La Corée ou Tchösen/Chapitre V

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Ernest Leroux (Tome 26ep. 34-42).


V. — DE SÉOUL À L’ÎLE DE QUELPAËRT OU TCHAE-TCHIOU


L’île de Quelpaërt, que les indigènes désignent sous le nom de Tchae-Tchiou, est située dans la mer de Chine, à environ 96 kilomètres au sud de la péninsule coréenne, entre les parallèles 33° et 34° nord et les méridiens 124° et 126° est de Paris. Elle se développe sur une longueur de 64 kilomètres de l’est-nord à l’ouest-sud-ouest, tandis que sa largeur n’est que d’environ 27 kilomètres.

La haute chaîne de montagnes qui la traverse dans toute son étendue est dominée au centre par le pic élevé connu sous l’appellation de Halla-San, environ 2,000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Bien que placée sur la route suivie par les navires qui naviguent dans les mers de Chine et du Japon, Quelpaërt est restée terra incognita et a continué à demeurer isolée du reste du monde encore plus strictement que la Corée même, dont elle est cependant une dépendance.

Il y a maintenant deux cent trente-cinq ans que le voilier hollandais l’Épervier (Sparwehr), qui se rendait de Batavia à Nagasaki, fit naufrage sur la côte de l’île. On sait par les renseignements qui nous sont parvenus que l’Épervier avait quitté Formose le 16 juillet 1603 et se dirigeait sur le Japon quand une tempête épouvantable s’éleva aux environs de Quelpaërt. Le bateau se trouvant à proximité d’une terre sous le vent, le capitaine, en présence d’une mort certaine, tenta de s’y mettre à l’abri ; il ordonna en conséquence aux matelots de couper le mât et de se recommander à Dieu. Trente-six des soixante-quatre hommes composant l’équipage réussirent à gagner la côte, et parmi eux Hendrik Hamel, le subrécargue. Celui-ci, avec ses compagnons, passa quatorze années dans les prisons coréennes et parvint enfin, avec quelques-uns des malheureux qui avaient survécu à cette captivité, à prendre la fuite. Le récit qu’il publia plus tard de ses aventures est une merveilleuse histoire qui, partout où elle a été lue, a appelé la plus vive attention sur le royaume ermite.

Personne avant Hamel et personne, depuis lors, n’a foulé le sol sacré de Quelpaërt. L’hostilité envers les étrangers et un isolement complet du monde extérieur sont devenus la base de la religion de ses habitants.

L’origine de cette aversion contre les hommes de toute race et de toute couleur restera sans doute toujours un mystère. Quelpaërt n’a pas d’autre histoire que la mythologie et les traditions dont le Halla-San est l’objet : c’est là que, d’après les croyances populaires, le premier homme vit la lumière du jour.

J’avais d’abord pensé me rendre au Pak-Tu-San, « la montagne à la cime toujours blanche », située dans le nord de la péninsule, pour explorer la rivière Ya-lou, découvrir ses sources dans cette montagne mystérieuse, et, peut-être pénétrer dans la Mantchourie, le plus riche des domaines pour les études ethnologiques. Mais je n’étais pas en mesure d’accomplir une telle expédition dans les délais qui m’étaient fixés ; il me fut donc nécessaire d’attendre une autre occasion et je me décidai à diriger mes projets sur le point de la Corée qui me semblait le plus intéressant après celui-là, c’est-à-dire Quelpaërt.

Dans ce voyage, je n’avais pas en vue seulement les découvertes géographiques, mais encore les recherches ethnographiques qui me permettraient de déterminer peut-être, au moyen des types que je rencontrerais, l’étrange et mystérieuse origine de sa population et ses relations avec celle de la Corée. Hamel, en effet, dit très peu de chose sur cette île où, sans doute, il ne séjourna pas longtemps, les indigènes qui redoutaient les étrangers s’étant empressés de le conduire sur la terre ferme.

Le 1er septembre 1888, j’obtins de S. M. le roi, par la bienveillante entremise du président du Comité des Affaires étrangères de Séoul, la permission de visiter Quelpaërt et je fus muni, en vertu de ses ordres, d’un passeport et d’un koun-tjà, lettre spéciale de recommandation.


Port du Nord.


