L’Enfant du bordel/tome 2/1

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(p. 1-55).

L’ENFANT
DU
BORDEL.



CHAPITRE VII.




Depuis deux heures environ j’étois enseveli dans un sommeil léthargique, lorsqu’un petit bruit que j’entendis me réveilla. Je tâte auprès de mon lit, ma main attrape une chemise de femme ; je monte un peu plus haut, et je trouve cette gorge délicieuse, qui m’avoit tant fait bander deux heures auparavant. C’étoit Jeannette ! je tire doucement à moi, et la fraîche soubrette est bientôt à mes côtés. Que ne puis-je peindre les transports brûlans, les forces inépuisables que ces charmes parfaits m’inspirèrent..... Oh ! oui, bien parfaits ! À chaque instant cette gorge d’albâtre sembloit plus ferme encore ; le bouton qui le couronnoit, croissoit sous mes lèvres amoureuses ; des membres voluptueux, que la mère des Graces n’auroit pas désavoués ! un ventre poli comme de l’ivoire, des cuisses, une jambe......

Mais, sur-tout ce qui étoit au-dessus de tous les éloges, c’étoit la grotte des plaisirs. Un poil doux comme de la soie en garnissoit l’entrée, une odeur suave et balsamique s’exhaloit de tout le corps de l’aimable Jeannette.

Voulant la payer de sa complaisance et des marques d’amitié qu’elle me donnoit, en se rendant à mes desirs, je me mis en devoir de lui donner des preuves de ma reconnoissance......... C’étoit le jour de surprise : cette Jeannette, qui étoit la femme-de-chambre de madame de Senneville, que cette messaline obligeoit à se prêter à ses caprices amoureux, Jeannette enfin étoit pucelle......... Combien cette connoissance me la rendit chère, combien elle donna de prix aux faveurs inestimables qu’elle consentoit à me prodiguer.

Déjà les soupirs profonds de la jeune vierge annoncent et ses desirs et ses craintes ; déjà l’air retentit des plaintes de la victime, que je tâche vainement d’étouffer sous mes baisers brûlans. Bientôt le cri de la pudeur s’envole, l’éclair de la volupté brille à nos yeux, et nous expirons dans les bras l’un de l’autre.

Ah comme je témoignai mon amour à la jolie et fraîche Jeannette ; de combien de caresses je, l’accablai, de combien de baisers je saturai ses charmes ; jamais ! non jamais je n’éprouvai tant de délices ; mes forces exaspérées par la perfection des appas qu’elle abandonnoit à mes mains libertines, firent de moi un Hercule, et depuis ce demi-dieu de vigoureuse mémoire, jamais pucelage ne fut aussi vertement fêté.

Beaucoup de mes lecteurs ne comprendront peut-être pas comment il est possible que Jeannette ait conservé son pucelage dans une maison dont la maîtresse la soumettoit à ses caprices libertins : je leur dois l’explication de ce problème singulier.

Jeannette étoit la fille d’un fermier d’une des terres de M. de Senneville, élevée par un père dont les vertus patriarchales faisoient le bonheur d’une nombreuse famille, et y avoient maintenu les mœurs de l’âge d’or. Jeannette étoit parvenue jusqu’à dix-huit ans, sans que rien altérât cette innocence précieuse. Madame de Senneville la vit à un de ses voyages, la demanda à son père. Celui-ci, qui ne connoissoit pas les mœurs dépravées de la femme de son seigneur, y consentit, malgré la répugnance qu’il avoit à éloigner un de ses enfans du sein paternel. Madame de Senneville, adoratrice de tout ce qui pouvoit flatter ses goûts bisarres, étoit devenue exclusivement jalouse de Jeannette ; depuis un an qu’elle étoit à son service, elle l’avoit exactement surveillée jusqu’au moment où j’avois cueilli cette fleur précieuse.

Je passai cinq mois dans cette délicieuse demeure, qu’embellit pour nous une suite non-interrompue de plaisirs. Mes jours étoient consacrés à la promenade, à la chasse, à la pêche ; mes soirées aux plaisirs effrénés de madame de Senneville ; les nuits à la jouissance de l’ame et du bonheur dans les bras de la céleste Jeannette.

