La France juive/Texte entier/Tome second

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LA FRANCE JUIVE

ESSAI D’HISTOIRE CONTEMPORAINE


OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

LIBRAIRIE BASCHET
Les Fêtes nationales de la France, 1 vol. in-f° avec gravures.

LIBRAIRIE CHARPENTIER
Mon vieux Paris, 1 vol. in-18.

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Le Dernier des Trémolin, 1 vol. in-18.

LIBRAIRIE QUANTIN
Papiers inédits du duc de Saint-Simon.
(Lettres et dépêches de l’ambassade d’Espagne), 1 vol. in-8o.
La mort de Louis XIV (Journal des Anthoine).
1 vol., édition de luxe, petit in-8o.

POUR PARAÎTRE PROCHAINEMENT :
Zéphyrine Mondray dite la Convenance.
(Scènes de mœurs contemporaines).

EN PRÉPARATION :
L’EUROPE JUIVE

Tous droits de reproduction réservés. Pour la traduction, s’adresser à l’auteur.
ÉDOUARD DRUMONT


LA

France Juive


ESSAI D’HISTOIRE CONTEMPORAINE


TOME SECOND

Treizième Édition
PARIS
C. MARPON & E. FLAMMARION
ÉDITEURS
26, rue racine, près l’odéon


LIVRE QUATRIÈME

CRÉMIEUX ET L’ALLIANCE ISRAÉLITE
UNIVERSELLE


L’Alliance n’est pas une Alliance française, allemande ou anglaise, elle est juive, elle est universelle, voilà pourquoi elle marche, voilà pourquoi elle réussit.
Crémieux.


Gordon et Reinach. — The mountebanks. — Le rôle de Crémieux. — Le serment more judaico. — Les gaîtés démocratiques. — Crémieux au 2 Décembre. — L’émancipation des Israélites algériens. — Le Juif en Algérie. — L’usure. — Le patriotisme des Juifs. — L’insurrection d’Algérie. — Un héros arabe. — Mokrani. — Le décret Crémieux devant l’Assemblée de Versailles. — Fourtou se dérobe. — Les Juifs et la loi française. — Tirman et son projet d’expropriation des Arabes. — La justice est la meilleure des politiques. — Le Juif Merguich et les pauvres. — La prétendue civilisation moderne. — Les Anglais dans l’Inde. — Les Russes en Asie. — L’anti-sémitisme en Algérie. — La presse algérienne. — Le monument de Crémieux. — L’Alliance israélite universelle, son organisation, sa puissance. — La presse israélite. — Juifs d’Allemagne et Juifs de France. — Le Bulletin de l’alliance. — Les contributions volontaires. — Les écoles d’Orient. — Maurice de Hirsch et Bischoffsheim magnifiques à nos dépens. — Le testament de Crémieux. — Ce qui est captation et démence sénile chez un chrétien est un acte de générosité intelligente et réfléchie chez un Juif.




Le Reinach de Gambetta a raconté, dans la Revue politique et littéraire, sa rencontre en Égypte avec Gordon, l’apôtre-soldat. Sans doute le héros chrétien flaira d’abord ce jeune Juif avec dédain, et se demanda, en l’apercevant dans ces parages, s’il allait mettre les cataractes du Nil en actions ; mais on se lie vite en voyage, et l’Anglais causa avec Reinach ; il ne lui cacha pas ce qu’il pensait de Disraeli et des autres gouvernants de son espèce qu’il appelait the mountebanks, les saltimbanques.

Le mot peint à merveille la classe d’hommes d’État, à laquelle appartiennent les Disraeli, les Gambetta, les Lasker, les Crémieux. La politique des Richelieu, des Colbert, des Bismarck est simple ; la politique des Juifs a toujours l’air d’une représentation foraine ; elle est à la fois romanesque et bassement, cupide. On y trouve invariablement un grand étalage de principes pompeux de liberté, d’égalité, de fraternité, un programme de progrès qui n’est jamais tenu et qui laisse bien vite voir l’affaire pécuniaire, un boniment d’émancipation et d’amélioration qui se traduit toujours par la persécution la plus intolérable et l’extorsion de sommes d’argent. Banquiers et banquistes marchent ensemble.

Parmi ces mountebanks Crémieux occupe cependant une place à part. Gambetta, avec sa faconde intarissable et ses allures de Mangin, ne fut guère qu’un personnage tout démonstratif chargé de faire la parade à la porte et d’exhiber

des biceps en coton en battant la grosse caisse.

_____V’là la peau d’âne qui ronfle ;
Entrez, bonnes d’enfants et soldats !
Les hommes grêlés ne paieront pas.

Crémieux, lui, était dans la baraque, ou, pour mieux dire, derrière la toile. Il fut l’impressario véritable de la comédie contemporaine en France. On est trop disposé à ne voir en lui que le fantoche en robe de chambre jaune qui, assis près d’un feu flambant, apparaissait de temps en temps devant les régiments défilant sous son balcon à Tours et à Bordeaux, et s’écriait : « Braves soldats, allez vous faire tuer ! L’exercice est bon en ce temps-ci ; moi, je retourne me chauffer. » Les grelots du Polichinelle ont trop fait oublier Isaac Moïse, le dépositaire des sagesses d’Israël, digne de porter comme un ancien Cohene-Hagadol le miszenophet à voile blanc, le mehil frangé d’écarlate et orné de clochettes d’or et le khoschen enrichi de douze pierres fines sur lesquelles les noms des tribus étaient gravés.

Sous ce grotesque, il y eut un Nazi juif, un prince de la Juiverie qui exerça l’influence la plus profonde sur l’évolution du peuple prédestiné, et mena de front, comme un premier ministre, la politique extérieure et la politique intérieure. Il y eut un homme d’un dévouement admirable qui, laissant à Gambetta la jouissance matérielle du pouvoir, l’assouvissement des grossiers appétits, aux Rothschild la satisfaction des vanités sottes, accomplit son œuvre dans une demi-teinte discrète, comme un Joad qui agirait à demi caché dans les replis du voile du Temple.

Souverain grand maître du Rite écossais, Président de l’Alliance israélite universelle, chef important de la démocratie française, Crémieux incarna la révolution maçonnique en ce qu’elle eut de plus complet. Il a contribué, plus que tout autre, à confisquer la Révolution française au profit de la Juiverie, à donner à un mouvement qui avait été mêlé d’une part d’idéal, d’aspirations généreuses, de rêves d’une organisation meilleure, un caractère strictement juif : il prépara et il annonça hautement, dans les dernières années de sa vie, le règne messianique, l’époque attendue depuis si longtemps où toutes les nations seront soumises à Israël, où tous les hommes travailleront pour les représentants de la race bénie par Jéhovah.

Dès ses débuts, Crémieux s’inspira d’une idée unique. Les Juifs devaient renoncer à vivre à part, à se différencier du reste de la nation, se confondre avec la collectivité de toutes les façons, faire abstraction momentanément, au besoin, de coutumes qui leur étaient chères, supporter même la vue des symboles abhorrés de la religion chrétienne.

De cette manière seule, ils pourraient agir efficacement, et détruire ce qu’ils haïssaient tant. Rentrer d’abord dans le droit commun pour en faire sortir les autres, telle fut la consigne imposée aux siens par Crémieux.

On eût dit qu’il s’inspirait du cantique des Maçons fendeurs[1].

Air : Mon père était pot.

Selon le bois, un bon fendeur
Ménage son adresse.
Les uns veulent de la raideur,
D’autres de la souplesse.
Toujours à droit fil
Posez votre outil,

Si vous voulez bien fendre,
Le coin bien trempé,
Bien mis, bien frappé,
Le bois devra se fendre.

Si vous fendez un jeune ormeau,
Ménagez l’encoignure ;
Sagement, avec le ciseau,
Disposez l’ouverture ;
Petit à petit
On ouvre un réduit
A l’instrument docile ;
Si l’on brusque trop,
Souvent le galop
Blesse l’ormeau fragile.

En 1839 déjà, il se débat comme un beau diable, ou plutôt comme un vilain diable, pour faire abolir le serment more judaico.

On sait comment se produisit ce fait peu connu. Au mois de mai 1839, un procès était engagé entre une femme Wolff, demeurant à Lixheim, canton de Phalsbourg, et un habitant de Drulingen (Bas-Rhin), arrondissement de Saverne, à propos d’une créance que celui-ci contestait.

Les juges déférèrent à la femme Wolff le serment more judaico.

M. Isidore, alors rabbin de Phalsbourg, et depuis grand rabbin de France, fut invité, par acte sur papier timbré, à faire prêter le serment. Au jour indiqué par l’assignation, les plaideurs et les témoins arrivèrent devant le temple, et le trouvèrent fermé. M. Isidore déclara nettement qu’il refusait son concours.

— Ce n’est qu’en qualité de rabbin, dit-il, que je puis faire prêter ce serment dans le temple, devant le livre de la Loi, le sanctuaire ouvert. Aujourd’hui, ce serait un serment exceptionnel, je m’y refuse. Le serment more judaico porte atteinte à nos droits de citoyen français.

A l’heure actuelle, quand un religieux veut défendre ses droits de citoyen français, tous les journaux juifs l’accablent d’injures, le traitent de rebelle, le diffament sur tous les tons. Aucun catholique n’insulta alors M. Isidore.

Le tribunal de Saverne, devant lequel le débat fut porté, se déclara incompétent et, l’influence des Rothschild déjà tout puissants aidant, le conseil d’État donna raison à M. Isidore, à la suite d’une très habile plaidoirie de Crémieux[2]. On sait qu’après avoir commencé à demander à prêter le serment comme tout le monde, les Juifs Lisbonne, Moise, Camille Dreyfus ont entrepris une campagne pour empêcher les Français de prêter le serment, comme ils en avaient l’habitude.

Crémieux agit de même pour l’enseignement. Les Juifs avaient une préférence qui se comprend pour les écoles où l’on enseignait la thora aux enfants, le Christ, qui sanctifiait nos classes, leur causait un sentiment d’horreur. Crémieux insista quand même pour qu’on envoyât les jeunes Israélites aux écoles publiques : « Mes amis, dit-il, dans une séance de l’Alliance israélite, ayez dans votre maison le petit morceau de bois consacré avec le nom de Dieu (une mezuza), faites le baiser à vos enfants, le matin à leur lever, le soir quand ils iront prendre le repas de la maison, mais envoyez-les dans les écoles laïques. »

Le vieux Franc-maçon savait bien qu’au bout de quelque temps, avec la pression des Loges, on n’hésiterait pas à attrister l’âme de millions de catholiques pour ne pas froisser quelque petit Juif que la vue du crucifix pouvait agacer[3].

Crémieux, en effet, avait une qualité maîtresse ; on aurait pu lui appliquer la parole de Bismarck : « La vraie politique, comme les affaires privées, se fait autant avec la connaissance du caractère des gens qu’avec celle de leurs intérêts. Il était convaincu qu’avec les Français on pouvait tout oser et qu’ils subiraient tout docilement.

Un jour que je causais des décrets avec Dumas, il me dit simplement : « Les catholiques sont des lâches ! » Quelques jours après, mon collaborateur à la Liberté, Joseph Cohen, qui a publié deux ouvrages d’une réelle valeur : les Déicides et les Pharisiens, me répétait : « Les catholiques sont des lâches !... Si on avait voulu nous faire ce qu’on vous fait, nous nous serions tous couchés devant les chapelles et la troupe n’aurait pas osé avancer. »

Les catholiques subissent tout. Ceux qui le peuvent sauvent leurs enfants, mais ils laissent tranquillement dépraver les autres enfants, sous leurs yeux, sans oser même refuser l’argent qu’on leur demande pour cette œuvre néfaste.

Crémieux avait la claire notion de l’affaiblissement de l’énergie et de l’intelligence nationale. Il était certain qu’avec quelques mots, on peut jouer du Français actuel comme on veut. La confiance naïve qu’eut le peuple dans cet homme est absolument inouïe. Au 2 Décembre, les ouvriers, persuadés que ce démocrate pour rire les aimait vraiment, vinrent le chercher pour le mettre à leur tête. Crémieux qui, avec Fould et tous les Juifs, était alors avec l’Empire, fut naturellement fort embarrassé. Mais c’est à M. de Maupas qu’il faut emprunter le récit de cette anecdote piquante.

Dans la matinée du 2 décembre[4], je recevais la visite d’une fort aimable femme dont le mari, avocat célèbre et montagnard par occasion n’avait pas été arrêté. C’est contre cette omission que venait protester Mme C… « Je suis au désespoir, me dit-elle ; ma maison est envahie par les plus sinistres figures. Une nuée de bandits demande à mon mari de se mettre à la tête de la résistance, de provoquer une émeute ; il leur prêche encore la patience, mais il sera forcé de céder à leurs obsessions ; ils le mèneront aux barricades et le feront tuer. Il n’y a qu’un moyen pour moi de retrouver un peu de tranquillité, de sauver les jours de mon mari, et ce moyen, vous seul en disposez, monsieur le préfet. » Et comme je semblais m’interroger pour savoir à quel genre de service Mme C… voulait faire appel, elle ajoutait : « Oh ! C’est bien simple, monsieur le préfet, faites-le arrêter. Je sais bien que vous ne lui ferez aucun mal et ses abominables amis ne pourront au moins aller le chercher à Mazas. »

Mais le montagnard pacifique n’avait rien fait encore, à cette heure, pour motiver les rigueurs si ingénieusement rêvées par Mme C… dans un excès de dévouement conjugal. Je ne voulus point recourir au moyen héroïque qui m’était demandé. Je promis seulement à ma visiteuse de faire surveiller de près son mari. Je lui tins parole, et je pus constater, ce dont je n’avais jamais douté, que les discours les plus menaçants n’étaient souvent qu’une dette payée à de trop exigeants amis, et qu’au jour du danger on laissait la besogne épineuse aux niais et aux écervelé, du parti, à ceux dont le métier est de se faire tuer pour le plus grand profit de quelques ambitieux.

Notre avocat républicain resta dans les saines et traditionnelles doctrines de l’aristocratie révolutionnaire. Il s’enveloppa dans sa dignité de chef de parti, donna force conseils, ne recula devant aucune extrémité dans ses paroles, s’épuisa plus encore qu’à la tribune en protestation, d’amour pour la liberté, pour le peuple, pour la démocratie ; mais il vint un moment où son ardeur de langage mit en émoi les agents chargés de le surveiller. Quelle ne fut pas ma surprise en recevant un rapport qui m’annonçait l’arrestation du fougueux montagnard ! Mes agents l’avaient-ils pris au sérieux, ou, plus heureuse près de mes subordonnés qu’elle ne l’avait été près de moi, Mme C… avait-elle enfin obtenu d’eux qu’ils ce prêtassent à ses prudentes sollicitudes ? Elle pus dormir en paix ; elle vit enfin réaliser la faveur qu’elle sollicitait : son mari était sous les verrous[5].

Il y a un tel côté cabotin dans le Juif, un tel mépris du public que Crémieux, dans le procès d’une dame Ronconi, qu’il plaidait devant la cour, raconta en détails ce qu’il avait enduré au coup d’Etat pour la cause de la liberté.

Ce qui est tout à fait joli, c’est qu’il fit intervenir dans son discours Mme Crémieux, se désespérant à la pensée de ce que souffrait son malheureux mari plongé au fond d’un cachot. « M. Crémieux, dit à ce sujet le compère Frédéric Thomas dans ses Petites causes célèbres, a hérité du privilège de Montaigne qui savait parler de lui sans offusquer personne. »

M. de Maupas a dû bien rire.

Le mountebank de Gordon n’est-il pas là bien complet ? Cela n’empêcha pas le pays, lorsque le sol fut envahi, de prendre ce vieil avocat juif pour organiser la victoire.

Jamais le Juif, peut-être, ne s’affirma plus odieusement indifférent à tout ce qui touche à la Patrie, plus implacablement préoccupé de lui-même et de sa race, que dans les décrets rendus alors par Crémieux pour l’émancipation des Israélites algériens.

Le gouvernement de la Défense nationale, remarquons le tout d’abord, n’avait aucun droit à modifier le régime de l’Algérie ; en s’emparant du pouvoir il avait eu, par un reste de pudeur, le soin de déclarer qu’il ne le prenait que pour une tâche déterminée. Lorsqu’il remaniait profondément l’organisation algérienne, Crémieux commettait donc une usurpation dans une usurpation. Mais ces scrupules ne sont pas de ceux qui arrêtent un Juif, et Crémieux n’en rendit pas moins de cinquante-deux décrets sur la colonie en dehors, bien entendu, des nominations de fonctionnaires.

Crémieux ignorait-il davantage les troubles qu’il allait exciter, dans une région où tout nous commandait le maintien du statu quo, pour ne point affaiblir encore notre malheureux pays impuissant à résister à l’ennemi qui le pressait de toutes parts ? Il était, au contraire, admirablement informé de la situation, il connaissait l’hostilité qui régnait entre les Arabes et les Juifs[6] ; il avait été maintes fois plaider en Algérie et il avait été témoin de rixes survenues entre Musulmans et Israélites à propos des fêtes religieuses. En profitant d’un pareil moment pour rendre le décret qui naturalisait les Juifs algériens, il trahissait donc purement et simplement la France pour servir les intérêts de sa race.

En 1871, cette mesure avait un caractère particulièrement odieux. Les Arabes avaient fait héroïquement leur devoir pendant la guerre. Ces « diables noirs, » comme les appelaient les Prussiens, qui bondissaient sous la mitraille, avaient émerveillé l’ennemi à Wissembourg et à Woerth. Albert Duruy, qui, pour aller de suite au feu, s’était engagé parmi ces tirailleurs algériens, m’a raconté maintes fois l’effet presque fantastique qu’ils produisaient avec leurs cris sauvages, leur joie en entendant parler la poudre, leur façon de se ruer en avant comme des tigres. Pour ce camarade, qu’ils nommaient « le fils du vizir, » ces farouches avaient à la fois du respect et de l’affection. Quand, à Wissembourg, les tirailleurs dispersés, genou à terre, dans les houblonnières, reçurent l’ordre de tenir jusqu’au dernier moment pour protéger la retraite, Duruy baissa involontairement la tête sous la grêle de balles. Tout à coup, il sent une main de fer qui s’abat sur son épaule. « As pas pour ! as pas pour ! lui crie un Turco en montrant, comme pour rire au danger, ses dents blanches qui brillaient sur son visage cuivré.

On ne se fût étonné qu’à demi si le gouvernement de la Défense nationale eût accordé quelque récompense éclatante à ces Arabes héroïques qui, après avoir lutté si longtemps contre nous, nous défendaient à l’heure du péril[7]. Rome émancipa les esclaves qui avaient combattu pour elle pendant la Guerre sociale, et quelque proclamation, honorant du titre de citoyen français ceux qui s’étaient montrés dignes de ce nom, eût produit un effet considérable en Algérie.

Mais les hommes de Tours ne considéraient pas les choses ainsi. A côté de l’Arabe qui se bat, il y a en Algérie une race abjecte qui ne vit que de trafics honteux, qui pressure jusqu’au sang les malheureux qui tombent sous ses griffes, qui s’enrichit de la dépouille d’autrui. C’est à cette race qu’étaient acquises toutes les sympathies du gouvernement de la Défense nationale, et plus particulièrement de Crémieux.

Ce qu’est le Juif, en Algérie, rien de ce que nous voyons ici ne peut nous en donner une idée, car l’usure juive, qui a atteint en certains pays, en Alsace notamment, des proportions incroyables, n’est rien à côté de l’usure arabe.

La lettre de l’Empereur sur l’Algérie cite dans cet ordre un fait entre mille[8] :

Au mois de novembre 1861, deux douars de la tribu de Djebela (Aghalih de Mostaganem), atteints par plusieurs mauvaises années consécutives, n’avaient pas de grain de semence. Les principaux membres de ces douars, leur caïd en tête, eurent recours à un Israélite de Mostaganem. Celui-ci consentit à leur livrer de l’orge au prix exorbitant de 36 francs le quintal. Cette somme devait être restituée à la récolte suivante, non en argent mais en nature, au prit courant des marchés. Or, au mois d’août 1862, l’orge valait 7 fr, le quintal et les gens de Djebela durent rendre près de six quintaux pour un, c’est-à-dire qu’ils avaient emprunté à 600 p. 100[9].

Grâce à ces procédés, le Juif jouit en Algérie d’un mépris que l’on comprend. Il peut entrer à toute heure sous la tente et dans la maison d’un Arabe, les femmes ne se couvriront même pas de leurs voiles, pour elles le Juif n’est pas un homme.

Un Arabe se croirait déshonorer s’il tuait un Juif.

Dans l’affaire de la caravane de Guefsa, en 1871, un des accusés, Ben Ganah, ordinairement impassible, eut comme une explosion de fureur quand on l’accusa du meurtre d’un Juif. « Moi, disait-il, tuer des Juifs ! J’ai tué des Hammama, je vengeais mon père, mais on ne tue pas un Juif, on ne tue pas une femme. Si j’avais tué un Juif, serais-je venu de moi-même m’offrir à votre justice ? Je n’oserai pas me montrer dans ma tribu. »

Jamais, dit à ce sujet M. du Bouzet[10], jamais un cavalier des Nemencha n’admettra que le fils du grand caïd Ganah ait pu tuer un Juif, le reconnaissant pour tel. Le dernier des bergers de la tribu aurait honte d’un pareil meurtre. Un brigand assassinera un Israélite isolé pour supprimer l’unique témoin de son crime. Mais dans l’attaque d’une caravane les Juifs n’ont qu’à se faire reconnaître pour que leur vie soit épargnée.

Nous ne saurions mieux faire, d’ailleurs, pour montrer quels étaient les intéressants protégés de Crémieux, que de reproduire le portrait plein de couleur et de mouvement, que M. de Maupassant, dans « Au soleil », a tracé du Juif arabe.

A Bou-Saada, on les voit accroupis en des tanières immondes, bouffis de graisse, sordides et guettant l’Arabe comme l’araignée guette la mouche. Ils l’appellent, essayent de lui prêter cent sous contre un billet qu’il signera. L’homme sent le danger, hésite, ne veut pas ; mais le désir de boire et d’autres désirs encore le tiraillent : cent sous représentent pour lui tant de jouissances ! Il cède enfin, prend la pièce d’argent et signe le papier graisseux. Au bout de six mois, il devra dix francs, vingt francs au bout d’un an, cent francs au bout de trois ans. Alors le Juif fait vendre sa terre, s’il en a une, ou, sinon, son chameau, son cheval, son bourricot, tout ce qu’il possède enfin.

Les chefs, caïds, aghas, ou bach’agas, tombent également dans les griffes de ces rapaces qui sont le fléau, la plaie saignante de notre colonie, le grand obstacle à la civilisation et au bienêtre de l’Arabe.

Quand une colonne française va razzier quelque tribu rebelle, une nuée de Juifs la suit, achetant à vil prix le butin revendu aux Arabes dès que le corps d’armée s’est éloigné. Si l’on saisit, par exemple, six mille moutons dans une contrée, que faire de ces bêtes ? Les conduire aux villes ? Elles mourraient en route, car comment les nourrir, les faire boire pendant les deux ou trois cents kilomètres de terre nue qu’on devra traverser ?

Et puis il faudrait, pour emmener et garder un pareil convoi, deux fois plus de troupes que n’en compte la colonne. Alors les tuer ? Quel massacre et quelle perte ! Et puis les Juifs sont là qui demandent à acheter, à deux francs l’un, des moutons qui en valent vingt. Enfin le Trésor gagnera toujours douze mille francs, on les leur cède. Huit jours plus tard, les premiers propriétaires ont repris à trois francs par tête leurs moutons. La vengeance française ne coûte pas cher.

Le Juif est maître de tout le Sud de l’Algérie. Il n’est guère d’Arabe, en effet, qui n’ait une dette, car l’Arabe n’aime pas rendre. Il préfère renouveler son billet à cent ou deux cents pour cent. Il se croit toujours sauf quand il gagne du temps. Il faudrait une loi spéciale pour modifier cette déplorable situation. Le Juif, d’ailleurs, dans tout le Sud, ne pratique guère que l’usure par tous les moyens aussi déloyaux que possible, et les véritables commerçants sont des Mozabites…

On peut compléter le tableau par quelques mots qu’un écrivain, qu’on n’accusera certes pas d’être un partisan de l’Inquisition, consacre aux mêmes personnages dans l’ouvrage qui a pour titre : France, Algérie, Colonies.

Les Juifs algériens, dit M. Reclus, ont été naturalisés en bloc, par décret, pendant que nous luttions contre les hordes disciplinées du peuple évangélique. Ils ne l’avaient pas certes mérité, occupés qu’ils étaient uniquement de banque, de commerce, de courtage, de colportage et d’usure ; nul d’entre eux ne tient la charrue, n’arrose les jardins ou ne taille les vignes, et il y a très peu d’hommes de métiers parmi ces arrières neveux du supplanteur d’Esaü. Aucun n’avait péri dans nos rangs, sous les boulets du Nord, comme ces Berbères, ces Arabes, ces nègres, qui furent parmi les héros de Reichshoffen ; et s’ils n’ont point défendu l’Algérie contre nous, de 1830 à 1871, ils ne la défendront pas non plus contre nos ennemis.

Ces Juifs s’étaient-ils au moins recommandés par leur amour pour la France ? Ils s’étaient bornés, selon leur coutume, à gagner de l’argent dans les deux camps.

« Au commencement de la conquête, dit le capitaine Villot, ils servaient d’espions tour à tour pour les Français et pour El Hadj Abd-El-Kader, se tenant dans une attitude habituellement neutre, jusqu’à ce que la fortune se fût décidée en notre faveur. »

Tandis que les Arabes se battaient pour nous, les Juifs, au contraire, applaudissaient à nos défaites avec le plus indécent cynisme. Le capitaine Villot a raconté les scènes qui se passèrent à Constantine à la nouvelle du désastre de Sedan. Toute cette population cosmopolite, « réellement ivre de joie, » trépignait de bonheur et se livrait dans les rues à des danses ignobles. Il y eut cependant un détail touchant. On avait jeté sur le pavé le buste de l’Empereur ; quelques indigènes en ramassèrent les débris et les emportèrent. N’est-ce pas émouvant, ce souverain qui a possédé le plus bel empire de la terre et qui n’a plus pour fidèles que quelques Arabes, qui se souviennent que ce vaincu est venu jadis leur rendre visite dans tout l’éclat de sa puissance, qu’il s’est intéressé à eux, qu’il a empêché leur dépossession ?

Les Juifs ne manifestèrent leur dévouement à la France qu’en se ruant, avec des Espagnols et des Maltais, sur le malheureux général Walsin-Esterhazy qui, souffrant encore d’une blessure et incapable de se défendre, fut accablé de mauvais traitements, roué de coups et obligé de se rembarquer[11].

L’Algérie fut alors le théâtre d’épisodes inouïs, auxquels se mêle cet élément d’impudence et de puffisme, ce côté saltimbanque, dit très bien Gordon, qui est entré dans les affaires publiques à la suite des Juifs. L’affaire des officiers laissée libres, à la condition de ne plus porter les armes contre la Prusse, semble un chapitre de Tartarin de Tarascon, une histoire de la Cannebière.

Vous savez de quelle écume se composent les villes d’Algérie. Depuis l’ouverture de la campagne, tous les foudres de guerre, qui déblatéraient contre nos généraux, avaient passé leur temps à faire l’absinthe dans les cafés pendant que les autres marchaient sous le soleil ardent, souffraient la soif, la faim, se battaient un contre dix. Quand nos malheureux officiers, accablés de fatigues et la plupart blessés, arrivèrent de Sedan et de Metz, ces farceurs refusèrent de les laisser séjourner en Algérie, sous prétexte que la vue de ces capitulés, c’est le nom qu’on leur donnait, offusquait et souillait la vue des patriotes. Peut-être, ces officiers eussent-ils été mieux inspirés en ne signant pas le revers, mais franchement cette susceptibilité militaire, de la part de gens qui ne se sont pas battus, n’est-elle pas le comble du comique ? N’est ce pas de l’Erckmann-Chatrian africain ?

Derrière ce délire patriotique apparent, il y avait tout simplement quelques agents allemands qui distribuaient de l’argent aux meneurs de cette tourbe internationale pour empêcher que nos officiers, en revenant prendre leur place en Algérie, ne rendissent disponibles d’autres officiers dont on avait grand besoin en France.

Ces preuves de dévouement ne firent qu’affermir Crémieux dans son dessein. Il était, comme il le dit lui-même, « Tout à la joie, une des plus grandes de sa vie, de donner à trente mille de ses coreligionnaires le titre de citoyen français. » Il préparait d’ailleurs ces décrets sans consulter personne qui fût au courant des affaires de la colonie ; il s’était fait, remettre tous les dossiers concernant l’Algérie et il eut soin en se retirant d’en dérober les principales pièces[12].

Le 24 octobre 1870, le gouvernement de la Défense publia le fameux décret.

Le gouvernement de la Défense nationale décrète :

Les Israélites indigènes des départements de l’Algérie sont déclarés citoyens français. En conséquence leur statut réel et leur statut personnel seront à compter de la promulgation du présent décret réglés par la loi française ; tous droits acquis jusqu’à ce jour restent inviolables.

Toute disposition législative, tout sénatus-consulte, décret, règlement ou ordonnance contraire sont abolis.

Fait à Tours, le 24 octobre 1870.

Ad. Crémieux, L. Gambetta, A. Glais-Bizoir, L. Fourichon.

Ce décret, on le comprend, excita en Algérie une unanime indignation. Sur ce point, nous renvoyons nos lecteurs à l’Enquête parlementaire sur les actes du gouvernement de la Défense nationale et à l’admirable rapport de M. de la Sicotière qui est une véritable page d’histoire. La majorité conservatrice de l’Assemblée borna son action au document ; elle léguera les plus intéressants matériaux à l’avenir, qui ne parviendra pas à comprendre comment, éclairée à ce point sur les crimes des hommes du 4 Septembre, elle ait hésité à les poursuivre, comment, convaincue des malheurs que la République avait attirés sur le pays, elle n’a pas eu le courage de la faire disparaître de suite. Meliora video, deteriora sequor, telle fut sa devise.

En écoutant les dépositions des témoins de cette enquête, en lisant tout ce qu’ont écrit sur cette question ceux qui étaient bien placés pour la juger, il n’est pas possible de douter que Crémieux n’ait été l’auteur principal, le seul responsable de l’insurrection algérienne.

Pour moi, dit l’amiral de Gueydon, le décret d’assimilation a été la cause déterminante de l’insurrection, les Musulmans en ont été extrêmement froissés.

Haine de classes et de races, intérêts froissés, dit le capitaine Villot, jalousies et ressentiments, telles furent les conséquences de ce décret malheureux.

Les indigènes musulmans furent écœurés de voir élever à la dignité de citoyens français leurs ennemis séculaires, des gens qu’ils considèrent comme lâches, serviles et méprisables. « Pourquoi donc cette préférence, dirent-ils, est-ce que les Juifs ont comme nous prodigué leur sang en Crimée, en Italie, au Mexique ; est-ce qu’ils ont dix mille des leurs prisonniers en Allemagne ? »

M, de Presbois, chef d’escadron en retraite, ancien représentant de l’Algérie, en 1848, était plus sévère encore……

Au moment où un comité dit républicain ou de défense obtenait la naturalisation en masse des Juifs, c’est-à-dire de la partie la moins intéressante de la population algérienne et à coup sûr la plus dérisoire au point de vue de la défense, l’insurrection des populations arabes et kabyles y répondait.

Quand ils apprirent le décret de M. Crémieux qui naturalisait les Juifs, leur exaspération se transforma en profond mépris pour les Français qui s’étaient abaissés jusqu’à envoyer des délégués aux Juifs de Bordeaux, pour solliciter leur assimilation à une race méprisée. Alors les premiers symptômes de soulèvement se manifestèrent. Pour qui connaît ces races indigènes, fières et belliqueuses, il est de toute évidence que leur orgueil fut révolté de se voir menacées d’être subordonnées aux Juifs.

Les Français à leurs yeux descendaient au niveau des Juifs.

Ainsi, les Juifs naturalisés en vue de manœuvres électorales, après nous avoir suscité bien des embarras depuis le jour de la conquête, devaient mettre la colonie en péril.

Le général Ducrot écrivait en 1871 (La vérité sur l’Algérie) : « Le décret de M. Crémieux sur la naturalisation des Juifs mit le feu partout. »

M. Serre (Les Arabes martyrs, études sur l’insurrection de 1871 en Algérie) :

Sans la naturalisation des Juifs par le décret Crémieux et sans les événements de la Commune, la révolte n’eût point acquis le caractère effroyable et universel qu’elle a montré.

L’Akhbar disait de son côté, à la date du 15 novembre 1872 :

La naturalisation des Juifs a été une des causes principales de l’insurrection ; elle a jeté l’insulte à la face du peuple musulman en proclamant la suprématie du Juif indigène sur l’Arabe et sur le Kabyle.

L’insurrection éclata quand les populations musulmanes virent, à la fin de janvier 1871, les Israélites faire les fonctions de jurés. « Alors seulement, dit l’exposé des motifs du projet d’abrogation, ces populations, qui n’avaient pas été frappées de la déclaration du 24 octobre, ont compris qu’elles pouvaient devenir justiciables des Israélites indigènes. Et si cette interprétation des faits était contestée on rappellerait que le Kalifa de la Medjana, Si Mokrani, en renvoyant la croix d’officier de la Légion d’honneur, a fait savoir qu’il aimerait mieux mourir les armes à la main que de tolérer l’affront fait à sa race, en plaçant les israélites au-dessus d’elle. L’attribution du droit de siéger, faite à ces derniers, est donc à la fois prématurée et dangereuse ; elle a été, au moins, une des causes de l’insurrection. »

En face du Juif oblique comme Crémieux, qui trahit le pays qui s’est confié à lui, il faut placer la noble et loyale figure de notre vaillant ennemi Sidi Mohamed Ben Ahmed el Mokrani.

Mokrani est la plus complète personnification de ces grands seigneurs arabes, tels que Fromentin s’est plu à nous les montrer sous les ciels aux tons fins qu’il peint si bien, à nous les raconter dans ses livres pleins de couleur. Passionnés pour les belles armes et les beaux chevaux, superbes sur leurs étriers dans les brillantes fantasias, graves et dignes au seuil de leurs tentes, en souhaitant la bienvenue à leurs hôtes, fastueux, quand ils traitaient nos officiers, ces chefs, après de longues résistances, avaient été fascinés et séduits par la bravoure de nos soldats ; ils étaient fiers de porter sur leur burnous la Légion d’honneur, cette fleur aujourd’hui flétrie, cet emblème désormais prostitué qui, jadis, signifiait courage, talent ou vertu. Ennemi terrible, ami sincère, Mokrani était digne de vivre au temps de Yousouf-ben-Ayoub-Salah-Eddyn et de combattre avec des chevaliers croisés[13]. C’est par un fait d’armes digne des temps héroïques, dans un combat singulier qu’il avait gagné la croix d’officier, en tuant de sa propre main, au milieu de ses partisans, l’agitateur Bou Barghla.

Quand un officier français transmit au Bach-Aga le décret de Crémieux, il cracha dessus et le retourna à l’envoyeur en disant simplement :

« Je n’obéirai jamais à un Juif ! ».

Cet homme qui avait toutes les générosités ne voulut pas attaquer la France aux prises avec l’Allemagne. Il attendit chevaleresquement que nous puissions disposer de toutes nos forces pour lutter. Ce fut alors qu’il renvoya sa décoration au général Augeraud et qu’en le remerciant courtoisement des égards qu’il lui avait témoignés, il lui adressa la déclaration de guerre qui se terminait par ces mots : « Si j’ai continué à servir la France, c’est parce qu’elle était en guerre avec la Prusse et que je n’ai pas voulu augmenter les difficultés de la situation. Aujourd’hui, la paix est faite et j’entends jouir de ma liberté. »

Mokrani tomba en héros ; il se fit tuer, ne voulant ni servir la France déshonorée, ni combattre plus longtemps un pays qu’il avait aimé, un pays dont il avait été l’hôte dans les fêtes de Compiègne et de Fontainebleau. Pour être plus sûr de mourir, il quitta, lui, le cavalier sans rival, ce cheval qui peut-être, dans un élan désespéré, eût arraché son maître au péril. C’était dans l’Oued-Zeloun, il rencontra nos zouaves qui couronnaient un mamelon, il pouvait passer, il attaqua et comment ? Il descendit de cheval, lui, le grand seigneur et, à pied, à la tète de sa troupe hésitante, il gravit la côte et marcha en avant jusqu’à ce qu’une balle vienne le frapper au front. Il espérait que sa mort, annoncée par lui depuis plusieurs jours, mettrait fin à l’insurrection[14]. »

Sidi Mokrani, en tous cas, n’avait pas obéi à des Juifs. Parmi les officiers français que la fatalité des temps où nous sommes avait réduits à la triste nécessité de mettre leur épée au service de ceux qui vivaient d’usure et de vol, beaucoup pleurèrent et peut-être envièrent le sort du Scheik sans faiblesse et sans peur.

Détail amusant, en effet, et qui est bien juif, ce furent nos pauvres soldats, nos fils de mères chrétiennes qui furent obligés de se faire tuer pour assurer les droits de citoyens aux usuriers d’Algérie, qui ne daignaient même pas défendre les privilèges qu’on leur avait accordés.

Sauf des exceptions fort rares, dit M. du Bouzet, l’Israélite indigène ne peut devenir soldat : la guerre n’est point dans ses mœurs. Il lui faut trois mois pour apprendre à tirer un coup de fusil sans tomber à la renverse. Combien plus pour entendre siffler les balles sans prendre la fuite ! Or, vous n’ignorez pas, messieurs, qu’en cas d’insurrection arabe, tous les Français d’Afrique doivent prêter un concours actif à nos soldats. Fera-t-on une exception en faveur des Israélites devenus citoyens ? Ce privilège serait injuste. Marcheront-ils avec les vrais Français ? Leur esprit si peu militaire sera d’un dangereux exemple. Enfin qu’ils se battent ou qu’ils s’enfuient, leur présence dans nos rangs suffira pour ébranler la fidélité de nos auxiliaires musulmans et pour exaspérer l’ennemi.

L’Exposé des motifs ne permet pas de doutes sur ce point :

Lors de l’insurrection arabe, les Israélites ne se sont prêtés qu’avec une extrême répugnance au service militaire. Tout le monde sait qu’en Algérie, à part des exceptions très peu nombreuses, le tempérament et les mœurs des Israélites se refusent absolument à l’incorporation utile dans les rangs de notre armée. Ceux qui ont marché, en petit nombre, n’ont pu s’accommoder de l’ordinaire du soldat en campagne, par le motif que leur loi religieuse s’y opposait. Il a fallu les renvoyer d’autant plus vite que les tirailleurs musulmans et les hommes des goums ne pouvaient accepter l’idée de faire le coup de feu contre leurs coreligionnaires arabes en voyant des Juifs dans nos rangs. Ainsi, pour des raisons qui leur sont propres ou qui tiennent à leurs rapports avec d’autres races, les Israélites sont incapables du service militaire.

Les Juifs avaient eu peur ; ils furent sans pitié. Des Arabes, qui s’étaient rendus sur la parole formelle, sur la parole écrite de nos officiers, qui avaient des engagements signés par les généraux Lallemand, Bonvalet, Augeraud, furent exécutés sans que nos officiers osassent protester contre ces infamies qui les avilissaient eux-mêmes, qui détruisaient à tout jamais le beau renom de loyauté de notre armée.

A Rebval, un malheureux Arabe avait conservé sur lui la lettre d’aman signée par nos généraux et, naïvement obstiné dans cette croyance qu’un soldat français ne manquait jamais à ses engagements, il la tendit à l’officier qui commandait le peloton d’exécution. L’autre, au lieu d’obéir à la voix de l’honneur et de faire exécuter quelques Juifs à la place de ce vaincu, eut le triste courage de commander le feu… Le pauvre Arabe tomba en soulevant au-dessus de sa tête, comme par une sorte de protestation silencieuse, le mensonge écrit d’un Français.

Ce qui est plus saisissant encore, c’est que les Arabes furent soigneusement exclus de l’amnistie ; on amnistia des Français qui avaient assassiné, incendié, on fut impitoyable pour ces hommes qui étaient aussi excusables d’avoir voulu reprendre leur indépendance que nous le serions de nous révolter contre les Prussiens si nous étions conquis par eux[15].

Ce qui est intéressant, c’est de voir comment cette question se termina devant l’Assemblée nationale. Vous croyez peut-être que, parmi ces catholiques qui forment la majorité, un homme va se lever, souffleter de son mépris le fanatique vieillard qui, dans l’intérêt des siens, a déchaîné l’épouvantable insurrection qui a coûté la vie à tant de Français. Vous supposez qu’une voix tout au moins s’élèvera pour rendre hommage à tous ces Arabes tués dans la guerre d’Allemagne, pour la défense d’un pays qui leur avait enlevé leur indépendance.

Vous connaissez mal les conservateurs catholiques ; ils sont habiles avant tout, ils n’osent déplaire à Rothschild, proclamer la vérité, montrer les choses telles qu’elles sont. Ils souriaient déjà d’un air malin dès cette époque, et semblaient dire : « Laissez-nous faire ! » Encouragés par le succès de leur habileté, ils sourient encore aujourd’hui et, différents des braves gens d’autrefois qui sont morts en affirmant leur opinion, ils souriront encore d’un air de plus en plus malin sur la charrette qui les emmènera au supplice. « Le fin sourire » d’un politique conservateur ! Quel poème !

Le vrai malin c’est Crémieux ; c’est plaisir que de l’entendre expliquer à ses frères de l’Alliance israélite, dans la séance du 12 mai 1872, comment il s’y est pris pour empêcher le décret d’être rapporté ; il semble qu’on l’écoute marcher avec « ces chaussures de liège » dont parle Saint-Simon. Des planches, c’est ainsi qu’on appelle des lettres dans le jargon maçonnique[16], s’échangent activement. Au moment où Crémieux s’apprête à partir pour l’Algérie, Barthélemy Saint-Hilaire le prévient que l’amiral de Gueydon vient d’arriver, il lui donne son adresse[17]. Crémieux écrit à l’amiral pour lui demander un rendez-vous, mais avant de l’avoir vu il lui demande une permission. Laquelle ? C’est de lui dire qu’il est un homme admirable. Vous voyez d’ici le Juif moelleux, caressant, enveloppant.

Fourtou est circonvenu à son tour. On entend, sans y assister, la conversation du chef de la Juiverie cosmopolite, qui déniaise ce petit avocat de Ribérac devenu député influent, qui lui explique ce que c’est que la Haute Banque, qui survit à tout, qui distribue les places grassement rétribuées d’administrateurs de chemins de fer[18]. On aperçoit les yeux du Périgourdin qui s’allument. « Qu’est-ce que j’allais faire ? mon Dieu ? » s’écrie-t-il, et au lieu de presser la discussion du projet dont il est le rapporteur, il promet de la retarder.

Le décret d’abrogation avait été déposé par M. Lambrecht, ministre de l’intérieur, le 21 juillet 1871.

Chargé du rapport, M. de Fourtou avait été fort affirmatif et formel, il disait notamment : Rompre cet équilibre entre les Juifs et les Musulmans, appeler les Israélites à une place privilégiée dans la société algérienne, n’est-ce pas réveiller fatalement contre eux-mêmes des haines non encore assoupies, allumer contre nous d’implacables colères et jeter ainsi dans notre colonie une semence de soulèvements et de révoltes ?

…..La naturalisation des Juifs est devenue un des textes de prédication à l’aide desquels on a pu produire, entretenir et développer le mouvement insurrectionnel. Pour exalter le fanatisme religieux du peuple, les fauteurs de la révolte lui disaient : le Juif sera soldat, et il pourra combattre à côté d’un Musulman ; le Juif fera partie des milices et il pourra appréhender au corps un Musulman.

Les Juifs seront désormais les maîtres, et voilà la récompense de notre sang versé à flots pour la cause de la France, sur les champs de bataille de l’Europe !

Ces discours enflammaient les âmes ; et lorsque, en effet, les Musulmans voyaient inscrire les Iraélites sur les listes du jury, les autorités françaises en étaient réduites, pour apaiser leur fureur, à leur expliquer que les Juifs, toujours récusés par le ministère public ou par la défense, ne seraient, en définitive, jamais appelés à les juger. Les chefs musulmans ont donc prêché en quelque sorte la guerre sainte, et nous croyons pouvoir affirmer que le décret à abroger, étranger peut-être aux causes initiales de l’insurrection, a exercé une réelle et fatale influence sur son intensité et sa durée.

Le 21 août 1871, l’urgence fut demandée et obtenue.

Crémieux s’agita tellement qu’il empêcha la discussion de venir en temps utile. Ce fut alors que M. Lambrecht se vit obligé de proposer au Président de la République les décrets du 7-9 octobre 1871, qui se bornaient à faire disparaître du décret de naturalisation ce qu’il avait d’absolument anormal.

L’Assemblée nationale, disait M. Lambrecht dans son rapport au président, s’est séparée avant de statuer sur le projet de loi qui avait été présenté en vue de l’abrogation du décret du 24 octobre 1870 qui a conféré aux israélites indigènes de l’Algérie les droits de citoyens français. Ce décret reste donc provisoirement en vigueur et doit recevoir son application lors des élections, qui auront lieu très prochainement, pour les conseils généraux et les conseils municipaux de la colonie, mais il importe de prévenir le retour des difficultés auxquelles cette application a donné lieu jusqu’ici en exigeant, de ceux qui prétendront à l’exercice des droits électoraux, la justification préalable de l’indigénat d’après les principes du droit civil français.

L’article 1er du décret était ainsi conçu :

Le président de la République, sur la proposition du ministre de l’intérieur et du gouverneur civil de l’Algérie, décrète :

Article premier : Provisoirement, et jusqu’à ce qu’il ait été statué par l’Assemblée nationale sur le maintien ou l’abrogation des décrets du 24 octobre 1870, seront considérés comme indigènes et à ce titre demeureront inscrits sur les listes électorales, s’ils remplissent d’ailleurs les conditions de capacité civile, les Israélites nés en Algérie avant l’occupation française ou nés depuis cette époque de parents établis en Algérie à l’époque où elle s’est produite.

Le 20 octobre, Crémieux, dont pas un collège électoral n’avait voulu aux élections générales, trouva en Algérie un bourg pourri, oû il fut nommé par les Juifs qui lui devaient bien cela.

Crémieux eût cependant un instant de frayeur. Le projet d’abrogation dont personne ne s’occupait avait suivi son cours et il allait être mis en discussion. « Un matin, dit Crémieux, je vis à l’ordre du jour du surlendemain de la dernière séance cette phrase fatale : Première délibération, projet de loi relatif aux Juifs de l’Algérie, urgence déclarée. »

Ce jour-là Crémieux avait la goutte ! Il faut l’entendre raconter ce qu’il souffrit. « Je ne vivais plus, s’écrie-t-il ; messieurs, quand Dieu m’a conservé à ce moment-là, c’est qu’il n’a pas voulu me laisser mourir. »

Le salut de l’Algérie faillit dépendre d’un accès de goutte. C’était une fausse alarme. Lambrecht était mort subitement, ce qui arrive parfois à ceux qui gênent Israël, et Crémieux avait même versé sur lui quelques larmes de crocodile. M. de Fourtou, dont la conversation avec Crémieux avait décidément désillé les yeux, et qui voyait déjà des milliers de jetons de présence passer dans ses rêves, avait perdu sa belle ardeur de rapporteur. Tout resta dans le statu quo, et l’Algérie fut abandonnée à son malheureux sort[19].

Pas un membre de la droite, je le répète, n’eut assez de clairvoyance patriotique pour porter de nouveau le débat à la tribune.

