La Femme et la Société française dans la première moitié du XVIIIe siècle/02

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La Femme et la Société française dans la première moitié du XVIIIe siècle
Revue des Deux Mondes, 6e périodetome 1 (p. 117-148).
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LA FEMME
ET
LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
DANS LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XVIIe SIÈCLE

LE MARIAGE

Nous avons dit comment l’éducation avait compris et préparé l’avenir de la jeune fille[1]. Entre les destinées où elle va être appelée à tirer parti de cette éducation, bien vite élargie par celle que l’expérience du monde lui donnera, il y en a une qui déjà avait sa préférence : c’est celle que lui ouvrait le mariage. De la vie conjugale nous ne ferons connaître aujourd’hui que le cadre et c’est seulement jusqu’au seuil de leur foyer domestique que nous accompagnerons nos ancêtres. De quelle façon se sont fixées, sous l’influence de l’Eglise et du pouvoir civil, la notion morale et la théorie légale du mariage ? Jusqu’à quel point les habitudes ont-elles, par la pression du mouvement acquis, favorisé ou contrarié cette double influence ? Quelle place les sentimens se sont-ils faite dans l’union des sexes ? De quelle manière y ont été réglés les intérêts ? C’est ce que nous allons rechercher en mettant, comme il convient, en relief, sous l’uniformité apparente d’une institution commune à tous les temps, l’empreinte de celui qui nous occupe, c’est-à-dire du demi-siècle qui s’est écoulé du lendemain de la Ligue à la veille de la Fronde. Les questions que nous venons d’énumérer relèvent de deux domaines dont la réciproque dépendance est évidente, mais qui pourtant restent distincts : la législation et les mœurs. C’est par la législation qu’il faut commencer et l’on ne peut en établir les vues et la suite sans remonter jusqu’au milieu du XVIe siècle, jusqu’à ce concile de Trente par lequel l’Eglise sauva, en le justifiant de nouveau, son empire moral amoindri. Reprenant en 1562, après une suspension qui avait duré dix années, le cours de ses séances, le concile s’occupa de définir le caractère et la validité canoniques du mariage auquel les novateurs refusaient toute valeur sacramentelle. Le mariage demeura, au contraire, pour l’Eglise un sacrement dont l’essence consistait toujours dans l’accord des parties, mais elle comprit qu’elle ne pouvait pas se borner à cette conception morale, qu’il fallait tenir compte des risques que la clandestinité faisait courir à l’ordre social. Elle décréta donc l’invalidité des mariages clandestins. La clandestinité résulta pour elle de l’omission de deux conditions, seules considérées comme résolutoires : la présence du propre curé, c’est-à-dire du curé de la paroisse d’un des conjoints et celle des deux témoins de rigueur. Ce décret frappa de nullité ce qu’on appelait les mariages par paroles de présent, c’est-à-dire ceux qui avaient été contractés par un simple échange de volontés, même lorsqu’ils avaient été suivis de consommation et étaient devenus par là ce qu’on nommait des mariages présumés. Le concile exigea aussi la publication de trois bans sans sanctionner par la nullité l’absence de cette publication et en accordant à l’évêque le droit de dispenser, dans un intérêt majeur, même de tous les trois. Sur les sollicitations des représentans de la France, le rapt devint un empêchement dirimant entre le ravisseur et la victime, tant que celle-ci restait dans la possession du premier. Le concile se refusa, au contraire, à déférer aux vœux du gouvernement français en faisant du consentement des parens une condition essentielle de validité. Il se contenta de condamner et de défendre les unions qui se passaient de ce consentement. Il craignit de paraître donner un aveu à la théorie purement séculière que les protestans opposaient à la doctrine sacramentelle.

Avant de solliciter, pour fortifier l’autorité familiale, les décisions apostoliques, nos rois avaient entrepris eux-mêmes de la faire respecter. Dès 1556, Henri II avait rendu un édit qui privait les mineurs de vingt-cinq ans, mariés sans autorisation, des droits successifs et des libéralités qu’ils pouvaient tenir de leurs parens, de la loi et de leur contrat de mariage. Cette déchéance si justifiée ne mettait pas le sacrement en question et ne portait aucune atteinte à la compétence exclusive de l’Eglise en matière matrimoniale. Mais il y avait en France bien des gens qui trouvaient le pouvoir civil trop timide, qui estimaient qu’il pouvait se prononcer, sans en référer à Rome, sur la validité du lien conjugal. Parmi eux on trouve un Rabelais, un Étienne Pasquier. C’est des cloîtres, c’est-à-dire de ce qui émeut le plus leur bile de gallicans et d’humanistes, qu’est sortie pour eux cette méconnaissance de l’autorité paternelle qui fait dire que le consentement des ascendans n’est pas nécessaire et ne doit être demandé que par déférence. Pasquier déplore que l’Eglise gallicane n’ait pas fait du défaut de consentement un cas de nullité et que la procédure du rapt de séduction imaginée pour assimiler au rapt la subornation soit inefficace et laisse le plus souvent la fille séduite aux mains du ravisseur.

Stimulé par la gravité du mal, par des encouragemens comme celui que nous venons de reproduire, le pouvoir civil prenait à cœur la réforme matrimoniale. En 1560, sur les remontrances des États d’Orléans, Charles IX soumit aux peines du rapt les séquestrations et les mariages forcés qui s’autorisaient parfois de lettres subreptices du Roi. Aux États de Blois de 1576, le Tiers demanda que les mariages ne pussent avoir lieu que devant le curé de la paroisse, dans le jour et après la publication des bans sans dispense. L’ordonnance de Blois de 1579 rendit obligatoires les publications et, en permettant la dispense des deux dernières, la subordonna à des intérêts graves et à la requête des plus proches parens. Elle exigea la présence de quatre témoins, dont les noms seraient inscrits dans le registre paroissial. Elle défendit aux curés de célébrer la cérémonie nuptiale, s’ils n’avaient la preuve du consentement des parens, sous peine d’être impliqués dans le crime de rapt auquel le mariage dépourvu de ce consentement était assimilé. Elle confirma les sanctions qui frappaient les unions non autorisées, notamment celle de l’exhérédation. Elle édicta la peine de mort contre la subornation, même quand le rapt par subornation aurait été accompli avec la bonne volonté de la fille séduite et menaça les complices de pénalités d’exception. Elle défendit aux tuteurs d’accorder leur agrément sans l’avis conforme des plus proches parens, aux notaires de recevoir des promesses de mariage par paroles de présent et à tous les gentilshommes de contraindre leurs sujets à donner leurs filles à leurs créatures. L’ordonnance de janvier 1629 vulgairement connue sous le nom de code Michau, confirmant celle de 1579, frappa d’invalidité les unions contractées en violation des dispositions de cette dernière, défendit aux prêtres de donner la bénédiction nuptiale à d’autres qu’à leurs paroissiens sans la permission du propre curé ou de l’ordinaire et obligea les juges ecclésiastiques à conformer leur jurisprudence à cet article, renouvela enfin, en les aggravant, les pénalités draconiennes prononcées par celle de 1579. L’ordonnance de 1629, il est vrai, ayant soulevé contre elle l’opposition du Parlement de Paris, n’entra qu’à la longue dans l’application, mais elle fut ratifiée par la déclaration du 19 décembre 1639.