Un des premiers jours du mois de mai, nous avions passé Jeannette et moi une nuit délicieuse ; nous comptions bien qu’une longue suite de nuits semblables alloit s’écouler pour nous : nous descendons, à neuf heures du matin, étonnés de ce que madame de Senneville, ordinairement très-matineuse, n’avoit pas encore paru : dix heures, onze heures sonnent, et elle ne se lève pas ; impatiens, inquiets, nous frappons, point de réponse, enfin ne sachant que soupçonner, les domestiques m’aident à enfoncer la porte. Les rideaux du lit étoient fermés ; nous les ouvrons...... l’infortunée madame de Senneville étoit morte......

Elle avoit depuis quelque tems d’assez violens accès de goutte. Dans cette nuit fatale, la goutte lui avoit remonté dans l’estomac et l’avoit étouffée.

Tirons un rideau sur ce tableau funeste, nos pleurs sincères l’accompagnèrent au tombeau ; nos regrets survécurent à sa dépouille mortelle, et son souvenir se grava dans nos cœurs en traits ineffaçables.

J’avois, au moment de ce malheur, expédié un domestique à M. de Senneville : il arriva, et sans paroître plus étonné, sans avoir quitté son air froid, il donna des ordres pour l’arrangement de la maison. Dans un des tiroirs du secrétaire de madame de Senneville, il trouva une espèce de testament, qui contenoit ses dernières volontés.

Elle prioit son mari dans le cas où la mort disposeroit d’elle, d’assurer à Jeannette de quoi vivre le reste de ses jours, sans être obligée de servir personne. Elle le prioit de me donner un bon cheval, cinquante louis, son portrait, qui étoit enrichi de brillans, et de me laisser aller où bon me sembleroit ; elle faisoit ensuite quelques dons à ses domestiques.

M. de Senneville ne démentit pas son caractère froid et impassible ! sans s’informer quel pouvoit être le genre de mes liaisons avec son épouse, ce qui avoit pu occasionner le long séjour que j’avois fait chez lui, il me donna les cinquante louis, le portrait de son épouse, me fit choisir le meilleur cheval de son écurie, et me laissa la liberté, ou de demeurer au château ou de m’éloigner.

La mort de madame de Senneville m’avoit trop profondément affecté pour que je consentisse à prolonger mon séjour ; Jeannette que cette mort avoit ainsi que moi réduite au désespoir, me pria de la reconduire chez son père, qui demeuroit à six lieues de là ; et dès le lendemain nous nous éloignâmes emportant dans nos cœurs le souvenir de la bonne amie que nous avions perdue.

À moitié chemin du château à la ferme, nous traversâmes un petit bois où nous nous reposâmes ; nous parlâmes de notre bienfaitrice, nous nous embrassions, en mêlant nos larmes ; bientôt ces baisers firent naître d’autres desirs. Le gazon fleuri, sur lequel nous étions, sembloit nous inviter à le fouler ; nos bouches se rencontrèrent, nos mains s’égarèrent, et le flambeau de l’amour brilla à nos yeux ; mais l’ombre de madame de Senneville qui, sans doute, planoit sur nos têtes, ne dut pas s’offenser de nos desirs. Au moment suprême, un même sentiment nous fit dire : « Ah ! que n’est-elle avec nous ! que ne peut-elle encore goûter les plaisirs dont nous l’avons si souvent enivrée ! » Une preuve, c’est qu’ensuite nous parlâmes d’elle avec le même respect et la même vénération. Bientôt je remontai à cheval, je repris Jeannette en croupe, et, après deux heures de marche, nous arrivâmes chez son père.

Le père de Jeannette étoit la meilleure pâte d’humain qui pût exister ; il me reçut avec une bonté paternelle ; il me remercia des soins et des complaisances que j’avois eus pour sa fille. Jeannette se joignit à l’auteur de ses jours pour m’engager à passer quelque tems à la ferme ; la bonhommie du père, les appas des filles étoient des liens qu’il auroit été trop difficile de rompre ; je ne cédai pas, et, après deux jours donnés à leur amitié, pendant lesquels je fêtai le plus vigoureusement possible les appas de Jeannette, je partis, un bon cheval entre les jambes et cinquante louis dans ma poche.

J’avois encore la lettre de mademoiselle S...., je résolus de la mettre à profit, et je repris la route de Lyon en faisant la réflexion, que si je me reposois six mois toutes les douze lieues, j’arriverois à Lyon en état de jouer les pères nobles.