Crémieux avait réussi, il avait profité des catastrophes de la Patrie pour octroyer aux siens le privilège d’opprimer ceux qui valaient mieux qu’eux et, bon gré mal gré, on avait régularisé l’empiétement au nom du fait accompli. C’est là toute la politique des Juifs depuis 1791 : La guerre, la paix, l’insurrection, la réaction tout leur rapporte. Ils avancent toujours, nous l’avons dit, à mesure que le pays recule.

Il n’est point sans utilité de montrer maintenant ce qu’est devenue l’Algérie grâce au décret Crémieux. Comme on devait s’y attendre, les Juifs sont les maîtres absolus du pays. M. du Bouzet prévoyait déjà ce résultat.

Les Juifs, disait-il, doivent inspirer à la population chrétienne et par cela même au gouvernement une crainte réelle. En effet, les Juifs ne forment qu’un seul et même parti. Ils sont complètement dévoués et soumis à leur autorité religieuse et comme il y a des divisions ailleurs et qu’il y a chez eux la plus parfaite union sous l’influence des chefs religieux qui les dirigent, ils porteront toujours d’un seul côté les forces dont ils disposent et seront les maîtres des élections[20].

Les Juifs, disposant en souverains du pays, noient incessamment l’élément français sous des flots d’israélites venus de tous les points de l’Afrique. En 1875, les habitants d’Oran, dans une pétition qui n’eut d’ailleurs aucun succès, constataient qu’il ne devait y avoir que 500 électeurs israélites inscrits sur les listes électorales du 31 mars 1875, mais qu’au dernier moment on y avait adjoint 1082 Juifs barbaresques, qui n’avaient aucun titre à voter[21].

On devine ce qu’est cette tyrannie du Juif, se vengeant du mépris qu’il a mérité et subi pendant tant de siècles. Il y a là-bas un potentat, à la fois grotesque et affreux, Kanoui, celui qu’on appelle le Rothschild d’Oran ; il mène tout le département ; le préfet est son humble esclave ; tous les agents du gouvernement sont à sa disposition.

Dans la séance du 23 novembre 1885, la discussion de l’élection de Thomson, petit gendre de Crémieux, un des plus vils parmi les Juifs que Gambetta traînait après lui, fournit à M. Andrieux l’occasion de montrer ce qu’était cette ignoble population.

Les Juifs de Constantine trafiquent de leur vote, ouvertement, en plein jour, ils se vendent pour deux ou trois francs en moyenne[22].

Dès que la mairie, disait M. Andrieux, a distribué les cartes électorales, c’est-à-dire cinq ou six jours avant l’élection, on fait un pointage soigneusement établi des Israélites qui figurent sur les listes électorales ; on leur adresse des courtiers qui viennent les trouver et réclament leurs cartes. Les Juifs donnent leurs cartes et reçoivent des arrhes sur le pris convenu. Le courtier emporte les cartes et les empile dans un magasin ; le jour du vote, les Juifs viennent les chercher ; elles leur sont remises ; on forme des groupes de quatre à cinq personnes que l’on fait accompagner par des surveillants jusqu’à la porte de la mairie et ce n’est qu’à leur sortie qu’on leur compte le complément du prix. C’est ainsi qu’ont voté presque tous les électeurs Israélites de Constantine, je ne dis pas seulement de la ville de Constantine, mais de la province tout entière.

Les députés ainsi nommés s’appellent des députés cachirs.

Bien entendu, les Juifs ne reconnaissent les tribunaux français qu’autant que ceux-ci leur donnent raison. Quand les juges ont refusé, par hasard, de sanctionner quelque épouvantable usure de cinq ou six cents pour cent, ils déclarent que Jehovah ne leur a pas dit d’obéir au code civil. {{interligne} Français, écrivait le correspondant du Figaro, à la date du 8 novembre 1883, ils le sont tant que ce titre procure quelque avantage, mais quand il s’agit d’obéir aux lois, ils sont uniquement Juifs et prétendent ne relever que de l’autorité du Consistoire.

Pour n’en citer qu’un exemple : qu’un différend surgisse entre Israélites et colons ou indigènes, ceux-ci se référeront, bien entendu, aux tribunaux ordinaires, mais alors messieurs les Juifs, tout Français que les ait faits le grand législateur Crémieux, récuseront ce tribunal, et en appelleront à l’autorité du Consistoire. Le plus curieux, en ce cas, c’est que jusqu’alors les juges leur ont donné raison en se déclarant incompétents dans les différends qui les amenaient à la barre du tribunal régulier.

A quoi tient ce déplorable état de choses ? Tout simplement à la puissance des enfants d’Israël, puissance qui n’a fait que croître et embellir depuis qu’on leur a octroyé le titre de Français.

D’un jugement rendu par la Cour de cassation, le 6 juin 1883, sous la présidence du Juif Bédarrides, il résulte que le mariage civil, l’enregistrement, comme on dit au village, qui n’a aucune valeur morale pour nous et auquel nous sommes assujettis, n’est point imposé aux Israélites qui n’en jouissent pas moins des droits de citoyens français.

Voici un des considérants de cet arrêt :

Aucune loi, aucun décret ou ordonnance n’imposant aux Israélites indigènes l’obligation de se marier devant l’officier de l’état civil français, toute union contractée dans ces conditions doit être considérée comme l’expression d’un vœu libre et spontané des parties, alors surtout que les juges du fond constatent souverainement, comme dans l’espèce, qu’aucun fait de pression administrative n’a même été allégué par la partie intéressée.

Pourquoi ne pas mettre les curés sur le même pied que les rabbins ? Pourquoi ne pas laisser aux chrétiens les mêmes droits qu’aux Juifs et leur permettre de se contenter du mariage religieux sans être obligés de passer par la mairie ?

Enchâssons comme une perle, à ce sujet, l’exclamation du Juif Naquet dans la discussion de la loi du divorce au Sénat : « Je proteste contre l’expression d’adultère légal, dont M. Chesnelong s’est servi en parlant du divorce. J’y vois une trace des doctrines de cette école qui ne reconnaît pas le mariage civil. (Réclamations à droite.) »

Non seulement ses coreligionnaires ne reconnaissent pas le mariage civil, mais ils ne s’y soumettent pas ! Quelle impudence dans ce Naquet !

Les Israélites ont gardé, naturellement, cette sainte horreur pour le métier des armes que constatait M. du Bouzet. Ils passent leur vie à diffamer nos généraux dans les journaux algériens qui leur appartiennent ; les uns publient contre nos braves officiers de zouaves des articles intitulés : Brutes ; les autres écrivent à la Lanterne, comme ce réserviste, qui était sorti des rangs pour insulter avec ses couacs ! couacs ! un vieux prêtre qui passait sur la route, et qui trouvait fort mauvais que son capitaine l’eût mis à la salle de police pour cet exploit.

Le général Davout s’était proposé de résoudre ce grand problème d’organiser l’armée d’Algérie de façon à faire face à une insurrection toujours possible sans recourir à des troupes de France. Il avait été très frappé de ce fait que l’envoi de quarante bataillons, en 1831, tout en jetant le désordre dans la mobilisation générale, n’avait eu, en Algérie, qu’un effet médiocre en raison du peu d’acclimatement des hommes et de leur inexpérience de la vie d’Afrique. Violemment attaqué par les Juifs, d’accord avec les députés radicaux de l’Algérie, toujours au premier rang quand il s’agit de trahir la Patrie, le général a dû renoncer à toute réorganisation sérieuse.

La France militaire a donné, à plusieurs reprises, des détails inouïs sur la façon dont les Juifs naturalisés comprennent leurs devoirs. La plaie de notre armée d’Afrique, dit ce journal, «  c’est le mosaïsme militaire[23]. »

Nul n’a idée du spectacle répugnant, écœurant, qu’offre l’incorporation des réservistes algériens dans un régiment, pardon, non pas de tous les réservistes algériens, car les fils de colons, somme toute, endossent l’uniforme d’assez bonne grâce, mais des réservistes israélites ! Chez les Juifs algériens, l’esprit militaire fait défaut de la façon la plus absolue. Il y a honte, honte vraiment, à donner l’uniforme des rudes soldats d’Inkermann et de Palestre à des gens qui pleurent dans les rangs pour une apostrophe un peu rude et qui sanglotent quand l’étape est un peu longue.

Tirman, le gouverneur actuel, ne reçoit même pas les Français. « En revanche, dit un journal algérien, il reçoit les Juifs indigènes dès qu’ils se présentent, il est bon d’ajouter qu’ils ne se présentent jamais aux portes du palais sans être richement lestés. »

De temps en temps la presse divulgue quelques-unes des monstrueuses exactions que le gouvernement républicain commet là-bas d’accord avec les Juifs.

Dans la commune mixte de Guergour, les indigènes avaient encore à payer une somme de 60,000 francs sur l’impôt de guerre de 1871.

Le gouverneur général donne l’ordre de faire rentrer cet argent dans les caisses du Trésor. Après en avoir longuement délibéré, l’administrateur Chanel et le caïd de l’Arach décident que, sans tenir compte des sommes précédemment versées, chaque famille indigène paiera proportionnellement à son revenu. Ce qui fut dit fut fait. Mais les indigènes, qui s’étaient libérés antérieurement, refusèrent de payer une seconde fois.

L’administrateur, armé des fameux pouvoirs disciplinaires votés par la Chambre pour une durée de six années, fait arrêter les récalcitrants, les fait rouer de coups de bâtons et jeter en prison. Puis il distribue des condamnations à cinq jours de prison et 15 francs d’amende.

Les indigènes viennent réclamer au sous-préfet de Bougie qui demande des explications à l’administrateur.

Celui-ci, pour toute réponse, fait mettre en prison ceux qui se sont permis de se plaindre et l’on distribue, à cette occasion, cinq ou six cents jours de prison accompagnés d’amendes qui pèsent cruellement sur des malheureux déjà sans ressources.

L’appétit vient en mangeant et le projet Tirman-Waldeck-Rousseau-Kanoui ne visait à rien moins qu’à l’expropriation pure et simple des Arabes au profit des Juifs.

La Chambre, à la grande colère des opportunistes, hésita devant l’énormité d’un tel acte et refusa les cinquante millions que demandait, avec toute sorte de paroles insidieuses, Tirman, l’ami des Juifs, qui avait fait le voyage tout exprès pour décrocher cette riche proie pour l’exploitation de laquelle un Crédit foncier était déjà constitué[24].

On se demande même comment un fonctionnaire a été assez hardi pour soumettre une telle proposition à un Parlement français ; il ne faut pas réfléchir longtemps pour voir quelles en seraient les conséquences.

Les Arabes, sobres par nature, et se contentant de peu, vivent tant bien que mal sur leurs terres. Une fois expropriés, ils laisseraient en un an ou deux aux mains des Juifs, qui tiennent tous les cabarets et tous les mauvais lieux de la colonie, le mince pécule qui leur aurait été remis, et dont il leur serait absolument impossible de faire un emploi utile. Ils emploieraient le peu qui leur resterait à acheter des armes et des munitions. C’est alors que la France interviendrait pour traquer ces outlaws, comme n’ont jamais été traqués les Iroquois, les Peaux-rouges, et les naturels de la Nouvelle-Zélande, qui ont fini par disparaître complètement.

Voilà la conception que les républicains, qui ont sans cesse dans la bouche les mots de civilisation et de progrès, se font de la fraternité.

Le cœur se serre lorsqu’on pense à ce que pourraient faire de ces peuples des hommes qui seraient pour ces frères cadets de la famille humaine des aînés compatissants et bons.

On ne sait pas quel sentiment de reconnaissance éveille dans le cœur de l’Arabe tout acte qui est honnête et droit.

J’ai eu quelque temps pour secrétaire un ancien déporté de Lambessa. C’était le portrait parlant d’un des personnages du tableau si philosophique, si spirituellement observé de Beraud : « A la salle Graffard. » Ces crânes en cône, qui ont comme une déviation du sens de l’idéal, sont malléables dans la jeunesse et facilement envahis par les vapeurs de tous les systèmes ; ils s’ossifient plus tard et la vapeur, l’idée fausse, la doctrine erratique restent là prisonnières. Doux d’apparence, têtus comme des mules, ces êtres-là résistent à tout. La vie épuise sur eux ses rigueurs sans les changer.

La vie, mon pauvre compagnon de travail avait appris à ses dépens ce qu’elle peut contenir d’amertumes. Traîné à travers la France, les menottes aux mains, tandis que les hommes qui ont profité de la République servaient l’Empire ou faisaient de l’opposition à l’eau de rose ; mis au silo, cassant des cailloux sous le soleil, puis courant après un morceau de pain dans les rues de Paris, il n’avait eu qu’un moment heureux, le court moment où, après l’amnistie impériale, il avait été chargé de régir un immense domaine, dont les concessionnaires n’habitaient pas l’Algérie.

Parfois, après lui avoir dicté quelques pages réactionnaires, je lui disais : « Bourrez une pipe et parlez-moi de l’Algérie ! »

Alors la pensée de cette victime de la politique, de ce sectaire si durement traité par la Destinée, aux prises chaque jour avec la misère noire, grelottant l’hiver sous sa redingote râpée qu’il gardait propre quand même, s’en allait vers l’Afrique, vers les souvenirs des nuits claires passées à la belle étoile, vers les parfums des jardins, vers les silences profonds, vers ces grands espaces surtout où, débarrassé de toutes les vexations sociales, l’homme semble revenu à l’état édénique et se promène libre à travers ces étendues que nul ne songe à lui disputer.

Même à Paris, cet Africain d’adoption avait reçu des témoignages d’affection des Arabes et, là-bas, il avait été aimé d’eux, autant qu’il les aimait lui-même. Pourquoi ? Parce qu’il avait été probe, parce qu’il avait été juste et que la justice, là plus encore qu’ailleurs, impressionne des gens qui n’y sont pas habitués.

Un simple fait raconté par M. du Bouzet prouve quels trésors de gratitude il y a chez l’Arabe pour ceux qui lui font quelque bien, ou, du moins, pour ceux qui empêchent qu’on ne lui fasse du mal.

L’histoire de la charité est la même sous toutes les latitudes et dans tous les climats. Des gens pieux, voulant servir Dieu en aidant ses créatures, se privent pour fonder des établissements où les pauvres et les malades soient hébergés, soignés, consolés. L’Etat s’empare de ces fondations sous prétexte d’y mettre de la régularité, il dépense tout en frais de paperasses et en traitements d’employés ; il ne peut plus soulager personne. À ce moment le Juif intervient et dit :

« Cédez-moi l’immeuble à bon compte pour que je réalise un bénéfice[25]. »

C’est l’histoire de l’Assistance publique qui est absolument organisée pour permettre à un Quentin ou à un Peyron d’avoir une bonne table, des domestiques, une voiture.

Ce sera l’histoire des établissements de bienfaisance qui existent aujourd’hui, lorsque les projets de spoliation des Francs-maçons se seront accomplis.

Des milliers d’êtres humains vivent là heureux, paisibles, s’arrangeant entre eux, se réconfortant mutuellement. Quand l’État aura volé ces biens, tous ces malheureux seront privés de ressources sans que l’État en soit plus riche.

Alors le Juif fondera une société financière et prendra les maisons pour y ouvrir une agence, un casino ou un lupanar.

Bref, de charitables Musulmans, sachant que le paradis est promis aux amis des pauvres, avaient laissé d’innombrables immeubles destinés à servir de mosquées, d’écoles, de refuges pour les pèlerins. Ce domaine, confisqué par l’État, devint le prétexte de toutes les malversations et de tous les tripotages imaginables.

On avait toléré cependant qu’un certain nombre d’indigents restassent dans quelques maisons de ce domaine musulman, qui n’avaient pas encore été aliénées, lorsque tout à coup le Juif Mesguich eut envie de ces maisons.

M. du Bouzet, qu’on n’avait pas prévenu de la situation, venait de signer la vente, lorsque quelques notables lui dirent : « Ce sont nos pauvres qu’on va chasser de ces maisons qu’on vend à un Juif. » Il répondit aussitôt : « J’irai visiter les deux maisons et si ce que vous me dites est exact, ces maisons ne seront pas vendues, vos pauvres y resteront. »

Les Musulmans partirent radieux, après avoir fait inscrire leur nom en arabe sur une immense feuille de papier.

Avant d’entrer au palais, ils avaient rencontré le Juif Mesguich, qui les guettait et qui, venu sans doute pour les narguer, leur dit qu’il aurait les maisons quand même.

Mais, laissons M. du Bouzet nous raconter lui-même sa bonne action[26].


J’allai, dit-il, visiter les dix maisons avec un jeune pharmacien musulman, mon secrétaire, M. Monin, et un physicien célèbre, M. Janssen.

M. Janssen, parti en ballon de Paris, parce qu’il n’avait pas voulu prendre un sauf-conduit prussien, avait été désigné par l’Académie des sciences pour observer, près d’Oran, l’éclipse totale de soleil, et il me faisait l’honneur d’accepter l’hospitalité au palais du gouvernement.

Nous trouvâmes dans ces maisons un entassement de familles musulmanes, toute une famille dans une seule chambre, et en général, la misère décente avec la propreté dans la maison, qui distingue les Maures d’Alger.

Ces familles étaient presque toutes d’une condition déchue, et on leur louait, par charité, à prix réduit et presque nominal.

Quelques-unes étaient tout à fait pauvres. Je vois encore sortir du dessous de l’escalier qui lui servait de demeure, une vieille femme aveugle la taille courbée, tenant à la main la carta qu’elle venait de recevoir et qui lui donnait congé.

Elle me poursuivait de ses gémissements.

Je dis partout à ces malheureux : « Vous resterez dans vos maisons, je vous le promets » Et ils y sont restés, malgré les sollicitations du génie et de l’administration. Mais je viens d’apprendre qu’il est question de vendre cent maisons du domaine musulman.


Tirman haussera les épaules en lisant ce récit. À la place de M du Bouzet, il aurait été enlever à ces pauvres gens leurs burnous.

Qu’importe ! Il n’en est pas moins intéressant, même au point de vue de la politique, non de la politique opportuniste toute de rapine et de persécution, mais au point de vue de la politique supérieure, de constater l’émotion que produisit ce simple acte d’équité. La nouvelle s’en répandit partout et, quelques jours après seulement, à Sebdou, à 130 lieues d’Alger, M. Alexis Lambert entendit déjà raconter ce fait grossi aux proportions d’une légende.

Au moment de la capitulation de Paris, alors que quelques troubles éclatèrent à Alger, les Musulmans offrirent à M. du Bouzet de venir le défendre.

Quant aux bons démocrates du conseil municipal, il est inutile d’ajouter que, selon la coutume de tous les bons démocrates, ils prirent le parti du Juif et du riche contre l’administrateur qui s’était prononcé pour les pauvres.

On voit l’influence que pourrait exercer sur cette terre d’Afrique, bien entendu sous un gouvernement différent du gouvernement actuel, qui traîne partout la corruption avec lui, un homme qui, sans être même un politique habile ou un administrateur retors, aurait simplement des sentiments purs et inclinés vers le bien.

Naturellement, il faudrait que cet homme ne fût pas imbu des préjugés modernes sur la civilisation. Il est à remarquer, en effet, et ceci peut être formulé comme une loi, que la tendance à égorger et à dépouiller ses semblables est en rapport direct de la facilité à parler de la civilisation, et de l’humanité[27].

Les Anglais, qui font grand usage du mot civilisation, ont commis dans l’Inde des atrocités inénarrables. Sans compter l’opium qu’ils forcent les Chinois d’acheter, et les couvertures de soldats morts du choléra qu’ils vendent aux indigènes, ils ont étreint ces malheureux habitants de l’Inde, si bons et si faciles à gouverner, dans un engrenage administratif, qui, pareil à une machine à pression gigantesque, exprime l’or et le sang de millions de créatures humaines.

« La somme retirée, depuis vingt ans de l’Inde, par l’Angleterre, dit le docteur Lebon[28], est évaluée à dix milliards, sans compter l’argent dépensé pour entretenir les conquérants, dont chacun reçoit, pour son séjour dans la colonie, un traitement de ministre ou de souverain. Le séjour des fonctionnaires aux Indes est généralement limité à cinq ans, parce que l’on considère, qu’après ce délai, ils doivent avoir réalisé une brillante fortune. »

Ces exploiteurs sans pitié ne laissent pas même à leurs victimes pitance de riz qui est nécessaire à un Hindou pour ne pas mourir,

Nous avons ici le témoignage écrasant d’un auteur anglais M. Hyndman :

« Chose effrayante, dit-il, les provinces du Sud-Ouest en étaient réduites à exporter leurs grains alors que trois cent mille personnes y mouraient de faim en quelques mois. » En 1877, ajoute-t-il, dans la seule présidence de Madras, neuf cent trente-cinq mille personnes sont mortes de faim d’après les rapports officiels.

Les chiffres publiés par M. Hyndman, dans la revue The Nineteenth Century, sous le titre la Banqueroute de l’Inde, n’ont jamais été démentis. Au lieu de tant parler de philanthropie universelle dans leurs Loges, les Francs-maçons anglais, cependant, feraient bien mieux de s’occuper de cette question[29]. Le Fortnightty Review s’est borné à dire à propos du budget de l’Inde que « ce n’était pour les peuples que le prix d’un gouvernement pacifique et régulier. »

Le docteur Lebon s’égaye un peu à propos de l’expression « pacifique et régulier, » appliquée à un régime qui fait mourir de faim en une année près d’un million d’hommes.

C’est le jargon des prétendus civilisateurs. Les hommes du 4 Septembre, qui ont été si durs pour les prolétaires qu’ils flattaient bassement la veille, étaient tous parfumés de modernisme, tous pénétrés de la pure doctrine libérale, tous experts à la période académique.

À l’épouvantable oppression qu’ont fait peser sur les populations orientales des races qui se prétendent supérieures, et cela dans le but unique d’enrichir quelques financiers, il faut opposer comme contraste l’exemple de la Russie qui n’a pas le mot civilisation dans son vocabulaire usuel. Elle a conquis, en quelques années, un tiers de l’Asie, et après s’être fait craindre par la bravoure de ses soldats, elle s’est fait aimer par l’esprit de justice de ses chefs ; elle n’a livré les populations qu’elle avait soumises ni aux Publicains ni aux Juifs, et elle les a laissées vivre paisiblement sous sa protection, selon leurs usages séculaires. M. Germain Bapst, l’infatigable voyageur, qui a été là-bas chercher les carreaux vernissés d’une mosquée, me disait qu’il avait parcouru d’immenses étendues de pays, avec la seule sauvegarde d’un mot donné par un général russe obéi et estimé parce qu’il ne s’était entendu avec aucune compagnie financière pour extorquer le peu d’argent possédé par les naturels, parce qu’il était en dehors de la civilisation judéo-moderne.


Une consolation cependant se dégage du spectacle de tant de tristesses. C’est par l’Algérie, peut-être, que commencera la campagne anti-sémitique française. De sourdes colères s’amassent dans le cœur des ces Arabes si durement foulés aux pieds par les Juifs. Des paroles, qui parlent d’une revanche prochaine, s’échangent dans l’ombre et si l’Alliance antisémitique universelle envoyait des agents de ce côté, nul doute qu’elle n’arrivât à un résultat.

En 1882, l’Atlas se montrait partisan d’un congrès anti-sémitique qui serait tenu à Oran. Au mois de novembre 1882, la police enlevait des affiches écrites en grandes lettres rouges, sur lesquelles on lisait : « Tous les moyens sont bons et doivent être employés pour l’anéantissement des Juifs par les Européens. »

En beaucoup de localités les Européens refusent d’admettre les Juifs dans leurs lieux de réunion. À Oran, les oppresseurs sont sévèrement exclus des fêtes de charité qui s’organisent au mois de janvier 1882. « Vous êtes Français de nom et non de cœur, » leur répond-on, quand ils essayent de protester contre cet ostracisme mérité.

Le maire, Abraham Nahon, fait alors interdire la cavalcade par le conseil municipal. A Tlemcen, au mois de mai 1883, le maire veut également imposer aux Européens l’obligation de recevoir les Israélites dans un bal organisé par souscription, et des troubles, réprimés avec violence, ont lieu à la suite de cette singulière fantaisie d’empêcher les gens de danser avec qui il leur plait.

Les troubles du mois de juillet 1884, à Alger, eurent une importance exceptionnelle et constituèrent un véritable commencement de soulèvement anti-sémitique. Les journaux parisiens, on le comprend, ne parlèrent de ces scènes si significatives qu’à mots très vagues, comme ils parlent de tout à ce peuple qui se croit en avance sur l’univers et qui est moins informé de tout ce qui se passe que le dernier bourgeois de Liverpool ou d’Augsbourg.

Effrayé par une émeute de trois jours et par l’assaut donné aux maisons juives, le Consistoire, moins arrogant que de coutume, démentit énergiquement les insultes vomies par les Israélites contre la France.

« Les Français sont des lâches ; ils ont capitulé en 1870. » Tels sont, d’après le Petit Colon lui-même, qui est favorable aux Sémites[30], les propos qui avaient péré la population et cette exaspération s’explique. Il est impossible de comprendre la monomanie qu’ont des Juifs, qui n’étaient pas Français en 1870, de nous reprocher nos malheurs dans la guerre prussienne. Nous avons déjà constaté cette impudence à propos des officiers dit capitulés ; nous la retrouvons dans les journaux radicaux parisiens rédigés par des Juifs, où ce sont des fils d’Allemands et des naturalisés qui injurient le plus violemment nos généraux vaincus.

Au mois de juin 1885, les mêmes scènes se reproduisent. On enferme cent cinquante manifestants dans le marché couvert de la place de la Lyre, mais, devant les protestations de la population, on est forcé de les remettre en liberté[31].

L’âme ardente de la jeunesse se révolte contre une si ignoble oppression. Un jeune indigène, élève du lycée d’Alger, ben Hassem écrit aux journaux en 1882 :

Qu’ont donc fait les Juifs algériens pour mériter du gouvernement français une faveur semblable, alors que le décret, relatif à la naturalisation des étrangers, des 28 et 31 mars 1848, qu’on peut considérer comme un décret organique sur la matière, leur ouvrait une porte suffisamment large ?

Est-ce que tous les peuples anciens, tous les peuples modernes ne les ont pas comparés à des plantes parasites qui vivent aux dépens de tout ce qui produit ; est-ce que le peuple juif est une nation ; est-ce que je ne me rappelle pas, alors que j’étais au lycée, que les rois légitimes de la France les ont expulsés du territoire français, et, aujourd’hui encore, ne les voyez-vous pas pourchassés par les Russes, les Allemands de notre époque ?

Mais sans aller si loin, voyez ce qui se passe à Oran. Les Juifs, à toutes les époques, ont été et seront la cause de tous les désordres. N’avons-nous pas vu dans notre ville ces Juifs, la plupart Marocains, nos ennemis, s’emparer du monopole des élections ?

Il faut ajouter que la presse algérienne n’est point servile envers les Juifs comme notre presse parisienne. Les journalistes de là-bas, malheureusement dépourvus de ces croyances religieuses qui donnent seules la force d’accomplir les grands desseins, ont, pour la plupart, infiniment plus de talent, de verve et surtout d’indépendance que les écrivains de Paris ; ils disent ce que tout le monde pense ici et ce que personne n’ose dire. Beaucoup de jeunes gens, désespérant de se faire une place à Paris, où tout ce qui n’est pas enrôlé dans la bande juive est condamné à mourir de faim, ont été chercher sur la terre africaine un endroit écarté « où d’être homme d’honneur on ait la liberté. »

Le Fanal, le Courrier d’Oran, le Courrier de Bône, le Petit Algérien, le Mont Atlas adressent incessamment à la mère patrie des appels qui, hélas ! ne sont pas entendus.

Le Courrier d’Oran écrit à la date du 8 mai 1882 :

Le plus grand pas dans la voie impolitique, qui tend à nous désaffectionner l’indigène musulman, a été fait sous les auspices de la République actuelle, par la délégation de Tours qui a décrété la naturalisation en masse des Juifs indigènes, en s’inspirant d’une façon bien inopportune, des idées d’égalité qui dominent en France depuis 1789.

Cette mesure nous a fait grand tort dans l’esprit des indigènes qu’elle a blessés cruellement. Elle n’était justifiée par aucune nécessité pas plus que par les mérites de ceux qui ont profité de cette faveur exceptionnelle, car si la race juive a conservé quelque part le caractère qui lui vaut le mépris des autres peuples, c’est bien ici.

On dirait que c’est pour les Juifs que la France a entrepris la conquête de l’Algérie.

Tirés par nous de l’ignorance où, sous la domination arabe, ils étaient maintenus par des préventions séculaires, ils envahissent insensiblement notre société, non pour s’assimiler à elle, mais, pour rester une caste à part qui veut dominer. Ils pénètrent partout audacieux et arrogants ; la fortune publique passe dans leurs mains usuraires et, comme si ce n’était déjà trop, ils briguent les fonctions électives avec un succès menaçant. Le moment n’est peut-être pas éloigné où juges consulaires, officiers de l’état civil, députés et sénateurs algériens seront tous Juifs. Un projet de loi a été voté le 3 décembre 1880, par la Chambre des députés, a l’effet d’étendre le suffrage universel aux élections consulaires comme aux élections politiques.

Que ce projet soit maintenant accepté par le Sénat et qu’il soit promulgué en Algérie, où tous les Juifs sont marchands patentés, ils envahissent nos chambres et nos tribunaux de commerce, devenant absolument maîtres du pays et réalisant, en peu de temps, mes trop justes appréhensions. Leur insolence, si prompte à se manifester, n’a déjà plus de bornes, et, dans nos principales villes, ils tiennent le haut du pavé, humiliant sans vergogne notre vieille fierté gauloise. Tel est le maître que notre politique sentimentale nous a donné et à l’unique profit de qui, jusqu’à présent, le sang français a coulé sur la terre d’Afrique.

Un conseiller général de la province d’Oran, M. Autun, soumet à chaque session à cette assemblée un vœu qui serait le salut de l’Algérie.

Messieurs, disait-il, en 1883, le 24 octobre 1870, M. Crémieux, profitât des troubles de la guerre, faisait passer à l’aide d’influents banquiers, ses coreligionnaires, le décret de naturalisation en masse des Israélites algériens.

Nous ne reviendrons pas sur les conséquences funestes de cet acte, pour lequel les Français algériens ne furent jamais consultés…

Nos compatriotes de France se demandent quels sont les services rendus par ces gens naturalisés d’hier, pour qu’ils soient gratifiés des vacances de Pâques, dont les Français de France n’obtiennent pas la faveur.

Enfin nous demandons aux gouvernants de notre République si les Juifs n’ont d’autre idéal, comme le dit en maints endroits leur unique loi la Bible, dans le Deutéronome, que de dominer par usure tout peuple qui n’est pas juif, nous demandons, dis-je, que la colonisation ne soit pas entravée par les faveurs accordées à une race parasite et usurière, qui se vante de n’avoir jamais manié le mousquet, la rame, la pioche ou la charrue, c’est-à-dire de n’avoir jamais défriché ou défendu le sol qu’elle n’a possédé que par des moyens trop connus des colons de tous les pays.

Le journal oranais, le Mont Atlas, quoique républicain, rend un loyal hommage à la patriotique sagesse, à l’admirable prévoyance des rares membres de l’Assemblée constituante qui se sont opposés, avec tant d’énergie, à ce qu’on accordât aux Juifs les droits de citoyens français.

Nos pères, dit-il, ont commis une erreur, réparons-la ! Nous voulons que cette Patrie vive, dussions-nous, pour assurer son salut en revenir à l’âge de toutes les énergies et de toutes les forces, à l’âge de fer.

Le Petit Africain, à propos de l’extension du vote pour l’élection des juges consulaires, formule quelques réflexions fort sensées.

La Chambre haute vient d’adopter le projet de loi sur l’extension du vote pour l’élection des juges consulaires. Il peut, d’un moment à l’autre, être promulgué à l’Algérie, parce qu’il est tout naturel que, jugeant l’Algérie comme nous, à notre arrivée ici, le Parlement ne doute pas que cette loi, qui est un réel progrès en France, n’en soit un aussi dans cette colonie qu’il ne connaît pas. On sait cependant les inconvénients que cette loi aurait ici.

Des Juifs jugés par des Juifs ! Ils parlent de leur solidarité, leur solidarité n’est pas en vain mot.

Nous ne dirons pas le nombre incommensurable des faillites juives. Nous ne parlerons pas des quantités considérables de cessations de paiement avec arrangement à tant pour cent.

Nos lecteurs savent tout cela, nos députés ne peuvent l’ignorer.

La promulgation de cette loi, c’est la fin du commerce honnête, le manque de sécurité absolue dans les affaires.

C’est rendre un véritable service à la France, à laquelle la presse parisienne cache obstinément la vérité, que de lui montrer l’état réel de la colonie. Lorsque éclatera la plus formidable insurrection, dont jamais l’Algérie ait été le théâtre, les Français pourront se dire qu’un écrivain au moins les a prévenus. S’ils veulent remercier l’homme auquel ils devront d’avoir perdu cette terre africaine, sur laquelle notre sang a coulé à flots, ils n’auront qu’à aller au cimetière Montparnasse regarder le monument élevé par le Juif Aldrophe, et qui fut inauguré, en grande pompe, le dimanche 13 mars 1883.

Tous les délégués de la Juiverie et de la Maçonnerie étaient là. On apercevait dans l’assistance Thomson, Germain Casse et Camille Sée, députés ; Hérold, préfet de la Seine, Bourneville et Leven, conseillers municipaux, Koechlin-Schwarfz, maire du huitième arrondissement ; Bédarrides, président de chambre à la Cour de cassation ; Manau, président de chambre à la Cour d’appel ; Cartier, président du tribunal civil ; Crupy, substitut ; Denis Weill, juge suppléant au tribunal de la Seine ; Lehmann, avocat à la Cour de cassation ; Salvador Abram, Derenbourg, membre de l’Institut, etc., etc. Leven, le grand rabbin Isidore et Proal, président du suprême Conseil de la Franc-maçonnerie française, prirent successivement la parole pour louer l’homme si dévoué à Israël et si funeste à la France.

La bannière de l’Alliance israélite universelle était plantée devant le monument. Avant de mourir, Crémieux avait indiqué l’inscription éloquente et simple qu’il voulait voir figurer sur son tombeau.

À ISAAC ADOLPHE CRÉMIEUX
PRÉSIDENT DE L’ALLIANCE ISRAÉLITE UNIVERSELLE.

La grande œuvre de Crémieux, en effet, c’est l’Alliance israélite universelle, et il a eu raison de dire, à son point de vue, qu’elle était « l’institution la plus belle et la plus féconde qui ait été fondée dans les temps modernes. »

On ne peut rêver d’instrument de domination plus puissant, et l’on s’explique qu’elle gouverne le monde.

L’Alliance, telle qu’elle est constituée actuellement, ne date que du mois de juillet 1860 ; sa première assemblée générale eut lieu le 30 mai 1861. En réalité, elle fonctionnait déjà à l’état latent depuis de longues années, mais les Juifs, sûrs de leur victoire, éprouvèrent le besoin d’avoir un pouvoir officiel, une représentation effective de leur nation qui pût parler en leur nom à l’Europe.

La constitution de l’Alliance est fort simple en apparence. Tout Juif peut faire partie de l’Alliance, moyennant une faible cotisation de six francs par an.

L’Alliance est gouvernée par un Comité central qui se composait d’abord de 40 membres et qui en compte maintenant 60, les Juifs étrangers ayant trouvé qu’ils n’étaient pas assez représentés. Le Comité central réside à Paris ; il correspond avec les comités régionaux ou locaux. Les membres du Comité sont nommés pour neuf ans par le vote universel des membres de l’Alliance, renouvelables par tiers tous les trois ans et indéfiniment rééligibles ; ils élisent, chaque année, parmi eux, un bureau composé d’un président, de deux vice-présidents, d’un trésorier et d’un secrétaire général.

Un comité peut être constitué dans toute localité où la société compte dix adhérents et des comités régionaux constitués dans tout pays où il existe plusieurs comités locaux.

Les comités locaux et régionaux agissent par eux-mêmes dans les questions d’un intérêt purement local, mais sous leur propre responsabilité.

Ils transmettent au Comité central et en reçoivent les communications sur tout objet intéressant la société.

Ils provoquent et recueillent les souscriptions et en versent le produit dans la caisse du Comité central.

Le Comité central est composé, en ce moment, de la manière suivante :


MEMBRES RÉSIDANT A PARIS

MM.
L. ISIDOR, grand rabbin de France, président honoraire.
S.-H. GOLDSMIDT, président.
Joseph DERENBOURG, vice-prés.
Narcisse LEVEN, vice-président.
E.-S. KANN, secrétaire général.
Léonce LEHMANN, trésor.-délég.
E.-A. ASTRUC, grand-rabbin.
G. BEDARRIDES.
Jules CARVALLO.
Abraham CREHANGE.
Hartwig DEREMBOURG.
Michel ERLANGER.
Baron M. de HIRSCH.
Zadoc KAHN, grand rabbin.
Edouard KOHN.
Ernest LEVI-ALVARES.
Théodore LEVY.
Eugène MANUEL.
Jules OPPERT.
Eugène PEREIRE.
Joseph REINACH.
Jules ROSENFELD.
Victor SAINT-PAAL.
Louis SINGER.
E.-F. VENAZIANI
Hippolyte RODRIGUES, membre honoraire.

MEMBRES NE RÉSIDANT PAS A PARIS

MM.
Dr ADLER, grand-rabbin, à Cassel
Dr BAERWALD, à Francfort-sur-Mein.
Dr BAMBERGER, rabbin, à Koenigsberg.
Comte A. de CAMONDO, à Constantinople.
Israël COSTA, rabbin, à Livourne.
Alexandre-A. DANIELS, à Amsterdam.
Samuel DREYFUS-NEUMAN, à Bâle.
Moses-A. DROPSIE, à Philadelphie.
Dr DUNNER, grand-rabbin de la Hollande septent. à Amsterdam.
Dr FEILCHENFELD, rabbin, à Posen.
Dr FRANK, rabbin, à Cologne.
Dr FULD, avocat, à Francfort-sur-Mein.
Dr GRÆTZ, professeur, à Breslau.
Sir Julian GOLDSMID, Bart, à Londres.
Myer-S. ISAACS, à New-York.
Dr JOSEPHTHAL, avocat, à Nuremberg.
Eude LOLLI, grand-rabbin, à Padoue.

H. MAGNUS, à Leipzig.
MARONI, grand-rabbin, à Florence.
Dr S. NEUMAN, à Berlin.
J. OPPENHEIM, à Bruxelles.
Dr PHILIPPSON, rabbin, a Bonn.
Esdra PONTREMOLI, rabbin, à Verceil.
Dr Léone HAVENNA, à Ferrare.
Simon C.-SALOMON, à Metz.
Dr A. SALVENDI, rabbin, à Durkheim a. d. H.
Philipp SIMON, à Hambourg.
Le chevalier JOSEPH de WERTHEIMER, Vienne.
Dr A.-A. WOLFF, K. D., grand-rabbin, à Copenhague.

Le nombre des adhérents est de 28.000 environ. Le budget ostensible, dont dispose l’association, est d’un million de francs, mais les ressources réelles, on le comprend, sont à peu près illimitées.

A l’Alliance se rattachent d’innombrables sociétés répandues dans le monde entier : L’Anglo-Jewisch association, l’Union of American hebrew congregations, le Kesher Shel barzel, les B’nai Brith, d’Amérique, le Judisch orthodoxe reprœsentanz de Prague, l’Amour national de Philippoli ; toutes les petites associations parisiennes : la Société des Dames, la Société Esther et Rébecca, l’Accord israélite, les Israélites français, le Lien d’Israël, les Disciples de Moïse, les Enfants de Sion, les Loges comme la Concordia, la Jérusalem, les Trinitaires.

Disposant par l’argent de toute la grande presse européenne, sauf de rares exceptions, et agissant par elle sur les peuples, les Israélites n’en ont pas moins des centaines de journaux qui s’adressent uniquement aux fils de leur race et les entretiennent des destinées qui les attendent. Citons au hasard : les Archives Israélites, l’Univers israélite de Paris, la Famille de Jacob d’Avignon, le Jewish Chronicle, le Jewish World de Londres, le Jewish messenger de New-York, le Wiener Israelit, le Libanon de Mayence, le Volkszeitung, le Vochenschrift de Magdebourg, l’Allgemeine Zeitung der Judenthums, le Vessilo israelitico de Casale, le Corriere israelitico, l’Educatore israelitico, la Famiglia israelitica, Ben Hanania, Der Orient, le Maggio, l’Ariel de Jérusalem, l’Esperanza de Smyrne, le Jaetz de Bucarest, etc., etc.

L’Alliance est absolument étrangère à l’idée de patrie dans le sens que nous prêtons à ce terme ; il serait superflu d’insister sur ce point. Quelques mots de Crémieux résument l’esprit de l’institution plus nettement que nous ne pourrions le faire.

L’Alliance n’est pas une Alliance française, allemands, ou anglaise, elle est juive ; elle est universelle. Voilà pourquoi elle marche, voilà pourquoi elle réussit.

Rien ne montre plus clairement les sentiments qui animent les membres de l’association que les effusions auxquelles les Français allèrent se livrer, entre les bras de leurs frères d’Allemagne, quelques mois avant la guerre de 1870. Écoutez Crémieux vous raconter la séance du 3 février 1870, cette scène idyllique, qui eut lieu à propos d’une souscription organisée en faveur des Juifs de la Pologne russe.

L’Alliance émue, incertaine des mesures à prendre, s’adressa à ses comités d’Allemagne ; elle n’hésita pas, elle les convoqua à Berlin et là, messieurs, nous eûmes une délicieuse réunion. Point de rivalité entre Paris et Berlin, nous étions les aînés en France et nos cadets étaient comme nous dévoués à la grande cause.

Tous y sont : Goldschmidt, le vice-président « toujours empressé quand il faut payer de sa personne et de sa bourse, » Albert Cohn « toujours dévoué » et Leven « qui sanctifiait ainsi son grand deuil. » C’est une vraie fête de famille, un bouquet de fleurs jaunes.

Point de sentiment de rivalité, un concours entier, spontané, sans réserve, la différence de nationalité n’existe pas ; il n’y avait dans notre réunion que des Juifs venant secourir des infortunes juive. Ai-je besoin de vous rappeler que nous étions en Allemagne, dans ce grand pays de savoir et d’intelligence où les esprits, en apparence calmes et froids, se passionnent noblement pour les idées du Beau et du Bien, que nous étions à Berlin, dans ce grand foyer de science que les triomphes sur les champs de bataille viennent de grandir avec tant d’éclat, et que dans notre réunion étincelaient les grandes lumières de l’intelligence ! (Applaudissements.)

Cette réunion eut l’importance historique du fameux convent de Willemsbad où furent résolues la mort de Louis XVI et celle du roi de Suède. Ce fut là qu’on décida l’écrasement de la France qui devait rapporter tant de milliards à la Finance Israélite, et, en désorganisant pour longtemps notre cher pays, permettre aux Juifs d’envahir toutes les situations importantes et d’en chasser tous les Français.

On devine, en effet, de quel poids pèse dans le plateau de la balance le concours de ces hommes de toutes les nationalités étroitement unis entre eux, obéissant docilement à un mot d’ordre. Gambetta rêva sans doute un moment d’avoir à son tour dans la main ce levier qui se déplace selon l’intérêt du moment, mais l’Allemagne avec sa forte organisation, son personnel d’officiers sévèrement fermé aux Juifs, son patriotisme clairvoyant et solide, est autrement difficile à entamer que cette France qui choisit pour la gouverner le premier étranger venu.

Les romans publiés sur la Compagnie de Jésus donnent un peu l’idée de ce qu’est en réalité l’Alliance Israélite universelle. Ce qui n’est pas vrai pour les Jésuites l’est pour elle. Les Juifs, eux-mêmes, ont été frappés de ce rapprochement, en déclarant bien entendu, avec leur modestie habituelle, que tout l’avantage de la comparaison était pour eux et qu’ils ne voulaient que notre bien, ce qui est assez exact après tout, puisqu’ils passent leur vie à nous le prendre.

Je me rappelle en ce moment, disait un de leurs orateurs dans cette assemblée générale du 3 février 1870, où l’on fit un si chaleureux éloge de l’Allemagne, une conversation que j’ai eue naguère avec un coreligionnaire qui avait assisté la veille à une séance de l’Alliance. Je lui demandai son opinion sur notre Alliance et voici ce qu’il m’a répondu :

En assistant hier à votre séance, j’ai pensé au Juif Errant, d’Eugène Sue, à cette scène où Rodin dépouillant sa correspondance trouve des lettres venant des quatre coins du monde.

La comparaison entre ces deux sociétés est juste quant à l’extension et à l’étendue de nos rapports avec le monde, mais ne l’arrête là. Ah ! Quelle différence entre ces deux œuvres ; l’une, dit-on, a des ressorts pour opprimer, l’autre pour affranchir, l’une s’étend pour étouffer la liberté, l’autre pour la donner ; l’une veut éteindre les lumières, l’autre les rallumer ; l’une répand le froid et la mort, l’autre la chaleur et la vie. (Bravos.)

Ce qu’il y a d’amusant c’est que ces Juifs, qui déclarent hautement qu’ils ne sont ni Français, ni Anglais, ni Allemands, reprochent sans cesse aux catholiques dans leurs journaux de reconnaître l’autorité du Pape, d’obéir à un souverain étranger.

Un souverain étranger ! S’écrie le candide prolétaire. Est-il possible ? Et ce bon Juif est-il patriote de tonner contre cette énormité !

Un homme d’esprit prétendait qu’il ne voulait plus lire en fait de journaux que la Gazette de Hongrie. Je me contenterai fort bien, pour ma part, de la lecture du Bulletin de l’Alliance Israélite, et je serais assurément l’homme le plus parfaitement informé de tout ce qui se passe dans le vaste univers.

L’Alliance israélite traite d’égal à égal avec les puissances, elle envoie des notes, des protestations, des ultimatum que les souverains reçoivent avec une docilité exemplaire. Nous avons montré à nos lecteurs, à propos de la question de la Roumanie, la politique extérieure, que Crémieux avait fait accepter du gouvernement républicain. Sous le prétexte, assurément bizarre, que la France, au temps où elle avait son bon sens et où elle comptait dans le monde, a été la seule nation de l’Europe qui ait extirpé complètement les Juifs de son sein, Crémieux prétendait que nous étions les pères, les champions, les tuteurs nés de tous les Israélites de la terre.

Cette thèse a fini par ne plus soulever de contradictions et, dès qu’un Juif est emprisonné pour vol dans quelque coin de la planète, nos ambassadeurs, nos consuls, nos chanceliers, nos drogmans s’agitent, se remuent, trottent, rédigent des mémoires, formulent des protestations. Au zèle déployé on voit de suite quels sont les membres du corps diplomatique qui auront de l’avancement. Mellinet, ministre de France en Roumanie, puis en Perse, se multiplie à Téhéran ; Tissot se met en quatre au Maroc pour mériter d’être envoyé à Constantinople puis en Angleterre, mais Roustan les surpasse tous à Tunis.

Il y a dix ans que j’ai prédit la guerre de Tunisie. Il suffisait de constater que les Juifs n’étaient pas heureux dans la Régence pour prévoir que nos pauvres soldats français iraient quelque jour mourir là Las pour améliorer leur sort. Songez donc, un Israélite ouvrier en galons d’argent reçoit la bastonnade à Tunis pour avoir mis en gage quelques objets qu’on lui avait confiés ! Cela se peut-il supporter ? Quelques Juifs sont expulsés comme l’ont été de simples congréganistes ; l’Alliance réclame à corps et à cris que l’Europe se lève pour punir un semblable crime.

