L’esclavage en Afrique/Chapitre VII

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CHAPITRE VII

Marchés d’esclaves ; Voies reliant les marchés d’esclaves

« Lorsqu’un Européen voit pour la première fois un marché de créatures humaines entassées : ces Nègres, nus pour la plupart, ces jeunes garçons, ces filles de tout âge, ces mères portant leurs nourrissons collés sur leurs seins, il ne peut se défendre d’éprouver un sentiment pénible, qu’un tel spectacle lui inspire. (Histoire de la Tunisie, par le docteur Franck). »


Dans ce chapitre, comme aux précédents, nous mettrons avec le plus grand soin un frein à notre imagination et nous ne produirons que des récits puisés aux sources les plus authentiques et les plus dignes de foi. Nous allons passer en revue les principaux marchés d’esclaves connus et fréquentés du continent Africain :

De Brazza constate que le commerce des esclaves a amené à Angola, sur l’Ogôoué, ses conséquences habituelles, fatales. Les mœurs sont plus que libres, le village offre ses femmes comme ses pagayeurs ; l’ivrognerie est à la mode.

Chekka, entre le Bahr El Arab et le Darfour, est une grande place de commerce, servant de point de réunion aux Djellabas et aux Baggaras, qui y possèdent même des demeures permanentes. C’est l’entrepôt où les grands trafiquants d’esclaves du Darfour et du Kordofan s’approvisionnent de bétail humain. C’est un marché libre, d’où les négociants envoient, sans crainte, leurs cargaisons vivantes sur tous les points qui leur conviennent.

Delgaouna, sur la montagne de ce nom et vers la rivière Biri, affluents du Bahr El Arab, à six journées de marche au sud-ouest de Chekka, est un dépôt très fréquenté par les marchands d’esclaves.

A Figuig, oasis située entre le Marok et l’Algérie, au nord du Sahara, les nègres valent de 150 à 200 francs ; une belle négresse de 200 à 400. Les négresses sont très estimées au Marok et préférées aux femmes blanches, surtout aux épouses légitimes.

L’un des plus anciens comptoirs du Dar-Fertite est le Dem Goudyou, dont le nombre des cases dépasse deux mille. Le nom de Fertite, employé par les Darfouriens et les Baggaras pour distinguer l’ensemble des tribus Kredies de la nation des Nyams-Nyams, est appliquée tous les païens qui vivent au sud du Darfour.

« Le marché d’esclaves qui se tient à Igbe[1], dit Burdo, est la chose la plus désolante.

« A l’instar des bêtes de somme, hommes, femmes et enfants y sont exposés publiquement et tout nus sous les yeux des amateurs, au gré des plus offrants. Le marchand fait de son mieux valoir leurs qualités et l’acheteur les soumet, à tour de rôle, à l’examen le plus minutieux et le plus cynique à la fois. Entre autre chose, il leur ouvre la bouche, comme nos maquignons font des chevaux, afin de s’assurer de l’état de leurs dents, et c’est là, paraît-il, un point capital. Il est vrai que les tristes créatures, objets de cette inspection, s’y prêtent sans rechigner le moindrement, comme s’il n’était rien de plus simple, ni de plus naturel. »

Burdo oublie les menaces proférées avant la mise en vente par le marchand négrier, aussi continue-t-il : « A toute évidence, leur avilissement est si profond qu’à leurs yeux, il n’y a rien de blessant. Pauvre nature humaine, au fond de quel abîme tu peux descendre !

« Bien entendu, les prix varient selon l’âge, le sexe, la force, la beauté de la marchandise : les jeunes gens robustes, bien constitués, se vendent de 700 à 1,000 francs, à condition toutefois de ne point provenir d’une contrée dont les habitants passent pour remuants, haineux, vindicatifs. En ce cas, la crainte qu’on a d’eux éloigne les acquéreurs. Les jeunes filles, de belle complexion, sont recherchées à 500, 600, voire même 800 francs, valeur en marchandises, cela se comprend. Les enfants en valent 200, 100 et moins encore ; on en achète de très jeunes, que l’on soumet aux ciseaux des eunuques et que l’on réserve pour les sérails de l’Orient. Comme bien on pense, il existe parmi eux une grande mortalité et, sans exagération, il est permis de l’estimer à 80 pour cent. Aussi ceux qui survivent à la mutilation qu’on leur inflige atteignent-ils habituellement un haut prix. »

« Nous nous arrêtâmes près de Kanyori (sur la rive est du Tanganyika), où des Vouadjidjis, qui suivaient la côte avec nous, vendirent leur grain, leur huile, leurs chèvres pour des esclaves, seul objet de troc de la place, dit Cameron.

« Le prix de l’homme y était de quatre à six dotis ou de deux chèvres ; et, comme dans rOudjidji, l’esclave valait jusqu’à vingt dotis. quarante fois le prix d’une chèvre, les bénéfices de nos compagnons ont dû être énormes. »

Kenièra est un marché réputé du Siguiri (Haut-Niger).

A Khartoum, les femmes esclaves sont divisées en trois classes :

1° Les Comâci, au-dessous de onze ans ; — 2° les Cédâci, de onze à quinze ans, et 3° les Balek, au-dessus de ce dernier âge.

Les Cédâci sont les plus estimées.

La vente se traite soit dans des magasins avec cour, nommés okel, soit à domicile, soit à l’encan, au bazar.

Jeune ou non, l’esclave n’a pas le droit d’avoir de la pudeur ; au bazar même, elle est promenée d’un bout à l’autre presque nue, afin de mieux tenter les amateurs. L’esclave qui a eu la petite vérole a plus de prix, car cette maladie est souvent mortelle.

L’homme esclave atteint son maximum de valeur un peu plus tard que la femme ; son prix est, en général, moindre ; mais, il se maintient plus longtemps. Quant aux gens âgés, hommes ou femmes, ils ont bien peu de valeur, car le produit de leur travail équivaut à peine à leur entretien. On conçoit, dès lors, combien est triste leur position !

A trente ans, les femmes ont atteint l’âge fatal où l’on répugne à s’en charger, à moins qu’elles ne puissent se rendre utiles par quelques aptitudes spéciales, leur talent culinaire, par exemple.

Là encore est un des côtés affreux de l’esclavage !

On a tout pris à l’esclave : jeunesse et beauté aux femmes ; activité et force aux hommes ; puis, quand vient l’âge de la décrépitude, ces malheureux n’ont aucun droit au bien-être ; il ne leur reste qu’à subir de mauvais traitements ou à expirer sous la peine.

L’esclave que l’on expose à l’encan se croise avec le chameau, l’âne ou tout autre animal que l’on promène pareillement.

Khartoum a aussi la spécialité des eunuques.

C’est dans Khartoum, la blanche ville,
Que la cruauté lâche et vile
Prépare le troupeau servile
Des mutilés, des incomplets ;
Et si beaucoup d’enfants en meurent,
En dépit des mères qui pleurent,
Les riches ont ceux qui demeurent
Pour eunuques dans leurs palais !
(Bulbul.)

Cameron rencontra, à Kharyané, au sud de Kanyori, un Msahouahili, qu’il avait connu dans l’Ounyanyembé et qui venait pour faire du commerce. Il acheta une jeune esclave douze dotis et un enfant cinq ou six dotis.