Nous étions dans la plus belle saison de l’année, la nature étoit riante, les arbres étoient couverts de feuilles et de fleurs, j’étois environné d’un athmosphère embaumé. Ah ! combien je sentois la douceur de mon existence ! je conservai l’enthousiasme qui m’animoit jusqu’à la Charité-sur-Loire. Arrivé dans cette ville, j’y tombai malade. Comme je n’aime pas à m’appesantir sur les heures de douleurs, je dirai seulement que, soit la révolution que m’avoit causée la mort de madame de Senneville, soit toute autre cause, je restai malade pendant les mois de juin et de juillet ; que, graces à la sequelle médicale, je dépensai quarante-trois de mes cinquante louis, je vendis mon cheval pour quinze louis, et que, vers le milieu d’août, je continuai mon voyage à pied avec vingt-deux louis pour toute fortune.

Il faisoit une chaleur extrême, les champs étoient couverts de moissonneurs : ce fut ce jour qu’il m’arriva une aventure enivrante, une aventure dont le souvenir me fait encore tressaillir d’ivresse et de bonheur.

Il étoit midi, j’allois quitter la levée de la Loire, qui est entre la Charité et Nevers. Je gagnai doucement cette dernière ville, en admirant la délicieuse perspective que j’avois sous les yeux, et qui est, sans contredit, une des plus belles de la France : j’apperçus dans la vallée un gros bouquet de bois que paroissoit traverser une petite rivière que je voyois serpenter au loin et se jeter ensuite dans la Loire.

Il me prit envie d’aller m’y reposer une heure ou deux, et de laisser ainsi s’écouler la grande chaleur. Je m’achemine donc vers le petit bois ; j’y arrive : en entrant, j’entends le bruit que faisoient la conversation et les éclats de rire de plusieurs jeunes filles. Curieux de savoir quel étoit le motif de cette conversation, je m’avance en silence, j’arrive derrière des buissons, et je vois sur le bord de la petite rivière, qui formoit en cet endroit une espèce de bassin, trois jeunes filles nues comme la main, et qui se préparoient à raffraîchir leurs jeunes appas dans un bain que la saison rendoit aussi utile qu’agréable.

J’écartai doucement les branchages qui me déroboient la vue des causeuses : quel tableau délicieux ! le pinceau d’Albane n’a jamais rien produit d’aussi voluptueux. Les trois jeunes filles pouvoient avoir de dix-sept à dix-neuf ans ; l’une étoit blonde et les deux autres brunes. Elles causoient sur leurs charmes ; leur conversation m’a paru assez piquante pour mériter d’être rapportée dans ce véridique ouvrage. J’appris dans leur entretien qu’elles se nommoient Rose, Claire et Sophie.

claire.

Tu as beau dire, ma Sophie, tes tettons sont plus parfaits que les miens.

sophie.

Tu te trompes, Claire ; ma gorge ne peut pas être comparée à la tienne : elle est un peu plus blanche, il est vrai, mais elle n’est pas aussi ferme ; le bouton de ton sein est d’un rose bien plus éclatant que le mien : d’ailleurs, faut-il vous l’avouer, mes bonnes amies, vous avez votre pucelage, et je n’ai plus le mien.

rose.

Moi je n’ai plus le mien non plus.

claire.

Moi j’ai le mien, mais je vous avoue que je voudrois bien en être débarrassée.

sophie.

Qui a pu te donner ce desir ?

claire.

C’est mon secret.

rose.

Dis-nous-le, ma bonne petite Claire.

sophie.

Oui, confidence entière entre nous trois : pour commencer, je vais te conter l’histoire de la perte de mon pucelage.