Faut-il voir dans cette réglementation légale la pensée de séculariser le mariage ? Nous n’avons pas, pensons-nous, beaucoup à faire pour mettre le lecteur en garde contre un pareil anachronisme. Quelque place qu’il donne dans l’histoire à l’antagonisme des deux puissances, il n’ira probablement pas jusqu’à prêter un tel dessein à la monarchie chrétienne de ce temps-là. Il comprendra qu’il n’y a là qu’une différence de points de vue et de devoirs. Quand elle s’occupait du mariage pour en rendre les conditions plus sévères, l’autorité séculière ne s’inspirait que de l’ordre public. C’est au nom de l’ordre public qu’elle demanda au Saint-Siège et au concile d’introduire dans l’essence d’un sacrement une obligation nouvelle et, en le demandant, elle rendait hommage à l’indépendance doctrinale de l’Église. Celle-ci, de son côté, était si loin de méconnaître l’importance des considérations temporelles qu’elle avait inscrit la clandestinité et le rapt au nombre des empêchemens dirimans. Mais l’intérêt moral et social de la puissance paternelle ne pouvait l’emporter chez elle de haute lutte sur l’idée qu’elle se faisait du mariage et sur les devoirs qui découlaient pour elle de cette idée. Elle y voyait à la fois un sacrement et un refuge contre la concupiscence et, à ces deux titres, elle ne croyait pas pouvoir trop le favoriser. N’ayant pu en obtenir un sacrifice de plus aux intérêts dont la sauvegarde lui appartient, le pouvoir civil avait usé du droit de les protéger que lui conférait « la police générale du royaume. » Toutefois, s’il n’y eut pas chez lui un dessein d’usurpation sur la souveraineté dogmatique de la puissance spirituelle, il y eut entre elle et lui des conflits, moins encore par jalousie d’influence que par l’opposition entre une conception idéaliste et une conception utilitaire. Le clergé eut à défendre sa juridiction matrimoniale contre l’excès des appels comme d’abus. Lorsque, dans ses assemblées quinquennales, il faisait valoir ses doléances à ce sujet, le Roi n’hésitait pas à reconnaître sa compétence, mais il y mettait la réserve que les tribunaux ecclésiastiques observeraient l’ordonnance de Blois. Tel fut le sens de la réponse que fit Henri IV à l’article 27 des remontrances de l’assemblée du clergé de 1605 et qui devint l’article 12 de l’édit de décembre 1606. La compétition des deux juridictions était inévitable et l’invention procédurière ne les laissait jamais à court de moyens. Les juges séculiers, par exemple, entravaient la procédure engagée devant le for ecclésiastique en soulevant sans raison un incident de rapt ou de subornation. Sur les protestations du clergé, l’édit de Melun de février 1580 limita à un an le délai dans lequel ces incidens devaient être mis en état d’être jugés. Les tribunaux civils s’attachaient à faire prévaloir l’application de la législation que nous venons d’analyser. La jurisprudence des officialités, au contraire, ne se conformait même pas d’une façon constante aux prescriptions du concile de Trente. Tel official, par exemple celui de Sens, celui de Soissons, déclarait nuls les mariages clandestins. D’autres, au contraire, et parmi eux celui de Paris, restaient fidèles à la vieille tradition canonique qui considérait les promesses de futur suivies de consommation comme les seules conditions indispensables. La jurisprudence oscillait ainsi entre la sévérité de la législation civile et la tolérance du droit canonique antérieur à la réforme de Trente. On se représente le parti que les passions et les intérêts tiraient de ces contradictions. Elles leur donnaient trop beau jeu, elles faisaient peser trop d’incertitude sur la légitimité du mariage et de la famille pour pouvoir durer bien longtemps, et la période que nous étudions n’était pas encore révolue que des deux systèmes en présence, du système spiritualiste et du système formaliste, c’était le second qui tendait à prévaloir. La multiplicité des appels comme d’abus faisait peu à peu des parlemens les arbitres de la question. Leur jurisprudence devait faire triompher Un jour la législation dont elle était l’application. L’Église gallicane finit par reconnaître le droit du pouvoir civil de légiférer en matière matrimoniale et adopta en principe les précautions qu’il avait ajoutées à celles dont l’Eglise universelle s’était contentée. La première se départait bien un peu par-là du parti pris d’idéalisme optimiste auquel le sacerdoce catholique dans son ensemble est voué par l’esprit évangélique, mais cela ne coûtait rien à ses devoirs ni à sa dignité. Sa complaisance pour les intérêts de l’ordre public ne faisait d’ailleurs que fortifier la stabilité d’une institution à laquelle elle ne s’intéressait pas moins que la société civile. Il y eut même à tout le moins une circonstance où elle alla plus loin, où elle admit que le sacrement ne peut exister que s’il a pour matière un contrat dont il appartient au pouvoir séculier de régler les conditions et dont la caducité entraîne celle du sacrement lui-même. Ce fut quand l’assemblée du clergé de 1635, les docteurs les plus autorisés de la faculté de théologie et les communautés religieuses de Paris se trouvèrent d’accord pour se prononcer contre la validité du mariage de Gaston d’Orléans et de Marguerite de Lorraine. La question de savoir si le mariage de l’héritier présomptif de la couronne était, à raison de cette qualité et du défaut de consentement du Roi, vicié par la clandestinité et le rapt n’est ici que secondaire. Ce qui importe, c’est la théorie de la nécessaire dépendance du contrat et du sacrement dont l’évêque de Montpellier, Fenouillet, se fit l’interprète au nom de l’assemblée. Cette distinction n’était pas nouvelle, elle s’était produite au concile de Trente, mais dans un intérêt de circonstance, comme un expédient de logique pour arriver à l’annulation des mariages clandestins et avec une réserve qui en prévoyait le danger sans le conjurer. Si, pendant la période qui nous occupe, le germe redoutable qu’elle couvait ne manifesta pas sa fécondité, le temps n’était pas bien éloigné où les civilistes allaient s’en emparer pour en faire éclore le principe du mariage civil.

C’était beaucoup pour la réforme de l’institution que les deux pouvoirs se fussent mis d’accord sur ses conditions de légalité. On peut affirmer que sa moralité dut profiter de l’application plus suivie de principes communs. On avait à cet égard à revenir de loin. Les guerres civiles, la licence qui en avait été la suite avaient multiplié les rapts et les mariages clandestins. J. Aug. de Thou, après nous avoir raconté que la commission parlementaire envoyée en Guienne en 1582 pour y rendre la justice et dont il faisait partie, annula un mariage contracté par une jeune fille sans l’autorisation de ses parens, ajoute que la peine de mort fut prononcée contre le séducteur dans le cas où il épouserait sa complice et justifie cette sévérité par le grand nombre de faits de ce genre qui rendait un exemple nécessaire. Ils avaient pour mobile la cupidité plus encore que le libertinage. Ce fut tout simplement pour assurer à son fils aîné mineur de dix ans une riche alliance que le duc de Mayenne enleva en 1582 Anne de Caumont La Force qui en avait douze et la confia en gardé à sa femme. Les paroles de présent une fois prononcées, on précipitait la consommation qui rendait l’annulation difficile.

Ce n’est pas démentir ce que nous venons de dire de l’influence moralisatrice de la législation civile, à partir surtout du moment où cette influence fut secondée par la juridiction ecclésiastique, que de faire remarquer la lenteur avec laquelle elle put agir. Le législateur ne mit pas moins de quatre-vingts ans, de 1556 à 1639, à entourer le mariage de formalités nouvelles qui ajoutèrent à sa publicité et à sa solennité et l’insistance avec laquelle il y est revenu révèle la résistance qu’il a rencontrée. Les habitudes favorisées par un entraînement naturel et par une longue tolérance étaient encore très répandues dans le cours et même à la fin de la première moitié du XVIIe siècle. Aux États généraux de 1614 le clergé dénonce la multiplicité des enlèvemens de filles mineures et leur impunité grâce notamment aux évocations obtenues par les coupables. En 1625, en plein Paris et en plein carême, sous le gouvernement plutôt rude de Richelieu, des gens de qualité se divertissent à enlever des jeunes filles dans leurs carrosses. Plus graves encore, au point de vue de l’efficacité de la réforme nous apparaissent les faits suivans. Si, dans le ressort du parlement de Paris, les mariages clandestins étaient invariablement déclarés nuls, il en était autrement dans le ressort du Parlement d’Aix. En Provence, le clergé, les juridictions inférieures, ecclésiastiques et laïques, la Cour suprême se faisaient scrupule de leur refuser la valeur que la tradition canonique leur avait toujours reconnue. Dans l’archidiocèse de Bourges, la jurisprudence, canonique s’était fixée dans le sens de l’invalidité, mais cette invalidité n’était prononcée qu’à la requête d’un des conjoints, elle n’était donc pas d’ordre public. En 1633, l’avocat général Talon remarque que les mariages par paroles de présent deviennent très fréquens. En 1637, un autre avocat général, Bignon, signale la « multitude d’abus » auxquels donne lieu la célébration de l’union conjugale et qui augmentent de jour en jour. Il y avait des prêtres qui étaient connus pour prêter leur ministère aux mariages clandestins. Tel était Jean le Tonnelier, vicaire de Saint-Eustache. Enfin c’est au terme de notre période que le doyen des maîtres des requêtes, Gaulmin, contracte une de ces unions qui se réduisent à une simple déclaration devant le curé suivie d’un acte notarié et qui, longtemps après cette période, déjoueront encore, sous le nom de mariages à la Gaulmine, l’interdiction des mariages par paroles de présent.

Ce qui, dans l’histoire de l’institution matrimoniale, distingue la première moitié du XVIIe siècle, c’est donc beaucoup moins la réforme pratique, l’amélioration profonde de cette institution que la formation de sa théorie légale. À les prendre une à une ; il semble que les conditions nouvelles de validité auxquelles elle fut soumise sont bien peu de chose et qu’il y a quelque exagération à voir là une œuvre législative originale. Si l’on était tenté de faire bon marché de la nécessité et du nombre des publications, de celui des témoins, de leur inscription sur le registre paroissial, nous ferions remarquer qu’en fait de publicité, une question de plus ou de moins n’est pas indifférente, parce que la publicité est la sauvegarde indispensable de la régularité ; mais surtout nous insisterions sur l’importance morale et sociale du droit attribué à la puissance paternelle. Ce n’est pas peu de chose, à ces deux points de vue, qu’une innovation qui établit une dépendance entre l’acte constitutif de la famille et l’autorité qui en assure la permanence et l’unité d’une génération à l’autre. Et ce qui ajoute à cette importance, comme à celle des innovations destinées à donner à cet acte plus de publicité, c’est que le pouvoir religieux put accepter les unes et les autres sans rien perdre du privilège de le consacrer. Après avoir constaté l’effort du législateur, le concours de l’Eglise et les résistances opposées à leur action commune par des habitudes invétérées, nous allons voir comment, sous l’empire des lois et des mœurs, se préparait et se concluait le pacte conjugal. L’âge légal pour le conclure était celui de la puberté, c’est-à-dire pour la femme douze ans révolus. Les unions contractées à cet âge-là n’étaient pas rares. Elles étaient communes en Béarn et dans le pays basque. On trouve même des exemples de mariages encore plus prématurés. Il y a des jeunes filles, écrivait Érasme, qui sont femmes à dix ans et mères à onze.

