L’Histoire de Merlin l’enchanteur/13

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Librairie Plon (1p. 49-50).


XIII


Le conte dit maintenant que les rois Lot d’Orcanie, Agustan d’Écosse, Urien de Gorre, Ydier de Cornouaille, Nantre de Garlot, Carados Biébras, Tradelinan de Norgalles, Clarion de Northumberland, Brangore d’Estrangore, Belinant de Sorgalles, et le duc Escan de Cambenic, les princes défaits par Artus à Kerléon, avaient marché toute la nuit avec leurs gens en désordre, souffrant du froid et de la faim, les uns à cheval, les autres en litière parce qu’ils étaient trop blessés pour chevaucher.

Le lendemain, ils parvinrent en la ville de Sorhaut qui était au roi Urien de Gorre, et ils y demeurèrent quelque temps à se refaire et à soigner leurs malades et leurs blessés.

Ils n’y étaient encore que depuis peu, lorsqu’arrivèrent des messagers de Cornouaille et d’Orcanie qui leur contèrent que les Saines mécréants, profitant de leur absence, avaient envahi leurs terres, où ils ravageaient les campagnes, détruisaient les bourgs, les villes et les forts châteaux, mettaient tout à feu et à sang, et faisaient tant de dommages à tout le pays, que le cœur le plus dur et le plus félon ne pouvait se tenir d’avoir grand’pitié des dames et des pucelles qu’ils violaient et des enfants qu’ils leur tuaient entre les bras ; et quand le menu peuple se réfugiait en quelque cave ou souterrain, les Saines y boutaient le feu et les brûlaient. À cette nouvelle, il n’y eut aucun des rois, jusqu’au plus hardi, à qui la chair ne tremblât, car ils avaient perdu beaucoup de monde et ils ne pouvaient attendre aucun secours d’Artus. Tout ce que leurs forces leur permettaient, c’était de garnir les forteresses et les villes de manière à empêcher le ravitaillement des païens. Ils se résolurent à défendre de la sorte les marches de Garlot, de Gorre, de Cornouaille et d’Orcanie, qui étaient les premières menacées.