Vous connoissez toutes deux monsieur le curé ? Eh bien ! c’est lui qui me l’a pris le jour de ma première communion. J’étois parée par les soins de ma mère ; je me rendis à l’église : ce fut là que je me rappelai une des peccadilles de mon enfance, que j’avois oubliées. Je passai dans la sacristie, et je fis prier le curé d’y venir ; il me fit dire d’aller chez lui par son jardin : j’y fus. Il s’enferma dans sa chambre avec moi. Je lui avouai le péché qui étoit revenu à ma mémoire ; ce péché étoit qu’à dix ans, étant un jour seule à la maison avec mon frère qui en avoit onze alors, nous nous étions mis tout nus pour voir la différence qu’il y avoit entre nous. M. le curé s’emporta contre ce péché qu’il appeloit un inceste ; il me dit qu’il n’y avoit de rémission pour moi qu’en bénissant tous les endroits que la vue de mon frère avoit souillés, et que, pour cela faire, il falloit que je quittasse mes vêtemens : je le fis avec une parfaite innocence. Vous savez qu’il y a quatre ans, quoique je n’en eusse que quatorze, j’étois presque aussi formée que je le suis : pendant que je quittois mes habits, les yeux du curé s’enflammoient à l’aspect de ma jeune gorge que j’avois alors dure comme du marbre. Je voulois garder ma chemise, mais il me la fit quitter : il me fit placer sur son lit, les cuisses écartées, et me dit qu’il alloit me faire l’imposition des mains ; il les posa d’abord sur mes tettons, en feignant de marmotter quelques prières ; il en chatouilla légèrement le bout : les roses s’élevèrent sous ses doigts. Il promena ensuite ses mains bienheureuses sur mon ventre, sur mes cuisses ; il les arrêta sur ma fente, qui commençoit à se revêtir d’un joli poil blond, et son doigt agile commença à me branler d’une manière délicieuse. Peu faite à ce genre de caresses, j’eus bientôt perdu la tête, et je connus pour la première fois le bonheur de décharger.

Je fus rappelée à moi par de vives douleurs que je sentis à l’endroit même qui venoit de me faire éprouver tant de délices.

Monsieur le curé, profitant du moment où je n’avois plus la tête à moi, avoit déboutonné sa culotte, en avoit tiré un membre d’une taille très-raisonnable, m’avoit placée à sa guise, et s’amusoit à me dépuceler pour me rappeler à la vie. Lorsque je revins à moi j’avois déjà la moitié de son outil dans le corps, et, malgré mes gémissemens, il y logea le reste.

Cependant l’heure s’écouloit : monsieur le curé, après avoir tiré deux coups, me crut assez purifiée ; il me fit rhabiller, me recommanda le silence, et je fis ma première communion.

Je revis monsieur le curé ; il m’instruisit de tout ce que je devois savoir pour ne pas nous compromettre. Je lui pardonnai tout : il me le mit de nouveau ; j’y trouvai grand plaisir. Ma mère mourut il y a un an ; monsieur le curé me prit pour sa gouvernante : je couche tous les jours avec lui. Voilà mon histoire.

claire.

Et cela te fait-il toujours autant de mal ?

sophie.

Je n’ai souffert que les deux ou trois premières fois ; mais depuis, je ne puis t’exprimer le plaisir que j’ai goûté.

claire.

Et toi, Rose, comment as-tu perdu le tien ?

rose.

La perte du mien est assez singulière ; on me l’a pris à l’âge de dix ans.

claire.

De dix ans !

rose.

De dix ans ; et voici comment : j’étois un jour aux champs, à l’âge que je viens de vous dire, lorsqu’il passa un jeune homme à cheval ; ce cheval vit sans doute quelque chose qui lui fit ombrage, car il se cabra, et le cavalier tomba par terre. Je courus à lui qu’il étoit déjà à moitié relevé ; je lui demandai s’il n’étoit pas blessé, avec tant d’intérêt, qu’il me prit dans ses bras et me donna plus de cent baisers sur les yeux et sur la bouche. Innocente comme je l’étois, je lui rendis ses caresses ; il mit la main sous mes petites jupes, me claqua légèrement les fesses et caressa mon ventre et mes cuisses.

Ces caresses lui firent sans doute beaucoup d’effet, car il défit sa culotte et me montra son affaire. Je trouvai cela très-drôle, et je me mis à jouer avec. Voulant sans doute que ce jeu prît une tournure plus sérieuse, il attacha son cheval à un arbre, me prit dans ses bras et me porta à l’entrée de la petite remise qui est dans le champ de Robert. Arrivés là, nous nous assîmes sur le gazon ; il se débrailla de nouveau, me fit empoigner son outil, remit sa main sous mes jupons et chatouilla ma petite fente. J’y trouvai du plaisir et le lui dis : oubliant alors toute retenue, il mit de la salive à son affaire, en mit à l’entrée de ma fente, me plaça sur le tronc d’un arbre renversé, et chercha le bonheur.

Les pièces étoient trop disproportionnées pour que la chose pût réussir sur-le-champ. Je criois d’une manière épouvantable ; sans s’occuper de mes cris qui ne pouvoient être entendus, il continua ses efforts, et, après dix minutes de tentatives inutiles, le serpent commença à pénétrer. Je souffrois si cruellement, que je m’évanouis : il n’en continua pas moins.

