La Cathédrale de Lyon/I

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Henri Laurens (p. 9-26).
Mur d’enceinte du cloître de Saint-Jean, côté nord, xve siècle
(Reconstitution de M. R. Le Nail).

I

HISTOIRE DE LA CONSTRUCTION


Les origines. — L’église Saint-Jean-Baptiste, aujourd’hui cathédrale de Lyon et primatiale des Gaules, n’a pas été dès l’origine le centre de la vie religieuse de la cité : la première basilique de Lyon s’élevait, au milieu de marécages, sur l’emplacement où saint Irénée et saint Pothin avaient réuni le noyau de la communauté chrétienne et qu’occupe aujourd’hui l’église Saint-Nizier. Après le triomphe du christianisme, le culte se transporta sur la rive droite de la Saône, au pied même de la colline de Fourvière où s’étageait la ville gallo-romaine, couronnée par le forum, le palais des Césars et l’amphithéâtre où coula le sang de tant de martyrs qui féconda l’Église de Lyon, l’an 177.


Les trois églises. — Dans ce quartier Saint-Jean, auquel la cathédrale devait donner son nom, s’élevèrent trois églises : Sainte-Croix, Saint-Étienne, et un baptistère sous l’invocation de Saint-Jean-Baptiste. Les trois édifices étaient enfermés dans un même cloître : le cloître Saint-Jean, qui formait comme une cité ecclésiastique. Saint-Étienne aurait été fondée par saint Alpin, évêque de Lyon, vers la fin du ive siècle, puis rebâtie par saint Patient, en 480, après l’invasion des barbares, et restauré par Leydrade au temps de Charlemagne.

L’édifice communiquait au nord avec Sainte-Croix, au sud avec Saint-Jean et fut cathédrale jusqu’au xiiie siècle. À ce moment, remplacé par Saint-Jean, il devint baptistère à son tour ; mais on n’y administrait que le baptême « par immersion » ; les autres se faisaient à Sainte-Croix qui, élevée au début du viie siècle par l’évêque saint Arrige et restaurée par Leydrade, fut reconstruite en 1444 par le chapitre et par ses paroissiens : c’était l’église paroissiale du quartier.

Sainte-Croix et Saint-Étienne disparurent pendant la Révolution : vendues en 1792, elles furent livrées aux démolisseurs en 1796.


Église primitive. — Nous n’avons aucun document écrit sur l’ancienne église Saint-Jean avant l’époque de Charlemagne. À ce moment Leydrade la fit recouvrir, en restaura les parties ruinées
Le petit cloître, Saint-Jean, Saint-Étienne, Sainte-Croix
(D’après un dessin de M. R. Le Nail)

pendant les invasions et en fit la plus grande église de la ville : maxima ecclesia quae est in honorem sancti Johannis Baptistae, comme il l’appelle explicitement. Mais nous ignorons presque tout de la forme et des proportions du vaisseau, ainsi que de son ornementation. Cependant, une poésie du diacre Florus, contemporain de l’archevêque Agobard, successeur de Leydrade, nous apprend que la voûte du chœur, où l’on conservait les reliques des saints martyrs Spérat, Cyprien et Pantaléon, était décorée d’une mosaïque représentant le Christ entouré des quatre animaux symboliques, les Apôtres disposés à ses côtés, l’Agneau divin, les quatre fleuves du paradis et saint Jean administrant le baptême. Cette mosaïque, probablement carolingienne, imitait celles des basiliques romaines.

On sait en outre, d’après une ancienne tradition confirmée par l’archevêque Renaud de Forez, en 1208, qui accordait certains privilèges à la corporation des pelletiers, que le terrain sur lequel s’élevait l’église avait été libéralement concédé par un membre de cette corporation.

Dès le milieu du xie siècle, l’église Saint-Jean menaçait ruine et, malgré d’importants travaux de restauration, tels que ceux entrepris par le doyen Richon, qui fit refaire la toiture et soutenir par un mur haut et épais l’abside qui s’effondrait[1], on dut songer à sa reconstruction.

