La Doctrine religieuses de Spinoza

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La Doctrine religieuses de Spinoza
Revue des Deux Mondes5e période, tome 3 (p. 173-195).
LA DOCTRINE RELIGIEUSE
DE
SPINOZA

Quelques documens nouveaux sur Spinoza ont paru dans ces dernières années. En premier lieu, l’Inventaire de sa bibliothèque, luxueusement édité par M. van Rooijen[1]. — M. Ludwig Stein a publié quelques écrits inédits de Leibniz[2], parmi lesquels se trouve un plan de l’Éthique, communiqué à Leibniz par un jeune disciple de Spinoza, Tschirnhausen. — M. Freudenthal, enfin, a récemment réuni un Recueil de textes relatifs à la biographie de Spinoza[3] : un grand nombre étaient complètement inconnus. — Le zèle de l’érudition allemande et hollandaise à recueillir les moindres renseignemens qui concernent Spinoza témoigne de l’ascendant séculaire que garde encore ce philosophe. Il ne peut être question, à ce propos, de parcourir ici les trois courts volumes de ses œuvres[4]. J’analyserai seulement une partie du Traité de Théologie et de Politique (1670) : la partie théologique[5]. Renan disait de ce Traité qu’une moitié au moins en pourrait être réimprimée sans rien perdre de son à-propos. Après l’œuvre même de Renan, et des critiques religieux plus récens encore, il y a lieu aujourd’hui de remonter au philosophe qui non seulement a le premier appliqué la méthode et pressenti les résultats de l’exégèse contemporaine, mais a défini avec clarté le degré précis d’importance que les recherches d’exégèse ont pour la foi religieuse.


I

Pour éclairer l’ouvrage, mettons-le dans son cadre, la Hollande de 1670.

L’activité religieuse qui régnait alors en Hollande fait notre étonnement. Pendant l’invasion de 1672, un colonel genevois des armées de Louis XIV, Stoup, en fut si frappé que, restant aux apparences, il se demanda, dans un libelle fameux, quelle était, sous le fouillis des sectes, « la Religion des Hollandais. » Il n’y avait marchand ni homme du peuple qui ne discutât théologie, qui n’eût son opinion sur la prédestination, sur l’interprétation de l’Écriture, sur le contenu de la révélation[6]. Pour chacun, choisir sa religion était l’œuvre importante. Au premier rang se présentaient l’Eglise réformée, — église d’Etat pour les provinces de Hollande et de Zélande, — et l’Église wallonne, de langue française, son aînée en calvinisme ; puis, les luthériens et les romains catholiques, divisés, les premiers en « libéraux » et « rétablis, » les seconds en « molinistes » et « jansénistes, » ces derniers tout près du schisme[7]. — Des Réformés s’étaient détachés les « Remonstrans » ou Arminiens, groupe plus ouvert et plus tolérant, dont avait été Grotius, et qui, avec Jean de Witt et la bourgeoisie républicaine, était alors au pouvoir. — Il restait, dans le peuple, beaucoup d’Anabaptistes, ou plutôt de « Mennonites, » car ils avaient répudié le prophète Jean, campagnards puritains, qui s’appelaient eux-mêmes les <( raffinés » ou les « grossiers, » selon qu’ils étaient rigides ou modérés et suivaient le pasteur Apostool ou le médecin Galen. Plus profond, on pouvait trouver encore des Sacramentaires, des Enthousiastes, des croque-morts lollards, des colporteurs vaudois, et peut-être, parmi les tisserands, des Frères de la vie commune. Partout enfin on croyait apercevoir la secte insaisissable dos Sociniens, la seule qui fut vraiment persécutée, contre laquelle tout le monde se tournait, parce que tout le monde avait peur d’être accusé d’en être.

Parmi les Remonstrans s’était formé le petit groupe des « Collégiens » (collectanten), chrétiens pieux, las des disputes, qui se bornaient au culte domestique, et à des retraites de piété faites en commun, deux fois l’an, dans les îles vertes de Rijnsburg. C’était le groupe le plus ouvert, le premier peut-être qui ait conçu la pleine liberté de croyance. Les « Collégiens » admettaient même les catholiques, même les juifs ; même les sociniens. C’est chez eux que Spinoza avait été reçu au sortir de la synagogue[8] ; c’est dans leur orphelinat qu’on a retrouvé ses œuvres inédites.

La multiplicité des croyances religieuses était plus grande encore que ne fait supposer la division des églises. L’autorité des confessions de foi allait s’affaiblissant. Il s’y substituait de plus en plus l’influence personnelle des théologiens. Pas un qui n’eût en quelque manière sa secte. Un proverbe prétendait que, « s’il prenait fantaisie au diable d’établir une école en Hollande, il y trouverait des disciples. » On se distinguait d’après le théologien qu’on suivait, d’après le degré de confiance qu’on lui accordait. On était Voétien vivant ou Voétien mort, Coccéien sérieux ou Coccéien vert. De là naissaient d’interminables controverses. Chacun tirait à soi l’Écriture pour en extraire des dicta probantia. « Autant de têtes, autant de textes, » c’était un autre proverbe[9]. On sentit enfin qu’à s’y bien prendre, on pouvait fonder sur l’Écriture à peu près toutes les thèses. La question capitale fut alors de savoir de quelle manière il fallait interpréter l’Écriture. Cette question donna lieu, entre 1660 et 1670, à plusieurs dissertations importantes, soit philosophiques, soit « paradoxales[10]. »

À Utrecht, vrai centre religieux des Provinces-Unies, Voétius, octogénaire, mais encore sur la brèche, défendait jalousement l’orthodoxie, le point de vue conservateur, formaliste. S’il n’avait plus ses amis du temps de la belle lutte contre Descartes, il était soutenu par son fils, vieillard lui-même, par son petit-fils, par Régner de Mansvelt et le pasteur patriote Jodocus de Lodensteyn.

Mais les regards se détournaient d’Utrecht ; ils allaient à Leyde, l’Université cartésienne et moderne, où Jean Coccejus avait inauguré une exégèse aventureuse et séduisante. Il avait décidément rompu avec la tradition, avec la scolastique dont les théologiens d’Utrecht et les anciens professeurs de Leyde s’inspiraient encore. Une certaine connaissance de l’hébreu l’avait porté à établir une nouvelle économie, toute personnelle, des Livres saints. Il pouvait ainsi, et grâce à une parole chaude et persuasive, établir ses deux thèses : l’une, que tout dans l’Écriture est symbole et figure ; l’autre, que Dieu a contracté avec l’homme une triple alliance, avec une famille avant Moïse, avec une nation du temps des Hébreux, avec l’humanité entière depuis Jésus-Christ. Des disciples Intelligens, tels que François Burmann, défendaient celle théologie « figuriste et fédérale. » D’autres, avec Jean de Labadie, la poussaient vers un mysticisme banal, cherchant, après tan( d’autres, des symboles et des prédictions dans les deux livres qui ont fait le plus délirer l’humanité, le Cantique des Cantiques et l’Apocalypse.