Les indigènes arrivaient au camp, offrir non seulement des vivres, mais de l’ivoire et des esclaves. Ceux-ci étaient ordinairement bâillonnés ; ils avaient, en outre, la fourche au col et les mains liées derrière le dos ; de plus, ils étaient attachés, par une corde, à la ceinture du vendeur. C’étaient, pour la plupart, des indigènes des environs, qui avaient été pris dans les bois, à une faible distance de leurs cases ; il fallait nécessairement les garder à la chaîne pour les empêcher de fuir.

La plupart des esclaves exposés sur le marché de Kouka[2] proviennent des contrées païennes du sud du Soudan. L’article qui se débite le mieux, ce sont les sedâsis, mesurant six empans de haut, de la cheville du pied à la pointe de l’oreille, et ayant de douze à quinze ans. Leur prix détermine tout le cours de la marchandise. Les deux catégories les plus prisées ensuite sont les chômasis, individus mâles ou femelles, ayant cinq empans de hauteur et dix à treize ans, et les sebasi qui ont sept empans et de quinze a vingt ans, faciles encore à acclimater, mais moralement moins maniables et plus portés à s’enfuir. Quant aux gourzems ou hommes faits, aux vieillards et aux vieilles femmes (chomahs), ils sont beaucoup moins demandés, et pour cause. Enfin, dans le sexe féminin, les sujets les plus appréciés et qui coûtent le plus cher sont les filles nubiles.

A Lopé, chez les Okandas, sur l’Ogôoué supérieur, les transactions de chair humaine sont toujours nombreuses.

Dans son journal de voyage, Maurice Paléologue écrit :

« Marok, le 11 mars 1883.

« A l’extrémité du Sokkho, sur une petite place inondée de soleil et de poussière, grouille une foule compacte. C’est le marché aux esclaves. Une vingtaine de négresses sont exposées là demi-nues, horriblement laides, mais fortement taillées pour les travaux durs auxquels elles sont destinées.

« Une d’elles cependant, toute jeune, a les formes les plus délicates qu’on puisse voir ; les reins cambrés, la taille souple et un peu longue, de fines attaches, un joli port de tête, des traits moins grossiers que ses compagnes et dans tout son être une grâce un peu farouche qui lui donne un caractère original. L’impassibilité de ces créatures ne se laisse troubler ni par les cris du crieur public qui fait les enchères, ni par les attouchements brutaux des acquéreurs, ni par l’idée qu’à cette heure leur sort se joue et qu’elles vont passer aux mains d’un maître nouveau. Leur physionomie ne reflète qu’une sorte de mélancolie animale. Elles ne sont ni révoltées, ni résignées, elles subissent leur condition sans réfléchir à leur misère. Indifférentes, ne possédant plus qu’une conscience confuse d’elles-mêmes, elles se plaignent moins de leur sort que nous, dans notre naïveté nous ne nous apitoyons sur elles[3]. »

D’après le docteur Marcel[4], l’esclavage existe encore dans toute son horreur au Marok. Et M. Léo Quesnel ajoute : « On a fait cent fois le tableau d’un marché d’esclaves ; celui de M. Marcel nous frappe comme si nous n’en avions jamais vu ni lu d’autres. Nous croyons assistera la scène. Les crieurs publics sont à la besogne et procèdent aux enchères ; chacun d’eux traîne plusieurs esclaves, l’une en avant, qu’il guide par la main, les autres suivent seules par derrière. Ils tournent sans cesse autour du marché, montrant leur marchandise, sollicitant des acheteurs. Un Arabe accroupi fait un signe ; on lui amène l’esclave qu’il a désignée. Elle se place devant lui, debout ou à genoux, comme il veut. Il l’examine ; la tête des pieds à la tête, regarde sa bouche, ses dents, ses yeux, ses narines ; après quoi, il renchérit ou laisse passer. S’il laisse passer l’esclave rajuste son corsage écarté ; le crieur recommence sa marche et ses cris pour s’arrêter sur un autre signe et soumettre la pauvre esclave au contrôle d’un nouvel acheteur[5]. »

Après ces lignes émouvantes, M. Léo Quesnel publie le récit suivant, emprunté à l’ouvrage du docteur Marcel.

« Voici une petite fille d’une douzaine d’années. Elle est cotée 150 francs. Ses seins sont déjà formés ; on le constate à l’envi. Ici, une belle fille de vingt ans, une plantureuse mulâtresse, en costume de percale blanche rayée de bandes rouges, qui s’harmonise agréablement avec la teinte brune de sa peau. Le vendeur l’a parée tout exprès pour la faire valoir : c’est la belle pièce du marché. Peut-être si l’article est de bonne vente aujourd’hui, montera-t-elle à 300 francs ? Là, c’est une enfant de six à sept ans. Ses pieds sont-ils bien formés, ses muscles assez forts ? Elle ne vaut pas cher la pauvrette. Voilà une femme qui porte un enfant dans ses bras et en tire un autre après elle : l’expression de son visage est triste ; elle obéit docilement au crieur qui l’exhibe ; mais c’est tout. La vendra-t-on avec sa fillette, ou bien les adjugera-t-on séparément ? Allons 100 francs le tas ! adjugé ! C’est un embarras, les petits ! En voici une autre, plus âgée ou du moins plus flétrie et sans beauté : elle est offerte à 75 francs. A peine en veut-on à ce prix-là. Il y a aussi une trentaine de malheureuses qu’on promène, qu’on marchande, qu’on livre, sans merci, aux plus minutieuses investigations de quiconque le désire. Toutes suivent le vendeur pieds nus, baissant, la tête, indifférentes, en, apparence, à ce qui se passe. La pensée vit pourtant au fond de ces cervelles humaines. Quelques-unes ne voudraient-elles pas choisir leur maître futur ? Parmi les négresses di verser ment teintées, il y avait une femme à peau blanche. Elle cachait son visage et ne le découvrait que lorsqu’elle était soumise à l’examen. Comment et pourquoi était-elle esclave ? Qui l’y avait poussée ? Le crime ou la misère ? Une fois là on n’en sort plus, »

Le Gaulois dans son numéro du 17 décembre 1889, dirait :

« On a vendu, ces jours-ci, sur le marché de Marok, un transport d’esclaves venant de Tombouctou, composé de cinq cents individus : trois cent cinquante garçons et jeunes filles, âgés de dix à seize ans. On a payé pour les hommes 150 à 300 francs ; pour les femmes 300 et pour les jeunes filles, même 400 francs et davantage. »

Le capitaine Valette, du 3e tirailleurs algériens, écrivait, plus récemment encore :

« Les révoltes du Marok ont pour prétexte l’interdiction de toute concession aux Européens ; mais leur caractère toujours religieux fait que la guerre civile prend de terribles proportions.

« C’est aussi que les révoltés fuient dans les montagnes, où ils deviennent de véritables brigands, pillant les caravanes et attaquant même les tribus arabes marokaines.

« Dernièrement, on a dû faire un exemple ; les pillards arrêtés ont été empalés et placés de distance en distance sur la route d’El Arib à Si Beira.

