusqu’à ce qu’elle soit dissoute ; laissez-la reposer sept à huit minutes ; versez l’eau par inclinaison ; cette eau emportera la plus pure ; laissez reposer cette eau ; la craie se précipitera ; vous la ferez sécher dans des vaisseaux non vernis.

Avant que de commencer à travailler, on dressera les cannes, on écrémera comme dans la verrerie. On ôtera les pierres qui se trouveront dans l’écrémure avec les pincettes.

On commence par prendre ou cueillir du crystal avec la canne, qui est un peu chaude, & dont le serviteur met le bout dans le crystal. Il tourne la canne, le verre s’y attache ; s’il n’en a pas pris d’un premier coulage autant qu’il en faut, il réitere la même opération : puis le marbre étant bien propre, il roule dessus la matiere cueillie, il souffle ; si la piece est figurée, cannelée, à pattes, il la souffle dans un moule de cuivre ; puis il marque le col avec un fer : si c’est une caraffe, il la donne à l’ouvrier qui la réchauffe dans l’ouvroir ; puis la mettant dans un moule de bois, il la souffle de la grosseur qu’elle doit avoir ; il en enfonce ensuite le cul avec les pincettes ; il glace, c’est-à dire qu’il sépare la caraffe de la canne : il attache au cul le pontil : il rechauffe le col à l’ouvroir ; puis il s’assied sur le banc, & avec le fer il façonne le col, en le tournant & appliquant le fer en-dedans & en-dehors ; roulant toujours le pontil. L’ouvrage étant achevé, on le met dans l’arche ou sous la troisieme voûte pour y recuire. Le tireur le reprend ensuite avec une fourche, & le met dans la ferrasse, & quand la ferrasse est pleine, le tireur la fait descendre, & il en substitue une autre à sa place. Cette autre est enchaînée à la premiere : il continue la même manœuvre jusqu’à ce que tout soit plein : il ôte ensuite les marchandises, porte la ferrasse, la remet dans l’arche ; ainsi cette ferrasse circule continuellement.