Mais les alliances qui devançaient l’âge légal et même celles qui le suivaient immédiatement n’étaient pas, pour la plupart, suivies de la consommation et doivent dès lors être considérées plutôt comme des fiançailles. Tallemant nous dit bien que Mlle de La Guiche n’avait pas plus de douze ans quand son père, le maréchal de Saint-Géran, la maria à M. de Chazeron ; mais il ajoute que le marié, qui était fort jeune aussi, alla voyager en Italie pour donner à sa femme le temps d’acquérir un peu plus de maturité. Marguerite de Sully n’était qu’une enfant quand elle épousa Henri de Rohan, mais les deux époux furent séparés et, si la jeune épousée « née à l’amour plus que personne du monde » accoucha plus tôt que cette séparation ne permettait de l’espérer, ce ne fut pas la faute de son mari qui en fut le premier surpris. Si Tallemant lui-même s’unit à une impubère de onze ans et demi, Elisabeth Rambouillet, sa cousine, il faut dire que la célébration fut retardée de deux ans. Notre pensée n’est pas de contester la multiplicité des mariages précoces, mais de réagir contre l’exagération à laquelle se laisse aller à cet égard l’opinion courante. Dans un temps où les alliances matrimoniales étaient plus encore l’union de deux familles que de deux personnes, où la considération de la situation sociale l’emportait sur celle des sympathies réciproques, où la vie pratique et professionnelle commençait de bonne heure pour le jeune homme, il y avait plusieurs motifs pour établir hâtivement les jeunes filles. Nous croyons, toutefois, pouvoir affirmer que c’était entre seize et vingt ans que se faisait le plus souvent cet établissement. À la fin du XVIe siècle, la femme d’André du Laurens, le médecin de Henri IV, professait que c’est quand elles entrent dans leur dix-septième ou leur dix-huitième année qu’il faut penser à « loger » les filles et c’est alors qu’elle chercha à marier la sienne. Toutes les coutumes avaient reculé l’âge nubile des femmes au-delà de douze ans, et celle du Bourbonnais notamment l’avait porté à seize. Dans le Limousin, où les familles avaient pourtant le tort, au moins dans la capitale de la province, d’engager trop tôt leurs enfans dans les liens de la vie commune, la douzième année marquait quelquefois pour la jeune fille l’époque des fiançailles, mais le mariage n’était célébré que quelques années plus tard. Dans ses Trois livres des maladies… des femmes, c’est entre dix-sept et vingt-cinq ans que Jean Liebault place l’âge le plus favorable pour avoir une postérité robuste et en majorité masculine. Vives se met aussi au point de vue de la maternité quand il conseille l’âge de dix-sept ou dix-huit ans. Pour Jean Vauquelin de la Fresnaye, la femme doit avoir dix ou douze ans de moins que son mari, c’est-à-dire dix-huit ou vingt, puisqu’il veut que celui-ci en ait trente, âge que, d’après Liebault, il ne dépassera pas. Aux yeux d’Étienne Pasquier, l’âge opportun pour la jeune fille, c’est vingt ans. Au-delà de vingt-deux, elle était, nous dit l’évêque de Belley Camus, rangée parmi les « grandes filles, » sinon les vieilles filles. C’était au moment où elles commençaient à chercher à les marier que les mères de famille faisaient quitter à leurs filles le toquet et la robe de couleur pour leur faire prendre la coiffe et la robe noire.

Les fiançailles pouvaient avoir lieu avant l’âge nubile, dès l’âge de discernement, à sept ans et, si elles étaient suivies de cohabitation, elles devenaient un mariage. C’est dire que la volonté des conjoints n’était pour rien dans ces alliances. Faut-il aller plus loin, faut-il dire qu’il n’en était pas autrement pour les filles dans les unions contractées à l’âge normal de seize à dix-huit ans ? Ici encore, comme pour la précocité, on rencontre une opinion toute faite. On n’en exagérerait pas beaucoup la portée en la formulant ainsi : les inclinations étaient comptées pour rien dans les mariages de l’ancien régime. Laissons l’ancien régime, et demandons-nous plus modestement ce qui en était dans la période où nous nous renfermons. Quand on cherche à se faire une idée sur la question, dûment limitée, on ne peut tout d’abord échapper à l’impression que nous donnent les contemporains de la liberté de la femme française par opposition à l’étroite surveillance à laquelle était soumise la femme italienne ou espagnole. Bien que leur témoignage s’applique aux femmes mariées plus encore qu’aux jeunes filles, celles-ci jouissaient elles aussi de ce que J.-P. Camus appelle « la liberté de l’air français, » et un auteur italien de la seconde moitié du XVIe siècle, Stefano Guazzo, va jusqu’à remarquer que la France est exempte des désordres qui naissent des unions forcées, parce que la jeune fille appelée à se prononcer sur le choix d’un époux n’est pas moins libre que le jeune homme de dire oui ou non. Il est certain qu’elle avait le moyen, si elle le voulait bien, de se soustraire à la contrainte. Elle trouvait, pour s’en défendre, la protection de la justice et même, si elle appartenait à un certain milieu social, celle du Roi. En 1589, demoiselle Claude Roger de Commenge obtient contre son père, le vicomte de Bruniquel, un arrêt du Parlement de Toulouse qui l’autorise à sortir du couvent et à contracter une union avec une personne de sa qualité. En août 1641, la même Cour prend sous sa sauvegarde demoiselle Claire de Bernard que l’on veut marier contre son gré et la confie, pour lui assurer sa liberté, au juge criminel de la sénéchaussée d’Armagnac. La fille de Louis Mazot, apothicaire au Thor, notifie au capitaine de Courthezon qu’elle a quitté volontairement la maison paternelle pour s’affranchir des obstacles que sa famille pourrait mettre à l’union qu’elle a l’intention de contracter et le but de cette notification est surtout d’empêcher qu’on implique son futur dans cette évasion. Le baron, depuis marquis de La Force, voudrait épouser Jeanne de La Roche-Fatou et l’inclination de celle-ci répond à la sienne ; mais le père et la mère de Jeanne ont sur elle d’autres vues qui ne sont pas entièrement désintéressées. Or il s’agit du fils d’un compagnon d’armes, d’un ami de Henri IV. Celui-ci intervient pour favoriser les vœux du jeune homme en même temps que pour faire respecter la liberté de la jeune fille. Il confie successivement celle-ci à Saint-Georges de Vérac et à Parabère et charge un maître des requêtes de se rendre compte de ses sentimens. Grâce à l’intervention du Roi, ces sentimens triomphent des résistances de la famille et le fils aîné du duc de La Force épouse, en 1608, Jeanne de La Roche-Fatou. Citons encore le cas de Suzanne Quatremain, protestant devant l’officialité de Pontoise contre l’intimidation par laquelle sa mère lui a arraché une promesse de mariage.

Appel à la justice, retraite dans un couvent, union clandestine, les moyens ne manquaient donc pas à la jeune fille pour se dérober à la contrainte et disposer de sa personne comme elle l’entendait. Mais, pour recourir à des moyens qui répugnaient à sa réserve, il fallait chez elle des sentimens vifs, passionnés, des volontés énergiques. Ces sentimens, ces volontés n’étaient pas rares sans doute non plus que les extrémités auxquelles ils conduisaient, mais ils étaient beaucoup moins communs dans la réalité que dans la littérature. Le plus souvent la jeune fille acceptait de bonne grâce l’époux que ses parens lui avaient choisi. Pour elle comme pour eux, les mariages de raison semblaient les meilleurs. Le mariage, avec l’indépendance qu’il permettait dans notre pays, avec la situation sociale qu’il conférait, faisait passer facilement sur le mari. Les convenances mondaines prescrivaient à la jeune fille de s’en rapporter sur ce point à ses tuteurs naturels. Vives lui fait un devoir de pudeur de se taire quand son père et sa mère en parlent devant elle, de ne leur manifester ni impatience, ni préférence. On n’est pas étonné de trouver le même scrupule de retenue et d’obéissance chez une précieuse du Grand Cyrus qui déclare à son prétendant que son propre bonheur n’était pas en son pouvoir et qu’il a fallu le commandement de ses parens pour qu’elle osât lui dire que son cœur est d’accord avec leur choix. Françoise de Chantal, désireuse de faire agréer par sa fille le comte de Toulongeon que celle-ci ne connaît pas encore, s’applaudit de l’avoir choisi sans la consulter : « Certes, je suis bien contente que ce soient vos parens et moi qui aient fait ce mariage sans vous ; c’est ainsi que se gouvernent les sages et que je veux, ma chère fille, être toujours de votre conseil… » On ne peut pas dire pourtant qu’elle lui impose son choix. Au contraire, elle se montre un peu inquiète de l’impression que va faire sur la jeune fille un prétendant qui a quinze ans de plus qu’elle et qui se trouve lui-même « un peu trop noir. » Si elle préjuge un consentement qu’elle souhaite vivement, cela ne veut pas dire qu’elle soit résolue à passer outre à une résistance devant laquelle Toulongeon paraît lui-même disposé à s’incliner. « Ecrivez-moi bien, comme vous le promettez, tous les sentimens de votre cœur, et si Dieu, comme je l’espère, l’a lié à celui de M. de Toulongeon. » Dans le Miroir des enfans ingrats, on voit un père consulter sa fille sur un parti que lui-même trouve avantageux. Un grand commerçant de Reims, âgé de trente-huit ans et veuf, ayant obtenu d’un bourgeois de la ville la main de sa nièce, âgée de dix-neuf ans, tient encore à l’obtenir d’elle-même et lui fait sa demande que la future agrée par une formule consacrée qui, pour être réservée, ne laisse pas d’être significative : « Je suis votre servante. » À Strasbourg, le prétendant commençait par faire la conquête de celle qu’il aimait par des attentions de tout genre et, à s’en tenir à la lettre du Guide des usages strasbourgeois à qui nous devons ce renseignement, on dirait que cette cour précède l’agrément de la famille. Catherine Murdrac nous rapporte que son père lui demandait son sentiment sur les partis qui recherchaient sa main, qu’elle les refusait tous et plus particulièrement ceux qui plaisaient à ses parens. Celui qui obtint sa faveur et qu’elle épousa à l’insu de son père, M. de La Guelte, l’avait sollicitée directement d’elle-même. Quand l’auteur des Aventures de Polyxène, quand Camus, dans sa nouvelle La fille forte, nous parlent comme de faits habituels de mariages forcés, de contrainte exercée par les parens, ils nous donnent par l’équivoque de leur langage une fausse idée de ce qui se passait généralement, car, si les alliances matrimoniales étaient le plus souvent concertées entre les familles, si la jeune fille ratifiait habituellement le choix de la sienne, il ne s’ensuit pas que son consentement ne fût pas réfléchi et volontaire.