Le 5 septembre, accompagné de M. Kim-Won, que j’avais pris à mon service personnel comme interprète, et d’un cuisinier, je m’embarquai à Tchemulpo, à destination de Fousan. Nous arrivâmes le 7 dans ce dernier port, où je m’occupai d’affréter une barque indigène pour l’expédition. Mais il ne s’y trouvait alors aucun bateau qui put être utilisé pour une semblable traversée. On ne pouvait songer aux jonques coréennes dont les patrons se refusaient à partir, alléguant les risques et les dangers qu’ils auraient courus s’ils avaient transporté un étranger à Quelpaërt. Grâce à la courtoise intervention de M. Murota, consul du Japon, j’appris qu’il me serait possible de louer un sampan, long de 6 mètres et calant 1m,80, appartenant à un de ses compatriotes. Comme il n’était pas d’autre alternative, je fis marché de suite avec le patron.

L’équipage comprenait, outre ce dernier et moi, cinq Japonais, mon interprète et mon cuisinier, soit en tout huit personnes. Je n’avais pas compté sur les risques plus que hasardeux d’un trajet accompli dans ces conditions, car il est inutile d’ajouter que mon petit bâtiment était certainement bien fragile pour affronter les dangers de la mer Jaune.

Nous quittons Fousan le 22 septembre, bien munis de provisions, en faisant route par la mer Intérieure. Bien que cet itinéraire rendît la traversée plus longue, je ne pus que m’en féliciter, car il me procura le plaisir inattendu de jouir de la vue d’une côte superbe et pittoresque, avec de nombreux ports qui contribueront beaucoup, quand ils seront ouverts au commerce, à augmenter les revenus de la Corée. Nous arrivons le 25, sans incident à Soando ou Port-Chrichton, comme le désigne la carte de l’Amirauté. J’avais espéré trouver là une jonque coréenne pour éviter les obstacles que je prévoyais devoir éprouver à mon débarquement à Quelpaërt, si j’arrivais dans cette île à bord d’un bâtiment monté par des Japonais, contre lesquels existe chez tous les Coréens un sentiment très prononcé d’hostilité. Mais ces prévisions ne se réalisèrent pas, et je me décidai à aller de l’avant avec mes matelots. Une bonne fortune inespérée me fit découvrir dans cette localité un pilote de Quelpaërt, un nommé Yang Man Touk, qui attendait une occasion pour y retourner. Je l’engageai aussitôt, et je suis redevable à ses bons offices d’avoir pu débarquer avec succès dans l’île. Le soir du 27, Touk, interrogé sur la probabilité d’un vent favorable, répondit : Taïne Ouriga Tchae-Tchiou ril nïïl pogesso, qui veut dire en langue tchösen : Excellence, demain nous verrons Tchae-Tchiou.


Le pilote Yang-Man-Touk.
Taïne Ouriga Tchae-Tchiou ril nïil progresso !


Faute de vent, nous ne faisons voile vers le sud, dans la direction de Quelpaërt, que le 28 septembre, à 4 heures du matin. La brise est beaucoup trop fraîche pour notre petit bateau et la mer est grosse ; néanmoins, le sampan continue sa route, et à midi, un peu plus de huit heures après, nous avions franchi les 50 milles de mer qui nous séparaient de l’île, et, guidés par le pilote, nous entrions sains et saufs dans le port de Pelto.

Le port de Pelto est formé par deux collines qui, se prolongeant en dehors, rendent le Halla-San comparable aux deux pieds de l’avant d’un sphinx colossal. Au centre, dans une sorte de baie, plusieurs lignes de jetées ont été élevées avec un grand soin au moyen de roches volcaniques : par suite, les petites embarcations pour lesquelles elles ont été construites s’y trouvent bien protégées contre la mer. Une jetée extérieure, partant d’une des collines pour relier l’autre, constituerait, à peu de frais, un port admirable pour les vapeurs et voiliers d’un fort tonnage.

Pelto, connu des géographes sous le nom de « Ville du Nord », est bâti dans une vallée ou plutôt sur les flancs d’une colline dont les élévations successives atteignent les hauteurs du Halla-San, cultivé jusqu’à une altitude de plus de 600 mètres. On peut estimer approximativement à six cents le nombre de maisons, ce qui, d’après le procédé usuel de dénombrement, donnerait à Pelto une population de 3,000 habitants. Pour les constructions, on a employé les mémes roches volcaniques que pour le port ; bien que couvertes en chaume, elles ont une apparence de solidité que relèvent encore les hautes murailles qui entourent les ruelles étroites de la ville.