D’effroyables récits nous arrivent d’outre-mer ! Le fanatisme musulman s’est encore une fois déchaîné contre nos frères dans la régence de Tunis et ils ont été victimes d’une terrible persécution. Après avoir subi tous les excès d’une inqualifiable barbarie, ils se sont vus, sur divers points de la Régence, dépouillés de tous leurs biens, chassés de leurs demeures et réduits à chercher un refuge dans les villes de Tripoli et de Tunis. Leur malheur est immense, des populations entières sont dans le désespoir et dans le dénuement, elles implorent le secours de leurs coreligionnaires.

Quelques-uns de nos agents poussent si loin la servilité envers les Juifs, au profit desquels ils rançonnent les gouvernements auprès desquels ils sont accrédités, qu’ils en étonnent même les journaux Israélites. Nous lisons dans les Archives du 13 décembre 1883 :

A la suite d’insultes populaires contre un agent subalterne de la France au Maroc, notre ministre à la cour de Fez a exigé et obtenu une indemnité pécuniaire de 5,000 francs. Il est intéressant de constater que, sur cette somme, 500 francs ont été attribués à l’école israélite des garçons et autant à l’école des filles. Nous nous demandons à quel titre notre culte a bénéficié de cette distribution, n’ayant été impliqué en rien dans l’affaire, et n’étant pas habitué à ces faveurs au Maroc !

Ordega comptait bien jouer les Roustan.

Au mois de mai 1884, nous le voyons déjà venir à Paris pour tâter le terrain, sonder les banquiers, amorcer l’affaire, faire parler de lui, dans les journaux juifs, comme d’un grand patriote. L’Elias Mussali de celui-là était un Juif de Tanger, qui est le vrai maître à la légation : Haïm Benchimol, que nous voyons figurer dans l’Annuaire du Suprême Conseil pour la France et ses dépendances : « No 194. L’Union du Maroc, or.•. de Tanger (Maroc), Vénér.•. le F.•. Haïm Benchimol à Tanger. »

L’opinion, cependant, s’étant montrée tout à fait hostile à une seconde campagne de Tunisie, Ordega, grâce à la protection de l’Alliance, fut, à la fin de 1884, envoyé comme ministre à Bucarest, où les Juifs tiennent à avoir un homme à eux[32]. Il montra là un zèle si inconsidéré qu’il devint impossible, au bout de quelques mois, et qu’on dut le remplacer par M. de Coutouly.

Encore une fois la lecture du Bulletin de l’Alliance israélite, dont beaucoup de nos grands politiciens ignorent même l’existence, est infiniment précieuse. Le côté touchant n’y manque pas. Je suis de ceux qui respectent toutes les croyances et qui regardent la foi, où qu’elle habite, comme le plus inestimable des trésors ; je trouve intéressantes, par la pensée qui les a inspirées, ces souscriptions, petites ou grandes : inscriptions de rentes, obligations, actions libérées ou sommes imperceptibles. Les uns donnent « en mémoire d’un père, d’une mère, d’un fils ; » d’autres « à l’occasion de la Barmitzwah de leurs enfants ; » un M. Geret envoie cinq francs « à l’occasion de sa nomination d’officier de l’instruction publique. »

Les sacrifices que s’imposent les riches Juifs, pour les écoles d’Orient particulièrement, sont parfois magnifiques. Sans doute, c’est l’argent qu’ils nous ont pris qui passe là, mais, encore une fois, il ne faut pas juger leurs actions d’après nos idées qui ne sont point les leurs. Pour eux, ruiner le goy, je ne puis que le répéter, est une action méritoire. Pareils aux chevaliers chrétiens qui enrichissaient les églises des dépouilles des Sarrazins, ils prélèvent, sur ce qu’ils ont conquis, des offrandes qui rappellent l’Omez d’épis remis jadis au Cohène après la moisson et les pains de Proposition déposés dans le Saint sur la table en bois d’acacia[33].

Sur le bénéfice des Bons turcs, Maurice de Hirsch a offert un million pour la jeunesse Israélite d’Orient. Sur les gains du Honduras, les Bischoffsheim ont fondé une école pour les jeunes filles, qui est en même temps une école normale et une école professionnelle, et qui porte le nom d’Institution Bischoffsheim.

Les élèves de l’institution reçues par voie de concours sont âgées de douze à quinze ans. Elles sont nourries, logées, habillées, instruites gratuitement. Les différentes professions enseignées sont celles de lingères, de fleuristes, de couturières, de commerçantes et d’institutrices. Le séjour à l’école est de trois ans ; le nombre des pensionnaires est de cinquante. L’établissement, ouvert en 1872, a formé déjà deux cent trente-six élèves. Celles qui ont terminé leurs études et leur apprentissage en même temps sont placées, par les soins des dames patronnesses qui sont chargées de les surveiller, dans les grands ateliers et magasins de Paris. Celles qui se destinent à l’éducation quittent l’école après avoir subi leurs examens de l’Hôtel de Ville. Parmi ces élèves institutrices, les unes se recrutent à Paris même ; l’autre partie du contingent est fournie par le Maroc ou l’Orient.

L’Alliance a dans tout l’Orient, en Syrie, au Maroc, en Tunisie, en Mésopotamie, à Jérusalem, trente-six écoles qui reçoivent plus de sept mille élèves, dont cinq mille quatre cent garçons et sept cent filles.

C’est dans ces séances de l’Alliance qu’il faut chercher le vrai Crémieux ; il se montre là familier, bonhomme, avec des airs de patriarche en gaîté ; on aperçoit des tableaux de genre tout faits dans le spectacle de ce vieillard qui s’entretient avec les siens. En 1878 on parlait des Israélites de Russie. « Qu’on les laisse commencer, » dit Crémieux, puis baissant un peu la voix, « je suis tranquille, ils sauront avancer, se faire jour (rire général). » A un geste de la main, à un clignement d’œil, tous ces rusés compères, hommes politiques, banquiers, marchands de lorgnettes, s’étaient compris ; ils savaient que, dès que leurs coreligionnaires auraient conquis une parcelle de droits, ils mettraient la Russie et les Russes sous leurs pieds comme eux-mêmes y avaient mis la France et les Français.

Crémieux, dans son testament, tint à laisser publiquement une preuve de sa sollicitude à l’Alliance israélite.

Je lègue, écrivait-il, une somme de 40.000 francs à l’Alliance israélite universelle. Comme l’Alliance n’est pas une société légalement autorisée, j’impose à mes enfants l’obligation de compter, dans les trois mois de mon décès, au président de l’Alliance israélite universelle cette somme de dix mille francs, dont l’emploi sera fait selon la décision que prendra le Comité central[34].

Les catholiques n’eurent garde de blâmer cette disposition. Quel droit plus sacré que celui de disposer d’une partie de son patrimoine en faveur d’une cause qu’on a servie toute sa vie, de se survivre en quelque sorte par sa fidélité à une idée qui vous a été chère, de s’associer par delà le tombeau à des labeurs et à des préoccupations qui ont été les vôtres ?

Supposez que je lègue dix mille francs à l’ordre des Bénédictins, chez lesquels j’ai passé un mois charmant dans ma jeunesse, dont les travaux littéraires et historiques se rapprochent des miens. Voyez-vous d’ici Lockroy ou Camille Dreyfus à la tribune. « Captation ! Messieurs, biens de main morte… Cet homme sait que cette congrégation n’est pas autorisée, et il lui lègue tout de même. Peut-on imaginer un mépris plus profond pour les lois ? Voilà ce qu’enseigne le Syllabus ? Vous n’admettrez pas qu’un Français puisse enrichir un ordre dans lequel il y a des étrangers[35] ! »

Pour ces gens là, en effet, et pour la majorité républicaine suspendue à la poche des financiers juifs, les membres du Comité central, qui habitent Berlin, Munich, Hambourg, ne sont pas des étrangers, et, si on les pressait un peu, ils finiraient par avouer qu’il n’y a que les Juifs qui soient chez eux en France…


LIVRE CINQUIÈME


PARIS JUIF ET LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE


Dans vingt ans je ne sais pas comment diable un chrétien fera pour vivre….
Stern.


La Société du Directoire et la Société actuelle. — Les ruines morales. — L’aristocratie. — La place qu’elle tient encore. — Sa bonté native, son absence de haine, son incurable frivolité. — Le besoin de s’amuser. — Les chasses juives. — La revanche du cerf. — Hirsch et nos officiers. — Le chartrier des La Trémoille. — Dux. — Les Rothschild. — Le bal des victimes. — Ferrières. — Les Sensibilisés. — Les files de charité. — Des comptes fantastiques. — Un journaliste modeste et surpris. — Les cholériques aux Tuileries. — La Loterie des Arts décoratifs. — Un bienfaiteur de l’humanité. — Hecht et ses Courbet. — Reinach et ses Frans Hals. — L’amour du bibelot. — Le truquage. — Saphira. — Les scandales aux courses. — Cercles et tripots. — M. Leconte et le Cercle du Parlement. — Les fournitures militaires. — Les modes. — Le budget d’une honnête femme. — L’argent mal employé. — Les théories du Père Ludovic. — Un favori de l’aristocratie. — La misère cachée. — Sainte Geneviève et le bal des animaux. — L’arbitre de l’élégance. — Arthur Meyer. — Ernest d’Hervilly et le duc de La Rochefoucauld-Bisaccia. — Le journalisme juif. — Le chantage. — Hugelmann, Fiorentino, Eugène Mayer. — Un livre rare. — Anatole de la Forge ou « le galant homme, » — Simia. — Les affolés de réclame. — Madame Adam.— La Finançe & l’Académie. — Le patriotisme du général Boum et la vertu de Madame Cardinal. Le cabotinage général. — Les Juifs et le théâtre. — L’Ami Fritz. — Les américaines. — La reconnaissance des Yankees. — La statue de Bartholdi. — La décoration d’un comédien. — Le cirque Molier. — Les hôtels juifs. — Les Monach. — M. Robert de Bonnières et M. Paul Bourget. — M. Guy de Charnacé et le Baron Vampire. — Paris coupe-gorge. — Malfaiteurs et souteneurs. — Le livre de M. Macé. — Les brasseries de femmes. — La complicité de la police. — La crise ouvrière. — Les marques de fabrique. — La terre en friche. — L’alcoolisme. — L’aqua Tofana. — Le laboratoire municipal. — L’impunité des marchands de vin. — La chasse aux pauvres. — Les chiffonniers. — Les reconnaissances du Mont-de-Piété. — Le peuple attend. — Caractère inévitable de la Révolution. — La fin d’un monde.





C’est un crayon que je veux tracer, et non un tableau que je prétends peindre.

Les Goncourt ont su résumer tout un monde de faits et d’idées dans un volume, admirable à la fois par la netteté de l’impression générale et la richesse des détails : l’Histoire de la Société française pendant le Directoire ; ils nous ont montré, dans des pages pittoresques et fines tour à tour, Paris tel qu’il était au lendemain de la Terreur, avec ses églises dévastées, ses quartiers entiers changés en solitudes, ses hôtels ouverts à tout vent, l’hôtel La Rochefoucauld devenu bazar, l’hôtel Biron transformé en bal public.

Je ne puis espérer arriver, dans un cadre plus restreint, à un semblable résultat. Le monde présent, d’ailleurs, est autrement complexe que celui que les spirituels écrivains nous ont décrit : les ruines morales, qui sont éparses autour de nous, tiennent plus de place que les ruines matérielles.

Il me suffira d’indiquer les points principaux, quitte à compléter plus tard. Ce qu’on entend par une société, c’est-à-dire un ensemble de lois, d’usages, de traditions, n’existe plus. Ce qui parait tenir debout n’est qu’un décor qui ne résiste pas à l’examen. On vit dans un perpétuel mensonge et il est difficile, pour l’observateur, de raisonner d’après des apparences de situations et des étalages de sentiments qui, la plupart du temps, sont absolument faux.

Au premier abord, néanmoins, rien ne semble changé ; les noms en évidence sont des noms de la vieille France et ce n’est pas un des phénomènes les moins étranges de notre époque que de constater quelle vitalité il y a dans cette noblesse, à laquelle il n’a jamais manqué que de croire à elle-même, pour jouer le même rôle qu’en Angleterre.

Cent ans bientôt seront écoulés depuis qu’on a proclamé tous les hommes égaux, qu’on a brûlé solennellement au Champ-de-Mars l’arbre symbolique auquel étaient attachés tous les hochets de la féodalité, les tortils et les couronnes, les écussons et les manteaux de pairs, les parchemins et les généalogies. L’aristocratie actuelle n’a aucune place dans l’organisation contemporaine, elle n’a rien tenté pour en mériter une ; elle contient, en outre, un élément fort considérable de noblesse de cartes de visite, sans compter le nombre incroyable de fils d’acheteurs de biens nationaux qui se sont ennoblis en prenant le nom de la terre que leur grand père avait volée après avoir fait guillotiner le propriétaire légitime.

En réalité, cependant, en dépit de tant de scandales colportés par tous les journaux, l’aristocratie n’a pas complètement perdu tout son prestige dans ce siècle qui se croit si profondément démocratique. Un duc authentique, par ce seul fait qu’il est duc, est quelque chose, il trouve à monnayer son titre, à se marier richement. Cette improvisation fabuleuse d’un petit lieutenant d’artillerie créant des duchés, des comtés, des baronnies, a été prise au sérieux, s’est greffée facilement sur la noblesse ancienne qui s’était constituée comme elle par l’héroïsme militaire. Il y a plus, cette descente de la Courtille héraldique, cette noblesse qu’on a appelée la noblesse de l’almanach de Golgotha, cette invraisemblable éclosion de financiers se déclarant comtes et barons, non pas à la suite de services rendus au pays, mais à la suite de tripotages de Bourse, n’excite déjà plus la gaieté des premiers temps ; on sourit, sans doute, quand on entend prononcer le nom du comte de Camondo ou du baron de Hirsch, mais on s’y accoutume presque.

L’aristocratie, loin de trouver la France nouvelle hostile ou simplement indifférente comme l’Amérique, correspondait tellement aux mœurs et aux habitudes du pays, faisait si bien corps avec lui, qu’elle n’aurait eu qu’à le vouloir pour être une puissance, sinon un pouvoir, une influence considérable, sinon une autorité reconnue. Là encore elle a été au-dessous de sa tâche, elle s’est montrée inhabile à tout.

A la première Révolution, quarante mille gentilshommes, habitués dès l’enfance au maniement des armes, disposant de toutes les situations considérables, tous braves personnellement, ont commencé par préparer le mouvement qui devait les emporter en embrassant avec chaleur les idées nouvelles, puis, au lieu de se concerter, ils ont fui devant une poignée de scélérats. Excepté le prince de Talmont, il n’y eut pas un seul véritable grand seigneur en Vendée ; jamais un prince du sang n’y parut et l’injure jetée à la face du comte d’Artois, par Charrette, prêt à mourir, est restée dans toutes les mémoires[36]. Aussi riches et presque aussi puissants aujourd’hui qu’au moment de la Révolution, les descendants de ces hommes frivoles laissent périr la France avec la même insouciance et ne font rien pour lutter.

A quoi tient cette radicale impossibilité de l’aristocratie Française d’être utile à quelque chose ? Beaucoup de ceux qui la composent sont, par la générosité du cœur, par l’élévation des sentiments, restés l’élite de la société. On rencontre ça et là, dans la noblesse et dans la haute bourgeoisie, de magnifiques dévouements ; il existe là des saints et des saintes inconnus, des femmes jeunes, admirablement belles, soignant des malades, des œuvres soutenues avec une charité sans égale. Tout cela sans bruit, avec la crainte même de la publicité. C’est dans ces classes que se recrutent ces créatures célestes qui intercèdent Dieu pour nous. Si Paris a ses dessous que le regard ose à peine sonder, il a aussi ses dessus que bien peu connaissent, ces dessus où vivent de nobles âmes que le ciel voit plus que nous ne les voyons, car elles sont plus près de lui que de la terre où nous rampons.

Individuellement, je le répète, le véritable noble est généralement très bon. Il fait du bien, mais au lieu de s’en vanter grossièrement, comme le Juif qui bat la grosse caisse dès qu’il a donné cent sous, il cache ses bienfaits avec une délicate pudeur. En province, il y a rarement des pauvres autour des châteaux habités par d’anciennes familles. Dans un petit coin du Forez, que j’ai eu l’occasion d’habiter, le baron de Rochetaillée, par exemple, pour ne citer que ce que j’ai vu, ouvre un compte à tous les habitants indigents chez le boulanger et le boucher, il assure le nécessaire à tous. Il est impossible de mieux remplir les fonctions de ce riche, que Tertullien appelle « le trésorier de Dieu sur la terre. » Les radicaux, pour récompenser cet homme généreux, l’accusent d’enlever le goût du travail à ceux qu’il oblige en les nourrissant et ils espèrent bien, à la prochaine révolution, le guillotiner pour ce motif.

Ceci, j’en suis convaincu, est absolument indifférent au baron de Rochetaillée. L’ingratitude est parfaitement égale à ces âmes. Le noble, le représentant complet de la race aryenne, affinée et comme spiritualisée, est étranger a tout sentiment de rancune. Le christianisme, joint à une manière de penser naturellement grande, a détruit dans ces cœurs tout ressentiment des injures. Le Juif tient à la disposition de ses ennemis tout ce que, selon le mot de Goncourt, « une race, éclaboussée par le sang d’un Dieu, peut avoir de fiel recuit depuis dix-huit cents ans » le noble, lui, n’a ni fiel, ni haine.

Quoi de plus superbe que Montmorency écrivant son testament une heure avant d’aller à l’échafaud et léguant à Richelieu le tableau de Carrache représentant Saint Sébastien percé de flèches qui est maintenant au Louvre ? Plus tard, quand, dans sa cellule de la Visitation de Moulins, la duchesse revit en songe le mari qu’elle avait si tendrement aimé, malgré ses infidélités, elle apprit de lui qu’il était au nombre des Elus. — Quelle est surtout celle de vos actions qui vous a fait accorder cette grâce souveraine ? Lui demanda-t-elle. — La facilité avec laquelle j’ai pardonné. Dieu m’a fait miséricorde parce que je me suis montré miséricordieux envers ceux qui ont souhaité ma mort[37].

Dans le livre si touchant de M. Charles d’Héricault, Histoire de la Révolution racontée aux petits enfants, vous trouverez mille choses de ce genre. Quelle est belle cette réponse du pauvre petit Dauphin accablé de mauvais traitements, roué de coups par Simon !

— Que me feras-tu, Capet, lui dit un jour Simon, si les Vendéens viennent te délivrer ?

Le Dauphin se rappela la promesse qu’il avait faite à son père, et il répondit :

— Je vous pardonnerai…

N’est-il pas encore d’une délicatesse exquise ce fait que raconte Renan dans ses Souvenirs d’enfance et de jeunesse ? Après la Révolution, les demoiselles nobles pensionnées à l’hospice de Tréguier mettaient, le soir, des chaises devant la porte et devisaient dans cette tranquillité d’un jour finissant qui enveloppe les villes de province de je ne sais quelle poésie silencieuse. Quand elles voyaient arriver ceux qui s’étaient enrichis à leurs dépens, elles ôtaient leurs chaises et se retiraient à l’intérieur ou allaient prier à la chapelle pour ne pas faire rougir ces richards, pour ne pas faire éprouver un sentiment de honte à ces voleurs légaux. On a cité cent fois ce mot imbécile et charmant de Charles X, au moment de signer une nomination à une recette générale.

— Je dois prévenir Votre Majesté que c’est le fils d’un régicide.

— On ne choisit pas son père.

Il est vrai que la place qu’il accordait au fils d’un régicide, le roi l’aurait refusée au fils d’un chouan qui serait mort pour sa cause. L’oubli des services rendus, chez les Bourbons et chez tous ceux qui appartiennent à ce parti, a toujours été égal à l’oubli des offenses. Dans ces têtes légères rien ne laisse d’impression profonde, et la douceur native reprend vite le dessus, « Brillants oiseaux à l’élégant plumage, » dit le poète grec en parlant des Aleméonides.

Qu’est donc l’inoffensive Terreur blanche à côté de cette Terreur rouge, qui, d’après Berriat Saint-Prix, fit trente mille victimes ?

En dehors de quelques personnalités éclatantes, comme Montalembert, le duc de Broglie, le comte de Mun, le cerveau de l’aristocrate est d’ordinaire très faiblement organisé. Il y a plus d’énergie intellectuelle, de volonté, de ténacité dans les desseins chez le dernier Juif de Galicie, que dans tout le Jockey-club. Sur tous les membres des grands cercles, vous n’en trouveriez pas dix qui aient lu Joseph de Maistre, tous les contremaîtres, la plupart des ouvriers de Paris, ont lu et étudié Karl Marx. Dans le logement de ces jeunes artisans, qui n’ont pour s’instruire que la soirée après une journée de fatigue, vous trouverez un commencement de bibliothèque, des volumes lus, relus, annotés ; la noblesse achète des livres, il est vrai, mais elle ne les lit presque jamais.

Cette absence de toute culture intellectuelle sérieuse enlève à l’aristocratie la notion de son rôle supérieur dans la société. Toute aristocratie, a dit Blanc de Saint Bonnet, qui laisse monter vers elle l’esprit d’en bas est troublée par l’alliage. Il ne faut pas qu’elle prenne du peuple et se fasse commune, il faut qu’elle donne d’elle au peuple et le fasse noble[38].

Ailleurs l’illustre penseur a donné une autre forme à cette définition des devoirs de l’aristocratie. De la Restauration française. Il faut, écrit-il, que sans cesse l’aristocratie se purifie et reste elle. Ce qui a lieu par l’application des principes qui l’ont distinguée. Le jour où elle se laisse reprendre par l’esprit du peuple, la décomposition de la nation commence. L’aristocratie peut de plus en plus s’ennoblir pour ennoblir de plus en plus la foule ; mais elle ne peut rien ennoblir de ce qu’elle reçoit de la foule.

C’est en vain que chez nous certaine noblesse a cru ennoblir les instincts qu’elle recevait du peuple, le goût de la paresse, du commode, du bien-être, de la vanité, des dépenses, de la table, du vin et des femmes ; elle n’a réussi qu’à se désennoblir elle-même et à priver le peuple d’une aristocratie réelle.

Après s’être désennoblie, en faisant passer avant tout les sens qui rendent tous les hommes égaux, les représentants de l’aristocratie en sont arrivés à perdre même l’espèce de suprématie élégante qu’ils avaient là encore, ils en sont descendus à ne plus pouvoir penser par eux-mêmes, même en matière d’opéra et de toilette. On leur vante des œuvres, des artistes de vingt-cinquième catégorie, qui n’ont d’autre mérite que d’être d’origine juive, des costumes ridicules et grotesques et ils applaudissent à tout rompre, ils se pâment, ils se roulent, ils disent d’un air hébété : « Ah ! Que c’est Pschut ! Ah ! que c’est V’lan ! »

Rien n’est singulier comme de voir l’aristocratie en être tombée, à Paris du moins, à perdre ainsi la direction et la maîtrise de cet empire du goût et de la mode qu’elle posséda si longtemps sans partage, avoir même laissé échapper ce sceptre futile, ne plus regarder les moindres choses que par les yeux des Juifs. On se rappelle l’histoire du baron de Rothschild devisant avec un joaillier juif du reproche que leur faisaient jadis les chrétiens de ne pas manger de porc — S’ils l’aiment tant le cher animal, il faut le leur faire porter comme décoration. — C’est une idée ! Huit jours après, à notre époque triste, tous nos élégants et toutes nos élégantes adoptaient comme fétiche le petit cochon d’or, minuscule emblème d’une dégradation dont ils étaient les premiers à rire !

Cette impossibilité de penser par soi-même, cette facilité à se laisser conduire, fait d’admirables officiers de ceux qui, au lieu de traîner à Paris une existence qui est inutile parce qu’ils ne savent pas l’employer, entrent et restent dans l’armée. La discipline les dispense d’avoir un avis et ils en sont tout heureux. Ne demandez, en effet, même aux chefs, aucune initiative. Après avoir reconquis Paris sur l’insurrection, au risque de leur vie, ils se le sont niaisement laissé reprendre par quelques faiseurs de phrases, ils ont subi humblement toutes les injures qu’on leur a prodiguées. Aucun, pour sauver son pays de la honte, n’a eu la résolution d’enlever son régiment, sa brigade, sa division, non par respect pour l’autorité, croyez-le bien, mais parce que, pour agir de soi-même, il faut commencer par réfléchir et qu’un tel travail est au-dessus de leurs forces.

Le sentiment dominant dans l’aristocratie française et dans la haute bourgeoisie, qui marche dans son sillage, c’est l’amour du plaisir. Je ne parle pas, remarquez-le bien, de la débauche. La débauche est un violent stimulant qui, chez certaines natures, n’exclut pas l’énergie. Le lord d’Angleterre dévoré par le spleen s’efforce parfois de noyer, sous des flots d’ale et de scherry, l’Hamlet morose et maladif qui existe dans tout Anglais ; il est Falstaff avant d’être Nelson, Chatam ou Byron. Dans les universités d’Outre-Rhin, l’Allemand prélude, par des lippées dignes des buveurs très illustres de Rabelais, à sa destinée de soldat ou d’homme politique ; il est Gargantua avant d’être Bismarck. Le Français n’a point ces goûts que trahirait la faiblesse de son estomac ; on ne cite même plus de grands viveurs, comme on en comptait par centaines, il y a cinquante ans. Ce qui subsiste c’est, encore une fois, l’amour du plaisir, le désir de s’amuser.

La duchesse de Persigny était née dans un chapeau de pierrot. Sa mère était accouchée au moment où le général de la Moskowa allait partir pour le bal de l’Opéra et le père, à la hâte, avait recueilli la petite dans son grand chapeau aux rubans multicolores. Il semble que l’aristocratie française actuelle ait eu un semblable berceau : en dépit des avertissements sinistres, qui ne lui manquent pas, elle éprouve comme des fourmillements dans les jambes quand elle est quelque temps sans danser.

Cette passion impérieuse livre, on le comprend, tous les grands seigneurs pieds et poings liés aux Juifs.

La chasse est au premier rang des divertissements de bonne compagnie.

La chasse, que l’aristocratie aimait parce qu’elle était l’image de la guerre, fut un malheur et devint presque un vice pour elle. Parmi tous les prétendus abus reprochés à l’ancien régime par des rhéteurs, qui ont fait cent fois pis dès qu’ils ont été au pouvoir, bien peu restent debout, depuis que la critique sérieuse a étudié ces questions ; l’abus du droit de chasse, les mesures impitoyables prises pour protéger ce droit n’ont point été justifiées. En certaines contrées, le paysan n’avait pas la permission de pénétrer dans son champ ! Il faut lire ce chapitre dans Taine pour comprendre les colères qui se formaient autour du château, grâce à cette réglementation trop sévère.

Par amour pour la chasse, la noblesse s’était aliéné les paysans, la même passion l’a amenée à fréquenter les Juifs, à aller chez eux, à manger à leur table.

Aujourd’hui nous assistons à la revanche du cerf. Pauvre cerf ! combien de fois, bramant, le cœur battant, a-t-il pleuré de ses yeux doux, cherché un refuge dans l’eau claire qui le tente, qui lui communique une sensation de bien-être et qui bientôt glace ses jambes en sueur, le paralyse et le livre à la meute ardente qui s’est lancée après lui ! Combien, en assistant à cette douloureuse agonie, que contemplaient, avec des frémissements de volupté aux narines, des femmes accessibles à toutes les tendresses dans la vie ordinaire, ont éprouvé l’émotion du sentimental Jacques de Comme il nous plaira :

Aussi bien, dit le premier Seigneur au vieux Duc, cela navre le mélancolique Jacques. Il jure que vous êtes, sous ce rapport, un plus grand usurpateur que votre frère qui vous a banni. Aujourd’hui, messire d’Amiens et moi-même, nous nous sommes faufilés derrière lui, comme il était étendu sous un chêne dont les antiques rameaux se projettent sur le ruisseau qui clapote le long de ce bois. Là, un pauvre cerf égaré, qu’avait blessé le trait des chasseurs, est venu râler ; et vraiment, monseigneur, le pauvre animal poussait de tels sanglots, que, sous leur effort, sa cotte de cuir se tendait presque à éclater. De grosses larmes roulaient, l’une après l’autre, sur son innocent museau. Et ainsi la bête velue, observée tendrement par le mélancolique Jacques, se tenait sur le bord extrême du rapide ruisseau qu’elle grossissait de ses larmes. Et lui jurait que nous sommes de purs usurpateurs, des tyrans, et ce qu’il y a de pire, d’effrayer ainsi les animaux et de les massacrer dans le domaine que leur assigne la nature.

N’est-il pas vengé le cerf infortuné, traqué ainsi de siècle en siècle, par le spectacle de tous ces porteurs de beaux noms se traînant, sous l’ironique sourire des valets, à la suite de quelque immonde Juif d’Allemagne et de Russie qui a bien voulu inviter la noblesse à se divertir avec lui ?

Que de souvenirs viennent à ces malheureux ! Ces forêts où ont chevauché les ancêtres, les conquérants hardis de la vieille Gaule, noire de bois, sont hantées encore par les légendes du passé. Les Fées ont habité au bord de ces étangs et c’est ici, peut-être, qu’au-dessus de la ramure d’un cerf, la figure de Jésus-Christ, toute resplendissante de clarté, apparut à saint Hubert. Les soirs d’hiver, au milieu d’ombres fantastiques, une chasse étrange, la chasse royale faisait retentir les halliers de clameurs qui n’avaient rien d’humain. Quand un roi devait mourir, un personnage mystérieux, proche parent du Petit Homme rouge des Tuileries et qu’on appelait le Grand Veneur, prononçait trois fois le nom de celui qui allait disparaître.

L’âme de notre histoire ne parle-t-elle pas dans tous ces lieux ? Fontainebleau à demi païen, où les Nymphes de Jean Goujon semblent errer dans les allées, ne raconte-t-il pas François Ier, le Primatice, la poésie automnale de cette fin de règne où le paladin de Marignan vint chercher le repos dans ce palais fait à l’image de l’Italie qu’il avait rêvé de conquérir ? Tout un monde ne ressuscite-t-il pas dans cette chambre des Cariatides où « Jean Goujon, dit Michelet, communique aux pierres la grâce ondoyante, le souffle de la France, sait faire couler le marbre comme nos eaux indécises, lui donne le balancement des grandes herbes éphémères et des flottantes moissons ? » Versailles ne dit-il pas tout un siècle en un mot et les brillantes cavalcades et les grandes dames dans les calèches que Louis XIV aborde chapeau bas, et les splendeurs de tout ce règne évanoui ?

Parfois, quand le soir tombe, cette vision des temps lointains vient à plus d’un duc, d’un marquis, d’un comte honteux d’être le compagnon de tous ces coupeurs de bourse juifs que ses aïeux n’auraient pas regardés, et il murmure avec le poète :

Ah ! Que le son du cor est triste au fond des bois !

Fontainebleau est à Ephrussi, Versailles est à Hirsch, Ferrières est à Rothschild.

Nous apprenons de temps en temps que M. Ephrussi « a découplé à la Malmontagne un cerf dix cors, et qu’après une heure de chasse l’animal a battu au change ; » une autre fois : « il brise dans les grands Feuillards et goûte l’eau à la mare aux pigeons. » Cahen d’Anvers se manifeste aux Bergeries. Quant à Hirsch, qui fait aussi belle figure au faubourg, ce qu’il chasse de préférence ce sont les officiers français.

Ce n’est pas un des spectacles les moins intéressants de notre époque que celui de ce baron de contrebande protégé, encouragé dans sa folie maniaque par Dreyfus, l’ancien député juif de Seine et Oise, et disant à ses gardes : « Dès que passe un Français, tirez dans le tas ! » Ce tyranneau occupe même ce terrain d’une façon absolument illégale, puisque le conseil municipal de Versailles a protesté contre la cession qui lui en a été faite. N’importe ! Il s’y conduit comme en pays ennemi ; les faits se passent à quelques Lieues de Paris sans que personne ait jamais osé les porter à la tribune : la gauche, on le sait d’avance, se lèverait en masse pour couvrir la voix d’un orateur qui oserait attaquer un financier juif.

Le seul journal républicain, qui ait jamais parlé de ces indignités, est le Temps. Il est vrai que l’article emprunte à la modération bien connue de son auteur, M. Jules Claretie, un accent particulier.

Les journaux de Seine-et-Oise, écrit-il, sont, sans aller plus loin, remplis chaque semaine des exploits des gardes d’un gros financier qui a loué une partie du parc de Versailles.

Des allées où les enfants passent, des fourrés où les promeneurs s’égarent ! Des nids de verdure où l’on aimerait à se perdre un livre à la main !

Un instant : attention à vous ! Il y a presque péril de mort ! Les gardes du baron Hirsch sont là tout près, le fusil chargé. Le Petit Versaillais, un journal du pays, conte que, l’autre jour, une ordonnance traversait à cheval l’avenue qui conduit du boulevard de la Reine à la porte Saint-Antoine. Deux beaux chiens de chasse suivaient, appartenant à des officiers. L’un d’eux entre sous bois ; il revient bientôt avec la patte cassée et un œil crevé. L’autre disparaît dans une haie : il est tué raide. Le brigadier de gendarmerie a déclaré que M. le baron Hirsch donne à ses gardes un franc de prime par bête fauve abattue, avec prescription d’assimiler aux fauves tous les chiens rencontrés dans sa chasse. Mais sa chasse, c’est une propriété de l’Etat. Mais on devrait pouvoir prendre le frais dans sa chasse sans courir le risque de recevoir des grains de plomb dans le visage ! Un officier, la semaine passée, se promenait avec son enfant dans une allée en contrebas d’un taillis. Tout à coup quelqu’un tire. Le plomb fait pleuvoir des feuilles criblées sur la tête du petit, et l’enfant a peur. Le garde interpellé par l’officier répond simplement : « J’ai tiré sur une fouine. Quand j’en rencontre, j’ai ordre de tirer !

Avouez, entre nous, que ce garde a eu de la chance de tomber sur un officier contemporain ! S’il avait fait cette réponse à Kléber, à Desaix, à Marceau, à Pélissier ou à Bugeaud dans leur jeunesse, je crois que le baron Hirsch aurait passé un mauvais quart d’heure !

Après nos officiers, ce que le baron Hirsch déteste le plus, ce sont nos ouvriers. Il prend nos capitaux, mais il proteste avec indignation, dans la Gazette de Cologne, contre le soupçon même d’avoir fourni du travail à un seul Français :

La compagnie des chemins de fer ottomans, dit-il, a un caractère spécialement allemand ; elle a appelé en Turquie des centaines d’employés allemands, leur a fait une position, et leur a donné une existence, à eux et à leurs familles, fondant ainsi, sur le territoire turc, une véritable colonie allemande. Locomotives, voitures, ponts de fer, rails, etc., c’est presque exclusivement en Allemagne à Hanovre, Nuremberg, Mayence, Cologne, Dortmund et dans bien d’autres ateliers allemands qu’elle a tout fait faire, ouvrant à l’industrie allemande un champ fécond.

Pour le personnel des employés, composé presque exclusivement de l’élément allemand, pour la colonisation allemande, ce serait un pitoyable résultat de voir des capitalistes étrangers, français ou anglais, par exemple, prendre en Turquie la place de la Compagnie existante, et je suis bien persuadé que vous seriez vous-même désolé d’avoir prêté la main à un résultat de ce genre.

Ces sentiments si français ont naturellement concilié au baron et à la baronne de Hirsch la sympathie de notre aristocratie. C’est le prince de Sagan qui fait les honneurs de cette demeure dans laquelle le général d’Abzac et le comte de Chabot jouent un peu le rôle de chambellans. Le comte de Fitz-James, avant son mariage, était employé dans la maison à cinq mille francs par mois. Le comte d’Andigné brigue l’avantage de conduire le cotillon dans les fêtes, tandis que le marquis de Massa se charge des intermèdes, et fait représenter là des petites pièces comme la Cicatrice.

Hirsch occupe à Paris une situation relativement supérieure à celle des Rothschild. Il est le baron comme les autres sont les barons. Au rebours des Rothschild, qui tiennent à personnifier une collectivité, le baron tient à être seul et laisse toute sa famille dans un demi-jour dédaigneux. Il n’a point la morgue et la hauteur des Rothschild, que l’on ose à peine aborder maintenant dans un salon ; parvenu réjoui, il est infiniment plus ouvert, plus rond que les princes d’Israël, et, somme toute, moins ridicule qu’eux. Il est insolent sans doute, mais son insolence est goguenarde et familière. Haut en couleur, les narines ouvertes, heureux de vivre quand il ne se roule pas dans d’atroces douleurs hépatiques, il est volontiers bonhomme avec une pointe de raillerie ; il dit, par exemple, à de grands seigneurs qui viennent quêter chez lui pour des blessés carlistes : « Je veux bien vous donner quelques billets de mille francs, mais êtes-vous bien sûrs que cet argent ira aux carlistes ? »

Cette différence d’allures avec les Rothschild s’explique facilement. Les Rothschild ont hérité d’une situation sociale déjà créée par leurs parents, qui ont essuyé les premières rebuffades ; ils croient, jusqu’à un certain point, appartenir à l’aristocratie ; Hirsch, au contraire, croit que l’aristocratie lui appartient.

Cette place dans le monde élégant, qui lui faisait tant envie, Hirsch, en effet, l’a conquise petit à petit, par lui-même ; il sait le tarif de chaque scrupule et le prix marchand de chaque conscience. Avec Bismarck et Gambetta, c’est un des trois grands mépriseurs d’hommes de l’époque, mais le mépris chez lui n’est tempéré par rien. Si Bismarck a pu apprécier toute la lâcheté humaine dans les diplomates et les politiques à genoux devant sa fortune, il ne peut méconnaître les beaux côtés de l’humanité quand il songe à tant d’obscurs héros qui se sont sacrifiés pour la gloire de l’Allemagne. S’il avait dans son entourage les plus effrayants échantillons de la servilité, Gambetta pouvait se rappeler, qu’au commencement de sa carrière, beaucoup d’êtres désintéressés et naïfs l’avaient soutenu en croyant aider au triomphe d’un principe. Hirsch n’a jamais vu dans sa vie un être humain qui se soit adressé à lui autrement que pour lui demander de l’argent.

Il a grandi à mesure que la France s’abaissait. Il y a quelques années à peine, les déclassés du monde eux-mêmes refusaient ses invitations, aujourd’hui les plus qualifiés sont heureux de monter le fameux escalier. Cet escalier, disons-le en passant, ne justifie guère la bruyante admiration dont il est l’objet. L’architecte l’a signé comme Raphaël aurait signé un de ses tableaux : Emile Peyre fec. Véritablement il n’y a pas de quoi être si content de soi. On ne peut imaginer rien de plus incohérent et de plus disproportionné que cet escalier ; il est assez large à sa base pour qu’un régiment puisse y défiler, il est si étroit au sommet qu’on croirait qu’il ressemble au reste de la maison et que c’est un escalier dérobé.

C’est du haut de cet escalier que le baron dit un jour à son fils, en regardant monter les ducs, les princes et les marquis : « Vous voyez tous ces gens-là, dans vingt ans, ils seront tous nos gendres ou nos concierges. »

L’été, les visiteurs se pressent à Beauregard. Qui ne voudrait pénétrer dans la salle à manger ?

C’est, dit l’Evénement, qui se connaît en raffinements mondains presque autant que le Gaulois, une pièce absolument remarquable dont les portes et les boiseries de noyer sculpté sont des merveilles. Quatre grandes baies vitrées versent le jour et découvrent de toutes parts l’horizon qui se reflète dans l’immense glace formant le panneau du fond. En sorte que, pendant qu’on dîne, les jeux sont charmés par le spectacle féerique et toujours renaissant donné par la nature.

Le Dressing room « blotti entre la serre et la chambre à coucher de la baronne » n’est pas mal non plus.

D’un style Louis XV très pur, il a été très exactement copié sur celui qu’une Electrice de Bavière s’était aménagé au palais de Nymphenbourg. Les tentures sont azur et argent, et, afin d’harmoniser les plafonds, la baronne, ne trouvant pas en France d’ouvriers compétents, a dû en amener de Bavière pour argenter tous les reliefs des moulures.

De vieux fauteuils en soie blonde fondent leur coloris très doux dans ces tons pâles. Mais, la merveille, c’est la toilette toute re- couverte de vieilles aubes d’Argentan, supportant un miroir dont le cadre en argent ciselé est un véritable joyau. Au-dessus de ce miroir, une glace de Venise est suspendue au mur, pareille à un bloc de pierreries. Le cadre de cette glace est une pièce unique, tout en cristal de roche, orné de guirlandes dont chaque grappe est formée d’améthystes, de grenats, de topazes et autres pierres incrustées dans le cristal.

Les chambres d’amis sont fort avenantes.

Le luxe de ces pièces est la fraîcheur qui est la grâce de la campagne. Dans chacune, un petit thé en argent ciselé ou en vermeil, de style et de ciselures différents, met un grain de faste élégant. Les draps de batiste, tous garnis de vieilles dentelles flamandes, floconnent sur la cretonne claire. C’est doux, c’est gai, cela enchante et cela retient.

Que ne ferait-on pas pour coucher dans des draps qui floconnent et qui retiennent ? « Aussi est-ce une joie très enviée de compter parmi les invités de la baronne, et les séries se succèdent à Beauregard comme jadis à Compiègne. Parmi les plus assidus : la duchesse Decazes, la duchesse de Castries, la marquise de Beauvoir, la comtesse de la Ferronays, la marquise d’Hervey de Saint-Denis, la comtesse de Chavagnac (aujourd’hui la comtesse de Pontevès), le marquis de Scépeaux, le comte de Béthune, le marquis de Fontenilles, la princesse Hohenlohe, la comtesse de Divonne, la marquise Bonnet, le comte de Beust, etc., etc. »

Dans ces fêtes d’ostentation, le Juif encore se révèle. Toute la chasse est vendue d’avance à des marchands de comestibles ; les hôtes du châtelain ne viennent guère faire là que le métier de tueurs, de garçons bouchers.

Autrefois, à Ferrières, quelques invités, désireux de rapporter à Paris les preuves de leurs exploits, éludaient la consigne et gardaient quelques pièces dans leur carnier. Le cas était prévu ; guidé par un chien spécial admirablement dressé à cet usage, le baron James visitait les chambres pendant qu’on prenait le café et confisquait impitoyablement tout gibier indûment conservé.

Dans ces conditions, la chasse n’est plus qu’un massacre, et Veuillot, le glorieux plébéien, avait bien raison lorsqu’il écrivait à sa sœur : « Je me prive soigneusement de la chasse ; l’enfant du peuple ne veut point de ce plaisir royal. Quant à faire semblant, comme chez les Rothschild, à assassiner des poules faisanes, amenées à l’abattoir par des valets galonnés, c’est bas. »

À ces parodies de la vie d’autrefois, il faut ajouter la chasse à courre avec un cerf en boîte. On entretient un malheureux cerf dans un parc, puis on le met dans une boîte, on le transporte dans un lieu déterminé, on le poursuit avec fureur ; au moment où il est près d’expirer, on s’arrête, non par humanité, mais par avarice, on ranime l’animal en lui faisant boire de l’eau-de-vie et on le réintègre dans sa boîte. N’est-ce pas tout un monde, cette chasse économique avec des habits rouges et des boutons de vénerie ?

En toutes ces charges qui rappellent l’ancienne vénerie, comme Croquefer rappelait les Chansons de gestes, figurent des noms de gentilshommes authentiques, qui font un singulier effet. Comme ils doivent s’étonner d’être là ! Avez-vous jamais vu, en allant au Bois dans l’après-midi, l’homme qui sert d’écuyer cavalcadour à la baronne de Rothschild ? C’est un vrai duc de la Trémoille. Lui-même, plus instruit que la plupart des membres de l’aristocratie, a classé, sans l’aide d’aucun paléographe, les papiers de sa famille et, sous ce titre, le Chartrier de la Trémoille, il a publié un magnifique volume qu’il n’a pas mis dans la commerce et qu’il a généreusement distribué aux bibliothèques et aux sociétés savantes.

Les quelques lignes que le duc de la Trémoille a placées en tête de ce volume, qui est, avant tout, un livre familial, précisent bien l’intention de l’auteur et frappent par une belle allure de simplicité.

A Louis-Charles-Marie de la Trémoille.

Désirant, mon cher Louis, te voir partager l’intérêt, je dirai l’affection que je porte à mes vieux parchemins et papiers, je vais essayer de te les faire connaître. Mon travail aura, en outre, pour but de t’apprendre sommairement l’histoire de ta famille.

J’ai réuni à cet effet, depuis Guy VI de la Trémoille, une série de lettres et de pièces qui se suivent sans interruption de père en fils jusqu’à moi.

Les chartriers que nous avions en divers châteaux ont été détruits ; celui de Thouars seul a été sauvé. Ce ne sont pas cependant les dangers qui lui ont manqué ; il a couru plusieurs fois risque d’être brûlé pendant les guerres de Vendée. La porte de fer qui le fermait est criblée de balles, dont plusieurs ont fait leur trou ; mais heureusement le feu n’a pas pris et la porte a tenu bon. A peine échappés aux dangers de la guerre, les vieux titres ont été mis au pillage par les bonnes femmes de Thouars, qui venaient chercher les plus belles feuilles de vélin pour couvrir leurs pots de confitures.

L’humidité, les rats et, enfin, bon nombre de soustractions faites par les chercheurs d’autographes ont notablement diminué notre dépôt d’archives ; mais ce qui reste est encore assez considérable pour consoler de ce que nous avons perdu.

N’est-il pas vrai que cela vous a un certain ton qui ne sent point le parvenu et le Juif ?

Rien n’est intéressant, d’ailleurs, comme l’histoire d’une si illustre race, faite uniquement avec des documents et des lettres autographes. On y suit de siècle en siècle les transformations de la noblesse. Le féodal traite presque d’égal à égal avec le roi, il lui prête de l’argent pour lever des troupes, afin de repousser les Anglais. Un Talmont meurt à Marignan, un la Trémoille tombe à côté de François Ier, à Pavie, après avoir reçu trente-sept blessures. Les rapports du duc de la Trémoille et d’Henri IV sont encore ceux de l’amitié ; le roi écrit à son fidèle compagnon d’armes pour lui expliquer les motifs de sa conversion. Puis la noblesse militaire devient la noblesse de cour ; il n’est plus question que de cordons bleus et de gouvernements, et, à la veille de la Révolution, Marie-Antoinette écrit à sa cousine pour lui promettre une faveur de ce genre. Le prince de Talmont, on le sait, prend une part glorieuse à la guerre de Vendée. Par un raffinement de cruauté, on l’amène de Rennes à son château de Thouars pour être guillotiné dans la cour d’honneur. Après l’exécution, les paysans, que la famille a comblés de bienfaits pendant des siècles, dansent en rond autour de la tête attachée à une pique, en chantant :

Monsieur de la Trémoille
Mouille !
Monsieur de la Trémoille
Mouillera !

Et regardez le contraste ! Cet homme qui a le souci de sa race, qui, pareil à ces chevaliers qui préparaient d’avance le tombeau où ils devaient reposer morts, élève aux siens un monument digne d’eux, est le commensal assidu de ces rogneurs d’écus de Francfort, enrichis par les spéculations que vous connaissez.

En voyant tombé si bas ce descendant de tant de connétables, de ducs et pairs, de grands et fiers seigneurs, je songeais au Dux que Cladel écrivit sur le conseil de Baudelaire. Ce n’est pas le premier venu que ce romancier au style tourmenté. Les autres ne se préoccupent jamais de chercher d’où vient le personnage qu’ils mettent en scène ; c’est un passant quelconque qui arrive on ne sait d’où. Cladel, au contraire, reconstitue avant tout l’origine de ses héros, il connaît qu’un Celte, un Germain, un Gallo-romain ne se ressemblent nullement, il sait la force de cette tradition qui s’incarnera peut-être dans un homme de vrai tempérament français, qui sauvera la Patrie, parce qu’il ne daignera même pas prendre la peine de discuter toutes les turlutaines déclamatoires mises en circulation par la presse franc-maçonne et juive.