Il est probable que, lorsque son opération fut finie, il fut lui-même saisi de frayeur de l’atrocité de son attentat ; car, revenue à moi, je ne le trouvai plus. Je sortis de la remise : quoique ma vue s’étendît fort loin, je ne découvris pas de quel côté il avoit dirigé ses pas.

Je me traînai plutôt que je ne revins chez nous ; je contai tout à mon père et à ma mère : ils me visitèrent et me trouvèrent dans un état pitoyable ; mais, prudemment, ils gardèrent le silence. Je fis une longue maladie, et je ne me rétablis que par les soins extrêmes que l’on prit de moi.

Depuis ce tems j’ai eu les hommes en horreur : je me procure des jouissances moi-même ; mais je commence à en sentir le vide, et je ne suis plus aussi éloignée qu’autrefois de former une liaison avec quelqu’un qui me plairoit,

claire.

Ah ! ma bonne amie, que je te plains de ce que tu as souffert...... Ce que tu viens de raconter m’ôte une partie de l’envie que j’avois d’éprouver par moi-même ce que c’est que les plaisirs de l’amour.

sophie.

Tu n’as à redouter que quelques instans de douleur, qui seront bien rachetés par des plaisirs dont il est impossible de te donner une idée.

rose.

Mais, ma Claire, tu nous dois une confidence ; notre confiance en toi mérite que tu y répondes par la tienne.

claire.

Je ne sais comment vous raconter ce que j’ai envie de vous dire.

sophie.

Personne ne nous écoute et tes secrets seront ensevelis dans nos cœurs.

claire.

En ce cas, prêtez-moi toute votre attention : hier, après dîné, me sentant une violente envie de dormir, et ne voulant pas être interrompue, je grimpai sur le foin de notre grange, persuadée qu’on ne viendroit pas m’y chercher. À peine commençois-je à m’assoupir, que j’entendis ouvrir la porte de la grange : je reconnus la voix de mon frère et celle de deux de ses camarades. Curieuse de savoir ce qu’ils venoient faire là, je m’avançai de manière à les voir parfaitement sans être apperçue.

Mon frère tira de sa poche une chanson qu’ils chantèrent, et à laquelle je ne compris pas grand’chose ; ensuite ils déboutonnèrent leur culotte, et se montrèrent le morceau de chair qui leur pend entre les jambes. Chacun d’eux se mit à secouer le sien, et en peu d’instans ils devinrent roides comme des bâtons. Je ne savois trop à quoi devoit aboutir cette étrange cérémonie, lorsque encore, quelques instans après, ils eurent l’air de se pâmer, et il tomba de leur machine une liqueur blanche et épaisse.

Pendant ce tems-là, je ne sais ce qui se passoit en moi ; mais je sentois un feu intérieur qui me parcouroit tout le corps ; je portai la main à ma fente ; j’en chatouillai le haut, et bientôt j’éprouvai une pâmoison complette.

Lorsque je revins à moi, j’étois seule ; les trois héros de la fête s’étoient retirés ; la scène qui venoit de se passer avoit fait disparoître mon envie de dormir. Je descendis, curieuse de savoir ce que c’étoit que la matière liquide que j’avois vu tomber de leur machine. Ils avoient eu l’attention de marcher dessus, de manière que je ne pus découvrir ce que c’étoit ; mais, en récompense, je trouvai un papier ; je l’ouvris : c’étoit la chanson qu’ils avoient chantée. Je vais vous la donner, et vous me direz si vous la comprenez mieux que moi.

En disant ces mots, Claire courut prendre la chanson dans sa poche et la remit à Sophie qui la chanta.

Air : C’est un Enfant.

Un jour Lucas dans la prairie,
Où son bétail étoit paissant,
Disoit à la jeune Sylvie :
Savez-vous bien, ma belle enfant,
        Ce qu’une bergère
        En tout tems préfère,
À l’argent, à l’or, à l’esprit !
          C’est un gros vit (bis.)

Hélène, votre camarade
Aime les femmes ; c’est fort mal ;
Car, croyez-moi, d’une tribade
Tôt ou tard, le sort est fatal.
        Ah ! répond Sylvie,
        Je plains mon amie ;
Et je préfère pour outil
          Un bon gros vit. (bis.)