Au moment où nous pénétrons dans le port, les quais et les murs sont couverts d’une véritable fourmilière de curieux. On entend de longues clameurs, qu’accompagnent de grands gestes et des vociférations. Kim est très déconcerté, mais je le réconforte par l’ordre bref de montrer un visage impassible. « Que disent-ils ? lui demandai-je. — Ils crient, me répondit-il ; Qui êtes-vous ? D’où venez-vous ? Pourquoi venez-vous ? Les étrangers ne peuvent pas venir à Tchae-Tchiou. Allez-vous-en ! — Dites-leur, repris-je, de fermer leurs bouches. Nous ne voulons pas débarquer avant que leur mandarin nous y ait autorisés. Envoyez-nous votre chef. » Ce dernier fait bientôt son apparition ; nous lui remettons nos papiers, et il disparaît avec la foule anxieuse d’apprendre quelle sorte de gens nous sommes.

« Un étranger vient à Quelpaërt ! quel sacrilège ! quelle calamité ! » Telles étaient les interjections que murmuraient de tous côtés à nos oreilles ceux qui restaient en arrière et qui se querellaient pour prendre la place les uns des autres, afin de jeter un coup d’œil sur l’homme blanc.

En attendant la réponse du gouverneur, le jour tomba et la nuit vint, sans autre incident que l’envoi d’une lettre impertinente qu’on nous adressa et que Kim me dit être une sorte d’interrogatoire pour connaître les raisons de notre voyage. L’auteur de cette lettre pleine de menaces n’avait pas cru nécessaire d’y mettre son nom, ce que je considérai comme un présage encourageant ! Dès lors, toutes les dispositions furent prises par mes Japonais en vue d’une attaque. Le 29, à 10 heures du matin environ, j’envoyai Kim à terre pour s’enquérir auprès du mandarin des raisons de son silence. Il revint peu après pour me dire qu’une tente avait été dressée et que le préfet de police me recevrait sans délai, mais qu’on ne savait rien des intentions du mandarin. Vers midi, un messager vint m’apporter l’autorisation de descendre à terre. En même temps, des fonctionnaires en costume d’apparat, précédés de musiciens, s’assemblaient : aussitôt Kim et moi nous nous mîmes en route, protégés contre la foule par un détachement de keuissos (gardes), qui frappaient sans relâche la populace avec des bâtons et d’énormes gourdins.

Entrés dans la tente, nous nous trouvons en présence du préfet et d’un autre fonctionnaire, son subalterne, tous deux richement vêtus et assis en grande pompe sur une sorte de trône. Chacun de ces dignitaires portait de grosses lunettes de cristal fumé. Je fus l’objet de questions innombrables, relatives aux motifs qui m’avaient fait entreprendre ce voyage, et à toutes je répondis en présentant mon passeport et la dépêche officielle dont j’étais porteur : « J’ai affaire au gouverneur. Pourquoi ne m’écrit-il pas ? » On me demanda en outre si j’étais missionnaire. À cette interpellation aussi singulière qu’inattendue, je répliquai quelque chose qui signifiait la négative. Le préfet parut très étonné que je fusse venu seul, sans un compagnon blanc, et me dit : « Je ne puis comprendre que vous soyez venu à Quelpaërt tout seul. » Et il ajouta : « Si vous aviez amené un autre homme blanc avec vous, cela aurait été très mauvais pour vous et le peuple vous aurait tués tous les deux. » Franchement, je commençais à penser que la population était peut-être moins hostile aux étrangers que les fonctionnaires eux-mêmes. On envoya alors chercher un de mes matelots japonais : on prit exactement note de son âge, de sa profession et de son nom, et en même temps de tous les détails qui nous concernaient.