Dux est le plus affreux cocher qui ait jamais promené à travers les rues de Paris, sous la neige et sous la pluie, une santé de fer, une soif inextinguible et une insolence qui n’a point de pareille ; il a l’horreur du bourgeois, il le devine d’instinct, il le couvre de ses épithètes injurieuses, il le déshonore par la familiarité de son tutoiement. Arrogant, solitaire, il va ainsi par la ville, et l’observateur, dans cet automédon, moins poli que ses chevaux, reconnaît un descendant des seigneurs à bec d’aigle de jadis, le type dégénéré du féodal.

Si on lui eût donné le choix, qui sait si Dux n’aurait pas aimé mieux vivre libre parmi les cochers que de meubler les salons de Rothschild ?

Pour une partie de la noblesse, la maison de Rothschild joue le rôle que jouait autrefois la maison de France. C’est une bizarre et curieuse destinée que celle de cette famille à laquelle nous consacrerons plus tard une étude spéciale, et qui est si intimement liée à l’histoire de ce siècle. Nous ne voulons en prendre aujourd’hui que le côté qui touche à la vie mondaine. Là encore les Rothschild ont eu à lutter longtemps. Il y a quarante ans, l’aristocratie bondissait d’indignation à la seule pensée de voir les Juifs se mêler à elle.

Nous avons rappelé le fi donc ! éloquent et laconique de la duchesse d’Angoulême ; il fallut mettre toute la diplomatie européenne en mouvement pour obtenir que les Rothschild fussent admis, non au cercle de la Cour — tous les chambellans auraient rendu leurs clefs à une telle proposition — mais fussent autorisés à se présenter aux Tuileries les jours de grandes cohues officielles. Trois fois l’huissier, suffoqué d’une telle audace, les mit à la porte, trois fois ils se représentèrent avec un sourire engageant.

Les auteurs d’un spirituel opuscule, paru en 1826 : Biographie des dames de la Cour et du faubourg Saint-Germain, ont raconté tout au long cet épisode de l’histoire intime de la Restauration. Leur portrait de la baronne Esther-Rebecca de Rothschild figurerait, sans désavantage, à côté de certains croquis de Tallemant des Réaux.

L’un des modernes flambeaux de l’antique Sion : femme, fille et sœur d’honnêtes Israélites voués au culte du Veau d’or, elle crut pouvoir comme son mari traiter les rois d’égal a égal. Elle fit mettre ses chevaux à la voiture et ordonna qu’on la conduisit aux Tuileries. Mais là, cruel désappointement ! On refusa de la recevoir[39].

Piquée au vif elle revient chez elle ; des pleurs coulent de ses yeux. Jérusalem ! s’écrie-t-elle, Jérusalem ! Quelle offense pour ton peuple ! Des courriers extraordinaires sont expédiés sur-le-champ à toutes les cours d’Allemagne pour les instruire de ce grand événement. Les rois s’agitent, les conseils s’assemblent, les diplomates discutent. Metternich prend la plume, l’ambassadeur d’Autriche court aux Tuileries, la porte à deux battants s’ouvre et notre baronne a franchi la salle des Maréchaux. Alors tout est joie dans Israël ; les montagnes bondissent comme des béliers, les collines comme les petits des agneaux. Les harpes qui dormaient suspendues aux saules du rivage frémissent de nouveau sous les doigts des filles de Sion et le peuple élu célèbre encore une fois le merveilleux passage de la mer Rouge.

À propos de la mer Rouge, savez-vous que cette couleur est celle que notre Crésus circoncis affectionne de préférence et que c’est avec un uniforme rouge, surchargé de deux épaulettes de colonel, qu’il a coutume d’assister à toutes nos réjouissances nationales ? Sa fidèle Rébecca, l’élue de son cœur, l’ange de ses affections l’accompagnait au dernier bal de la Ville. Cette perle d’Israël qui peut avoir vingt huit ans, était enchâssée dans une embrasure de croisée, entre deux diamants chrétiens d’une si belle eau qu’ils absorbaient tout son éclat.

Ces sentiments de répulsion subsistèrent très longtemps. En 1846, en l’honneur de l’arrivée à Baden d’un souverain étranger, on voulut organiser un bal. On nomma, pour régler les détails de la fête, trois commissaires, parmi lesquels M. Maurice de Haber. Les deux autres refusèrent d’avoir pour collègue un Juif, quoique ce collègue fût M. de Haber, le richissime banquier de Cologne, allié à la famille d’un maréchal de France, à la famille de Grouchy. M. de Haber envoya des témoins. Les commissaires refusèrent de se battre avec lui et ne consentirent à croiser le fer qu’avec un de ses amis.

« Le piquant de l’affaire, disent les Archives israélites[40], auxquelles nous empruntons cette histoire, c’est que M. de Haber, bien que gendre de M. Worms de Romilly, président du Consistoire central, n’appartenait plus au Judaïsme, mais bien à la religion protestante. Mlle de Haber, sa fille, s’était convertie quelques mois auparavant au catholicisme, à seule fin d’épouser M. de Grouchy. »

La ténacité juive, la patience à endurer les affronts et à feindre même de ne pas les apercevoir, vinrent à bout de tout[41]. Le vieux James entra dans la société comme bouffon ; il amusait ; on lui faisait répéter à chaque instant sa fameuse charade.

— Mon bremier il a des tents, mon second il a des tents, mon troisième il a des tents et mon tout il est un filain défaut.

— Le mot ! Le mot ! criait-on.

C’est encore lui qui disait un jour que l’on parlait devant lui des hommes de paille :

Fui, l’homme de baille est une ponne geose pour les goquins, ils finissent douchours bar le faire serfir de lit à leurs actionnaires.

On se racontait de lui des traits inouïs de ladrerie. Qui ne connaît l’histoire si souvent citée ? Un jour, un ami vient demander cinq cents francs à Dumas père. Le grand généreux était à sec ; le cas cependant était pressant ; il prend la plume et écrit au baron une lettre étincelante d’esprit pour lui emprunter vingt-cinq louis. Le milliardaire ne daigne même pas répondre.

Quelque temps après, on causait autographe, rue Laffitte.

— Cela a donc de la valeur ces papiers-là ? demanda le baron.

— Cela dépend.

— J’en ai un que je vais vous chercher.

Il montre la lettre de Dumas et on lui en offre immédiatement dix louis qu’il accepte, naturellement.

Dumas se vengea par un joli mot. Un jour qu’on quêtait à une fête de charité, une des patronnesses tendit l’aumonière au baron.

— J’ai déjà donné, dit le financier.

— Je ne l’ai pas vu, répondit la dame, mais je le crois.

— Et moi, fit Dumas, je l’ai vu, mais je ne le crois pas.

Les coreligionnaires du baron, eux-mêmes, flétrissaient son âpreté au gain. Les Archives israélites nous racontent une des leçons qu’il reçut de Marcus Prague, un des ministres officiants. Un jour de Yom Kippour, James de Rothschild, désigné pour sortir le Sepher de l’arche, pria Marcus Prague de lui garder son livre de prières. Il s’aperçut que celui-ci examinait avec intérêt ce volume splendidement relié.

— Mon Machsor a l’air de vous plaire, dit-il, combien m’en donnez-vous ?

— Comment, monsieur le baron, répondit Prague, qui était un zélateur de la Loi, en un tel lieu et en un tel jour, vous voulez encore faire du commerce…

Les rebuffades, je l’ai dit, ne le décourageaient pas. Arsène Houssaye, qui était présent à la scène, a raconté de quelle jolie façon Musset remit à sa place le baron qui s’était glissé à une lecture faite chez l’Impératrice de l’Ane et le Ruisseau.

Une autre fois, ce fut d’Orsay qui se chargea de la leçon. Un jour, en jouant au whist dans un salon, le financier avait laissé tomber un louis par terre. Aussitôt, il dérange tout le monde et prend un flambeau sur la table pour retrouver ses vingt francs.

— Laissez donc, mon cher, dit d’Orsay, je vais vous éclairer, et il allume à la bougie un billet de vingt francs pour aider le baron à chercher son louis…

De nos jours, les Rothschild seraient encore mis au pas s’ils se frottaient à quelque écrivain qui eût conservé les sentiments de fierté d’autrefois, mais ils n’ont plus à redouter de rencontrer un d’Orsay dans l’aristocratie.

L’aristocratie, du moins celle qui figure dans les comptes rendus des journaux parisiens, est littéralement vautrée aux pieds des Rothschild ; elle regarde comme un honneur d’être reçue par eux et la baronne Alphonse a pu dire ce mot prodigieux dans la bouche d’une Juive : « Je ne puis pourtant pas inviter tout le monde ! »

Il y a dans cet avilissement quelque chose de véritablement incompréhensible. Quel exemple plus frappant du degré où peuvent tomber des descendants d’illustres races, individuellement bons et généreux, mais faibles de caractère et dominés par cet impérieux besoin de s’amuser dont je parlais tout à l’heure, que ce qui s’est passé au moment de la catastrophe de l’Union générale ?

Je n’ai pas l’intention de traiter à fond cette affaire embrouillée, il faudrait un chapitre entier pour l’élucider.

Très probablement les catholiques, candides comme toujours, furent attirés dans un piège pour être dépouillés et déshonorés par les Rothschild avec la complicité du gouvernement.

Le nom de Feder, l’alter ego de Bontoux, est un nom absolument juif. L’Annuaire des Archives israélites pour 1884, l’an du monde 5645, indique un Feder parmi les professeurs juifs de la Faculté de Nancy. Le Feder de l’Union générale est maintenant un des principaux banquiers de Berlin.

Avouez qu’avant de s’engager dans cette campagne, les chefs du parti conservateur auraient dû s’informer un peu. Tous ces collets montés, qui hésiteraient à aller prendre une choppe dans un café, auraient dû faire demander à une agence de renseignements de les éclairer sur les mœurs de ce Feder, avant d’exhorter les pauvres prêtres de campagne, les petits rentiers catholiques, les servantes à lui confier leurs épargnes[42].

Quant à Bontoux, il n’était à Vienne entouré que de Juifs, tous ses employés étaient juifs. Son homme de confiance était un nommé Rappaport, qui gagna dix millions avec lui.

Bontoux, cependant, parait avoir été relativement de bonne foi. Les affaires dont il s’occupait étaient sérieuses. Le projet de Banque orientale, qui souleva particulièrement contre lui Camondo et les Juifs levantins, aurait donné à la France une grande influence en Orient.

On a peine à s’expliquer néanmoins que, pour son propre honneur, il n’ait jamais, sinon pendant, au moins après, parlé de la lutte qu’il voulait soutenir contre les Juifs, et qu’il se soit contenté de murmurer vaguement à la cantonade. On aurait aimé que ce vaincu dît loyalement : « Voilà ce que j’ai voulu faire, voilà les obstacles contre lesquels je me suis brisé, l’organisation de la Banque juive est constituée de telle façon, elle dispose de tels moyens. » Il y aurait eu là au moins un enseignement social.

Ce qui est certain, c’est que toutes les règles de la justice furent odieusement violées dans cette circonstance. Les directeurs de la Société furent arrêtée sans enquête, sur la plainte d’un seul individu qui prétendait qu’on avait disposé de ses fonds, ce qui fut reconnu plus tard absolument faux[43]. Rien n’était perdu alors puisque des sommes énormes étaient dues à la banque, que deux jours après devait avoir lieu une réunion générale qui aurait certainement sauvé la situation[44].

Ce fut Humbert, le garde des sceaux franc-maçon, qui fut l’instrument des Juifs.

Rien n’est plus curieux que cette figure d’Humbert de la Chaîne d’Union. Il apparaît comme une manière de Père Goriot ou de Monsieur Cardinal, mais sa Delphine de Nucingen, sa Pauline, c’est son fils ; c’est à lui qu’il sacrifie tout.

Dès que la famille est mêlée aux affaires des Juifs, elle entre en plein roman, on commence à parler d’une succession en Espagne, qui atteint un chiffre fabuleux. Petit professeur de droit romain, à Toulouse, le père, à la connaissance de tous, ne possède aucune fortune ; tout à coup ces gens-là remuent l’or comme dans un livre de Balzac. Un titre de quatre cent mille francs de rente est consigné au nom de Mme Humbert jeune, qui ne sera mise en possession de sa fortune personnelle qu’à la mort d’une marraine qui se trouve dans une maison de santé. Outre d’immenses propriétés dans l’Aude, le fils Humbert achète en Seine-et-Marne une propriété royale, les Vives-Eaux. Pour achever de payer cette terre il emprunte 750,000 francs à un notaire de l’Aude et 125,000 francs à Melun. Les 750,000 francs ne sont pas restitués à temps. Un procès, dont la presse rend compte, s’engage et l’on met aux enchères les Vives-eaux, leur splendide mobilier, la cave qui contient des vins de grands crûs, Moët, Cliquot, Château-Yquem, Chambertin, Saint-Emilion, les écuries avec douze chevaux de luxe, attelage à la Daumont, ducs, breacks, coupés, landaus, calèches. Au mois d’août 1884, au moment où M. Eugène Delize, huissier à Melun, va procéder à la vente, une dépêche de l’Aude arrive qui ordonne de surseoir.

N’est-ce point là un beau rêve pour cette famille de professeur qui n’a eu longtemps pour vivre que les maigres appointements du père ?

Ce qui confond l’imagination dans l’affaire de l’Union, c’est l’attitude des victimes elles-mêmes.

On venait d’enlever à la noblesse française ce qui, pour elle, était jadis plus précieux que l’argent, plus précieux que la vie : l’honneur. Ce cher trésor, amassé pendant tant de générations, était jeté au ruisseau. Les plus beaux noms, les Broglie, les d’Harcourt, les Biencourt, les Lupé étaient couverts de boue, assimilés à ceux des aigrefins véreux qui défrayent la chronique des tribunaux.

Ce qu’on appelle le monde manifesta l’intention de ne plus revoir au moins ces étrangers qui, pour augmenter leur monstrueuse fortune, n’avaient pas hésité à déshonorer la vieille France. Pendant huit jours on tint parole. Les baronnes épouvantées d’être mises ainsi en quarantaine, chassées de ce paradis où elles étalaient leur luxe insolent, se lamentaient et reprochaient à leurs maris d’avoir fait le coup. Pour tâter le terrain, elles essayèrent de donner une petite fête. C’est une grande qu’il eût fallu donner. On s’étouffait dans les salons à ce bal des victimes, et, au premier rang, parmi les plus obséquieux, figuraient les malheureux déshonorés par les Rothschild, les pères, les frères, les sœurs de ces infortunés, les d’Haussonville, par exemple, doublement atteints dans les d’Harcourt et dans les de Broglie.

Quelle vision, pour l’observateur, que celle de toutes ces familles qui furent glorieuses, défilant en éclatante toilette sous les huées, à peine dissimulées, de quelques Juifs cosmopolites qui raillaient leur chagrin, comptaient combien de pauvres diables s’étaient suicidés à la suite du Krach, demandaient tout haut si l’affaire irait en police correctionnelle ou en cour d’assises, si le régime des maisons centrales était dur en France !

On a accusé certains romanciers contemporains d’être irrespectueux envers le passé, et de rire de choses qui furent augustes, quel tableau, à la fois sinistre et comique, tragique et burlesque, pourrait-on tracer qui ne fût inférieur à cette réalité ?

Notez que cette dégradation est absolument spéciale à la noblesse française. Quelques heures de chemin de fer suffisent à transformer la fille hautaine d’Alphonse de Rothschild, la madame Ephrussi, si altière envers notre aristocratie, en une petite Juive fort humble qui, munie de toutes sortes de recommandations, serait bien heureuse et bien honorée si la cour de Russie daignait la recevoir, non pas sur le même pied assurément, mais à la suite de la femme de quelque vaillant officier qui, pour fortune, n’a que sa solde.

On a raconté le voyage que fit à Saint-Pétersbourg, au commencement de 1884, la belle triomphante de nos salons. A force d’importunités, d’influences mises en avant, l’impératrice de Russie s’était laissée aller, bien à contre-cœur, à permettre qu’on lui présentât Mme Ephrussi au Palais d’hiver. Le maître des cérémonies, raconte la Correspondance politique de Vienne, avait demandé comment il devait présenter cette Juive. — Vous me la présenterez en partant, répondit l’Impératrice. En conséquence, la fille d’Alphonse de Rothschild ne fut présentée à la tzarine qu’au moment où celle-ci quittait le salon dans lequel elle venait de s’entretenir avec plusieurs dames, avec la grâce qui lui est habituelle. Quant à Mme Ephrussi qui, ce jour-là, était couverte d’une véritable pluie de rubis, elle n’eut ni un regard, ni une parole de la souveraine.

L’an dernier, le gouvernement autrichien, qui est pourtant, au point de vue financier, entre les mains des Israélites, refuse d’agréer le ministre des États-Unis, M. A. M. Keiley, parce qu’il avait épousé une Juive.

Nous avons vu déjà le corps d’officiers se fermer devant le fils de Bleichroeder, le correspondant allemand de la France, racontait au mois de mars 1884, comment la fille du Rothschild de Berlin était reçue dans la société.

A propos d’anti-sémitisme, écrivait-il, voici une histoire médite des plus curieuses et qui court en ce moment les salons de Berlin. La fille du banquier Bleichroeder avant été introduite, cet hiver, à la Cour, au premier bal qui y eut lieu, personne ne lui fit d’invitation, ce dont elle pleura à chaudes larmes, après être rentrée chez elle ; et, néanmoins, elle parut au bal suivant du Vieux Château, et y subit exactement le même sort, à la troisième fête dansante de la Cour, le Prince héréditaire d’Allemagne eut pitié de la jeune Israélite et ordonna à un officier de s’aller offrir pour la faire danser.

Par ordre de S. A le Prince héritier, dit ce dernier à Mme de Bleichroeder, je viens vous inviter pour la premiers contredanse.

La fille du banquier qui a taxé la France à cinq milliards, en 1874, accepta avec plaisir une telle invitation…

Le spectacle auquel nous assistons en France, nous explique comment les races finissent. Rome vit des déchéances analogues. Juvénal nous a montré les patriciens, dont les aïeux avaient conquis le monde, mendiant une place à la table des fils d’esclaves enrichis. Lucien a fait défiler devant nous les variétés de parasites : le Plagipatide ou le Duricapitor qui reçoit des coups, le Dérisor qui a comme attributions de dire des bons mots.

Les Rothschild sont plus hospitaliers que le Virron de Juvénal qui laissait à ses invités le vin de Bénévent, tandis qu’il buvait, lui, dans la large coupe,

Où sur l’ambre un feston de perles se découpe,


du vin d’Albe comme en buvaient seulement Thraséas et Helvidius au jour natal de Cassius ou de Brutus. On boit à Ferrières du Romanée qui est fameux. Le baron James a tenté de le faire venir dans les caves de Paris, mais « ce n’était plus ça. » Tel est du moins le sentiment d’Arthur Meyer qui en a bu, parait-il, ou qui a conversé avec des gens qui en avaient vu boire.

Le Romanée est à Alphonse ; le Château Laffitte est à Gustave ; le Mouton était à James qui n’en boit plus pour toutes sortes de raisons qui sont fort bonnes. Notre vin, où l’esprit national se retrempait jadis, appartient aux Juifs comme tout le reste. Ainsi s’accomplit la promesse faite à Israël par Jéhovah : « Tu boiras le vin des vignes que tu n’auras pas plantées. » Entonnons en chœur, faute de pouvoir entonner autre chose, les paroles du schema : « l’Eternel est un… et les goym ne sont point malins, »

Les goym héraldiques qui se pressent chez les Rothschild n’y sont point seulement attirés par le parfum du Romanée. Beaucoup, parmi ceux qui recherchent celle hospitalité humiliante, ont chez eux un petit vin qui n’est point mauvais, un vieil hôtel souvent où il y a des portraits de famille qui parlent des vertus d’autrefois, des livres où revit la jeunesse de nos anciens écrivains, une femme intelligente, des enfants auxquels ils pourraient raconter les batailles où furent leurs pères. Pourquoi quitter tout cela ? Mon Dieu, c’est toujours l’atavisme qui, malheureusement, on le sait, transmet plutôt des défauts que des qualités.

Aller chez Rothschild pour eux, c’est aller à la Cour. Le roi des Juifs, le Juif des rois n’est pas tout à fait Louis XIV, mais ils ont l’illusion d’être dans un palais.

La vie de Cour a été essentiellement parasitaire et cependant elle a ruiné ceux qui ont vécu dans cette atmosphère. Dans le commerce avec le Juif, le chrétien, qui a l’air d’être l’obligé, ne gagne rien. On payait aux parasites la robe de festin, la Trechedipna, nécessaire pour se présenter décemment à table ; les barons juifs acquittent sans doute de temps en temps quelques factures de couturières. Bleichroeder agit ainsi en Prusse, mais le comte Vasili, dans ses Souvenirs sur la société de Berlin, constate par quelles déshonorantes familiarités il fait payer le léger service qu’il rend. « Il sait obliger son semblable, dit-il, mais il éprouve un plaisir diabolique à faire sentir à un grand seigneur orgueilleux ou à une noble dame hautaine le poids de ses bienfaits. Il trouve une joie toute particulière à les humilier à l’aide d’une odieuse et grossière familiarité. Il tape sur l’épaule du jeune homme qui vient lui avouer une dette de jeu, baise les mains de la femme qui se trouve forcée de lui confier ses embarras et lui demande son aide pour payer sa couturière. »

Cet archi-millionnaire, presque aveugle, assombri par la pensée que la mort va le venir prendre sur son lit de millions, est un type qui se reproduit à des milliers d’exemplaires dans le monde juif.

Au milieu de tous ces hommes qui se prosternent devant eux, mais qui leur sont supérieurs encore par l’élégance native, les Rothschild sont mal à l’aise quand même. Vous les connaissez. Aucun d’eux ne paye de mine.

Le baron Alphonse a 54 ans, il en porte 70, ou plutôt il a peine à les porter ; il est tout petit, avec des favoris blanchâtres, des cheveux rares d’une nuance indéfinissable ; il personnifie la décrépitude prématurée de sa race.

Ce qui frappe dans cette physionomie, c’est l’absence de regard, le clignotement perpétuel des yeux. Un diplomate étranger me faisait un jour remarquer cette particularité : « Il semble, me disait-il, que le reflet métallique de l’or que cet homme a contemplé toute sa vie ait éteint, usé ce regard, comme il arrive aux ouvriers qui brodent des étoffes d’or ou d’argent. »

Très rogue dans le monde, Alphonse a des instincts populaires ; il aime à aller parcourir Paris en dissimulant sa royauté et en se faisant passer pour photographe près des petites lingères ou des fleuristes, avec lesquelles il cause volontiers.

Edmond est le classique marchand de lorgnettes, il a une barbe roussâtre et braque un lorgnon sur ses yeux avec un tic nerveux qui voudrait être impertinent : il a toujours l’air fureteur de quelqu’un qui cherche quelque chose qu’il ne trouve pas.

Gustave, avec sa barbe châtaine déjà poivre et sel, sa haute taille, aurait l’air relativement distingué, s’il savait marcher, entrer et sortir ; il affecte d’être encore plus sec que les autres membres de sa famille ; sa femme est d’une insupportable arrogance.

Tout ce monde est plus ou moins maussade et quinteux. Les uns ont la moelle épinière entamée ou un épanchement de la synovie, comme Edmond ; les autres deviennent aveugles de bonne heure, comme Nathaniel qu’on promenait dans une petite voiture à travers ces appartements magnifiques, dont le luxe n’existait plus pour lui. On les trouve mal élevés, ils sont surtout moroses, ressentant, comme la plupart des autres Juifs, au sein d’une scandaleuse opulence, ce qu’on a appelle : « la grande misère de tout. » Ils n’ont aucun stimulant, aucun mobile d’action, ils ont voulu conquérir la France, ils l’ont conquise et ils sentent qu’elle meurt sous leur souffle délétère, qu’ils n’ont à eux qu’un cadavre.

Alphonse a de l’esprit ou plutôt une sorte d’humour anglaise tournée à l’aigreur et à l’ironie qui, maintenue, par le besoin de ménager la haute société qu’il méprise, s’épanche parfois en saillies fantasques, en allusions désobligeantes et taquines. À ces brusques incartades, les convives rient jaune, les valets s’esclaffent en dessous et le baron ajoute en gouaillant : « Voulez-vous du Romanée[45] ? »

On a beaucoup parlé des splendeurs de Ferrières et, au risque de désillusionner un peu les badauds, il est nécessaire de montrer à nos lecteurs ce qu’est en réalité la demeure du roi des Juifs.

Versailles, bâti dans un pays sans eau, a évidemment inspiré aux Rothschild le désir d’imiter Louis XIV ; ils ont été guidés encore par d’autres considérations : la facilité, en cas d’alarme, de gagner l’Allemagne par la ligne de l’Est[46], le souvenir d’une colonie juive qui, nous l’avons vu, fut très florissante au Moyen Age dans cette région, à Chelles, à Meaux, à Lagny, à Gagny.

Avec leur mauvais goût ordinaire et leur peu de sympathie pour nos artistes français, les Rothschild ont chargé un architecte anglais, Paxton, d’édifier cette royale habitation. Ce qui devait se produire arriva.

Notre grand architecte national, Philibert Delorme, dans son Traité d’architecture, dit d’excellentes choses sur l’impossibilité pour des étrangers de bien comprendre les conditions qui conviennent à notre pays, d’harmoniser leurs constructions avec le climat, le ciel, les habitudes françaises.

Ferrières donne une fois de plus raison à l’abbé de Saint-Serge. Paxton a élevé là un de ces châteaux bizarres, comme on en voit quelques-uns en Angleterre et qui, avec ses quatre façades de style dissemblable, semble tout dépaysé au milieu de nos pays du Nord. On pense involontairement à ce gigantesque caravansérail de Schaffahaüsen qui, avec ses hautes colonnes et ses promenoirs à l’italienne, détonne si singulièrement avec le paysage devant la chute du Rhin.

L’intérieur est plus intéressant. Après avoir traversé un large vestibule que décore un plafond de Tiepolo, on pénètre dans une petite salle à manger qui contient quelques jolies peintures de Philippe Rousseau. La grande salle à manger à poutrelles, avec ses quarante fauteuils en velours rouge, ne manque pas d’une certaine allure.

À partir du salon Louis XVI, les surprises commencent. On voit successivement défiler sous ses yeux toutes les merveilles du génie des siècles qu’ont pu rassembler sur un seul point l’or, les relations universelles, la franc-maçonnerie des brocanteurs aux aguets dans toute l’Europe, et réservant la fleur de leurs trouvailles pour les souverains d’Israël. Les chefs-d’œuvre de l’art du XVIIIe siècle, les tables de Gouthière, les meubles incrustés de Riesener et de Boule, les cuivres de Caffieri ornent cette pièce charmante dans sa tonalité printanière et claire que surmonte un plafond d’Henry Lévy. Au milieu apparaît, comme un trophée, l’incomparable clavecin de Marie-Antoinette, qu’on a le cœur serré de retrouver dans cette maison de Juifs.

Un petit réduit sombre attire l’attention. C’est l’oratoire : une pièce fort simple qui a pour tout ornement les rouleaux de la Thora et le chandelier à sept branches ; dans l’ombre, on aperçoit un piano et quelques chaises de paille.

Le salon de famille s’appelle aussi le salon des cuirs de Cordoue ; il doit son nom à de superbes tentures de cuir gaufré et repoussé qui représentent le Triomphe de Mardochée. Ces cuirs, parfaitement conservés, viennent des Flandres, ils avaient été apportés sans doute par quelque grand seigneur espagnol, peut-être même avaient-ils été fabriqués sur place, car des fabriques paraissent avoir existé quelque temps dans les Flandres, ils ont été acquis par les Rothschild pour une somme insignifiante. Ce sont de très curieux spécimens de ces cuirs dorés, de ces cardovanes, de ces guadamaciles dont Cervantès parle à plusieurs reprises dans ses œuvres[47]. On trouve là aussi, comme tapis de table, une tapisserie de la Savonnerie toute lamée d’argent et qui est du travail le plus intéressant et le plus précieux.

L’examen de quelques volumes, qu’on entrevoit dans un meuble d’ébène surmonté d’un dépliant cloisonné, déconcerte légèrement. « Quels sont les livres de main, les amis littéraires familiers de ces gens-là ? » se demande-t-on et on regarde. On voit : Soulié, Paul de Kock, Pigault-Lebrun, Touchard Lafosse (Chroniques de l’Œil-de-Bœuf), Eugène Sue (Le Juif errant), Jacob (Histoire de France). Tout cela dans les éditions les plus affreuses, dans des éditions dont un lettré ne voudrait pas pour vérifier une citation.

Cela ne vous produit-il pas un peu l’effet du linge sale sous une robe de soie ? Quel aperçu cela vous ouvre sur le monde qui va là et qui expose quelque jeune fille à prendre un volume au hasard et à tomber sur Pigault-Lebrun !

Pour nous remettre voulez-vous avancer sur le perron ? A droite et à gauche vous trouverez deux vases de Clodion ; la paire a coûté cinquante mille francs. En été, la vue est belle, on est en face de la pièce d’eau et, au delà, on aperçoit le parc et des enclos pleins de moutons et de daims qui prêtent de l’animation au décor.

Rentrons dans les appartements. Nous allons rencontrer, pour la première fois, l’histoire en visiteuse dans ce château qui n’a point d’histoire. En 1815, les Rothschild sont venus pauvres avec l’invasion ; l’invasion en 1870 les retrouve milliardaires et peut leur faire ses compliments.

Nous voici dans le salon des tapisseries qui ne contient d’autres tableaux que quelques panneaux de Desportes. Aux murs sont suspendues des tapisseries Watteau, des tapisseries tissées de soie, d’une jeunesse et d’une fraîcheur sans égales. C’est là devant ces Amours souriants, ces bergères lutinées par des Céladons, devant toutes ces évocations d’un monde frivole, toutes ces images de plaisir et de galanterie qu’eut lieu l’entrevue de Bismarck et de Jules Favre.

L’accueil du Chancelier de fer au rhéteur de paille fut terrible et les habitants du château, qui ont eu les échos de cette scène, en ont conservé un souvenir qui n’est pas près de s’effacer.

Après avoir refusé la veille de recevoir l’homme de la prétendue Défense nationale, Bismarck le fit attendre deux heures dans le vestibule, sous le Tiepolo.

Cette fois encore notre ennemi se montra tel que la Postérité le verra, profilant des défaillances de conscience de son adversaire, mais ne manquant pas pour lui-même aux devoirs stricts de la conscience, ne commettant, somme toute, aucun acte qui pût empêcher le salut de son âme. Les hommes du 4 Septembre s’étaient rendus coupables d’un crime de lèse Patrie en faisant une révolution devant l’étranger, en chassant la représentation nationale. Cet acte, ils pouvaient encore, sinon le réparer, du moins l’atténuer en consultant le pays, en lui demandant loyalement s’il voulait la paix ou la guerre. Bismarck leur en facilita les moyens et, certainement, montra à Jules Favre où était la voie droite, honnête, patriotique. Le malheureux vieillard refusa pour pouvoir conserver le pouvoir quelques jours encore.

Après avoir congédié d’un geste dédaigneux ce déclamateur qui, recourant, dans une entrevue comme celle-là, à une mimique de cour d’assises, faisait semblant de pleurer, le prince, dit-on, resta quelques instants pensif. Ce grand mâle, à coup sûr, n’était point de ces sensibilisés qui, pareils à ceux qui s’attendrissent sur la bonté des Rothschild, larmoient, comme certaines femmes s’oublient, par une sorte de relâchement des tissus. Le cœur qui battait dans cette rude poitrine n’en ressentait pas moins peut-être quelque virile pitié en songeant à tant d’hommes, enfantés dans la douleur par les mères, qui allaient expirer sur les champs de bataille, afin que quelques millions de plus entrassent dans ce logis de Juifs.

La chambre de Bismarck suivait immédiatement le salon des tapisseries où eut lieu l’entrevue, c’est la chambre d’honneur. C’était jadis la chambre du baron James, et de son temps, elle était tendue en vert à cause de la faiblesse de la vue du baron ; aujourd’hui, elle est en bleu. On y voit un portrait de femme exquis de Vinci et un pimpant tableau de Camille Roqueplan représentant un épisode des Confessions de Jean-Jacques Rousseau.

La chambre vénitienne n’a rien d’extraordinaire. « Au moment des chasses, on met une princesse là, une autre ailleurs, » dit-on philosophiquement au visiteur. La décoration du fumoir est d’Eugène Lamy, qui a retracé là, avec une certaine verve, quelques épisodes du carnaval de Venise.

Le hall seul vaut une visite à Ferrières. Le soir, avec les onze cents becs de gaz de son plafond lumineux éclairant les brillantes toilettes, les diamants, les fleurs, ce hall est véritablement féerique. C’est la pièce triomphale du lieu : tout y parle de triomphes. Le long de l’immense galerie circulaire qui règne tout autour, sont disposées de superbes tapisseries qui représentent des triomphes : Triomphe d’Alexandre, Triomphe de Neptune, Triomphe de la Paix… et même Triomphe du Christianisme à Tolbiac.

On y voit… Que ne voit-on pas dans ce prodigieux bazard ? Voici d’abord, à gauche de la cheminée, dont nous parlerons tout à l’heure, le portrait du baron James par Flandrin et de la baronne James, par Ingres. Sur les murs un Portrait d’homme de Rembrandt, la Comtesse della Rocca et don Luis de Haro de Vélasquez, une Diane chasseresse de Rubens, David et Goliath du Guide, la princesse Henriette d’Angleterre de Reynolds, Diogène cherchant un homme de Van Mol, le Message de Bordone.

Partout des cabinets italiens, des vitrines encombrées de petits chefs-d’œuvre, des ivoires, des faïences de della Robbia, le Joueur de musette de Bernard de Palissy, des émaux de Petitot, des boîtes de Blarenberghe, des Saxes, le miroir de Mme de Pompadour, des coffrets aux armes de France qu’on est tout étonné de rencontrer là.

La cheminée monumentale est décorée de médaillons italiens et surmontée d’un buste de Minerve. Sur une plaque de marbre brun on lit en lettres d’or, où chaque mot est bizarrement espacé par un point, cette inscription qui chante le bonheur de la possession, la joie d’avoir un somptueux foyer, quand tant de malheureux français sans gîte errent, le ventre creux, par les nuits d’hiver.

Doulce. est. la. vie. à. la. bien, suyvre.
Emmy. soyet. printens. soyet. hyvers.
Sous, blanche, neige, ou. rameaux, verts.
Quand, vrays. amys. nous. la. font, vivre.
Ains. leur, place, à. tous. est. icy.
Comme, aux. vieulx. aux. jeunes, aussy.
_____________________(1570).

L’album de maroquin, qu’on laisse traîner avec ostentation sur la table, éveille bien des pensées.

A la première page on lit : « Souvenir de la charmante journée du 16 décembre 1862 : Napoléon. »

Un peu plus bas : « Souvenir d’amitié pour la charmante hospitalité du baron et de la baronne James de Rothschild, 20 novembre 1866 : Mathilde. »

Charmes, charmés, charmeurs, tout est charmant et brusquement à la page suivante, apparaît un nom tracé en gros caractères : Wilhem, : 1 septembre 1840 Guillaume, avant de quitter Ferrières, a tenu à mettre sa signature, non pas à la suite de celle de Napoléon III, mais en tête de la page suivante. Bismarck et de Moltke ont signé après lui et le plus modeste officier, le dernier sous-lieutenant qui a passé là a voulu, à son tour, que son paraphe ironique se dessinât sur le livre inauguré par l’Empereur des Français.

A côté de ces noms de vainqueurs voici les noms des plus illustres représentants de la noblesse de France et le contraste est douloureux. Les Allemands, qui figurent dans ce registre, sont entrés là par la force ; ils ont occupé la maison en vertu du droit de la guerre et exigé qu’on les servît, non en invités respectueux, mais en victorieux, ils ont trinqué, non aux grâces de la baronne, mais à leur vaillant Empereur, leur seul maître après Dieu. Nos nobles, au contraire, sont venus là en sportulaires, courbant la tête et tout heureux d’être accueillis.

Que de noms qu’on voudrait pouvoir effacer ! Que de chutes que les passions expliquent seules ! Quelle tristesse de rencontrer là Berryer ! Le jeu ! « Prions Dieu, dit saint Paul, de ne nous envoyer que des tentations qui soient ordinaires. »

L’impression que laisse cette demeure est une impression de fatigue plus que d’admiration. C’est un fouillis, un capharnaüm, un prodigieux, un incroyable magasin de bric à brac. Tous ces objets, rapportés de tous les coins de la terre, jurent entre eux ; ces dépouilles opimes de l’univers ne s’harmonisent pas, ces manifestations de tant de civilisations différentes grincent de ce rapprochement[48].

L’amour du bibelot ou plutôt le sentiment juif de l’acquisivité, de la possessivité est poussé d’ailleurs jusqu’à la puérilité. Un petit pot de grès de Flandres, qui vaut six francs, sert de vis-à-vis à une assiette d’Oiron ou à une figurine en pâte tendre. Les bons Sémites de l’hôtel des ventes n’ont pu résister à la tentation d’abuser ceux même qu’ils nomment avec tant de vénération : « Les barons. » Plus d’un objet est moderne ; beaucoup de pièces d’orfèvrerie, notamment, me paraissent avoir reçu tardivement ce que M. Paul Eudel, dans son livre sur le Truquage, appelle « le baptême des poinçons français. »

Le parc, quelque vaste qu’il soit, n’a pas le noble aspect des avenues Louis quatorzièmes. A la place des Rothschild vous auriez commandé à nos sculpteurs qui luttent si péniblement au milieu de circonstances peu favorables pour leur art, tout un monde de statues, des marbres, des bronzes. Le duc d’Aumale a agi ainsi pour Chantilly, il a demandé un La Bruyère à Thomas, un Therme à Lanson, un groupe de Pluton et de Proserpine à Chapu. Il y a à peine, dans tout Ferrières, une demi-douzaine de statues qui ont à peu près la valeur de celles qui décorent l’entrée des établissements de bains[49].

A travers les allées, on distingue deux ou trois vieilles femmes courbées sur le sol qui ramassent l’herbe des sentiers. Quand le voyageur est de distinction, on en mande de supplémentaires du village. « C’est la bonne baronne qui a eu l’idée de ce travail pour venir en aide aux habitants de la contrée ! » Vous versez une larme, comme Jules Favre, et cette terre aride et desséchée paraît reconnaissante de cette marque de sympathie.

Le plus joli ce sont les serres et les volières. Les serres sont un enchantement, pleines de plantes épanouies en toute saison, d’ananas en grains, en fleurs, en fruits. Dans les volières immenses sont rassemblés des centaines d’oiseaux rares dont la couleur, variée à l’infini, semble refléter le ciel particulier de chaque pays.

Perdrix de Chine, faisans dorés au ventre rouge, faisans de Sœmmering, faisans de lady Laffitte, hoki, tragopan qui porte un capuchon d’écarlate, lophophore resplendissant au collier de barbe blanche, touca au vilain bec noir qui dévore les faisans comme le Juif dévore les chrétiens, flamant d’Egypte penché sur son bassin rempli de poissons, pies bleues de Chine, colombes poignardées des Philippines avec la tache de sang sur la poitrine, — tout cela s’agite dans un frémissement d’ailes, dans une pittoresque confusion de plumages multicolores, dans un concert de cris, tantôt stridents, tantôt plaintifs, et semble comme une vision d’un coin du paradis terrestre.

C’est la gaîté de Ferrières que ces oiseaux, car, au fond, ce château sans passé est lugubre. Cela ne rappelle point les grandes existences seigneuriales d’autrefois : Sully s’en allant gravement à la promenade procédé de ses hallebardiers, suivi de ses pages, entouré à droite et à gauche de gentilshommes l’épée nue ; Chambord où Maurice de Saxe était gardé par ses régiments fidèles ; la demeure de Wellington tapissée de la base au faite des drapeaux pris à Waterloo. La victoire, l’héroïsme, le génie n’ont pas mis là leur sceau rayonnant. « Demandez le cours de la Bourse et de la rente ! » crient les visiteurs en sortant.

Pour toute garde, les Rothschild n’ont là qu’une brigade de gendarmerie, que les républicains complaisants leur ont donnée par honneur, et qui a l’air de veiller sur des inculpés en surveillance. Chaque semaine le château envoie aux gendarmes deux lapins et un faisan mort.

— Voilà une belle arrestation à faire, disais-je au brigadier.

— Sans doute, mais il faudrait un mandat d’amener. Me l’apporterez-vous ?

— Qui sait…


La grande joie des Rothschild est de lire les journaux après quelque fête, quelque décès, quelque mariage. Ils se mirent dans ces descriptions, ils se passent les feuilles de main en main. Ils font imprimer les articles à part pour leur consommation personnelle et, en ceci, ils ont raison : ils préparent pour l’histoire des mœurs des documents dont les grands écrivains de l’avenir tiendront plus de compte que de beaucoup de discours prononcés dans les Chambres. Le recueil intitulé : le Baron James de Rothschild, qui a été tiré chez Claye mais n’a pas été mis en librairie, est d’un réel intérêt.

Tous les journaux, sauf l’Univers, l’Union, la Gazette de France et probablement deux ou trois autres que j’oublie[50], font là l’office des pleureuses salariées aux enterrements d’autrefois ; ils s’arrachent les cheveux, ils se déchirent la figure avec leurs ongles, ils se roulent par terre de désespoir. Ce mort aurait inventé le fer comme Tubalcaïn, ou la charrue comme Triptolème, il aurait découvert la panacée de tous les maux que ces feuilles publiques n’en parleraient pas sur un mode plus admiratif. Les formules employées pour louer ce Juif allemand, qui s’est enrichi à nos dépens, reculent les frontières de l’hyperbole.

Il y a là des lettres véritablement stupéfiantes, « Vous me pardonnerez de venir ainsi vous troubler au milieu de vos peines… Mon excuse est dans le désir que j’éprouve… » Voilà de quelle encre écrit à un manieur d’argent le prince de Joinville, un homme qui a dans les veines quelques gouttes du sang de Louis XIV ! Les lettres du comte de Paris et du duc d’Aumale, un peu moins plates peut-être, sont du même ton.

Depuis 1868 la servilité n’a fait que croître. Les descriptions de mariages sont inouïes. Rien ne manque à ces épithalames ; on assiste à la toilette de la mariée, on monte dans le magnifique attelage « choisi et appareillé par Claude Lachaume, le piqueur du baron Alphonse ; » on écoute Félix Lévy, « ténor admirable, » chanter l’Imlach, du non moins admirable Emile Jonas ; puis les chœurs attaquent l’Alleluia d’Erlanger, qui n’est certes pas l’Alléluia des actionnaires du banquier de ce nom ; enfin, on passe à la sacristie. « Il est cinq heures et demie, écrit Meyer, le Dangeau de ces solennités, cinq heures et demie aux horloges pneumatiques et « toujours » à l’horloge du sentiment… »

Naturellement aucun nom n’est omis. Voici le prince Murat, le duc de Broglie, Buffet, le comte de Turenne, le vicomte d’Harcourt, le duc et la duchesse de la Rochefoucauld-Bisaccia, le duc de La Trémoille, le duc de Montmorency, le comte d’Andigné, la duchesse de Fitz-James, le prince de Ligne, le prince de Léon, le comte de Mailly-Nesles, la comtesse de Clermont-Tonnerre, la duchesse de Maillé, tout l’armorial de France, en un mot, accouru pour adorer le Veau d’or et pour proclamer à la face de l’Europe que la richesse est la seule royauté qui existe encore.

Quand il y a fête, il va sans dire que toute la police est sur pied et qu’elle se permet, sans aucun droit, de défendre aux passants la circulation sur la voie publique. Si une rue de Paris était interdite pour une procession, vous verriez immédiatement nos puritains de la gauche monter à la tribune ; humbles et rampants, selon leur habitude, devant les potentats juifs, ils se gardent bien d’intervenir. Les journaux avancés agissent de même ; il n’y a que Rochefort, qui, décidément, ne respecte même pas les têtes les plus hautes, qui se soit permis de blâmer cette prétention de gêner les autres quand on s’amuse et qui se soit égayé de l’idée, d’ailleurs singulière, « de barrer une rue le jour d’un mariage. »

Il est rare qu’on ne rencontre pas, à l’issue de ces cérémonies, le Monsieur attendri qui a déjà les yeux humides.

— Vous savez l’origine de la fortune des Rothschild, n’est-ce pas ?

— Oui, j’ai entendu vaguement parler.

— Au moment de l’arrivée des Français, l’électeur de Hesse confia cinq millions à Anselme Meyer de Rothschild.

— Pas possible ?

— Oui, monsieur, cinq millions.

— Et alors ?

— Alors, monsieur, Anselme Meyer les a rendus. C’est comme je vous le dis, il les a rendus !

Votre interlocuteur n’y tient plus ; il fond en larmes au souvenir de ce beau trait.

C’est un produit de l’époque décadente où nous sommes ; c’est un sensibilisé, un admiromane, pour employer une expression de Mercier. Il laisserait égorger tous les Français sans protester, mais l’histoire de cette fortune l’émeut. Il y a beaucoup de journalistes qui ont ainsi, dès qu’il est question des gros Juifs, des admirations de portière parlant du locataire du premier qui a des chemises de soie ; ils vénèrent sous eux. Quand il s’agit des Rothschild, Ignotus, si indépendant d’ordinaire, est de cette école.

Demander vingt-cinq mille francs à des millionnaires pour leur faire la forte réclame, n’est ni beau, ni bien, et néanmoins rentre dans l’ordre des choses explicables. Mais, quand on n’a même pas bu de Romanée, se pâmer devant des gens uniquement parce qu’ils ont trouvé moyen de prendre trois milliards dans nos poches, est un phénomène qui a toujours dépassé les bornes de mon intelligence.

Le sensibilisé ne manque pas généralement de s’extasier sur l’inépuisable charité des Rothschild. Oh ! La bonne baronne ! La mère des pauvres ! Comme dit Wolff.

Or, la charité des Rothschild est absolument un mythe. Un journal dont nous avons déjà parlé, l’Anti-Sémitique, a calculé qu’en proportion de leur fortune les Rothschild n’étaient guère plus généreux que l’homme qui donne deux sous à un pauvre chaque matin. Voilà ce qui, amplifié par la presse juive, est devenu cette philanthropie sans frein qui émeut le sensibilisé.

La vérité, encore une fois, c’est que les Rothschild sont profondément ladres. On ne peut dire d’eux ce qu’on a dit des Médicis : « Ils dépensent en rois ce qu’ils ont gagné en marchands. » Sans doute ils ont fondé des hôpitaux pour leurs coreligionnaires ; ils établissent tous ceux qui ont quelque chance de réussir ; ils aident ceux qui sont dans le besoin ; mais ceci rentre dans leurs fonctions de nazi, de princes des Juifs ; ils ont à leur disposition, en échange, la police la plus admirable qui soit dans l’univers ; ils remplissent les obligations d’une charge dont ils recueillent les bénéfices[51].

Ce qui est vrai des Rothschild l’est de tous les banquiers juifs, qui n’ont jamais déboursé un centime que pour le galerie. Le plus étonnant, c’est que les Juifs ont trouvé moyen de se créer une réputation de bienfaisance en nous amenant à secourir nous-mêmes les misères des leurs. Il y a là un trait de race véritablement exquis et qui désarme.

Les catastrophes qui se sont produites dans le monde depuis quelques années ont presque toutes frappé sur les Juifs. Sezggedin était entièrement occupé par les Israélites ; l’incendie du théâtre de Vienne a fait d’innombrables victimes parmi eux. Chio est plein de Juifs. Le comité affilié de l’Alliance israélite universelle, composé de MM. Issachar-Jeuda, président, Isaac Ben-Ghiat, Gabriel Palombo, est de ceux qui se signalent par leur zèle.