Lucas pour ne pas être dupe
Va se mettre auprès du tendron ?
Lestement relève sa jupe,
Et lui met son vit dans le con.
        La belle se pâme,
        Et du fond de l’ame,
Tout en déchargeant, elle dit :
          Vive un gros vit, (bis.)


Après cette chanson, les trois jeunes filles qu’elle avoit émoustillées se mirent à se branler. Cependant leurs récits, et le tableau que j’avois sous les yeux, m’avoit mis hors de moi. Sans perdre un instant, je me dépouillai de tous mes vêtemens, et me mis nu comme notre premier père ; je cachai mes habits dans le buisson, qui me servoit de retraite. Ensuite je m’élançai sur les trois jeunes beautés, comme l’agile panthère s’élance sur le faon timide.

Elles firent un cri de frayeur et cherchèrent à s’échapper, mais je m’étois emparé de la jolie Claire. Je l’enlaçai dans mes bras amoureux ; je ravis mille et mille baisers sur sa jolie bouche ; je dévorai ses tettons délicieux ; j’allois être plus entreprenant, mais elle se mit à crier, et je m’arrêtai. Ses compagnes qui s’étoient réfugiées à dix pas de nous, attendoient en tremblant la fin de l’évènement.

Mes belles, leur dis-je, ne craignez rien : je suis un étranger que le hasard a conduit dans cet endroit ; j’ai entendu toute votre conversation, et il m’a pris envie d’apprendre à la jeune Claire ce que c’étoient que les plaisirs qu’on peut goûter avec un homme.

Mais si, faisant du bruit, vous attirez ici des indiscrets, je suis au fait de vos secrets, je les dévoile, et vous rends la fable de tout votre village,

À cette menace, Sophie et Rose se rapprochèrent ; je recommençai à caresser Claire, qui n’osa presque plus m’opposer de résistance ; je la couchai sur l’herbe, et prenant mes précautions pour lui faire le moins de mal possible, je commençai à l’enfiler.

Quelques plaintes lui échappèrent ; mais Sophie ayant passé sa main entre moi, elle posa le doigt sur son clitoris et s’amusa à la branler pour la faire taire.

La recette fut aussi prompte qu’immanquable, à peine Claire sentit-elle le doigt de son amie, que loin de continuer à se plaindre, elle se mit au contraire à remuer le croupion, avec une agilité inconcevable ; bientôt je sentis que le moment du bonheur n’étoit pas éloigné pour moi ; de son côté, Claire commençoit à tourner de l’œil : je redoublai mes efforts ; et, en peu d’instans, nous restâmes l’un et l’autre sans mouvement.

Pigault-Lebrun, L’Enfant du bordel, Tomes 1 et 2, 1800, fig., p. 216. Elle se met à remuer le Croupion avec une agilité inconcevable ;.
Pigault-Lebrun, L’Enfant du bordel, Tomes 1 et 2, 1800, fig., p. 216. Elle se met à remuer le Croupion avec une agilité inconcevable ;.

Pendant ce tems, la presque vierge Rose se branloit à toute éreinte. Ah ! me dit-elle, lorsque je fus un peu remis, n’avez-vous pas aussi quelque chose à me dire. En disant ces mots, elle se précipite sur la cheville qui venoit de si bien instrumenter Claire, et la couvre de baisers ; il eut bientôt repris toute la fermeté nécessaire pour un nouvel assaut. Je passe donc auprès de la jolie et fraîche Rose, et je me mets à la travailler d’importance,

En vérité ! si Rose avoit été, comme elle le disoit, violée à dix ans, la plaie s’étoit bien refermée depuis ce tems-là, car il n’y paroissoit pas : elle fut plus difficile à vaincre que l’ex-pucelle Claire ; cependant, j’en vins à bout grace à Sophie, qui rendit à Rose le même service qu’elle avoit rendu à Claire ; elle la branla, et le résultat fut le même. Rose ne fit plus que me seconder : nous déchargeâmes tous les deux, et je me retirai couvert des myrtes sanglans que l’amour aime à moissonner sur les terres de son frère.

Je ne voulus pas qu’il fût dit que Sophie seroit la seule qui ne seroit pas foutue, elle eut son tour. Je ne dirai rien des folies que nous fîmes avant de nous r’habiller ; enfin, sur les deux heures et demie, nous apercevant que le jeu auquel nous avions joué nous avoit donné de l’appétit, chacun reprit ses vêtemens ; non, sans que j’eusse prodigué un million de baisers à toutes les parties du corps de mes chastes compagnes.

