La Franc-maçonnerie des femmes/35

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Bourdilliat (p. 340-358).

CHAPITRE XXVI

Une réception.


Instituée franc-maçonne par le testament de Mme Baliveau, Amélie jouissait de toutes les prérogatives attachées à ce titre, bien qu’elle n’eût pas encore été reçue en assemblée générale.

Le jour de sa réception venait d’être définitivement fixé. Une réception dans la Franc-maçonnerie des femmes est toujours une cérémonie importante. Celle-ci devait avoir lieu le matin.

Aussi la cité des Invalides se trouva-t-elle envahie de bonne heure. Les portes de la rue Plumet, de la rue Monsieur, de la rue de Babylone et du boulevard ne faisaient que s’ouvrir et se refermer sous l’imperceptible pression de petits doigts féminins.

À l’intérieur, où le mouvement était concentré, des robes effleuraient les parterres, des chapeaux palpitaient sous les branches. Après avoir décrit un chemin plus ou moins sinueux, selon son point d’arrivée, chaque femme entrait dans cette serre qui a été signalée dans nos précédents chapitres. Cette serre était une sorte de salle des pas-perdus, ou plutôt l’antichambre supérieure de la salle des séances de la Franc-maçonnerie des femmes.

Au fond d’un bosquet s’ouvrait une porte habilement dissimulée par un treillage bordé de fleurs grimpantes. Un escalier descendait dans une salle immense et voûtée, divisée à peu près comme une salle de spectacle, et ornée avec une splendeur bizarre, emblématique.

C’était là.

Plus de quatre-vingts femmes se trouvaient alors rassemblées sur des gradins. Mais, en ce moment, la séance, ou, pour nous servir de l’expression technique, la Loge n’était pas encore ouverte. Elles avaient donc la liberté d’aller et de venir, de causer entre elles à voix basse. C’était un spectacle mystérieux et fait pour impressionner.

La décoration n’avait rien qui la distinguât particulièrement de la maçonnerie Adonhiramite. La salle était tendue de rouge cramoisi. Le côté droit se nommait l’Afrique, le côté gauche l’Amérique, l’entrée l’Europe, le fond l’Asie. Dans l’Asie, qui représentait le berceau de la franc-maçonnerie, un dais rouge, orné de franges d’or, s’arrondissait au-dessus d’un trône soutenu par des colonnes torses, et où devait s’asseoir la grande-maîtresse. Devant ce trône, il y avait un hôtel orné de quatre figures peintes, avec les noms au-dessous : Vérité, Liberté, Foi et Zèle. Cinq trépieds brûlaient autour de ces figures. Sur l’autel, on remarquait une petite auge dans laquelle trempait une truelle d’argent. Le plafond représentait un vaste arc-en-ciel. Un grand nombre d’inscriptions et d’allégories tapissaient cette salle, éclairée de distance en distance par des lampes symboliques qui ne jetaient qu’une lueur modérée.

Dans ce clair-obscur s’agitaient une foule de femmes, dont le costume, la physionomie, l’accent et les manières contrastaient d’une façon saisissante. Toutes semblaient pénétrées d’un accord et d’un respect mutuels. Il y avait quelques étrangères, entre autres une Suédoise, de passage à Paris. Plusieurs grandes dames avaient traversé la France et quitté leurs châteaux pour venir assister à la réception d’Amélie ; c’étaient les mêmes qu’on remarquait dans l’église de la Madeleine, le jour de son mariage.

Le reste de l’assemblée se recrutait sur le grand théâtre parisien, et quelque peu aussi dans ses coulisses. On eût vainement cherché une condition sociale, qui n’eût pas là sa représentante. Les forces de la Franc-maçonnerie des femmes étaient au complet : forces du salon, forces de la rue, forces avouées et forces occultes. À un moment donné, sur un signal convenu, toutes ces forces étaient mises en jeu ; toutes ces grâces, tous ces esprits, toutes ces élégances, toutes ses relations, toutes ces vertus, toutes ces roueries, toutes ces fortunes fonctionnaient avec la régularité d’une machine ; elles travaillaient alors à un but commun, envieuse de justifier leur devise : Toutes pour une, une pour toutes.

C’était là qu’il eût fallu venir chercher la clé de tant d’énigmes, le secret de tant de réputations, le mot de tant de fortunes, la source de tant d’aumônes aussi. Que de choses mises sur le compte du hasard, que d’événements acceptés comme venant du ciel, et que la Franc-maçonnerie des femmes pourrait aisément revendiquer !

