La Défense des montagnes

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La défense des montagnes
Paul Descombes

Revue des Deux Mondes tome 39, 1907


LA DÉFENSE DES MONTAGNES

Depuis un demi-siècle, la France travaille sans relâche au reboisement de ses montagnes : on a fait loi sur loi ; l’État a dépensé près de cent millions ; ses travaux sont admirés du monde entier ; toutes les puissances étrangères les ont imités et, malgré cet immense effort, le reboisement diminue au lieu de s’accroître ; les montagnes sont de plus en plus dénudées, les inondations de plus en plus désastreuses, les plaines de plus en plus desséchées, les rivières de moins en moins navigables et, pour combler la mesure, l’approvisionnement de houille blanche est de plus en plus compromis.

Il semble qu’il y ait là un paradoxe économique, et il convient d’étudier attentivement les causes de cette situation pour chercher à y remédier. Les travaux d’aménagement correspondant à la régularisation du régime des eaux, tant en plaine qu’en montagne, peuvent être rangés dans quatre catégories : en montagne, des mesures de restauration s’imposent pour remédier aux dangers existant dans les périmètres des torrens ; des mesures de préservation pour garantir le reste de la zone montagneuse contre la dénudation et l’érosion ; en plaines et sur les coteaux, il est urgent de prendre des mesures de conservation pour maintenir et améliorer les bois, des mesures d’extension du sol forestier pour reboiser une partie des terrains improductifs.


L’AMÉNAGEMENT EN MONTAGNE

Le premier cri d’alarme fut poussé par Surell, dans sa remarquable Étude sur les torrens des Hautes-Alpes, publiée en 1841 par les soins du ministère des Travaux publics.

L’appel était énergique, l’ouvrage documenté. Los pouvoirs publics s’émurent ; mais leur marche est lente autant que pondérée, et il fallut encore le lamentable spectacle des inondations de 1846 et de 1856 avant qu’on aboutit en 1800 à une première loi de préservation.

Dans l’intervalle, Monestier-Savignat, ingénieur en chef des ponts et chaussées à Clermont-Ferrand, avait établi en 1858, un vaste système de correction, des rivières torrentielles, depuis le fond des montagnes jusqu’aux mers, fait les plans et devis estimatifs de certains périmètres bien étudiés par lui, chiffré les dépenses pour l’aménagement complet du bassin de l’Allier ; puis, prenant pour base le prix ainsi obtenu par kilomètre carré, il avait évalué pour la France entière la dépense à plus de deux milliards[1].


I. — PREMIÈRE PÉRIODE : L’AMÉNAGEMENT AUX FRAIS DES PROPRIÉTAIRES

Le vote de la loi du 28 juillet 1860 sur le reboisement, complétée depuis par celle du 8 juin 1864 sur le gazonnement, marqua le début d’une première période.

Les périmètres de restauration étaient fixés par décret ; les travaux ainsi prescrits étaient mis à la charge des propriétaires avec le concours de subventions et, en cas de non-exécution par eux, l’Etat effectuait d’office ces travaux à leurs frais ; les propriétaires pouvaient d’ailleurs s’exonérer de toute répétition de ces frais en faisant abandon de la moitié du sol. L’Etat affectait au reboisement dix millions, dont cinq à provenir de la vente de forêts domaniales, et cinq millions au gazonnement.

On se souvient encore du concert de protestations soulevées chez les montagnards par la loi de 1860 ; et cependant cette loi procédait du même esprit que celles qui ont pleinement abouti pour la mise en valeur des Landes (loi du 19 juin 1857), de la Sologne et des Dombes, en réduisant comme elles les charges budgétaires par l’appel au concours des intéressés pour des opérations qui leur étaient profitables.

Mais, par suite de la distance et des difficultés de communication, les pays de montagne n’eurent pas, comme les Landes, la Sologne et les Dombes, la bonne fortune d’attirer les capitaux des particuliers ou des sociétés, qui avaient puissamment participé à l’assainissement de ces régions. Le concours financier des communes, propriétaires de la majeure partie du sol, ne pouvait d’ailleurs être qu’illusoire dans la zone montagneuse, où bien des municipalités auraient à s’imposer pendant longtemps d’au moins cinq centimes extraordinaires pour gager un emprunt de mille francs.

Outre l’abstention des capitaux, qui fut la cause principale de son échec, la loi de 1860 rencontrait diverses difficultés de détail. Alors que chacune des lois régionales, étudiée avec le concours d’initiatives locales éclairées, d’après les conditions spéciales des périls à conjurer et de l’assiette de la propriété, répondait à un but précis, pouvait être facilement comprise par la population comme par ses représentans, et se trouvait secondée dès le début par l’exemple de ses promoteurs, la loi sur le reboisement des montagnes ne rencontra nulle part un milieu préparé pour l’exécuter. Embrassant dans le même texte, applicable partout et à tous, des régions, des populations et des situations économiques d’une très grande diversité, elle ne se trouvait en harmonie avec aucune. L’opinion publique n’était pas encore fixée sur l’utilité des forêts pour la fertilité des pelouses ; enfin la loi sur le gazonnement s’est fait attendre pendant quatre ans, alors que l’amélioration pastorale est le préliminaire obligatoire du reboisement.

Les capitaux ne répondant pas à l’appel, il fallut chercher autre chose.


II. — SECONDE PÉRIODE : RESTAURATION AUX FRAIS DE L’ÉTAT

La loi du 4 avril 1882 augmenta les charges de l’Etat, supprima les charges imposées aux communes et divisa les travaux en deux catégories.