En 1663 parut le livre retentissant de Louis Meyer : Philosophia S. Scripturae interpres, exercitatio paradoxa. L’auteur se déclarait plus cartésien que Coccejus. Il prétendait interpréter la Bible rationnellement, c’est-à-dire d’après la philosophie. C’était la méthode de Maïmonide, à la différence près qu’il ne s’agissait plus de trouver Aristote dans la Bible, mais Descartes, comme on y trouvera plus tard la philosophie allemande. Cette doctrine, ainsi qu’il arrivait alors, fut reprise et soutenue sous le voile d’une réfutation par un théologien et un médecin d’Utrecht, Voétiens tièdes tous les deux : Velthuysen[11] et Louis de Wolzogue. Elle fut, au contraire, âprement attaquée par Labadie[12]. Une victoire définitive était impossible. Malgré l’apparence, l’interprétation rationaliste est à peine un progrès sur l’interprétation mystique : elle n’est pas plus acceptable, elle est presque aussi arbitraire. Il fallait trouver une méthode de critique sur laquelle, sans distinction de croyances, se puisse faire l’accord des intelligences ; et, s’il était possible ensuite, quelques principes fermes sur lesquels se puisse faire l’accord des bonnes volontés. C’est à ce double objet que répond le Traité de Théologie de Spinoza.


II

Il dépasse autant le point île vue de Meyer que celui des Coccéiens. Spinoza évite de les nommer ; il réfute leurs doctrines opposées sous les noms de Maïmonide et de Juda-ibn-Alfachar, afin de rester supérieur aux polémiques[13] et parce qu’en ces discussions, les rabbins étaient de cinq ou six siècles en avance sur les chrétiens. Son livre contient la pure substance de la science rabbinique. Il est le couronnement inespéré et la revanche contre Maïmonide des vues de génie du grand rabbin nomade, Abraham-ibn-Ezra, et de l’admirable école française, de Salomon de Troyes (Raschi) et de David Qamhi de Narbonne (Kimchi).

Maïmonide soutient, comme tant de théologiens, l’idée fausse que tout passage de l’Écriture admet plusieurs sens. Pour choisir entre eux, il faut se rapporter à une doctrine philosophique. « Par exemple, dit-il, il résulte des plus claires démonstrations que Dieu n’est pas un être corporel ; il faut donc approprier à cette vérité tous les endroits de l’Écriture qui y sont littéralement contraires[14]. » Comme si les philosophes s’entendaient ; comme si l’Écriture leur était destinée ; comme si, enfin, les différens livres de la Bible présentaient une doctrine unique et cohérente ! En opposition à cette méthode « dangereuse et absurde, » Spinoza définit la condition essentielle d’une méthode rigoureuse ; la soumission à l’objet. Il faut critiquer la Bible par la Bible même, déterminer exactement ce qu’elle contient, ne demander d’explication qu’aux usages de la langue, ou à des raisonnemens fondés sur l’Écriture elle-même. « Par exemple, Moïse a dit que Dieu est un feu, que Dieu est jaloux. Rien de plus clair que ces paroles, à ne regarder que la signification des mots. Je classe donc ce passage parmi les passages clairs, bien qu’au regard de la raison, il soit parfaitement obscur. — Maintenant Moïse a-t-il cru, oui ou non, que Dieu soit un feu ? Il n’y a point lieu de se demander si cette doctrine est conforme ou non conforme à la raison, il faut voir si elle s’accorde ou ne s’accorde pas avec les autres opinions de Moïse. Or, comme, en plusieurs endroits, Moïse déclare que Dieu n’a aucune ressemblance avec les choses visibles, comme, d’autre part, le mot feu, en hébreu, se prend aussi pour la colère et la jalousie (Job, XXXI, 12), nous pouvons conclure que Dieu est un feu et Dieu est jaloux sont une même pensée. — Mais, Moïse ayant expressément enseigné que Dieu est jaloux, sans dire nulle part qu’il soit exempt de passions, il ne faut pas douter que Moïse n’ait admis que Dieu soit jaloux, bien que ce soit contraire à la raison. ) — Grotius seul, avant Spinoza, avait presque aussi nettement défini la méthode philologique, mais Spinoza la développe et l’applique.


La première connaissance requise est celle de lit langue des Livres saints, l’hébreu biblique, et, pour les derniers livres, l’araméen. D’énormes difficultés se présentent. L’hébreu biblique est une langue morte, dont il est presque impossible de reconstituer l’histoire. Le Livre de Job, par exemple, ou le Cantique des Cantiques, demeureront toujours des énigmes grammaticales[15]. Depuis les travaux de l’école espagnole (Xe siècle), vulgarisés par Ibn-Ezra et les Kimchi, il n’existe pas de grammaire qui sache distinguer l’hébreu biblique de l’hébreu rabbinique, ni même du néo-hébreu ; quant à ces anciens travaux, on y peut trouver, à la rigueur, une grammaire de la Bible, non une grammaire de l’hébreu. Ajoutez que la plupart des mots ne sont plus compris, que la syntaxe est perdue, et surtout que l’ancien hébreu est un continuum de consonnes. Les voyelles et les points ont été intercalés par les Massorètes, souvent à l’arbitraire. En changeant deux voyelles, saint Paul cite un texte de la Genèse tout autrement qu’il ne se trouve dans la Massore[16]. — L’ordre même des consonnes a quelque chose de flottant qui est inconnu de nos langues modernes. Les particules n’ont pas de sens arrêté ; les temps des verbes, le futur et le passé, se prennent l’un pour l’autre ; et c’est une question de savoir si les lettres mêmes, les gutturales, par exemple, ne peuvent pas s’échanger.

Nous avons de Spinoza un Sommaire de Grammaire hébraïque. Il y donna tous ses soins. Il ne put malheureusement l’achever, malgré son désir. Il y manque la syntaxe. Cet ouvrage marque une réaction un peu excessive contre les Massorètes, et plus encore contre les grammairiens modernes, Abraham de Balmes, Elie Levila, Buxtorf lui-même, et contre les Bibles vulgaires[17]. Spinoza revient aux rabbins du moyen âge, à Baschi et à Mosé

Kimchi, cette fois, plutôt qu’à Ibn-Ezra. Il s’inspire certainement aussi du De Arte grammatica (1635), de Ger.-J. Vossius, l’ami de Grotius. On voit dans cette grammaire un effort important pour séparer l’hébreu de l’araméen et du néo-hébreu. On y a noté des vues originales sur les accens, sur les altérations de voyelles[18].

En même temps qu’une grammaire, il faut un dictionnaire, ou plutôt des tables de concordances, comme celles de Nathan et de Buxtorf, indiquant pour chaque mot tous les passages où ce mot est employé. Mais l’utilité en est moins grande qu’on pourrait croire, car chaque auteur se soucie peu de s’expliquer soi-même, et les différens livres de la Bible sont loin de concorder entre eux.


En possession de ces deux instrumens de travail, grammaire et dictionnaire, on abordera les textes. Deux difficultés considérables se présentent, venant des altérations qu’ils ont subies et de ce que nous ne savons presque rien de leurs auteurs, de leur âge respectif, de leurs destinées. L’altération du texte de la Bible est à la fois si certaine et si profonde qu’ « il est presque aussi impossible de s’y confier ou de le refaire. » Toutefois Spinoza n’en exagère pas l’importance. La critique, en particulier, qu’il fait des notes marginales est un modèle de justesse et de modération.

