L’Encyclopédie/1re édition/VIRE

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VIRE, (Géog. mod.) ville de France, dans la basse Normandie, capitale du petit pays de Bocage, au bailliage de Caën, à 12 lieues au sud-est de Caen, à 9 au sud-est de S. Lô, & à 58 au couchant de Paris. Quoiqu’il n’y ait qu’une paroisse, elle est assez grande, & a de vastes fauxbourgs. L’église est belle, & est desservie par un grand nombre de prêtres : il y a aussi des cordeliers, des capucins, des ursulines & des bénédictines. C’est le siege d’une vicomté, d’un grenier à sel, d’une élection & d’une maîtrise des eaux & forêts. On y fabrique beaucoup de draps, dont il se fait un grand commerce. Les Vaudevires, qu’on a appellé improprement Vaudevilles, ont pris leur nom de cette ville. Long. suivant Cassini, 17. 37′.30″. latit. 48. 50′. 15″.

Desmares (Toussaint), prêtre de l’oratoire, naquit à Vire en 1599. Il entra fort jeune dans la congrégation de l’oratoire nouvellement établie, & se distingua dans la suite en qualité de prédicateur. Il fut l’un des députés à Rome pour la défense de la doctrine de Jansénius, dont on poursuivoit la condamnation, & il défendit cette doctrine devant Innocent X. De retour en France en 1668, il reparut en chaire à Paris, & prêcha sur la grace avec un applaudissement qui lui a mérité l’éloge de Despréaux, sat. X. vers. 118. Hà, bon ! voilà parler en docte janséniste, Alcippe, & sur ce point si savamment touché, Desmares, dans S. Roch, n’auroit pas mieux prêché. Mais les applaudissemens même qu’il reçut, irriterent tellement ses ennemis, qu’ils le forcerent de chercher sa sûreté dans la fuite. Le duc de Luynes le cacha quelque tems dans ses maisons, & bientôt après le duc & la duchesse de Liancourt lui donnerent, sous le bon plaisir du roi, un logement dans leur château de Liancourt, avec tout ce qu’il lui falloit pour vivre commodément. Il travailloit dans cette douce retraite à un traité de l’eucharistie, lorsqu’il y mourut en 1687, âgé de 88 ans.

Gosselin (Jean), natif de Vire dans le xvj. siecle, publia des livres d’Astrologie, & fut garde de la bibliotheque du roi. Il mourut fort âgé d’une façon tragique ; il se laissa tomber dans le feu étant seul, & ne put jamais se relever à cause de sa caducité. « Ce feu bibliothécaire Gosselin, dit l’auteur du scaligeriana, ne laissoit entrer personne dans la bibliotheque du roi, tellement que M. Casaubon qui lui succede y trouve des trésors qu’on ne savoit point qui y fussent ».

Duhamel (Jean-Baptiste) naquit à Vire l’an 1624, & devint curé de Neuilly-sur-Marne. Il quitta cette cure au bout de dix ans, & fut nommé secrétaire de l’académie des Sciences. Il voyagea en Allemagne, en Angleterre, & en Hollande. Quoique philosophe, il étoit théologien. Son dernier livre est une bible sacrée, Biblia sacra vulgatae editionis, cum notis, prolegomenis, & tabulis chronologicis ac geographicis, Paris 1706, in-fol. La Philosophie qui s’est perfectionnée depuis lui, a fait tomber tous ses ouvrages, mais son nom a subsisté, parce qu’il est à la tête de regiæ scientiarum academiæ historia, Paris 1701, in-4°. En 1697, il résigna sa place de secrétaire de l’académie en faveur de M. de Fontenelle. Il mourut en 1706, âgé de 83 ans, & sans aucune maladie ; les forces de la nature manquoient, il s’endormit pour toujours.

Le Tellier (Michel), jésuite, naquit auprès de Vire en 1643, & mourut à la Fleche en 1719, à 76 ans. Il devint confesseur de Louis XIV. après la mort du p. de la Chaise en 1709, & ce fut un malheur pour le royaume. « Homme sombre, ardent, inflexible, cachant ses violences sous un flegme apparent, il fit tout le mal qu’il pouvoit faire dans cette place où il est trop aisé d’inspirer ce qu’on veut, & de perdre qui l’on hait : il voulut venger ses injures particulieres. Les Jansénistes avoient fait condamner à Rome un de ses livres sur les cérémonies chinoises. Il étoit mal personnellement avec le cardinal de Noailles, & il ne savoit rien ménager. Il remua toute l’église de France : il dressa en 1711 des lettres & des mandemens que des évêques devoient signer. Il leur envoyoit des accusations contre le cardinal de Noailles, au bas desquelles ils n’avoient plus qu’à mettre leur nom. De telles manœuvres dans des affaires profanes sont punies ; elles furent découvertes, & n’en réussirent pas moins.

» La conscience du roi étoit alarmée par son confesseur, autant que son autorité étoit blessée par l’idée d’un parti rebelle. En vain le cardinal de Noailles lui demanda justice de ces mysteres d’iniquité. Le confesseur persuada qu’il s’étoit servi des voies humaines pour faire réussir les choses divines.

» La place du cardinal-archevêque lui donnoit le droit dangereux d’empêcher le Tellier de confesser le roi. Mais il n’osa pas irriter à ce point son souverain ; & il le laissa avec respect entre les mains de son ennemi. Je crains (écrivit-il à madame de Maintenon) de marquer au roi trop de soumission en donnant les pouvoirs à celui qui les mérite le moins. Je prie Dieu de faire connoître au roi le péril qu’il court, en confiant son ame à un homme de ce caractere ». Essai sur l’histoire générale, tome VII. (Le chevalier de Jaucourt.)

Vire, (Hydraul.) est le bout d’un tronçon de tuyau de grès, qui se met dans l’emboîture d’un autre pour être joints ensemble par le moyen d’un nœud de mastic chaud mêlé avec de la filasse. (K)

Vire, terme de Blason, qui se dit de plusieurs anneaux passés les uns dans les autres, ensorte que les plus petits soient au milieu des plus grands, avec un centre commun, comme aux armoiries d’Albissi & de Virieu. Les Latins les appellent viria.

Vire, la, (Géog. mod.) riviere de France, en Normandie, au diocese de Coutances ou d’Avranches. Elle prend sa source de la butte de Brimbel, sépare le Cotentin du Bessin, & se décharge dans la mer, après avoir reçu dans son cours quelques autres petites rivieres. (D. J.)