Ses sentimens n’étaient donc pas comptés pour rien dans la disposition de sa personne et il dépendait d’elle de les faire compter pour beaucoup. Il n’en est pas moins vrai que la préférence de ses protecteurs naturels précédait et guidait communément la sienne. Est-il possible de déterminer les considérations qui exerçaient le plus d’influence dans l’esprit des ascendans sur l’établissement de leurs filles ? S’il est vrai que des faits en apparence tout contingens et tout spontanés de la vie individuelle sont conditionnés par l’état général de la société, on ne voit pas comment nos ancêtres de la première moitié du XVIIe siècle n’auraient pas envisagé l’avenir de leurs filles d’après la façon dont ils comprenaient, sous l’empire de la situation sociale et des idées auxquelles elle conduisait, la stabilité et le bonheur domestiques. Il y a donc bien sur ce sujet, comme sur beaucoup d’autres, aux différentes époques, une conception dominante, et cette conception peut même s’imposer avec assez de force pour donner naissance à un engouement, à une mode.

Les vingt ans de guerre intestine et d’anarchie que la France avait subis avaient rendu plus impérieux le besoin de sécurité, d’activité lucrative et de bien-être qui est commun à tous les temps. On comprend que des pères de famille éprouvés dans leurs intérêts matériels, désabusés de l’espoir de gagner quelque chose aux malheurs publics, de l’ambition de jouer un personnage politique dans leur ville ou simplement dans leur quartier, aient principalement recherché dans leurs gendres des biens au soleil, une fortune solidement assise. « Aujourd’hui, nous dit Lestoile, sous l’année 1609, les pères et mères ne font attention qu’aux biens et ferment l’oreille à toute autre considération. » Or, la grande fortune, on la trouvait moins dans la noblesse que chez les partisans, les financiers et les grands commerçans. De là des alliances où beaucoup de ces opulens privilégiés croyaient trouver, en même temps qu’une jouissance de vanité, une protection contre les Chambres de justice assez indiscrètes pour vouloir scruter l’origine de leur richesse rapidement acquise. Nobles et enrichis, il n’y avait là que deux minorités. Plus nombreuse était la classe sociale à laquelle appartenaient les familles qui, en recherchant des gendres aisés, tenaient surtout à la fortune qui était immobilisée dans un office. Bien qu’ils fussent assez multipliés pour que Nic. Pasquier ait pu écrire sous Louis XIII qu’il y avait aux bonnes villes plus d’officiers que de marchands, voire d’artisans, la valeur de ces offices augmentait grâce à la Paulette qui en avait rendu beaucoup héréditaires, grâce aussi à la paix qui avait relevé dans la considération publique les carrières civiles. Les hommes étaient appréciés et classés, surtout au point de vue matrimonial, d’après la valeur de l’office, c’était dans l’acquisition de l’un d’eux que certains contrats de mariage stipulaient le placement de la dot. La hausse de leur prix avait contribué à faire monter le chiffre des dots dont la constitution entraînait presque toujours pour celles qui en bénéficiaient la renonciation à leurs droits successifs. Un pamphlet de 1622, les Caquets de l’accouchée, est plein de lamentations au sujet de ce chiffre. Les filles modestement dotées ne réussissaient à se marier que dans les petites villes. Beaucoup de familles s’incommodaient pour établir les leurs. D’autres n’avaient pas cette abnégation ou ne se résignaient pas à leur faire contracter une alliance trop inférieure à leur rang. C’est pour cette dernière raison que Fortin de La Hoguette n’avait pas voulu marier les siennes ; il avait eu, d’autre part, le mérite de ne pas les faire entrer prématurément en religion et, dès lors, il ne leur présente pas d’autre avenir, dans les conseils qu’il leur donne, que de rester dans la maison paternelle, avec l’espoir de faire un mariage tardif comme celui que leur mère avait contracté à vingt-huit ans. Chez Nic. Pasquier, au sujet d’une situation analogue, quoique sensiblement meilleure, ce n’est plus le sentiment mélancolique, attendri, qui respire dans les conseils de Fortin de La Hoguette. Ici, c’est un père qui refuse pour sa fille un parti parce qu’il ne pourrait donner à celle-ci, sans restreindre son genre de vie, la dot qu’on lui demande. Il était, en somme, si difficile d’établir convenablement les filles qu’en désespoir de cause on avait recours à des « apparieuses, » c’est-à-dire à des agences matrimoniales ou même au bureau d’adresses. Le nombre des fondations pour doter des filles pauvres était si grand qu’il faut renoncer à en donner des exemples.

Après avoir établi comme un indice de la réaction contre les chimères et les gaspillages des guerres civiles les calculs qui présidaient aux alliances matrimoniales, nous n’étonnerons personne en disant qu’il y en avait beaucoup où ces préoccupations positives n’étaient que secondaires. Ces dernières étaient fréquentes, surtout dans la classe parlementaire. Il y avait là des familles qui se ressemblaient tellement par les habitudes professionnelles et domestiques, par le caractère moral, qu’entre elles, elles se faisaient, pour ainsi dire, toutes seules, parce qu’elles étaient fondées sur une conception commune de la vie qui en décidait plus que tout le reste. C’est dans cette catégorie d’exception qu’il faut ranger le mariage de Robert Arnauld d’Andilly avec Mlle de La Boderie. L’indifférence des deux familles pour les avantages pécuniaires fut si grande que chacune signa en blanc et laissa à l’autre le soin de remplir l’état de ses apports. Désintéressement rare assurément, comme le remarque Arnauld d’Andilly, mais qu’on rencontre pourtant jusque dans des milieux où l’amour du lucre est le souci habituel et légitime. Ainsi quand Maillefert, le commerçant rémois dont nous parlions tout à l’heure, fait demander la main de Mlle Ravaux, il s’en remet, pour le chiffre de la dot, à son futur beau-père et, quand il se remarie, il obéit encore à une inclination et se montre aussi insouciant des avantages que peut lui apporter la future.

La première chose, pourtant, dans la série des actes et des cérémonies qui vont former le lien civil et religieux, c’est la rédaction des « articles de mariage. » Les parties y arrêtaient les clauses qui devaient être littéralement reproduites, mais d’une manière authentique, dans le contrat. Venait ensuite la demande qui était faite souvent par un parent ou un ami qualifié du futur. À Strasbourg, cette démarche était confiée à deux personnes de distinction qui, à cette occasion, recevaient du futur un cadeau. C’est alors que celui-ci offrait à la future un diamant et soulignait par un baiser avoué des parens la signification de ce prélude des fiançailles. Dans certains diocèses, les fiançailles avaient lieu avant la publication des bans, dans d’autres elles avaient lieu après, dans d’autres enfin elles n’avaient pas lieu du tout. Si elles pouvaient prendre place après les publications, c’est qu’elles avaient beaucoup perdu de leur importance. Le temps n’était plus où elles inauguraient une sorte de noviciat destiné à permettre aux futurs de bien se connaître et à donner à leur union plus de chances de stabilité et de bonheur. L’intimité qu’elles permettaient avait ses risques en même temps que ses avantages, et les abus auxquels elle donnait lieu avaient amené l’Église, non à les voir avec défaveur, — elle les prescrivait, au contraire, dans certains diocèses, — mais à abréger le délai qui les séparait de la cérémonie nuptiale, à ne pas les prolonger au-delà de trois mois ou d’un an. À côté des fiançailles qui n’étaient que les promesses solennelles reçues par l’Eglise d’une union prochaine, il y avait celles dont nous avons déjà parlé, par lesquelles les parens liaient leurs enfans dès l’âge de sept ans et dont la durée, si elles ne se rompaient pas avant l’âge nubile, pouvait être assez prolongée. Les autres ne précédaient le plus souvent le mariage que de quelques jours. Le fiancé offrait à la fiancée une seconde bague de diamant ou un anneau et la moitié d’un autre dont il gardait la seconde moitié, ou une bourse contenant une somme variable, souvent de cinquante écus, destinée à satisfaire les premières fantaisies de l’épouse de demain. À Foix, les fiancés, se considérant comme mariés par paroles de présent, n’attendaient pas, pour se traiter comme tels, la messe nuptiale et n’y assistaient qu’après, quand ils y assistaient. Les fiançailles se faisaient à l’église ou dans la famille et, ici et là, avec solennité. C’était pour les fidèles un devoir de recourir au ministère du prêtre, mais ils ne le remplissaient pas toujours. Acte était dressé des fiançailles, surtout à partir de l’ordonnance du 26 novembre 1639 qui, contrairement à la jurisprudence, en exigea la preuve par écrit. Leur rupture entraînait des peines spirituelles et des dommages-intérêts. Elle était constatée par des lettres de rémission de foi délivrées par l’officialité aux frais du coupable. La résiliation amiable était suivie de la restitution des cadeaux. Elles devenaient caduques au bout d’un an.