Bien plus grave est notre ignorance de l’histoire des Livres saints. Presque tous sont, de fait, anonymes. Comment interpréter un ouvrage, si on ne sait rien de la vie de l’auteur, de ses opinions, de ses tendances ? N’expliquons-nous pas tout différemment une fable à peu près analogue, selon que nous la lisons dans l’Arioste, dans Ovide, ou dans le Livre des Juges ? — D’après ce que nous savons ou supposons de l’auteur, nous voyons un souci artistique chez l’Arioste, des vues politiques chez Ovide, tandis que nous prêtons une intention morale à l’écrivain sacré. Il nous faudrait connaître aussi à quelle occasion, pour quel auditoire chaque chose a été dite. Par exemple, le mot de Jésus : Bienheureux les affligés, car ils seront consolés, s’applique uniquement à ceux qui s’affligent de ne pas posséder le royaume d Dieu, et (interprétation plus contestable) le mot : Si quelqu’un le frappe à la joue droite, présente-lui la joue gauche, n’est applicable sans doute qu’aux époques d’oppression et dans un État où la justice est violée. — Nous ne savons guère enfin par quelles mains les Livres sont passés, à quelle époque exacte on en a fait un corps, puis un canon.

Telles sont quelques-unes des difficultés que soulève la méthode historique. On ne peut, par elle, espérer tout expliquer. Il faut établir quelques points, et, pour le reste, savoir ignorer, si l’on ne veut corrompre ce qui est clair en l’accommodant à ce qui est obscur. Les autres méthodes donnent, certes, une explication intégrale. Mais, seule, la méthode fragmentaire est sûre, parce qu’elle ne s’appuie sur aucune théorie préconçue, ni sur aucune autorité. Elle n’a pas d’autres sources que les textes qui lui sont soumis ; elle ne fait appel ni à la tradition du pontificat hébreu, comme le font les pharisiens, ni à la tradition plus récente du pontificat romain. Elle est indépendante, impersonnelle ; sans distinction de croyances, elle permet à tous les esprits droits de collaborer. Il est remarquable que Spinoza, qui ne soupçonna jamais la vraie méthode des sciences naturelles, fut, on peut le croire, le premier qui eut le sens profond de la critique historique.

Il ne se livre à aucune de ces conjectures personnelles qui, bien après lui, ont tenté, par leur tour paradoxal et comme artistique, des critiques tels que Renan. Les points qu’il établit sont fermes ; on peut déclarer qu’aucune de ses vues sur l’Ancien Testament n’est gravement contredite [tar l’exégèse d’aujourd’hui.

L’attribution enfantine du Pentateuque entier à Moïse était admise presque sans conteste[19]. Spinoza relève et commente six passages qui la contredisent et qu’Ibn-Ezra, le seul qui les ait aperçus, avait déjà notés d’une manière sibylline. Il en apporte d’autres, plus décisifs encore, et prouve que la rédaction du Pentateuque, auquel il voit bien qu’il faut joindre Josué, est, de plusieurs siècles, postérieure à Moïse. — Comment faut-il se représenter cette rédaction ? — Un siècle avant Astruc, deux siècles avant Wellhausen et avant l’école hollandaise de nos jours, Spinoza remarque le fait singulier que certains épisodes sont racontés plusieurs fois, ce qui donne à penser que le récit est fait d’après plusieurs sources. Une autre série d’argumens, dont Spinoza fait honneur à Raschi[20], est tirée de l’examen des Chronologies et des Généalogies données par l’Écriture ; elles sont contradictoires, ce qui montre bien que plusieurs documens ont été compilés. Quels étaient ces documens perdus qui ont passé dans la Bible ? Presque tous ceux que nous connaissons aujourd’hui sont déjà indiqués : le Livre des Guerres, le très court Livre de l’Alliance, le Livre de la Loi, les fragmens poétiques, tels que le Cantique de Moïse, les Généalogies, les Chroniques de Juda et celles d’Israël, et, après Esdras, le Livre des Annales, les Chroniques perses, les Chronologies chaldéennes. — Un examen merveilleusement sagace conduit Spinoza à l’hypothèse hardie, reprise de nos jours, que la législation du prétendu Deutéronome a été rédigée avant celle de l’Exode[21]. — Il scrute chaque Livre. Il manque, dans les Juges, un point précis où l’auteur compile un nouvel historien. Il montre que le premier livre de Samuel est fait de plusieurs récits parallèles, assez mal combinés. Les Prophéties d’Isaïe sont incomplètes ; celles de Jérémie ont été recueillies, ou plutôt entassées en désordre, mêlées à des Mémoires dictés à Baruch ; celles d’Ezéchiel et des petits prophètes ne sont que des fragmens. Job est, à tous points de vue, une énigme. Les six chapitres de Daniel écrits en chaldéen sont tirés des Chronologies chaldéennes. Le Livre des Proverbes ne peut pas être antérieur à Josias, il est probablement postérieur ; il a failli être enlevé par les rabbins du canon hébreu, comme l’ont été la Sagesse et Tobie : « Merci de l’avoir conservé ! » — La compilation des Psaumes se place à l’époque de Judas Macchabée, et bien longtemps après, les Paralipomènes, Esdras, Esther, Néhémie, les chapitres hébreux de Daniel[22]. Quant au Nouveau Testament, Spinoza refuse de l’aborder, parce qu’il ne connaît pas assez le grec : d’autres d’ailleurs s’en occupent[23].

Sous la multiplicité des documens utilisés, il sait voir l’unité réelle de la Bible, trop méconnue des critiques de nos jours, ou, du moins, de ceux qui les ont immédiatement précédés. La compilation d’Esdras, par exemple, est visiblement faite avec une intention unique, sur un plan déterminé. Les méthodes d’analyse ne doivent pas faire perdre de vue ce fait aveuglant : tout, dans la Bible, concourt à un même dessein.

Ces chapitres d’exégèse sont une partie solide de l’œuvre de Spinoza. Ils supposent un travail profond, bien conduit. Ils n’en donnent que les résultats, de façon un peu sommaire peut-être, et malheureusement trop enchevêtrée. Mais on admire un ensemble rare de hardiesse et de mesure dans la pensée, un souci constant de terminer les disputes en s’élevant au-dessus d’elles. Sur le point de s’emporter contre les rabbins sophistes et les interprètes vulgaires, Spinoza se reprend : « Loin de moi la pensée de les accuser de blasphème. Je sais que leurs intentions sont pures, et que se tromper est le propre de l’homme. » Tout le Traité fait œuvre de concorde ; on y sent partout la sérénité du savant.


III

Ce n’est pas seulement dans la question préliminaire de la critique des textes qu’une saine méthode doit faire l’accord des esprits ; c’est dans les questions mêmes qui semblent les diviser irrémédiablement : celle de la révélation et celle des miracles. Ce sont les questions graves, et, chose étrange, ce sont celles qu’on abandonne généralement à la croyance arbitraire ou aux négations a priori. Il faut oser leur appliquer la vraie méthode[24].