La pensée de venir en aide aux victimes était louable, mais celle de faire sortir l’argent nécessaire à cette bonne œuvre de la bourse des chrétiens était fine[52].

C’est Arthur Meyer qu’on charge d’organiser ces mystifications. Il guette les sinistres comme les marins de l’Ile de Batz guettaient autrefois les naufrages, et, dès qu’un malheur apparaît, il le confisque à son profit.

Les fêtes de charité sont une des manifestations de la vie mondaine que, plus tard, les historiens de mœurs étudieront avec le plus d’utilité. Elles ont joué un rôle important et se sont multipliées depuis quelques années, car elles ont pour les Juifs un double avantage. Elles attestent dans toutes les contrées de l’univers la puissance d’Israël, qui met Paris sens dessus dessous dès qu’un Sémite a besoin d’assistance ; elles permettent aux Juifs moins lancés que les Rothschild de se mêler aux gens du monde.

L’aristocratie, en effet, accourt là la bouche enfarinée, comme partout où elle entend un petit raclement de violon.

La fête de Chio est restée la plus célèbre. En face des ruines noires des Tuileries on avait organisé une kermesse, une Foire aux plaisirs, comme on disait, qui dura huit jours. Ce fut là que Camondo donna une leçon méritée au faubourg. On suspendit naturellement la fête le samedi. — « Pourquoi donc cet arrêt ? demanda un jeune vicomte. On ne s’amuse donc plus ? » — « Il y a temps pour tout ; nous autres, nous avons coutume d’observer notre religion ; aujourd’hui samedi, nous allons prier ; nous serons tout à la joie demain, puisque le dimanche n’a aucune signification pour nous et que, je crois, il n’en a guère davantage pour vous… »

Le dimanche, la terrasse des Tuileries offrait un aspect curieux. Des jeux de petits chevaux, des boutiques, des tréteaux forains avaient été installés partout. Les plaisanteries, les vives ripostes, les interpellations joyeuses se croisaient dans l’air avec les boniments et les appels égrillards des visiteurs.

On retrouvait là au complet cette vieille garde de l’élégance qui se compose toujours des mêmes personnes, toujours citées avec les mêmes épithètes dans les mêmes gazettes.

Qui ne se rappelle les vieilles de Lysistrata, ces amantes de la mort qui ressemblent « à des cercueils peints » et qui s’en vont disant : « C’est donc pour rien que nous nous sommes fardées de céruse, parées de belles robes, et que nous sommes là, folâtrant et chantonnant entre nos dents, pour attirer quelque passant ? » Aristophane revient à la mémoire, devant ces beautés surannées qui furent à l’apogée au moment du Congrès de Paris, qu’on trouvait déjà décrépites à la fin de l’Empire et qui s’obstinent à promener éternellement une figure qui ne change plus, qui semble avoir déjà l’immobilité des choses mortuaires.

C’est d’ailleurs une des singularités de notre époque que ce bataillon immuable. Autrefois quand, selon l’expression du poète, « la course de la vie était à moitié faite, » on se décidait, non pas sans un gros soupir peut-être, à ce qu’on appelait la retraite ; on quittait dignement cette scène du monde sur laquelle on a fait, jadis, aux heures radieuses de la jeunesse, un personnage parfois brillant. Aujourd’hui, on ne peut pas se résoudre à disparaître, et certaines figures de mondaines, aperçues tout à coup sous une lumière trop crue, produisent l’effet de ces squelettes que le Moyen Age se plaisait à représenter habillés de soie, couverts de bijoux, chargés d’ornements, grimaçant quelque horrible sourire avec des yeux vides, des lèvres parcheminées, des bouches sans dents.

A travers cette Priapée qu’éclairaient mille clartés se mêlant aux derniers feux d’un soleil de juin qui se couchait sur l’Arc de Triomphe, allait et venait, au milieu des propos grivois, Judic, acclamée par tous les Juifs et guidant un petit âne que caressaient toutes les grandes dames et qui semblait, comme l’âne d’or d’Apulée, sorti tout à coup d’une fable milésienne. Sur un théâtre improvisé, le comte de Fitz-James jouait le Vitrier, et ce descendant d’un compagnon des Stuarts proscrits histrionnant dans ce jardin où étaient tombés sanglants au 10 Août les défenseurs des Bourbons, ajoutait par sa présence je ne sais quel piquant à cette fête singulière.

Aux grilles, la foule du Paris des dimanches regardait, criait, apostrophait, hurlait, vociférait, sifflait. A la fin, elle pressa doucement sur la faible haie des gardiens de la paix qui essayait de la retenir et elle entra. Alors ce fut une cohue affreuse, où gens du monde et gens du peuple, gommeux en habit noir et ouvriers en blouse, grandes mondaines et plébéiennes roulèrent pêle-mêle le long des Tuileries en rythmant leur descente sur un chant d’Evohé. — C’est la protestation contre les décrets ! dit un Juif en voyant monter dans sa voiture une duchesse qui, quelques mois auparavant, levait les yeux au ciel et criait à l’abomination de la désolation[53].

Comment sont distribués les fonds ainsi recueillis ? C’est une question qu’il serait peut-être imprudent de poser. Il en est de ces comités comme de certains comités électoraux.

Le comité Dupont
Composé de Dupont,
Présidé par Dupont,
A désigné Dupont.

Jamais aucun compte bien net n’a été fourni. Les comptes de la loterie de Murcie n’avaient pas encore été liquidés au mois de mai 1833. On essaya d’interroger, à ce sujet, un M. Bidaut, conseiller de préfecture de la Seine, qui figurait dans le comité, mais on n’en put jamais obtenir une réponse claire. Des faits étranges s’étaient passés à cette occasion, puisque, dès le 15 mars 1880, des négociants fort honorables, qui faisaient partie du comité, avaient rédigé le procès-verbal suivant que le Clairon a reproduit dans son numéro du 30 mai 1883, sans que personne ait protesté.

Séance du 15 mars 1880

« Les membres du Comité du commerce et de l’industrie chargés de l’organisation de la loterie franco-espagnole, voulant poursuivre jusqu’au bout la mission qu’ils ont acceptée, mais désireux de ne pas endosser la responsabilité d’actes très regrettables, blâment énergiquement leur président, M. Jules Jaluzot, et passent à l’ordre du jour. » (Adopté à l’unanimité des votants. — 12 voix, 2 membres s’étant abstenus.)

Quels étaient ces actes très regrettables ? Malgré ce blâme formel, M. Jaluzot n’en resta pas moins président du comité. J’ai vu depuis, dans des feuilles publiques, que des alcades espagnols étaient poursuivis pour s’être indûment approprié des fonds, ce qui tendrait à indiquer que certains fonds, au moins, avaient réussi à franchir la frontière. Je n’ai pas mission de tirer au clair cette affaire qui me paraît fort compliquée. Le fait constant, je le répète, c’est qu’en dépit de la présence d’un fonctionnaire du gouvernement, les comptes d’une loterie, autorisée en 1879, n’étaient pas encore réglés en 1883.

Les comptes sommaires du comité d’Ischia on été publiés. On y a vu que les sommes distribuées ont été de 165.523 francs 80 centimes, plus 4.400 francs mis en réserve comme garantie d’une affaire litigieuse. Ces secours se répartissent ainsi :

150.200 fr. »» aux victimes d’Ischia.
9.406 fr 75 aux pauvres de Paris.
3.979 fr 85 aux orphelins de Groix.
1.937 fr 20 aux orphelins de Dieppe.

J’espère que sur les 9,406 francs 75 centimes attribués aux pauvres de Paris, on aura donné quelques sous à la famille de ce malheureux ouvrier qu’un Italien criblait de coups de couteau dans une rue de Paris, à l’heure où la presse française fêtait, dans le jardin des Tuileries, l’amitié que nous porte l’Italie[54]. Les frais ont été de 244.482 francs, ce qui me parait énorme puisque tous les journaux étaient d’accord pour vanter l’abnégation sublime, le désintéressement admirable de tous ceux qui concouraient à cette entreprise humanitaire.

Au moment où les organisateurs de cette souscription montaient une fois de plus au Capitole un de nos confrères, Marius Vachon visitait précisément Ischia. Modeste et simple de sa nature, Vachon n’osa pas révéler de suite sa qualité de journaliste. « Je connais les méridionaux, pensait-il, s’ils savent que j’appartiens à cette presse française, qui a tant fait pour eux, ils vont vouloir à toute force me couvrir de fleurs et me porter en triomphe, dissimulons ! »

Vachon, toujours dissimulant, n’en demanda pas moins à son guide ou était cette maison de Casamicciola qui portait en lettres d’or cette inscription : Maison de la Presse parisienne.

— Elle est sans doute dans la rue qui a reçu le même nom ?

— Quelle maison ? quelle rue ? Je ne comprends pas, fit le guide.

Tout finit par s’éclaircir et Vachon s’expliqua pourquoi la malheureuse ville était encore en ruines.

La partie centrale de la ville, écrit-il, est un monceau de décombres, de plâtras, de huit et dix mètres de hauteur, où il est imprudent de s’aventurer, tant les murs sont croulants. Tout est d’une désolation navrante. Dans la partie de Casamicciola qui longe la mer, des baraques basses et longues, d’un aspect désagréable, ont été construites et forment une cité nouvelle, qui ressemble aux cités de chiffonniers à Paris. Les habitants eux-mêmes n’ont guère l’air moins misérables que les victimes de M. Poubelle ; ils sont là dans chaque baraque huit ou dix personnes, qui vivent on ne sait trop de quoi, au milieu d’un mobilier sommaire, et couchent pour la plupart sur la terre nue[55].

Au mois de mars 1884 pas un sou n’avait été distribué de cet argent à propos duquel on avait fait tant de bruit. Le comité, qui avait accepté ce chiffre de 244.482 francs de dépenses d’organisation, n’avait pas eu l’idée, au lieu de faire tant de phrases, de remettre simplement à un homme sérieux un billet de mille francs pour payer son voyage et de le charger d’aller loyalement, honnêtement, distribuer le montant de la souscription aux infortunés qui étaient sans asile.

Le plus fort dans ce genre fut la fête donnée, au mois de septembre 1884, dans le jardin des Tuileries au profit des cholériques. Le 17 septembre, la Lanterne publiait une note pleine de promesses.

Comme les frais sont nuls, disait-elle, vu que tout le monde à apporté un concours gratuit et qu’il ne faudra défalquer de la recette brute que quelques mètres cubes de gaz et quelques lampions, la presque totalité de la somme sera, espérons-nous, versée entre les mains des malheureux.

Le lendemain il fallut rabattre un peu de cette joie anticipée. On s’aperçut qu’une partie des billets présentés à l’entrée étaient faux. Bientôt la navrante vérité se fit jour. Les commissaires avaient commis les malversations les plus incroyables et majoré les factures d’une façon véritablement excessive. A la note de la Cie du gaz qui n’était que de 2.000 francs, ils avaient ajouté 10.000 francs soit disant nécessaires pour introduire le gaz dans les ballons ! Nous imiterons sur le reste la discrétion de l’Intransigeant qui écrivait à la date du 3 octobre :

Nous n’insisterons pas sur les 6.635 francs de fête parisienne ; ce serait peut-être entrer dans la vie privée des organisateurs ; mais, puisqu’ils éprouvaient le besoin de terminer gaiement une nuit si mal commencée, ils auraient dû se restreindre un peu.

Quant à l’organisation générale, elle comprend sans doute le fastueux souper des commissaires à l’hôtel Continental et leur luncheon dans le pavillon de l’Orangerie… toujours au bénéfice des victimes du choléra !

C’est décidément une bien jolie bouillabaisse que la comptabilité du comité ! Comme le disait hier l’un de nos spirituels confrères, « les organisateurs ont fait la fête sous le patronage de deux ministres ; il est nécessaire qu’elle se termine sous le patronage du parquet. »

Bien entendu les deux ministres, qui avaient probablement leur part du gâteau, défendirent au parquet de tirer l’affaire au clair.

Le juge d’instruction se contenta de chantonner à ceux qui se plaignaient trop haut les jolis couplets du Chœur des commissaires improvisés par M. Gaston Jollivet pour la circonstance :

Nous sommes les bons commissaires
Des fêtes de la Charité,
Amis sagaces et sincères
Du pauvre et du déshérité.
Mais nous-mêmes, dans notre bourse
Logeons le diable détesté.
Nous sommes perdus sans ressource,
Sauvons-nous par la Charité !

La Charité bien ordonnée
Ne commence pas par autrui.
A nous, le fiacre à la journée,
Les festins dès que l’aube a lui !
Que le tailleur enfin nous livre
Nos habits sur timbre acquitté !
Tous les corps d’état doivent vivre
Sur les fêtes de Charité !

Le Temps, qui est un journal grave et qui ne chante pas le petit couplet, exprima les mêmes sentiments, mais en simple prose.

L’examen des comptes de la fête des Tuileries est terminé. M. Gauthier de Noyelles, contrôleur général à la préfecture de police, a remis hier un rapport détaillé à M. Camescasse, préfet de police.

Ce document constate que la gestion du comité a laissé beaucoup à désirer, mais que les gaspillages auxquels certains membres du comité se sont livrés ne constituent point, en l’espèce, un délit caractérisé.

Il n’y aura donc pas poursuite et l’enquête a été déclarée close[56].

MM. Jeannin et Bonnet, deux des organisateurs qui, s’ils furent négligents, ne paraissent pas avoir été coupables, réclamèrent en vain la publication des comptes, afin que la part de chacun fût bien déterminée. M. Gauthier de Noyelles s’y refusa obstinément.

Le parquet nouveau modèle partageant absolument les théories de M. Camescasse et de M. Gauthier de Noyelles sur l’exercice de la bienfaisance, le citoyen Daumas, conseiller municipal de Marseille, put passer tranquillement la frontière avec l7.250 francs que lui avaient rapportés les cholériques[57]. Ce n’est pas cependant les instruments qui manquent au conseil municipal de Marseille pour faire les additions. Le compte administratif du maire Brochier portait, pour 1883, cent vingt-cinq mille francs d’enveloppes et soixante-quinze mille francs de plumes, porte-plumes et crayons !

Il est bon de noter que ce vol aux pauvres apparaît pour la première fois dans la société française. Il n’est pas inutile de comparer cette charité laïque, républicaine et franc-maçonne aux merveilles qu’accomplissent nos religieux et nos religieuses qui, de rien, trouvent moyen de faire quelque chose, arrivent avec des ressources dérisoires, qui seraient dévorées en quelques soupers de philanthropes, à recueillir des vieillards pendant de longs mois, à élever des enfants, à soigner des infirmes. Cette philanthropie républicaine, qui est un gaspillage quand elle n’est pas une escroquerie, est un des signes d’une époque où les dépenses les plus excessives ne portent aucun profit. Ce n’est pas seulement avec de l’argent, en effet, qu’on soulage les misères, qu’on exécute les grands travaux, qu’on réorganise une armée ; sans un peu d’honnêteté et de dévouement tout est stérile et malheureusement, nos républicains ne comprennent même plus le sens de ces mots-là.


Dès que les Juifs touchent à quelque chose, d’ailleurs, et ils ont la rage de toucher à tout, la question d’argent salit les intentions les plus droites. Vous vous rappelez les com- mencements de la Société de l’Union centrale des arts appliqués à l’industrie ? On voyait rassemblés dans le comité des noms estimés de tous. Grands seigneurs, grands fabricants, ouvriers d’élite s’étaient unis pour une œuvre d’intérêt général[58].

Les Juifs n’ont pas eu de repos qu’ils ne se soient encore introduits là dedans. Aujourd’hui, ils y sont les maîtres. Ch. Ephrussi, Gaston Dreyfus, Cohen sont en tête du comité. C’est le Prussien Wolff qui, en sa qualité de membre du jury, juge nos industriels français ! Naturellement, dès que les Juifs sont entrés, l’association est devenue une banque et l’on a cherché l’affaire.

Jadis, sous l’Empire, quand il s’agissait d’autoriser une modeste loterie de cent mille francs, les républicains montaient à la tribune et ils protestaient contre ceux qui habituaient les travailleurs à se repaître de l’espérance d’un gain illusoire et qui les dégoûtaient ainsi d’un labeur honnête. Maintenant, ils ont changé tout cela et ils ont autorisé cette loterie de quatorze millions, qui a été un si long scandale.

Les Goncourt nous ont montré les teneurs de tripots du Palais-Royal se promenant dans le jardin « suivis de la troupe embrigadée des recruteurs, des racoleurs, des embaucheurs, des distributeurs de cartes, entourés de la garde prétorienne des bouledogues souteneurs gagés par les banquiers. »

Un ancien ministre des Beaux-arts nous a donné un spectacle analogue et nous l’avons vu remplissant Paris et les départements des boniments d’une réclame éhontée, multipliant ses appels cyniques, tentant le pauvre ouvrier par ce billet mis partout à la portée de sa main et le forçant à prélever sur sa paie le malheureux franc qui eût suffi à donner du pain aux siens pendant un jour[59].

De cet or, si péniblement arraché à un peuple qui meurt de faim, le Juif veut la plus grosse part. On n’avait pas encore recueilli un sou qu’on parlait déjà de donner six millions au Juif Spitzer pour lui acheter sa collection.

C’est un marchand, direz-vous, que ce Spitzer ? Gardez-vous de le croire. Comme tous les Juifs, Spitzer est un bienfaiteur de l’humanité. Le Bourgeois-Gentilhomme, qui se connaissait en étoffes, achetait quelques coupons qu’il revendait à ses amis moyennant un léger bénéfice, mais par pure obligeance. Spitzer a acheté quelques vieux meubles et quelques pots cassés et il nous les offre moyennant six millions, parce qu’il aime la France.

Ne vous permettez pas de plaisanter ! Ecoutez plutôt, comme le Juif Eugène Müntz, bibliothécaire à l’École des Beaux-arts, parle de son compère Spitzer dans une lettre adressée à l’Art : « Si M. Proust était vraiment parvenu à conquérir pour six millions pareille collection, on ne saurait assez lui voter de remerciements, quelle que soit sa destination, tout comme on ne pourrait trop combler d’honneurs le vendeur qui aurait poussé le désintéressement jusqu’à des limites aussi invraisemblables. »

Je regrette seulement que M. Müntz n’ait pas mieux précisé ce qu’il entendait par « combler quelqu’un d’honneurs. » Voudrait-il qu’on conduisit Spitzer, monté sur un cheval blanc comme un nouveau Mardochée, à travers les rues de la capitale ? N’est-ce point assez pour une générosité « qui atteint des limites invraisemblables ? » Souhaite-t-il que l’on remette à ce Remonencq magnifique, à ce père Lemans héroïque, l’épée de connétable devant les troupes assemblées, dans le frémissement solennel des drapeaux lentement inclinés ?

Je ne rappellerai pas les actes inqualifiables qui firent de cette loterie une opération sans exemple. Nouvelles mensongères, chiffres frauduleux, manœuvres dolosives de toute sorte, il n’en aurait pas fallu le quart autrefois pour mettre toute la maréchaussée aux trousses des singuliers industriels qui donnaient ce spectacle[60].

Après avoir fait annoncer officiellement le 15 juin que l’émission des billets est terminée, Proust est obligé de reconnaître qu’il a menti et qu’une partie des billets est demeurée entre ses mains. La loterie est tirée néanmoins sans que les billets aient été placés ; le gros lot, ainsi que quelques lots d’une importance secondaire, reste au fond du sac et les administrateurs avouent qu’ils ont gagné 770.000 francs. Ce n’est que sur les réclamations unanimes de la presse et de l’opinion qu’on se décide à procéder à un nouveau tirage.

Ce qui est certain, ce qui est hors de conteste, c’est qu’une loterie autorisée à quatorze millions, sur lesquels douze millions de billets ont été placés, a produit pour résultat définitif et total cinq millions huit cent mille francs. C’est M. Proust lui-même qui a été forcé d’avouer ce chiffre, le 5 février 1885, devant les protestations du comité.

Où sont passés les autres millions ? En frais généraux ? En admettant, pour un instant, cette hypothèse insensée, il y a un moyen de répondre aux accusations formelles que chacun porte contre le promoteur et l’organisateur de cette loterie, contre celui qui en a assumé la direction exclusive, c’est de publier les comptes.

Comment se fait-il que les membres du comité, dont quelques-uns, comme M. Bouilhet, occupent une certaine situation dans le monde, dont le nom figure sur les billets de loterie, n’aient pas compris qu’ils se compromettaient eux-mêmes en ne réclamant pas immédiatement la publication de ces comptes ?

Ceci n’empêche point les membres de la gauche de déclarer que la loterie des Arts décoratifs est une œuvre nationale. Spitzer aussi et Proust sont des figures nationales et Hecht donc, l’intermédiaire dans l’achat des Courbet !

Elle est instructive, l’histoire des Courbet ! On avait le désir d’avoir un ou deux Courbet au Louvre. L’idée n’était pas plus mauvaise qu’une autre. En tous cas la marche était facile à suivre, il fallait demander loyalement un crédit à la Chambre, si l’on manquait d’argent, et à la première vente importante où figurerait un Courbet, envoyer un mandataire du Louvre. Chacun sait que les collectionneurs français poussent rarement contre la direction des Musées et que les amateurs étrangers eux-mêmes s’abstiennent.

Proust préféra agir obliquement, sans prendre l’avis de la Chambre. Il chargea un Juif de ses amis, un nommé Henri Hecht, dont le frère porte le prénom idyllique, et printanier de Myrtil, d’acheter trois Courbet. Si l’économie l’eût guidé, le mal n’eût pas été grand, par malheur les chiffres prouvent que, si c’est à ce mobile qu’il a obéi, il a été bien déçu dans ses calculs. Comment Hecht fît-il son compte ? Je ne sais ; ce qui est certain, c’est qu’il paya les tableaux destinés à l’Etat un prix absolument invraisemblable :

La Ceinture de cuir 26.000 francs.
L’Homme blessé 11.000
La Sieste pendant la saison des foins. 29.100
Le Combat de cerfs. 41.900
L’Hallali du cerf. 33.000

Or, à part la Remise des chevreuils, qui est le chef-d’œuvre du maître, et qui atteignit 35.000 francs à la vente le Lepel Cointet, les tableaux de Courbet n’ont jamais été estimés aussi haut. Le Retour de la Conférence, la toile fameuse, a été payée à la vente de 1881, 15.000 francs, la Belle Hollandaise, 8.000 francs, les Amants à la campagne, 5.700. A la vente de 1832, la Baigneuse, une toile fort connue encore, a atteint péniblement 14.000 francs, le Mendiant, 9.000 francs, les Lutteurs, 5.800 francs. Les autres toiles ont oscillé entre 3.000 et 4.000 francs.

A la vente Monteaux, la Vague a été payée 1.800 francs.

A la vente Dussol, qui s’est faite le 17 mars 1884, dans d’excellentes circonstances, tous les journaux l’ont constaté, et qui contenait quelques Courbet intéressants, voici les prix obtenus :

Isaure en Bacchante. 3.900 francs.
Jeune Femme 1.950
Vue d’Ornans 3.000
Les Saules 4.500
Marine 2.100
Remise aux chevreuils (effet de neige)   3.800

Ajoutons que le magnifique Courbet, que tout le monde admirait chez Girardin, a été vendu 4.400 francs. Au mois de février 1885, Henri Rochefort, connaisseur émérite en tableaux, payait 4.510 francs une des toiles les plus remarquables du maître : Les Chasseurs dans la neige.

Avant d’acheter dans des conditions aussi déplorables, qui étaient véritablement le n’Hecht plus ultra, pourquoi ne pas avoir demandé l’avis préalable de la Chambre ? Pourquoi tout ce qui se conclut par l’intermédiaire des Juifs tourne-t-il toujours au détriment du Trésor ? Si l’on eût pris la peine de réfléchir, on n’eût pas acheté ce Combat de Cerfs qui, peint au bitume, ne présente plus au regard qu’une informe tache noire ainsi qu’on peut s’en assurer au Louvre.

On annonça un moment que la commission de la Chambre, nommée pour approuver cette vente, ne ratifierait pas un achat aussi scandaleux. Il n’en fut rien ; la commission approuva tout ce qu’on voulut.

Depuis que les collectionneurs un peu avisés, loin de songer à rien acheter, se débarrassent sans bruit de leurs objets d’art, la Juiverie parait s’être rabattue sur le Louvre.

C’est ainsi que nous voyons J. Reinach s’entremettre pour faire acheter à notre Musée pour le prix de cent mille francs trois prétendus Frans-Hals qui valent bien mille écus. Seul, le portrait du seigneur de Berensteyn a pu être de Frans-Hals, mais il y a bien longtemps de cela. L’œuvre originale a complètement disparu ; elle a été absolument refaite par un barbouilleur. Le Musée de Berlin, auquel on avait proposé cette acquisition, envoya à Harlem un représentant qui, à la vue de ces tableaux, fut pris d’un fou rire et court encore. Dans ces petites villes paisibles où l’on s’amuse de peu, les Frans-Hals du Béguinage, qu’on offrait à tout le monde et dont personne ne voulait, étaient devenus le thème d’inépuisables plaisanteries. On en faisait des gorges chaudes sur la place avant d’aller se coucher[61].

Plus tard nous avons eu l’histoire des six tableaux incomparables, parmi lesquels un Botticelli unique, qu’on offrait généreusement au Louvre. Un Juif possédait ces œuvre » sans prix ; il allait les vendre ! Quel malheur ! C’était le moment où Alphonse de Rothschild posait sa candidature à l’Académie des Beaux-Arts. Quelle occasion pour lui de s’affirmer comme un Mécènes ! Il donne quelques billets de mille francs ; d’autres l’imitent ; on réunit ainsi ou l’on prétend réunir cent cinquante mille francs ; on imprime pour un million de réclames sur le cadeau princier, le cadeau royal ; la splendide aumône faite à la France. Turquel pleure sur la bonté du baron, toujours en tête de ces manifestations…

Bref on apporte les toiles au Louvre et on pense, pour la première fois, à demander l’avis des conservateurs que jusqu’ici on n’avait pas jugé à propos de consulter. Ils poussent des cris d’horreur. La Vierge au puits, de Botticelli est absolument apocryphe ; le Crivelli et le Van der Goës ont été peints par un mauvais élève de Trouillebert. Ces prétendues merveilles sont indignes de figurer dans une galerie publique. Avouez que, si le baron Alphonse a sérieusement cru au Botticelli, c’est une piètre recrue pour l’Académie.

Depuis Turquet et Proust, rien de ce qui touche au Louvre ne se fait nettement, directement. En Alsace, un paysan ne peut vendre sa vache sans recourir à l’intermédiaire d’un Juif. Avec un budget de plus de trois milliards, l’Etat ne peut plus acheter simplement une œuvre de maître après l’avis des hommes compétents ; il faut toujours qu’un Juif intervienne là-dedans pour truquer, troquer, tromper.

Quand les Juifs auront réalisé leur rêve d’imposer comme directeur du Louvre un des leurs dont chacun prononce le nom, et qui serait déjà installé si Proust fût resté ministre des Beaux-arts, ils déménageront le Musée en deux ans et substitueront des copies aux originaux sans que vous vous en aperceviez. Vous n’y verrez que du feu et toute la presse, les journaux catholiques en tête, déclareront que ce directeur est le plus grand des directeurs passés, présents et futurs.

Pour les Juifs, ces grosses machines comme la loterie des Arts Décoratifs sont d’abord une affaire, une brillante affaire puisque, d’après M. Haëntjens, le billet qu’on vend un franc vaut trois sous.

La loterie est encore un moyen de propagande.

On connaît l’aventure de ce candidat qui avait trouvé ingénieux de placarder des affiches derrière le cabriolet de son concurrent, qui lui servait ainsi d’infatigable commis-voyageur électoral. C’est un peu ce qui est arrivé aux honnêtes gens et aux chrétiens qui ont fondé la Société des Arts Décoratifs. Grâce à la complicité du gouvernement, qui a permis que tous les trafics se mêlent à une œuvre qu’il appelait patriotique, la loterie est devenue une espèce de tontine ; au mépris de la loi qui est formelle, on divise les lots par fragments imperceptibles[62], on promet des parts. C’est ainsi qu’on a pu lire dans tous les journaux l’annonce suivante :

PRIME EXTRAORDINAIRE :

Réaliser un BÉNÉFICE possible de 300.000 FR.

et avoir en outre l’avantage de connaître en détail
LA PROFONDE PERVERSITÉ SES PRÊTRES
________

LE 15 JANVIER aura lieu le 1er TIRAGE de la LOTERIE DES ARTS DÉCORATIFS.

Ce tirage comporte un lot de 100.000 francs, un lot de 25.000 francs et soixante autres lots, chaque lot en argent comptant. Tout billet, qui gagnera au premier tirage, participera en outre au tirage définitif, lequel comporte un lot de 500.000 francs, soit UN DEMI MILLION, un lot de 200.000 fr., trois lots de 100.000 fr. chacun, Quatre lots de 50.000 fr. chacun, et cinq cent autres lots de 25.000 fr à 500 fr. Par conséquent un même billet peut gagner 600,000 francs.

Voici la combinaison (sans précédente) offerte par la Librairie Anti-cléricale

Toute personne qui achètera directement ces jours-ci à ladite librairie un exemplaire du volume LES LIVRES SECRETS DES CONFESSEURS publié par M. LEO TAXIL, participera pour moitié aux chances de gain de deux billets de la Loterie des Arts Décoratifs. C’est-à-dire que tout acheteur du volume en question recevra en prime gratuite le double de deux billets de cette loterie. Dans le cas où l’un des numéros attribués en prime et nominativement à l’acheteur sortira au tirage, la valeur du lot gagné sera partagée par moitié entre l’acheteur et la Librairie ; et, de même, si les deux billets sortent L’acheteur aura ainsi deux chances au lieu d’une.

UN BILLET POUVANT GAGNER 600,000 FRANCS, 300,000 fr. seront donc la part de l’acheteur du volume de la librairie Anti Cléricale.

Les de Chaulnes, les Sabran, les Chennevières, les Barbedienne, les Falize, les Lefebure, les Paul Dalloz qui ont apporté, jadis, à l’œuvre des Arts décoratifs, le concours de leur dévouement, l’appui, de leur bonne renommée, se trouvent ainsi, je le répète, avoir contribué à répandre dans les masses des publications, non point sans doute immorales, car rien n’est plus pur et plus élevé que la morale de ces manuels de confesseurs, mais dangereuses à mettre entre les mains de jeunes filles ou d’enfants.

Ceci explique l’espèce de découragement, qui s’empare de tous les hommes en situation de faire quelque chose, devant le lamentable avortement de tout ce qu’ils ont tenté pour le bien.

L’argent, en outre, commence à leur manquer. L’amour de l’art a presque été aussi ruineux pour l’aristocratie actuelle que l’art de l’amour pour les grands seigneurs d’autrefois. Les commissaires-priseurs dépendant des experts et la plupart des experts étant juifs, on s’est entendu autour de l’hôtel Drouot pour créer des prix absolument fictifs. Tous les brocanteurs de l’univers ont versé leurs emplettes douteuses sur Paris ; la contrefaçon, l’imitation ont pris des proportions inouïes. Beaucoup de gens du monde, qui croient posséder une galerie d’une valeur réelle, n’ont chez eux que de faux bibelots, des toiles pastichées, des plats en cuivre repoussé que j’ai vu moi-même fabriquer dans des maisons que je pourrai désigner.

On n’ose détromper ces illusionnaires. Il y a, en effet, quelque chose de touchant dans le spectacle de ce pauvre Aryen qui s’est laissé chasser de ses châteaux, dépouiller de tout ce qu’il possédait et qui époussette, avec une joie enfantine, quelque armure apocryphe, quelque bahut truqué que le Juif a été assez adroit pour lui vendre au poids de l’or. Quand un krack se produira là encore, quand la cours de convention soutenus par des syndicats de marchands s’effondreront, une effroyable débâcle aura lieu, on ne trouvera pas dix mille francs de collections qui auront coûté cinq ou six cent mille francs[63].

Lisez le Truquage, de M. Paul Eudel, qui devrait être dans toutes les familles pour les préserver de la ruine. Depuis les objets préhistoriques jusqu’aux Diaz et aux Charles Jacques, tout sert de prétexte à une odieuse contrefaçon. On fabrique de faux silex, de fausses statuettes de Tanagra, de fausses figurines de Sèvres et de Saxe, de fausses médailles, de faux autographes, de faux bronzes.

Il y a dans ce livre des anecdotes exquises et des tours bien divertissants. Quoi de plus charmant que l’histoire que racontait le Juif Coblentz qui excellait à faire des miniatures et des grisailles genre Sauvage. Un jour, il envoie un tiers vendre chez un grand marchand une miniature qu’il avait faite lui-même. Le marchand l’achète immédiatement. Peu de temps après, seconde visite avec une seconde miniature dans le même goût que la première. Cette fois, l’acquéreur repoussa l’offre qui lui était faite, et fît même de sanglants reproches à l’intermédiaire pour lui avoir vendu une chose moderne. Celui-ci prétexta de son ignorance.

— « Tenez, dit-il, je vais vous montrer de vrais Sauvage, et il ouvrit une armoire remplie de grisailles. Elles ne sont pas signées, mais elles parlent d’elles-mêmes, celles-là, ajouta-t-il. »

Or c’étaient des miniatures de Coblentz, qui en rit encore.

Ici encore éclate le manque de toute initiative chez l’aristocratie. Autrefois les plus grands seigneurs encourageaient, fondaient eux-mêmes des fabriques artistiques ; les faïences d’Oiron, les manufactures de Rouen, l’école des Clerissy sont nées d’une généreuse et intelligente fantaisie. Au potier comme au peintre ou au sculpteur le patricien donnait son avis, apportait, en dehors du concours matériel l’observation utile et souvent très juste. Tout cela a disparu. Pas un grand seigneur n’a eu l’idée de commander à un peintre quelque tableau émouvant qui retraçât les scandales de ce temps, les violations de domicile, qui léguât à l’avenir le souvenir de ces hontes, en revanche, ils disputeront à coups de billets de banque quelque tableau culotté à l’aide de procédés spéciaux afin d’avoir l’air vieux, quelque crédence exécutée devant nous à Batignolles ou à Malakoff par un pauvre ouvrier qui vous dit : « Le comte de X… a acheté la pareille cinquante mille francs au Juif M… Si je la lui avais offerte pour six mille il m’aurait flanqué à la porte. Quels imbéciles[64] ! »

Parmi ces brocanteurs juifs il en est qui éveillent presque l’admiration. A une certaine hauteur d’audace l’escroquerie touche au génie, elle apparaît comme une des manifestations de la supériorité intellectuelle d’une race sur une autre. Impuissant à concevoir même la pensée de certaines ruineuses mystifications financières juives, l’Aryen n’aurait pas été davantage capable de rivaliser avec un Saphira. Quelle puissance de persuasion, de ruse, de diplomatie, de souplesse à manier les hommes dans ce trucqueur qui arrive à vendre cinq ou six cent mille francs au Musée de Berlin une collection de poteries moabites absolument fausse[65] !

Vous croyez que Saphira va s’arrêter là ? Vous ne connaissez pas l’espèce qui va toujours devant elle sans mettre de bornes à la hardiesse qu’elle puise dans un insondable mépris pour nous. Saphira propose tranquillement au Britisch Muséum de lui céder, moyennant un million de livres sterlings, un exemplaire du Deutéronome, écrit en caractères moabites identiques à ceux de la stèle de Mesa, et qui n’aurait pas eu moins de 27 ou 28 siècles d’existence[66]. L’affaire fut presque sur le point de se conclure et elle eût réussi sans l’intervention d’un grand archéologue français, M. Clermont Ganneau, qui dessilla les yeux des Anglais et démontra la fraude. De désespoir, Saphira vint se suicider à Rotterdam au mois de mars 1884 et, au mois de septembre 1885, le fameux exemplaire du Deutéronome fut vendu cent francs à Londres.

Les courses sont plus ruineuses encore pour les hommes que l’amour des faux bibelots. Le bookmaker, qu’un homme d’esprit a appelé un pickpocket arrivé, est d’ordinaire un Juif anglais. Le propriétaire d’une des principales écuries de courses est un Israélite, mêlé à l’affaire du Honduras et condamné au mois de mai 1856 à deux ans de prison pour abus de confiance. Chacun connaît cette histoire. On a publié une lettre du duc Decazes du mois de juin 1875, qui prouve le fait jusqu’à l’évidence. On tolère néanmoins cet intrus parce qu’il est Juif et le Clairon l’appelait de temps en temps notre sympathique propriétaire éleveur X. Nos élégantes continuent à porter, quand le cheval a été vainqueur, les couleurs d’un escroc, comme leurs aïeules portaient, dans les tournois, les couleurs de quelque preux chevalier qui s’était signalé par sa vaillance.

On devine ce qui se passe de tripotages, de manœuvres déloyales, d’infamies dans ce monde de turf. C’est l’Aryen toujours, le gentilhomme, l’honnête homme qui est victime ; parfois on ne se contente point de le ruiner, on le déshonore. On achète son jockey et on le mêle à quelque vilaine affaire d’où le nom sort toujours un peu endommagé ; il est disqualifié, comme on dit.

Des forêts de Bondy, des tripots équestres, des entreprises de vol à la course, voilà comment s’expriment tous les journaux, sans exception, à propos de certains hippodromes.

On y est volé, dévalisé, assassiné comme au coin d’un bois, avec cette aggravation que les escarpes, pistolet ou couteau au poing, opéraient la nuit sur les voyageurs, tandis que les suburbains, ticket en main, opèrent le jour, en plein soleil, sur les pontes. Le cynisme du vol s’y étale plus qu’en aucun autre endroit de la terre. Personne ne l’ignore et, chose incroyable, cette ignoble truanderie — où l’on retrouve, au vrai, le banditisme grouillant dans les bas quartiers de Londres — semble tolérée par la police, encouragée par les gendarmes, protégée par les magistrats. On se demande comment il se fait qu’aucune loi ni personne ne soient venus encore vider ces tapis francs des chevaux biseautés, des portées de jockeys, des séquences de bookmakers avec lesquels on coupe la bourse des parieurs, et rendre ces champs et ces pelouses à leur destination naturelle, qui est de faire pousser du sainfoin et des pommes de terre.

Il se passe là des scènes sans nom. Le cheval qu’on s’est arrangé pour faire gagner est en retard. On entend des tribunes les jockeys qui crient à leur camarade, en retenant leurs chevaux : « Mais, arrive donc ! »

Un jour c’est le jockey Andrews qui manque d’être assassiné par ses concurrents. Une autre fois la foule proteste contre une filouterie trop évidente dans une course entre Blonde II et Georgina. Les jockeys s’emparent d’un des manifestants, l’entraînent dans la pièce où ils s’habillent, le cravachent à tour de bras et le laissent à moitié mort[67].

N’est-ce point pitié de voir un homme, qui porte le nom de Castries, un descendant du vainqueur de Clostercamp, assistant à cet affreux spectacle d’un Français cravaché par dix valets anglais réunis contre un homme seul ?

Voilà où mènent l’oisiveté, la vie du turf, le goût des plaisirs bas.

An concours hippique tous les prix sont pour Israël. Camondo, ce gros Juif qui ressemble à un chef d’eunuques abyssins qui aurait déteint, ce Turcaret levantin dont Carolus-Duran exhibait, au Cercle des Mirlitons, l’image cauteleuse et blafarde, triomphe avec un mail coach noir bleu attelé de quatre chevaux bai-brun. Les journaux conservateurs nous emmènent visiter les écuries ; nous apprenons chemin faisant que le piqueur Arthur Yoodrook « a un traitement d’ambassadeur, » il y a quatre couronnes en cuivre sur les stalles, les couvertures sont bleues bordées de rouge, aux angles des armoiries brodées à la main avec cette devise : Charitas et fides.

Hirsch n’est pas oublié. Il a obtenu lui, un prix de première catégorie avec Sanshine et César qui s’attèlent en flèche ; quant à Rob Roy et Bonmary, ils steppent. Camondo a vingt-quatre chevaux dans son écurie, dont seize au harnais toute l’année, et huit chevaux de selle ; Hirsch n’en a que vingt-trois, mais parmi eux on compte un arabe rouan, présent de S. M. l’Empereur d’Autriche, à l’ami du pauvre comte de Wimpffen. Si le maître n’est pas impeccable, la tenue de l’écurie l’est. La sellerie, notamment, est une merveille : « C’est une pièce spacieuse, haute de plafond, dont la cheminée en marbre est un chef-d’œuvre. Tout cela brille et reluit et offre le spectacle de l’arrangement le plus ingénieux. »

Le sens moral est tellement oblitéré chez les classes supérieures que personne ne trouve mauvais de récompenser le luxe conquis grâce à ces Bons turcs qui ont ruiné tant de Français. Ceux qui se montrent le plus obséquieux devant ce Juif allemand feraient condamner à la prison un pauvre diable qui aurait pris un fagot dans leur bois. Les autres ne poursuivraient pas le voleur de fagot, mais, natures molles et faibles, ils ne s’étonnent point qu’on ose étaler devant eux une fortune mal acquise.


La vie de cercle est la conséquence de la passion des courses. Le gouvernement aide tant qu’il peut à la démoralisation par le jeu. Là encore on retrouve l’hypocrisie républicaine, cet amour de tout ce qui est trouble, de tout ce qui permet de réaliser des bénéfices honteux que les députés de la gauche se partagent clandestinement.

Paris, depuis la République, est devenu une immense maison de jeu. On joue partout et partout d’une façon mal-honnête[68]. La cagnotte, Dame Joséphine, comme on la nomme, prélève sur chaque joueur un impôt véritablement léonin. Un écrivain, qui s’est particulièrement occupé de cette question, estime que les sommes ainsi perçues par les directeurs de cercles se sont élevées à soixante millions en cinq ans.

Il y a, à Paris, dit-il[69], à l’heure même où j’écris ces lignes, plus de cent maisons du genre de celle que je cite, où l’on joue le baccara. Sur ces cent tripots, vingt-cinq au moins fonctionnent dans des conditions exceptionnellement productives. Si bien que, calcul fait, on estime que, depuis les cinq dernières années, ces vingt-cinq maisons seulement ont englouti dans la cagnotte la somme, nous n’osons dire respectable, de soixante à soixante cinq millions ! C’est-à-dire que le malheureux joueur, sans compter ses pertes naturelles, sans compter les vols dont il a pu être victime, a dû, avant de courir les chances de bénéficier d’un centime, payer en cinq années un tribut d’au moins soixante millions !

N’est-ce pas réellement effrayant ? Et pourtant ce n’est pas tout encore, car le joueur a d’autres charges, auxquelles il ne peut se soustraire et qui naturellement concourent toutes à sa ruine. Nous voulons parler du cadeau fait au croupier par celui qui tient la banque, et de l’intérêt servi à la caisse des prêts. Nous nous contenterons d’indiquer sommairement en quoi consistent ces deux nouveaux impôts.

Lorsque le banquier lève une banque, après avoir gagné, l’habitude est de laisser une petite somme au garçon qui « croupait » pendant la taille. Ce pourboire n’est pas limité ; toujours est-il qu’il est ainsi abandonné, après chaque banque en bénéfice, une somme qui varie entre quinze et deux cents francs, suivant l’importance du gain ou la générosité du banquier.

Quant à l’intérêt de l’argent prêté, il est toujours des plus considérables, puisqu’on a pu constater qu’un garçon de jeu, avec un seul billet de mille francs, était arrivé à doubler son capital dans une seule soirée.

Ces chiffres, pourtant si élevés, semblent de beaucoup inférieurs à la réalité au Matin qui a publié une étude complète sur les Cercles[70].

Dans les grandes maisons de jeu, dit ce journal, la cagnotte rapporte réglementairement (nous laissons de côté le produit du vol des croupiers) en moyenne 6.000 francs par jour, et, dans les tripots de bas étage, le produit minimum de la recette quotidienne est de 4.000 francs. Nous pouvons donc, sans exagération, estimer à 2.000 francs par jour les sommes encaissées par les cagnottes dans les maisons de jeu depuis cinq ans. Cela fait, pour chacune d’elles, une recette de 730.000 francs par an ou de 3.650.000 fr. pour les cinq ans.

Or, pendant ces cinq années, le nombre des tripots de Paris a été au moins de 24. Nous arrivons donc, rien que pour les cagnottes, au chiffre respectable de 87.600.000 francs.

Il faut ajouter à ce chiffre les bénéfices réalisés par les préteurs et les croupiers, bénéfices qui atteignent parfois des proportions énormes et que nous évaluerons à une moyenne de 400.000 francs par an et par tête, soit à raison de cinq de ces estimables fonctionnaires par tripot, 500.000 francs par an et par tripot, 12 millions par an pour les 34 tripots et 60 millions pour les cinq ans.

Ajoutons encore une moyenne de 100.000 francs par an, pour les petits bénéfices de M. l’administrateur et de ses acolytes, soit 2.400.000 francs par an ou 12 millions pour les cinq ans.

Et nous arrivons au joli résultat suivant :

Cagnottes Fr. 87.600.000
Prêteurs et croupiers 60.000.000
Administrateurs et personnel 12.000.000
------------
____________Total Fr. 159.600.000

Cent cinquante-neuf millions six cent mille francs dévorés depuis cinq ans par ces Vampires, à Paris seulement.

Et nous n’exagérons pas, au contraire ; nous n’aurions que le choix pour appuyer, par des exemples probants, l’éloquence de ces chiffres.

De ces chiffres, il faut évidemment distraire les sommes considérables prélevées par le personnel de la préfecture de police qui, à tous les degrés, depuis le préfet jusqu’au dernier des agents, rançonne les maisons de jeu, et surtout les pots de vin donnés aux ministres et aux députés opportunistes[71]. Il n’en reste pas moins une somme énorme gaspillée, sans profit pour personne, et qui est une preuve nouvelle de l’improductivité d’un certain argent, qui ne peut même pas procurer, à notre Paris en deuil, l’illusion du mouvement et de la vie.

Que devrait faire le gouvernement s’il n’obéissait pas à des mobiles inavouables ? Ou bien appliquer purement et simplement la loi qui défend les jeux de hasard, ou bien abolir la loi de 1837 et rétablir le jeu public. Le jeu public, comme la loterie, a d’exceptionnels avantages ; facile à surveiller, il offre des garanties de régularité qui n’existent pas dans les Cercles actuels.

Pourquoi le gouvernement ne prend-il pas ce parti ? Pourquoi se prive-t-il de ressources qui seraient si nécessaires à un budget que les dilapidations folles ont mis à sec ?

Nous en avons dit la raison. Les ministres octroient aux députés, qui ferment les yeux sur leurs actes, soit des autorisations d’ouvrir des Cercles, soit des concessions, des parts dans les fournitures militaires et les adjudications.

On n’a pas oublié la poursuite correctionnelle dont furent l’objet, au mois de juin 1883, les fondateurs du Cercle de la Concorde et du Parlement somptueusement installé an 242 de la rue de Rivoli et qui fit faillite après avoir dévoré 800.000 francs en quinze mois.

M. Alfred Leconte, député de l’Indre, déjà célèbre pour un permis de chemin de fer gratté dans une intention frauduleuse, et qui s’était associé pour l’exploitation de ce Cercle à l’un de ses collègues, reconnut devant le tribunal qu’il était logé et nourri gratuitement dans l’établissement ; il avoua également avoir reçu la moitié des six cents actions des fondateurs attribuées à M. Trapet. C’est à M. Leconte, en effet, ainsi que le prouva une lettre de M. Andrieux, que l’autorisation avait été accordée. M. Louchet lut, à ce sujet, des lettres de M. Leconte qui prouvent une absence absolue de tout sens moral.