À côté de ces fiançailles au grand jour, religieuses ou civiles, comment ne pas penser à tant de fiançailles secrètes entre amans dont les vœux sont contrariés, soit « devant Dieu et les astres, » comme les sermens échangés entre le héros et l’héroïne de l’Élise de Camus, soit devant les autels comme ceux de Henri de Bullion et de Marguerite Durand assistant à Saint-Merry, en 1604, à la grand’messe de l’Ascension, plaçant l’échange de leur foi sous la consécration du mystère de l’autel, transformant, le jour de la Pentecôte, ces promesses verbales en un engagement écrit et signé de procéder le plus tôt possible au mariage devant le ministre de Dieu en dépit de tous les obstacles que leurs familles pourront y apporter.

La prudence de l’Eglise, en réduisant l’intervalle entre les fiançailles et la bénédiction nuptiale, n’avait pas fait disparaître la période de familiarité et d’intimité que l’usage accordait aux futurs pour leur permettre d’apprendre à se connaître et à s’aimer. Fiancés ou prétendans, agréés le plus souvent par la famille ou jaloux de se donner directement l’un à l’autre, il s’établissait toujours entre eux ces rapports de galanterie plus ou moins libre et respectueuse, suivant les classes et les gens, que définit l’expression « faire sa cour. » Voici, ou peu s’en faut, comment les choses se passaient dans la bonne société.

Polyante, à peine habillé, se rend chez Zaralinde dont il recherche la main. Il s’informe si elle est éveillée. On lui répond qu’il ne fait pas encore jour dans sa chambre, mais sa qualité de prétendant lui donne des privilèges et il entre. Il s’assied et attend le réveil de la belle endormie. Celle-ci entr’ouvre les rideaux de son lit et dans le demi-jour reconnaît Polyanie. Elle agrée les excuses de son prétendant pour avoir pénétré jusqu’à elle, t’engage même à calmer ses scrupules et à faire trêve de cérémonies et le fait asseoir près de son lit. Encouragé par cet accueil, Polyanie baise passionnément la main qui vient de tirer le rideau. Sans donner aucun signe de mécontentement et comme machinalement, Zaralinde la retire et Polyante, attribuant ce geste à une pudeur alarmée, revient à sa réserve première et, pour se faire pardonner sa témérité, met plus de respect encore que de tendresse dans l’expression de sa passion. Zaralinde répond qu’il lui tarde de pouvoir lui donner les dernières assurances de la sienne. Bien qu’il y manque tout ce que nous demandons aujourd’hui à un roman, c’est d’un roman qu’est tirée cette petite scène. Mais le mélange de hardiesse et de retenue que l’on y remarque et qui vient mêler quelque chose de vécu au poncif d’un genre conventionnel, nous allons le retrouver dans la vie réelle. Depuis un an Charles de Gouyon de La Moussaye est le prétendant agréé par la famille de Claude du Chatel. Comme il l’aime éperdument, il ne lui est pas possible de la perdre de vue. Il entre dans sa chambre où elle dort encore à côté de Mlle de La Touche qui partage son lit, il assiste en partie à sa toilette, lui tient son miroir, ses cheveux et s’empare sans grande résistance de ses mains pour les couvrir de baisers. D’autre part, il lui fait aussi, pendant qu’elle achève de s’habiller, des lectures édifiantes et, comme l’un et l’autre sont protestans, c’est surtout la Bible qui les lui fournit. Il sort avec elle, « la tenant toujours sous les bras, » c’est-à-dire appuyé sur elle. Quand il tombe gravement malade, sa fiancée veut accourir auprès de lui ; mais, tandis qu’elle a pu le laisser pénétrer dans son intimité, comme nous venons de le voir, sans blesser les convenances, ces mêmes convenances lui interdisent d’aller lui porter, alors qu’il est peut-être en danger, ses consolations et ses soins. Mme de Rieux lui en fait l’observation et elle renonce à le faire.

Au sein des classes populaires, de la classe rurale surtout, les premiers rapports des futurs, leurs fiançailles étaient marqués par un symbolisme rudimentaire et célébrés par des réjouissances qui n’étaient pas restreintes à la famille. Dans la haute Provence on se faisait accompagner chez les parens de la jeune fille, pour faire sa demande, d’une personne de leur connaissance, de ce qu’on appelait, aux environs de Gap, « un chat de maraude. » Si l’on était bien accueilli, on revenait un soir huit jours après, on faisait sa cour tandis que l’intermédiaire réglait avec les parens les questions d’intérêt. Dans la soirée qui se prolongeait assez tard, on mange une bouillie, et la quantité de fromage râpé que la jeune fille y répand, est la mesure du degré de sympathie qu’elle éprouve. Si elle n’agrée pas la demande, elle glisse quelques grains d’avoine dans la poche du soupirant. « Il a reçu l’avoine, » c’est dire d’un jeune homme qu’il a été refusé. Si celui-ci n’a pas l’air de comprendre, s’il ne se retire pas tout de suite, la cruelle tourne vers lui le bout non allumé d’un tison. Dans la petite vallée de Feurs (Basses-Alpes), les fiançailles précèdent le mariage de quinze jours. Les deux familles se réunissent vers minuit au domicile de la prétendue. De part et d’autre, on fait la demande, la future est conduite ensuite par son plus proche parent dans un appartement où elle est rejointe par le futur. Tous deux restent seuls un instant, puis viennent retrouver l’assemblée dont ils embrassent tous les membres en donnant à chacun le titre de parenté que le mariage va établir entre lui et eux. Ensuite, ils se fiancent en présence des assistans qui proclament aussitôt l’événement dont la nouvelle est accueillie au dehors par des détonations d’armes à feu. On n’aurait pas fini si l’on voulait relever les coutumes populaires qui se rattachaient aux préliminaires du mariage, et alors ce ne serait pas un chapitre d’histoire morale et sociale qu’on composerait, mais un répertoire de folklore.

Le concile de Trente n’avait pas fait de la publication des bans une condition essentielle de validité. L’Eglise en accordait même facilement la dispense partielle ou totale dans un intérêt dont l’ordinaire était juge. La législation et la jurisprudence civiles se montrèrent plus rigoureuses. L’ordonnance de 1579 considérait comme non valablement contractés les mariages qui n’avaient pas été précédés de cette publicité et prenait des précautions contre l’abus des dispenses. La déclaration du 26 novembre 1639 confirmait l’article 40 de l’ordonnance de Blois et par suite les empêchemens dirimans résultant du défaut de publicité et notamment de l’absence de bans. À ne considérer que la législation, nul doute par conséquent sur l’invalidité des mariages contractés sans publications. Mais, à côté de la législation, il y a la jurisprudence qui, selon qu’elle applique ou n’applique pas la première, lui assure une valeur pratique ou ne lui laisse qu’une valeur doctrinale. Or la jurisprudence présente des contradictions qui sont peut-être, il est vrai, plus apparentes que réelles, car elles semblent bien pouvoir s’expliquer par la diversité des espèces. Dans un manuel de droit canonique gallican qui est de 1621, Jean Chenu affirme que le défaut de bans est une cause de nullité et il se fonde, pour l’affirmer, sur de très nombreux arrêts. C’est aussi l’avis d’un avocat qui, dans un factum, invoque la jurisprudence du parlement de Paris pour établir que l’omission des publications suffit, aussi bien que l’absence du prêtre propre et de témoins, pour empêcher la formation du nœud conjugal. Même constatation dans une lettre de l’évêque de Montpellier, Fenouillet, à La Vrillière écrite en 1637 : « … De fait, écrit ce prélat, les parlemens déclarent maintenant partout nuls les mariages contractés avec le défaut des proclamations de bans et de la présence du curé. » Tout au plus pourrait-on dire, en s’en tenant aux termes mêmes de cette lettre, que la réunion de ces deux irrégularités est nécessaire pour motiver la nullité. En revanche, il ne manquait pas de praticiens pour soutenir à la barre que, la publication des bans n’étant qu’une forme extrinsèque et non essentielle du contrat, son omission ne pouvait en vicier la substance. Ce qui est vrai, c’est qu’en conformant leur jurisprudence à la législation civile qui, à la différence du concile de Trente, faisait des bans une condition résolutoire, les parlemens et les juridictions inférieures, à leur exemple, tenaient compte des circonstances dans un esprit favorable au mariage et à la légitimité des enfans.

À Châlons, les bans auraient été remplacés par le défilé à travers la ville du cortège nuptial la veille de la cérémonie religieuse. On aurait peine à croire, si cela ne nous était attesté par un témoin oculaire, que cette exhibition ait pu tenir lieu des annonces faites au prône, et le voyageur qui y avait assisté ne s’est probablement pas trompé en prévoyant qu’elle ne se perpétuerait pas longtemps.