Je portais un uniforme militaire qui avait fait un long service, mais qui était encore élégant et richement orné de galons d’or. Il provoquait presque autant de surprise et d’attention que ma personne. Mes cheveux, mes yeux et mon teint étaient un sujet d’étonnement constant pour la foule qui ne pouvait être retenue en arrière que par les coups ininterrompus des gourdins. La collation d’usage fut ensuite apportée : elle consistait principalement en algues marines frites, en poisson, en biches de mer (holothuries), et diverses autres choses que je ne pus identifier, et en vin (extrait de céréales). Après avoir mangé les algues et bu cette liqueur, je me trouvais, en fin de compte, fatigué de cette réception interminable. Je me levai pour m’en aller et retournai à mon bateau. Plus tard les fonctionnaires vinrent me voir et je les abouchai avec Kim qui leur montra tout mon attirail. Mes jumelles de théâtre et de campagne leur procurèrent — ce qui paraîtra étrange — la plus grande surprise. C’était pour eux une chose absolument magique que de voir les objets se rapprocher d’eux au point, disent-ils, de pouvoir les toucher.

Le 30 septembre au matin, le gouverneur, à qui j’avais envoyé une note pour protester contre la situation qui m’était faite, et qui était en somme celle d’un prisonnier, donna des ordres pour que je fusse conduit à la capitale. Les préparatifs du départ terminés et des poneys ayant été mis à notre disposition, je partis avec mon interprète, le cuisinier et un matelot japonais, accompagné de bannières déployées et de musiciens jouant des airs discordants. Un détachement de deux cents soldats composait l’escorte. Et quels soldats ! À les voir vêtus d’une sorte d’armure ou cotte de mailles déchirée, couverts de casques munis d’une pointe, leurs longs cheveux s’échappant de leur coiffure et tombant sur leur figure et autour de leur cou, on aurait cru qu’ils avaient servi sous les drapeaux de Ghenkis-Khân et de Koublai-Khân, ou qu’ils avaient formé une partie des hordes de Tamerlan ou des troupes mantchoues et mongoles qui, plus tard en 1637 (quinze ans seulement avant l’arrivée de Hamel), envahirent la Corée, brûlèrent Séoul et s’emparèrent de la famille royale. Leurs fusils étaient du modèle le plus rudimentaire et le plus primitif. Si ce n’étaient pas des instruments de défense formidables, du moins un collectionneur d’armes antiques aurait eu là un riche champ à exploiter.

Une marche de deux heures nous amena à la porte méridionale de Tchou-Song. Aux approches de la capitale, on suit une route étroite bordée de chaque côté par de hautes murailles qui dévalent de celles qui entourent la ville. La lourde porte était fermée : on me dit que, conformément à une ancienne coutume, la nouvelle de notre arrivée devait être portée au gouverneur : par suite, nous descendîmes de cheval pour attendre son bon plaisir. Les murs étaient garnis de tourelles et de postes d’observation que couvrait en ce moment une foule innombrable ; des milliers d’yeux cherchaient à contempler l’étranger.

En vertu des ordres donnés par le gouverneur, la porte fut ouverte, et, après avoir repris nos montures, nous pénétrâmes dans les rues de Tchou-Song. La foule compacte n’était retenue que par les coups de gourdin vigoureusement appliqués par les gardes.

Après un court trajet, notre colonne tourna tout à coup à l’ouest et continua sa marche pendant cinq minutes, pour déboucher ensuite dans une large voie sur les côtés de laquelle plus de deux cents soldats, portant le même costume que ceux de notre escorte, étaient rangés sur une seule ligne. Un pavillon de réception fermait l’avenue : on y voyait assis en grande pompe le mandarin entouré d’une foule de curieux. En cet instant, un coup de fusil fut tiré. Kim en fut complètement démoralisé et je confesse que je ne me sentis pas moi-même très à mon aise, dans l’ignorance où j’étais de sa raison d’être. Ce n’était, paraît-il, autre chose qu’un signal pour nous inviter à avancer. Je descendis de cheval et, accompagné de Kim, je suivis jusqu’aux degrés du pavillon le maître de cérémonies qui rampait plutôt qu’il ne marchait : arrivé devant le gouverneur, il tomba sur ses genoux comme s’il se trouvait en présence d’un personnage royal. Quittant Kim qui entra par une porte de côté, comme le prescrit l’étiquette, je me frayai un chemin à travers la salle d’audience remplie par la foule, et pris la place d’honneur à gauche du mandarin qui m’y avait convié.