Les travaux du nouvel édifice étaient assez avancés entre 1084 et 1100 pour que l’archevêque Hugues Ier pût faire exécuter à ses frais le clocher, la toiture, le maître-autel et même cinq verrières. De 1107 à 1117 son successeur Gaucerand termine l’édifice par l’abside qu’il fit reconstruire en matériaux de choix travaillés avec le plus grand soin preciosissimis et politis lapidibus, nous dit l’Obituaire, et provenant des monuments antiques du forum bâti par Trajan. Les travaux durèrent une quarantaine d’années. L’édifice, d’une grande richesse, était éclairé par de nombreuses verrières peintes. Il était précédé d’un portique soutenu par des colonnes de marbre et décoré de peintures, comme le sanctuaire, dont les noms des donateurs nous ont été conservés. En même temps que l’église, à la fin du xie siècle, on élevait le cloître au sud de la cathédrale. On en voit le mur occidental qui forme la façade de l’édifice connu sous le nom de « Manécanterie » et que l’on a souvent attribué à une date beaucoup plus reculée. Ce cloître était contemporain de l’église d’Ainay, dont il rappelle le style et aussi le parti ornemental de briques incrustées.

Au milieu du xiie siècle, l’église cathédrale était entièrement achevée. C’est à cette époque qu’éclatent les sanglantes querelles entre l’archevêque de Lyon et le comte de Forez qui prétendaient exercer le droit de souveraineté temporelle sur le comté de Lyon. En 1162, Guy II de Forez envahit la ville, saccage le cloître, le palais archiépiscopal et l’église Saint-Jean. C’est une des raisons qui entraînèrent la reconstruction complète de cette deuxième église. À cette époque de transition où l’architecture subissait une véritable transformation, les exemples de reconstruction de cathédrales récemment terminées, comme celles de Chartres, de Laon, etc., n’étaient pas un fait extraordinaire.


Construction de la cathédrale actuelle. — Le nécrologe de l’église de Lyon nous apprend de façon précise que l’archevêque Guichard, qui siégea de 1165 à 1180, entreprit et termina le mur d’enceinte fortifié du grand cloître qui englobait Saint-Jean, Saint-Étienne, Sainte-Croix et tous les édifices habités par les membres du chapitre. En même temps, il fonda l’église[2]. Le terme « inchoatum » est explicite et ne saurait laisser d’équivoque. Il s’agit expressément de la fondation de l’édifice et non d’une continuation des travaux, comme on a cru pouvoir l’avancer en appliquant le texte relatif à Gaucerand à la construction de l’abside actuelle. De plus, il est facile d’établir que la sculpture des édifices de la région lyonnaise à date certaine entre 1160 et 1180, comme celle des porches de Saint-Pierre et de l’ancienne chapelle de Fourvière, de l’église Saint-Paul à Lyon, de Saint-André à Vienne, est contemporaine, pour le style, de la décoration de l’abside de Saint-Jean.

En même temps que l’abside s’élevait jusqu’au-dessus du triforium, on construisait les deux chapelles latérales du chœur. Ces nouvelles constructions devaient envelopper l’ancienne église, de proportions beaucoup moins vastes, et dont le chevet, nous l’avons vu, se trouvait à plus de quinze mètres en deçà de la nouvelle abside. À mesure de l’avancement des travaux on démolissait progressivement l’ancien édifice.

Photo L. Bégule.

Abside de la cathédrale

Ici s’arrête l’œuvre entreprise par l’archevêque Guichard, où l’on constate l’influence des traditions ornementales de l’Orient comme celle des monuments romans de la Provence et aussi des édifices de la Bourgogne, où l’arc brisé commençait à s’imposer.

La construction de la « grande église » fut poursuivie sous l’administration de l’archevêque Jean de Bellesme, à partir de 1192. Cette deuxième campagne comprend les voûtes de l’abside et du chœur, les deux bras du transept jusqu’à la naissance des voûtes, et une faible partie du mur en retour des bas côtés de la nef, jusqu’aux voûtes et y compris le petit porche s’ouvrant au midi sur la cour de l’archevêché. C’est à cette campagne qu’il faut attribuer la plantation de tout le périmètre de l’édifice jusqu’au niveau des bases des piliers, dont les profils rappellent d’assez près les bases romanes de l’abside.

Dans le premier tiers du xiiie siècle, les archevêques Renaud de Forez et Robert d’Auvergne poursuivent les travaux en voûtant le transept, en élevant les deux tours qui le surmontent, ainsi que les quatre premières travées de la nef et des collatéraux. Tout ces travaux étaient achevés lorsque, en 1245, le pape Innocent IV, entouré de 144 évêques, après avoir consacré le maître-autel, tint, dans la cathédrale, du 28 juin au 17 juillet, le concile où fut excommunié et déposé l’empereur d’Allemagne Frédéric II.