  1. La grande diminution d’épaisseur des pots lorsqu’ils ont été long-tems dans un four ; le vernis qui couvre leur surface extérieure, ainsi que l’intérieur du four, les gouttes de verre coloré qui découlent d’un vieux four, & qu’on appelle communément larmes, tout cela prouve que l’argille cede à l’action du feu & fond en partie.
  2. Coulis n’est autre chose que (si l’on peut s’exprimer ainsi) une teinture d’argille, un lait d’argille, en un mot, une petite quantité d’argille fondue dans une grande quantité d’eau.
  3. On appelle battée la quantité d’argille, qu’on peut marcher dans la même caisse.
  4. Nous parlerons de divers échantillons de tuiles, lorsque nous connoitrons les diverses parties du four.
  5. La batte est un instrument de bois, ayant une surface convexe pour aller dans les parties concaves, ou une surface plane pour aller dans les lieux dont la superficie est plane. Quant à la longueur, elle est relative au lieu ou l’on a à travailler. La batte a un manche de cinq à six pouces ; elle sert à rebattre les diverses parties du four, lorsqu’il est construit pour empêcher les gersures occasionnées par la sécheresse ; & dans le tems de la construction, à battre sur les tuiles pour en augmenter l’union.
  6. On se représente le cercle comme un poligone d’une infinité de côtés.
  7. Les briques blanches sont composées de terre à four & de ciment ; elles ne different des tuiles qui servent à la construction de four qu’en ce qu’elles sont faites avec moins de soin, & qu’on les emploie cuites.
  8. Le sourcillier est destiné à retenir la flamme, & en s’opposant à ce qu’elle s’éleve, l’empêcher de faire incendie.
  9. Les tuiles des outreaux & cuvettes sont percées de deux troux, servant à les prendre pour boucher & déboucher l’ouvreau, avec un cornard, instrument de fer long d’environ quatre piés, & armé de deux pointes qu’on passe dans les trous de la tuile. Un seul trou suffiroit pour prendre la tuile ; mais on en met un second, parce que si le trou n’étoit pas bien au milieu de la tuile, son poids la feroit pencher à droite ou à gauche, & on auroit peine à la poser devant l’ouvreau : danger qu’on évite en perçant la tuile de deux trous. Voyez le cornard, fig. 2. Pl. XIX.
  10. Ces pieces sont connues sous le nom de margeoire.
  11. On appelle fleche dans un pot la partie du pot depuis le cul julqu’au haut, comme on appelle jable la jonction du cul à la fleche.
  12. Le jable est la jonction du cul du pot à sa fleche, & la fleche renferme toutes les parties du pot, depuis le cul jusqu’à son bord supérieur.
  13. On sera peut être étonné que ce soit de filasse qu’on se serve pour raccommoder l’intérieur d’un four. Il paroit impossible qu’une matiere aussi combustible puisse subsister dans un milieu aussi ardent, mais la terre dont elle est enveloppée se cuisant autour d’elle, elle ne fait que charbonner, ne se consume pas, & on la retrouve dans cet état à la démolition d’un four. Quelques subsistances minérales qu’on mît à cet usage, elles n’y seroient pas à beaucoup-près si propres : il seroit difficile d’en trouver qui ne fussent détruites par la calcination ou par la fusion.
  14. On éleve les pots sur des briquetons, pour que le feu puisse toucher le cul en-dehors, comme la fleche, & d’ailleurs pour pouvoir, en ôtant un des briquetons, faire pencher le pot du côté qu’on le veut.
  15. Le tamis peut être de crin ou de fils d’archal très-serrés. Il est intéressant qu’il soit assez fin, pour que les parties hétérogenes, qui pourroient être mêlées au sable, restent dans le tamis, ayant moins de disposition que le sable, à passer au-travers.
  16. On voit en PQSK le géométral de ces pelles.
  17. On appelle saline en glacerie l’attelier d’estraction.
  18. On forme ordinairement le tisar avec une ferrasse, ce qui favorise la combustion, parce que l’air n’ayant passage que par le cendrier, souffle le feu par-dessous & lui donne plus d’activité.
  19. Affiner du verre, c’est à force de feu le dénuer de tous les points ou bouillons qu’il renferme, & qui sont formés par la dilatation de l’air contenu dans les diverses matieres ; c’est, pour ainsi dire, chasser tout l’air qui y étoit renfermé. C’est ce point d’affinage qu’on regarde comme un des points de perfection des glaces.
  20. Sels de verre, ce sont les divers sels neutres qui étoient contenus dans les matieres, après qu’ils ont été fondus.
  21. Reveillée, tems de la durée d’un four.
  22. Le salin fondu, ou plutôt tendant à se fondre, forme un gluten & la liaison par laquelle la fritte se réunit en morceaux, ce que les gens du métier appellent se prendre.
  23. Ouvrier chargé de faire la fritte.
  24. Nous dirons la maniere de remuer la fritte en parlant du rable.
  25. Terme du métier, signifant fumer avec force.
  26. Si l’ouvrier étoit obligé de porter sa pelle pleine, du même effort jusqu’en-dedans du four, Il lui seroit difficile d’être assez assuré de l’exactitude de son bras, pour entrer sans toucher l’ouvreau. Aussi met-on devant l’ouvreau un parallélépipede de fonte, auquel on donne le nom de barre, de quatre pouces sur six, pour qu’il domine un peu l’ouvreau. L’ouvrier y appuie un instant sa pelle avant de l’introduire, pour prendre ses dimensions avec sûreté ; & la même barre sert de point d’appui au manche de sa pelle, quand il la renverse.
  27. On tire des larmes en plongeant le bout du crochet dans le verre ; & lorsqu’on l’a retiré hors du four, on profite du tems où le verre qui est resté attaché au bout du crochet est encore chaud, pour en former une goutte par l’agitation qu’on donne au bout du crochet, & cette goutte est la larme.
  28. On appelle fonte la quantité de matiere qu’on enfourne à chaque fois ; ainsi faire la premiere fonte, c’est enfourner une premiere fois ; une seconde fonte, c’est enfourner une seconde fois, &c.
  29. On appelle coup de verre ce que l’écremeur prend de verre au bout de son pontil à chaque fois.
  30. Fourneau de recuisson.
  31. C’est la partie qui touchoit à la tringle.
  32. On voit, Pl. XXIX. vignette, l’action de la fourche, des barres, croches, & de la barre d’équerre.
  33. Surface contre surface.
  34. Levée, glace scellée sur le banc.
  35. On met entre la pierre de dessus & le moilon deux lisieres de drap.
  36. On appelle têtes de la glace les deux plus petits côtés, & landes les deux plus longs.