Renonçons à toute idée préconçue. Recherchons, non pas ce que nous entendons, mais ce que la Bible entend, par la révélation. Bien des contresens seront d’abord évités, si on prend garde à un trait de la psychologie du Juif. Le Juif ne connaît pas de causes moyennes ; il recourt toujours à Dieu. Le gain qu’il fait dans son commerce est un présent de Dieu ; s’il éprouve un désir, c’est Dieu qui y dispose son cœur ; s’il conçoit une idée, c’est Dieu qui lui a parlé. L’expression « de Dieu » ne marque souvent dans sa langue qu’un haut degré d’excellence. Dans la Bible, des « montagnes de Dieu » sont de très hautes montagnes, un « sommeil de Dieu » est un sommeil très profond. Les Psaumes parlent de « cèdres de Dieu » pour en exprimer la prodigieuse hauteur. Dans la Genèse, des hommes de grande force et de haute stature sont appelés « fils de Dieu, » quoique impies, brigands et libertins. Les miracles sont appelés « ouvrages de Dieu, » c’est-à-dire choses très merveilleuses. La science purement naturelle de Salomon est appelée « science de Dieu, » c’est-à-dire science extraordinaire. Par conséquent, dans la Bible, les expressions : « l’esprit de Dieu » a été donné à tel prophète ; tel prophète est rempli de « l’esprit de Dieu, » du « Saint-Esprit, » signifient souvent qu’on trouve à ce prophète une intelligence ou une vertu singulière, au-dessus du commun. Il n’y a qu’un petit nombre de cas où il soit indiqué formellement par là qu’il percevait la volonté ou les desseins de Dieu.

La prétendue élection des Hébreux n’est aussi qu’une figure de langage. Pour exprimer la sagesse de Salomon, on dit : « Nul ne sera aussi sage que lui. » De même, les Juifs ont prétendu que nulle autre nation ne pouvait recevoir la révélation, comme si l’ignorance des autres ajoutait à leur propre bonheur. Mais le témoignage positif de la Bible montre que les autres peuples ont eu des prophètes, et, comme les Hébreux, en ont eu de vrais et de faux. L’élection des Juifs n’était pas, comme l’imaginent les coccéiens, une alliance spirituelle avec Dieu. Elle ne consistait, d’après la Bible même, qu’en la révélation d’une législation avantageuse. Elle n’avait rien d’absolu, ni d’éternel ; les rabbins se trompent en croyant que la persistance des Juifs dans les pays où ils n’ont pas pu se fondre s’explique par une cause surnaturelle. La haine des nations a été, pour les Juifs, un principe de conservation. Et, s’ils venaient aujourd’hui à reconstituer leur empire, on verrait dans cet événement naturel une seconde élection de Dieu[25].

Examinons les cas où des prophètes juifs ont vraiment perçu une révélation. Comment la percevaient-ils ? La Bible fait toujours une distinction entre Moïse et les autres prophètes. « À Moïse, je parle bouche à bouche ; aux autres, par images énigmatiques. » (Nomb., XII, 8.) Il faut admettre, à moins de violenter le sens de l’Écriture, que Moïse a perçu une voix réelle. Il trouvait Dieu prêt à lui parler partout où il voulait l’entendre. Les autres ont eu des visions. Quelques-uns ont vu Dieu. Nulle part, la Bible ne dit que Dieu soit sans figure. Moïse, au moment où il entendait parler Dieu, regarda sa figure, et, sans être assez heureux pour la voir, en aperçut toutefois les parties postérieures. David, Josué, virent un ange tenant une épée. Isaïe, Michée, Daniel, virent Dieu, avec des vêtemens, assis. Ézéchiel vit Dieu sous la forme d’un feu. À toute force, Maïmonide veut que ce soient des récits de songe, parce qu’il est impossible de voir un ange les yeux ouverts, etc. Laissons ces hypothèses inutiles à la critique rationaliste. Quant à Jésus, on est forcé, par les textes, de lui faire une place unique. Il ne reçut sa révélation ni par paroles, ni par visions. Il ne s’entretint pas avec Dieu « bouche à bouche ; » il communiqua avec Dieu « d’âme à âme. » Mais, d’après l’Écriture, personne autre ne fut tel. Par rapport à lui, ses apôtres sont comme les anciens prophètes par rapport à Dieu. Ils ne saisissent pas immédiatement sa pensée, ils entendent ses paroles, ils voient ses actions. Ils les commentent ensuite. Leurs Epitres déjà ne sont plus l’énoncé pur et simple d’une révélation, mais un premier essai de transcription en langage abstrait.

Ainsi, à part Jésus, la révélation faite aux prophètes n’était pas une connaissance par la pensée, mais une connaissance par les sens, ou, dans la langue de Spinoza, par l’imagination. Pour être prophète, il ne fallait pas avoir, ainsi que le prétend Maïmonide, une âme plus parfaite, mais seulement une sensibilité plus vive. Aussi les prophéties ont-elles varié suivant le tempérament, la condition de chaque prophète, suivant les opinions dont il était imbu. Si le prophète était d’humeur gaie, il ne lui était révélé que victoires ; d’humeur triste, que guerres, supplices et malheurs. Amos, qui est un paysan, ne voit que bœufs et vaches ; Isaïe, homme de cour, ne voit que trônes. Zacharie, faible imagination, eut des révélations si obscures qu’il fut incapable de les comprendre sans une explication, et Daniel, même avec une explication, ne put comprendre les siennes. La révélation s’appropriait à chacun. Aux Mages, qui croyaient à l’astrologie, la nativité du Christ fut révélée par l’image d’une étoile. Les augures de Nabuchodonosor virent la dévastation de Jérusalem dans les entrailles des victimes. Jamais la révélation n’a rendu un prophète plus instruit. Elle n’a pas appris à Josué le phénomène des parhélies ; ni à l’architecte du Temple, que le rapport de la circonférence au diamètre n’est pas exactement de 3 à 1 ; ni à Noé, qu’il y avait des habitans hors de la Palestine. Elle n’a même, remarquons-le, jamais instruit personne de la vraie nature de Dieu. Spinoza fait habilement la psychologie de Moïse, ou, comme nous disons aujourd’hui, du rédacteur jéhoviste. Cet auteur ne sait de Dieu à peu près qu’une chose, qu’il est jaloux. Jonas espère échapper à la présence de Dieu. Tout ce qu’Ezéchiel dit de Dieu semble écrit pour réfuter Moïse. Samuel croit que Dieu ne se repent jamais ; Jérémie, que Dieu peut se repentir ; Joël, que Dieu ne se repent que du tort qu’il a fait. Concluons provisoirement qu’on ne peut chercher dans la Bible aucune connaissance théorique, ni des choses naturelles, ni des choses spirituelles. Il n’est pas moins absurde d’en tirer une théologie qu’une physique. Nous verrons bientôt ce qu’on y doit chercher.


IV

La connaissance par l’imagination n’a pas, comme la connaissance par l’entendement, sa certitude en elle-même. Elle a besoin d’un signe qui la confirme. Abraham, Gédéon, demandent à Dieu un signe. Moïse ordonne aux Hébreux d’exiger des signes de tous leurs prophètes. Ces signes, ce sont, en général, des miracles. On a si bien obscurci la question des miracles qu’il est devenu presque impossible de s’entendre. Cela tient d’abord à ce qu’on a multiplié outre mesure le nombre des miracles, sans tenir compte des habitudes d’une langue qui dit : « Dieu a ouvert les fenêtres du Ciel, » pour dire : il a beaucoup plu ; sans tenir compte surtout de la difficulté qu’ont les gens de médiocre culture à exprimer simplement un fait. Si le jour a été plus long que de coutume, bien peu de personnes diront : « le jour a été plus long que de coutume, » presque toutes diront : « le soleil a suspendu son cours. » Que sera-ce, si, au lieu de raconter ce fait, elles le chantent par la poésie ! On peut tenir en principe qu’il n’y a de vrais miracles que ceux qui servent à confirmer une doctrine.