Prenant exclusivement à sa charge les « travaux de restauration rendus nécessaires par la dégradation du sol et des dangers nés et actuels, » que des lois d’utilité publique classaient après enquête comme obligatoires, acquérant par expropriation ou de gré à gré les territoires compris dans les périmètres ainsi classés, l’Etat se ménageait la possibilité d’intervenir directement et énergiquement dans les situations critiques. Partout ailleurs, là où les mesures de préservation paraissaient suffisantes, l’allocation de subventions prévues aussi largement que possible, puisqu’elles pouvaient être allouées en plants, en travaux ou en argent, devait venir en aide pour les travaux facultatifs aux communes, aux associations pastorales, aux fruitières, aux établissemens publics et aux particuliers. Les initiatives collectives semblaient alors pouvoir aboutir à de sérieux résultats, car, en 1876, après les cent millions de francs et les six cents vies humaines engloutis par les désastreuses inondations de 1875, la formation de compagnies était projetée pour amener les capitaux particuliers à la défense des montagnes.

Tout ce que nous savons de ces compagnies[2], nous le devons au premier rapport parlementaire de M. Armand Fallières, qui relate « la publication récente par la voie de la presse d’une étude approfondie proposant un ensemble de travaux de défense dont l’exécution devait être confiée à quatre grandes compagnies qui se partageraient l’aménagement hydrographique du pays. » Mais ces compagnies, dont la création eût évité bien des mécomptes, n’ont jamais vu le jour, et les capitaux firent encore défaut.

La loi de 1882 a permis à l’Etat d’imprimer un sérieux essor aux mesures de restauration ; les agens du service forestier devinrent ingénieurs et ils exécutèrent des travaux remarquables, auxquels nous sommes redevables de la disparition d’un grand nombre de torrens dans les Alpes, les Cévennes et les Pyrénées. Dans une entreprise aussi nouvelle, sans précédent chez aucune nation, le service forestier poursuivit une tâche hérissée de difficultés de toutes sortes : ses agens imaginèrent des solutions élégantes pour la fixation des terrains instables et, par un raffinement d’artistes, plus soucieux de conserver les beautés de la nature que de laisser aux générations futures le témoignage de leurs efforts, ils se sont attachés à réaliser des travaux rustiques, facilement noyés dans la verdure, qui ne laissent pas imprimée sur le paysage l’empreinte de la main de l’homme. Les périmètres de restauration comprenaient, en 1904[3], 345 140 hectares dont 186 854 n’étaient pas encore acquis par l’Etat ; il avait été dépensé 87 millions et il restait à dépenser 97 millions. L’Etat a donc accompli maintenant près de la moitié de la tâche que lui attribuait la loi de 1882, mais les mesures de préservation pour lesquelles on avait escompté le concours des initiatives et des capitaux ont été loin de répondre aux espérances.

Les subventions pour travaux facultatifs n’avaient atteint, en 1900, que 4 millions et demi, s’appliquant à 78 000 hectares : aussi fallut-il classer, en quatre ans, 30 078 hectares[4]de plus dans les périmètres, et combien encore y devraient être compris ! La dénudation du sol, que les communes ne pensent guère à prévenir par des travaux facultatifs dont une partie serait à leur charge, devient vite complète ; les travaux deviennent obligatoires et la dépense qu’ils entraînent, souvent décuplée, incombe alors entièrement à l’Etat, avec l’acquisition des terrains et le versement de leur prix dans les caisses municipales.

Dans les périmètres de restauration classés, la dévastation étale toute son horreur ; à chaque orage, des quartiers de rochers et des tranches de terrain se détachent de la montagne pour se précipiter vers les vallées, entraînées par des trombes d’eau qui portent l’inondation dans la plaine.

La partie de la zone montagneuse non classée dans les périmètres, à laquelle s’appliquent les mesures de préservation, est moins effrayante au premier aspect, mais infiniment plus inquiétante quand on y porte son attention. C’est là que le danger grandit toujours, que les bois fondent sous la dent du bétail, que les pelouses se transforment en rochers dénudés, que la surcharge du pâturage, la vaine pâture, la transhumance accomplissent leur destruction ; qu’il se forme sans cesse de nouveaux torrens et que les avalanches menacent maintenant une multitude de villages autrefois indemnes tandis que, presque partout, quelques francs dépensés à temps préviendraient une dégradation que des centaines de francs seront impuissans à réparer.

Dans les périmètres, le mal est déjà produit ; dans le reste des montagnes il s’accrut rapidement. Si dans un incendie il est plus pressé d’arrêter la marche du feu que de rebâtir les immeubles détruits, de même dans la montagne il faut apporter plus de hâte encore à enrayer la dégradation qu’à réparer des ruines depuis longtemps connues de tous les lecteurs de la Revue[5].

On a cherché à donner une impulsion nouvelle aux travaux de préservation en organisant, par décret du 30 décembre 1897, un service des améliorations pastorales, dont les subventions n’entraînent pas forcément la soumission au régime forestier des bois créés avec leur concours ; mais l’allocation dérisoire d’un crédit de 14 000 francs seconde bien peu le dévouement et la compétence exceptionnelle du personnel trop restreint attaché à ce service d’une importance capitale.


III. — L’AMENAGEMENT EN PLAINES ET SUR LES COTEAUX

Si l’on regarde en dehors des régions montagneuses, la situation forestière du reste de la France est aussi des plus inquiétantes : les forêts exploitées trop hâtivement diminuent partout ; elles ont depuis longtemps cessé de suffire à la consommation nationale et, pour alimenter en bois d’œuvre les nations civilisées, on déboise le monde entier[6].

La mise en valeur des terres incultes, dont le reboisement serait généralement le procédé le plus efficace[7], ne fait pas plus de progrès que la restauration des montagnes, quoique la loi des 28 juillet-4 août 1860 l’ait rendue obligatoire pour les communes, et la surface des terrains improductifs qui figurait aux statistiques agricoles de 1862 pour 654 192 hectares en comprend encore 6 226 189, dont 1 448 671 appartenant aux communes.