Ce procès, d’ailleurs, est d’un bout à l’autre un des plus curieux documents sur les mœurs actuelles que l’on puisse imaginer. Les sénateurs et les députés venaient faire là de plantureux dîners, des dîners officiels aux dépens des malheureux actionnaires[72].

Tout Paris a vu, pendant de longues années, un ancien ministre de l’intérieur, un vice-président de la Chambre, tenir publiquement un véritable tripot, un cercle ouvert à tous : le Cercle artistique de la Seine, qu’on appelait familièrement le Cercle Lepère. Dans tous les hôtels oû descendent les riches étrangers, dans tous les grands cafés du boulevard on distribuait des invitations à venir dîner et faire la partie et ces invitations étaient signées du vice-président d’une Assemblée française ! Jamais les membres de la gauche n’ont pensé que la dignité du pays fût atteinte par ce singulier cumul, ils trouvaient que ce teneur de brelan était encore le plus honorable d’entre eux, puisqu’ils l’avaient appelé à la vice-présidence. Dans l’histoire même du Directoire, je ne connais pas de fait analogue[73].

On ne saurait trop, néanmoins, encourager le gouvernement à récompenser de préférence ses fidèles par des permissions de tripot que par des fournitures. En ce dernier cas, c’est la sécurité même de la France que compromet le bon plaisir ministériel.

La discussion du 28 février 1884, sur les fournitures accordées aux industriels de Besançon, suffit à montrer comment les choses se passent pour les adjudications. M. Georges Perin, avec un patriotisme et une clairvoyance qui surprennent chez un républicain, émit cette idée qui frappa la Chambre d’étonnement, que généralement les places frontières étaient les premières assiégées en temps de guerre et que les magasins et les ateliers d’habillement nécessaires à l’armée étaient plus convenablement installés à l’intérieur. Si les fournitures avaient été maintenues à Besançon, c’est qu’il y avait une cause et cette cause était un Juif, le Juif Veil-Picard, le fameux Veil-Picard que nous rencontrons à chaque instant dans ce livre, partout où l’on agiote, où l’on tripote, où l’on complote une affaire d’argent.

Le sous-secrétaire d’Etat de la guerre, Casimir Périer, proteste qu’il est innocent, et le ministre de l’intérieur, Waldeck-Rousseau, déclare hardiment qu’il ne connaît pas Veil-Picard. M. Georges Périn le convainc immédiate- ment de mensonge en lui montrant les lettres qu’il avait fait écrire au Juif par son secrétaire particulier Noël.

Pour être appelé de temps en temps le beau et fier jeune homme, dans le journal Paris, le ministre sacrifiait tranquillement les intérêts de la France.

Le lendemain ce fut bien pis. Un scandale affreux se produisit à la mairie du VIIe arrondissement où étaient réunis les négociants et les fabricants qui se proposaient de soumissionner des fournitures se montant à cent millions. Casimir Périer, pour une raison toute personnelle, s’était arrangé de façon à rendre toute adjudication impossible en frappant à l’improviste tous les marchés d’un droit de 3 fr. 25 %[74].

Quoique, je le répète, les scandales des Cercles et des tripots me semblent avoir une importance beaucoup moins grave que les faits de cette nature, l’affaire du Cercle de la rue Royale mérite d’être notée ici. Ce Cercle qui selon l’expression d’un journal du boulevard, « embaumait la distinction et l’honneur, » exhalait, paraît-il, quelques odeurs moins suaves. J’avoue cependant que tout le bruit mené à ce sujet m’a laissé assez froid. Je n’irai pas jusqu’à m’écrier avec un de mes confrères : « Qu’il y ait un seul coupable, c’est déjà monstrueux en pareil lieu ; plusieurs, ce serait à désespérer de l’Humanité. » On découvrirait que le Jockey-Club est un département de l’Hellade que je ne désespérerai pas de l’Humanité pour cela.

S’il eût réfléchi davantage notre confrère aurait vite compris qu’un tel résultat était au contraire inévitable. Continuer une vie d’oisiveté et de désordre, quand la Patrie est près de périr, révèle une âme naturellement basse et qui doit, dès que les ressources manqueront pour satisfaire les passions, se laisser aller aux expédients les plus blâmables. Si l’homme, qui jouait au quinze avec des cartes marquées à la gomme, avait été en oraison ou occupé à chercher le moyen de sauver son pays, ce malheur ne lui serait pas arrivé.

Ce qui est triste c’est la honte qui rejaillit sur l’aristocratie par la faute de quelques désœuvrés. Faire son Petit cercle, passer rue Royale est maintenant l’expression adoptée par les ouvriers pour la tricherie au jeu.

Il est impossible que les Cercles ne soient pas déshonorés avec la manie qu’ont les gens du monde d’accueillir à bras ouverts tous les Juifs de l’univers. Un homme, que tout le monde a connu à Paris marchand de pastilles de sérail dans un passage, un cabaretier de la Petite Russie, un ancien laquais prussien ont-il gagné quelque argent à la Bourse, les voilà reçus partout. Quand un scandale éclate on n’ose même pas s’adresser à ceux-là, leur demander des éclaircissements sur leur famille, sur la façon dont ils se sont enrichis, sur ce qu’il y a au fond du train qu’ils affichent, on tombe unanimement sur un malheureux garçon de jeu uniquement parce qu’il est Français. C’est absolument honteux.


Le club et les courses se chargent des hommes ; la toilette ruine les femmes. Les couturiers et les couturières sont presque tous d’origine juive ; c’est un Juif, Dreyfus, qui est président de leur chambre syndicale. Ils ont déployé sur ce point un génie véritablement charmant, sinon complètement inventif. Félix fait bien joli, Kahn, qui succéda à Mme Laferrière, ne faisait pas mal, mais Sarah Mayer qui a « conçu » les deux robes de Mlle Legault, dans les Rois en exil, a une imagination bien heureuse ; c’est à elle encore, nous apprend le Figaro, «  que Mlle Legault doit le succès de ses dernières créations dans les Affolés et le Prétexte. » A Mme Rodrigues cependant le pompon ! Elle ne coud pas les robes comme on avait coutume jadis, aux temps barbares elle les édite, du moins c’est le terme qu’employait mon aimable collaboratrice Etincelle, qui m’envoyait souvent des communications bien surprenantes dans cet ordre, lorsque je rédigeais avec elle dans un journal élégant, dum Athenæ florerent

Le Juif n’a pu se défendre de mêler à cela sa pointe de gros sel. Les joailliers avaient fait porter aux hommes des petits cochons, on a affublé les femmes du monde d’espèces de selles postérieures, qui les font ressembler à l’animal qu’on a appelé « le vaisseau du désert » et qui en serait plutôt le Polichinelle. On a placé les poches derrière le dos, ce qui donne à la plus gracieuse femme, cherchant son mouchoir, l’aspect malséant d’un dindon qui se gratte. Aucune de nos Parisiennes n’a rien compris à cette ironie. Le sentiment de l’élégance, de cette élégance faite de goût, de mesure, d’esprit, serait-on tenté de dire, est mort chez la femme française ; elle prend les modes telles que les font les damen confection de Vienne.

Je voudrais dépeindre ces modes, comme les Goncourt ont dépeint celles du Directoire, mais je suis fort embarrassé ; je me perds dans ces miroitements, ces scintillements, ces éblouissements… Quelle étoffe préférez-vous ?

Nous avons le brocard, le surah, le crêpe de Chine, la moire de Lyon, la soie écrue, le velours frappé, la peluche et le satin merveilleux. Comme couleur nous pouvons vous offrir la couleur bistre, lave, neutre, mastic, noisette, nymphe émue, souris effrayée, ambre laiteux, fer, acier, gris de lin, flamme de punch, rouge Titien. Aimez-vous les casaques Buffon, les cagoules Torquemada, les corsages Lamballe, la jaquette Milady avec boutons vieil argent ?

La toilette de rue a une tendance 1830, celle de foyer reste Renaissance, celle de temple se rapproche des Merveilleuses. Le Louis XV bourgeois est à la mode à la ville, le Louis XV noble est adopté en soirée, le vert hongrois est aussi fort bien vu. Que diriez-vous, pour petits dîners, de fourreaux de velours à deux traines se décolletant en cœur ou restant hermétiquement fermés à la quakeresse ? La robe Lawrence fait fureur, mais le costume Dubarry a des partisans, d’autres préfèrent le petit damier Devonshire, mais à la condition, bien entendu, de le compléter par la vigogne plucheuse. Pour toilette de courses nous nous contenterons du jupon voile de religieuse.

Je vous entends, vous voudriez que je vous parle de la robe de roses — un rêve ! Se sont écrié les enthousiastes. C’est un jupon de satin ou de moire recouvert d’une jupe à traîne en satin blanc, ou ciel pâli, qui s’ouvre de côté sur un des lès du jupon entièrement couvert de roses comme un buisson printanier.

La robe et la traîne sont ombrées de roses ainsi que les bords entr’ouverts. Le corsage décolleté en pointe se garnit d’une guirlande de roses.

Les préoccupations de la toilette suivent nos étranges chrétiennes en des jours qui devraient leur inspirer de tout autres sentiments. Le violet est la couleur adoptée pour le Jeudi-Saint, « Au jupon, des ruches de taffetas déchiqueté sous la tunique de laine très molle, aux plis sculpturaux, garnie de guipures violettes également en laine. A la capote, des dentelles égayées de branches de lilas. » Le Vendredi-Saint, le grand deuil est de rigueur ; on adopte la robe genre « tailleur » en serge noire garnie d’un galon de laine noire. « Pas de bijoux. Chapeau noir, très simple, avec grand voile de crêpe. »

Comme coiffure, nous n’avons que l’embarras du choix. Voici l’immense Gainsborough à large auréole incliné en abat-jour, le Ketty-Bell se relevant crânement de côté sous des plis soyeux, le chapeau Sylvia garni de velours noir ou foncé, le chapeau Béarnais avec pompons vieil or, la capote Mignon à aigrette ducale, la capote Diane de Poitiers a diadème de velours et gros réseau de perles laissant apercevoir les cheveux. N’oublions ni le Yokohama, ni le Lesdiguières, ni le chapeau Riccobini doublé de velours vert et orné d’une nuée de pompons multicolores, ni le Récamier se relevant en peigne sur le chignon ou tombant en bavolet côtelé, ni le Khroumir en grosse paille, orné de fleurs en étoffe orientale.

A quoi peuvent servir toutes ces ruineuses fanfreluches, puisqu’il n’y a plus de Cour, plus de société ? Ne pourrait-on pas se mettre en pet en l’air et en robe montante pour aller manger de temps en temps un sandwich chez des gens, dont les aïeux, dans leur judengasse de Francfort, devaient se montrer accommodants sur la tenue de ceux qui les allaient visiter ?

Les femmes du monde ne comprennent point cela. La sauvagerie et l’extrême civilisation se rejoignent. La sauvagesse des iles Fidgy se croirait perdue si on lui ôtait son collier de coquillages ; la Parisienne élégante aimerait mieux renoncer à sa famille, à sa Patrie, à son Dieu que de porter une toilette qui ne fût pas d’une des faiseuses que les journaux juifs ont mises à la mode.

Un journal a donné ce qu’il appelle le budget d’une honnête femme à notre époque et ce docnment, établi sur des bases très modérées, peut être regardé comme assez exact.

Il va sans dire, écrit-il, que je prends la femme, chez elle, ayant trousseau complet, dentelles, bijoux, garde-robe, entourée enfin de tout ce qu’il faut et souvent de plus qu’il ne faut. Dans ce budget, il n’est donc question que de l’entretien, pour ainsi dire, de ce capital de tranfreluches et de fanfioles.

Il se décompose ainsi :

Couturière Fr. 12.000
Modiste 3.000
Lingère 4.000
Cordonnier 1.500
Ganterie, bas, rubans, nœuds, cravates, filets, bibelots, crêpe-line 6.000
Dentelles d’usage 3.000
Parfumerie, couleur, fleurs 4.500
Ombrelles, parapluies 500
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_________Total 34.500

Il convient d’ajouter à ces 34.500 francs le blanchissage, qui peut être évalué a 600 francs par mois, le teinturier, pour la lingerie de soie, bas, etc., à 300 francs, et le nettoyage et le raccommodage à 200 francs. Ce qui fait 13.200 francs par an.

Total 47.700 francs.

Devant ces prodigalités n’est-on point tenté de dire avec le grand orateur catholique : « Quoi, misérable, ne sens-tu pas que la cruauté de ton luxe arrache l’âme a cent orphelins auxquels la Providence dîvine avait assigné la vie sur ce fonds ? »

Quel bien ces femmes pourraient faire si elles s’entendaient pour ne dépenser par an que la moitié de l’argent qu’elles gaspillent en superfluités vaines qui durent à peine un jour ; qui, défraîchies, frippées sont abandonnées le lendemain à la camériste[75] ! Elles n’y songent pas une minute ; l’idée de privation, de sacrifice personnel ne leur vient même pas. Aucune d’elles n’a, à ce point de vue, la moitié de la valeur morale de Louise Michel. La pauvre et généreuse égarée se promenait pieds nus sur le pont du navire qui la transportait à la Nouvelle-Calédonie, elle avait donné ses bas à une vieille femme ! Sur l’argent que lui avaient rapporté des conférences en Belgique, où on lui avait jeté des bancs à la tête, elle remit un tiers aux familles de détenus politiques, un tiers à sa mère et garda le reste pour elle.

Le Christ apparaîtrait, le front tout sanglant, aux femmes que vous voyez agenouillées le dimanche à la Madeleine ou à Sainte-Clotilde et leur demanderait de renoncer pour lui à un costume Watteau, à une loge à l’Opéra, à quelque coûteuse fantaisie, que sur cent une seule peut-être répondrait : « J’y consens. »

Chez les femmes en vue aucune apparence de ces bons mouvements de l’âme qui réparaient autrefois bien des faiblesses. Aucune n’a l’idée d’interroger ces mannequins vivants obligés de revêtir quelques minutes, pour les quitter à regret, ces atours qui leur font envie, aucune ne songe à causer avec ces petites ouvrières, si intéressantes parfois, ces jupières, ces corsagières, ces garnisseuses, ces manchières, à s’enquérir de ce qu’elles gagnent, de la façon dont elles vivent[76].

Nulle trace de pitié non plus pour ces pauvres vendeuses des grands magasins qui, au moment des ventes exceptionnelles, restent dix ou douze heures debout, impitoyablement mises à l’amende quand elles s’asseyent en dehors des repas. Nulle attention à ces malheureuses qui, aux époques douloureuses de l’existence féminine, toutes pâles, sentant les objets tourbillonner autour d’elles, se tiennent aux meubles pour ne pas tomber. La pensée qui attendrit parfois le cœur dur des Protestants de Dickens : « Si j’étais comme cela ! » ne vient pas à nos chrétiennes ; elles ne songent pas à faire ce qu’ont fait les femmes d’Amérique qui, un jour, se sont entendues et ont dit aux propriétaires des grands magasins : « Nous voulons que nos sœurs les employées aient le droit de s’asseoir. »

L’amour de la toilette n’est plus cette coquetterie relativement innocente et gentille qu’ont eue les filles d’Eve à tous les siècles, c’est une sorte d’idée fixe, de vice impérieux et sombre comme le vice du baron Hulot. Ceux, qui servent ce culte idolâtrique sont l’objet d’un respect mêlé de crainte ; ils se prennent eux-mêmes au sérieux. Je me souviens d’une exhibition d’une garde-robe royale. Les privilégiées étaient placées sur une estrade en des fauteuils qui ressemblaient à des trônes et Worth, solennellement, criait, en agitant son mètre comme un magicien aurait fait d’une baguette : « Allons ! la série des robes de chambre avancez ! » Tout cela se fait gravement, pompeusement. Des femmes regardées comme intelligentes se soumettent à des séances de quatre à cinq heures, à la veille d’un événement mondain, comme l’inauguration d’un nouveau théâtre, pour étudier l’effet du bleu, du rosé, du blanc, sur des robes qu’on éclaire successivement à la lampe, au gaz, à la lumière électrique.

Elles n’ont même pas la pensée de faire profiter des chrétiennes de l’argent qu’elles dépensent. Un groupe de femmes dont le nom, en dehors des cocodettes bruyantes, a une influence mondaine, honnête et méritée, aurait pu réunir en un atelier ces jeunes filles laborieuses pour lesquelles la vie est si rude, les former en association, leur commander des vêtements simples. L’élan est si vite donné à Paris que, le lendemain, la mode aurait été de porter des toilettes modestes et de se fournir à cette association féminine.

Loin de concevoir un tel projet, les femmes du monde se regardent comme les obligées des faiseuses célèbres qui consentent à les habiller. La fête de la couturière est un événement, ses clientes lui envoient des cartes, des bouquets, des cadeaux ; la maison est encombrée des le matin. Il y a là un tableau de genre tout fait, que la plume d’un essayiste parisien nous retracera peut-être quelque jour.

Comme tous ceux qui sont possédés d’une folie, les femmes supportent tout à la condition que cette folie soit satisfaite, elles sont à la merci de leurs fournisseurs ; c’est l’histoire des filles qui vont pleurer à la porte de ceux qui les battent. On n’a pas l’idée de la façon dont les meilleures clientes sont traitées à la moindre réclamation. Worth, enrichi par les prodigalités de tant de malheureuses éperdues de vanité, fit imprimer une liste où les plus beaux noms de France étaient marqués de la lettre A, qui signifiait escrocs, ou les autres étaient désignés par la lettre B, indiquant l’abus de confiance probable à la suite de dépenses au-dessus des ressources. La liste, mise entre les mains de toutes les ouvrières, traîna bientôt dans toutes les antichambres, on en colporta des exemplaires dans tous les bureaux de rédaction[77]. Dans un autre pays, l’étranger qui se fût permis cette insolence eût été mis à l’index ; il ne se fût pas trouvé une honnête femme qui consentît à revenir chez lui. Worth ne perdit pas une seule de ses clientes !

Ce que nous disons des couturières s’applique à toutes les dépenses de luxe. Les principaux marchands de chevaux, les confiseurs à la mode sont Juifs. Le Père Ludovic a bien vu quel puissant levier devrait être la consommation. Avec une organisation intelligente, chaque catholique pourrait faire profiter, à la défense de sa cause, l’argent qui sort de sa poche, aider par le travail ceux qui pensent comme lui, n’avoir que des fournisseurs qui partagent ses idées ou qui du moins n’attaquent pas ses droits.

Rien n’eût été plus facile et, dans certains quartiers où les conservateurs font vivre beaucoup de monde autour d’eux, l’influence eût été très vite sensible. Un groupement se fût fait très rapidement entre gens qui jugent de même. Les conservateurs n’y ont pas songé une minute, non par libéralisme exagéré, croyez-le bien, mais par indifférence, par ignavie, parce qu’ils sont même incapables du léger effort, de l’attention momentanée qu’il faudrait pour cela.

Les catholiques, sans entrailles pour les leurs, semblent réserver leurs faveurs pour ceux qui traînent le Christ dans la boue. Tout le monde sait le nom de l’industriel dont le P. Ludovic a parlé dans le livre qui a pour titre : Association chrétienne des honnêtes gens sur le terrain des affaires. Le religieux n’a point voulu le nommer, par charité chrétienne d’abord et ensuite dans la crainte de voir tout le faubourg Saint-Germain s’adresser à lui de préférence. Comme ce capucin connaît le Paris actuel !

L’industriel dont je parle, écrit le Père Ludovic, a osé imprimer les paroles suivantes :

« L’Eglise catholique a généralement payé avec la canonisation les principaux crimes, folies et forfaits que des hallucinés ou des misérables ont commis à son profit, pendant les huit à dix siècles de l’organisation de sa puissance matérielle.

« En résumé, dans la longue liste des Saints, les honnêtes gens sont les exceptions.

« Le faux Dieu, individu à grande barbe, est le fétiche au nom duquel les despotes cléricaux et politiques de ce bas monde règnent sur les masses. »

Un fort volume in-8e de 536 pages est rempli tout entier de blasphèmes semblables contre Dieu, contre Jésus-Christ, contre la sainte Vierge et les Saints. Il est fait des calomnies atroces contre l’Eglise, le clergé séculier et régulier et contre les chrétiens pratiquants. Il est dit, par exemple, que le mot de crétin vient de Christin ou Chrétien et qu’en effet les crétins seuls peuvent être chrétiens. Il y a dans le livre des excitations haineuses adressées au gouvernement de la République pour le pousser à prendre quantité de mesures de persécution contre l’Eglise catholique.|95}}

Eh bien ! Cet industriel n’a pas eu de clients plus fidèles et plus dévoués à ses intérêts que certains catholiques notables, chefs autorisés des royalistes et des hommes d’œuvres.

De grandes dames, fort pieuses, recommandaient partout et recommandent encore cet impie.

Elles communient chaque matin et, après avoir reçu dans leur cœur le Dieu de l’Eucharistie et lui avoir promis de le servir, elles appellent le jour même cet athée haineux, le comblent d’honneur, et lui font des commandes qu’elles payent grassement.

Voilà où mène l’ignorance, car l’ignorance seule explique ces énormités. Quand j’ai révélé à quelques-uns de ces catholiques ce que faisait cet industriel avec leur argent, ils ont tous répondu : « Je ne le savais pas »

Soit : vous ne le saviez pas ; mais aviez-vous le droit de ne pas le savoir ? Et puisque des faits de cette nature se reproduise chaque jour et partout dans nos villes de France, avons-nous le droit de rester plus longtemps dans l’ignorance de ce que valent, au point de vue moral et religieux, les divers fournisseurs qui s’enrichissent avec notre argent[78] ?

L’ignorance, comme le dit très justement le P. Ludovic, est la seule excuse que puissent invoquer les chrétiens assez singulièrement organisés pour ne s’intéresser jamais à ceux qui ont la même foi qu’eux et enrichir au contraire ceux qui sont leurs plus mortels ennemis. Mais le Clergé n’a-t-il pas une certaine responsabilité dans cette ignorance ?

L’Eglise, autrefois, a constamment suivi l’homme dans la vie réelle pour l’éclairer et le guider. On reconstituerait les mœurs, et jusqu’aux costumes du passé avec les sermons des orateurs sacrés du Moyen Age. Saint Bernard, saint Norbert, Vital de Mortain, Raoul Ardent, Hugues de Saint-Victor, Hildebert sont mieux informés des moindres détails de l’existence du XIIe siècle, qu’un chroniqueur d’aujourd’hui de ce qui se passe sur le boulevard. Pierre de Limoges a fait d’innombrables discours sur les coiffures. Etienne de Bourbon vous parle comme un couriériste mondain des robes du XIIIe siècle, des mi-parties, des-entaillées ou languées, des rigotées ou des haligotées. Les Maillard, les Cleré, les Menot ont continué plus tard ces traditions et Bourdaloue est, certes, aussi précieux pour l’étude de la Cour et de la Ville au temps de Louis XIV que La Bruyère et Molière.

Aujourd’hui, les prédicateurs remontent en sens contraire le courant qui porte les écrivains vers une étude plus sincère et plus serrée des hommes et des chôses de leur époque. Ils évitent les questions à l’ordre du jour, l’actualité vivante ; ils se contentent de défendre des dogmes que nul ne songe même à discuter parmi ceux qui fréquentent les églises. A écouter ce qu’ils disent il semble qu’ils prêchent pour des gens qui sont morts depuis trois cents ans. Je n’ai entendu affirmer qu’une fois, avec éloquence, les devoirs des privilégiés de la fortune et flétrir les imbéciles excès du luxe et c’était dans une église du quartier Mouffetard !

Les curés des paroisses riches ne veulent point qu’on parle chez eux des Cercles, des courses, des excentricités de toilette. Hommes de bonne compagnie pour la plupart, d’une irréprochable conduite, ils sont reçus avec égards dans des maisons où la chair est bonne et c’est la chaire-chrétienne, à son tour, qui doit répondre par ses ménagements aux politesses dont ils ont été l’objet.

Ce qui est particulièrement curieux, c’est que, nulle part, au milieu de ce gaspillage, vous n’apercevrez ce bel entrain, cette joyeuse insouciance du lendemain, ce scepticisme spirituel qui fait comprendre que certaines époques s « soient ruées dans le plaisir en disant : Après nous, le déluge ! Ces dépenses folles et que rien ne justifie se concilient avec des affectations de sentiments religieux, des soupirs sur les persécutions, des lamentations sur les enfants qu’on prive de Dieu.

Ce contraste est une des choses qui étonnent le plus les Juifs, dont l’esprit étroit a de la netteté et de la précision. Je me rappelle avoir entendu fortuitement la conversation qu’avait une dame, fort en vue dans les œuvres de charité, avec sa couturière qui lui essayait une robe. C’était abracadabrant. La brave femme mêlait ses gémissements sur l’école athée à des recommandations insensées sur sa toilette.

— Quelle époque ! Quelle génération on nous prépare, ma chère madame X… ! Alors on détache maintenant les traînes ?

— Oh ! C’est parfaitement décidé…

— Ce sont ces pauvres âmes d’enfants que je plains… Avec un semis de roses, ce ne serait pas mal.

— Certainement, madame la comtesse, certainement…

— Les malheureux ! Ils enlèvent jusqu’au crucifix… Des pans restreints et pas de quilles !

Puis elle partit, toujours pleurant sur le malheur des temps et, sur le seuil, se ravisant, elle dit : décidément, mettez des quilles ! La couturière pouffait, et il y avait de quoi ; son rire, longtemps comprimé, retentit sonore quand la porte fut fermée.

— Avec ce qu’elle dépense en un an, fit-elle, elle sauverait toutes les âmes d’enfants de son quartier !

Tout ce monde est plein de chrétiens dans le genre de ceux dont parle Tertullien : Plerosque in ventum et si placuerit christianos ; ce que Bossuet traduit : « Chrétiens en l’air et fidèles si vous voulez. »

Ce qu’il y a de douleurs derrière ce luxe sans raison, absolument bête, est incroyable. Flaubert me disait un jour que c’était nous qui devrions être les médecins de certaines maladies morales, car il n’y a que nous qui les ayons étudiées. Il y a du vrai dans cette opinion. Ce qu’un Parisien sait sans avoir cherché à l’apprendre est inimaginable. Le hasard, à chaque instant, nous montre l’envers de ces existences si brillantes en apparence. Il existe, d’ailleurs, a Paris, cinq ou six prêteuses d’argent, avec lesquelles il suffit de discuter une heure pour connaître à fond le secret de cette société. Hommes et femmes viennent là, écrivent des lettres invraisemblables d’humilité, traitent l’usurière de « chère amie ; » lui prodiguent les douces paroles.

Quelques femmes du monde louent un petit appartement, y font transporter sans bruit quelques vieux meubles du château, les portraits de famille eux-mêmes, essayent de les négocier. La mère et la fille sont d’accord parfois pour ce commerce. Souvent le mari, plus sensé, est resté au château, il vit là, loin du hight life, entre une cuisinière sur le retour et quelques barriques de vin. On le fait venir, on s’efforce de le décider à vendre le domaine ; il arrive, flanqué de la servante pour ne pas faiblir, il résiste, et ce sage, qu’on traite d’être sans humanité, s’en va en disant : « Ne criez pas, ma chère, vous serez bien contente de retrouver cela. »

J’ai vu une famille de vieille noblesse envoyer chaque jour chercher, chez la crémière d’à côté, un horrible bouillon noir et sentant la graisse. Au bout de quelque temps ils en devaient pour cinq cents francs ! La femme, qui portait un nom célèbre dans l’histoire de la Révolution, un nom chanté par les poètes, immortalisé à la fois par l’héroïsme et par la piété, avait une note de dix mille francs chez sa couturière et s’en allait à travers Paris pour les chercher avec ce mouvement d’oiseau de grande race qui ne sait pas marcher à pied. Au milieu des querelles et des récriminations grandissait une belle jeune fille élégante et svelte. N’obéissant qu’à leur bon cœur, ces pauvres gens avaient recueilli un moine expulsé, et rien n’était baroque comme ce chapelain en appartement, bénissant ce repas pris à la gargotte, en tête à tête avec une bonne non payée, qui hurlait les refrains de café-concert qu’elle allait récolter chaque soir.

Quelques femmes demandent aux poisons la joie factice, le bonheur de voir quelques minutes la vie en rose ; elles se morphinent, ce sont les morphinées, les morphinomanes, hôtes éphémères d’un paradis artificiel qui ne fait que rendre la réalité plus cruelle.

Parfois on tombe tout à fait. Cette jeune femme adorable, cette ravissante Aryenne, au galbe virginal et fier, que vous n’effleurez même pas d’un regard trop intense pour ne point enlever le pur duvet de ce fruit en train de mûrir, se vend à quelqu’un de ces cosmopolites affreux, galeux, sentant mauvais, qui ont crié des oranges sur le port de Tunis ou d’Alexandrie, ou qui ont été garçons d’auberge en quelque village de Russie, comme ce Garfounkell, quarante fois millionnaire, qui avait laissé sa femme là-bas pour mener la grande existence ici.

Tout aboutit au Juif, en effet. Nous le verrons plus loin pressurant la misère populaire avec les agences d’achat de reconnaissances du Mont-de-Piété ; il est le bailleur de fonds, le prêteur réel des usuriers qui obligent les gens du monde. Il sait, à une minute près, la durée du souffle de toutes ces pauvres petites grenouilles qui s’efforcent de se grossir pour égaler les grosses fortunes israélites. Quand l’haleine commence à manquer, il arrive et il est le bien venu.

Ce qui est plus inquiétant que tout le reste, peut-être, c’est cet abaissement de la femme française. Aux époques de décadence, on l’a constaté, la femme monte tandis que l’homme descend ; cette fois il ne s’est rien produit de pareil. On aurait pu espérer qu’après la guerre il se serait formé un groupe de Françaises, exerçant une influence active comme femmes, comme sœurs, comme amies, s’efforçant d’inspirer à tous des idées patriotiques, se servant de leur beauté, de leur sourire, de leur charme pour relever les cœurs, pour éveiller le désir de nobles actions. Quelle magnifique mission dans un pays où la femme a toujours joué un si grand rôle ! La duchesse de Chevreuse semble avoir eu un instant cette généreuse ambition, elle a essayé de réunir toutes les femmes dans le culte de Jeanne d’Arc, de faire, de la pure héroïne, le symbole du relèvement national ; c’est pour cela que les journaux francs-maçons et juifs se sont acharnés après elle, mais sa voix, d’ailleurs, est restée sans écho.

« Courtisane ou ménagère, disait Proudhon, pour la femme il n’y a pas de milieu. « Sœur de Charité ou cocodette, tel est, dans les classes supérieures, le dilemme de la femme française actuelle. Beaucoup, riches, belles, ayant tout pour être heureuses, quittent tout pour se donner au divin Epoux, pour se consacrer à une vie de dévouement et de sacrifice ; mais, sauf quelques exceptions, on n’aperçoit, parmi celles qui demeurent dans le monde, aucune image de ces femmes charmantes et fortes, intelligentes et vaillantes dont nous esquissions le chimérique portrait tout à l’heure, de ces femmes ayant le sentiment de l’honneur de la race, de la fonction sociale à remplir par les privilégiés de la fortune, résolues à communiquer à ceux qu’elles aiment l’horreur de tout ce qui est avilissant ou dégradant.

Il n’existe plus, d’ailleurs, de salons qui aient encore une autorité un peu considérable. Les réunions mondaines où l’on cherchait jadis, avant tout, le plaisir de se retrouver ensemble, de causer, d’échanger des idées, sont devenues, des que les banquiers ont pris la tête du mouvement, des solennités théâtrales, des fêtes d’apparat dont les frais épouvantent les familles riches elles-mêmes, qui ne peuvent lutter avec le faste d’Israël.

La médisance spirituelle, l’allusion fine d’autrefois, ont fait place au potin grossier que l’on craint toujours de voir passer de la conversation dans le journal du boulevard. Les étrangers et les Juifs ont introduit, dans les habitudes de la bonne société, les plaisanteries de manants, les farces de fumiste. La marquise de X… était dans une ville d’eaux, hors de France, lorsqu’à deux heures du matin on l’entend tout à coup crier : « Au feu ! » On accourt et l’on aperçoit un rastaquouère, bien connu de tous qui, fuyant devant les flammes, s’élance hors de la chambre avec ses vêtements à la main. Pendant six mois on envoie à tout Paris des cartes sur lesquelles on lit : Mme de X… et son rastaquouère. La comtesse de Z… reste en place, après un dîner, au moment où les dames se retirent discrètement ; elle répond qu’elle est au-dessus des faiblesses de l’humaine nature. Pendant six mois encore, d’autres cartes circulent, sur lesquelles on lit : Mme de Z… ne… Mme de Z… est un ange. Tous les matins la belle élégante reçoit, avec une exactitude désespérante, une magnifique botte d’asperges !

On voit que tout ceci n’est pas d’un goût bien délicat. Les histoires de ce genre, qu’il serait facile de multiplier, les récits d’adultères, de séparations, d’accommodements entre le mari et l’amant, n’auraient qu’un intérêt de scandale et ne rentreraient pas dans le cadre de ce travail, qui est exclusivement une étude sociale.

La mondaine n’a même plus le respect de sa propre beauté, la haine instinctive de tout ce qui déforme ou enlaidit, de tout ce qui blesse les lois d’une certaine élégance supérieure qui est une des manifestations de l’art ; elle aime au contraire l’étrange et le baroque, le bas, ce qui la rapproche un peu de l’animalité.

Quelle vision encore du Paris contemporain que ce bal des bêtes, donné au mois de mai 1885 par la princesse de Sagan ! Cette fois c’était bien à l’àme de la femme française elle même que le gouvernement s’attaquait ; on venait de profaner le sanctuaire de la douce et poétique patronne de Paris, de Geneviève, la sainte et la bergère dont le nom rayonne sur les commencements de notre histoire avec une fraîcheur d’aurore. A défaut d’une foi bien vive, la plus élémentaire délicatesse, une pensée de solidarité féminine, auraient dû commander à de grandes dames comme la duchesse de Bisaccia, qu’Etincelle appelle en toute occasion « une chrétienne incomparable » de ne pas choisir ce moment pour se déguiser en animal. Ces gens-là se disputèrent le petit carton où était représentée l’entrée d’un bal avec cette inscription : « Un animal, 1 franc ; un animal et sa dame, 2 francs. »

Il ne s’agit pas ici de rastaquouères, d’étrangers. Tout l’armorial de France, toute la vraie noblesse est présente à cette fête sans nom, à cette espèce de prostitution de soi-même qui, dit justement l’Univers, inspire une sorte d’épouvante.

Le Gaulois nous donne d’abord le nom des convives du dîner :

Comte et comtesse F. de Contant, duc et duchesse de Gramont, vicomte et vicomtesse de Turenne, baron et baronne de Vaufre-land, comte et comtesse de Castries, vicomte et vicomtesse de Chavagnac, prince et princesse de Léon, comte et comtesse H. d’Amilly, marquis et marquise des Moastiers, comte et comtesse de Vogué, comte B. de Boisgelin, comte R. de Fitz-James, —comte et comtesse A. de la Rochefoucauld, baron et baronne de Noirmont, M. et Mme d’Espeuilles, comte et comtesse de Mieulle, vicomte et vicomtesse des Garets, doc et duchesse de Bisaccia, marquise de Galliffet, lady Dalhousie, comte et comtesse de Kersaint, M. et Mme O’Connor, marquise de Talleyrand, M. et Mme Lambert, comte et comtesse de Saint-Gilles, M. Haas, conte de Gontaut-Biron, vicomte G. Costa de Beauregard, colonel Gibert, baron Seilliere, baron de la Redorte, H. Ridgway, conte R. de Gontaut-Biron, Allain de Montgommery, comte et comtesse de Maleyssie, comte et comtesse de Chevigné, marquis de Massa, prince de Lucinge, comte Philippe de Beaumont, comte de Brissac, comte de Kergolay, de Haro, comte Jean de Beaumont, comte Pierre des Moustiers, duc et duchesse de Frias, vicomte de Bondy, marquis et marquise de Mailly, marquis et marquise de Beville, etc., etc.

Il énumère ensuite un par un tous les figurants de cette saturnale et nous fait assister à leurs ébats :

Des coqs marchent en se pavanant par les salons. Nous reconnaissons, sous ces crêtes, les vicomte Roger de Chabrol, M. d’Heursel, le vicomte de Dampierre, le vicomte de Contades, le comte Antoine de la Foret de Divonne, le comte de Las Cases.

Et les canards ne manquent point non plus. Un long bec en spatule s’allonge sur les fronts de M. le comte de Béthune, du baron de Gargan, du comte Platter, de bien d’autres. L’un d’eux a eu l’idée d’offrir à la princesse un journal ingénieux : le Canard, créé pour la circonstance et mort avec elle. Le comte d’Esquille s’est mis une tête de chouette en décoration. Le comte Albert de la Foret de Divonne est en héron, le comte François en dindon. Le vicomte de Leusse a une tête de pie, le vicomte d’Andlau une tête de chouette.

Le duc de Gramont passe au bras de M. de Gramedo. Tous deux sont en pierrot, — la tête de la bête et le corps du Pierrot des Funambules.

Deux frères se sont associés pour représenter une girafe : le comte François de Gontaut forme le devant, et son frère l’arrière-train.

Un M. de Germiny a un succès fou. Il s’est habillé en singe et divertit l’assistance par ses grimaces. Se déguiser en singe quand on porte un nom qui a reçu jadis une si navrante publicité, ne faut-il pas vraiment pour cela avoir la tête à l’envers ?

Mme de la Rochefoucauld-Bisaccia est en pélican.

M. d’Espeuilles passe en souris, le comte de Tocqueville en renard, le vicomte Blin de Bourdon en bengali, le comte d’Antioche en lion, le vicomte de Rambuteau en coq, le comte R. de la Rochefoucauld en loutre.

Mme Thouvenel est en chauve-souris, le comte de Berthier en chat blanc, la comtesse de Grouchy en souris blanche, la duchesse de Frias en cardinal, M. de GallifFet fils en serin, Réné Raoul Dural en renard, la comtesse de Mieulle en oiseau bleu, dit oiseau-mouche ; la comtesse de Blacas en poulette. M. de Ravignan, tête de chien.

Nous reconnaissons dans la foule le prince François de Broglie, tête de dindon ; le comte de Gontaut-Biron, en caniche blanc ; la marquise de Croix, en martin-pêcheur ; la marquise de la Ferronays en hirondelle ; la comtesse Fernand de la Ferronays, en mouette ; la comtesse de Vogué, en oiseau de paradis ; la contesse de Maleyssie, en demoiselle.

Mme la vicomtesse de Florian, en or et vert avec des ailes, représente une libellule. La comtesse de Brias a de grandes ailes en plumes bleu et jaune colibri.

Toute la Juiverie est naturellement là, riant aux éclats de l’avilissement de cette malheureuse aristocratie.

La baronne Gustave de Rothschild est en chauve-souris.

Mme Lambert Rothschield est en panthère, jupe de tulle bleu perlée or et perles fines, corsage et la traîne en velours brodé, imitant la peau de panthère, couvrant le derrière de la jupe et se terminant en lambrequin Louis XIII.

Tête de panthère sur les cheveux, retenue au milieu par un croissant de diamants.

Mme Michel Ephrussi en coq de roche : tulle orange plissé entièrement et drapé par des écharpes tulle, même nuance, arrêtées par des coqs de roche ; milieu du dos de la jupe velours noir, arrêté de chaque côté par deux grandes ailes noires encadrant le corsage en plumes orange formant le corps de l’oiseau.

Il serait dommage de rien retrancher au récit du ballet des abeilles.

Il est un peu plus de minuit… l’heure des crimes, des apparitions — et des merveilles aussi.

Un roulement de tambour fait savoir aux populations qu’une surprise s’apprête. On s’élance, on se pousse un peu, on se presse beaucoup et l’on monte sur les chaises pour mieux voir.

Quelqu’un dit : « Cela manque d’échelles… mon royaume pour une échelle ! »

En effet, voici le ballet qui commence :

Au fond de la galerie des fêtes, une énorme ruche se dresse ; qui dit ruche dit : abeilles, à moins que la ruche ne soit déserte, et, heureusement, ce n’est point ici le cas. Elle est habitée et délicieusement.

Un essaim d’abeilles : corselets de satin marron rayé jaune jupes de tulle, lamé or, tabliers marron pailletés d’or, ailes en gaze d’or, casque en or avec antennes, qui répondent aux noms de Mmes la comtesse de Chavagnac, la baronne de Vaufreland, la comtesse François de Gontaut, la duchesse de Gramont, la comtesse Aimery de La Rochefoucauld, la marquise d’Espeuilles, la comtesse de Kersaint, la marquise de Galliflet, la princesse de Léon, la marquise d’Amilly, la comtesse Gabrielle de Castries vont, viennent, butinent, trottinent. Elles sont trop charmantes pour qu’on les laisse s’envoler, et messieurs les bourdons sont là pour s’y opposer. Ce sont : MM. le marquis d’Amilly, le comte Philipe de Beaumont, le comte Jean de Beaumont, le comte de Jaiviac, le comte Bruno de Boisgelin, Allain de Montgommery, le conte de Haro, le marquis des Moustiers, le vicomte desGarets, le Ticomte de Mieulles, prince de Lucinge.

Leur uniforme est fort galant : culottes de satin marron, pour-point en satin marron à deux tons, formant les anneaux.

MM. les bourdons, qui viennent de s’éveiller avec l’aube, font le tour de la ruche, sur laquelle ils jettent des regards de connaisseurs en arrêt devant des chefs-d’œuvre. Les abeilles, que l’aurore aux doigts de rosé a fait sortir de la ruche, s’approchent des bourdons galants et, après une poursuite, abeilles et bourdons sa mêlent.

La reine des abeilles (comtesse de Gontaut) choisit un roi : c’est au comte Jean de Beaumont qu’échoit cette fève… chorégraphique, et le couple s’envole en tourbillonnant au milieu des groupes de danseurs et de danseuses, parmi lesquels on remarque la comtesse de la Rochefoucauld, la duchesse de Gramont et la marquise de Galliffet.

Voilà ce que faisaient des chrétiennes, au mois de mai 1885, pour fêter la profanation de l’église Sainte-Geneviève[79] ! Il n’y a là nulle indiscrétion, nulle allusion à des scandales connus de tous, nul rappel des histoires plus ou moins piquantes ou plus ou moins tristes, qui courent partout, il y a le récit d’un journal complaisant, le document humain.

Tout cela pour arriver à être cité dans le journal d’Arthur Meyer !

C’est le vrai maître du monde parisien que ce Meyer, l’arbitre de toutes les élégances, l’organisateur de toutes les fêtes. Jamais la Juiverie n’a produit un type aussi réussi. Fils d’un marchand d’habits-galons, il débuta à Paris, il y a quelques vingt ans, comme secrétaire de Blanche d’Antigny. Il cumulait ces fonctions, qui ne devaient pas être une sinécure, avec celles de reporter ; cramponné à chacun pour avoir un renseignement, on l’entendait, à toutes les belles représentations, crier : « des noms ! des noms ! » Les noms recueillis, il les écrivait fiévreusement sur la manchette de sa chemise. Il signait du pseudonyme de Jean de Paris. Ce fut alors, en 1869 je crois, que M. Carle des Perrières, qui signait Curtius au Nain jaune, et qui a publié un intéressant volume sur le monde des joueurs : Paris qui joue et Paris qui triche, le fit figurer dans sa galerie de Figures de cire.

L’étude, d’ailleurs, est charmante, elle a l’allure vive et la verve narquoise d’une ballade de Henri Heine.

Habits à vendre ! vieux habits ! vieux galons ! chapeaux à vendre !

C’était la devise de la famille. Disons-le, cette devise leur est toujours restée fidèle. A quinze ans, fatigué de son apprentissage dans le commerce des lorgnettes, le duc Jean équipa cent lances pour venir à Paris.

Paris, voilà la voie, voilà le centre pour une nature aussi industrieuse que celle du duc Jean.

A Paris, le duc fit un peu de tout, il essaya des lorgnettes, comme au Havre, mais cela ne lui réussit plus et, ne voulant pas déroger, avant tout, il se jeta dans les arts. C’est à dater de cette époque que le commerce des contre-marques a périclité d’une façon terrible.

A Paris, le duc Jean comprit vite le parti qu’il pouvait tirer de la vanité des uns, de la coquetterie des autres. La première année fut néanmoins assez dure. Il fit une expédition à Trouville-sur-Mer pendant laquelle il fut prouvé que le duc Jean savait beaucoup mieux manier le roi de trèfle que la Durandal.

On l’expulsa donc du Casino. Néanmoins, il réussit à s’accrocher là à une personnalité de la littérature élégante. A sa suite il entra dans le monde, non dans le vrai, mais dans le monde faux que fréquentent les jeunes gens et les journalistes, et, grâce à l’influence de son chaperon, il en arriva à avoir droit de cité parmi la jeunesse qui déjeune chez Bignon et dîne au N° 6 de la Maison d’Or. Mais quel droit de cité, mon Dieu ! Quelle existence de passer pour le grotesque et le plastron d’un cercle de jeunes gens, de côtoyer sans cesse la haute vie, les soupers et les filles et de n’avoir jamais que les miettes des uns et les cheveux gris des autres.

Ce fut la première manière de Meyer. Il avança vite grâce à la grande poussée juive qui se fit après la guerre. Aujourd’hui il a maquignonné, boursicoté, trafiqué, il a un coupé, un hôtel, un journal. Il n’excite ni l’envie ni même le mépris, mais plutôt comme un incommensurable étonnement. Ayant remarqué que quelques gens du monde affectaient une certaine roideur, d’assez mauvais goût du reste, il les a imités, mais imités en charge ; il ne remue plus, il ne tourne plus la tête ; avec son teint blême, son crâne d’ivoire, sa barbe luisante, il donne l’impression d’une momie sémitique déambulant en plein Paris à l’aide d’un ressort qu’on ne voit pas.

Cet être fantastique, ce faquin d’une si invraisemblable faquinerie stupéfie littéralement par des plaisanteries faites de sang-froid qui renversent les gens. Au moment des obsèques de l’Empereur à Chislehurst il voulait marcher aux côtés de la famille impériale ; il a pris le deuil du comte de Chambord et annoncé gravement qu’il ne pourrait assister à la fête d’Ischia à cause de la mort du Roi. Tout cela, je le répète, se produit sérieusement, silencieusement, sans rire.

Il a vraiment une sorte de rôle dans la vie élégante ; c’est lui qui a mis en circulation ces mots de « pschutt » et de « v’lan > que nos gentilshommes répètent avec une grimace idiote. À l’exposition canine, les piqueurs de la duchesse d’Uzès sonnent les honneurs quand il arrive[80], ce qui se comprendrait tout au plus dans une exposition de pisciculture. Ce Tom Lewis, frotté de lettres, est mêlé à tout, il sert d’arbitre, il remplit l’office d’ambassadeur, il fait les courses. C’est lui qui intervient dans le procès de Sarah Bernhardt et du Juif Koning, c’est lui qui va prendre chez Meissonier le portrait de Madame Mackay et qui rapporte l’argent au peintre.

Vous devinez, avec un tel intermédiaire, ce que sont les négociations. Mme Mackay met le portrait de Meissonier dans l’endroit secret où Saint Simon avait mis le portrait de Dubois. Meissonier se déshonore par son âpreté au gain, en réclamant soixante-dix mille francs pour une toile qui lui a demandé quelques séances. Au moment où tout va s’arranger, le Juif Wolff, qui voit son compère Meyer engagé, vient prononcer sur le cas quelques-unes de ces paroles dont il a le secret : « Si dans un pareil débat, dit cet homme austère, je pouvais hésiter un instant, il me faudrait renoncer à élever la voix dans les questions artistiques ; je signerais ma propre déchéance. »

— C’est donc un repaire de brigands que votre Paris ? vous disent parfois les étrangers.