« D’un autre côté l’esclavage fleurit toujours au Marok et un marché des plus importants se tient à Tafilet, où nombre d’esclaves venus, pour la plupart, du Macina[6], sont vendus fort cher. Il faut reconnaître d’ailleurs que les esclaves sont généralement bien traités par leurs maîtres et que quelques-uns d’entre eux parviennent à des emplois très lucratifs. »

Lentz parle aussi du marché de Rbat qui a toujours lieu malgré la présence de tous les consuls.

En face d’Onitsa (rive gauche du Niger) sur l’autre bord du fleuve, se trouve un grand banc de sable appelé : la « Banque des esclaves ! »

C’est là que se fait le trafic de chair humaine. On y voit arriver des marchands de toutes les tribus voisines, même de tribus très éloignées ; là, au milieu des boutiques d’étoffe indigène, à côté du marché des fruits du pays et des bestiaux ou autres animaux, se tient le marché des esclaves. C’est de tous le plus achalandé. Des maîtres barbares y traînent les malheureux dont ils veulent se défaire, où ceux que l’âge ou l’infirmité rendent impropres au service. Ils y sont vendus comme vil bétail.

Les habitants d’Araba (sur la rive droite du Niger) aiment surtout à se rendre à ce marché. Araba est situé derrière le marché, à vingt minutes de marche environ.

Le prix des esclaves varie de vingt-cinq à deux cent cinquante francs.

La personne à qui nous devons ce récit y trouva deux petites filles dans un état pitoyable. Laissées trop longtemps sans soins et sans nourriture, elles avaient pris l’habitude de manger de la terre et avaient le corps tout enflé. L’aînée avait, en outre, le corps fendu de toutes parts et ne formant qu’une plaie.

Oudjidji était encore, en 1887, le centre arabe le plus populeux du Tanganyika. C’est là qu’aboutissaient toutes les caravanes d’esclaves pris dans l’intérieur et dirigés vers Zanzibar. C’était là que se réunissaient tous les bandits wangouanas[7] musulmans pour concerter entre eux de quel côté et dans quel pays ils porteraient leurs ravages. C’est de là que partaient toutes ces bandes de pillards qui désolaient et dépeuplaient le Manyéma. Véritable Sodome, Oudjidji est le théâtre de tous les crimes, de toutes les débauches, de toutes les horreurs et de tous les vices. C’est avec les Musulmans qu’ont pénétré en Afrique la religion immorale, les vices et les maladies contagieuses inconnues jusque là chez les nègres.

En 1887, Oudjidji était envahi par des caravanes d’esclaves amenées du Manyéma, du Maroungou, de l’Ouvira, de l’Oubouari. Les esclaves, en raison de leur nombre, étaient à bon marché et on venait en proposer à vil prix. Presque tous étaient exténués de fatigues, de misères et de faim.

La place était couverte d’esclaves en vente, attachés en longues files, hommes, femmes, enfants dans un désordre affreux, les uns avec des cordes, d’autres avec des chaînes. A quelques-uns, provenant du Manyéma, on avait percé les oreilles pour y passer la cordelette qui les retenait unis.

Dans les rues, on rencontrait à chaque pas des squelettes vivants se traînant péniblement à l’aide d’un bâton ; ils n’étaient plus enchaînés parce qu’ils ne pouvaient plus se sauver. La souffrance et les privations de toute sorte étaient peintes sur leurs visages décharnés et tout indiquait qu’ils se mouraient plus de faim que de maladie. Aux larges cicatrices qu’ils portaient sur le dos, en voyait de suite qu’ils avaient horriblement souffert des mauvais traitements de la part de leurs maîtres, qui, pour les faire marcher, ne leur avaient point épargné les coups de bâton ou de kourbache. D’autres, couchés dans les rues ou à côté du domicile de leur maître, privés de nourriture parce qu’on prévoyait leur mort prochaine^ attendaient la fin de leur misérable existence. Ce n’étaient peut-être pas les plus à plaindre !

C’est surtout du côté du Tanganyika, dans l’espace inculte couvert de hautes herbes qui sépare le marché des bords du lac, que l’on pouvait voir toutes les hideuses conséquences de ce trafic diabolique. Cet espace est le cimetière d’Oudjidji, ou pour mieux dire la voirie où sont jetés tous les cadavres des esclaves morts ou agonisants. Les hyènes, très abondantes dans le pays, sont chargées de la sépulture.

Un étranger, qui ne connaissait pas encore la ville, voulut s’avancer jusqu’aux bords du lac ; mais, à la vue des nombreux cadavres semés le long du sentier, à moitié dévorés par les hyènes ou les oiseaux de proie, il recula d’épouvante.

Ayant demandé à un Arabe pourquoi les cadavres étaient si nombreux aux environs d’Oudjidji et pourquoi on les laissait aussi près de la ville, au risque d’une infection générale, il lui répondit serein ton tout naturel et comme s’il se fût agi de la chose la plus simple du monde :

— Autrefois, nous étions habitués à jeter en cet endroit les cadavres de nos esclaves morts et chaque nuit les hyènes venaient les emporter ; mais, cette année, le nombre des morts a été si considérable que ces animaux ne suffisent plus à les dévorer. Ils se sont dégoûtés de la chair humaine !!!

Dans le Somraï, Nachtigal, après une razzia, assiste à la vente du butin humain et s’exprime ainsi :

« Les sujets d’un âge avancé ne représentaient pas plus de trois thalers Marie-Thérèse (15 francs) au marché de Kouka ; les vieilles femmes, plus aptes au travail et généralement plus gouvernables que les hommes atteignaient le coût de cinq thalers ; les jeunes filles étaient plus chères : on les avait pour une somme qui était la moitié du tarif normal sur la place de Kouka ; elles n’étaient pas toutefois, on le pense bien, une denrée accessible au premier venu et leurs prix ne se maintenaient que parce que le roi et ses hauts dignitaires étaient encore en état de les payer. Quant aux petits enfants, dont beaucoup semblaient à peine capables de marcher, on les donnait presque pour rien, vu le manque de véhicules pour les transporter ; un garçon de six à huit ans, par exemple, s’acquérait moyennant une chemise baghirmienne ou bornouane de qualité ordinaire, tarifée un thaler à Kouka.

« Des maladies décimèrent bientôt ces enfants.

« Aussitôt qu’un de ces pauvrets était mort, on se contentait de le tirer, par les pieds, hors du périmètre du camp, et de le laisser là, à la merci des intempéries et des animaux de la forêt. Aussi. l’air tout autour de nous était-il empesté… »

Près de Stanley-Pool (Lac de Stanley), dans le Haut-Congo, on vend encore des enfants au prix de 60 à 70 francs chacun,

Stanley-Pool est un immense lac formé par le Congo qui a inondé une vaste plaine avant de s’engouffrer dans les gorges étroites des montagnes d’où il descend vers son embouchure comme par une échelle. C’est à cet endroit qu’il redevient navigable et les petits vapeurs peuvent de là s’élancer dans l’intérieur jusqu’à plus de 450 lieues.

Tabora, dans l’Ounyamouézi, dépend du sultanat de Zanzibar. Beaucoup d’Arabes s’y sont établis et ont contribué à son développement. Autour dé leurs maisons, bâties en briques séchées au soleil, avec portes et fenêtres, crépies avec du sable calcaire que l’on trouve dans le pays, sont groupées les huttes des esclaves, ainsi que celles des Wangouanas (nègres musulmanisés) et des Wanyaniouezis, au service du maître.