Le gouverneur était un homme d’environ cinquante ans, d’un aspect imposant, difficile à définir à cause des énormes lunettes qu’il portait, mais il devait certainement être d’origine tartare. Il était richement habillé de soie et son chapeau rond était orné de plumes de paon, insigne de son rang.

Le mandarin commença par s’excuser du retard qu’il avait mis à me recevoir. « Ma visite, disait-il, l’avait fort embarrassé. Deux cents personnes s’étaient adressées à lui pour protester contre la permission qui m’avait été accordée de débarquer. Aucun étranger n’avait jamais auparavant reçu la permission de venir à Quelpaërt. Pour aucune raison, le visiteur ne pourrait se rendre à Halla-San, qui était consacrée aux dieux du peuple. Si cette défense était enfreinte, il faudrait ensuite faire des sacrifices pendant une centaine de jours pour rendre propices les esprits de la montagne, car si l’on n’agissait pas ainsi, il surviendrait de grandes calamités, les récoltes seraient perdues, etc. »

Il n’y avait d’autre chose à faire que de se soumettre à ces conditions. Un repas fut apporté ; il se composait de biches de mer, d’algues marines frites, de poisson, de miel et de vin. Mon domestique et le matelot japonais étaient assis à quelque distance, très effrayés, car ils ne pouvaient comprendre le sens de l’entrevue et craignaient qu’il ne résultât de tout cela quelque chose de terrible pour eux. Du reste, on ne saurait guère les blâmer de leurs craintes, parce qu’ils entendaient les menaces violentes qu’on proférait autour d’eux. Enfin, cette longue audience se termina. Le gouverneur envoya son maître de cérémonies pour m’escorter jusqu’à la maison qu’il m’avait réservée. Il me pria d’excuser la pauvreté de ce logis, et il eut raison. Déjà, le matin, on m’avait donné à monter un poney sauvage qui n’avait jamais été dressé (avec l’intention, je crois, de me faire casser le cou), et maintenant j’allais habiter une cabane empoisonnée par les miasmes les plus épouvantables. Kim et le cuisinier étaient ravis, car ils pensaient que le maître ne voudrait pas rester dans un tel endroit et qu’on partirait bientôt. Ils n’avaient pas tort, car je me proposais de partir le plus tôt possible avec les notes et observations que je comptais prendre, et de quitter tout de suite Tchou-Song. J’envoyai Kim, après le déjeuner, chez le gouverneur, pour lui demander de m’envoyer une garde destinée à m’accompagner, dans la matinée, à travers les rues de la ville, que je voulais photographier.

Je parlerai à peine de la seule nuit que nous avons passée au milieu de l’air empesté de nos logements. Kim était complètement malade par suite des événements émouvants de la journée, et je redoutais les conséquences d’une autre nuit. Dans la matinée, la garde arriva rapidement, et, en compagnie d’un officier, je visitai les endroits les plus importants de la ville et accomplis avec succès mon projet, le peuple étant retenu à la baie, ou plutôt dans ses cases, par les ordres péremptoires du gouverneur, que les soldats qui gardaient et dégageaient les rues étaient chargés d’exécuter. Cela fait, je rendis visite au gouverneur, le photographiai, lui et son entourage, et lui fis mes adieux après un repas auquel je pris peu de part. À 4 heures et demie, avec des chevaux qui nous avaient été envoyés et des coolies pour porter les bagages, nous suivîmes la colonne détachée pour nous servir d’escorte et revînmes par la route de la porte de l’Est qui est très agréable et pittoresque, et serpente à proximité de la mer. Arrivés à Pelto, au coucher du soleil, nous nous dirigeâmes immédiatement vers notre petite barque. L’équipage était ravi de notre retour et avait compté avec une grande anxiété les minutes de notre absence.

Deux mots maintenant pour décrire la ville que nous venions de visiter.


L’ÎLE DE QUELPAËRT OU TCHÆ-TCHIOU


D’APRÈS UN DESSIN DE THIAN-KONG-TCHÉ, DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE LA CORÉE, LA QUATRIÈME DES ANNÉES KING-TÉ (1007 DE J.-C.)


(L’original a été communiqué à l’auteur par M. V. Collin de Planay, commissaire de France à Séoul, et traduit par M. Guérin, chancelier de France à Séoul.)