De ce côté aussi, les capitaux se sont abstenus, et la loi est restée à peu près sans effet, malgré la création d’un service des améliorations agricoles pour étudier et subventionner les travaux projetés par des syndicats de propriétaires, peu secondés par l’insuffisance de la législation[8]. Alors que les lois spéciales pour la mise en valeur de plusieurs régions avaient donné les meilleurs résultats, grâce au concours des initiatives locales et des fonds particuliers, les capitaux ont partout fait défaut pour l’application des lois générales sur le reboisement et la mise en valeur des terres communales.


IV. — LES INITIATIVES PRIVÉES

L’initiative privée n’est pourtant pas restée inactive ; elle s’est manifestée par des publications, des associations et des opérations pratiques.

Les agens forestiers et les ingénieurs, qui avaient été longtemps presque seuls à signaler les méfaits du déboisement, ont vu arriver à la rescousse les géographes, les hommes d’Etat, les savans : et leurs publications, qu’il serait trop long d’énumérer ici, ont pris, depuis quelques années, une grande extension. Les organes de la presse n’ont pas montré moins d’activité.

Les problèmes relatifs à la régularisation du régime des eaux ont d’ailleurs été envisagés à un grand nombre de points de vue depuis que des initiatives éclairées se sont attachées au développement de la navigation intérieure et à l’utilisation des forces hydrauliques. Les sociétés d’études la Loire navigable et le Sud-Ouest navigable[9]se sont trouvées dès le début en présence de difficultés d’alimentation pour les rivières ou les canaux, qui ont fait paraître l’influence néfaste du déboisement des bassins supérieurs et conduit à la formule : « Si vous voulez de l’eau, faites des bois. » Aussi leurs publications contiennent-elles un magnifique recueil de mémoires qui ont largement contribué à éclairer l’opinion publique sur la nécessité du reboisement des montagnes.

Les fervens de la houille blanche, qui transportent maintenant à de grandes distances le travail hydro-électrique, se préoccupent partout de régulariser les cours d’eau, soit immédiatement par de coûteux barrages, soit à longue échéance par des reboisemens rémunérateurs.

Ainsi le péril du déboisement appelait l’union de tous, et l’on s’est associé pour le combattre. La Société forestière française centrale des Amis des arbres, la Société forestière de Franche-Comté et Belfort, la Société des Amis des arbres et du reboisement des Alpes-Maritimes, l’Association des Sylviculteurs de Provence, le Groupe d’Etudes Limousines, la Ligue du reboisement de l’Algérie, l’Association centrale et l’Association dauphinoise pour l’aménagement des montagnes s’occupent sans relâche de rendre l’arbre populaire en éclairant l’opinion publique, et le Touring Club, dont la Commission des pelouses et forêts réunit les représentans de ces sociétés, leur prête un puissant concours.

Par leurs publications, par leurs conférences, par l’organisation de « fêtes de l’Arbre, » de scolaires forestières et de mutuelles forestières, elles travaillent à instruire le pays tout entier, et surtout l’enfance, de l’action bienfaisante de l’arbre ; déjà elles ont obtenu le concours des pouvoirs publics et les circulaires signées les 2 et 9 février 1906 par les ministres de l’Instruction publique et de l’Agriculture ont jeté les bases d’un enseignement sylvo-pastoral ; alors qu’aux Etats-Unis la génération actuelle apporte au reboisement toute l’énergie mise par les précédentes à conquérir sur la forêt vierge l’emplacement de leurs cultures, que l’Arbor-Day y compte ses souscripteurs par millions, que la fête de l’Arbre est déjà devenue réglementaire en Espagne[10], la France ne saurait se laisser devancer dans la voie féconde qu’elle avait ouverte au monde entier.


V. — OPÉRATIONS PRATIQUES

L’initiative privée ne s’est pas seulement attachée à montrer ce qu’il faudrait faire ; elle est entrée en action : elle a semé, elle a planté.

L’organisation dans les Pyrénées de fruitières pour généraliser la bonne utilisation du lait et faciliter ainsi la substitution de la vache au mouton, organisation due à M. le sénateur Calvet, alors garde général des eaux et forêts, paraît marquer la première intervention pratique de l’initiative privée dans le reboisement, et son historique figure dans diverses publications dont une émanant du ministère de l’Agriculture[11].

Un propriétaire de la Corrèze, M. de Bélinay, après avoir reboisé les landes de sa propriété, a pris l’heureuse et intelligente initiative du reboisement des landes appartenant à sa commune. Ces landes communales, d’abord affermées pour une période de vingt-neuf ans avec prorogation de vingt-neuf autres années pour les parties qui seraient boisées, furent l’objet de contrats particuliers par lesquels M. de Bélinay se substitua aux habitans titulaires de landes amodiées et put ainsi reboiser 150 hectares environ de terrains communaux. Il avait eu soin de préparer l’opinion publique à ce genre d’opérations par une série d’articles sur le reboisement dans la Corrèze[12], qui forment un excellent traité des essences et des procédés applicables à cette région.

M. Audiffred, sénateur de la Loire, qui a acquis une compétence toute particulière dans les questions de mutualité et de caisses de retraites, a attaché son nom à l’intéressante idée de la mutualité dans l’œuvre du reboisement, en organisant lui-même dans son département des Mutuelles scolaires cantonales et forestières.