Mais voici surtout, selon Spinoza, d’où est sorti le débat : l’idée qu’on se fait du miracle a été bouleversée du jour où l’on a conçu des lois naturelles. C’est une conception récente. Les auteurs des Livres saints y étaient parfaitement étrangers. Ils ne considéraient aucun fait comme nécessaire ; tout, pour eux, était miracle, au sens moderne du mot. Ce qu’ils appelaient miracles, c’étaient des faits destinés plus que d’autres à frapper l’imagination, des faits, en un mot, « qu’on ne comprenait pas, » le vulgaire croyant comprendre suffisamment une chose, quand elle a cessé de l’étonner. De tels faits servaient de preuves, car on les rapportait à une cause extraordinaire, à Dieu lui-même. Mais, aujourd’hui, ils ont perdu pour nous leur force probante. Un miracle, de quelque façon qu’on le prenne, qu’on y voie une rupture dans la série des causes efficientes, ou l’introduction d’une finalité particulière, qu’on l’imagine contraire à la nature ou supérieur à la nature, nous ne disons pas avec les rationalistes que ce soit une chose inintelligible, nous disons qu’il nous est impossible de l’attribuer à Dieu. C’est des faits ordinaires, naturels, que nous lirons maintenant notre meilleure preuve de l’existence de Dieu, depuis que nous les savons enchaînés par des lois universelles et nécessaires, où nous voyons comme une manifestation de l’éternité, de l’infinité, de l’immutabilité de Dieu.

Nous trouvons absurde de recourir à la puissance de Dieu, quand nous ignorons la cause naturelle d’une chose, c’est-à-dire la puissance de Dieu même. Et, si un fait n’avait réellement pas sa cause dans la nature, comme il ne serait jamais qu’un effet limité, nous ne pourrions l’attribuer qu’à une puissance limitée, à un démiurge, à un démon. Un miracle ne pourrait pas nous prouver l’existence de Dieu, mais nous en faire douter. Ce sont les sceptiques et les athées qui devraient maintenant tirer argument des miracles.

Rappelons-nous que, dans l’Écriture, les miracles n’avaient de valeur qu’en tant qu’ils atteignaient leur fin, l’édification des âmes. Or, cette fin n’est plus atteinte. Jamais l’Écriture n’a donné aux miracles une importance prépondérante. Après Moïse, Ézéchiel et Michée, Jésus nous avertit qu’il y a de faux miracles, destinés à aveugler les méchans. On peut donc moins se fier aux miracles eux-mêmes qu’à la sainteté de la vie de celui qui les accomplit, car il n’y a que les justes que Dieu ne trompe jamais. Pour les gens peu subtils, les miracles discernent la doctrine ; pour les esprits un peu éclairés, la doctrine discerne les miracles. En un mot, les miracles étaient des moyens d’édification, légitimes tant qu’ils produisaient leur effet, mais à rejeter depuis qu’ils se sont tournés en scandale. Il y avait autrefois deux « signes » de la révélation, les miracles et l’excellence de la vie qui nous est proposée. Nous ne sommes plus frappés que du second. Si nous ne pensions pas que cette règle de vie soit la meilleure de toutes, nous rejetterions la Bible comme l’Alcoran Nous ne verrions en elle aucun caractère de divinité.


V

Quelle est cette règle de vie ? Spinoza l’appelle tantôt « loi divine » parce qu’elle n’a rapport qu’au salut, tantôt « foi catholique » parce qu’elle peut être acceptée de tous les hommes. Elle est contenue dans le précepte : « Aimez Dieu comme votre souverain bien, » auquel il faut joindre cet autre, qui est au fond le nième que le premier : « Aimez les autres hommes autant que vous-mêmes. » Tous les moyens qui concourent à cette fin sont des commandemens de Dieu ; il n’y en a pas d’autres. Des lois humaines, comme celles de Moïse, ont pu être sanctionnées par la révélation : la loi divine est différente. Celui-là seul observe la loi divine qui aime Dieu, et qui l’aime non par crainte, ni par espoir, mais parce qu’il la connu. Cela est essentiel. Le reste n’est que moyens pour disposer lame.

Quelle importance faut-il donner à la célébration du culte, à la lecture des Livres saints, à la croyance aux dogmes ?

Les cérémonies du culte étaient pour les Hébreux des institutions politiques. On avait introduit la religion dans le gouvernement pour que le peuple obéît aux lois par dévotion. Mais les prophètes ont toujours distingué lu loi divine des cérémonies. Isaïe exclut de la loi divine toute espèce de sacrifices et de fêtes ; il la fait consister dans la purification de lame et la charité. « Vous n’avez voulu, disent les Psaumes, ni sacrifices ni présens, votre loi est dans mes entrailles ». Quant aux cérémonies du christianisme, elles sont les signes extérieurs de l’Eglise universelle, elles maintiennent l’intégrité de la société chrétienne. Ce sont des actions, de soi indifférentes, mais symboliques de biens nécessaires au salut. Pas plus que la prière, on ne peut les rejeter, car elles sont des moyens d’amener les hommes à aimer Dieu et à faire leur salut. Mais on ne peut pas davantage leur attribuer un caractère absolu d’obligation : elles ne sont pas, dit fortement Spinoza, des « actions, filles de l’entendement. » La foi, en certains cas, peut suffire sans le culte. Au Japon, les Hollandais restent chrétiens, bien qu’ils soient forcés de renoncer à la profession extérieure de leur religion.


Les Livres saints sont presque tout entiers en récits, récifs édifians, à coup sûr, et destinés à donner la foi à ceux qui ne peuvent saisir les choses par l’entendement, mais qui, pour cela même, ne sont pas tous nécessaires. Hs peuvent se suppléer les uns les autres. On peut entendre la doctrine qu’ils enferment sans connaître par le menu les troubles domestiques de la famille d’Isaac, ni les conseils d’Achitophel à Absalon. Pour le reste, en quel sens peut-on dire que ces livres contiennent la parole de Dieu ? Il faut se détacher résolument de la représentation grossière de lettres missives écrites par Dieu dans le ciel et envoyées de là aux hommes. La Bible a subi la condition de tous les livres humains. Elle n’a pas en soi un caractère sacré, mais elle nous est sacrée parce que la vraie religion y est enseignée. Sachons, en effet, ce que signifie le mot « sacré. » Rien, considéré hors de l’âme, ne peut être appelé sacré ni profane. Cela est sacré et divin qui peut porter à la piété, et tout objet semblable restera sacré tant que les hommes s’en serviront dans une intention religieuse. Moïse brisa les Tables de la Loi parce qu’elles avaient perdu leur caractère sacré du jour où elles n’étaient plus observées. La Bible ne demeure sacrée que pendant qu’elle inspire des sentimens de piété ; si elle cessait de les inspirer, elle ne serait plus pour nous que du papier et de l’encre.