Le marché se tient en dehors de la ville. Le grand commerce d’ivoire et d’étoffes se fait à domicile. Il en est de même pour les esclaves. On les promène de, maison en maison.

Tabora est le point unique de jonction entre la côte orientale de l’Afrique et les Grands Lacs[8].

Tengrela et Timé sont deux marchés en vogue des Etats de Samory (Haut-Niger).

Tombouctou (que tentèrent de visiter, en 1886, MM. Caron, lieutenant de vaisseau, Lefort, sous-lieutenant d’infanterie de marine et le docteur Jouenne, médecin de la flotte, après avoir, malgré l’attitude hostile des Peuhls et Toucouleurs, descendu en canonnière le Niger, depuis Manambougou, en aval de Bamakou jusqu’à Kabara, port de Tombouctou), est encore un centre très important pour la traite des esclaves fort recherchés par les habitants de Tendouf, dit Lentz. Les esclaves amenés et vendus à Tombouctou se répartissent au Marok et dans les Etats musulmans du nord de l’Afrique. Le lieutenant-colonel Hennebert, qui, malgré l’assassinat de son collègue Flatters, par les Touareg, malgré les difficultés de toutes sortes, n’a pas renoncé à l’idée d’un chemin de fer transsaharien, reliant l’Algérie au Sénégal, en passant par El Goléa et Tombouctou, dit : « Chaque année, à l’ouverture de la foire de novembre, il arrive à Tombouctou des Turcs de Tripoli ; des Arabes Algériens ; des gens de R’damès et d’Insalah ; des Touareg du nord ; des Soudanais de Kouka, de Kano, de Sockoto ; des Maures du Sénégal, notamment de Bamakou, de Segou, de San-Sanding et de Djenné. » Nous ajoutons que tous ces gens-là sont gens à esclaves l’énumération du lieutenant-colonel Hennebert donne une idée du trafic de chair humaine qui doit avoir lieu à ce seul moment de l’année !

Passons dans la Régence de Tunis :

Le marché destiné au commerce des esclaves, à Tunis, était autrefois garni toute l’année de bétail humain, parce que les maîtres mécontents d’un nègre ou d’une négresse les revendaient facilement. Les esclaves eux-mêmes avaient le droit de demander à être remis en vente ; cette requête n’était le plus souvent accueillie qu’à coups de matraque.

Aujourd’hui, pour être clandestin, l’achat d’un esclave n’en est pas moins une affaire de grande importance :

On fait marcher, courir, sauter, se courber, se plier, se tordre en divers sens, l’esclave, mâle ou femelle, qu’on examine. On palpe ses chairs, on fait jouer ses articulations, craquer ses jointures, on explore les parties les plus secrètes de son corps. Les dames, même de la plus haute classe, dégustaient, naguère encore, sur leur langue, la sueur de la jeune esclave qu’elles voulaient acheter, persuadées qu’elles reconnaissaient dans l’appréciation de cette saveur les bonnes ou mauvaises qualités de leur future propriété. Les négriers britanniques procédaient de la sorte, au siècle dernier, pour connaître la valeur morale de la « pièce d’Inde ! »

Après cet examen si scrupuleux, accompagné de recherches aussi étranges parfois, l’acheteur fait une offre préliminaire approximative, suivant le taux du prix ordinaire ; si plusieurs acquéreurs sont en présence la vente a lieu aux enchères.

Si, aucun enchérisseur n’ayant dépassé le prix offert par l’acheteur, celui-ci et le vendeur n’ont pu se mettre d’accord, le courtier ou déllal, se place entre eux et prend chacun d’eux par la main, prie le vendeur de diminuer son prix et l’acheteur d’augmenter le sien. Le vendeur ne répond jamais que : « Yftah Allah, Dieu m’en préserve ! » L’acheteur joint ses instances à celles du courtier. Ce trio de propositions et de refus se fait avec des cris tels et de telles contorsions dans les gestes que le spectateur croit assister à une rixe violente et non à la discussion d’une convention de vente et d’achat. Le débat se termine par la lassitude des parties contractantes et le marché se conclut par la formule : « Bism-illah. Au nom de Dieu ! » que le courtier semble arracher de force aux vendeurs.

L’achat est généralement conditionnel, c’est-à-dire qu’on paie la somme convenue seulement après un délai de trois jours ; le marché devient virtuellement nul dans le cas où l’on découvre un défaut essentiel.

La vente une fois consommée et ratifiée par les deux parties, des scribes délivrent aussitôt un contrat d’achat pour éviter tout litige ultérieur.

Les prix des nègres et négresses sont variables, suivant leur âge, leur valeur intrinsèque et la difficulté de les introduire furtivement.

Une belle négresse, dans tout l’éclat de la jeunesse, coûtait, autrefois, 600 piastres ; les jeunes filles valaient d’autant plus qu’elles approchaient de l’âge de puberté ; les jeunes gens et les hommes faits ont toujours été moins recherchés ; les eunuques atteignaient des prix exorbitants.

Les Tunisiens, comme la plupart des Musulmans, jugent de la bonté du caractère d’un nègre ou d’une négresse, d’après divers indices : le jugement est favorable lorsque l’esclave a un bel œil, bien ouvert, bien clair, avec l’albumine bien nette et bien blanche, les gencives et la langue vermeilles, sans aucune tache brune ou noirâtre, la paume des mains et la plante des pieds couleur de chair, les ongles beaux et réguliers : ils prétendent que les nègres qui ont le blanc de l’œil teinté d’une couleur brunâtre ou rougeâtre et sillonné de ramifications de petites veines apparentes, les gencives et la langue tachetées de brun, sont infailliblement d’un caractère mauvais et d’un naturel incorrigible.

Dès leur arrivée au lieu du marché, les négresses se frottent le corps tout entier d’huile ou de graisse, pour mieux faire ressortir le coloris de leur peau noire ; quoique ces malheureuses n’aient, au lieu de cheveux, qu’une espèce de laine, cependant elles conservent pour cette partie de leur toilette la coutume du pays natal et se couvrent la tête d’une centaine de petites tresses trempées, pour ainsi dire, dans le beurre ou dans la graisse de mouton, qui leur servent de pommade. Toutes ont les oreilles et souvent les ailes des narines percées, pour y suspendre des ornements. Quelques-unes poussent la coquetterie jusqu’à avoir le ventre sillonné de cicatrices régulièrement tracées, dans le seul but d’éviter, par la ciselure de ce tatouage en relief, d’avoir le ventre trop uni, ce qui n’est pas de mode chez elles.

L’Avenir Algérien posait à qui de droit, ces jours derniers, la question suivante :

« Est-il vrai qu’une Française, une Parisienne, soit, arbitrairement et contre sa volonté, séquestrée dans le harem d’un très grand seigneur musulman, à Tunis ? »

La réponse ne nous est point parvenue. Seraient-ce les Françaises qui alimenteraient maintenant les harems Tunisiens, comme les Allemandes, les Anglaises, les Belges et les Suissesses contribuent à remplir les harems Ottomans ?

Le même Avenir Algérien accusait auparavant un haut fonctionnaire, résidant à Tunis, d’avoir acheté une esclave du nom de Selma, d’en avoir usé et de l’avoir passée à sa sœur qui l’aurait cédée à une amie, laquelle l’aurait repassée à une quatrième personne. La pauvre Selma serait, d’étape en étape, venue échouer à la Salpêtrière, dans le service du docteur Charcot. Une proie pour Sainte-Anne, l’asile des aliénés.