Les voici toutes, formant une chaîne autour de la société, les belles et les laides, les infimes et les illustres : marchandes à la toilette, dont les cartons savent la statistique de tous les boudoirs enrichis et de tous les ménages ruinés ; institutrices au cachet, ayant leurs petites entrées dans la famille, connaissant l’heure des mariages, le chiffre des dots, interrogeant le cœur des héritières, et, au besoin, faisant les demandes et les réponses ; gouvernantes à l’affût des testaments ; femmes de journalistes taillant les plumes de leurs maris, taillant aussi leurs idées, les premières à recueillir les nouvelles, les premières quelquefois à les souffler ; demoiselles de comptoir n’ayant qu’une oreille tendue aux madrigaux, et réservant l’autre aux intérêts de l’association ; ouvrières pour qui les ateliers et les faubourgs n’ont pas de secrets ; tout un monde enfin, hardi, dévoué, multiple !

Les voici toutes ! Quelques-unes d’entre elles méritent un portrait particulier, soit à cause de leur situation exceptionnelle, soit pour les services qu’elles ont rendus ou qu’on leur a rendus. La nature, souvent inouïe, prodigieuse de ces services, démontrera, mieux qu’une affirmation, l’étendue et la diversité des ramifications de la Franc-maçonnerie des femmes. C’est une chaudière de drames et de comédies que nous allons renverser, avec la prodigalité d’un homme qui en garde plus qu’il n’en répand, qui en tait plus qu’il n’en raconte. Dans ce musée, reflet de toutes les écoles et de tous les genres, il se pourra que le grotesque coudoie quelquefois le terrible, que les figures naïves avoisinent les profils raffinés ; si quelques tons criards s’y font jour, on se rappellera qu’ils éclatent sur une toile inusitée. On s’étonnera moins de l’étrangeté de quelques-unes de ces monographies, en songeant que la plupart de ces caractères subissent le joug d’une volonté collective ; que ces existences ne s’appartiennent jamais entièrement, et que, dans cette société ténébreuse, les circonstances, les événements s’ordonnent et se préparent comme se préparent les substances dans les laboratoires.

Prenons d’abord cette humble fille, qui a l’air sauvage et presque effarouché. Elle est enfermée jusqu’au menton dans une robe grise ; elle a de gros gants et de gros souliers. C’est Lucile-Geneviève Cornut, la servante d’un des plus vénérables curés d’une paroisse de la banlieue. Pour assister aux réunions du boulevard des Invalides, elle est obligée chaque fois d’accomplir des prodiges de combinaisons et de prétextes. Lorsque la convocation est indiquée pour le soir, c’est alors que son embarras est doublé. Son curé a pour habitude de se mettre au lit fort tard, parce qu’il dort après le déjeuner de midi.

Afin que Geneviève puisse s’absenter du presbytère, il est nécessaire, il est indispensable que son respectable maître devance l’heure de son coucher. Pour obtenir ce résultat, Geneviève doit empêcher la sieste de l’après-midi ; le diable seul sait ce qu’il en coûte, à cette pauvre servante, de vacarmes faits à dessein, de sonnettes agitées, de petits mensonges et de grosses supercheries. Tantôt c’est une pécheresse qu’elle amène presque par force au confessionnal ; tantôt c’est un malade à toute extrémité qu’elle imagine, et le bon curé de déranger en soupirant l’oreiller sur lequel il commençait à reposer sa tête, de revêtir son surplis ou de demander son chapeau pour courir à l’extrémité de la commune. Qu’au retour il gronde Geneviève pour ses étourderies et ses bévues, peu importe ! ce soir-là, il se couchera à neuf heures, et Geneviève ira au rendez-vous de la Franc-maçonnerie des femmes.

Soixante-deux ans, voûtée, le nez fiché dans la figure à la façon de ces morceaux de bois en angle droit qu’on enfonce dans les jouets de style primitif, la prunelle roulant perpétuellement dans l’orbite, la peau rougie, les lèvres minces, plus de cheveux, quelque chose comme un oiseau de proie, une nuance entre l’ensevelisseuse et le vautour, voilà cette grande femme — vue de face — qu’on appelle la veuve Brinois, et de la poche de laquelle vient de tomber un jeu de cartes. C’est une des plaies de l’association, une des hontes. Elle jouerait partout, elle jouerait presque sur l’autel. Pour elle, le monde, la famille ne datent que de l’invention des tarots ; la langue française ne sert qu’à annoncer le roi, la dame et le valet de carreau. Le sort l’avait unie à un mari avare, un luthier ; le sort l’en a débarrassée, en lui épargnant une grave reddition de comptes. Feu Brinois avait la coutume d’enterrer son argent, Mme Brinois avait la manie de le déterrer ; feu Brinois mettait ses bénéfices dans des tirelires qui sonnaient toujours le vide ; il apportait ses économies à des coffres-forts qui avaient une entrée et une sortie. Un jour, feu Brinois s’aperçut qu’il avait placé sa fortune dans le tonneau des Danaïdes ; ce jour-là, il mourut. Sa femme fit sonder les murs, éventrer les paillasses, démolir les manteaux de cheminées, découdre les fauteuils, casser les bambous en deux, dévisser les pieds de table, ouvrir les livres feuillet à feuillet, et quand elle eut mis la main sur l’argent que le luthier avait caché partout, elle alla jouer dans ses repaires ordinaires.

