L’Histoire de Merlin l’enchanteur/51

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Librairie Plon (1p. 176-177).


LI


Peu après Merlin vint dire au roi et à la reine qu’il lui fallait les quitter. Ils le prièrent doucement de revenir bientôt, car ils l’aimaient tendrement.

— Bel ami Merlin, lui dit le roi, vous vous en irez, je ne vous veux retenir contre votre désir ; mais je serai dolent jusqu’à temps que je vous revoie. Pour Dieu, hâtez-vous !

— Sire, répondit-il en pleurant, hélas ! c’est la dernière fois, et je vous recommande à Dieu.

En entendant : « C’est la dernière fois », le roi fut surpris, mais il crut qu’il avait mal compris. Pourtant, quand il vit que sept semaines avaient passé et que Merlin ne revenait pas, il se ressouvins de ces mots et il fut longtemps tout pensif et morne. À la fin messire Gauvain lui demanda ce qu’il avait.

— Beau neveu, répondit le roi, je pense que j’ai perdu Merlin et j’aimerais mieux d’avoir perdu la cité de Logres.

— Sire, je vous jure par le serment que je vous fis le jour où vous m’armâtes chevalier que je le chercherai de tout mon pouvoir durant un an et un jour.

Et, en même temps que messire Gauvain, jurèrent ses frères et Yvain le grand, Sagremor, Giflet le fils Do, Caulas le roux, Placide le gai, Laudalis de la Plaigne, Aiglin des Vaux, Clealis l’orphelin, Guiret de Lamballe, Keheddin le bel, Clarot de la Broche, Yvain aux blanches mains, Gosenain d’Estrangore, Segurade de la Forêt Périlleuse, Ladinel et Ladinas de Norgalles, Satran de l’Étroite Marche, Purades de Carmélide, Carmaduc le noir et quelques autres. Et tous s’éloignèrent de Camaaloth le même jour ; mais ils se séparèrent à une croix d’où partaient divers chemins et, après qu’ils se furent recommandés à Dieu, chacun s’en fut à son aventure.

Maintenant le conte laisse ce propos et revient au chevalier nain et à la demoiselle sa mie, qui chevauchent par monts et par vaux.