Le National recevait, à peu près à la même époque, une longue lettre de Tunisie, lettre que M. Demailly résumait ainsi dans le Gaulois :

« Un indigène de la Manouba, détenteur de douze esclaves, pour punir une de ces malheureuses d’une tentative d’évasion, lui aurait crevé un œil et coupé les petits doigts des pieds.

« Saisi de ces faits, par un avocat de Tunis, le parquet aurait refusé de poursuivre, les esclaves et leur maître étant Tunisiens, et, comme tels, relevant exclusivement des tribunaux beylicaux ; enfin, les plaintes des esclaves ayant été soumises aux autorités tunisiennes, les choses en seraient restées là, le gouvernement du Bey ne daignant même plus répondre aux appels faits à sa justice par un avocat français. »

Depuis la publication de cet entrefilet, a paru le décret du Bey contre l’esclavage.

Ce décret n’est que le corollaire de l’article 37 du traité passé le 19 juillet 1875 entre l’Angleterre et le Bey, traité toujours en vigueur :

« Son Altesse s’engage à abolir à jamais l’esclavage dans la Régence et à faire les plus grands efforts pour découvrir et châtier quiconque dans la Régence y contreviendrait et agirait contrairement à ses prescriptions. »

Le Consul général d’Angleterre dut intervenir déjà, en 1887, pour mettre un terme au scandale de l’esclavage.

« Il demanda, dit M. Pontois, à la police française de faire délivrer des femmes esclaves détenues dans certaines maisons indigènes, notamment chez un nommé Ahmed Moula. Ces malheureuses furent remises au consul d’Angleterre, qui les plaça en service chez des protégés de sa nation[9].

« Celles qui furent enlevées de chez Ahmed Moula avaient, paraît-il, été achetées à Constantinople pour environ 6,000 francs. »

L’Avenir Algérien, qui suivait à Paris cette campagne contre l’esclavage, écrivait à la date du 29 janvier 1888 :

« Nous avons eu aussi la suite de l’histoire des négresses esclaves. Le Bey a joué une jolie comédie. Quand il a su que les trois esclaves de sa nièce avaient été mises en liberté par le consul anglais, il est entré en fureur, il a fait réunir toutes ses esclaves dans la cour de son palais ; puis, il a fait ouvrir les portes et leur a dit solennellement qu’elles étaient libres. Bien entendu qu’aucune n’est sortie, malgré la grande envie que toutes en avaient. A l’heure qu’il est, les trois négresses délivrées, en grande partie par suite du bruit que vous avez fait sur leur réclamation, sont encore prisonnières au consulat d’Angleterre, qui ne les relâchera que quand le Bey aura ratifié leur affranchissement ; or cet affranchissement, demandé le 18 novembre, est déjà effectif depuis le 27 décembre. Vous pensez bien que toutes les négresses, qui peuvent entendre raconter par quels risques et quelles lenteurs il faut passer pour arriver à la liberté, préfèrent rester où elles sont. Deux sont restées chez Mohammed Raouff, et si elles ont regretté un moment de n’avoir pas accepté la protection du consul, qu’elles prenaient pour un piège, elles se moquent maintenant de leurs compagnes, prisonnières du consul, qui semble bien vouloir les garder à son tour dans un nouvel esclavage. En réalité, le retard n’est causé que par la mauvaise volonté des fonctionnaires tunisiens du gouvernement, contrôlés seulement par un ou deux jeunes gens fort naïfs, et quelques étrangers. Mais l’Anglais saura bien prendre, sa revanche, et si c’est au profit des esclaves, il est probable que nous autres, Français, nous n’y gagnerons rien. »

L’Officiel Tunisien imprima, en réponse, la note suivante :

« Il a été publié récemment dans quelques journaux que des nègres ou négresses seraient maintenus en état d’esclavage dans la Régence, et que le gouvernement tunisien tolère ou ne réprime pas suffisamment ces attentats à la liberté humaine.

« On a dit encore que les esclaves en Tunisie ne pouvaient obtenir leur affranchissement qu’en implorant la protection de consulats étrangers.

« Il paraît utile de dissiper ces erreurs.

« Un décret solennel de Sidi Abmed Bey, rendu en moharrem 1262 (janvier 1846), a proclamé en termes formels l’abolition de l’esclavage dans la Régence.

« Des ordres précis ont été adressés à diverses reprises aux autorités tunisiennes pour que ce décret eût son entière exécution, et que les esclaves dont l’existence viendrait à être constatée, fussent immédiatement affranchis.

« Les individus qui se livrent à ce trafic, et ceux qui détiennent des esclaves doivent être déférés aux tribunaux compétents. »

Le décret cité à l’Officiel Tunisien a, en effet, été pris ; le commerce des esclaves, dans un marché public, tenu à Tunis, a cessé depuis 1846 ; mais, dit M. Pontois, l’esclavage n’a pas cessé pour cela en Tunisie : le trafic a continué à se faire sous le manteau de la cheminée des sérails. L’Avenir Algérien, répondant à la note de l’Officiel, fit alors la déclaration suivante, signée A. Husson :

« Nous maintenons tout ce que nous avons précédemment avancé à propos de l’esclavage, et nous engageons vivement nos lecteurs à lire et à relire les Lettres Tunisiennes publiées dans l’Avenir Algérien, depuis le 1er janvier[10]. Nous donnons aujourd’hui le nom des trois femmes esclaves réfugiées au Consulat d’Angleterre, et nous irons plus loin en ajoutant que ceux qui doivent réprimer l’esclavage sont eux-mêmes possesseurs d’esclaves. Nous signalerons au besoin leurs noms et qualités.

« C’est par trop se moquer du public que jouer de solennelles comédies qui ne trompent personne… »

Et, afin de ne laisser aucun doute dans l’esprit de ses lecteurs, le correspondant de l’Avenir Algérien, à la date du 12 février 1888, entra dans les détails suivants :

« Tunis, le 23 janvier 1888.

« Monsieur le Rédacteur en chef,

« Ce n’est pas sans de sérieuses difficultés que je suis parvenu à découvrir le refuge des trois négresses que l’Avenir Algérien a plus contribué que qui que ce soit à faire mettre en liberté. Hier seulement mon courtier (tout se fait par courtier ici) m’a conduit dans un affreux quartier composé d’une longue rue sur laquelle une série infinie de longues impasses s’abouchent perfidement et vous offrent à chaque pas la tentation de vous engager dans une voie au bout de laquelle, après quelques centaines de mètres de marche tortueuse, vous vous heurterez à un mur et devrez reparcourir le labyrinthe en sens contraire.

« Mon guide, après de longues hésitations, de longs pourparlers avec les passants, finit par s’arrêter devant une maison qui paraissait construite avec de la boue, tout au fond d’une boueuse impasse. Il frappa à la porte au moyen de l’anneau qui sert de heurtoir et nous attendîmes. Des voix chevrotantes, accompagnées du son du tambourin et des cymbales, se faisaient entendre à notre arrivée et me rappelaient mes campagnes au Sénégal, déjà lointaines. Mais tout bruit cessa dès que mon compagnon eut heurté. Il redoubla, en prononçant quelques mots qu’il destinait, sans doute, à tranquilliser les gens de céans. En effet, les mêmes voix, mais sur un mode plus craintif que joyeux, lui répondirent. L'accent juif de mon courtier parut avoir tranquillisé la négraille, et l’on nous ouvrit.