Mais, si on prend l’Écriture pour ce qu’elle est, un guide de la vie morale, sous cet aspect, elle n’est plus ni trompeuse, ni corrompue, ni mutilée. Les objections de l’exégèse, si graves dans le point de vue opposé, sont ici insignifiantes. Car, à qui comprend à moitié, un demi-mot suffit. Dans l’ordre de l’intelligence, nous comprendrions encore la géométrie d’Euclide, quand même nous ignorerions presque tout de l’auteur et des fortunes diverses de l’ouvrage. De même, dans l’ordre du cœur, il y a en nous quelque chose qui répond aux paroles de l’Écriture, qui les pressent et obscurément les devance. « Aimez Dieu et le prochain, » cette parole ne peut être apocryphe, elle ne peut résulter d’une erreur de plume ni d’une trop grande précipitation. Il en est de même des maximes morales qui en découlent. Je les trouve dans la Bible, mais je les trouve en moi. « Accumulons les fautes, dit Spinoza, supposons le texte de la Bible mille fois plus corrompu qu’il n’est en réalité, sur quoi, en définitive, pourront porter les altérations ? À mettre les choses au pis, sur quelques circonstances ajoutées à une histoire, à une prophétie, pour exciter davantage la dévotion populaire ; sur quelques miracles inventés pour déconcerter les philosophes ; sur quelques dogmes imaginés pour justifier telle ou telle théorie particulière. Il importe peu au salut que de telles choses aient été altérées


Il faut avoir le courage de dire des dogmes la même chose que des cérémonies et des lectures sacrées. Ils ne sont pas tous essentiels à la foi. On ne trouve dans l’Écriture aucun des attributs éternels de Dieu, et les hommes ne sont pas tenus de les connaître. La connaissance de Dieu est un don de Dieu et non pas un commandement de Dieu. Ce don est rare, l’Écriture elle-même l’enseigne. Ce que les fidèles ont en commun, ce n’est pas la connaissance de Dieu, c’est l’obéissance à Dieu. Dira-t-on qu’ils ne sont pas obligés de connaître, mais de croire ? Ce serait ici un simple jeu de mots, car pour percevoir les choses visibles nous n’avons que les yeux ; pour percevoir les choses purement spéculatives, que les démonstrations. À la vérité, l’Écriture ne cherche pas à donner la science, mais l’esprit d’obéissance. Obéir à Dieu consiste à aimer les hommes. Aimer les hommes est la seule voie chrétienne d’aller à Dieu. Tout chrétien devrait se pénétrer de la doctrine de Jean, de cette grande doctrine d’amour : « Celui qui dit : Je connais Dieu, et qui n’aime pas les hommes est un menteur… Personne n’a l’idée de Dieu que par l’amour du prochain. Celui qui aime ses frères connaît Dieu, celui qui ne les aime pas ne connaît pas Dieu.. Dieu, qui est amour, nous a donné l’amour, et c’est par là que nous savons que tout homme est en Dieu, et que Dieu est en nous. »

La vie d’amour est l’unique règle de la foi catholique, le seul moyen d’en déterminer les dogmes fondamentaux. La foi consiste à savoir sur Dieu ce qu’on n’en peut pas ignorer sans perdre tout sentiment d’amour, ce qu’on en sait nécessairement par cela seul qu’on a ce sentiment. Elle ne porte pas sur des attributs métaphysiques, démontrables, de Dieu. On croira simplement qu’il y a un Père qui aime la justice, la charité. On y ajoutera, par exemple, qu’il est unique, qu’il est présent partout, qu’il a sur toutes choses une autorité suprême, que le culte qu’on lui doit ne consiste qu’en l’amour du prochain, que ceux qui vivent ainsi sont sauvés, que les péchés sont remis à ceux qui s’en repentent ; toutes vérités qu’il n’est pas besoin de savoir par la raison, mais d’éprouver par la pratique, car il n’y a pas d’abord des dogmes chrétiens entraînant un certain genre de vie, il y a d’abord une vie chrétienne appelant certaines croyances.

Sans doute ce petit nombre de dogmes fondamentaux ne peut pas être laissé à l’arbitraire, car chacun pourrait introduire dans la religion ce qui lui plairait, sous prétexte que c’est un moyen qui le dispose à la piété. Mais, pour tout le reste, la liberté est entière. Qu’est-ce que Dieu ? Est-il feu, esprit, lumière, pensée ? Comment est-il partout ? Y a-t-il en nous libre arbitre ou nécessité ? La récompense est-elle naturelle ou surnaturelle ? Cela ne regarde pas la foi. Pascal dit de même : « Il est indifférent au cœur de l’homme de croire trois ou quatre personnes en la Trinité. » Chacun peut, chacun doit mettre ces dogmes à sa portée, pour embrasser la foi sans répugnance, ni hésitation. Chacun peut, sur ces questions, se tromper pieusement, sans aucun mal. Les Livres saints donnent l’exemple : ils attribuent à Dieu des pieds, des yeux, une âme, un mouvement local, des passions, et c’est gratuitement qu’on suppose que ce sont des métaphores, car où finira la métaphore, où commencera le mystère ? Tant que je ne puis pas concevoir la vie chrétienne sans un Dieu personnel, tant que je ne la puis pas concevoir sans libre arbitre, ni immortalité temporelle, ce sont là des dogmes pour moi, jusque-là seulement. Les dogmes secondaires sont des moyens d’édification, moins grossiers que les miracles, accommodés à des esprits de plus grande culture, utiles tant qu’on ne les met pas en doute. Mais, dès qu’ils n’atteignent plus leur fin et veulent néanmoins s’imposer, ils deviennent cause de déchirement dans l’Eglise, de malheurs, de guerres, d’atroces absurdités.

Il faut alors que des esprits droits et pieux rendent à la sereine philosophie son domaine, et rappellent à la foi sa fin divine, le salut. La philosophie cherche la vérité. Il n’y a pas de question, si théologique qu’on la suppose, où elle puisse être gênée par la foi, car il n’y a pas un dogme pouvant donner lieu à controverses parmi les honnêtes gens qui appartienne vraiment à la foi catholique. La foi, de son côté, n’est pas une vérité, mais une pratique. Ce n’est pas celui qui expose les meilleures raisons qui fait preuve de la foi la meilleure, c’est celui qui accomplit les meilleures œuvres. Les fidèles ne peuvent pas accuser les philosophes d’impiété, les philosophes ne peuvent pas accuser les fidèles d’absurdité. Une opinion prise en soi, et sans rapport à la pratique, ne peut avoir ni piété, ni impiété ; n’est hérétique que ce qui porte à la rébellion, aux disputes et à la haine. Et, d’autre part, une croyance n’est pas absurde qui est un soutien de la vie morale. Croyez mille vérités : si votre vie est mauvaise, vous serez damné. Croyez mille erreurs : si votre vie est chrétienne, vous serez sauvé.


La pensée dernière de Spinoza est qu’on peut faire son salut par deux voies, par la connaissance ou par l’obéissance. La connaissance par l’entendement est tout aussi divine que la révélation. Elle implique la certitude, elle émane directement de Dieu. « J’en appelle à l’expérience de tous ceux qui l’ont goûtée ! » Elle est sainte, elle est suffisante, elle régénère l’âme, elle est spéculation et pratique, elle est vie nouvelle. Mais combien peu y atteignent ! Le principe propre de la révélation est que l’obéissance, à elle seule, peut suffire au salut. Sans lui, nous douterions du salut de presque tout le genre humain ! Ce principe est indémontrable : la révélation était donc absolument nécessaire. À ce principe seul Spinoza fait un acte de foi. Non scio more mathematico, sed credo[26]. Il y croit pour des raisons morales : ce qui a été confirmé par le témoignage de tant d’hommes inspirés, ce qui est une source de consolation pour les humbles, ce qui procure de grands biens à la société, ce que nous pouvons croire sans aucun risque intellectuel, il y aurait folie à le rejeter par le seul prétexte que cela ne peut être démontré mathématiquement.