La nouvelle conception à réaliser consiste à obtenir des municipalités, de l’Etat, des départemens ou des particuliers, soit par dons gratuits, soit par achats ou par locations à long bail, des terrains de peu de valeur, incultes, à reboiser. Les résultats obtenus par le travail des petits « reboiseurs » sont versés au fonds social de mutualité qui doit servir à constituer leurs retraites pour la vieillesse. Comme la plupart des plants sont délivrés gratuitement aux écoliers par l’administration forestière ; que ceux-ci en élèvent eux-mêmes et que toutes les entreprises de reboisement sont faites aussi par eux, ou tout au moins avec l’aide gracieuse des membres honoraires de leurs Mutuelles, c’est-à-dire que toute la main-d’œuvre est gratuite, on voit tout de suite l’intérêt qu’il y a pour ces sociétés, dont la durée est illimitée, à se charger d’une œuvre qui ne peut réussir qu’avec le temps. Si l’on considère en outre qu’une forêt bien soignée, plantée d’essences résineuses à croissance rapide, donne du rapport après vingt-cinq ans, on peut prévoir combien, dans l’espace de cinquante ans, les revenus de telles plantations seraient rémunérateurs. Donc, financièrement, le résultat ne peut être douteux.

« M. le sénateur Audiffred a précisé le caractère de cette évolution mutualiste dans une communication faite à la Société forestière des Amis des arbres le 12 novembre 1902[13]. »

C’est maintenant par millions que se comptent les arbres plantés par les scolaires forestières.

M. Audiffred s’est également attaché à faire comprendre aux montagnards de la Loire les bienfaits d’un reboisement judicieux précédé d’améliorations pastorales, et a récemment développé au Sénat[14]les méthodes employées à cet effet.

Des ingénieurs et des touristes, justement émus de la dégradation toujours grandissante des montagnes et des obstacles que le reboisement rencontrait chez les populations pastorales, ont procédé à une étude approfondie de la situation économique en commençant par les Pyrénées[15]. D’après le mouvement de la population et les statistiques agricoles, ils ont discerné, au milieu d’incidens multiples, que les montagnards étaient ruinés par la transhumance qui avait retourné contre eux la situation pastorale. Le berger, trop fidèle aux pratiques contemporaines d’Abraham qui lui font chercher ailleurs des pâturages pour son bétail, voit maintenant arriver d’ailleurs d’innombrables troupeaux pour disputer aux siens leur maigre pâture, et les voit arriver d’autant plus nombreux que les plaines qui l’entourent sont plus riches ; l’exagération de la quantité de bétail a entraîné la dégradation des pelouses et la diminution des ressources qu’elles offrent au pâturage.

Les populations de la montagne ne peuvent rien pour sortir de cette situation déplorable ; enserrées dans un inextricable réseau de difficultés par l’indivision de la propriété et la vaine pâture qui entraîne rapidement la destruction, réduites à l’impuissance par la pénurie de leurs budgets, elles ne pourraient attendre le salut que d’un concours extérieur, et jusqu’alors, tous les moyens employés ailleurs pour la mise en valeur des terres incultes, vente, location emphytéotique, concours de l’État ou du Crédit foncier, étaient restés lettre morte.

Dans ces conditions déconcertantes, le mal même de la transhumance a fourni un remède à ses méfaits ; on a imaginé d’affermer aux communes les terrains qu’elles louent chaque année aux propriétaires de troupeaux transhumans, de façon à maintenir l’équilibre des budgets en y versant autant pour restaurer le domaine communal que la transhumance y versait pour le dégrader. Cette location, qui supprime une importante fraction du bétail conduit dans la montagne, rend tout facile : amélioration des pelouses, reboisement des pentes raides, cantonnement du bétail sur des parcours affectés à chaque troupeau, dont les bergers pourront jouir en bons pères de famille quand ils seront assurés de profiter seuls de leurs travaux et de leur prudence.

Pour passer de la théorie à la pratique, il fallait un instrument de sauvetage. Faisant appel à l’initiative privée, on a fondé l’Association centrale pour l’aménagement des montagnes[16]. Avec les ressources fournies par ses souscripteurs à dix francs par an et par quelques subventions, l’association afferma dès le premier mois de son existence, en mai 1904, 2 000 hectares de terrains communaux sur lesquels elle entreprit aussitôt des travaux de reboisement et d’amélioration pastorale qui procurent aux habitans des avantages immédiats et des richesses à venir, instituant ainsi une leçon de choses pour l’instruction des montagnards et leur conversion à des pratiques moins ruineuses. Les populations ont déjà compris le but et les moyens de l’association, plusieurs communes la sollicitent d’étendre ses opérations sur leur domaine, et sa dernière location lui concède pour dix-huit ans une cinquantaine d’hectares, de terrains dégradés, avec faculté de les clore et d’y faire tous travaux, moyennant un loyer pour ordre d’un franc par an.

L’exemple des départemens de l’Est, où la bonne gestion des forêts a développé la prospérité pastorale pendant que les Pyrénées, se ruinant par le déboisement, perdaient un quart de leur population ; où les seules communes du Doubs ont 3 millions de revenu forestier ; où la production du fromage et du beurre tient une large part dans nos 77 millions d’exportation de ces produits ; où, sur bien des points, la suppression des charges communales et le remboursement par l’affouage des autres impôts mettent les municipalités dans l’obligation de se défendre contre l’immigration, pourra être facilement suivi dans d’autres régions montagneuses quand les méthodes inaugurées par l’Association y auront aplani les difficultés de la transition.