En 1274, quand Grégoire X présida le grand concile de Lyon, où fut proclamée la réunion des Églises latine et grecque, le vaisseau était déjà assez vaste pour contenir les cinq cents évêques, les soixante-dix abbés et les mille autres prélats qui avaient répondu à la convocation du pape. Enfin, en 1293, on abattait le clocher de l’église primitive, encore debout.

À partir du dernier tiers du xiiie siècle les travaux n’avancent plus que lentement. La partie inférieure de la façade est élevée, au temps de Pierre de Savoie, de 1308 à 1332, sur les bases fondées à la fin du xiie siècle ainsi que les deux dernières travées qui ne reçoivent leurs voûtes qu’à la fin du xive siècle, grâce aux libéralités du cardinal de Talaru (1375-1389) et de l’archevêque Philippe de Turcy (1389-1415). En 1392, le maître de l’œuvre, Jacques de Beaujeu, ouvre dans le mur du deuxième étage de la façade la grande rose, dont les vitraux, exécutés l’année suivante par Henriet de Nivelle, illuminent la nef des feux du couchant.

Pendant le cours du xve siècle l’œuvre de Saint-Jean se poursuit et se termine dans son ensemble et ses détails : la partie supérieure du clocher méridional est élevée en 1413 ; seuls, les sommets des tours ne reçurent jamais leur couronnement. En 1419, on reconstruisit le petit cloître et, en 1467, on le remania du côté de la Saône : sa galerie occidentale sert aujourd’hui de chœur d’hiver au chapitre. En 1459 on édifia à nouveau la salle capitulaire et la salle du trésor. Enfin, la partie supérieure de la façade, avec le pignon central et les deux tours est de 1480. L’année suivante, ce pignon est couronné par les statues monumentales du Père Éternel, de la Vierge et de l’ange Gabriel, œuvres du « tailleur d’images » Hugonin de Navarre.


Ressources de l’œuvre. — Après quatre siècles d’efforts persévérants, la cathédrale de Lyon était achevée. Mais, pour mener à bien une œuvre de cette importance il fallait d’abondantes ressources. Et pourtant, l’église de Lyon n’était point riche, ayant eu beaucoup à souffrir de l’invasion des barbares, de querelles intérieures et de luttes ruineuses qu’elle eut souvent à soutenir à main armée contre de puissants voisins avant la réunion du Lyonnais à la France. Aussi dut-elle faire appel aux libéralités particulières, qui affluèrent d’ailleurs bientôt, et nous voyons les archevêques Renaud de Forez en 1226, Robert II en 1232, les dignitaires du chapitre, le doyen Étienne vers 1190, le doyen Guillaume de Collonges en 1226, le précenteur Uldric Palatin et le prêtre Laurent d’Izeron en 1231, le doyen Arnauld de Collonges et nombre d’autres offrir des sommes importantes, des verrières, des orfèvreries. Des laïques suivent l’exemple : un bourgeois, Ponce, et une veuve entretiennent chacun un ouvrier pendant une année. À côté de ces dons particuliers mais incertains, le clergé métropolitain ne pouvait disposer annuellement que de 600 livres fixes pour la construction. Malgré ces généreux concours, l’œuvre n’avançait que lentement.

Le grand concile tenu par Innocent IV, pendant son séjour à Lyon en 1245, fut une bonne fortune pour l’œuvre de « la grande église ». Les nombreuses indulgences concédées par le pape à tous

Photo L. Bégule.

Côté latéral de l’abside et clocher de la Madeleine

les fidèles qui venaient en aide à la « fabrique » pour l’achèvement de la cathédrale, activèrent efficacement l’élan de générosité. Ses successeurs, Alexandre IV en 1255, Urbain IV en 1262, Jean XXII, à l’occasion de son couronnement dans la cathédrale en 1316, accordent aux donateurs de nombreux privilèges spirituels et de nouvelles indulgences. Dès la fin du xiiie siècle, pour activer les travaux, une « Confrérie de l’œuvre de Saint-Jean » fut fondée dans toutes les paroisses du diocèse, pour centraliser les aumônes et en assurer le recouvrement. Enfin, en 1393, Clément VII étendit aux bienfaiteurs de la cathédrale de Lyon les indulgences concédées jadis à ceux des églises de Latran et de Saint-Pierre de Rome.