— Mais non. Paris est encore plein de braves gens.

Si, au lieu de vivre dans ce monde d’intrigants qui attendent les voyageurs à la gare, comme les interprètes et les pickpockets ; si, au lieu de s’entourer de Juifs, Mme Mackay, qui est, diton, une femme excellente, avait vécu avec des Parisiens honnètes, elle aurait su comment on fait une hausse factice sur les œuvres d’art comme sur les actions de sociétés financières ; elle aurait trouvé à Paris trois cents peintres qui ont plus de talent que M. Meissonier ; elle aurait eu affaire à un artiste qui se serait conduit envers elle en homme bien élevé, et elle n’aurait pas été diffamée dans les gazettes.

Quand il n’a plus d’autre occupation en ville, Meyer organise des fêtes avec les duchesses. Lors de la fête des Alsaciens-Lorrains, c’est lui qui devait ouvrir le bal avec la comtesse Aimery de la Rochefoucauld. Au dernier moment, la pauvre comtesse eut honte et se contenta de faire un tour dans la salle au bras du petit youtre. L’exhibition n’est elle déjà pas assez triste comme cela[81] ? Pour moi, je l’avoue, ces abaissements m’affligent toujours. N’est-ce point navrant ce joli nom d’Aimery, qui a je ne sais quel parfum Moyen Age, et fait songer à l’Aymerillo de Victor Hugo, ce grand nom de la Rochefoucauld, qui rappelle des siècles d’héroïsme, des batailles gagnées, les Maximes, — tout cela sali par la promiscuité d’un ancien secrétaire de Blanche d’Antigny ? Je suis un peu comme Veuillot et je trouve « que ces gens-là me trahissent personnellement, me volent quelque chose » en disposant d’un nom dont ils n’ont pas le droit de disposer.

Ne vous y trompez pas, néanmoins, Arthur Meyer est la seule personnalité littéraire que les gens du monde puissent endurer[82]. Après les livres, ce qu’il haïssent le plus ce sont les hommes qui en font. Ils ne comprennent l’écrivain que sous la forme d’un illettré bien informé, bien mis, intriguant, remuant, s’agitant. M. de la Rochefoucauld, duc de Bisaccia, reçoit Rothschild et Mayer, il n’invite pas d’Hervilly à une soirée où l’on joue une de ses pièces. L’épisode est significatif encore et la lettre, pleine de brio, écrite à ce sujet par l’auteur de la Belle Saïnara à un de ses amis, vaut la peine d’être reproduite.

Chailly-en-Bière (Seine-et-Marne).

Je suis très mal fichu dans le coin d’où je t’écris ces lignes. J’ai : hypertrophie du foie, ictère ; je suis jaune gomme gutte, et de plus ma faiblesse est extrême. Je me lève très peu et ne peux marcher. Il y a déjà un mois que cela dure. Je ne voudrais pas crever sans l’avoir raconté, comment cette fameuse grande dame dont on a tant parlé, et qui s’appelle la Politesse française, est morte trois fois plutôt que d’entrer chez moi, et cela à propos de cette Saïnara dont les feuilles m’appellent « l’heureux auteur. »

Figure-toi que, pour cette fameuse fête japonaise, on est venu me demander des vers d’ouverture. Je les ai faits, il s’agissait des « pauvres ». On ne m’a même pas accusé réception de ce travail demandé. Et l’on n’a même pas envoyé une invitation à l’auteur pour la fête. C’est raide !

Il faut te dire, bien entendu, que je n’aurais pas été chez les ducs. Mais les ducs et vidames me devaient bien une invitation, ne fût-ce que pour la collection que je fais de ces cartons illustrés.

Du reste, constatation faite de la mort de la Politesse française dans le noble faubourg, j’ai songé que c’était la troisième fois que cela m’arrivait, au nom des pauvres, avec la même Saïnara. Voici l’anecdote :

La première fois, la duchesse de Magenta me fit prier de donner pour les pauvres, à l’Odéon, la primeur de Saïnara. Dame ! C’était dur ! Après trois ans d’attente, sacrifier ma première ! Je le fis néanmoins, pour les pauvres.

La bonne grosse dame ayant appris que j’étais au Rappel, ne daigna même pas venir voir la pièce qu’elle m’avait demandée. Elle fit mieux : elle menaça d’arriver au milieu. Ce qui était une chute pour moi.

Elle ne vint pas du tout (bon Dieu soit loué !), mais personne ne me remercia. Un !

La deuxième fois, ce fut Mme de Metternich qui me fit demander de donner — en abandonnant mes droitsSaïnara à Vienne, sur le théâtre de la Cour, avec elle comme actrice, au bénéfice des inondés de Szegedin. J’abandonnai les droits. J’écrivis une lettre de Français heureux de voir ses vers être utiles à des Hongrois ! On joua. Grand succès. Beaucoup d’argent pour Szegedin. Pas un mot de remerciement. Deux !  !

Avec les La Rochefoucauld, même politesse.

Trois !  !  !

Je crois qu’il ne faut pas que ces notes pour l’histoire d’une race qui s’en va soient perdues. Aussi je te les lègue. Il est bon que ces choses soient dites un jour ou l’autre.

A toi,
e. d'hervilly.
26 juin 1883.

Non, mon cher confrère, il ne faut pas que ces notes pour l’histoire d’une race soient perdues, c’est pourquoi je réimprime la lettre ici.

Le duc de Bisaccia n’en reste pas moins un homme fort dévoué à sa cause, fort généreux même à l’occasion, mais évidemment il a perdu dans les mauvaises fréquentations, dans les fréquentations de Juifs, cette fleur de délicatesse et de courtoisie qui caractérisait jadis la noblesse française ; il ne sait plus faire la différence qui convient entre un poète, un artiste qui est un être de désintéressement et de travail et un vulgaire financier qui salit ses mains dans le maniement de l’or.

Un jour que Papillon de La Ferté, l’intendant des Menus, rendait compte à Marie-Antoinette d’une querelle qu’il avait eue avec Sedaine, il répétait toujours : « Sedaine m’a dit, j’ai dit à Sedaine… »

— Quand le roi ou moi, interrompit la reine, parlons d’un écrivain, nous disons toujours monsieur Sedaine.

Le duc de Bisaccia n’a plus le sens de ces nuances, il dirait certainement Sedaine tout court et monsieur de Rothschild gros comme le bras.

Si je parle ainsi un peu longuement du noble duc c’est qu’il est, comme je l’ai déjà dit, ce que les Anglais nomment : « Un personnage représentatif. » Il est instructif et il est pénible de voir dans quelle société vit un homme qui se croit naïvement, et qui est réellement, pour la foule niaise, l’incarnation de la haute aristocratie, le représentant des idées de chevalerie, d’honneur et de foi[83].

Meyer admire le duc et le duc aime le commerce de Meyer[84]. Le nom de Meyer figure parmi l’assistance d’élite qui se pressait au bal du 18 avril 1884, au milieu de beaucoup de Hirsch dont les uns se prénomment Maurice et les autres Théodore. Fortement frappé, sans doute, de se voir là, Mayer déclare que ce bal est un des plus grands événements du siècle. C’est au Figaro, cependant, que revient la palme de l’enthousiasme. Un escalier surtout le ravit car nous sommes au siècle des escaliers. Celui-là, paraît-il, « défie toute description. »

Fait de fragments de roches, bordé des deux côtés par des blocs de granit couverts de mousse, sur lesquels une eau jaillie d’une source invisible retombe éternellement en fraîches cascades, c’est comme une forêt montante où s’épanouit, dans une chaleur douce, toute la flore des pays enchantés, où les palmiers qui semblent naître de chaque anfractuosité projettent vers le ciel, à de vertigineuses hauteurs, leurs longues lances de vert sombre, parmi les reflets clairs des lumières semées dans le feuillage. Il tourne, tourne, l’escalier, et, dans son évolution grandiose, aboutit enfin a la serre — le clou de ce fantastique décor — qui, par sa situation et ses proportions babylonniennes, fait songer aux jardins suspendus de Sémiramis. Une illumination radieuse y donne l’illusion du soleil tropical, et la végétation luxuriante qui s’y étale celle des eldorados transocéaniques. Et c’est miracle de voir, dans les étroits sentiers aux bordures fleuries, qui se croisent et s’entrecroisent, circuler les groupes extasiés, resplendir les épaules Dues, étinceler les perles et les diamants, la soie se mêler aux floraisons verdoyantes, et tous ces étincellements se confondre un une sorte de kaléidoscope vaporeux où il n’y a plus ni femmes, ni fleurs, ni satins, ni verdure, plus rien que la grande symphonie des couleurs et l’âpre griserie des parfums !

Le Figaro à raison : « Fuyons ce paradis troublant ! arrachons-nous à ce rêve d’opium ! » pour nous réfugier dans la chapelle. Il y a une chapelle, en effet, et l’on regretterait qu’elle n’y fût pas ; elle rappelle une certaine religion qui est à la mode. Les la Rochefoucauld y vont gémir sur la persécution, avant d’entrer dans le bal, quand les Hirsch ne sont pas encore arrivés. Leur Dieu n’exclut point les plaisirs de la danse, même au temps de Dioclétien ; il est un peu parent de celui de Béranger.

On est admis dans son empire
Sous la couronne du martyre
Et sous la couronne de fleurs.

Confesseurs de la foi et martyrs, beaucoup de grands seigneurs le sont « parmi ces privilégiés qui, de dix heures du soir à quatre heures du matin ont dansé, causé, soupé, puis redansé, recausé, resoupé et qui, vaillants au plaisir, n’ont capitulé qu’avec l’aurore. » Ils espèrent bien figurer un jour dans les vitraux, seulement les instruments de supplice que les saints portent à leur main dans les naïves images de l’art gothique, seront remplacés cette fois par un accessoire de cotillon.

Si vous voulez voir combien la destinée d’un journaliste chrétien est différente de celle d’un journaliste juif, regardez les hommes qui entourent Meyer. Allez au Gaulois, vous trouverez, à côté du Meyer blafard, un beau cavalier, un gentilhomme béarnais qui a ressemblé un peu à Henri IV. Brave, non point seulement en duel, mais dans la rue, il l’a prouvé lors de la manifestation de la place Vendôme, M. de Pêne est resté, malgré une production incessante, un écrivain de race ; parmi les milliers d’articles qu’il a improvisés il n’en est pas un seul qui n’ait un trait, une phrase où se révèle l’artiste qui sait bien tenir une plume. A quoi cela lui a-t-il servi ? Il est maintenant effacé derrière le petit circoncis qu’il a chaperonné dans le monde ; il n’a pu arriver à garder un journal à lui.

Prenez, si vous voulez encore, Cornély. On l’a appelé « un enfant de chœur perverti. » Je ne crois pas que le mot soit juste, mais j’incline à croire qu’il a subi un peu, au moment du succès, ce vertige malsain, cette vapeur pestilentielle qui se dégage du boulevard et qui est terrible, surtout pour ceux qui ont vécu en province. Je l’ai connu pauvre, digne de toutes les sympathies, dans cet intérieur vraiment charmant d’un jeune père de famille qui nourrit les siens de son travail. J’en puis parler en toute indépendance, car je n’ai jamais eu ni à m’en plaindre, ni à m’en louer. Il savait certainement que j’aurais eu plaisir à défendre mes idées chez lui, jamais il ne me l’a proposé ; il s’est confiné un peu trop alors, à mon avis du moins, et au point de vue de l’œuvre qu’il dirigeait, dans un milieu un peu restreint et boulevardier.

Malgré tout, il n’en a pas moins réussi à créer, à faire lire, à faire vivre un journal d’avant-garde qui rendait d’immenses services au parti conservateur. Après avoir perdu deux mille abonnés d’un coup, en se ralliant au comte de Paris, le Clairon n’en comptait pas moins 5, 375 abonnés ; au moment de sa disparition il avait un tirage quotidien de 11, 000 exemplaires.

La moindre aide aurait mis ce journal à flot. Cornély fit demander cette aide au comte de Paris. Celui-ci ne voulut même pas recevoir la personne que lui envoyait le jeune écrivain qui, somme toute, combattait pour sa cause avec vaillance, avec entrain, avec succès même.

Ne trouvez-vous pas affligeant l’abandon de cet être d’initiative, d’activité, de bonne volonté par des gens qui ont plus de cent millions à eux ?

Je n’ai pas à discuter si les princes d’Orléans ont été bien ou mal inspirés en réclamant, après la guerre, leurs biens confisqués ; j’aime autant savoir cet argent dans leurs mains que le voir gaspiller par les républicains. Il n’en est pas moins certain que ces biens n’ont pas le caractère étroitement personnel d’une propriété léguée à ses enfants par quelqu’un qui s’est enrichi dans le commerce des laines et des huiles ; ce sont des biens d’apanage accordés jadis à la famille du souverain pour soutenir son rang, entretenir un train princier, rehausser l’éclat de la royauté. Les princes d’Orléans n’ont pas, en conscience, le droit de jouir exclusivement de cette fortune, ils ont l’obligation morale de l’employer au service de la France, de la consacrer à la propagande monarchique.

Personne, probablement, n’a osé dire cela au comte de Paris, apprendre à ce prince, qui est non seulement un honnête homme, mais un bon chrétien, que l’amour excessif des capitaux est un péché capital. La défense des intérêts religieux en France se trouve donc avoir pour organe, du moins dans un certain public, le journal d’un Juif et d’un Meyer[85].


Le journaliste consciencieux et épris de son art est l’objet de la même haine que l’écrivain. La Presse, elle aussi, s’est presque entièrement transformée depuis quelques années ; pour comprendre les conditions nouvelles dans lesquelles elle est placée, il convient tout d’abord de séparer le journalisme du journaliste, la besogne faite de celui qui la fait.

Rien n’est plus absolument probe, plus complétement désintéressé que le journaliste d’origine française et chrétienne, et ceci, sans acception d’opinion. Il dispose d’un moyen d’action formidable, il blesse ou caresse à son gré la vanité de chacun, à une époque où ce sentiment a pris des proportions presque morbides et jamais la tentation ne l’effleure de retirer un bénéfice quelconque des éloges qu’il accorde.

Sous ce rapport, il n’y a pas de doute, jamais même on n’a eu l’impertinence de promettre un cadeau à un critique dramatique, à un critique de livres ou à un critique d’art pour parler favorablement d’une pièce, d’un ouvrage, d’un tableau. Sont-ils donc d’une impartialité absolue ? Non. N’attachant malheureusement qu’une importance secondaire à ce qu’ils écrivent, ils sont accessibles à la camaraderie, à la flatterie, à la démarche personnelle faite près d’eux, ils décernent l’épithète d’ « éminent » ou de « sympathique, » comme s’il s’agissait d’une simple croix du Mérite agricole. Tel qui repousserait avec indignation une somme d’argent, ne résistera pas à un sourire de femme, à un mot gracieux, à l’insistance même d’un inconnu qui semble attacher un prix exceptionnel à ce qu’on dira de lui. L’esprit de parti, d’ailleurs, enlève presque au journaliste le droit d’avoir une opinion. Si les conservateurs ne se soutiennent qu’assez faiblement, tout ce qui vient d’un républicain est admirable pour les siens.

On n’agit plus même sur les journalistes par les dîners comme sous la Restauration. Les tableaux que les écrivains allemands ont tracé des mœurs littéraires sont des peintures retardataires qui n’ont aucun rapport avec la réalité présente. Ce n’est plus qu’à l’étranger, ou au fond des provinces les plus reculées, qu’on s’imagine encore que les journalistes passent leurs soirées dans les coulisses à boire du champagne avec les actrices. Des Cercles, protégés par la police et commandités par des Juifs, ont été fondés pour attirer les écrivains, les dépraver et leur enlever, par le jeu, leurs petites économies, mais ils ne sont guère fréquentés que par un monde spécial qui n’a aucun rapport avec le journalisme sérieux.

Seuls, les rédacteurs de journaux à informations, des journaux boulevardiers, comme on dit, sont, en quelque manière, obligés par la nature même de leur travail à un certain décousu dans l’existence. Les autres vivent avec une régularité parfaite, le plus à distance du centre qu’ils peuvent, ne se mêlant que d’assez loin à l’existence bruyante de Paris. La plupart sont mariés et fidèles ; beaucoup aussi, je dois le reconnaître, sont concubinaires ; ils ont rencontré une femme qui les aime, qui ne dérange point leurs papiers et ils se sont attachés à elle sans prendre la peine de faire régulariser leur situation ; ils pratiquent toutes les vertus du mariage sans en avoir les avantages.

Ce sont précisément ces vertus qui diminuent l’indépendance du journaliste, qui inclinent aux concessions un caractère nativement droit, qui font qu’une presse déconsidérée a, pour rédacteurs, des hommes dignes personnellement de toute considération.

Si la rédaction des journaux, en effet, est composée d’éléments sains, la direction, la propriété, pour être plus exact, est trop souvent aux mains d’êtres absolument méprisables, de financiers véreux, d’actionnaires peu scrupuleux qui voient dans un journal, non un moyen de répandre des théories justes et fécondes, mais d’appuyer des combinaisons louches, d’obtenir des concessions que des ministres, objets du dégoût universel, accordent sans marchander à ceux qui ont le triste courage de les louer.

La conception que Gambetta se faisait dé la prèsse était une conception exclusivement juive. Une horde de boursiers cosmopolites se réunissait un matin, s’entendait avec le Génois et venait chasser d’un journal les Français qui l’avaient réellement créé, fondé, accrédité dans le public par leur intelligence et leur labeur.

Un beau jour, un financier belge, Werbrouck, intime l’ordre aux rédacteurs du Gaulois d’avoir à changer de convictions en vingt-quatre heures. Quelques mois après, c’est un Juif russe, Elie de Cyon, forcé de descendre de sa chaire, à Saint-Pétersbourg, par les étudiants indignés et décoré par le gouvernement français, qui vient à la tête de ce journal nous enseigner quelle politique nous devons suivre.

Un autre syndicat essaie de s’emparer de la France de la même manière. Au mois de juin 1882, Waldeck-Rousseau, digne disciple de son maître, fait expulser brutalement, sans même les prévenir la veille, tous les rédacteurs de la Réforme qui signent une protestation collective contre la grossièreté de ce procédé.

Je me rappelle encore avoir causé avec Escoffier au moment où la bande de Gambetta avait jeté son dévolu sur le Petit Journal.

Les opinions du Petit Journal ne sont pas les miennes, mais il est impossible de ne pas reconnaître la modération, l’honnêteté, l’esprit de moralité avec lesquels Escoffier dirige cette feuille qui, par son énorme circulation, pourrait incontestablement faire beaucoup de mal.

Gambetta appréciait bien l’habileté, l’application à sa tâche de l’écrivain qui avait relevé si rapidement le tirage du Petit Journal, considérablement réduit à la suite de la condamnation du Juif Millaud. Il l’avait fait venir, et lui avait proposé une situation très brillante s’il voulait prendre la direction de la Petite République.

Notre confrère avait accepté, mais, informé du système sur lequel comptait Gambetta pour maintenir sa popularité chancelante, il avait, quoique anti-clérical lui-même, formellement déclaré qu’il ne s’associerait pas à une campagne de diffamation et de calomnie contre nos prêtres et nos Frères des écoles chrétiennes.

Le vindicatif italien s’était bien promis d’enlever sa modeste situation à l’homme qui refusait de se faire son caudataire et peu s’en fallut qu’il ne réussît.

Devant cette intervention éhontée d’un argent malpropre dans des questions de doctrine, l’écrivain sent son cœur bondir d’indignation, il veut donner sa démission, mais il est marié souvent, je l’ai dit, père de famille : il est saisi par la crainte de voir entrer tout à coup la misère dans cet intérieur heureux, tranquille, presque coquet avec ses livres, ses vieilles assiettes, ses dessins d’amis au mur, ses fleurs l’été ; … il réfléchit et presque toujours, en pareil cas, réfléchir, on le sait, c’est fléchir.

Ceci explique que les Juifs aient très facilement mis à la chaîne des hommes qui leur sont absolument supérieurs et qui, s’ils s’étaient réunis, auraient eu aisément raison d’eux.

Pour le Juif, le journal n’est qu’un outil de chantage. Les plus scrupuleux en conviennent et s’étonnent naïvement de la joie que vous éprouvez à ciseler, pour un salaire modique, un article que vous sentez, qui est dans votre conviction. — Pourquoi n’écrivez-vous pas le contraire ? vous disent-ils, souvent avec un sincère sentiment de bienveillance, cela vous rapporterait le double !

Le fameux Hugelmann était Juif. Fiorentino, le seul critique d’un journal français qu’on ait convaincu de chantage, était Juif[86]. Son frère ou son cousin a traduit en hébreu, en 1853, le poème d’Eliezer et de Nephtali de Florian. David, le journaliste financier, fut condamné pour chantage avant d’être condamné à dix ans de prison, naturellement par contumace, pour avoir enlevé un certain nombre de millions à de malheureux actionnaires. Zabban fut poursuivi pour chantage, mais je dois ajouter qu’il fut acquitté.

M. Albert Christophe, gouverneur du Crédit Foncier, a révélé, en pleine Chambre[87], la façon dont le Juif Eugène Mayer s’était procuré des fonds pour fonder la Lanterne. Mayer avait commencé par chercher à intimider par des articles dans la Réforme financière, mais ces articles n’avaient pas produit le résultat attendu.

Que fait-on, dit M. Albert Christophe, on réunit ces articles en un volume ; on met ce volume en vente aux vitrines des libraires. Une émotion assez légitime, assez naturelle, s’empare de ceux qui avaient la conduite de cet établissement.

Alors il se passe ceci : l’édition est achetée, le prix en est fixé ; une somme de 30,000 francs est versée à l’auteur du livre.

La vente, effectuée par le paiement, a été réalisée en même temps par la remise totale des exemplaires. L’édition tout entière a été livrée, puis elle a été détruite par ceux auxquels elle était cédée, et il ne reste plus, vraisemblablement, de ce livre aucun autre exemplaire que celui que je possède.

Un membre à droite : « Il a de la valeur. »

M. Hamille : « Il faut le mettre en loterie ! »

Albert Christophe : Or quels étaient donc, messieurs, les auteurs de cette publication ? Quels étaient les fabricants de cet opuscule, ceux qui le mettaient en vente, ceux qui faisaient le trafic honteux que je vous dénonce ? Messieurs, ce sont ceux-là même que nous retrouvons dans le débat actuel ; ce sont ceux-là même qui ont touché l’argent et qui ont stipulé cette vente, ce sont ceux-là même qui se sont ensuite servis de cet argent pour vivifier et faire prospérer le journal la Lanterne.

Voilà le fait que je livre à votre appréciation sans y ajouter aucun commentaire. Voilà ce fait que je puis, sans excès de langage, appeler un acte de chantage financier.

Un homme, dans la situation de M. Christophe, n’a pu évidemment affirmer un acte de chantage si grave à la tribune sans en avoir dix fois la preuve.

Le fait n’est donc pas douteux, mais ce qui est mille fois plus intéressant, au point de vue de notre étude que le fait lui-même, c’est la terreur qu’inspire cet homme. Il suffisait à Mayer de traiter le plus honnête magistrat de faussaire et de voleur pour que le malheureux fut immédiatement sacrifié par Martin-Feuillée, le docile exécuteur des ordres de la Lanterne. Au mois de décembre 1883, M. Denormandie a reproché cette servilité au garde des sceaux qui n’a rien trouvé à répondre.

Pour la cour d’Angers, disait M. Denormandie, la Lanterne du 21 août signalait un magistrat du nom de Maury comme devant être révoqué. Et il le fut quelques jours après.

Le 29 août, le même journal contenait ces mots : « Allons, vite un coup de balai » le 6 octobre, les trois magistrats signalés étaient balayés.

Pour Mont-de-Marsan, c’est encore le journal la Lanterne qui dénonce le président de ce tribunal, M. Tourné, comme faussaire et indigne de présider plus longtemps.

Naturellement, sa révocation ne se fit pas attendre.

Mais cela ne suffit au journal qui, dans un nouvel article, déclara que tous les juges de ce tribunal étaient des faussaires, et qu’il fallait les faire descendre de sièges dont ils n’étaient point dignes. Il publiait leurs noms avec des commentaires d’une extrême violence : et peu de jours après, ils furent révoqués.

M. Denormandie continue ses citations en parlant de ce qui s’est passé pour la cour de Pau, pour le tribunal de Vannes et celui de Dax.

« Allons, insistait le journal que j’ai cité, allons, monsieur le garde des sceaux, il faut venir à Clermont et y donner le coup de balai que vous avez donné à Mont-de-Marsan et Pau ! »

M. Denormandie eût pu ajouter qu’en dressant ces listes de proscription, Mayer vengeait des injures toutes personnelles, car les siens et lui avaient eu un peu à faire à la magistrature de tous les pays. Il avait particulièrement sur le cœur le jugement du tribunal de Valenciennes, du 20 août 1879, qui avait sévèrement qualifié les moyens dont Mayer s’était servi dans un de ses journaux, la Réforme financière, pour lancer une entreprise véreuse : la Société céramique du Nord. Le tribunal avait constaté que la Réforme financière avait affirmé que l’usine était libre de toutes charges, dettes et hypothèques, alors que son prix n’avait pas même été payé, et déclaré « que le préjudice causé résulte non des faits eux-mêmes, mais de la publicité qui leur a été donnée dans un but intéressé et coupable » il avait établi enfin que les manœuvres coupables avaient été commises « par Mayer, publiciste et banquier à Paris, dans un journal, la Réforme financière. »

Dans l’affaire de la Nouvelle France, on n’avait pas hésité à poursuivre M. Sumien, qui n’était qu’un simple journaliste insérant des annonces ou des avis, mais il eût été chimérique de penser que Loew, ou un magistrat quelconque des nouvelles couches, poursuivît Mayer qui avait organisé la même entreprise malhonnête. Néanmoins, ce blâme tout platonique lui déplut encore et il saisit l’occasion de s’en venger.

Nos officiers français eux-mêmes sont tous petits garçons devant ce Juif.

A l’occasion du 14 juillet 1883, la Lanterne publie je ne sais quelle infamie contre M. de Vaulgrenand, colonel du 22e régiment d’artillerie, à Versailles. Le lendemain le bureau du journal est plein d’officiers, le colonel de la Valette et Morlière, arrivés les premiers, se rencontrent là avec une escouade d’officiers du 22e régiment d’artillerie. Que viennent faire là tous ces messieurs ? Demander une réparation à Mayer ? Ce serait là une prétention bien chimérique. Ils viennent, le journal vous le dit en italiques, porter témoignage en faveur de leur colonel.

N’est-ce pas précieux encore pour l’histoire psychologique de ce temps, ces héros, ces beaux soldats des grandes batailles, ces Français se dérangeant pour venir plaider la cause de leur colonel devant un immonde Juif de Cologne, moitié chanteur, moitié espion ?

Ce sont là de ces aberrations, de ces faiblesses, de ces gallicismes moraux qu’il est presque impossible de faire comprendre à un Anglais ou à un Allemand. Les officiers allemands, ces disciples d’Hegel en uniforme, qui veulent expliquer tout par des théories philosophiques, vous embarrassent particulièrement par leurs interrogations à perte de vue.

— Enfin vos officiers sont très braves, nous les avons vus au feu, ils sont superbes ; comment se laissent-ils traiter ainsi ?

L’absence de tout courage intellectuel est toujours la seule explication qu’on puisse donner. On ne peut que faire relire aux étrangers, pour démontrer cette absence de tout ressort pour résister, l’exécution des trente-sept gendarmes et gardes de Paris, comme otages de la Commune. Ces hommes dans toute la force de l’âge, d’une intrépidité incontestable, ils l’ont prouvé par leur mort, se laissèrent conduire à l’abattoir par une escorte de trente-cinq hommes qui ne demandaient qu’à les laisser s’évader. Tout le long du parcours, la population, qui était favorable, les encourageait à s’en aller. Dans le haut de la rue de la Roquette, une femme leur cria encore : « Sauvez-vous donc ! » Ils allèrent jusqu’au bout, tranquilles, « marquant le pas, dit Maxime du Camp, comme s’ils se rendaient à l’instruction. »

Au fond, les événements accomplis depuis dix ans en sont la preuve, il n’y a guère plus d’activité cérébrale, de faculté de décision dans un colonel que dans un garde-municipal.

Cette activité, cette décision, ce courage intellectuel, Eugène Mayer les possède.

Regardez encore avec moi ce curriculum vitae de Juif. Etudiez l’homme dans les siens, dans sa formation morale, dans son développement et vous serez stupéfaits de ce qu’une famille juive, prise en quelque sorte au hasard, peut remuer de choses, déranger de gens, dégager de mouvement autour d’elle.

Un des oncles de Mayer, protégé par les intendants Wolff et Gaffriot, fut chargé des fournitures militaires en Crimée et au Mexique, il gagna là une fortune énorme qu’il perdit dans des spéculations, fut mis à la tête de l’agence du Memphis el Paso, se lança dans une entreprise de lard et finit par quitter les États-Unis pour se réfugier à Bruxelles.

Un autre de ses oncles fut, de 1860 à 1862, directeur du Mont de piété de Cologne, y commit d’innombrables détournements et vint chercher un asile d’abord en France, puis en Angleterre. Il fut condamné aux travaux forcés à perpétuité et épousa, à Londres, une célèbre proxénète établie dans une boutique de Piccadilly et maintenant installée à Paris.

C’est chez une cousine de Mayer, Mme P., que mourut subitement un maréchal du second Empire.

Quant au père de Mayer, il fut enfermé quelques jours à Mazas, sous l’Empire, et mis en liberté grâce à la protection du maréchal ; impliqué de nouveau dans une autre affaire, il y a quelques années, et se voyant perdu, il se pendit dans sa propriété de Jouy en Josas.

Notre Mayer, Benjamin-Eugène, eut encore un rôle dans la tragique affaire Rappaport.

L’affaire Rappaport mérite une mention à part. Ce Rappaport ou Rapoport[88] est un vrai Juif moderne, une figure comme le Paris actuel en compte par milliers, il habite rue de Richelieu un luxueux appartement, il fréquente les restaurants à la mode, il joue et gagne toujours. Quoiqu’il eût Wilna pour patrie, s’il se fût présenté aux élections municipales, n’importe où, en concurrence avec un brave chrétien dont la famille aurait été, depuis deux ou trois siècles, la Providence du quartier, il eût été, non pas élu mais acclamé comme un Camille Dreyfus. Tous les Juifs et tous les Francs-Maçons effectivement auraient marché au scrutin comme un seul homme en criant : « Nommons Rappaport ! » tandis que les honnêtes gens seraient restés chez eux à gémir sur eux-mêmes.

Comment se passa exactement le drame dans lequel il disparut le 12 décembre 1882 ? Voilà ce qui est resté problématique. Citons tout d’abord le récit de la Lanterne, admirablement placée pour être bien informée, mais également intéressée aussi à dissimuler la vérité.

0n connaît les faits matériels du crime. Dans la matinée, une fenêtre s’ouvrait brusquement, au quatrième étage, et une jeune fille apparaissait, en poussant des cris désespérés ; puis elle disparut, violemment attirée en arrière, et la fenêtre se referma. Un instant après, on entendit le bruit d’une détonation. Des gardiens de la paix furent requis, et on ouvrit la porte de l’appartement en question.

Cet appartement était celui qu’habitait un courtier en diamants, H. Georges Rapaport. Il avait poignardé sa fille et s’était ensuite brûlé la cervelle.

Voilà les faits brutaux, dans leur simple et sanglante horreur.

Mais les causes du crime, aucun journal ne les a exactement connues. On a cru voir dans le meurtre l’acte désespéré d’un père lavant dans le sang le déshonneur de sa fille. Rien n’est moins irai. La vérité, la voici :

M. Georges Rapaport, natif de Pologne, courtier en diamants à Paris, avait épousé, en 1864, Mlle L. Davis. Deux enfants naquirent de ce mariage : une fille, — la victime d’hier, et un garçon, âgé de quinze ans aujourd’hui.

Mais la mésintelligence ne tarda pas à éclater entre les époux. Riche de vices et pauvre de sens moral, M. Rapaport voulait trouver dans sa femme une fortune, et ses tentatives pour trafiquer d’elle, pour la vendre à des amis riches forcèrent l’honnête femme d’abord à se réfugier dans sa famille, puis à demander et obtenir une séparation de corps, qui fut prononcée en 1876.

Le jugement décidait que les deux enfants, alors en pension, sortiraient tour à tour chez leur père et chez leur mère.

Cependant, la jeune fille grandissait, devenait belle. Le père indigne, comme il avait voulu vendre la beauté de sa femme, songeait à spéculer sur la beauté de sa fille. Il la poussait vers le théâtre et la fit entrer au Conservatoire dès sa sortie de pension, en 1880. Mlle Rapaport avait alors 16 ans.

La mère protesta avec indignation et assigna son mari pour obtenir que sa fille fût réintégrée

dans son pensionnat. Malheureusement, dans son assignation, elle traita le Conservatoire de mauvais lieu. La nécessité de protester contre cette qualification, hasardée, s’imposait au tribunal. Les juges déclarèrent donc que le Conservatoire était quelque chose comme un temple de la morale, et que, par conséquent, il était très légitime que M. Rapaport y fit entrer sa fille.

Fort de ce jugement, il garda l’enfant avec lui et se mit à la promener partout, au théâtre, au bois, dans les fêtes interlopes et toujours dans des toilettes à sensation. La mère désespérée n’y pouvait rien : Le jugement était là.

L’enfant, cependant — car c’était une enfant encore — ne voulait pas être vendue, se défendait.

Il y a quelque temps, M. Rapaport, ne désespérant pas de vaincre enfin sa résistance, eut l’idée de l’installer somptueusement pour mieux la mettre à la mode. Il lui louait donc, à son nom, avenue d’Antin, 29, un appartement de 8,000 francs par an, et il le fit très richement meubler. Il devait s’y installer avec elle le 15 courant.

La jeune fille ne s’obstina que davantage dans ses résistances, que le misérable appelait « de l’ingratitude. »

Dimanche dernier, M. Rapaport adressait à son fils la lettre qu’on va lire. Dès ce moment, voyant s’écrouler ses rêves honteusement dorés, il avait résolu de tuer celle qui ne voulait pas l’enrichir.

Voici la lettre :

Dimanche, le 10 décembre 1882
Mon fils bien-aimé,

« Ta sœur ingrate m’a poussé à bout. Elle m’a insulté au dernier degré, — de tous les côtés je suis malheureux. Ta sœur est maudite par moi, — la mort est préférable, — je regrette de ne pas pouvoir te dire adieu. Je te souhaite tout le bonheur possible.

« Je t’embrassa pour la dernière fois.
« Ton père qui t’aime. »

Ajoutons que le pauvre enfant, à qui cette lettre était adressée, ne l’a pas reçue. Il ne sait encore rien de toute cette tragédie et il est à l’infirmerie de sa pension, assez gravement malade, par suite des émotions terribles que lui avait causées, lors de sa dernière sortie chez son père, une scène épouvantable entre celui-ci et sa sœur, scène qui faisait suite à cent autres du même genre. Le misérable trouvait ses projets si naturels qu’il ne les cachait même pas devant cet enfant.

Quelques journaux ont dit que Mlle Rapaport avait un amant et que cet amant, un riche Espagnol, était à peine parti depuis quelques minutes lorsqu’elle a été frappée.

C’est là une calomnie, et il résulte de l’examen médical que son père l’a poignardée pendant son sommeil.

Depuis quelques jours, elle était poursuivie par de sinistres appréhensions et s’enfermait à

double tour, mais son père, à son insu, s’était fait faire une double clef de la chambre.

Les autres journaux présentent le drame sous un aspect tout différent.

Rapaport, disent les Nouvelles de Paris à la date du 14 décembre, était originaire de la Pologne russe, Israélite de religion… En 1863, un ami commun l’avait présenté à une ravissante jeune fille, juive comme lui… apparentée à plusieurs musiciens… nature trop artiste et trop délicate pour ce demi-sauvage… il l’épousa pourtant et en eut deux enfants. Mais, un jour, sa femme, lasse de son prosaïsme, l’abandonna pour suivre un jeune homme… qu’elle quitta pour un autre… si bien qu’elle se trouve, aujourd’hui, l’amie intime d’un de nos confrères, et que, récemment à l’Odéon, elle a, bien malgré elle, du reste, joué un rôle dans la scène de violence qui interrompit la première du Mariage d’André.

L’opinion la plus répandue dans le quartier était que Rappaport avait été assassiné par un individu au type sémitique, qu’on avait vu s’enfuir précipitamment quelques moments après le crime, et que la jeune fille avait été frappée en essayant de défendre son père. Si, comme le prétend la Lanterne, elle eût été poignardée pendant son sommeil, on ne comprendrait pas qu’elle eût poussé, à la fenêtre, les cris qui, la Lanterne le reconnaît elle-même, ont donné l’éveil. D’ailleurs, au dire des voisins, Mlle Rappaport était habillée quand elle apparut une minute à la fenêtre, ce qui tendrait à démontrer qu’elle n’a pas été égorgée dans son lit. D’après la conviction générale, l’active intervention d’un magistrat juif aurait arrêté l’enquête au moment où elle allait aboutir. Ce qui est certain, c’est que l’autopsie vivement réclamée par tout le monde, ne fut pas faite ; un rabbin vint prendre le corps de Rappaport qui, victime ou coupable, s’en alla sans aucun cortège au cimetière israélite. Ce pendant de l’Affaire de la rue Morgue n’a pas encore trouvé d’Edgard Poë pour le raconter, ni de Dupin pour l’expliquer.

Imaginez un chrétien traînant après lui tous ces souvenirs, mêlé à tous ces drames, éclaboussé de tout ce sang, sa vie en sera toute assombrie ; il sera en proie à une insurmontable mélancolie, il s’efforcera de ne point se mettre en évidence. Le Juif est là-dedans comme un poisson dans l’eau, il frétille, il est heureux ; cette atmosphère de trouble perpétuel est son naturel élément ; il s’attaque de préférence aux institutions qui sembleraient devoir lui inspirer une crainte salutaire ; il appelle nos officiers « des cléricafards, des Pierrots d’église, des Polichinelles de sacristie[89]. »

En réalité, cet homme est très brave, ne vous y trompez pas, malgré son insurmontable aversion pour les jeux de l’épée. En un temps où l’on ne vit que par le cerveau, il a l’audace qu’il faut, la hardiesse du cerveau. Examinez bien ce petit youtre de Cologne. Il a tout contre lui, il porte un nom déshonoré, il n’a aucun talent littéraire ; il se retourne quand même sur le pavé de Paris, il trouve moyen, avec les fonds conquis comme vous savez, d’organiser une grosse affaire comme la Lanterne, de remuer l’opinion. Contemplez maintenant certains de nos catholiques : leur famille est en France depuis des siècles, ils possèdent deux cent mille livres de rente, ils n’ont ni galériens, ni pendus parmi les leurs et, même avec de la bonne volonté, ils sont impuissants, anéantis. « Certainement, il faudrait faire quelque chose, mais quoi ? Quelle époque que la nôtre, mon bon monsieur ! »

Comment voulez-vous qu’avec des gaillards de la trempe de Mayer, toujours en travail d’une affaire, d’une combinaison, d’un scandale pour agiter les autres, un pays reste à vivre la bonne existence d’autrefois ? Laissez-les libres encore Vingt ans et ils feront sauter Paris, la France, l’Europe.

Si encore on pouvait s’en tenir à ceux qui sont dans la maison ! Hélas ! ils sont plusieurs millions sur la terre qui arrivent successivement plus affamés, plus remuants, plus ardents que ceux qui sont déjà à moitié repus.

Pour bien voir où en est la démocratie française et même la démocratie cosmopolite, au point de vue de la dignité et du sens moral, pour lui prendre mesure, il convient également de regarder la place que tient Mayer dans le parti républicain. Les Lockroy, les Bradlaugh, les Aurelio Saffi choisissent la maison de cet homme pour y venir tenir des discours sur les vertus de la démocratie. Comme tu dois rire, mon vieux Lockroy, rire et aussi te mépriser, lorsque tu enfiles tes phrases dans un tel lieu ! Dire que le pauvre peuple croit tout cela !

Aux élections de 1885, c’est Mayer qui est le grand électeur de Paris. Cest la liste de la Lanterne qui triomphe. Au banquet donné par Mayer, pour célébrer cette victoire se pressent des députés : Lockroy, Bourneville, Delattre, Dreyfus, Farcy, Forest, Yves Guyot, de Heredia, Hude, Lafont, de Lanessan, Pichon, Roque de Filhol, Benjamin Raspail, députés de Paris ; Barbe, Colfavru, de Jouvencel, de Mortillet, Remoiville, Vergoin, députés de Seine-et-Oise ; Letellier, député d’Alger ; Brousse, député-des Pyrénées- Orientales ; Jullien, député de Loir-et-Cher.

Savez-vous comment Lockroy appelle cet homme convaincu de chantage en pleine Chambre ? L’éminent directeur de la Lanterne, mon confrère et ami[90].

Voilà le niveau moral du premier Élu de Paris et il est nécessaire que tout cela soit relevé pour qu’on s’explique plus tard comment la France a roulé si rapidement dans la fange[91].

Tous en sont là. Vous connaissez Anatole de la Forge. C’est « un galant homme. » Toutes les gazettes le disent et Ignotus le répète[92]. Qu’est-ce qu’un galant homme à notre époque ? Il y a ainsi, à cette fin de siècle, des mots errants, des mots fanthômes, flottant dans l’air sans se fixer nulle part, pareils à ces posthumes dont parlent les Anglais, formes vagues d’une organisation disparue, calques gazeiformes d’êtres qui ont vécu.

Suffit-il, pour être un galant homme, de faire partie de toutes les sociétés d’escrime, comme Anatole de la Forge, d’être fort aux armes et de pouvoir, selon l’expression de Dumas père, prendre un contre de quarte assez fin pour passer dans l’anneau d’une jeune fille ? Assurément non. Cette expression semble impliquer une délicatesse particulière de conscience, un raffinement dans les sentiments, une sorte de superflu dans l’honneur. N’est-ce point se moquer du monde que de se laisser décerner, en toute occasion, ce titre de «  galant homme » et d’appeler publiquement mon vieil ami, un maître chanteur[93] ? N’est-il point honteux quand on se fait nommer, pour peu de temps il est vrai, président de la Ligue des Patriotes, de féliciter un Juif de Cologne qui verse chaque jour sur des officiers français les ignobles injures dont j’ai donné un échantillon ?

Nous sommes loin de ce Tugenbund (Association de la vertu), où les Stein, les Scharnhorst, les Blucher, les Arndt, les jeunes poètes et les vieux généraux se préparaient à délivrer l’Allemagne du joug de Napoléon.

On ne peut faire un pas, dans cette société vermoulue, sans que des impostures et des mensonges ne se mettent à courir sous vos pieds comme ces rats qui détalent devant vous quand vous vous promenez dans le magasin de décors de quelque vieux théâtre. Tout est faux. Vous croyez avoir devant vous un temple, un palais, une chaumière, c’est un châssis peint avec un balai. Vous croyez être en présence d’un homme représentant une idée, ayant réellement le caractère qu’on lui attribue, scrutez non point seulement la vie privée, mais les actes publics et vous découvrez que ce n’est qu’un bouffon qui joue un rôle, qui n’a qu’un désir, être réélu député et qui se déshonorera mille fois pour arriver à ce résultat.

Le plus étonnant, cependant, de tous les journalistes chanteurs, c’est Simia. Simia, à parler net, est un phénomène spécial à l’époque. Nul siècle n’a produit de type de basse corruption comparable à celui-là, nul siècle n’en produira jamais. Le Juif moderne s’incarne tout entier dans cet être hybride et singulier.

Un jour la reine de Roumanie demanda à Blowitz, qui avait été inaugurer le train éclair, à quel pays il appartenait. « Mon dieu, Majesté, répondit le Juif, je n’en sais rien, je suis né en Bohême et je vis en France où j’écris en Anglais » (il aurait pu ajouter pour l’agrément de la Prusse). Comme cosmopolite, Wolff est plus complet encore ; il n’a pas de patrie, il n’a pas de religion, il n’a pas même de sexe. Ce neutre, encore une fois, est un produit unique qui ne rentre dans aucune classification existante.

Bastien-Lepage a peint ce mélange de batracien et d’antropopithèque et le portrait a paru ressemblant. Chacun, en effet, a entrevu, un jour ou l’autre sur le boulevard, cette créature bizarre qui fait songer à ces grosses personnes que l’on aperçait dans certaines maisons avec des bonnets à fleurs sur des têtes difformes, des seins ballants dans des camisoles sales et une solennité véritablement comique dans l’accomplissement de leur mission. De ces matrones étranges, Simia a le sourire engageant et sinistre, il a d’elles aussi la façon prudhommesque de parler de la bonne tenue de la maison des lettres en discutant les questions malpropres qui l’attirent de préférence.

Il nous faut faire avec la plume ce que Bastien-Lepage a fait avec le pinceau. Cet ouvrage, effectivement, ne serait pas complet si Wolff n’y figurait pas. Nous avons pour guide, d’ailleurs, une des productions les plus caractéristiques de ce temps, le monument élevé par un jeune Juif littéraire à ce Juif arrivé : Albert Wolff, histoire d’un hroniqueur parisien, par Gustave Toudouze.

Comme beaucoup de ses congénères de la presse, Wolff vit le jour à Cologne et ce n’est qu’en 1857 que ce uhlan du journalisme daigna venir manger notre pain en préparant notre invasion. Kugelmann le fit entrer au Figaro, il y brilla rapidement. Ce qu’on appelle « l’esprit parisien, » je l’ai expliqué déjà, est une chose artificiellement créée par les Juifs et il est naturel que ceux qui forgent cet argot soient ceux qui le parlent le mieux.

En ce temps-là Wolff n’était pas cher. Pour cinq louis prètés, il vous accablait de mille compliments il est vrai que lorsqu’il s’agissait de rendre il vous couvrait d’invectives.

Un pauvre homme nommé Guinon, qui manquait de philosophie devant les injures, porta son cas devant les tribunaux. Gambetta, qui plaidait pour son coreligionnaire, attesta les dieux tout-puissants que jamais on n’avait compris si bien que Wolff la dignité de la presse.

Les juges qui, en ces jours arriérés, avaient encore des préjugés, ne furent pas de cet avis et le vendredi 29 décembre 1865, le tribunal de police correctionnelle rendit cet arrêt qui est un des beaux fleurons de cette existence que Wolff appelle volontiers : « toute une vie d’honneur et de probité. »

Attendu que le journal le Figaro a publié, dans son numéro du jeudi 22 novembre dernier, un article ayant pour titre : à travers Paris, commençant par ces mots : « Le monde des lettres » finissant par ceux-ci : « m’a remis trente-cinq fauteuils d’orchestre, » signé Albert Wolff ;

Attendu que les six premiers paragraphes de l’article en question renferment les expressions les plus injurieuses et les imputations les plus diffamatoires contre le plaignant ; qu’il y est traité notamment de drôle, de misérable, d’homme d’affaires véreuses, d’escroc de vaudeville, joignant à la rouerie de l’usurier la bassese du laquais, portant sur son visage les traces de toutes ces bontés, se livrant le soir, après avoir récolté sur son chemin le dégoût qu’il inspire, à l’étude du code pénal pour savoir au juste ce qu’il peut faire sans tomber dans les filets de la police ; n’ayant d’amis que deux ou trois recors qui consentent quelquefois à s’asseoir à sa table, mais qui se disent en sortant : « Peut-on s’encanailler comme nous venons de le faire ? » qu’il y est signalé, en outre, comme faisant le métier d’acheter des créances sur de malheureux écrivains, d’acquérir a vil prix les vaudevilles des jeunes gens mourant de faim, osant cependant venir s’asseoir au milieu des écrivains qu’il dépouille ;

Attendu enfin que le fait reconnu constant à la charge de Wolff est d’autant plus inexcusable que, quelques semaines avant, le 2 novembre, il était en relations presque amicales avec Guinon qu’il traitait de cher monsieur dans plusieurs lettres terminées par ces mot » : « Compliments ou mille compliments, » lettres dans lesquelles il sollicitait un nouveau délai pour l’acquit d’une dette de cent francs, dont le recouvrement était confié à Guinon, engageant sa parole qu’avant le vingt-deux octobre tout serait réglé et qu’il est évident que Wolff, en écrivant et faisant publier l’article sus-analysé, a cédé à un sentiment de vengeance personnelle suscité par la saisie-arrêt formée sur lui, le vingt-cinq octobre, à la caisse des auteurs dramatiques et à la caisse du journal le Figaro ;

Condamne Wolff à six jours de prison et Wolff et Jouvin[94] solidairement à trois cents francs d’amende.

