L’upas de l’île de Java

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L’UPAS DE L’ÎLE DE JAVA.

Le poison le plus actif du règne végétal, et dont les prompts et terribles effets font le sujet, dans l’Orient, de plus d’un récit tragique, est produit par l’upas, arbre dont nous empruntons à un naturaliste étranger anglais la description suivante :

L’upas, dit-il, qui croît abondamment dans la partie orientale de Java, appartient à la vingt-unième classe de Linnée (monoecie). Les fleurs mâles et les fleurs femelles viennent sur la même branche, à peu de distance les unes des autres, et les dernières assez généralement au-dessus. Les fleurs mâles ont le calice formé de plusieurs écailles imbriquées, la corolle nulle, les étamines à filets très-courts, reposant sur un réceptacle de forme conique. Les fleurs femelles, en chatons, ont le calice formé d’écailles également imbriquées et en général plus nombreuses que dans les fleurs mâles, la corolle nulle, le pistil contenant un seul ovaire, deux styles longs et déliés, des stigmates simples et aigus. Le fruit consiste en une drupe oblongue, qui renferme une noix alongée.

Cet arbre, qui est un des plus grands des forêts de Java, a un tronc cylindrique qui s’élève perpendiculairement et nu, de soixante à quatre-vingts pieds. Il est recouvert par une écorce blanchâtre, qui, près de terre et dans les vieux arbres, a plus d’un pouce d’épaisseur. C’est en pratiquant des incisions à cette écorce qu’on obtient la sève qui coule abondamment et donne le poison dont on fait un si terrible usage ; elle est contenue en grande abondance sous l’épiderme. L’écorce intérieure, ou le liber des jeunes arbres, est employée par les habitans les plus pauvres, à tresser une espèce d’étoffe grossière dont ils se couvrent pendant qu’ils travaillent aux champs ; mais ce vêtement leur cause souvent des démangeaisons insupportables.

Lorsque les insulaires défrichent les forêts où croissent des upas, ils craignent d’en approcher, redoutant les éruptions cutanées que peuvent produire les émanations qui s’en exhalent. Cependant, si l’arbre n’est point abattu, si son écorce n’a pas été trop fortement entamée, on peut s’approcher sans danger. Des buissons et des plantes de toute espèce croissent dans son voisinage, comme à l’ombre des autres arbres.

Pour confectionner le poison, on dépose dans un vase environ huit onces de sève qui doit avoir été recueillie la veille, et à laquelle on mêle une certaine quantité de jus d’ail et d’oignon. On ajoute à cette composition du poivre noir pilé très-fin, et on remue le tout. Les habitans de Macassar, de Borneo et des îles de l’Est, empoisonnent avec ce liquide des flèches très-légères, armées d’une dent de chien de mer, et qu’ils lancent avec une espèce de sarbacane. Les symptômes qui se manifestent après la blessure sont ordinairement un tremblement continuel dans les extrémités, un malaise général, des faiblesses et des évanouissemens fréquens, une respiration embarrassée, des contractions spasmodiques, des convulsions violentes, et enfin la mort. Il paraît, du reste, que l’action du poison a lieu exclusivement sur le système sanguin. Le sang abandonne totalement le corps du malade et est refoulé dans les grands vaisseaux du thorax qui en sont engorgés.

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