La Figure de proue/En forêt de Brothonne

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Eugène Fasquelle (p. 252-253).

En forêt de Brothonne

Nous aurons tant aimé notre grande Brothonne,
Ses pins nerveux, si bruns, si rouges et si roux
Qu’ils semblent revêtus d’une éternelle automne,
Ses hêtres de lumière aux troncs lisses et doux.

Un grand frisson toujours a couru dans nos moelles
D’entrer dans l’odorante et verte obscurité
Où filtrent jusqu’au sol ces taches de clarté
Qui remuent dans la mousse ainsi que des étoiles.

Les rosaces du ciel pris entre les rameaux
Et l’élan biaisé des branches principales
Récitaient la prière inouïe et sans mots
De la grande forêt, mère des cathédrales.


Et, lorsque, insinuant et rouge, un soleil bas
Glissait avec le soir à travers les hêtraies,
Que les troncs élancés craquaient comme des mâts,
Que les ombres barraient les chemins de leurs raies,

Bien souvent, égarés dans le silence vert
Où chuchotent l’histoire et les contes de fée,
Nous attendions, dans la bruyère ébouriffée,
De rencontrer Merlin ou le roi Dagobert…