Mme Brinois a fermé le magasin de son mari, mais elle n’a pas eu le temps de vendre son fonds. Quand l’argent vient à lui manquer, elle a recours aux Stradivarius, aux Guarnerius, aux Amati, et pour peu qu’elle n’en trouve pas un prix raisonnable, elle les expose comme enjeux. On la vue arriver au tripot avec un ophicléide sous le bras ; dès que la main lui venait, en termes de lansquenet, elle posait gravement le mélodieux tuyau de cuivre sur le tapis, en disant : « Il y a un ophicléide ! » du même ton qu’elle aurait dit : « Il y a un louis. »

On devine que la veuve Brinois est plus onéreuse qu’utile à ses sœurs de l’association. Ses demandes d’argent sont incessantes ; et souvent, pendant les séances, elle a poussé le cynisme jusqu’à chercher à organiser des banquo clandestins. Elle mourra dans l’impénitence finale et méritera d’être enterrée sous un chandelier de maison de jeu.

Élisabeth Ferrand, mariée au célèbre procureur général Ferrand, est une des puissances de la Franc-maçonnerie des femmes. Elle est belle, elle est gracieuse, elle est spirituelle. Habile à conduire les hautes intrigues jusqu’au sein de la magistrature, elle excelle dans l’art d’influencer et même de transformer les convictions. C’est dans son salon, un des plus charmants et des plus sérieux de Paris, que la Franc-maçonnerie tend à la justice ses filets roses, ses lacs de gaze. Du grave et irréprochable Ferrand elle a fait, sans qu’il s’en doutât, le plus ferme appui d’une société secrète, contre laquelle il serait le premier à invoquer l’application de la loi s’il en soupçonnait seulement l’existence.

À quelque distance de Mme Ferrand, sur les gradins supérieurs, s’agite ou plutôt se trémousse une négresse vêtue à la mode parisienne. C’est Élisa, dite Ébène ; elle était encore, il y a trois ans, dans une sucrerie de la Martinique ; aujourd’hui, elle est marquise ; son maître, M. de Champ-Lagarde, l’a épousée. Voici dans quelles circonstances et à quelle occasion cet étrange hymen s’est accompli.

Raoul de Champ-Lagarde était de haute et vieille noblesse ; il avait des frères investis des premières charges à la cour, des premiers grades à l’armée, des plus hautes dignités de l’église. Ses trois sœurs devaient tôt ou tard contracter des alliances illustres. Par une exception que ses vices précoces lui avaient d’ailleurs méritée, Raoul, dès sa jeunesse, se vit relégué dans les colonies, sous le prétexte d’administrer des propriétés considérables. De même que l’on place les poudrières à l’écart des villes, de même on envoie quelquefois au-delà des mers la noblesse trop prématurément corrompue.

La rancune de Raoul contre sa famille, devait dater de cet exil. Il acheva de se dépraver à la Martinique, où il compromit ses biens et devint un fléau pour les indigènes. Brave comme une épée, sanguinaire comme le maréchal de Retz, goguenard et laid à donner le frisson, il se fit une renommée de tyranneau qui retentit jusqu’en Europe, à Paris, et jusque dans le cabinet du roi des Français. Ce fut Raoul qui, le premier, osa publier dans un journal cet avis :

« M. le marquis de Champ-Lagarde prévient le public que ses heures de combat sont changées depuis le 15 courant. Voici le nouvel ordre qu’il a adopté : le matin, de neuf à onze heures pour le pistolet ; le soir, de deux à cinq pour l’arme blanche. On trouvera chez lui des témoins. »

Comment l’argent vint à manquer à ce redouté satrape, c’est ce qu’on devinera. Après avoir épuisé toutes ses ressources et levé des contributions souvent forcées sur les colons, il s’adressa à sa famille, à ses frères et à ses oncles, qui lui répondirent sèchement :

— Vivez dans le désordre, si cela vous plaît, mais oubliez que vous avez des parents.

Raoul de Champ-Lagarde prépara une vengeance formidable et simple. Il jeta les yeux autour de lui et épousa la négresse Élisa, dite Ébène, originaire des côtes de Guinée. Ébène avait seize ans alors.

Si cette esclave affranchie put naïvement se croire épousée par amour, son erreur ne fut pas de longue durée. Au retour de la cérémonie nuptiale, Raoul, décrochant un magnifique fouet à manche incrusté d’argent, lui dit :

— Je ne veux pas d’héritiers.

Cet arrêt laconique eût peut-être semblé brutal à une Française : mais cette Africaine, accoutumée aux mauvais traitements, n’y répondit que par un sourire de modestie.

Elle se croyait belle, car bien souvent la pétulance tropicale de ses charmes avait désespéré de noirs admirateurs. Elle se sentait vaguement une intelligence, et elle conçut le projet de s’élever jusqu’à la hauteur de son incroyable fortune.