Grâce à de nombreux concours, aux subventions de l’Etat et d’un grand nombre de départemens, de villes, de Chambres de commerce ou de sociétés, l’Association, qui a pour devise : « Sauver la terre de la patrie, » a pu développer son action ; sa location de 1904 évinçait 3 000 moutons transhumans de la vallée d’Aure, celle de 1905 en a supprimé 6 000 dans la vallée d’Ossau. A la suite des Congrès de l’aménagement des montagnes, réunis à Bordeaux, en 1905, et à Pau, en 1906, l’Association a montré aux congressistes les plantations, les pépinières, les chemins, les champs d’expérience créés dès la première année sur son territoire d’essais[17].

L’Association centrale s’est attachée par de nombreuses publications à instruire les populations pastorales de leurs véritables intérêts, à étudier des solutions pratiques dans diverses régions et à orienter les capitaux vers le reboisement pour conserver à la montagne sa terre et ses habitans.

Des opérations d’une aussi grande utilité ne pouvaient être limitées aux Pyrénées, mais l’administration de sections éloignées opérant dans des milieux où les mœurs et les conditions économiques diffèrent considérablement eût compliqué outre mesure l’œuvre de l’Association. Son dévouement a heureusement suscité des imitateurs et le commandant Audebrand a fondé en 1906 l’Association dauphinoise pour l’aménagement des montagnes qui, suivant les mêmes principes, a supprimé la transhumance sur un territoire de 2 000 hectares pris en location sur les pentes du mont Pelvoux. Les deux associations sont unies par une fédération dont le cadre doit s’élargir par l’adjonction de plusieurs sociétés forestières.

Le principe de la solidarité entre le pâturage et la forêt, qui avait conduit à la formation des associations pour l’aménagement des montagnes, a trouvé une éclatante confirmation dans une création de l’initiative individuelle. M. le marquis d’Aulan applique depuis 1905, sur ses propriétés de la Drôme, le reboisement en damier[18], qui consolide le sol par l’arbre sans gêner l’industrie pastorale et donne une excellente formule pratique en dehors des terrains dont la configuration assigne le reboisement aux pentes sur lesquelles l’herbe ne suffit pas à maintenir la terre. Ce travail est complété par la construction de barrages pour prévenir la formation des torrens, et nul exemple n’est plus digne d’éloges.

De divers côtés enfin des propriétaires travaillent au reboisement et il convient de citer les résultats obtenus dans la Champagne crayeuse, dite la Champagne pouilleuse, où l’initiative des particuliers a créé plus de 15 000 hectares de bois[19].


VI. — L’ORIENTATION DES CAPITAUX

Les initiatives privées, dont nous venons de citer quelques exemples, ont principalement pour objet d’ouvrir la voie aux capitaux, dont l’emploi en reboisemens serait des plus rémunérateurs, car il résulte des calculs de forestiers expérimentés que les sommes affectées au reboisement peuvent être dans la plupart des circonstances décuplées en moins de cinquante ans[20]. On a cité le curieux exemple d’un particulier qui, après avoir acheté des pentes incultes dans les Pyrénées pour une vingtaine de mille francs et avoir, pour se distraire, dépensé moins de 10 000 francs en semis et plantations, laissait, quarante-cinq ans après, à ses héritiers stupéfaits une propriété magnifique, contenant pour 270 000 francs de bois !

Si fructueux cependant que puisse être le placement des fonds en reboisemens, on ne doit pas se dissimuler que leur longue immobilisation n’est pas toujours faite pour tenter les particuliers et que ce genre d’opération est plus facilement praticable pour les collectivités possédant des réserves disponibles. L’effort nécessaire est énorme, dira-t-on, les résultats se feront bien longtemps attendre ; ce n’est pas un motif pour se décourager. Il faut orienter vers le reboisement tous les capitaux applicables à des opérations à long terme. La question du reboisement est en effet une question de salut public et l’on ne peut en différer la solution, que chaque ajournement rend plus coûteuse.

Dans ces opérations, les compagnies d’assurances, les caisses de retraites, les mutualités, les associations trouveraient un placement plus rémunérateur qu’en valeurs de Bourse ; mais aucune de ces sociétés ne possède le personnel technique indispensable pour la création ou l’administration de forêts ; aucune ne voudrait avoir à l’organiser tout d’abord pour des opérations de début, qui seront évidemment des essais limités à des proportions modestes.

On ne saurait cependant oublier qu’il existe en France un administrateur de forêts exceptionnellement compétent, dont l’action s’exerce déjà en dehors de son domaine propre sur d’immenses superficies boisées qu’il préserve de la destruction : c’est l’Etat, et il serait fort simple d’étendre cette action aux bois pour lesquels leurs propriétaires collectifs demanderaient les mêmes garanties de conservation, en les assimilant à ceux des établissemens publics.

Il n’y aurait rien d’insolite à ce que le service forestier de l’Etat, chargé de l’administration obligatoire des bois des communes et des établissemens publics, gérât également sur leur demande ceux des compagnies d’assurances ou des mutualités.

De nombreux précédens justifieraient d’ailleurs cette pratique, puisque l’Etat construit des chemins de fer pour les compagnies, des routes pour les départemens et les communes, frappe à la Monnaie nationale des médailles pour les particuliers ou du numéraire pour les nations étrangères, et distribue à guichet ouvert des billets permettant à tout venant d’utiliser pour ses besoins particuliers le personnel et le matériel des chemins de fer qu’il exploite.

Cette mesure si conforme à l’intérêt général répondrait d’ailleurs à l’opinion publique, car un grand nombre de Conseils généraux, de sociétés agricoles ou forestières et de Chambres de commerce ont émis avec l’Association centrale pour l’aménagement des montagnes le vœu que les associations et les sociétés par actions aient la faculté de réclamer l’application à leurs bois des dispositions du Code forestier relatives aux bois des communes et des établissemens publics. Il ne s’agit là que d’une loi de liberté, et l’on ne voit nul motif de la limiter à quelques catégories de propriétaires au lieu de donner à tous la faculté de soumettre leurs bois au régime forestier.