« Au même instant une belle fille de vingt-deux ans, qui s’avançait, sans voile, au-devant de l’enfant d’Israël, poussa un cri en voyant une tête d’Européen et disparut. Nous entrâmes en protestant de nos intentions pacifiques, mais tout le monde avait fui : « On vous prend pour le commissaire, » me dit le courtier. Puis, il appela à plusieurs reprises : « Baba Marzouguef » et bientôt un vieux nègre à cheveux blancs, tout ridé, mais le corps bien musclé et la démarche agile, ouvrit une autre porte et entra. Cette porte donnait sur une cour intérrieure, assez proprement pavée, ombragée d’un figuier, où deux négresses se tenaient accroupies. Une troisième femme, mais voilée, s’y tenait aussi ; c’était la blanche qui nous avait ouvert la porte de la rue.

« Après d’assez longs pourparlers avec Baba Marzougue, on finit par nous laisser pénétrer dans la cour, et nous fûmes invités à nous asseoir sur une natte, non loin des dames, avec lesquelles le vieux nègre nous permit, moyennant promesse d’une bonne récompense, de nous entretenir un moment. C’est donc directement, par le seul intermédiaire de mon interprète, que j’ai recueilli les renseignements suivants :

« Les esclaves de la mère de Raouff étaient au nombre de cinq. Deux d’entre elles n’ont pas osé profiter de l’occasion absolument invraisemblable qu’elles ont eue de recouvrer leur liberté. Il a fallu, en effet, pour cela, l’acharnement extraordinaire d’une affranchie, leur ancienne compagne, qui a tout bravé, s’est adressée à toutes les autorités de Tunis et jusqu’au Président de la République, pour que ces malheureuses pussent être arrachées à l’esclavage. Les deux qui ne sont pas sorties ont cru, jusqu’au dernier moment, qu’on leur tendait un piège, car il est inouï qu’on ait jamais fait ici à un homme du rang de Raouff, petit-fils de l’avant-dernier Bey, pareil affront. Sa mère en est tombée dangereusement malade. Quant à l’affranchie dénonciatrice, elle se cache encore plus mystérieusement, sûre que son ancien maître emploiera tous les moyens possibles pour la faire périr, et je n’espère pas arriver à découvrir sa cachette. On m’a assuré, d’autre part, qu’il ne serait pas prudent de montrer trop d’insistance à contrarier ses goûts de retraite, et que c’est une virago, comme le Soudan en produit assez, parfaitement capable de tenir tête à un homme, même les armes à la main. On m’a aussi parlé d’une autre affranchie de la même maison, dont l’histoire serait assez intéressante et que je me propose d’interviewer.

« Le plus âgée des esclaves que j’ai eues en ma présence, se nomme Salamatou. Elle m’a donné connaissance de son acte d’affranchissement qui est en langue arabe, surmonté du sceau beylical et portant au bas, avec le cachet du Consulat britannique de Tunis, la mention en anglais : « Selimet bent Abdallah. Jennnary 16, 1888. Thomas B. Sandwich. H. B. M. Consul. » Cette femme dit avoir été amenée du Soudan (Haoussa) à Tripoli, il y a quelques années, peu de temps sans doute, car elle ne parle pas arabe et mon interprète ne la comprenait que par l’intermédiaire de l’autre négresse. Il y a trois ans, son maître, avec lequel elle avait eu un enfant, mourut, et un soldat l’ayant volée l’amena à Tunis, où il la vendit à Aïcha-Baya, mère de Raouff. Elle prétend avoir une fille esclave chez le Bey de Tunis.

« La seconde négresse est dans la force de l’adolescence ; c’est elle qui était cuisinière chez Raouff. Elle se plaint à chaque instant des épaules qu’elle voûte par moment avec un tic nerveux, et donne de cela l’explication suivante : Il y a quelque temps, sa camarade l’affranchie lui fit dire qu’elle pouvait compter être mise prochainement en liberté. Notez qu’elle est depuis neuf ans chez Mohammed Raouff, à la mère duquel elle fut donnée par le premier mari de celle-ci, un Grec renégat, qui exerçait les hautes fonctions de garde des sceaux, et l’avait achetée au Djerid[11] trois mille piastres (moins de mille francs). Quand elle apprit cette bonne nouvelle, elle faillit devenir folle de joie, si bien que, le soir, elle oublia de jeter les balayures à la rue. Le lendemain matin, quand le tombereau des immondices fut passé et que les autres serviteurs lui rappelèrent son oubli et les conséquences qu’il pouvait avoir, car Raouff passe pour avoir commis plusieurs meurtres sur la personne de ses esclaves, elle répliqua tout exaltée : « Sous la protection de l’autorité française, nous n’avons plus rien à craindre. » Ce propos fut rapporté à Raouff, qui la bâtonna avec la dernière brutalité ; puis, quand il fut fatigué de la battre, il la fit encore rouer de coups, par trois hommes à son service.

« La troisième femme que j’avais vue le visage à découvert, mais qui ensuite est restée voilée, d’après ce qu’elle dit, et au témoignage même de mon interprète, est une Arabe pure, qui ne sait même pas la langue de ses compagnes, comme il arriverait si elle était la fille d’une esclave du Soudan ; d’ailleurs, je l’ai vue assez pour pouvoir affirmer que c’est une blanche. Sa lettre d’affranchissement, à ce qu’elle dit (car je n’ai pu le faire vérifier par une personne de confiance lisant l’arabe), porte une indication erronée, contre laquelle elle proteste avec énergie. Elle y serait nommée Khayra, fille d’Abdallah. Or, cette qualification est celle qu’on donne, soit par mépris, soit par euphémisme, aux personnes dont le père est inconnu (Abdallah signifie serviteur de Dieu) ou infidèle. « Mais, dit-elle, je suis née libre, de parents libres et musulmans, et c’est en violation de la loi musulmane elle-même que j’ai été réduite à l’esclavage. J’ai été enfermée dans la maison d’Aïcha-Baya du temps de son premier mari, le Grec renégat. Mon père s’appelait Amor et était d’origine marokaine ; il était venu s’établir à Zaghouan, où il exerçait, comme ses compatriotes, le métier de garde de récoltes. Ma mère se nommait Fatma et son père Boubaker, originaire du Fezzan. » Elle m’a montré son acte d’affranchissement, sur lequel le Consul de sa nation d’adoption, c’est-à-dire M. Sandwich, a écrit son nom ainsi : « Khéra bent Hadj Amor. »

« Tels sont les renseignements que j’ai pu recueillir. »

« Et cette lettre :

« Monsieur le Rédacteur en chef,

« J’ai été amenée toute jeune de mon pays natal à Tripoli de Barbarie et vendue à un notable de la ville, nommé Mohammed Etourki, écrivain, employé du gouvernement, qui demeurait dans la rue dite Zencal-El-Khokha (disait Zina Hawsawia dans une lettre au consul anglais). J’eus de lui un fils nommé Mohammed. Il avait un autre fils nommé Ali, écrivain comme lui. Mon maître mourut et son fils aîné, devenu chef de la famille, me maria, non plus en qualité d’esclave mais comme légalement affranchie par la mort de mon maître, dont j’avais eu un enfant, avec un soldat nommé Ali. Celui-ci m’amena à Tunis à l’époque où l’armée française était campée devant la ville. Il me logea pendant quelque temps chez un boucher, puis un beau jour, sous prétexte de me conduire chez ses parents qu’il m’avait dit habiter Tunis, il me fit entrer dans la maison Raouff, dont la porte se referma derrière moi pour sept ans.