Dès le lendemain de ce mariage, le marquis et la marquise de Champ-Lagarde s’embarquèrent pour la France : ils se rendirent à Paris. Raoul savait qu’un de ses frères, orgueilleux représentant de la tradition légitimiste, recevait, une fois par semaine, toutes les fidélités fleurdelisées et tous les dévouements en culotte courte du faubourg Saint-Germain. Il voulut, en compagnie d’Ébène, tomber comme une injure au milieu de cette aristocratie qui l’avait sévèrement repoussé.

Annoncés par un huissier balbutiant et plein de stupeur, Raoul et sa noire épouse firent inopinément leur entrée dans le monde parisien. Le scandale fut immense. La figure bilieuse et méchamment souriante du marquis tranchait sur un costume du meilleur goût, et qu’il portait, malgré sa laideur, avec une distinction innée. À son bras, Ébène promenait des regards ravis. Elle avait une robe de satin blanc, au-dessus de laquelle sa tête vive apparaissait comme une taupe dans la neige. Un collier de graines rouges serrait son cou d’un modelé pur et puissant. Elle avait toutes les peines du monde à s’empêcher de faire la révérence aux femmes et de sourire aux hommes. Bagues, bracelets, pendants d’oreilles, broches, agrafes, tout cela courait et brillait sur cette peau comme des étincelles sur un papier brûlé. Il semblait qu’on eût vidé sur elle désordonnément une boutique de bijouterie. Ils avançaient ainsi tous deux, paraissant attendre les félicitations et ne recueillant que la stupeur. Les invités se repliaient en silence devant cette tempête qui marchait. On cherchait des issues. Il y eut quelques jeunes personnes qui s’évanouirent.

Dès le lendemain, ils louèrent un hôtel dans l’avenue d’Anlin ; chaque jour on les voyait sortir en calèche ; chaque soir, aux places les plus découvertes de l’Opéra, ou même des théâtres de boulevard, ils s’offraient de bonne grâce en pâture à l’attention publique, qui, reconnaissante envers eux, leur organisa bientôt une véritable popularité.

La vengeance du marquis de Champ-Lagarde eut les résultats qu’il en avait attendus. Maudit par sa famille qu’il avait vouée au ridicule, anathématisé par la noblesse entière, il trouva un refuge chez les abolitionnistes des États-Unis et de l’Angleterre, qui ne voulurent voir dans son mariage qu’un éclatant hommage rendu à leurs principes. En conséquence, de tous les coins du monde s’élevèrent au profit de ce couple disparate des témoignages de sympathie qui reconstituèrent de nouveau le crédit de Raoul. Plus tard, les Champ-Lagarde eux-mêmes, amenés à composition et réunis par une crainte commune, lui firent proposer une rente secrète de cent mille francs, à la condition qu’il ne perpétuerait pas sa vengeance par couleur de progéniture.

Peu à peu, voici ce qui est arrivé : le marquis Raoul s’est rangé ; l’âge et le changement de milieu ont éteint ses vices. Alors, il a rougi de sa femme, il a cherché à se débarrasser d’elle, à l’éloigner ; mais il n’était plus temps. Une contre-vengeance dirigée sur le marquis lui-même, par une de ses anciennes maîtresses au lit de mort, avait placé Ébène sous la protection de la Franc-maçonnerie des femmes.

Ébène est restée à Paris ; elle a voulu connaître ses droits et en user ; on lui a donné des maîtres et des couturières ; elle s’est habituée au monde, et, chose plus malaisée, mais rendue possible par le crédit de ses nouvelles sœurs, le monde a fini par s’habituer à elle. Quelques salons l’ont admise déjà dans le huis-clos des réunions intimes, comme une originalité, une fantaisie, comme la sœur d’ Ourika ; bientôt il sera de mode de la voir dans tous les bals, nous en faisons le pari.

Lorsque le marquis de Champ-Lagarde, confondu et désespéré par cette métamorphose inattendue, parle de la renvoyer à la Martinique, elle va chercher dans sa bibliothèque particulière un livre aux tranches tricolores, dont elle fait une étude approfondie depuis trois ans. Il n’y a pas longtemps que, furieux de cette résistance, le marquis a essayé de revenir à ses anciennes traditions de colon ; mais alors, c’est Ébène qui a décroché le fouet au manche incrusté d’argent.

Celle-ci, qui est assise, le coude au genou et le menton dans la main, les yeux égarés, et comme indifférente à ce qui se passe, autour d’elle, celle-ci a fait plus que de tuer un homme, elle a tué une gloire. Louise-Raimonde-Eugénie d’Effenville, comtesse Darcet, poursuit une vengeance sans égale, et qui absorbe sa vie entière. C’est contre un peintre illustre qu’elle s’acharne depuis vingt ans bientôt. Cherchez une seule des toiles de René Levasseur, un seul de ses paysages admirables ; vous ne trouverez rien, absolument rien. D’où vient cela ? L’histoire vaut la peine qu’on la raconte.