Comment, en effet, se passer de la publicité de l’église, si l’on voulait prémunir l’union conjugale contre les causes de nullité qui en menaçaient la stabilité ? Pour être insuffisant, ce moyen n’en était-il pas le meilleur ? et, si l’Eglise avait de bonnes raisons pour en dispenser, pouvaient-elles l’être assez pour balancer un intérêt aussi capital ? L’abus de ces dispenses augmenta beaucoup quand les curés s’ingérèrent d’en accorder eux-mêmes. Les synodes provinciaux durent maintenir aux évêques le droit exclusif de le faire. Avec un pareil laisser aller, il arrivait souvent, — et il pouvait arriver encore pis, — que les degrés prohibés ne fussent pas divulgués. Bien qu’ils eussent été réduits par le quatrième concile de Latran et le concile de Trente, les futurs eux-mêmes pouvaient les avoir ignorés et avoir agi de bonne foi. Le doute n’empêchait même pas la cérémonie nuptiale de s’accomplir pourvu que les conjoints prissent l’engagement, si le soupçon était confirmé, d’obtenir une dispense en cour de Rome. Quelquefois l’officialité ordonnait la séparation jusqu’à ce que la dispense eût été accordée. Pour obtenir des lettres de dispense ou de validation, on pouvait aussi s’adresser au Roi. On ne s’en contentait pas toujours, on estimait aussi nécessaire de « réhabiliter » le mariage, c’est-à-dire de procéder à un nouveau. L’édit de Nantes rendait les degrés prohibés obligatoires pour les protestans.

Les annonces faites au prône avaient encore pour utilité d’empêcher la bigamie. Ce qui pouvait l’empêcher bien mieux encore, c’était le certificat de décès établissant la viduité de celui ou de celle qui voulait convoler. Il était délivré par le curé ou l’officier civil du domicile et le clergé paroissial devait en exiger la production avant de remplir son ministère, à moins d’avoir la certitude directe du décès. Les pénalités étaient, sans parler de la séparation qui mettait simplement fin au scandale, l’amende pécuniaire, l’amende honorable, le pilori, la hart et, spécialement pour les femmes, le fouet, la tonsure et l’internement dans un couvent.

Le moment était venu de dresser le contrat de mariage. Le notaire en donnait lecture au domicile de la fiancée, en présence des futurs et de leurs parens et amis. À défaut de contrat, les conjoints étaient soumis à celui de la coutume, « parce que la coutume est le contrat de ceux qui n’en font point. » Le régime légal qui suppléait aux volontés des parties était, nul ne l’ignore, pour les pays de droit coutumier, la communauté, pour les pays de droit écrit, le régime dotal. La communauté tacite comportait, à l’époque qui nous occupe, celle des meubles et conquêts, le droit pour le mari de disposer de la dot, la limitation de ses pouvoirs sur les propres à des actes d’administration, le douaire coutumier. Le régime dotal était caractérisé par l’inaliénabilité de la dot. Quant aux dispositions légales empruntées au droit romain pour protéger la faiblesse de la femme contre l’influence des tiers et surtout du mari et qui lui refusaient la capacité de s’obliger pour autrui, quant au sénatus-consulte Velléien et à l’authentique Si qua millier, elles partaient du même esprit que l’inaliénabilité dotale, mais elles étaient tellement tombées en désuétude que la renonciation de l’intéressée était devenue dans les actes une clause de style longtemps avant qu’elles fussent abrogées par la déclaration d’août 1606.

La liberté des conventions venait modifier le caractère systématique des deux régimes et ménager entre eux des compromis. De là des démentis donnés aux maximes qui semblaient le mieux en exprimer l’esprit. C’est ainsi que les dettes des futurs devaient, d’après la théorie juridique de ce régime, tomber dans la communauté. « Qui épouse le corps épouse les dettes, » disait un brocard. Or c’était une clause très fréquente que celle par laquelle les futurs, au contraire, s’exonéraient réciproquement des dettes dont ils étaient grevés au moment de contracter leur union. Il était dressé un inventaire des biens meubles respectifs qui étaient le gage des créanciers de chacun, ainsi qu’un état de ces créanciers et de leurs créances.

La composition de la dot était naturellement des plus variables. Dans la période où se renferme notre étude, elle était plus souvent mobilière qu’immobilière, et elle comprenait toujours des meubles meublans, un trousseau, une garde-robe dont faisaient partie une ou plusieurs robes nuptiales, des joyaux. Les parens qui la constituaient y ajoutaient parfois l’engagement de prendre à leur charge une partie des frais du banquet. Il y en avait de si modestes qu’on s’étonnerait qu’on ait eu recours à un notaire pour en dresser acte, si l’on ne savait que les notaires instrumentaient alors pour les plus minces intérêts. Comment, par exemple, parmi tant de contrats qui nous font pénétrer dans des intérieurs d’ouvriers et de paysans, ne pas lire avec une compassion mêlée d’un sourire celui d’un aveugle, Guill. Baranyer et de Marg. Pinaut, fille d’un cardeur peigneur de Bourges, qui apporte à la communauté universelle, dont l’un et l’autre adoptent le régime, 30 livres en argent, un lit garni et deux draps, quatre livres de vaisselle d’étain, un coffre et un rouet ? La dot était versée le jour ou la veille des épousailles, rarement en une fois, mais, quand le versement n’était pas intégral, à charge d’intérêt. Le contrat stipulait quelquefois pour une partie de la dot qui sortait alors, comme on disait au Palais, nature de propre, un emploi en immeubles qui ne tombaient pas dans la communauté.

L’hypothèque légale qui, dans le droit écrit, protégeait la dot contre les risques de l’administration maritale, avait été adoptée, au XVIe siècle, par la jurisprudence des pays coutumiers et était passée dans la communauté pour sauvegarder les propres de la femme.

Les contrats assuraient à la future des gains de survie : douaire, préciput, augment de dot, etc. Le douaire était la partie de la fortune du mari assignée par celui-ci ou par la coutume à la femme survivante, soit en usufruit, soit en pleine propriété. Suivant ces différens cas, on distinguait le douaire préfix ou conventionnel, le douaire coutumier, le douaire sans retour. Le futur constituait parfois en douaire à la future, sans en fixer le montant autrement que d’après la situation sociale de celle-ci et ses propres moyens et tant qu’elle demeurerait en viduité, le revenu nécessaire à son entretien. À Strasbourg, le douaire était de 200, 300 ou 400 florins en pleine propriété. En octobre 1582, Alex. Moreau, se mariant sous l’empire de la coutume de Poitou, assigne à sa future 800 écus de douaire viager. Dans le douaire était souvent comprise la jouissance de l’habitation commune avec son mobilier et ses dépendances. Le préciput donnait lieu à la reprise en nature ou par estimation des objets à l’usage personnel de la femme survivante, la chambre garnie (estorée), la garde-robe, les « bagues » et joyaux, les carrosses, les chevaux, soit qu’elle les eût apportés, soit qu’elle les tînt de son mari. Ce droit de reprise s’appelait en Auvergne gagne coutumière. L’augment de dot, l’osclage étaient aussi des droits de survie au profit de la femme. Ces avantages étaient considérés comme des libéralités compensatoires, comme des « récompenses » de la dot et ils provoquaient à leur tour une nouvelle libéralité de la femme, la donation à cause de noces. La coutume de Savoie, sous l’empire de laquelle l’augment de dot et la reprise des « bagues » étaient en vigueur, attribuait à celles-ci, quand elles provenaient du mari, une valeur de 40 pour 100 de la dot.

Les dons mutuels étaient admis, même par les coutumes qui interdisaient les donations entre époux. Ils étaient tellement entrés dans les mœurs qu’il nous paraît inutile d’en emprunter des exemples aux diverses régions coutumières.

Les contrats de mariage, les donations à cause de noces, les donations mutuelles s’occupaient de l’avenir des enfans déjà nés et même à naître. On n’y insérait pas seulement des libéralités en leur faveur, on n’y réglait pas seulement leurs intérêts successoraux, on décidait encore de leur carrière. Un jurisconsulte de Carpentras ne donne sa fille au conseiller Simon de Tributiis qu’à la condition que les fils qui naîtront du mariage seront doc-leurs en droit, ajouteront à la considération professionnelle des deux familles. Le comte de Vailhac dispose, en se mariant, de la moitié de ses biens présens et à venir en faveur d’un des enfans mâles que lui donnera sa future. Un avocat de Dijon, Franc. Maleteste et sa femme, Marie Arniset, en faisant donation mutuelle au survivant d’entre eux de la propriété de leurs meubles et acquêts et de l’usufruit de leurs propres, imposent à ce survivant l’obligation d’observer, dans le partage de leurs biens, l’égalité entre leurs enfans, en réservant toutefois à leur fils Claude, avocat au Parlement, la maison de famille qu’ils habitent et qu’ils évaluent à la somme de 12 000 livres, dont le réservataire fera rapport.

Parmi les dispositions du contrat, il faut mentionner celle qui accordait aux nouveaux mariés le droit de vivre chez les parens, au moins pendant un certain temps. C’est ce qu’on appelait les nourritures. Dans le Périgord, à la fin du XVIe siècle, le gendre qui n’avait pas reçu de dot en argent, venait prendre sa place et sa part héréditaire dans la communauté taisible ou « affrerement » qui unissait les frères dans l’exploitation et la jouissance du patrimoine paternel.