« Votre protection ne suffirait pas pour me mettre à l’abri d’un nouvel enlèvement. Des négresses libérées sur votre requête, ont été enfermées de nouveau et réduites encore à l’esclavage. L’une des deux femmes qui étaient esclaves avec moi et que vous avez délivrées n’était pas Soudanienne, mais blanche, fille d’homme et de femme libres. Quelle sécurité y a-t-il pour moi ici ? Alors même que j’étais chez votre janissaire, sous votre protection directe, Mohammed Raouff a fait tout ce qu’il a pu pour me reprendre chez lui.

« Pour ces raisons, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien faire demander à M. le Consul de la Grande-Bretagne à Tripoli, s’il est possible, d’après les indications qui précèdent de retrouver mon fils Mohammed, mulâtre, fils de Mohammed Etourki, qui demeurait dans la Zencal-el-Khokha ; je l’ai laissé en âge de jeûner et il doit avoir maintenant au moins vingt-deux ans. Si on le retrouvait, je ferais alors tout mon possible pour aller le rejoindre, soit qu’il paie mon voyage, soit que, par mon travail ou par la charité publique, je parvienne à me procurer l’argent nécessaire.

« Votre très dévouée servante, Zina Hawsawia, demeurant chez Fatma Bernawia, maison Sad Ben Abid, quartier Bab-Sadoun, Tunis. »

« La lecture de cette lettre me suggère deux réflexions, ajoute un correspondant de l’Avenir algérien :

« La première, c’est que cette société tunisienne est une bien étrange société musulmane ; car, à en juger par cet indice qui nous en est si heureusement révélé, on ne s’y fait guère scrupule de violer le plus sacré des droits de l’homme, du musulman, la liberté.

« L’esclavage, chez les Musulmans, est soumis à un code extrêmement détaillé, dont il suffira de citer deux dispositions :

« L’une, c’est que le Musulman est naturellement libre, et il est bien étrange que Khayra, la compagne de l’auteur de cette supplique, ait pu rester quinze ou vingt ans dans une maison comme esclave, quoique musulmane, née de parents libres et musulmans établis en Tunisie, sans que l’autorité ait été saisie de ce fait abominable.

« L’autre, c’est que l’esclave, c’est-à-dire le captif infidèle, n’est pas entièrement et sans restriction la chose de son maître, et qu’il suffit notamment que la femme esclave ait un enfant de lui pour qu’elle soit affranchie ipso facto, le jour où il meurt. Ainsi Zina était libre aussi. Sur trois esclaves que le plus grand des hasards permet de découvrir chez ce richard Tunisien, où le plus profond mystère régnait jusqu’alors, comme on va voir, deux étaient détenues en contravention à la loi religieuse elle-même.

« Et mon autre réflexion, c’est qu’il est bien étrange que l’administration française de Tunisie croie pouvoir impunément pousser le sans-gêne aussi loin. Voilà un fait monstrueux, que la presse révèle aux quatre coins du monde ; les journaux de tous les pays possibles s’étonnent dans toutes les langues, au point même de mettre en doute un fait aussi invraisemblable, que l’esclavage puisse encore exister à trente-six heures de Marseille, et le gouvernement franco-tunisien pense qu’il est suffisant, pour sauver sa responsabilité, de publier dans un journal officiel des menaces à l’encontre des propriétaires d’esclaves, dont il ne fait ainsi que reconnaître assez naïvement l’existence. Mais la meilleure façon, semble-t-il, d’effrayer ces marchands de chair humaine, c’eût été de faire un exemple au moyen du coupable que l’on tenait. Tout au contraire, il est parfaitement certain que la Résidence française de Tunis, ni après le 18 novembre, époque à laquelle elle a reçu la plainte d’une nommée Dadi au sujet des trois esclaves, ni depuis que le consul d’Angleterre en a exigé la mise en liberté, le 27 décembre, ni depuis qu’elles ont reçu leur patente de liberté, il y a deux semaines, n’a pris la peine de les faire interroger par le moindre de ses agents, pour savoir quels étaient leurs griefs, les craintes qu’elles peuvent avoir en face d’ennemis puissants, la réparation à laquelle elles prétendent. »

Nous n’avons certes nullement la mission de prendre la défense de M. Massicault, Résident général de France à Tunis, nous le connaissons trop pour douter un seul instant de son habileté ; mais il nous paraît utile de faire remarquer : 1° que le traité de Kassar-Saïd (passé au moment où l’on signait certains engagements avec l’Angleterre, notamment celui de ne jamais transformer le port de Bizerte en un second Gibraltar, au profit de la France) ne renferme aucun article ayant trait à l’esclavage.

2° Que l’article 4 dit expressément cependant : « Le gouvernement de la République garantit l’exécution des traités existant entre le gouvernement de la Régence et les diverses puissances européennes. »

Voilà qui est formel, net et précis ! M. le Résident général aurait dû, par conséquent, appuyer les démarches du consul anglais, qui se basait sur l’article 37 du traité anglo-tunisien. Mais l’Avenir Algérien a des yeux d’Argus, ses accusations deviennent excessivement graves. Nous ne le suivrons pas sur un terrain aussi dangereux.

Terminons par un dernier emprunt à l’Avenir Algérien et au livre vibrant de M. Pontois ; Zina avait eu de Mohammed Raouff un enfant qui heureusement ne vécut pas longtemps. Plus tard elle devint encore enceinte ; mais, non, paraît-il, par le fait des remarques du maître ; ainsi dirait-on, dans l’Etrangère !

« A partir de ce moment, elle (la maîtresse de Zina, Aïcha-Baya) ne passa pas un jour sans imaginer quelque nouveau supplice. Et chose étrange, la grossesse suivait son cours régulier. On liait la malheureuse, on la couchait sur le dos, une matrone la fouettait vigoureusement sur le ventre ; ou bien on la forçait à courir et à sauter de haut en bas. Le jour où les douleurs de l’enfantement lui arrachèrent des plaintes plus vives que les coups, la maîtresse exigea que son fils la fit frapper à coups de bâton, et il obéit. Elle voulait que le châtiment dura jusqu’à ce que la mort s’ensuivît ; mais, les bourreaux se lassèrent. Elle entendit encore sa victime, laissée pour morte, qui geignait dans un coin obscur, et elle demanda que le jardinier l’emportât pour l’enterrer dans le jardin. Raouff moins cruel, refusa… Une pauvre petite fille vit le jour… Aïcha envoya chercher, en ville, une boîte d’épingles, et, pendant plusieurs heures, elle s’amusa à planter des épingles blanches dans la petite tête noire du nouveau né. Lorsque l’enfant eut dépensé en sanglots toute la chétive vie qu’elle avait reçue de sa mère, la princesse la jeta sur le sol. la saisit par la jambe, lui mit un pied sur le col et lui arracha la tête ; puis on jeta les morceaux dans l’égout. »

Que nos lecteurs ne nous accusent point d’avoir voulu faire du sentiment, d’avoir cherché à les émouvoir par le récit plus ou moins exact d’un forfait abominable, d’un acte de sauvagerie ignoble, le plus ignoble parce que c’est une femme qui s’en est rendue coupable ! Nous n’inventons rien, nous n’amplifions rien, nous reproduisons simplement (en supprimant même, par respect pour notre public, certains détails trop réalistes), un passage de l’Avenir Algérien, que M. Pontois, maintenant député, et ancien Président du Tribunal de Tunis, a cru aussi devoir insérer dans son ouvrage les Odeurs de Tunis. Et M. Pontois n’est pas homme à s’embarquer à la légère. De plus c’est un ancien magistrat et un Président honoraire de Cour d’Appel.