René Levasseur est né grand peintre. Rien ne l’a empêché de devenir grand peintre : ni les ladreries des marchands de tableaux, ni le jury, ni les événements conjurés. Une simple toile a suffi, un rayon de soleil a paru une demi-heure seulement derrière la vitre d’un trafiquant de la rue Laffite. Cette demi-heure écoulée, Levasseur était reconnu, adopté, classé parmi les maîtres. Voilà ce qu’il y a de beau et de magnifique dans les arts parisiens ! L’envie elle-même vous met une mitre sur le front.

Dès qu’il se vit sacré, René Levasseur, qui ne doutait pas de lui, mais qui doutait des autres, donna l’essor à ses hardiesses. Étant certain d’être aperçu, il se montra. Il exposa des miracles. Pauvre la veille, il se réveilla opulent ; on se disputa ses moindres ébauches. À peine exposés, ses tableaux étaient achetés à des prix fous ; le public n’avait que le temps de les apercevoir ; la critique, c’est-à-dire l’éloge, n’avait que le loisir de les enregistrer ; ensuite ils disparaissaient. Où allaient-ils ? Quelles galeries les possédaient ? Quels musées particuliers les livraient discrètement à l’enthousiasme des amateurs ? Personne ne le savait. L’acheteur était toujours un étranger, un négociant hollandais, un Brésilien ruisselant de milliards ou l’intendant d’un noble lord ; il ne marchandait pas, il couvrait d’or le chef-d’œuvre, mais avec cette condition jalouse, inévitable, qu’il ne serait pas reproduit par la gravure.

Pendant dix ans, Levasseur a souri à cette vogue, a caressé ce rêve éclos à l’ombre du palais des Beaux-Arts et de la Banque de France. Puis, un jour, il s’est réveillé en sursaut. L’inquiétude l’a gagné. Il a voulu savoir le sort de ses tableaux, rechercher leur trace dans le monde, en dresser le catalogue, se rendre compte enfin de son existence artistique. Il n’a trouvé que le néant. Les collections indiquées n’existaient pas, les cabinets avaient été dispersés. De même pour les particuliers : le négociant hollandais était aussi introuvable que la tulipe noire ; le Brésilien venait en ligne directe du pays des contes ; on avait abusé du grand nom du membre de la Chambre des communes. Frappé de ces circonstances, René Levasseur n’a plus voulu travailler que sur des commandes et pour le gouvernement.

Autres malheurs ! il a exécuté une œuvre destinée à orner l’église de sa ville natale ; au moment d’être accrochée au mur, la toile a été crevée à plusieurs places par la maladresse des ouvriers et détruite entièrement par la chute d’une cruche d’acide. Sa Vue de Fontainebleau, entreprise pour le compte de Louis-Philippe, a été roulée et oubliée pendant deux ans dans les greniers du Louvre ; et lorsque, sur ses réclamations, on a voulu l’arracher à cet abandon inconcevable, elle avait disparu.

Levasseur a compris que la fatalité était sur lui ; peu à peu il est devenu misanthrope : il s’est enfermé dans son atelier, il a fait alors de la peinture pour lui seul ; en trois ans, il a signé trois pages rayonnantes, trois épopées de lumière à désespérer Troyon, Théodore Rousseau et Français. De toutes parts on est venu admirer ces prodigieuses compositions ; de toutes parts on lui a adressé les offres les plus tentantes : il a tout refusé, pour s’absorber dans la contemplation de ses trois œuvres suprêmes, les seules qu’on connût de lui dans le monde !

Un soir, en rentrant, Levasseur a trouvé son atelier vide et cent mille francs à la place de ses trois tableaux. Il a failli en perdre la raison. On raconte que les cheveux du célèbre acteur Brizard blanchirent pendant le temps qu’il demeura suspendu à l’anneau en fer d’une pile de pont sur le Rhône, où il avait chaviré. René Levasseur a vu, lui aussi, blanchir ses cheveux. En outre, il lui est resté de cette commotion un tremblement nerveux qui l’empêchera désormais de peindre.

Les journaux se sont entretenus avec détail de ce vol d’une espèce nouvelle et audacieuse, qu’ils ont attribué au fanatisme d’un amateur princier ; quelques initiales même ont circulé dans le monde des arts, mais nul ne s’est avisé de plaindre Levasseur : on l’a trouvé largement indemnisé. Quant aux trois tableaux, le chemin qu’ils avaient pris était sans doute le même que les autres. Impossible de se procurer là-dessus aucun enregistrement.

Une seule personne aurait pu en donner, une personne que René avait autrefois foulée aux pieds, une jeune fille qu’il avait déshonorée, une femme qu’il avait insultée, une mère dont il avait repoussé l’enfant. C’était la comtesse Darcet.