Nous avons signalé les bagues et la bourse dont le prétendant faisait hommage à la future à l’occasion de la demande et des fiançailles. La veille et le lendemain du mariage étaient marqués aussi par des cadeaux, des réunions, des fêtes où, plus encore que pour les fiançailles, le public se faisait une place qu’il aurait été bien difficile de lui refuser. Tous les contemporains sont d’accord pour censurer la prodigalité à laquelle on se laissait entraîner dans cette circonstance, et elle était poussée plus loin encore dans la classe pauvre que dans la classe riche. Les pauvres, nous dit le chanoine Dognon qui les connaissait bien, y consomment parfois en deux ou trois jours autant que la dot de la nouvelle épouse peut valoir. Toutes les familles rurales ne poussaient pas aussi loin l’imprévoyance et, pour la contenir, les autorités locales prenaient des arrêtés somptuaires. Dan. Martin, qui nous a laissé un tableau si précis de la vie strasbourgeoise au commencement du XVIIe siècle, nous indique ce que le prétendant doit faire, entre les fiançailles et le mariage, s’il veut se conformer aux convenances, pour constituer la garde-robe de la future et la sienne et ordonner le repas. Il enverra le tailleur prendre chez le marchand d’étoffes de quoi l’habiller et de quoi faire à la fiancée une robe à collet, une jupe, un frison rouge, une robe de dessous. Il prendra aussi du velours dont le chaperonnier fera deux chaperons, l’un bordé de zibeline pour les dimanches, l’autre de martre pour tous les jours. Comme fourrures, il faudra deux pelliçons d’agneau bordés d’hermine et rehaussés de damas et de taffetas renforcé. On achètera ou on commandera à la lingère des coiffes de dentelle, des fraises, des collerettes, des « garde-robes » à la mode. On ira ensuite chez l’orfèvre pour y acheter la pointe de diamant qu’on passera au doigt de l’épousée dans la cérémonie nuptiale. La semaine qui la précède, on se procure les provisions pour le banquet, on charge un notaire d’aller, avec un parent, faire les invitations. À ces « semonneurs » il faut donner à déjeuner, à dîner et à souper. Le notaire recevra, en outre, un risdale et il en touchera un autre le jour de la cérémonie pour la peine de dresser et de lire la liste des conviés dans l’ordre où ils accompagneront les mariés. On croit surprendre dans la classe élevée, contre l’étalage de luxe dont les noces étaient l’occasion, une réaction de simplicité. Elle n’allait pas évidemment jusqu’au point où la poussa Henri-Aug. de Loménie, comte de Brienne, que le Père Senault loue d’avoir remplacé dans la corbeille les bijoux par un exemplaire des œuvres édifiantes du Père Louis de Grenade, mais on ne peut guère la méconnaître dans la façon, dont Françoise de Chantal l’oppose aux élans de galante générosité de son futur gendre, le comte de Toulongeon. Sainte Chantal ne voudrait pas que sa fille acceptât des pierreries, on n’en porte plus à la Cour, on laisse cela aux femmes de la ville. Mais le comte se pique de bien faire les choses. Il demande qu’au moins on lui permette d’offrir, pour commencer, des perles, des pendans d’oreilles et un médaillon peint enrichi de diamans, seule parure que les dames portent maintenant au corsage. Il veut qu’on lui envoie un canevas, c’est-à-dire un patron pour faire faire des costumes, Franç. de Chantal écrit à sa fille qu’il ne serait pas raisonnable d’en faire plus d’un. Tout au plus pourrait-elle se charger d’en commander elle-même, en partie aux frais du comte, qui fussent à la mode et se porteraient un peu dans toutes les circonstances. Elle se montre même tout à fait contraire à l’idée de faire une robe de noces, dans la noblesse, et à la Cour, on ne s’en soucie plus.

Si, à Strasbourg, les invitations étaient portées par des messagers, il semble bien qu’elles étaient aussi faites ailleurs par des billets de faire part. Ne faut-il pas reconnaître des invitations de ce genre dans l’Avis pour parvenir au mariage qui fut rédigé, le 18 janvier 1588, au nom des parens et amis des deux familles par les père et mère de Madeleine de Vendômois au moment où elle allait devenir la femme de Racan ?

Le concile de Trente exhorte les futurs à se confesser et à communier trois jours avant la bénédiction nuptiale ou au moins avant la consommation du mariage. Cette prescription, adoptée par les synodes provinciaux et les rituels, fut généralement respectée, avec cette variante que, dans certains diocèses, dans celui de saint François de Sales, par exemple, la communion était administrée à la messe nuptiale. Le règlement notifié par Jacques Olier à ses paroissiens en 1642, sous le titre d’Avertissement aux paroissiens de Saint-Sulpice qui désirent se marier, montre combien il y en avait parmi eux qui ne se présentaient pas avec les dispositions religieuses requises. Il est vrai que cette vaste paroisse, que le saint prêtre réussit à réformer et à moraliser, était l’asile de ce que la capitale avait de pire et que l’ignorance y devait dépasser ce qu’elle était ailleurs. En même temps qu’il statuait sur tout ce qui peut assurer la régularité de l’union matrimoniale, ce règlement exigeait des fidèles un certificat de confession et de communion et les soumettait à un examen élémentaire de catéchisme.

L’Eglise défendait de donner la bénédiction nuptiale avant quatre heures du matin et après-midi, mais elle ne réussissait pas absolument à faire prévaloir cette règle. Cette bénédiction était donnée plus souvent avant la messe qu’après et généralement devant le grand portail. Elle n’était pas indispensable à la validité. C’est ainsi que, pour régulariser une union clandestine et légitimer les enfans qui en étaient issus, l’évêque de Saintes commit le curé de Sablonceaux à recevoir le consentement mutuel des parties dans une chambre, en présence de quelques témoins, sans publications et sans donner cette bénédiction.

La dation des corps était, au contraire, une partie essentielle du mariage, ou plutôt elle était le mariage lui-même, puisqu’elle consistait dans l’abandon réciproque de leurs personnes que se faisaient les conjoints. La formule du rituel métropolitain d’Aix de 1577 exprime bien la portée de cet échange. « Je N. donne mon corps à vous N. pour loyal mari et pour loyal époux. — Et je le reçois. — Je N. donne mon corps à vous pour loyale femme et pour loyale épouse. — Je le reçois. » Si la dation des corps accompagne quelquefois les fiançailles, si elle est même, dans un texte, identifiée avec elles et si, comme elles, elle n’a pas toujours lieu à l’église, mais aussi dans la maison nuptiale, c’est qu’il s’agit, sous leur nom, d’un véritable mariage par paroles de présent auquel il ne manque, pour acquérir toute sa vertu sacramentelle, que d’être fait devant le ministre de la religion. Les paroles solennelles par lesquelles s’accomplissait la conjonction des corps et des âmes se rapportaient à deux conceptions différentes. D’après l’une, c’était le prêtre qui opérait cette conjonction : Ego vos in matrimonium conjungo. D’après l’autre, c’était, comme on vient de le voir dans le rituel d’Aix, les conjoints eux-mêmes : Ego te in meam accipio. — Ego te accipio in meum. Ces formules n’avaient encore rien de rigoureux, et le concile de Trente qui donne la première reconnaît la légitimité de celles qui en différaient et qui avaient été adoptées par les divers rituels. Nous avons, par exemple, sous les yeux un acte de 1615 où le conjoint est seul à parler, où la future ne lui donne pas la réplique : « Moi Pierre Grantet je te prends, Toussainte Chavanon, pour femme, avec cet anneau et cette charte dans les conditions que Dieu a dites, que saint Paul a écrites, que confirme la loi romaine, — nous sommes en Forez, en pays de droit écrit, — et je te confie toutes mes aumônes (committo sive commendo omnes elemosinas meas), c’est-à-dire : je te fais la dispensatrice de mes œuvres de charité. »

La transcription sur le registre paroissial ne s’opérait pas avec une grande régularité. Tantôt elle était omise, plus souvent elle n’était pas suivie de la signature des contractans et des témoins. Rigoureusement, celle du curé était suffisante.

La bénédiction du lit nuptial en présence de la famille et des invités suivait la noce de près. Cette cérémonie ne pouvait être célébrée dans la soirée, de crainte des scandales que l’heure tardive était de nature à favoriser. Elle n’était pas pratiquée partout.

Le clergé avait, on l’a vu, beaucoup à faire pour sauvegarder la dignité et la sainteté de l’union conjugale, et sa tâche devenait plus difficile à mesure qu’approchait le moment où les époux devaient user des droits que le sacrement leur avait donnés. On se rappelle qu’à Foix les fiancés se considéraient comme mariés et se traitaient comme tels. C’était pour éviter une précipitation du même genre que le curé de Saint-Macaire estimait nécessaire, comme il le remarque dans son registre paroissial, de dire la messe aussitôt après la bénédiction nuptiale. La même crainte avait eu sa part dans la défense de la donner la nuit. L’idéal auquel l’Eglise cherchait à ramener l’acte constitutif de la famille ne pouvait faire disparaître le terre à terre qui en est inséparable, et le prosaïsme gouailleur, la gaieté robuste des classes bourgeoise et populaire prenait sa revanche dans la façon dont elles s’associaient à un bonheur essentiellement domestique et intime.