Provenance des matériaux. — Dans toute la partie de l’église construite au xiie et au xiiie siècle l’appareil est magnifique ; dans l’abside, les parties basses du transept et les soubassements des murs latéraux et de la façade, ce sont des blocs de marbre et de « choin », calcaire à grain serré, cubant souvent plus de deux mètres et provenant de l’ancien forum de Trajan qui s’écroula en 840. Ce fut là une carrière inépuisable qui alimenta non seulement l’œuvre de la cathédrale, à laquelle un acte de 1192 réserve spécialement les choins de Fourvière, mais encore plus tard celle de Saint-Nizier et plus près de nous celle de l’ancienne église de Fourvière. Sur un certain nombre de ces blocs qui avaient été des entablements de temple, des cippes funéraires, on a relevé de nombreuses et précieuses inscriptions. Dès le xiiie siècle les matériaux furent tirés, en grande partie, des carrières de Lucenay et d’Anse, qui appartenaient au chapitre.


Les maîtres de l’œuvre. — Nous ignorons le nom de l’auteur du plan de la cathédrale ; nous savons seulement, que les « maîtres de l’œuvre » de Saint-Jean, magistri operis sancti Johannis, avaient la direction générale des travaux. Ils s’occupaient des plans et dessins, de la surveillance de l’exécution et de la qualité des matériaux, de la visite des carrières, de la police des chantiers. Le maître de l’œuvre était lui-même un véritable « appareilleur » et traçait souvent de sa main le « trait », la coupe

Profils de tacherons ou d’imagiers

des pierres. Les ouvriers placés sous sa direction marquaient les matériaux travaillés par eux de signes distinctifs, que l’on rencontre très nombreux dans presque tout l’édifice, mais seulement à partir de la fin du xiie siècle.

Les corporations d’ouvriers étaient dirigées chacune par un des maîtres des œuvres spéciales : pour la charpente le magister in arte carpentariae, la serrurerie le magister in arte fabricaturae, la toiture le magister copertor, les peintres le magister pictor, les verriers ou vitriers le magister verrerius ou vitrarius.

Parmi les maîtres de l’œuvre dont les actes capitulaires nous ont conservé les noms un seul, « Robert le maçon», mentionné en 1147, aurait pu travailler à l’œuvre de l’église primitive. Puis nous trouvons : Gauthier (1270), Jean Richard (1292), Jean de Longmont (1316), Jean de Remacin (1359), Jean de Saint-Albin (1362), Jean Bertel (1368), Jacques de Beaujeu (1370) qui traça la grande rose de la façade. Le dernier et le plus connu fut Jacques Morel (1418), l’architecte-sculpteur qui exécuta les tombeaux des ducs de Bourbon à Souvigny et celui du cardinal de Saluces à Saint-Jean. Après lui, le rôle de l’architecte devenant moins important, il n’y eut plus que des conducteurs de travaux, portant le titre de « maître de l’œuvre de la pierre de Saint-Jean » : Pierre Noiret (1425), Jean Robert (1430), Antoine Montaing, et enfin N. Marceau qui doit être considéré comme ayant terminé le gros œuvre de la cathédrale.

Aucun des grands maîtres d’œuvres du Nord ne vint travailler à Lyon, aucun nom ne se détache qui fasse oublier les autres. L’individualité de la cathédrale paraît y avoir gagné. Tandis que, dans le Nord, l’évolution se faisait hâtive et se précipitait au point que les maîtres d’œuvre abattaient parfois le travail de leurs prédécesseurs ; à Lyon chacun s’associa de son mieux au grand effort qui, de 1170 environ à 1480, se continua, anonyme, collectif et persévérant, pendant les trois siècles qui furent l’âge d’or de l’architecture française.


Vandalisme. Restauration. — Au début du xvie siècle, la cathédrale de Lyon était complètement achevée, mais elle ne devait pas tarder à subir, à deux reprises, de terribles mutilations : en 1562, lors du passage des hordes du baron des Adrets et en 1793 pendant la Terreur. Il faut y ajouter les prétendues restaurations faites par les chanoines du xviiie siècle et d’autres, presque jusqu’à nos jours.