Nous nous demandâmes réciproquement à quel endroit nous allions. Mes compagnes étoient toutes les trois d’un assez fort village, à un demi-quart de lieue de l’endroit où nous étions, et à travers lequel j’étois obligé de passer pour continuer ma route. Rose étoit la fille de l’aubergiste de l’endroit : je promis d’y loger pendant quelques jours, afin de pouvoir mettre la dernière main à l’éducation des jolis enfans, à qui je venois de donner des leçons si instructives.

Je pris les devans pour ne pas faire naître de soupçons : j’arrivai bientôt à l’auberge des Trois Pucelles, et je commandai un excellent dîner, que j’avois bien gagné.

Peu de momens après moi, arrivent mes trois conquêtes ; la cérise de la mi-juin n’a pas des couleurs plus éclatantes que celles qui embellissoient leurs jolis visages ; elles se plaignirent de la chaleur, demandèrent à se rafraîchir. Mad. Coulis, la mère de ma Rose, étoit une bonne femme dans toute l’étendue du terme ; elle plaignit les jeunes filles, les gronda de s’être si fort échauffées ; moi, pendant ce tems, je leur faisois, du plus grand sang-froid du monde, des complimens qu’elles ne pouvoient entendre sans éclater de rire, comme des folles.

Le père Coulis, qui étoit absent pour la journée, avoit chez lui un violon discord, dont il racloit impitoyablement tous les dimanches après-midi au grand détriment des oreilles de ceux qui avoient le malheur de l’entendre. J’en jouois assez joliment ; je prends l’instrument, je l’accorde, et j’offre à ces demoiselles de les faire danser aussitôt après le dîner : elles acceptent ; nous dînions comme des affamés : on va ensuite prévenir quelques garçons, inviter quelques filles, et, en un tour de main, voilà un bal en train. Le bruit du violon attira de nouveaux spectateurs, et, une heure après la première contre-danse, toute la jeunesse dansante du village sautoit sous le couvert de tilleuls de M. Coulis, marchand de vin traiteur, logeant à pied et à cheval.

Parmi les beautés villageoises qui s’offrirent à ma vue, il y avoit des mines charmantes, à qui, en tête-à-tête, j’aurois bien fait danser une autre danse, et que j’aurois bien voulu tenir dans le petit bois aux bonnes fortunes.

Il étoit sept heures du soir ; on dansoit depuis quatre heures, quand des paysans annoncèrent le seigneur de l’endroit et son épouse. Je vois entrer un grand homme sec, tout couvert de broderies, donnant la main à une fort jolie femme. Je la regarde ! oh ! surprise...... cette femme… c’est Félicité !… cette Félicité que j’ai laissée à Paris à l’hôpital.

À cette vue, le violon échappe de mes mains, tombe par terre, et je reste pétrifié, comme si j’eusse été frappé de la tête de Méduse.

Félicité me reconnut aussi ; mais, meilleure comédienne et plus maîtresse d’elle, sa figure ne changea pas ; elle fut froide et calme, comme si elle me voyoit pour la première fois.

Cependant, la danse étoit interrompue, les paysans étonnés ouvroient de grands yeux, et ne pouvoient concevoir ce qui avoit occasionné ma stupéfaction. Je m’aperçus bientôt des inconvéniens que pouvoit avoir ma mal-adroite extase ; je repris mon instrument et me remis à jouer comme auparavant, non sans jeter sur ma Félicité des regards qui sembloient lui demander ce que signifioit une aussi étrange métamorphose.

Félicité fut impassible : elle me regarda, mais sans avoir l’air de me connoître. À neuf heures, tout le monde se sépara, en me remerciant de ce bal impromptu.

À peine fus-je seul, que je m’informai du nom du seigneur que j’avois entendu appeler M. le vicomte : on me dit que c’étoit le vicomte de Basseroche, dont le château étoit à l’autre bout du village. Je m’informai ensuite s’il y avoit long-tems qu’il étoit marié : il est marié de cet hiver, me dit-on, à Paris, avec une demoiselle d’une grande naissance ; et depuis un mois ils habitent le château dont il est venu faire prendre possession à Mad. la vicomtesse.....

