La Figure de proue/Séduction

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Eugène Fasquelle (p. 29-30).

Séduction

La petite beauté musulmane, parée
De ses sauvages trois colliers,
La chère enfant de dix-sept ans toute dorée,
Debout sur ses pieds sans souliers,

Elle ne connaît rien des chétives romances
Dont vivent celles-là d’Europe, avec leur cœur
Cultivé jusqu’à la rancœur ;
Mais elle a deux yeux roux entre des cils immenses

Et, sachant relever et baisser lourdement
Ses deux paupières de musée,
Toute elle se revêt d’ingénuité rusée
Sitôt qu’on la regarde avec un air d’amant.


Elle ne pense pas. Sa beauté n’a pas d’âme.
Mais on voit panteler jusqu’au fond de ses yeux
Cet animal divin, la femme,
Et cela vaut autant qu’une âme — et même mieux.