Plusieurs forestiers dont les ouvrages font autorité[21]ont développé les avantages que les particuliers et le pays tout entier trouveraient dans la soumission volontaire au régime forestier, qui a fait l’objet d’une proposition de loi déposée le 7 mars 1907 par M. Ferdinand Bougère, député.


Dans le même ordre d’idées, plusieurs auteurs se sont attachés à montrer que la conservation des bois présentait bien plus de garanties entre les mains des propriétaires impérissables et à rechercher les moyens de donner des garanties analogues de bonne administration aux bois des particuliers[22]. Les solutions qu’ils ont indiquées, dont plusieurs sont étudiées avec beaucoup de détail, sont toutes de nature à appeler la plus sérieuse attention et correspondent à deux objectifs distincts : la réglementation légale, à laquelle on travaille depuis si longtemps, et le groupement syndical dont on peut beaucoup espérer d’après les créations auxquelles il a déjà abouti[23]. Ces solutions ne sont d’ailleurs nullement en contradiction avec la soumission volontaire au régime forestier, car si le législateur doit souvent intervenir pour donner le pas à l’intérêt général sur les intérêts particuliers, il doit tout d’abord laisser à tous la faculté de servir l’intérêt général et de mettre ainsi en évidence l’identité qu’il peut présenter avec l’intérêt particulier.

Si l’on passe en revue les propriétaires impérissables qui peuvent envisager des opérations à long terme et concourir par suite au reboisement, on trouve :

D’abord les compagnies d’assurances, dont les placemens en immeubles dépassent 500 millions[24] ; puis les sociétés de secours mutuels, qui disposent de plus de 400 millions[25].

A celles-ci viendraient s’ajouter, aussitôt que la législation le leur permettrait : les associations reconnues d’utilité publique ou déclarées[26] ; la Caisse nationale des retraites qui dispose de plus d’un milliard[27] ; les caisses d’épargne, avec plus de 4 milliards de dépôts[28] ; la caisse des retraites ouvrières[29].

Il n’est pas jusqu’aux prélèvemens du Pari mutuel[30]qui ne puissent, sans dépense, mettre chaque année quelques millions à la disposition des communes en montagne pour contribuer aux mesures de préservation, si les subventions pour « travaux communaux d’adduction d’eau potable » s’étendaient aux travaux de « régularisation du régime des eaux par des améliorations pastorales ou forestières. »

Le cadre des propriétaires impérissables peut être dès maintenant élargi par l’adoption de la proposition de loi que M. Ferdinand Bougère, député, a déposée le 7 mars 1907, en vue d’autoriser les associations reconnues d’utilité publique ou déclarées à posséder des bois ou des terrains à utiliser pour le reboisement, conformément aux vœux précédemment émis par un grand nombre de sociétés agricoles, forestières ou scientifiques, de Chambres de commerce et de Conseils généraux.


VII. — NÉCESSITÉ D’UN PROMPT REMÈDE

Il est indispensable de concentrer au plus vite les efforts de tous sur la défense du sol national, car la dégradation n’attend pas. Chiffres en main, Chambrelent, le savant ingénieur qui avait assaini et reboisé les landes de Gascogne, a prouvé qu’il en coûterait moins cher pour exécuter un programme d’ensemble, s’appliquant à la fois aux Pyrénées et aux Alpes, que pour réparer chaque année les dégâts subis par les cours d’eau, les routes ou les chemins de fer[31], et les déclarations ministérielles qu’il cite ne sont pas moins catégoriques :

« Le relevé des pertes infligées au pays par les grandes inondations, disait le ministre, a montré que celle de 1856 avait coûté plus de 220 millions à la France et il a été calculé que les inondations des 40 dernières années avaient causé des ravages pour une somme supérieure à 700 millions ; et il ne faut que 200 millions au maximum pour achever l’œuvre entière de salut et de sauvegarde pour l’avenir, et encore ces 200 millions seront-ils restitués à la France par les richesses forestières qu’ils nous donneront, tout en évitant à l’avenir les désastres de 220 et 700 millions. »

Deux cents millions, disait le ministre ; deux milliards, écrivait Monestier-Savignat. La différence est sensible, et qui doit-on croire ?

Tous deux sont dans le vrai, mais ils ne se sont pas placés au même point de vue : l’ingénieur évaluait un aménagement complet en y comprenant « les améliorations agricoles par irrigation, dessèchement, consolidation et conquête de terrains, plantations et amendement » dont la dépense éminemment rémunératrice peut et doit incomber à ceux qui en profiteront, tandis que l’homme d’Etat envisageait uniquement la restauration d’intérêt général, indispensable pour la sécurité et le développement de la fortune publique dont on ne peut rechercher les bénéficiaires pour les y faire participer. La méthode inaugurée par l’Association pour l’aménagement des montagnes n’entraînerait d’ailleurs pour la préservation en dehors des périmètres qu’une dépense de 80 millions, inférieure à la réparation des désastres d’une seule inondation[32], et les charges incombant à l’Etat se réduisent à celles d’intérêt général, qu’il est assuré de récupérer largement par l’accroissement des ressources contributives correspondant à l’enrichissement du pays[33]. « Les bienfaits à réaliser équivaudront à des milliards. Retarder une telle opération sons prétexte de ménager les intérêts du Trésor, ce n’est pas seulement une fausse économie, ce serait une mauvaise gestion des intérêts financiers de l’État[34]. »

Dans cette immense association de l’intérêt général et des intérêts particuliers, qu’englobe la question de l’aménagement, tout doit marcher de front. Depuis bientôt un demi-siècle, le service forestier travaille courageusement à la restauration en montagne, et son effort est menacé d’impuissance parce qu’il reste isolé ; il se forme plus de torrens qu’on n’en corrige, il se détruit plus de bois qu’on n’en crée. Il faut absolument, pour sortir de cette impasse, mettre en jeu tous les élémens susceptibles de participer à cette transformation grandiose.