Si le fameux marché des esclaves, à Zanzibar, a été fermé par le Grand Pacte de l’abolition de la traite, en 1848, comment se fait-il que Livingstone ait encore pu écrire sous la date du 2 mars 1866 :

« … Visité aujourd’hui le marché aux esclaves. Trois cents individus à peu près étaient en vente : le plus grand nombre venant du Chiré et du Nyassa.

« Excepté les enfants, tous semblaient honteux de leur position : les dents sont regardées, la draperie relevée pour examiner les jambes ; puis, on jette un bâton, pour qu’en le rapportant l’esclave montre ses allures. Il en est qu’on traîne au milieu de la foule, en criant sans cesse le prix qu’on en désire. La plupart des acheteurs étaient des Arabes et des Persans. »

On nous répondra : depuis 1866 les choses ont changé ! Nous prions Stanley (1871-1872) de riposter :

« Zanzibar est le Badgad, l’Ispahan, le Stamboul de l’Afrique Orientale ; c’est le grand marché qui attire l’ivoire, le copal, l’orseille, les peaux, les bois précieux, les esclaves de cette région ; c’est là qu’on y amène, pour y être vendues au dehors, les noires beautés de l’Ouhiyou, de l’Ougindo, de l’Ougogo, de la Terre de la Lune et du pays des Gallas… Les classes laborieuses sont composées d’Africains, esclaves ou hommes libres. »

Si le commerce public des esclaves est prohibé, le commerce clandestin fleurit toujours, malgré tous les efforts du Sultan de Zanzibar et des autorités anglaises pour le supprimer. Il y a cependant loin de 1848 à 1890 ! Les extraits de Livingstone et de Stanley démontrent combien il a fallu de temps pour obtenir ce résultat !

Dans les Zéribas du Haut-Nil, avant l’envahissement de l’Egypte par les Madhistes et la reprise de Khartoum, les articles d’échange consistaient en cuivre et cotonnade, dont la valeur très variable était toujours réduite à celle du cuivre. Schweinfurth vit vendre un jeune esclave de la catégorie des Sittahsis (littéralement haut de six palmes), fille ou garçon, de huit à dix ans, trente rottolis[12] de cuivre chez Ziber et vingt-cinq chez les Bongos et les Djours, ce qui, d’après la valeur qu’avait alors le métal, à Khartoum, portait le prix moyen de l’enfant à 7 thalaris et demi (39 fr. 35).

Les jolies nadifs[13] ou jeunes filles se payaient le double, parfois même le triple. La demande en était considérable, elles restaient dans le pays.

Les femmes adultes, laides, mais pleines de force, étaient moins chères que les nadifs. Les femmes âgées étaient sans valeur aucune.

Les marchands des zéribas tenaient fort peu d’hommes faits. Leur transport était difficile ; de plus ces esclaves-là obéissaient mal et ne se laissaient pas facilement diriger.

Les armes à feu valaient autant que le calicot. On pouvait échanger trois sittahsis contre un fusil commun à deux coups, de Belgique ou de France ; quand le fusil avait quelques dorures, il était troqué contre cinq de ces pauvres négrillons.

Rendu à Khartoum, l’esclave valait dix fois son prix d’achat.

Nous avons vu, il y a quelques années, dans une manufacture d’armes belge, à Liège, des fusils destinés aux nègres Africains : ils étaient à silex, à bassinet, avec fût en bois blanc et un canon dont l’épaisseur devait avoir atteint moins que le minimum. Coûtaient-ils, en fabrique, 5 francs pièce ?

C’étaient les Anglais qui se chargeaient d’écouler cette excellente marchandise !

Abechir, capitale de l’Ouaday, est reliée au Caire.

Kano, l’est à Tripoli et à Tunis, par Aghadès, Rhat et Ghadamès.

Le Kordofan Test à Khartoum, par El Obêid ; — à Moussalemié, par le Sennaar ; — à Dongola, par El Safi, à travers les steppes des Béyoudes ; — à Berber, par le Nil et le Grand Désert de Nubie.

Kouka, capitale de Bornou, l’est à Tripoli, par Mourzouk.

Enfin, de Tombouctou les caravanes se rendent par Insalah :

l° A Figuig, Marok et Tanger ;

2° A Tougourt, Tripoli et Tunis ;

3° A Ghadamès, le Caire, la Mekke, par Kosseïr, Souakim, Massaouah et Djeddah (ports d’embarquement et de débarquement des pèlerins Africains se rendant à la Mekke).


  1. Au confluent du Bénué et du Niger.
  2. Capitale du Bornou.
  3. Le Marok. Tour du Monde, 1885.
  4. Le Marok. Voyage d’une mission française à la Cour du Sultan, Paris, 1886, Plon-Nourrit et Cie, éditeurs.
  5. Revue politique et littéraire ; Revue Bleue, 2e semestre, 188, p. 546-547.
  6. Le Macina s’étend sur la rive gauche du Niger supérieur, entre Kabara, port de Tombouctou et le Soudan Occidental.
  7. Wangouanas, nègres musulmanisés de la côte.
  8. Une dépêche adressée de Zanzibar au Times, à la date du 16 septembre, annonçait qu’Emin-Pacha était arrivé le 4 août à Tabora ; il y avait arboré le drapeau allemand et pris possession des canons qu’avait dans cette ville le sultan Sike.
    Ce dernier lui aurait en outre livré vingt défenses d’éléphants et quatre cents têtes de bétail comme compensation des biens perdus par le pacha.
    Satisfait, Emin s’est dirigé sur l’Ousoukouraa, après la soumission complète de l’Ounyamouezi.
  9. Les Odeurs de Tunis, op. cit., pages 152 à 163.
  10. C’est sur la réclamation du Consul anglais, mis en mouvement par le délégué anglais de la Société anti-esclavagiste de Londres, que les trois négresses Zeina, Salamatou et Khayra, furent mises en liberté.
  11. Ce renégat Grec avait donc acheté l’esclave nonobstant le traité de 1875. Note de l’auteur.
  12. Le rottoli pèse 450 grammes ; mais dans cette contrée le poids en est purement nominal et les trente rottolis en question n’en représentaient réellement que dix-huit du poids égyptien.
  13. En arabe ned’if, féminin, ned’ifa au pluriel, ned’af signifie : net, propre, pur, c’est-à-dire vierge !