Allons au fond des choses. Il n’y a pas deux lois, l’une pour les philosophes, l’autre pour le peuple. Il n’y a que deux points de vue, ou, selon l’expression de Spinoza, deux modes de connaissance. Le précepte : Aimez Dieu, est loi pour le peuple, vérité éternelle pour l’homme qui pense, et qui, par là, reçoit immédiatement cette révélation de Dieu. Jésus, en enseignant les choses révélées, non comme des lois, mais comme des vérités éternelles, a délivré les hommes de la servitude de la loi, et, en même temps, a établi la loi plus profondément dans leur cœur. La façon la plus parfaite d’obéir à la loi est de s’élever au-dessus d’elle. Il y a un état supérieur de l’âme où la loi même n’apparaît plus que comme un moyen. « Celui qui possède la charité, la joie, la patience, la douceur, la bonté, la foi, la mansuétude, la continence, je dis de lui, avec Paul, que la loi de Dieu n’est pas écrite contre lui. » Il peut se dire vraiment rempli du Saint-Esprit, car « le Saint-Esprit, c’est la paix parfaite de l’âme. »


VI

Telle est cette sorte d’Apologie de la religion chrétienne. Elle parut la même année, on peut dire en même temps[27] que celle de Pascal. Les deux ouvrages ne se ressemblent pas pour la composition. Le traité de Spinoza est œuvre de raison sereine ; il est fait, presque sans art, de documens soigneusement vérifiés, de matériaux éprouvés, pris même à des adversaires[28], de raisonnemens, trop appuyés parfois, mais exposés en toute probité,

de développemens sommaires, impersonnels, où la force de la pensée se retient toujours de jaillir en éloquence. Les notes de Pascal se rapportent bien plus à l’effet qu’elles doivent produire ; les matériaux sont moins sûrs, la mise en valeur plus grande. La préparation du cœur, l’appel aux sentimens intéressés, la mise à profit de nos doutes, rien n’est négligé. C’est une œuvre, de quelque faveur qu’elle soit auprès des philosophes, aussi oratoire que philosophique. Elle est inquiétante, persuasive. L’apologie de Spinoza est rude, franche, évidente. — L’une et l’autre diffèrent aussi pour le but qu’elles se proposent. Spinoza veut « raffermir la religion en montrant qu’elle n’a nul besoin des vaines parures de la superstition ; » il fait la réglementation de frontière entre la foi et la philosophie. Pascal tente proprement la conversion de son lecteur. — Mais, sous ces oppositions, on sent dans les deux livres l’accent de deux âmes qui s’accordent. Le fond des pensées est bien près d’être le même. Pour Spinoza et pour Pascal, la religion est une vie plus qu’une croyance intellectuelle. Aux mêmes obstacles, ils opposent le même principe : l’âme avant tout !

Spinoza fut-il chrétien ? Les témoignages extérieurs ne sont pas concordans. La réponse terrible à la provocation d’Albert Burgh, pour l’attirer au catholicisme[29], permet d’affirmer que non. C’est un chef-d’œuvre de polémique serrée, où chaque mot porte ; c’est une « Provinciale. » Mais la pensée est moins large que dans le Traité de Théologie ; elle est subordonnée visiblement à des argumens de combat. « Comment savez-vous, dit Spinoza, que votre religion est la meilleure de toutes ? L’examen peut-il être jamais considéré comme achevé ? Seul, le vrai évident échappe à l’hésitation infinie. » Mais le Traité de Théologie montre, au contraire, que la certitude mathématique peut être remplacée par l’adhésion morale appuyée sur des « signes, » mais non complètement justifiée par eux. — Spinoza se heurte surtout à l’Eucharistie, sacrement scandaleux pour l’entendement, différent, par l’essence, de tous les autres, mais qui est, à le bien voir, la pierre de touche de la vie chrétienne. C’est, dans la religion, ce qu’il y a de plus inintelligible, et ce qui est postulé le plus nécessairement par la pratique. La connaissance par l’entendement offre, certes, à quelques élus, la possession intellectuelle de Dieu, mais ne faut-il pas admettre une autre communion, si, comme le croit Spinoza, la vie religieuse est accessible à tous, si la soumission peut remplacer la raison ? Mais a-t-on jamais le droit d’en appeler du texte d’un auteur à sa croyance intime ? Ce que vous écrivez, ce que vous dites, ce que vous faites est livré au public, le reste est réservé. Spinoza se fit-il chrétien ? Il fit plus, il fonda en raison la vie chrétienne.


VII

Son ouvrage fut moins lu que réfuté. Il fit scandale, en Allemagne d’abord, plus encore qu’en Hollande[30]. Dès son apparition, on prononça contre lui, à Leipzig, des harangues publiques, et la tradition se garda dans les Universités allemandes, à Tubingue, à Iéna, à Marbourg, à Altdorf, à Francfort-sur-l’Oder, à Kiel, à Herborn, à Rostock, à Greifswald, de réfuter Spinoza en le confondant, au hasard, avec Jacob Böhme, avec Hobbes et Cherbury, avec les kabbalistes, ou plus simplement avec les « déistes, » qu’avait inventés le P. Mersenne[31] ; après la publication de l’Éthique, on changea le plus souvent l’appellation de « déiste » contre celle d’ « athée », en attendant « panthéiste. » — A Utrecht, le livre fut interdit dès 1671 : un certain Jean Melchior écrivit contre lui des Lettres à un ami, et Régner de Mansvelt en prépara une réfutation que la mort interrompit. Mais cette opposition ne se changea en haine qu’après la Révolution de 1672, au moment de l’atroce réaction contre les républicains. L’appel à l’intolérance vint d’un étranger, de Stoup, et un homme qui avait auparavant demandé l’amitié de Spinoza, Blijenberg, fut le premier à y repondre. En 1673, le Traité de Théologie fut interdit dans toutes les Provinces-Unies et ne circula plus que sous des titres supposés. Frans Kuyper[32], et, avec plus de décision, Jean Bredenburg[33], essayèrent, selon l’usage, de le défendre sous le couvert d’une réfutation ; ils furent accusés d’être athées, ou sociniens. Contre Spinoza se trouvèrent d’accord les voétiens, les coccéiens, les labadistes, les luthériens, les catholiques, les juifs (Orobio de Castro)[34], et même les exégètes les plus libres, comme Richard Simon[35], et un hôte des « Collégiens » de Rijnsburg, le P. Poiret[36]. — Toutefois, comme il ne pouvait manquer d’arriver en Hollande, une petite secte se forma sous le nom de Spinoza. Il y eut des « spinozistes » comme il y avait des « labadistes » et des « galéniens. » Cette église minuscule eut son ère des persécutions, son âge théologique, ses confessions de foi, ses hérésies, son grand schisme. Les « verschoristes » l’inclinèrent vers le formalisme, les « hattémistes, » dominés par l’influence des femmes, vers un mysticisme illuminé : « Je crois que tout ce que je pense, dis, fais et souffre, ce n’est pas moi qui le fais, mais celui qui est en moi... Je crois qu’il y a en moi une vie cachée, dans laquelle je vivais avant de vivre... Je crois que je suis mort quand je suis né, et que je ressusciterai quand je mourrai[37]. » — Encore aujourd’hui, on trouverait, paraît-il, à Rijnsburg ou à La Haye, quelques douzaines de personnes qui gardent le culte de Spinoza et pensent se faire un privilège de son nom. Ses vrais disciples ne sont pas là.