Les opérations de mise en valeur des régions incultes, dont les Landes, la Sologne et les Dombes fournissent en France les exemples les plus encourageans, ont toujours abouti par le concours des capitaux et des initiatives éclairées.

Ce concours est également indispensable pour achever l’aménagement des montagnes et le développement des richesses forestières de France.

Il faut diriger vers le reboisement l’orientation des capitaux, — dont l’abstention avait fait échouer les lois de 1860 et 1882, — par l’adoption des lois proposées pour la soumission volontaire au régime forestier et l’élargissement du cadre des propriétaires impérissables. Ces capitaux, que les compagnies d’assurances, les mutualités, les associations possèdent en quantité suffisante, tendront tout d’abord à assurer la conservation et l’extension du domaine forestier, qui sont les catégories les plus rémunératrices du reboisement ; et il appartient à l’Etat d’agir, par son exemple et ses encouragemens, pour les faire contribuer à la préservation en montagne, plus urgente encore : par son exemple, en imprimant une activité nouvelle à ses travaux ; par ses encouragemens, en augmentant le crédit des subventions pour seconder les initiatives de tout genre.

Il ne suffit pas, pour vaincre l’indifférence générale en pareille matière, de montrer sous toutes les formes la grandeur et l’imminence des dangers résultant du déboisement. Il importe surtout de rassurer la conscience du public en lui faisant voir bien nettement qu’on l’appelle, non pas à intervenir entre des intérêts divergens, mais à les servir tous sans en desservir aucun. On doit aux publications et aux congrès de l’Association centrale pour l’aménagement des montagnes d’avoir approfondi la question pastorale, si longtemps considérée comme l’éternel écueil du reboisement : ces travaux ont montré à quel point le montagnard devient son propre ennemi en augmentant la surface de ses pâturages aux dépens de la forêt, mère des sources ; combien est grande la solidarité d’intérêts entre les hautes et basses vallées ; combien est identique le problème de conserver à la montagne sa terre et ses habitans.

Quand ils seront bien convaincus que la forêt est l’élément indispensable de la prospérité pastorale, en même temps que la prospérité pastorale constitue la meilleure sauvegarde des forêts, tous les esprits élevés, qui sont en même temps les plus faciles à passionner pour l’accomplissement du bien et les plus timorés par la crainte de léser si peu que ce soit une catégorie quelconque d’intérêts, apporteront sans hésitation leur concours à l’œuvre patriotique du reboisement.

L’initiative se manifeste volontiers en France quand l’opinion publique est favorablement préparée sur une question et quand chacun se rend compte des services à rendre ; elle peut d’ailleurs prendre bien des formes, et tous peuvent s’y associer utilement par leur enrôlement dans les sociétés d’action ou de propagande, par leur contribution aux « fêtes de l’Arbre, » aux œuvres forestières scolaires, par leur exemple ou leurs conseils, par leur recherche des reboisemens fructueux et des capitaux susceptibles de s’y appliquer. L’œuvre est une, mais les moyens de la servir sont d’une infinie diversité et ils se prêtent un mutuel appui ; son éminente utilité lui donne droit à tous les concours, et ceux-ci seront d’autant plus efficaces qu’ils seront plus solidement groupés et plus sérieusement documentés.

Le moment est spécialement favorable ; l’action d’initiatives collectives pour des reboisemens effectifs, le développement d’un grand nombre de sociétés et de publications forestières, et jusqu’à la transformation des débats parlementaires montrent que la question des pelouses et forêts intéresse enfin l’opinion publique. La discussion des budgets de 1905 et 1906, dans laquelle on a entendu les députés de régions montagneuses réclamer énergiquement le relèvement des crédits affectés au reboisement, l’accélération des travaux projetés dans les périmètres de restauration et le classement de nouveaux périmètres ; celle du budget de 1907, où rapporteurs, orateurs et ministres se sont trouvés d’accord sur la nécessité d’associer le gazonnement au reboisement, de convertir les montagnards et de faire appel à d’autres fonds que ceux de l’Etat, l’accueil fait dans les Pyrénées à l’Association centrale pour l’aménagement des montagnes, ce sont là autant de faits caractéristiques ; le reboisement et le gazonnement ont fusionné, les populations pastorales renoncent à leurs appréhensions ; on peut maintenant reboiser avec elles et pour elles.


Le mouvement qui s’est accentué en faveur de la défense des montagnes ne doit pas s’arrêter ; il faut que le reboisement devienne populaire, que l’homme aime l’arbre pour le fixer à la terre et fixer la terre elle-même à la roche qui la supporte, car « le déboisement est un des fléaux les plus redoutables qui menacent l’humanité. Ce n’est point assez dire : il est un péril pour la vie même de l’univers[35]. »

Quelques lois de détail suffiront pour détruire les obstacles qui empêchent de réunir les capitaux indispensables au reboisement de nos montagnes, quelques additions au budget suffiront pour seconder les initiatives privées.

C’est en France qu’a été poussé le premier cri d’alarme, qu’a été donné le premier exemple de la défense contre le déboisement et, dans ce pays de toutes les généreuses initiatives, tous voudront concentrer leurs efforts et associer leurs dévouemens pour sauver la terre de la patrie.


PAUL DESCOMBES.