Il y a quelques jours, René Levasseur a reçu une invitation pour aller voir une galerie de tableaux. Il s’y est rendu sans méfiance. On l’a introduit dans l’antichambre d’un salon fermé par un ample rideau. Là, à sa grande surprise, il s’est vu saisir par deux laquais et garrotter. Habitué aux manies des amateurs, il a cru que c’était une précaution applicable à tout le monde, la formalité de la maison. Il a compris et attendu. Le rideau s’est écarté ; Levasseur a poussé un cri de joie immense en se voyant en présence de toutes ses toiles ! toutes plus jeunes et plus éblouissantes que jamais, placées avec art, buvant le jour, souriant à leur auteur, radieux cortège, glorieux musée !

Ah ! jamais les maîtresses adorées que l’on revoit, jamais les douces figures de la famille se mettant tout à coup à revivre, jamais tous les bonheurs, toutes les fêtes, n’approcheront de cette féerie auguste et foudroyante, frappant ainsi René Levasseur au milieu de son abattement. C’était bien là son œuvre réapparue et entière dans Paris ; rien n’y manquait, pas même la toile égarée du Louvre, ni les trois derniers tableaux volés ; tout était là, triomphalement exposé, et lui, il admirait naïvement ; il admirait avec des larmes, comme les vrais artistes ; il ne se savait pas tant de puissance et d’harmonie, il ne se rappelait plus avoir eu tant de feu et de jeunesse ; il se retrouvait et il était charmé.

Mais son triomphe fut tout à coup traversé par une pensée.

— Pourquoi m’a-t-on garrotté ? dit-il.

Il eut l’explication de cet acte étrange par l’apparition soudaine d’une femme en qui il reconnut avec terreur la comtesse Darcet. Elle n’avait rien de menaçant toutefois ; elle était vêtue avec simplicité. Au peintre, qui était devenu horriblement pâle, elle dit tranquillement en désignant les tableaux.

— Tout cela est à moi.

— À vous, Louise ! balbutia-t-il, saisi de crainte.

— Est-ce que cela t’étonne, René ? Je t’aimais tant qu’après t’avoir perdu j’ai voulu avoir ta pensée, ton inspiration, le meilleur de toi. J’ai tout acheté, et ce que je n’ai pu acheter, je l’ai ravi. Ce que je n’ai pu ravir, je n’ai pas voulu que d’autres le possédassent : rappelle-toi la toile dégradée de l’église de Rouen. C’est aimer, cela, qu’en dis-tu ? Comprends-tu les délices, les jouissances sauvages que j’éprouvais à aller arracher ces tableaux à la foule, dont j’étais jalouse ? Et comme je les emportais dans ma solitude pour m’en enivrer ? René Levasseur était tout entier ici, chez moi ; sa renommée, je l’avais sous les yeux. Ah ! j’ai passé des heures bien délicieuses et bien cruelles en tête-en-tête avec tes chefs d’œuvre ; j’ai pleuré et souri bien des fois devant ces fragments de ton âme, qui avaient un sens pour moi seule ! Que de fois, honteuse de ma faiblesse, je me suis surprise à y déposer un baiser mystérieux ! C’est alors que tu n’étais plus René le lâche, René le criminel ; tu étais le grand peintre, et celui-ci transfigurait tout autour de lui, même le passé plein de hontes ; l’homme de génie effaçait l’homme d’infamie. Pendant de nombreuses années, j’ai vécu de la sorte avec toi et à ton insu, m’enorgueillissant et t’applaudissant. Oh ! René, tu es grand, en effet, tu as de l’enthousiasme ; contemple-toi fièrement devant ton œuvre ; vois comme elle vit, vois comme elle éclate, comme elle déborde ! Tout cela est l’œuvre d’un maître, tout cela va périr !

René Levasseur n’a pas compris. La tête ébranlée par ce spectacle inattendu, il a regardé la comtesse avec le vague sourire des enfants et des fous. Alors la comtesse Darcet a pris une torche, et elle l’a silencieusement approchée des tableaux. Un rugissement est sorti de la poitrine de Levasseur ; tous ses liens se sont roidis sous l’effort de son buste ; mais, en vain ! La flamme a gagné les tableaux.

— Dans quelques instants, il ne restera plus rien de toi, a dit la comtesse avec une joie épouvantable ; ton œuvre sera consumée ; ton nom s’en ira comme celui des comédiens : fumée d’abord, cendre ensuite, puis tradition et fable. Il y aura des gens qui ne croiront même pas à ton existence. Tiens ! ce tableau qui brûle si vite, si vite, il t’a coûté huit mois, huit grands mois de tentatives, d’espoir, de découragement ; ce fut un de tes meilleurs succès au Salon. Il n’existe plus maintenant.

— Louise, pitié ! cria le peintre.

— Non ! je me venge !

— Grâce pour celui-là ! là-bas ! Oh ! grâce !