C’était d’abord dans le repas que se donnaient carrière la prodigalité de l’amphitryon et la bonne humeur avinée des convives. Il était suivi de danses où la décence n’était pas toujours respectée et qui duraient jusqu’au souper. La mariée n’y pouvait refuser aucune invitation, et cependant la maison était ouverte à tout le monde. À tous ces inconnus la jeune femme devait donner la main et même, comme en Bretagne, prêter ses lèvres. Au souper toujours bruyant et confus succédaient de nouveau la danse, puis des libations. C’est tout au plus si après minuit les époux pouvaient aller se coucher. Mais ce n’était pas pour goûter le repos. À peine étaient-ils au lit que la chambre était bruyamment envahie de gens qui échangeaient des propos obscènes, et que recommençait la licence de la veille. Dans certaines régions, ces saturnales se prolongeaient pendant trois jours. Ajoutons qu’elles commençaient avant même que les époux fussent revenus de l’église. À l’église même, quand ils y entraient, le futur était bourré de coups de poing, pendant la cérémonie les assistans faisaient assaut de gestes et de propos grossiers. Cette description est empruntée à Erasme et l’on aimerait à croire qu’elle ne convenait plus, au moins sans certaines atténuations, à l’époque qui nous occupe. Il faut observer pourtant que les agitations publiques qui ont désolé notre pays, depuis qu’elle a été écrite, n’avaient pas été de nature à diminuer cette licence. Pendant la mission qu’il prêcha à Grenoble en 1600 et 1601, le P. Coton entreprit d’arracher la classe populaire à l’habitude des réjouissances indécentes dont les mariages étaient le prétexte et il réussit surtout à diminuer le scandale en les empêchant d’affronter le grand jour. La tenue des assistans à la cérémonie nuptiale n’était pas toujours beaucoup plus décente qu’au temps d’Erasme, car le concile de Narbonne était, en 1609, obligé d’interdire les rires, le bruit et les autres inconvenances qui profanaient cette cérémonie. En Roussillon, la chambre nuptiale se remplissait, au milieu de la nuit de noces, d’une turbulente jeunesse qui venait y faire réveillonner les nouveaux époux et y réveillonner avec eux, et dont l’ébriété ne ménageait ni les oreilles de la jeune femme, ni la vaisselle et le mobilier du ménage. Le curé de Camalas, qui nous révèle cet usage dans son livre de raison, déplore en son dialecte que ne son las matrimonis destos temps com las de Tobias ab Sara, mais il se félicite que du moins il n’y ait pas dans sa paroisse entre les futurs et entre les assistans l’abus de baisers qui signale ailleurs les mariages. Ce n’était pas, au contraire, les baisers qui faisaient défaut à Châlons. Là était établi devant l’autel un cabinet de verdure où les futurs s’agenouillaient et, avec toute la décence requise, en échangeaient plusieurs. À certains momens de la solennité, le futur redoublait les siens. Personne ne s’en scandalisait. Au contraire, l’omission de ces démonstrations de chaste tendresse aurait été considérée par tout le monde comme un mauvais présage. La cérémonie terminée, tous les hommes du côté du marié allaient baiser la mariée et le marié faisait la même chose pour toutes les femmes du côté de l’épousée. La noce sortie de l’église, il était permis à tout honnête bourgeois de la ville de s’approcher de la mariée et de la baiser respectueusement. On voit par cet exemple que le clergé ménageait chez les fidèles certaines habitudes dont un rigorisme sans discernement aurait pu s’alarmer. Il s’associait même aux réjouissances populaires. Aux noces du pays basque, c’était le curé qui menait le branle. L’Eglise ne se montrait pas pour cela moins sévère, quand il le fallait, que certaines municipalités qui interdisaient « comme insolens et immodestes » les branles, les mascarades et les autres réjouissances, quand elles mettaient en péril la moralité ou la dignité du mariage.

Le clergé avait encore à lutter contre les superstitions qui s’y rattachaient. Certains jours étaient considérés comme néfastes. Le mois de mai était l’objet du même préjugé et il fallait que ce préjugé eût pénétré chez les personnes les mieux élevées pour que sainte Chantal eût à le combattre chez sa fille. Garder les souliers avec lesquels on s’est marié, les treize deniers des arrhes reçues par la femme, c’était s’assurer des chances de faire bon ménage. Mais faut-il ranger parmi les superstitions le prix attaché à ces premières reliques de la religion domestique ? Il ne faut pas y ranger non plus ces rites locaux tout imprégnés de poésie archaïque et rustique qui symbolisent ou le rapt, ou l’achat de l’épouse, ou la fondation d’un nouveau foyer, ou les vertus dont la nouvelle ménagère fera profiter celui-ci. C’était bel et bien, au contraire, une superstition que la croyance qui prêtait à l’animosité d’un rival, d’un ennemi, ou simplement à la malignité d’un mauvais plaisant, le pouvoir d’empêcher par le nouement d’aiguillettes la consommation du mariage. Pour que le maléfice réussît, il fallait serrer une aiguillette, c’est-à-dire un de ces cordons ferrés qui attachaient le haut-de-chausse au pourpoint, au moment où, en donnant la bénédiction nuptiale, le prêtre prononce le mot Sara. Cette croyance était partagée par les tribunaux, par le clergé. C’est elle qui explique tant d’unions nocturnes. On se figurait que le maléfice était conjuré par les ombres de la nuit, toujours si favorable pourtant aux sortilèges. Ceux qui étaient accusés de « ligatures » avaient affaire, à la justice. En 1591, Fremy du Coyet est condamné, de ce chef, à la torture, au bannissement et à une amende de vingt écus. L’Eglise les excommuniait et elle avait, pour écarter ce rémora du bonheur conjugal, une oraison qui était prononcée sur les nouveaux époux. Elle condamnait les recettes que le charlatanisme avait inventées pour en préserver et elle y opposait, comme le seul moyen efficace, l’approche préalable du sacrement eucharistique.

Nous voici arrivé au lendemain du mariage. La vie conjugale va commencer. Si nous nous bornons aujourd’hui à faire assister le lecteur à la formation du nœud qui la rend possible, ce ne sera pas sortir de notre sujet que de dire comment se desserrait ce nœud indissoluble et ce que devenait, au moment de sa rupture par la mort, la femme survivante.

En principe, c’est à la juridiction ecclésiastique, c’est aux officialités qu’il appartenait de prononcer la séparation de corps. En fait, celui des conjoints qui voulait l’obtenir, pouvait s’adresser aussi à la juridiction civile. Quand ils étaient d’accord, ils y procédaient même à l’amiable devant un notaire qui dressait acte du règlement d’intérêts auquel elle donnait lieu. Mais ni la juridiction ecclésiastique, ni la juridiction civile ne se désintéressaient du rétablissement de la bonne harmonie entre les époux. La séparation n’était prononcée qu’après une tentative de conciliation. Le conjoint qui quittait le domicile conjugal, même quand il avait de bonnes raisons pour cela, quand, par exemple, c’était une femme victime des mauvais traitemens de son mari, était privé des sacremens, dénoncé au prône, condamné à reprendre la vie commune. Avant tout il faut éviter le scandale et, pour l’éviter, prendre patience, savoir souffrir un peu ; c’est le point de vue social qui domine ici comme toujours aux dépens de l’intérêt individuel. Aussi quand la femme de Guill, Naufle, maltraitée par son mari, abandonne avec ses hardes le domicile conjugal pour se réfugier à l’hôpital d’Arans, elle a contre elle l’autorité civile et l’autorité religieuse. Le conseil de ville la fait expulser de l’hôpital, un échevin est commis pour réconcilier les époux et, le 29 mai 1618, la pauvre femme est condamnée par l’official à affronter de nouveau la brutalité de son mari. Le plus souvent la séparation n’est prononcée que pour un temps limité ou, si ce temps n’est pas déterminé, jusqu’au moment où Dieu ramènera la bonne intelligence. À cet espoir les jugemens joignent la prescription de respecter la fidélité conjugale. La séparation de corps entraînait la séparation de biens. Celle-ci, mettant la femme à l’abri des poursuites des créanciers du mari, intéressait les tiers. Aussi était-elle soumise à la publicité.

La mort du mari créait à la veuve une situation légale particulière. Il dépend d’elle d’avouer la mémoire et la gestion du défunt ou de les répudier. Accepte-t-elle la communauté, elle hérite de la moitié de l’actif et du passif sans pouvoir être pourtant engagée pour le second, — c’est ce qu’on appelle le bénéfice d’émolument, — au-delà du premier. Renonce-t-elle, au contraire, à la communauté, elle déclare son intention en justice ou par-devant notaire et dépose sur la fosse du cimetière la ceinture, la bourse et les clefs qui sont les symboles de son autorité domestique, puis elle fait dresser par un notaire un inventaire contradictoire de l’actif. Aux reprises qu’elle exerce, propres, droits de survie, objets à son usage personnel, il faut ajouter les habits de deuil dont les frais sont pris sur la communauté. Elle perdait son droit au deuil aussi bien que ses droits de survie si elle se remariait ou si elle avait un enfant dans l’« an vidual. » Dans les frais de deuil dont elle était indemnisée étaient compris les frais funéraires, et une provision alimentaire s’y ajoutait parfois. Les veuves portaient le grand deuil qui durait un an, en noir ou en blanc ; dans les vêtemens de dessous le gris, le tanné, le violet, le bleu étaient admis. Pour le demi-deuil on se permit un peu plus tard toutes les couleurs, sauf le vert. Ce fut la duchesse d’Aiguillon qui, par son exemple, autorisa cette liberté.


La conclusion des pages qui précèdent nous paraît pouvoir être présentée en quelques mots. Ayant renoncé, pour alléger sa marche, à plus d’un trait local qui y aurait répandu davantage le mouvement complexe et confus de la vie, l’esquisse qu’on vient de lire n’aura pas été inutile si elle laisse dans l’esprit l’impression très nette de quelques vérités historiques. Entre la pacification du royaume (1598) et la Fronde (1648), la théorie légale du mariage achève de se fixer, et une distinction entre le contrat et le sacrement s’y introduit dont l’avenir révélera la portée. La licence des mœurs et l’empire de la tradition canonique tiennent encore en échec le triomphe de cette théorie. Dans la façon dont les usages et les bienséances règlent le prélude et l’accomplissement de l’union conjugale on reconnaît la bonne humeur intempérante, la galanterie romanesque » l’étalage de vanité, les préoccupations positives que nous retrouverons dans les divers domaines de la vie sociale pendant la première moitié du XVIIe siècle.


G. FAGNIEZ.

  1. Voyez la Revue du 15 janvier 1909.