La Chanson des gueux/Ballade pour les pauvres petits pierrots

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Maurice Dreyfous (p. 146-147).


XX

BALLADE POUR LES PAUVRES PETITS PIERROTS


La neige tient, décidément.
À peine le soleil s’allume
Vers midi, dans le firmament
Couleur de suie et de bitume.
On fait bien du feu ; mais ça fume !
Les glaçons brouillent les carreaux.
Quel temps, ce froid dans cette brume,
Pour les pauvres petits pierrots !

Quand on va dehors un moment
À travers l’onglée et le rhume,
On en voit tomber lourdement,
Comme un caillou dans de l’écume,
Sur la neige qui les inhume.
Sa blancheur les rend tout noirauds.
L’hiver dans la mort se résume
Pour les pauvres petits pierrots.


Dans les mansardes mêmement
Il en est d’autres que consume
L’ogre, de chair fraîche gourmand.
Des bébés, que l’on a coutume
D’emmaillotter en blanc costume,
Gèlent tous nus sous des sarraux.
Leurs mères sont dans l’amertume
Pour les pauvres petits pîerrots.

envoi

Prince, tu te sers, je présume,
D’édredons. Fais-y des accrocs
Et tires-en un peu de plume
Pour les pauvres petits pierrots.