— Pas plus celui-là que les autres.

Et elle attisa l’incendie.

— Eh bien ! tue-moi tout de suite, je t’en conjure.

— Insensé !

— Je ne puis supporter plus longtemps ce supplice ; laisse-moi partir ; je ne veux pas voir !

— C’est trop lent, n’est-ce pas ? cela brûle mal ; tu as raison.

La comtesse Darcet prit quelques toiles et les jeta dans la cheminée, où flambait un grand feu.

— Ah ! hurla Levasseur en fermant les yeux.

— René, dit-elle lentement, j’ai souffert plus que toi et plus longtemps, car je n’ai jamais oublié. Mes supplications d’autrefois ne t’ont pas touché, tes cris d’aujourd’hui ne m’attendriront pas. Torture pour torture. Pendant bien des années, je t’ai laissé à tes illusions, j’ai été bonne, tu vois ; rien ne t’a empêché de rêver avenir, postérité. Moi, je n’ai jamais eu de bonheurs semblables. Mon premier amour une fois anéanti, je n’en ai pas eu d’autre, et je suis descendue dans ma douleur comme dans une fosse, pour n’en plus sortir. C’est bien peu de chose, ma vengeance, va ! Je ne prends qu’un de tes jours pour me payer de ma vie entière.

Le peintre n’entendait plus. Elle continua à jeter les tableaux au feu. Quand ce fut le tour du dernier, elle se retourna : René s’était évanoui et avait roulé par terre… On le rapporta chez lui. René Levasseur habite à présent une maison de santé ; il y mourra fou.

Seule, toute seule, voici Mlle Piquaret, blonde fille, majeure, mince et longue, et dont les pieds seuls semblent toucher la terre. Une strophe de M. de Laprade n’est pas plus diaphane, une grisaille antique n’est pas plus silencieuse. Elle ne parle qu’à la condition de rêver, elle ne rêve qu’à la condition de dormir, car elle est somnambule et somnambule extralucide. Mais les oracles qu’elle rend dans son quartier sont presque toujours dictés par des voix et des intérêts maçonniques.

Mme Guillermy est une épaisse bourgeoise de cinquante trois ans, amplement vêtue ou plutôt couverte, selon son expression. Sa figure, mélange d’importance et de bonté, rehaussée par de hauts cheveux gris bouffants, accuse une de ces commerçantes estimables, telles que le quartier des Bourdonnais en offre, assises derrière le grillage d’un comptoir et gravement inclinées soir et matin sur un registre aux angles de cuivre.

Mme Guillermy est l’honneur de la Franc-maçonnerie des femmes. Sa vie est un exemple de travail continuel, de maternité majestueuse et tendre. Elle ne s’est jamais servie de son pouvoir que pour pratiquer le bien, faire des mariages et empêcher quelques ruines ; aussi sa parole un peu brève, son regard quelquefois sévère ne trompent-ils personne. De l’ancienne Arche-Pépin à la rue Saint-Honoré, en passant par le pays de la rue Saint-Denis, on la révère et on l’aime.

Faut-il la nommer celle-là, cette brune, cette audacieuse, dont, la robe fait un bruit, dont les yeux dardent un feu ? Inutile : son nom est sur votre lèvre, sur votre sourire. C’est Georgina IV. Trois bourgeois vont demander ce que c’est que Georgina IV. Oh ! les ignorants ! Est-il besoin de leur apprendre que Georgina IV est née Héloïse Picard ? Méritent-ils de savoir qu’une arrière-boutique de crémière, dans la rue de l’Échiquier, a servi de berceau à cette amazone des temps modernes ? Ils n’ont donc jamais lu les feuilletons, ces trois bourgeois ? Ils n’ont donc jamais été au théâtre, ces trois bourgeois ? Ne leur répondons pas ; ils doivent avoir des neveux ; laissons-les interroger ces neveux.

Ah ! trois bourgeois ! je ne vous souhaiterais pas de tomber entre les griffes mignonnes et blanches de Georgina IV ! Vous y laisseriez les dernières onces de ce précieux capital que vous appelez votre bon sens. Vous vous croyez bien forts, trois bourgeois ! vous vous croyez réglés comme des papiers de musique, vous avez la conscience de vous conduire comme quelqu’un qui se respecte ; priez le ciel qu’il ne vous fasse pas rencontrer Georgina IV. Elle vous en ferait voir de belles.

Il n’y a pas de famille pour elle, il n’y a pas de patrie, il n’y a pas de terre, il n’y a pas de mer, il n’y a pas de lois, il n’y a pas d’usages : il y a une proie et elle, elle et quelqu’un, le premier venu pourvu qu’il soit riche. Vous, qui me lisez, oh ! ne hochez pas la tête : cette invasion, des démons fardés dans les intérieurs assoupis, dans les imaginations obtuses, dans les existences sans occasions, cela n’a pas été assez décrit, ou cela n’a pas été peint d’assez décrit, ou cela n’a pas été peint d’assez violentes couleurs.