Les ravages de 1562 furent les plus désastreux. Les cinquante grandes statues qui décoraient le soubassement intérieur et extérieur de la façade sont renversées par les calvinistes qui mutilent les trois tympans, les bas-reliefs des ébrasements des portes, décapitent les anges et les patriarches des voussures, arquebusent les hautes statues des contreforts. Un récit contemporain rapporte que l’un de ces iconoclastes, après avoir précipité en bas la Vierge et l’Ange du grand pignon de la façade, s’évertuant à démolir l’image de Dieu le Père qui en couronnait le sommet, vint s’abattre avec elle sur le parvis. À l’intérieur, le somptueux jubé du xiiie siècle est démoli et le grand Christ d’argent qui le surmonte traîné par la ville. Détruits de même, les tombeaux du cardinal de Saluces et du cardinal de Bourbon. Le trésor, les archives contenant les plus précieuses orfèvreries et les titres les plus rares sont une proie facile à la rapacité des soudards. Les pertes étaient irréparables.

Le calme rétabli, le chapitre ne put songer qu’aux réparations les plus urgentes et, en particulier, à la réfection d’un jubé dont l’ordonnance classique, en faveur à l’époque, était loin de faire oublier les fines dentelures de celui du xiiie siècle.

Mais les chanoines du xviie et du xviiie siècle devaient poursuivre l’œuvre de mutilation. En 1706, le trumeau du portail central, surmonté d’un saint Jean-Baptiste en albâtre de Germain Pilon, fut abattu et remplacé par un arc Louis XV qui donnait passage aux pompeux cortèges du chapitre et le plus grand nombre de vitraux de la nef et des chapelles, dus à la générosité des archevêques ou des dignitaires de l’église, furent démolis et remplacés par des verres blancs à combinaisons géométriques. Vint la Révolution qui détruisit les églises Saint-Étienne et Sainte-Croix. Le trésor et le chartrier de la cathédrale furent de nouveau pillés, les autels renversés, le jubé encore une fois détruit. Le dallage avait été bouleversé pour être rendu praticable aux bœufs enguirlandés qui traînaient le char de la déesse Raison et les tombes des archevêques furent profanées. Aussi, quand, en 1802, la cathédrale fut rendue au culte, le service divin ne pouvait y être célébré et le Gouvernement désigna l’église Saint-Nizier pour servir provisoirement de cathédrale.

Cependant le chapitre presse les réparations : il fait placer au tympan du grand portail l’indigne plâtras de Maurice Gallin qui déshonore encore la façade. On garnit le pourtour de l’abside avec les boiseries de 1700 achetées à Cluny ; deux statues de saint Étienne et de saint Jean-Baptiste, œuvres de Blaise datées de 1776 et 1780, furent placées contre les piliers à l’entrée du chœur ; le maître-autel, sans tabernacle, provenant du séminaire Saint-Charles, sans intérêt et composé de marbre de couleur, est un fâcheux anachronisme.

Photo L. Bégule.

Côté méridional

Antoine Chenavard édifie dans les chapelles des retables d’un style grec de haute fantaisie et une chaire en gothique de 1840. L’autel portatif, orné d’un triptyque peint par Louis Janmot et la stalle pontificale sont exécutés en style du xve siècle, sur les dessins de Pierre Bossan, le futur architecte de Fourvière. En 1841, Mgr de Bonald introduit dans le chœur l’orgue qui résonna, pour la première fois, sous les voûtes de la cathédrale, l’usage de chanter l’Office sans accompagnement s’étant maintenu jusqu’alors dans les coutumes rituelles du chapitre. Enfin, en 1861, avec l’approbation du Comité des Monuments Historiques, l’ancienne toiture basse de la nef fut remplacée par le comble actuel qui vient s’appuyer contre le gable de la façade et se dresse, énorme et écrasant, au-dessus du niveau des tours.

Chapiteau du triforium de l’abside, xiie siècle
  1. En 1889, à l’occasion des fouilles faites dans le chœur de Saint-Jean, on découvrit les substructions de l’abside en hémicycle de l’église primitive et du mur de soutènement postérieur. Cette abside se trouvait derrière le maître-autel actuel, sous la première travée du chœur. Parmi les nombreux fragments de sculpture carlovingienne, on mit au jour les débris du chancel de cette église. (Note communiquée par M. l’abbé Longin, qui suivit ces fouilles avec la plus grande attention.)
  2. « Guichardus Lugdunensis episcopus : Eoden praesidente, ambitus murourm claustri ceptus et consommatus est, et opus ecclesie inchoatum ». Obit. ludg. eccl., p. 123.