PAUL-LOUIS COUCHOUD.

  1. La Haye, 1889. — Voy. Revue des Deux Mondes, 1892, IV, p. 811.
  2. Leibniz und Spinoza. Berlin, 1890.
  3. Die Lebetujeschichte Spinoza’s. Leipzig, 1899. — Il faut y joindre les documens publiés en Appendice au livre de M. Meinsma, Spinoza en zijn Kring. La Haye, 1896.
  4. Cette étude est détachée d’un ouvrage sur Benoit de Spinoza qui paraîtra prochainement (Alcan).
  5. Chap. I à XVI. Je renverrai à la traduction Saisset Paris, 1842, qui est la plus répandue.
  6. Voyez les Lettres adressées à Spinoza par un marchand de Dort, Willem van Bijenberg (Lett. 18, 20, 22, 24, 27 de l’édition van Vloten).
  7. L’archevêché d’Utrecht se sépara de Rome en 1701.
  8. Van Vloten, Ad B. Sp. opera supplementum, Amst. 1862, p. 293. — Au témoignage de Bayle, Spinoza fréquentait les églises des Remonstrans.
  9. Geen ketter sonder letter, cité par Spinoza. Saisset, p. 231.
  10. C’est-à-dire « non mises en formes. » Nous dirions aujourd’hui : « littéraires. »
  11. De usu rationis in interpretatione S. Scripturae, 1668.
  12. De S. Scripturarum interpretatione, 1668.
  13. Dans une lettre à un fâcheux, Spinoza se défend d’avoir songé aux théologiens contemporains (Lettre 43. Van Vlot., in-12, t. II. p. 330). Mais il fait un peu plus loin une allusion très claire à Meyer, que son correspondant a cité sous le nom de Theologus paradoxus (Lettre 42, p, 339).
  14. Moré Nébouchim. t. II. ch. XXV, cité par Spinoza, p. 180.
  15. Pour le livre de Job, Spinoza présente, d’après Ibn-Ezra, une hypothèse intéressante, mais combattue de nos jours. Il serait la traduction en hébreu d’une œuvre écrite dans un autre dialecte sémitique (p. 177, 217).
  16. Ad Hebr., XI, 21, « Israël se pencha sur le haut de son bâton, » au lieu de « Israël se pencha vers le chevet du lit » (Gen., 47-31), cité p. 174.
  17. Spinoza possédait entre autres (Voy. Inv. de sa Biblioth., van Rooijen, p. 138, 119, 131, 139, 127) les Bibles de Junius et Tremellius (citée p. 127), de Buxtorf, de Pagnino. Il cite aussi celle de Bomberg (p. 211).
  18. Ch. IV et VI. Voy. Bernays ap. Schaarschmidt. Desc. u. Sp. Bonn, 1858 ; Chajes, Uber die Hebr. gramm. Sp. Breslau, 1869.
  19. Voyez sur ce point Margival, Richard Simon, 1900, p. 335. — C’était un » dogme » récent. La question n’avait pas été tranchée par les Pères. Elle paraît même indifférente à saint Jérôme : Sive Mosem auctorem dicere volueris, sive Esdram instauratorem operis, non recuso (Contr. Helv. 4). Lorsqu’elle se pose à la Renaissance, l’évêque espagnol Tostat (1491), le jésuite Bento Pereira [Comm. sur Daniel et sur la Genèse 1562), le jurisconsulte A. Maes (Jos. imp. Hist., Anv. 1574), combattirent l’attribution à Moïse ; Isaac de La Peyrère (Preadamitæ 1655) appuya la même thèse d’un argument positif : l’incohérence du récit biblique. Mais le livre de Maes et celui de La Peyrère furent condamnés par le Saint-Office et l’opinion contraire passa seule pour orthodoxe (Voy. Bossuet, Hist., unir., II, 28) ; Hobbes (Leviatan, 1652) faisait remarquer que les chap. XI-XXVII du Deutéronome sont seuls attribués par la Bible elle-même à Moïse. — Spinoza possédait les livres de Pereira et de La Peyrère (Inv. de sa Biblioth., p. 154 et 179).
  20. « Rabbi Selomo. » C’est Salomon de Troyes, cité note I (Van Vlot, in-12, t. II, p. 174) sous le nom de R. Selomo Jarchi et Gramtn. hébraïq. (Ibid., t. IIII, p. 276) sous le nom de R. Schelomo Jarghi.
  21. Cette opinion, combattue par Renan (Revue des Deux Mondes, 1er  mars 1886), semble avoir prévalu, grâce aux travaux de Wellhausen, Kayser et Maurice Vernes.
  22. Ibn-Ezra a pressenti que ces quatre derniers livres dérivent d’une source unique et perdue : le Livre des Annales (p. 213-214, 218-220 et note 23).
  23. Spinoza peut faire allusion à Fr. Spanheim jr., connu pour ses études sur S. Mathieu et qui, en 1670, remplaça à l’Université de Leyde Coccéjus dont il combattit l’influence.
  24. L’ordre des « dissertations » est embrouillé, ce qui atténue la portée des idées. Voici l’ordre que je suis dans mon exposé : 1o ch. VII-X ; 2o ch. I-III, VI, XI ; 3o ch. IV-V, XII-XV.
  25. Spinoza semble faire allusion au mouvement « sioniste » dont il fut question en 1661. Voy. Lettre 33 d’Oldenburg, Van Vlot. in-12, II, p. 314.
  26. Lettre 21. Van Vlot., in-12, II, p. 281.
  27. Le traité de Spinoza est antérieur au 8 mai 1670, date de la première réfutation qui en fut faite (Thomasius, Progr. adc. anonym. de libevt. philosophandi). La première édition des Pensées de Pascal est antérieure au 23 mars, date d’une lettre d’Arnauld à Périer où il en est question.
  28. Spinoza fait des emprunts textuels à Meyer (Van Vlot., in-12, II, p. 186-8) ; p. 157-9, des emprunts textuels à Maimonide (More Neb. II, 28-29, cité par Joël Sp. Th.-pol. Tr. Breslau, 1870.
  29. Lettre 76.
  30. Il se donnait faussement comme imprimé à Hambourg.
  31. Wachter, De recondita Hebræorum philosophia, 1706, ouvrage sur lequel Leibnitz écrivit des notes.
  32. Velthuysen (Voy. Van Vlot. in-12, Lettre 42, II, p. 336). Leibniz. Op. theol. Dutens, I, p. 690.
  33. Arcana Atheismi revelata, philosophice el paradoxe refutata. Rotterdam, 1676, tiré en partie d’Henri Morus, Op. philos., I, 563-635.
  34. Enervatio Tr. th.-pol. Rotterd., 1675.
  35. Certamen philosophicum, 1684.
  36. L’Inspiration des Livres sacrés, 1687, omis dans la Bibliographie de Van der Linde.
  37. Fundamenta Atheismi eversa, 1685.