Georgina IV a traversé la société comme une balle de pistolet traverse l’air, en déchirant, en sifflant, en tuant. Elle a commencé par des commis, elle a fini par des potentats. Quel terrible concert organiserait Berlioz avec toutes les porcelaines, tous les miroirs, tous les flacons, tous les verres qu’elle a brisés ! Donnez-lui un prix de vertu, elle vous rendra un forçat ; confiez-lui M. Prud’homme, elle vous le métamorphosera en Robert-Macaire. C’est la Circé actuelle, que personne n’a peinte encore, et autour de laquelle Gavarni seul a timidement rôdé.

Georgina ou Héloïse Picard a été actrice, à ce qu’on dit, ou plutôt à ce qu’elle dit. Le fait est qu’elle a paru devant un public, qu’elle a parlé, qu’elle a chanté, qu’elle s’est fâchée, qu’on lui a jeté des bouquets, qu’elle a été aux nues, que son directeur lui a fait un procès, que tout Paris n’a parlé que d’elle, que le siège de son appartement a été entrepris par tous les gens qui ne savent que faire de leurs cinquante ou de leur cent mille francs de rente. C’en était assez. Ah ! quelle femme ! vertige, folie, esprit, passion, elle a tout. Son caprice, mobile comme une queue de poisson, la jette dans tous les travers, la pousse vers tous les voyages. Elle a épousé un mari, deux maris. Elle a soulevé une nation. Elle a fait courir à Chantilly et à Epsom ; elle a porté son châle au mont-de-piété ; on l’a vue demander le sergent Poumaroux à la caserne de l’Ave-Maria.

Ne vous y fiez pas, néanmoins, je vous le répète ; ne raillez pas. Pour peu que cette femme vienne à pleurer ou à sourire, vous lui donnerez votre âme. Ce n’est pas qu’elle soit belle, non ; mais elle s’empare de vous comme le soleil, sans même vous regarder ; le moindre de ses mots vous étreint et supprime votre respiration. Qu’a-t-elle dit, cependant ? Elle ne le sait plus.

Pourquoi Georgine IV ? Ah ! bah ! soyons discret. Il faudra un grand homme de talent pour raconter cette femme. Attendons.

Une autre excentrique, c’est cette dame de quarante ans environ, et qu’on paraît éviter, bien qu’elle aille d’un banc à l’autre avec les airs pénétrés d’une solliciteuse. Elle s’appelle Mme Flachat, mais elle est née d’Argensolles, veuve en premières noces de M. Guilpin de Jouesne, et en secondes noces du baron Lenfant, ex-intendant de la liste civile. Un an après la perte du baron, elle s’est mariée en troisième noces à un de ses gens, natif d’Annecy en Savoie, Jean Flachat. De telles hontes sont moins fréquentent à Paris qu’au fond de la province et des campagnes, mais elle s’y produisent cependant, et elles y causent une pénible surprise.

L’histoire de Mme Flachat est le pendant de l’histoire de la marquise Ébène de Champ-Lagarde. Celle-ci, esclave, a épousé son maître ; celle-là, grande dame, n’a pas dédaigné d’élever jusqu’à elle son superbe chasseur. Mais une fois parvenu au sommet de l’échelle sociale, la tête a tourné à Jean Flachat. Autant il était respectueux et soumis lorsqu’il grimpait, en uniforme vert, derrière la voiture de Mme la baronne Lenfant, autant il est devenu intraitable et grossier à présent qu’il s’assoit à l’intérieur et qu’il étend ses bottes sur les coussins. Il se cachait autrefois pour avaler un verre d’alicante dérobé dans une armoire ; maintenant il affecte de ne se montrer qu’en état d’ivresse, et si sa femme hasarde quelques remontrances, il la frappe. Bas plagiaire du duc de Clarence, depuis qu’il a su que la baronne prenait des bains de lait, il a imaginé (chacun son goût !) de prendre des bains de tafia. Cela le fortifie, à ce qu’il prétend, et cependant on l’en retire chaque fois ivre mort. L’infortunée qui a rivé à son existence cette chaîne déshonorante essaye actuellement de la rompre ; la Franc-maçonnerie, fatiguée de lire les réclamations qu’elle lui adresse dans un but trop absolument personnel, lui a promis de prononcer sa séparation de corps et de biens. En attendant, Jean Flachat est scrupuleusement surveillé et impitoyablement conduit au poste, lorsque, titubant et embrasé de colère ou d’ivresse, il ose, une massue à la main, errer aux alentours de l’hôtel Lenfant.

Arrêtons-nous là. Ces femmes étaient au nombre de quatre-vingts environ, avons-nous dit. À onze heures, il y en avait cent. C’était l’heure fixée pour la réception d’Amélie Beyle. La séance allait commencer.