La vicomtesse !… me serois-je trompé ? ne seroit-ce pas Félicité ? C’est bien elle, cependant… c’est bien son grand œil noir, c’est bien ce joli signe que fait ressortir la blancheur de la peau de son cou ; c’est bien cette gorge haute, ferme et respirante, sur laquelle j’ai expiré tant de fois et avec tant de délices. Mais comment Félicité est-elle devenue haute et puissante dame ?… Attendons que le tems nous dévoile le mot de l’énigme.

Le père de Rose arriva à neuf heures et demie ; il apprit avec joie le bal qui avoit eu lieu, et surtout la quantité de vin dont il avoit occasionné la vente. Je me mis à table avec ces bonnes gens, et après un très-bon souper, pendant lequel Rose me causa quelques distractions, je fus chercher, dans un excellent lit ; un repos dont j’avois véritablement besoin.

Je croyois ne faire qu’un somme toute la nuit ; mais Rose en avoit décidé autrement : sur les deux heures du matin, elle entra dans ma chambre, et se fourra, sans cérémonie, dans mon lit ; je lui en voulus presque, car un songe heureux venoit de remettre Félicité dans mes bras : mais ma main n’eut pas plutôt parcouru cette gorge élastique, ces bras doux et potelés, ces cuisses d’une fermeté si rare, que mon courroux s’évanouit pour faire place à la reconnoissance.

Nous épuisâmes dans cette heureuse nuit tout ce que l’Arétin indique de postures bizarres ou voluptueuses ; nos lèvres desséchées par la fièvre du plaisir n’en trouvoient que plus de douceur à s’unir ; nos corps enlacés ne pouvoient pas se détacher l’un de l’autre, et, pleins d’une fatigue délicieuse, nous nous endormîmes dans les bras l’un de l’autre.

Nous nous éveillâmes au grand jour. Rose se leva doucement et regagna sa chambre.

Après le départ de ma compagne de nuit, je me remis à dormir sur nouveaux frais, et je ne fus réveillé qu’à dix heures par la voix de mon hôte, qui vint m’avertir qu’un des domestiques de M. le vicomte de Basseroche, demandoit à me parler, pour me remettre un billet de la part de son maître.

Je fus bientôt levé, je descendis ; et un grand coquin haut de six pieds, revêtu d’une livrée brillante, me remit le billet suivant :

« Pardon, Monsieur, si je ne vous ai pas remarqué hier ; mais mes yeux ne pouvoient s’arrêter sur un ménétrier de village. Mon épouse qui s’y connoît, prétend avoir découvert sur votre figure les marques incontestables d’une grande naissance. Si, comme elle le soupçonne, vous êtes un homme comme il faut, veuillez accepter un asile dans mon château, et croire que je m’empresserai de vous y procurer tous les agrémens qui seront en mon pouvoir. Dans le cas vous ne seriez qu’un roturier, je vous baise les mains et vous souhaite un bon voyage.

» Le vicomte de Basseroche, baron des Vieux-Grès, marquis des Carrières, seigneur de Chaux-Vive et autres lieux. »

La lettre originale de M. le vicomte me fit rire ; je vis bien que c’étoit une ruse de Félicité pour m’avoir auprès d’elle ; aussi, voulant appuyer le stratagème de ma tant douce amie, je fis au galant billet du vicomte la réponse suivante :

« Je suis fâché, M. le vicomte, que la sagacité de votre épouse ait déchiré le voile dont je voulois m’envelopper : cependant, comme rien n’est plus déshonorant que d’être pris pour un roturier, j’accepte vos offres obligeantes, et j’irai dans peu d’heures vous en remercier moi-même.

» Le prince Poleski. »

Je remis ce billet au domestique, et lui glissai un louis dans la main. Stupéfait, il retourne deux ou trois fois le louis, me regarde la bouche béante, et sort en me faisant de profondes révérences ; mais sans avoir retrouvé la force de me remercier.

Me voilà donc prince polonais. Dans la chambre de la mère Coulis, qui est de plein pied avec la cuisine, je vois une vierge de plâtre, qui est décorée d’une belle ceinture de moire jaune à franges. Comme je suis seul en ce moment je détache la ceinture, je monte dans ma chambre, je passe le ruban jaune en sautoir, sous mon gilet, et je me r’habille.

Au bout d’un quart-d’heure, une voiture à quatre chevaux s’arrête à la porte ; quatre domestiques sont derrière ; l’auberge retentit du nom du prince Poleski ; je suis invité à monter dans le carosse, je m’y place, et voilà l’Enfant du Bordel en route pour le château de Basse-Roche.