  1. Monestier-Savignat, Études sur les phénomènes, l’aménagement et la législation des eaux au point de vue des inondations. Paris, 1858 (Dunod).
  2. Journal officiel du 21 juin 1876, p. 4369.
  3. Journal officiel de 1904. Documens parlementaires (Chambre), p. 1556.
  4. La superficie du périmètre s’est élevée de 315 062 hectares en 1900, à 345 140 hectares en 1904.
  5. Clavé, le Reboisement des Alpes, dans la Revue du 1er février 1881.
  6. Mélard, Insuffisance de la production des bois d’œuvre dans le Monde. Imprimerie Nationale, 1900.
  7. E. Cardot, La mise en valeur des terres communales incultes. Revue des Eaux et Forêts, 1903.
  8. A. de Grossouvre, L’Aménagement et la conservation des eaux. Bourges, 1903. Typographie Sire.
  9. L. A. Fabre, Index bibliographique. Premier Congrès du Sud-Ouest navigable. Bordeaux, 1902.
  10. Albert Mengeot, la Fête de l’Arbre en Espagne. Premier Congrès de l’Aménagement des montagnes. Bordeaux, 1906 ; Féret et fils, éditeurs.
  11. A. Calvet, Observations sommaires sur le Progrès rural. 39e Congrès scientifique de France. Pau, 1873 ;
    A. Calvet, Note sur les Associations pastorales dans les Pyrénées. Revue des Eaux et Forêts, août 1874 ;
    Buisson, les Fruitières de la Haute-Garonne. Imprimerie Nationale, 1900.
  12. De Bélinay, le Reboisement dans la Corrèze, Moniteur du Syndicat agricole de la Corrèze, 1er mars 1889 et suivans.
  13. Th. Janvrais, les Arbres de la Mutualité et leurs ancêtres. Bordeaux, 1906 ; librairie de la Mutualité.
  14. Journal officiel du 19 janvier 1907.
  15. Paul Descombes, Étude sur l’Aménagement des montagnes dans la chaîne des Pyrénées. Bordeaux, 1905 ; Furet et fils. Deuxième édition précédée d’une introduction par M. Bouquet de la Grye, de l’Institut.
  16. Siège social à Bordeaux, 142, rue de Pessac.
  17. Un Congrès international de l’Aménagement des montagnes s’ouvrira à Bordeaux le 19 juillet 1907.
  18. Marquis d’Aulan, Amélioration des cours d’eau en montagne. Avignon, 1905 ; Imprimerie J. Roche et Rullière.
  19. L. Pardé, le Reboisement dans le département de l’Aube. Revue des Eaux et Forêts, 1er avril 1907.
  20. E. Cardot, la Mise en valeur des terres incultes. Revue des Eaux et Forêts, 1903-1904. Volmerange, la Mise en valeur des bruyères par le Reboisement. Aurillac, 1904.
  21. E. Desjobert, Aide à la gestion des bois particuliers. — Bulletin de la Société forestière de Franche-Comté, mars 1906. Ch. Broilliard, la Soumission volontaire au régime forestier. Bulletin de la Société forestière de Franche-Comté, décembre 1906.
  22. Guyot, Réflexions sur la Nationalisation du sol forestier. Bordeaux, 1906. Premier Congrès de l’Aménagement des Montagnes ; Reynard, les Forêts d’utilité publique. Bordeaux, 1906. Premier Congrès de l’Aménagement des Montagnes ; Louée, Comparaison entre l’action syndicale agricole et l’action syndicale forestière. Bulletin de la Société forestière de Franche-Comté, septembre 1905 ; De Liocourt et Pardé, Projet d’Association forestière. Bulletin de la Société forestière de Franche-Comté, décembre 1905.
  23. Des syndicats viennent de se créer à trois fins différentes : le Syndicat forestier de France pour la création de bois avec l’aide des capitaux particuliers, le Syndicat forestier de Sologne pour l’administration rationnelle des bois, le Syndicat des Sylviculteurs du canton de Pessac (Gironde), celui de la Commune de Sainte-Hélène (Gironde), et le Syndicat contre l’incendie d’Onesse-et-Laharie (Landes) pour la défense des bois contre l’incendie.
  24. P. Descombes, l’Orientation des capitaux vers le reboisement. — Revue des Eaux et Forêts, 1er juillet 1905. J.-M. Girard, l’Orientation, vers le reboisement, des capitaux collectifs. Deuxième congrès de l’aménagement des montagnes, Bordeaux, 1907, Féret et fils, éditeurs.
  25. Exposé de M. Audiffred à la Commission des Pelouses et Forêts, Revue du Touring-Club, avril 1906.
  26. P. Descombes, l’Orientation des capitaux vers le reboisement. — Revue des Eaux et Forêts, 1er juillet 1905. J.-M. Girard, l’Orientation, vers le reboisement, des capitaux collectifs. Deuxième congrès de l’aménagement des montagnes, Bordeaux, 1907, Féret et fils, éditeurs.
  27. Exposé de M. Audiffred à la Commission des Pelouses et Forêts, Revue du Touring-Club, avril 1906.
  28. Exposé de M. Audiffred à la Commission des Pelouses et Forêts, Revue du Touring-Club, avril 1906.
  29. M. Schwob, le Reboisement. Conférence au XIe congrès de la Loire navigable, octobre 1904.
  30. Loi du 31 mars 1903, art. 102.
  31. Chambrelent, Fixation des torrens et boisement des montagnes, Comptes rendus de l’Académie des Sciences, 6 mars 1893.
  32. Edouard Payen, le Déboisement, l’Économiste français du 13 avril 1907.
  33. La seule consommation en tabac des 161 000 Pyrénéens manquant au recensement de 1846 ferait entrer chaque année un million et demi au Trésor.
  34. Chambrelent, op. cit.
  35. Pierre Baudin, l’Envers de l’Idylle.