Pour moi, je trouve très précieux, pour l’étude de la vie française moderne, ces détails qui nous montrent bien l’évolution du personnage étranger chez nous.

Allez en Allemagne, essayez d’y emprunter cent francs et d’y trouver du travail et vous m’en direz des nouvelles. J’ai dépensé, comme tout voyageur, mes cinquante francs par jour à Cologne sans que les gens se soient départis d’une froide politesse. En Angleterre on ferme les portes cochères quand il pleut pour empêcher les passants de s’y abriter. Le Juif de Cologue trouve ici toutes les facilités pour vivre et son premier soin est d’insulter le natif, de lui prodiguer des èpithètes désagréables et des noms de ménagerie[95].

S’avise-t-on de faire à cet insulteur ce qu’il a fait aux autres, il lève les bras au ciel et déclare que ceux qui osent s’attaquer à lui sont des infâmes et des calomniateurs.

Vous avez entendu parler de M. Marchal de Bussy et ces malheureuses têtes de Français sont si incapables d’avoir une idée personnelle, elles acceptent si facilement les jugements tout faits de la presse juive, que vous regardez peut-être cet homme comme un scélérat. En réalité, il n’y a pas un mot de vrai dans tout ce qu’on a écrit sur cette affaire de l’Inflexible.

Le présent livre est plein de promesses, de projets, j’y dis à chaque instant : « Plus tard, je ferais ceci, je ferais cela, » en ajoutant mentalement, ce qu’ajoutait toujours Victor Hugo quand il parlait de l’avenir : Deo volenle. Au risque de me répéter, il me faut écrire encore : « Plus tard, j’écrirai une brochure sur Marchal de Bussy. ». À coup sûr elle sera émouvante et piquante, elle fera pleurer, si le talent ne me manque pas, tous ceux qui ont une âme.

On a remis sur le tapis, à propos du prince de Polignac, la question des bâtards. Chez quel homme la fatalité de la bâtardise apparaît-elle plus tragique que chez ce fils de Philippe Dupin ? Quand il vint au monde, Dupuytren, l’ami de la famille, tira par morceaux la cervelle du pauvre enfant et, toute sa vie, il resta déséquilibré, incomplet. Une fée hostile semblait l’avoir maléficié dès sa naissance et avec les dons les plus rares, un esprit étourdissant, une distinction exquise quand il voulait, un cœur généreux, il finit misérablement une existence qui fut presque continuellement troublée.

Sans doute, dans cette existence agitée, il y eut des défaillances, quelque supérieur que Bussy ait été en tout à Albert Wolff, mais le grand malheur de l’infortuné est d’avoir appartenu de loin au parti conservateur, d’avoir écrit des livres contre les Juifs, une Vie de Judas notamment, qui a quelques pages très vibrantes, d’avoir pris la défense de l’Église. Pareils à ces soldats qui vont ramasser sous les balles le corps de leurs camarades, les révolutionnaires défendent le cadavre des leurs, quels qu’ils soient. Les conservateurs ne se contentent pas de ne pas défendre, ils piétinent et ils crachent sur ceux qui sont tombés.

On ne peut se figurer ce qu’est, dans de telles conditions, la lutte d’un homme isolé contre toute une nation. Voyez l’Anti-sémitique. La librairie Hachette, qui a le monopole des gares, refuse de se charger de ses numéros ; la poste égare ses exemplaires ; il loue un bureau à Paris, 7 rue de Provence, un Juif allemand, gros locataire, lui fait donner congé ; il dépose ses collections chez un marchand, on fait vendre le marchand par autorité de justice et, au méprit de tout droit, on comprend, dans la vente, des collections du journal qui sont là simplement en dépôt.

A un moment donné, le malheureux ainsi traqué ne sait plus distinguer ses amis de ses ennemis ; il insulte les uns, il se confie dans les autres. Alors la maladie qu’on appelle le délire de la persécution se greffe tout naturellement sur la notion très lucide, très exacte, très raisonnable de persécution très réellement subie. Le médecin juif et franc-maçon, qui se trouve à point, embrouille tout et diffame le moribond en prétendant qu’il avait perdu la raison parce qu’il buvait.

Parfois même, sans que le Juif s’en mêle, un sensibilisé, frêre de celui que vous avez rencontré tout à l’heure, agit seul.

— Ah ! quel bandit que ce Marchal ! Quand on pense quel homme il a eu l’audace d’injurier !

— Cet homme était un faible, sans doute, un pacifique, il avait respecté tout le monde ; mal organisé pour la lutte, il n’était pas de taille à se défendre.

— Oui, monsieur, c’est bien cela.

— Et quel est le nom de cette gémissante tourterelle sans force contre les serres d’un vautour affreux ?

— M. Henri Rochefort !

Chez les deux sensibilisés, l’imbécillité est une infirmité physiologique ; ils éprouvent, dans l’appareil émotionnel, le trouble que d’autres éprouvent dans l’appareil locomoteur.

Le premier, au lieu de s’attendrir sur les Français ruinés à la Bourse par les Rothschild, parle, au contraire, avec une admiration grotesque, des possesseurs de cette immense fortune. Le second, au lieu de plaindre l’écrivain, qui a entamé une lutte inégale contre un adversaire mille fois mieux armé que lui, s’indigne même qu’on ait osé s’attaquer au terrible pamphlétaire, qui a passé sa vie à attaquer les autres, qui a renversé, par le sarcasme, un Empereur et un Dictateur.

Tous deux sont des dépravés du sentiment, accentuant encore la note dominante de l’époque : un aplatissement de laquais devant tout ce qui a l’apparence de la force. Encore aujourd’hui, de tout jeunets, qui ne connaissent pas un mot de la question, viennent salement insulter un pauvre homme de lettres mort à l’hôpital, après avoir écrit cent volumes dont quelques-uns ne sont pas sans valeur. Le Clairon, où trônait Armand Yvel, cachant là, pour l’édification de la clientèle catholique, le nom trop significatif d’Armand Levy, vomissait sur ce mort, quelque temps avant de disparaître, lui-même ; Que le Clairon, qui tenait de près au boulevard n’osât point louer Marchal, cela se comprend ; mais pourquoi ne pas garder le silence ? Quel mal, je vous prie, a fait à la cause que défend Cornély l’homme qui a écrit : Pourquoi j’ai été républicain, et pourquoi je ne le suis plus, les Régicides, Marie-Magdeleine ?

Quelles âmes ont été corrompues en lisant les Philosophes au pilori ; les Courtisanes devenues saintes, l’Hitoire de Sa Sainteté Pie IX, Sauvons le Pape !

Peu à peu une légende se forme sous l’influence des Juifs qui jouent le rôle des scribes dans certaines sociétés primitives, qui seuls écrivent l’histoire et qui l’écrivent à leur façon. La mort de M. Marchal de Bussy, en avril 1870, n’empêcha pas un journal de le faire figurer dans le massacre des otages de la Roquette.

Quoique toute la presse, comme on devait s’y attendre, eût pris le parti du Juif allemand contre le Français, la campagne de l’Inflexible ne fut pas belle pour Wolff. Le Tribunal, étant donnée la législation sur la diffamation ne put se montrer insensible à ses plaintes, mais quand il connut quelque particularité édifiante des habitudes de cet homme de lettres singulier, il lui alloua uniquement ce qu’il n’était pas possible de lui refuser : Vingt sous. C’était beaucoup ; et même aujourd’hui, quoique le prix de toute chose ait augmenté, je ne vois guère de tribuual, fût-il composé exclusivement de Juifs et de Francs-Maçons, qui se hasardât à estimer l’honneur de Wolff au delà d’un petit écu.

Menacé d’expulsion à la suite de tant de scandales, Wolff avait répondu fièrement ; « Si l’on s’avisait de me toucher, je reviendrais à la tête de trois cent mille hommes. » Les trois cent mille hommes vinrent et quelques autres aussi avec, mais Wolff, qui a toujours professé la sainte horreur des combats, n’était pas avec eux. — Il apparut quand tout fut fini. C’est dans le panégyrique de Toudouze qu’il faut lire le récit de ce retour. Tout est joli là-dedans. Il y a l’épisode Bourgoing qui est une perle. Pendant la guerre, Wolff était à Vienne où M. Bontoux, l’ennemi des Juifs, comme on sait, lui remit obligeamment, pour écrire un volume sur le Tyrol, dix mille francs qu’il aurait certainement refusés à un chrétien. Si vous aviez fait partie de l’ambassade de France, vous vous seriez dit évidemment : « Voilà un Prussien auquel j’éviterai de confier les affaires de mon pays. » Wolff lui-même semble l’avoir compris ainsi.

Il allait donc par la ville, raconte le biographe, fuyant les Français, presque honteux, lorsqu’il se rencontra inopinément avec M. de Bourgoing, premier secrétaire de l’ambassade de France. Celui-ci vint aussitôt au journaliste et lui demanda pourquoi, puisqu’il se trouvait à Vienne, il ne venait pas comme l’année précédente, rendre visite à ses amis de l’ambassade.

Le chroniqueur, très ému répondit que, dans les circonstances cruelles, craignant une réception pénible, il n’avait pas osé.

Venez donc, répliqua gracieusement M. de Bourgoing, vous êtes un ami pour nous et nos sentiments à votre égard ne sont changés en rien.

Le rédacteur du Figaro se rendit alors à l’ambassade où il fut accueilli à bras ouverts et où il put désormais venir chaque jour se renseigner sur la marche de la guerre.

Après le spectacle de ce secrétaire d’ambassade allant lui-même chercher un Juif prussien qui ne lui demande rien, pour lui raconter nos affaires, il semblerait qu’il faille tirer l’échelle, gardons-nous en bien. C’est le retour à Paris qui est curieux à voir.

Il est incontestable que les Prussiens avaient un service d’espionnage admirablement organisé, presque aussi bien organisé que celui qui fonctionnait sous Napoléon Ier, du temps où il y avait encore une France. Les hommes, qui les avaient ainsi renseignés, devaient avoir été intimement mêlés à la vie française, avoir eu accès partout. Il paraissait donc tout naturel de faire aux vrais Prussiens, aux Prussiens avérés, à ceux qui nous avaient combattus franchement, l’accueil chevaleresque et galant que nous avaient fait les Russes après l’Alma, les Autrichiens après Solférino, et en même temps de nous défier de ceux qui nous avaient témoigné une amitié équivoque.

Les Français de la décadence firent tout le contraire. Il furent mal élevés, grogions, pleins d’une mauvaise humeur d’un goût déplorable devant les Allemands qui les avaient vaincus comme eux-mêmes avaient jadis vaincu l’Europe ; ils se roulèrent aux pieds de ceux qui les avaient trahis.

Le bon Schnerb, en sa qualité de Juif, fut le premier, nous apprend toujours M. Toudouze, à déclarer que Wolff était le modèle des patriotes ; tous suivirent cet exemple. L’entrevue de Gondinet et de Wolff est une scène de mœurs boulevardières qui indique bien le niveau de l’intelligence actuelle. Wolff, ici encore, semble avoir eu plus de délicatesse que les Français ; la première fois qu’il vint dîner chez Bréban il n’osa pas se montrer. Il était là, dînant solitaire, en cachette, dans son cabinet, lorsqu’on frappa à la porte. « Le garçon venait l’informer qu’un passant, qu’il ne connaissait pas, ayant appris que M. Albert Wolff était de retour et dînait là, demandait à le voir.

« La porte s’ouvrit, et, les bras tendus, les yeux humides, le nouveau venu s’avança vers Wolff « Gondinet : »

N’est-ce pas complet cet agenouillement devant Wolff, dans l’espoir encore lointain d’une réclame, d’un homme qui, après Dumas et Sardou, est à l’heure présente un des triomphants de la scène française ?

J’ai tort de noircir tant de pages pour écrire l’histoire psychologique de mon temps, cette histoire pourrait s’écrire en cinq mots : Ce siècle est effroyablement lâche.

C’est à un mensonge perpétuel que l’on a recours pour dissimuler cette universelle lâcheté. Il n’est pas un mot de ce qu’on écrit qui ne soit une offense a la vérité. Parmi ces écrivains, qui parlent à chaque instant de patriotisme, pas un seul n’a eu l’idée de faire ce que j’ai fait, d’aller au Ministère de la Justice s’assurer si ce Prussien, qu’ils recevaient au milieu d’eux, devant lequel ils s’entretenaient ouvertement de toute chose, avait tenu sa parole, s’il s’était fait naturaliser vaincu.

Or jamais Wolff n’a été naturalisé français ; jamais il n’a demandé à l’être. Par un décret du 7 mai 1872, « le sieur Wolff (Abraham, dit Albert) a été autorisé à établir son domicile en France. « Cette autorisation le place, il est vrai, sous un régime de tolérance ; il peut faire des actes civils, c’est-à-dire des commerces d’épicerie ou de belles lettres sans être exposé à être expulsé, mais, je le répète, jamais il n’a été naturalisé français, — ce qui lui permet d’avoir un pied en France et l’autre en Prusse.

Et c’est ce Prussien qui traite de haut nos gentilshommes lorsqu’il se produit un scandale, qui parle au nom de l’art national, qui morigène des maîtres qui par peur du Figaro, n’osent pas remettre cet homme à sa place !

Grâce au Figaro, Wolff exerce dans le monde artistique la terreur qu’Eugène Mayer exerce dans le monde politique. L’invraisemblable Turquet cite ce Prussien comme une autorité dans un discours solennel. J’ai vu des peintres, des artistes vaillants dont les jambes tremblaient littéralement sous eux lorsque ce hideux fantoche passait devant leurs tableaux dans les jours qui précèdent l’ouverture du Salon.

Les écrivains, qui ont accueilli parmi eux, au Figaro, ce maitre chanteur, sont-ils donc semblables à lui ? Sont-ils donc capables de couvrir d’invectives dans leurs articles un homme coupable seulement de leur réclamer cent francs ? Assurément non. Francis Magnard est un sceptique mais un fin lettré, très serviable. Saint-Genest a été un brave soldat avant d’être un journaliste qui a le courage plus rare qu’on ne croit de répéter cent fois la même chose pour essayer de la graver dans l’esprit frivole de ses lecteurs. Saint-Albin est un gentleman accompli qui n’a qu’une faiblesse, c’est de ne pas vouloir qu’on parle de choses sérieuses dans le Sport : « cela attristerait nos abonnés, » dit-il. Le baron de Platel, Léon Lavedan, Racot, sont des hommes d’une respectabilité parfaite ; ils subissent Wolff parce que ce misérable leur est imposé par les Juifs.

Si un malheureux chrétien avait fait le quart de ce qu’a fait ce Juif, les chrétiens n’auraient pas assez d’anathèmes contre lui ; les Juifs, au contraire, soutiennent et défendent leur coreligionnaire.

Pour Israël la littérature de Wolff est un dissolvant précieux.

Il y a des trésors dans cette littérature. Sur un fond resté tudesque et badaud éclatent des fusées d’orgueil juif naïf dans son cynisme. Quelle vision que Wolff, remplaçant à lui seul l’ancien tribunal des Maréchaux, juges d’honneur en matière délicate ! Les grands cercles l’ont consulté sur le cas de M. de la Panouze, l’époux infortuné de la Juive Heilbronn, et il pèse longuement son verdict. « Il y a forfaiture ? oui et non. Jeune homme, réhabilitez-vous en allant vendre des diamants au Cap avec votre estimable beau-père ! »

Tout ce qu’un homme de bonne compagnie évite ordinairement de toucher est prétexte à Wolff pour se répandre longuement. On n’a pas encore cloué le cercueil de Gabrielle Gautier, qu’il raconte à fond ce faux ménage, qu’il nous dit grossièrement ce que personne ne lui demandait et qu’il nous apprend que cette morte était la maîtresse d’un Juif moitié coulissier, moitié auteur dramatique du nom d’Ernest Blum. Ce Blum, qui profite de l’occasion pour se faire faire une annonce sur le cadavre de sa compagne, s’élève avec indignation, dans le Rappel, contre les faiblesses d’un Henri IV ou d’un Louis XIV. Mais c’est Sarah Bernhardt qui inspire Wolff le plus heureusement. Le chroniqueur du Figaro bénit l’enfant, il bénit l’époux, il bénit la mère, il la compare « à un ange qui a étendu ses ailes sur l’art, » et il ne nous épargne rien sur l’intérieur du ménage Damala. Il ouvre la table de nuit, il étale les draps à la fenêtre avec le clignement d’œil navrant et lubrique à la fois, que Gérôme a prêté à un de ses personnages. Quand on lit cela à l’étranger, en trois colonnes de première page, au milieu de peuples qui déjà se partagent nos dépouilles, la nausée vous monte aux lèvres. Comment des hommes, comme ceux dont nous parlons plus haut, ne protestent-ils pas contre ces saletés ? Comment ne songent-ils pas que leur journal est presque le seul qu’on consulte au dehors et qu’un peu de toute cette honte retombe sur eux-mêmes ?

Ils sont, d’ailleurs, cinq ou six à Paris, cinq ou six puffistes, toujours les mêmes, qui constituent de véritables plaies d’Egypte. Ils enlèvent même sa poésie à l’universelle tristesse, qui est partout à l’heure actuelle, ils empêchent ce monde, qui se sent disparaître, de rentrer en lui-même pour finir décemment. Ils sont toujours en mouvement incessamment sur l’affiche, occupant continuellement Paris de leur bruyante et vaine personnalité ; ils s’attirent entre eux et se servent mutuellement d’échos.

Sarah Bernhardt ne peut faire un pas sans que Wolff embouche la trompette ; Arthur Meyer s’en mèle immédiatement ; Marie Colombier intervient et c’est un vacarme à ne plus s’entendre. Quand on se croit tranquille, Deroulède se montre et, peu après, Mme Adam met la ville sens dessus dessous pour organiser quelque fête.

La névrose juive, évidemment, a sa grande part dans cette trépidation, il n’est pas naturel, en effet, qu’on ne puisse rester en repos et y laisser les autres. Pour ces passionnés de publicité, le sommeil même semble ne pas exister, ils se croient morts quand ils n’entendent plus de bruit autour d’eux.

Sur ces états d’esprit particuliers, qui révèlent un trouble incontestable dans le système nerveux, on consultera utilement Legrand du Saulle qui, dans son livre l’Hystérie, a bien vu et bien décrit le côté maladif de ces manifestations. Le savant médecin explique fort clairement comment les vertus mêmes sont devenues, pour ces êtres de théâtre, une occasion de paraître, d’être en scène. La bienfaisance n’est plus ce mouvement du cœur qui nous pousse à prendre sur notre superflu, parfois sur notre nécessaire, pour déposer discrètement une offrande dans la main de celui qui souffre ; c’est un acte charlatanesque qu’on accomplit à grand orchestre, en appelant la foule à coups de grosse caisse pour quelle vienne vous regarder, c’est le triomphe de cette ostentation que Bossuet appelle « la peste des bonnes œuvres. »

Parmi celles qui poussent loin cette monomanie de publicité, Mme Adam vient immédiatement après Sarah Bermhardt. Je sais les ménagements qu’on doit au sexe et je n’aurais, garde d’y manquer. Il me parait nécessaire, cependant, de faire figurer dans ce livre cette individualité curieuse sans être bien originale au fond, qui a tenu une certaine place dans ces dernières années.

Est-elle Juive ? Je n’en sais rien. Le nom de famille n’est point ici une indication bien précise. Lambert, le mari d’une Rothschild, est Juif, le général Lambert également, mais il y a les Lambert qui ne sont pas Juifs. Edmond Adam, en tout cas, était un des échantillons réussis du Juif homme politique et financier, du Juif juivant de Juiverie, émancipateur de peuple et gagneur de millions. Quand elle en parlait dans les feuilles juives, Mme Adam appelait volontiers son mari « le chevaleresque Edmond Adam, » En quoi était-il chevaleresque ? C’est encore un de ces problèmes que nous ne nous chargerons pas de résoudre.

Dans nos vieux chroniqueurs, comme dans Homère du reste, certaines épithètes une fois accolées à un nom ne la quittent plus ; elles servent à faire reconnaîttre et à peindre un personnage. Pour Villehardoin, Conte de Béthune est toujours Conon mult bien emparlez, Dandolo, le doge aveugle, est toujours le viel homme qui gotte ne veoit. Il en est ainsi dans certains milieux parisiens. De même qu’Anatole de la Forge est toujours « un galant homme, » même lorsqu’il approuve qu’on vole le pain d’un pauvre prêtre de 80 ans, Déroulède, est toujours « le patriotique Déroulède, » Delpit « notre sympathique confrère. » Adam était « le chevaleresque Adam. »

Mêlé aux affaires du Comptoir d’escompte, cet homme chevaleresque ne prouva guère sa chevalerie qu’en acquérant une fortune énorme, grâce à l’expédition du Mexique. Comment un républicain aussi pur pouvait-il tremper dans ce qu’on nommait « les hontes impériales ? » Il faudrait ne pas connaître le parti pour songer à s’en étonner. C’est pour engraisser les Juifs que nos soldats succombent sous la République, à la fièvre typhoïde en Tunisie ou au choléra au Tonkin ; sous l’Empire, ils succombaient au vomito negro au Mexique — voilà toute la différence. La masse est dressée a cela d’ailleurs. Un homme d’abnégation, un sauveteur, un serviteur dévoué des déshérités se serait présenté aux élections contre Edmond Adam, que les ouvriers n’en auraient pas voulu. Le peuple est toujours dupe du Juif démocrate qui le trompe par de belles paroles et qui s’enrichit à ses dépens ; il l’aime, c’est sa folie, la France en meurt, c’est notre malheur.

Adam entré dans le scheol, sa veuve, qui avait mis une espèce d’auréole autour de cette nullité futée seulement pour ses intérêts, songea à s’auréoler elle-même. Robert de Bonnières nous l’a montrée faisant des incantations à Gambetta et lui annonçant que tous les trèfles étaient sortis, ce qui est, comme on sait, signe d’argent. C’est par là qu’elle prit tous ces athées, superstitieux au fond comme des Cafres ; elle fut comme une sorte de Cailhava plus jeune et se posa dans le parti en disant la bonne aventure à des gens qui n’avaient pas de destinée.

Elle était vraiment belle alors, elle avait une manière de salon, ce qui ravissait tous ces bohèmes qui n’avaient jamais été qu’à l’estaminet. Elle apparaissait à toute cette Juiverie triomphante, avec des airs de reine de Saba. Si elle n’avait pas, comme la charmeresse de Flaubert « une robe de brocard divisée régulièrement par des falbalas de perles, de jais et de saphirs, rehaussée d’applications de couleur qui représentaient les douze signes du Zodiaque, » elle portait fort bien la toilette. Un moment, elle espéra épouser Salomon alors dans toute sa gloire ; mais Gambelta ne témoigna qu’un médiocre empressement et elle ne voulut pas, et elle eut raison, de ce gros Jéroboam de Spuller.

Cet heureux temps semble passé. Quand l’opportunisme fut en baisse, Mme Adam essaya en vain d’aller donner des représentations à l’étranger. Ce puffisme parisien, ces allures garçonnières ne sont pas des objets d’exportation. En Russie, le czar et la czarine refusèrent, avec une énergie qui se comprend, de recevoir la veuve du Juif révolutionnaire, qui avait contribué à jeter sa patrie d’adoption dans le désordre et l’anarchie. Lors de son voyage à Vienne, au mois de mars 1884, Mme Adam trouva toutes les portes fermées ; de toute l’aristocratie autrichienne, qu’elle s’imaginait, sans doute, toute prête à lui ouvrir ses bras, elle ne put voir que les Rothschild chez lesquels elle dîna. L’ambassade de France, qui s’était ouverte toute grande à Wolff, en 1870, fut hospitalière à la voyageuse. Mme Adam s’assit à la table de Foucher de Careil, « seul candidat décoré de la main de l’Empereur » qui, avant la guerre, allait de journaux en journaux nous apporter des petites réclames sur ses conférences au boulevard des Capucines. Ce souvenir m’est resté, car à la Liberté, c’était à moi, en qualité de nouveau, qu’était réservée la corvée de recevoir ce fâcheux périodique, qui revenait avec la régularité d’une épidémie, et que les garçons connaissaient à son pas.

L’accueil sembla mince à la directrice de la Nouvelle Revue et le Gaulois d’Arthur Meyer s’en montra justement froissé ; il aurait souhaité : « des banquets de trois cents couverts, des promenades aux flambeaux parcourant les rues illuminées, des populations défilant bannières en tète, des ovations enthousiastes. » Que voulez-vous ! Bismarck et Mme Adam sont au plus mal, nul ne l’ignore, et l’Allemagne avait menacé d’envoyer trois cent mille hommes à la frontière si Vienne s’abandonnait à des démonstrations trop vives. L’Autriche a obéi « au mot d’ordre de Berlin. » Elle a organisé autour de Mme Adam — l’ennemie de Bismarck — la conspiration du silence. On s’est bien gardé de parler de l’auteur de Grecque et de Païenne de peur de mécontenter le vindicatif Chancelier[96].

On n’invente pas ces choses-là, mais il est permis de les cueillir comme des fruits savoureux poussés dans les serres chaudes de la réclame, de les enchâsser comme des perles qui rappelleront à nos neveux à quel point on a pu se moquer de nous.

Devant l’indifférence des peuples et des cabinets, Mme Adam se replia sur elle-même. Le bas bleu prévalut sur la reine, or le bas bleu chez Mme Adam n’a jamais été qu’en coton. Ce n’est ni Corinne, ni Sapho, ni Lélia, ce n’est pas même Olympe Audouard. Cette Muse, en réalité, est bien départementale ; il y a chez la Turcarette, qu’a peinte Barbey d’Aurevilly, comme un souvenir de l’Hermance Lesguillon, la femme de lettres de 1830 portant des soques et un parapluie pour en frapper les barbares qui demeureraient froids devant sa prose.

Après avoir rêvé de gouverner l’Europe, la directrice d’une Revue, qu’on lit le moins qu’on peut, en est réduite à essayer l’effet de ses manuscrits sur un petit cercle d’invités, faux romanciers, faux poètes, faux savants, que les satisfactions de l’estomac ont préparés aux indulgences de l’esprit ; elle a, pour eux, maison de ville pour l’hiver et maison des champs pour l’été. Blanche de Castille a fondé l’abbaye des Vaux-de-Cernay pour que Mme Nathaniel de Rothschild pût l’acheter avec notre argent et y vivre commodément. J’ignore quelle autre souveraine a bâti l’abbaye de Gif, où Mme Adam, en joyeuse boulangère, fait danser les écus de l’Emprunt mexicain. Ce qui est certain, c’est qu’on y est fort bien. On prend les invités à domicile, on les transporte en mail-coach, on les abreuve et on les nourrit ; le soir on les ramène après avoir enregistré leurs noms au complet, afin de les faire figurer dans les journaux du lendemain. La chronique dit même qu’au départ on remet, à ceux que Païenne a émus, la pièce ronde pour aller chez Mélissandre.

Quelle sera la fin ? j’avoue qu’elle m’inquiète un peu. Il y a comme une marque, non point tragique, mais malheureuse, sur cette femme envers laquelle la Fortune semble avoir épuisé ses sourires et je n’ai pu à maintes reprises me défendre de cette impression pénible. Peut-être verrons-nous Mme Adam, à quelque cinquième étage de la rue Coquenard, faisant encore le grand jeu et proposant à l’Abeille de Lonjumeau quelque roman dont le journal ne voudra pas…

On comprend devant ces spectacles la mélancolique parole de de Leuven.

— C’est bien ennuyeux de mourir, disait-il, mais je m’en console presque, en pensant que je n’entendrai plus parler ni de Sarah Benrhardt, ni du grand Français !

Comment se fait-il que M. de Lesseps ne comprenne pas qu’il déshonore une vie qui a été licite et laborieuse, somme toute, par ce saltimbanquisme effréné ? Pourquoi méler ses enfants à toutes ces réclames financières, exhiber sans cesse ces pauvres petits, comme dans le tableau de Pelez, faire décrire sa nursery à chaque instant ?

Quel accueil ferait le corps des ingénieurs à quelqu’un qui lui apporterait un volume de vers ? A quel titre M. de Lesseps se présente-t-il à l’Académie française, par l’unique motif qu’il a creusé un canal ?

A. l’âge de M. de Lesseps tout est excusable ; mais que penser de M. Pailleron qui paye sa bienvenue à l’Académie en l’avilissant ? Il y avait quelque chose qui imposait quand même l’estime dans ce petit coin de France, réservé aux lettres, où la politique pénétrait parfois, mais où la question d’argent était inconnue, où les bonnes actions étaient celles seulement qu’on signalait pour le prix de vertu. Sous prétexte que ses Panamas monteraient quand on verrait sur les annonces d’émission : M. de Lesseps, « membre de l’Académie française, » M. Pailleron n’a pas eu de repos qu’il n’ait mêlé aux opérations de Bourse une noble institution du passé. Voilà M. de Lesseps admis, demain ce sera M. de Soubeyran ou M. Lebaudy ; une valeur dégringolera ou montera selon que le directeur de l’entreprise sera reçu ou repoussé au palais Mazarin. Quand on sera embarrassé dans la discussion du fameux dictionnaire, on priera Pingard de se transporter à Mazas pour y prendre l’avis de quelque membre en villégiature dans cette prison pour distribution de dividendes fictifs.

Quel rôle magnifique eût pu jouer cependant l’Académie : représenter dans ce naufrage général le respect de tout ce qui avait constitué la vieille France, encourager de son approbation, grandir de son suffrage ceux qui étaient restés fidèles à un généreux idéal, et, pour tout dire d’un mot, être Française !

Elle est jolie la Française ! Elle va prendre par la main le complice d’Offenbach, le Juif qui, après avoir obéi à sa race en travestissant, aux éclats de rire de la foule, les pures créations du génie aryen de la Grèce, a travaillé consciencieusement pour la Prusse en apprenant aux soldats à outrager leurs généraux, en raillant le panache du chef qui flottait jadis au-dessus des mêlées comme un signe de ralliement, le sabre des pères qui, brandi dans les charges héroïques, a tant de fois sauvé la Patrie[97].

L’œuvre démoralisante, je l’avoue, est réussie et vraiment juive. L’homme qui l’a écrite était au courant et savait de quoi il retournait. Les mots de 1867 semblent autant de pronostics pour 1870. Le général Boum, qui déclare que l’art de la guerre consiste à « couper et à envelopper, » raconte d’avance nos malheurs et c’est bien notre pauvre armée qui se rend « par trois chemins vers un point unique où elle doit se concentrer. »

Incontestablement le public des Variétés n’est guère accessible à des sentiments bien hauts et cependant, à la reprise, quand on entendit le pitre, qui représentait le général Boum, s’écrier : « Ous qu’est l’ennemi ? » il y eut tout à coup un grand silence. Pendant une minute, dans cette salle pleine de ces gommeux de ces boursiers, de ces comédiens, qui composent ce qu’on nomme le Tout Paris, se dressa le spectre de l’invasion et le douloureux fantôme de la défaite. On revit nos généraux interrogeant l’horizon de cette France dont ils ne connaissaient pas les chemins, nos régiment toujours surpris et nos malheureux soldats tombant par milliers sous les balles sans savoir d’où elles venaient.

Si on eût demandé à une des filles plâtrées qui étaient là ce qu’elle pensait de cette œuvre qui semblait destinée à éteindre d’avance toute flamme vaillante dans les cœurs, elle se fût écriée : « Elle est ignoble ! » Camille Roussett, le savant historien, Alexandre Dumas, l’auteur des belles Lettres de Junius, Sardou, l’auteur du drame émouvant de Patrie, ont dit : « Cette œuvre est belle et nous récompensons l’auteur en lui accordant un honneur que n’ont obtenu ni Balzac, ni Veuillot, ni Gautier, ni Proudhon, ni Paul de Saint-Victor[98].

Au moment où l’Allemagne élevait en grande pompe sur le sommet du Kiederwald la fière statue de la Germania, l’Académie a voulu chanter le Pean à sa façon ; elle a demandé à se mêler au trio de Boum, de Puck et du Prince Paul et d’une voix un peu chevrotante elle a entonné :

 
Il sera vaincu,
Il sera battu.
Son artillerie,
Sa cavalerie,
Son infanterie,
Tout cela sera,
Je le vois déjà,
Ecrasé, brossé,
Brisé, dispersé…
Et dans les chemins,
Et dans les ravins,
Il en laissera,
Il en oubliera ;
On le poursuivra.
On le traquera,
Et les ennemis
De notre pays.
Gaiement entreront
Et se répandront….

Ils brûleront tout,
Pilleront partout…..
Ce sera bien fait !
Du choix qu’elle a fait
Ce sera l’effet !
Et nous, réjouis.
Voyant ce gâchis,
Nous, n’en pouvont plus,
Nous rirons tous trois comme des bossus.

Le point qu’il faut toujours bien voir c’est l’hypocrisie, le mensonge, la convention qui sont l’estampille, le stigmate de l’époque. Les académiciens, en effet, ne sont pas honnêtement et franchement folâtres, ils parlent solennellement, ils déclarent que le talent ne suffit pas pour entrer à l’Académie, qu’il faut encore faire un bon usage de ce talent.

On leur dit :

« C’est donc faire un bon usage de son talent que de raconter, avec toutes sortes de détails croustillants, l’histoire — du reste bien juive encore — d’une mère qui vend sa progéniture, comme Mme Cardinal, d’un père qui vit dans l’aisance aux dépens de l’amant de sa fille ? C’est donc cette littérature que vous proposez comme exemple aux jeunes gens ? »

Ils imitent les vieillards vénérables qu’on surprend juste au sortir du mauvais lieu et qui, un peu essoufflés par l’exercice auquel ils viennent de se livrer, attendent quelques instants avant d’avoir repris, avec leur haleine, l’attitude des grands jours officiels ou des assemblées de famille.

Puis ils se décident à murmurer : « Oui, monsieur, l’Académie est un grand corps, nous aimons la tenue, nous demandons des œuvres qui excitent le patriotisme, qui élèvent les cœurs : Sursum corda ! »

Comme exemple de Sursum corda ! il faut rappeler ce qui s’est passé au moment des funérailles de Victor Hugo. Rien ne montre mieux l’abaissement dans lequel l’Académie est tombée. C’était M. Maxime du Camp qui, en qualité de directeur en exercice, devait se charger du discours d’usage et il convient de dire que, très résolu à ne pas reculer, il prépara immédiatement son discours en disant qu’il le prononcerait avec deux revolvers dans sa poche. Le discours, ajoutons-le, était un éloge complet du poète que M. Maxime du Camp admire plus que personne.

L’Académie, le premier corps littéraire de France, s’affola devant les menaces de quelques feuilles de chou écarlate et, dérogeant à tous les usages, elle retira à M. Maxime du Camp le droit de porter la parole en son nom.

Ce fut M. Emile Augier qu’on désigna ; on n’avait pas à craindre avec lui de déplaire à la plèbe. Ancien parasite du prince Napoléon, ennemi de Victor Hugo quand il était proscrit, insulteur de Veuillot quand il n’avait plus de journal pour lui répondre, il se consola de ne pas avoir à demander, comme les sénateurs de l’ancienne Rome, la mise au rang des dieux d’un Tibère ou d’un Caracalla en étouffant, sous des louanges qui sonnaient faux, le pauvre grand génie que l’amour de la popularité avait fait tomber de si haut[99].

Voilà pourquoi, tandis que les plagiaires de Morny sont au gouvernement, ses domestiques entrent à l’Académie.

La vérité est que personne ne veut se gêner, personne ne veut sacrifier son avantage immédiat ou sa fantaisie à un intérêt général, personne ne veut faire son devoir. Chacun, trahit dans la mesure de ses forces et dans la sphère de ses attributions. L’Académie ne peut livrer nos arsenaux puisqu’elle n’en a pas la surveillance, elle livre aux Juifs le dépôt d’honneur dont elle a la garde, elle capitule comme le Sénat a capitulé ; elle accorde à un financier ou à un faiseur d’opérettes, qui est persona grata des Rothschild, ce qu’elle a refusé à Jules Lacroix, ce grand vieillard qui était un convaincu de l’art, qui a écrit Œdipe roi, le Testament de César, Valeria, la Jeunesse de Louis XI, l’Année infâme, qui a mis à la scène le Roi Lear et Hamlet, traduit Horace et Juvénal.

Encore une fois, les sens qui manquent impudemment et consciemment au mandat de justice littéraire, qu’impliquent les fonctions dont ils sont revêtus, se regardent comme l’élite de la nation et ils ont toujours à la bouche de bons conseils pour les ouvriers.

Halévy, du reste, ne s’arrêtera pas la, il sera secrétaire perpétuel. La place est d’importance. En réalité, c’est le secrétaire qui fait la pluie et le beau temps dans les commissions, qui guide les choix. Petit à petit, le Juif éliminera tous les ouvrages qui ont un accent chrétien et français et, sans bruit, sans qu’on s’en aperçoive, insensiblement, la ; Juiverie sera la maîtresse à l’Académie comme partout[100].


Un cabotinage général semble s’être étendu du théâtre à la société. La société, pour mieux dire, est devenue un immense théâtre où chacun s’efforce d’attirer l’attention sur lui en se mettant en vedette sur l’affiche eu lettres gigantesques.

Le théâtre lui-même a pris une importance anormale, presque monstrueuse, qui s’explique par ce seul fait que la plupart des directeurs et des artistes en renom sont Juifs. Le métier de comédien devait tenter les Juifs ; il rapporte beaucoup, en effet, il satisfait une certaine vanité subalterne et il ne demande aucune faculté géniale ; ils se sont rués sur celle carrière avec une véritable fureur.

Tous les théâtres de Paris sont aux mains des Juifs, soit par des directeurs comme Carvalho, Koning, Simon, Mayer, Maurice Bernhardt, Samuel, soit par des commanditaire ; et des associés comme Godchau, longtemps chef de claque, ainsi que feu David Cerf, de l’Opéra ; soit par des secrétaires comme les Mendel, les Derenbourg, les Emile Abraham. Les auteurs à succès, les Halévy, les Millaud, les Hector Crémieux, les Decourcelles, les Dreyfus, les, Blum, les Wolff, sont Juifs comme l’était Mortier, un Hollandais qui s’appelait Mortjer, et qui fut le créateur de la Soirée parisienne.

Juifs également les entrepreneurs de concerts, de tournées artistiques, les impressarii célèbres, les Colonne, les Maurice Strakosch, les Bernard Ulmann, les Mayer de Londres, le Schurmann, cornac de Mme Judic en Espagne[101]. C’était un Juif encore que ce curieux personnage qui, sans étre rien en apparence, faisait la loi dans le monde des théâtres, Chéri, de son vrai nom Joseph Abraham.

Le peu regrettable Vaucorbeil, dont la femme était juive, et qui avait pour beau-frère un Juif, M. David, s’associa à notre pastoral Myrtil Hecht et peupla l’Académie de musique d’employés juifs. Le chef des chœurs s’appelle Cohen, le chef du chant Hector Salomon, le régisseur général est un Mayer — encore un !

Grâce aux radicaux de la Chambre, nos malheureux paysans se saignent aux quatre veines pour qu’une bande de Juifs ait chaque année huit cent mille francs à se distribuer. A Vienne, à Berlin, à la Pergola de Florence, à la Scala de Milan, on monte quinze à vingt opéras chaque année, on en monte un à peine à l’Académie de musique, on se partage la subvention en famille, ou plutôt en tribu, et nos républicains trouvent cela excellent.

Il s’est produit là, d’ailleurs, ce qui se produit partout où les Juifs apparaissent ; ils sèment le désordre et la ruine sur leur passage. L’Opéra qui, depuis l’abbé Perrin (1671) et Lulli, avait toujours été à peu près, a cessé brusquement de marcher dès que les Juifs s’en sont mêlés. Il a été même question de louer la salle trois fois par semaine à un impressario italien. On n’entend plus que lamentations ; il y a un chat dans la gorge des coryphées, un crapaud dans les ophicléides et un cheveu dans les trombones. On a découvert un déficit de quatre cent mille francs dans la caisse des retraites, et des choristes de soixante-dix ans continuent à représenter des Sylphides, uniquement parce qu’on est hors d’état de régler leur pension.

La plupart des artistes en vue sont d’origine juive ; dans le cas contraire, ne trouvant que de l’hostilité dans la presse, ils ne seraient arrivés à rien et ils auraient été réduits à courir la province. Les cantatrices célèbres de notre temps ont été célèbres surtout parce qu’elles sortaient de la famille de Jacob. La Stolz, la Patti, la Sass, Fidès Devriès, Rosine Bloch, Heilbronn, Mlle Isaac étaient juives. Judic, du nom de son mari, Mme Israël, Reichemberg, Mlle Milly Meyer appartiennent aussi au monde juif. On n’entend parler que de Salomon et de Melchisédec comme chanteurs. Worms est le fils d’un boucher de la rue Vieille-du-Temple, qui vendait de la viande kasher. Van Zamdt est-elle juive ? En tout cas, elle n’a pas été baptisée, c’est ce qui explique que les Rothschild l’aient reçue chez eux, l’aient couverte de leur protection, l’aient imposée à Paris[102], Elle a, d’ailleurs comme Mlle Nevada, comme la Krauss, l’avantage d’être étrangère en un temps où toute Française est mise sévèrement à l’index. Je me rappelle encore la mélancolie avec laquelle une jeune fille, que des revers de famille avaient forcée d’entrer au théâtre, me repondit un jour que je lui parlais de son avenir : « Oh ! Je n’arriverai à rien, je suis Française. »

Naturellement, du moment que Van Zandt dînait chez les Rothschild, elle ne pouvait rien avoir de comparable aux Lucindes d’amour, aux douces Isabelles d’antan avec lesquelles le rire était permis. C’était une créature en quelque sorte surnaturelle, Miss Fauvette, Mlle Bengali. Sa vénérable mère n’était pas oubliée dans les papiers imprimés, on nous la montrait assise à la droite de la barronne et on semblait nous dire : « Vous n’avez pas de mères comme cela en France », il faut les faire venir de l’étranger[103]. »

La surprise fut donc violente quand, à la première du Barbier, Mlle Van Zandt se révéla à la foule assemblée sous un jour tout à fait inattendu. Mes lecteurs me connaissent déjà assez pour savoir que je suis de race trop française pour partager la pose grotesque de ce Tout Paris qui parle du théâtre comme d’une église, qui fait de la solennité à propos de tréteaux. Dût le boulevard m’accuser de manquer de sens moral, j’avoue franchement qu’une comédienne, qui a bu un verre de Champagne de trop et qui se présente avec sa coiffure un peu de travers, n’a rien qui me choque outre mesure. Mlle Laguerre amusa fort un auditoire, qui n’était pas uniquement composé de rastasquouères comme aujourd’hui, lorsqu’au lieu de jouer l’Iphigénie en Tauride, elle joua, selon le mot de Sophie Arnould, l’Iphigénie en Champagne. J’aurais bien voulu être là lorsque Frederick, devant toute une salle hurlante, s’avança, devant le trou du souffleur, retira sa perruque avec un geste royal et gravement se moucha dedans….

Il parait cependant que ce soir-là le plumet de Miss Van Zandt était de taille et véritablement excessif pour une scène subventionnée. Ce bon-vivant de Gouzien, commissaire du gouvernement près les théâtres, n’en avait jamais contemplé un plus considérable depuis le jour où l’on avait dû baisser le rideau sur un sociétaire à la Comédie-Française — cet autre sanctuaire dont les journaux ne parlent qu’en se signant par respect.

Ce qui est ravissant, c’est de voir avec quelle habileté on opéra le sauvetage. Depuis Rouvier, jamais rien n’avait été si complètement réussi. Des l’aube, Arthur Meyer, Blowitz, le médecin juif Lowe tiennent conseil rue Christophe-Colomb. Heilbronn proteste. Carvalho, connaisseur en ces questions, car il passe pour profès en l’ordre des Coteaux, déclare que rien ne grise comme l’eau de fleur d’oranger. Lowe affirme que c’est le phosphore qui a ainsi allumé la malheureuse.

Quelques mois après, la divette se représentait de nouveau devant le public. Jadis, ces rentrées-là s’opéraient gentiment, à la bonne enfant. Sans tomber dans les exagérations actuelles, on admettait que certains égards étaient dus aux spectateurs. Comme cela se pratique encore en province, l’acteur ou l’actrice en faute était obligé de faire des excuses. Généralement, Frederick trouvait encore là l’occasion de se livrer à quelque fantaisie énorme. Parfois le tumulte recommençait ; puis tout se terminait par un tonnerre d’applaudissements devant quelque beau geste dans lequel notre grand public français d’alors avait reconnu un maitre de l’art. D’autres, comme Déjazet, commençaient, disaient : « Mesdames et Messieurs, » et ne finissaient pas… Au premier sourire de la Parisienne, aux premiers accents de cette voix si chantante et si frêle, le public avait retrouvé Frétillon et lui envoyait son pardon dans des battements de mains.

Cela ne pouvait pas se passer ainsi pour une protégée de M. de Rothschild. C’était le public qui devait faire des excuses. Il en fit : Carvalho se permit d’interdire a la foule l’accès d’un théâtre qui ne vivait que de la subvention de l’État, c’est-à-dire de l’argent de tous. Toutes les Américaines de Paris envahirent la salle avec leur bruit de cacatoës, leur teint aux couleurs d’un rosé équivoque, leur outrecuidante prétention d’imposer leur volonté.

À vrai dire, ces précautions n’étaient pas nécessaires. Lâche comme toujours, le Tout Paris était prêt à obéir au mot d’ordre des Juifs et à fêter l’actrice qui l’avait insulté.

La rue s’en mêla. Cet être anonyme, qui se trompe si souvent, eut, cette fois encore, plus de cœur que l’élite et carrément vint siffler sur la place. Ce gouvernement sans nom qui, sans tenter un effort, avait laissé outrager dans sa chaire le successeur de Cousin, le philosophe éloquent, l’écrivain respecté, fit pour une cabotine qui s’était honteusement grisée ce qu’il n’avait pas fait pour Caro. On vit là trois commissaires de police sur pied : Santucci, Evrard et Clément, le Clément des décrets, dont la place était marquée en une telle affaire, Clément qui fut le plus vil, car il osa seul se mettre l’écharpe tricolore autour des flancs pour arrêter ceux qui n’approuvaient pas la petite bacchante.

Ce bruit du peuple, malgré tout, a le privilège d’épouvanter toujours Rothschild ; il donna l’ordre au directeur de cesser les représentations.

Ces amplifications à propos d’actrices, qui contribuèrent à irriter l’opinion contre Van Zandt, sont passées en habitude.

Dès qu’il a été question des filles de Sion, les termes usités auparavant pour ceux qui avaient honoré la scène nationale n’ont plus suffi. J’ai indiqué déjà en maintes occasions cette habitude spéciale à la race juive d’agrandir tout ce qu’elle touche, ou plutôt tout ce qui la touche, de voir tout, en quelque façon, à travers un mirage, d’accumuler les épithètes exagérées familières aux peuples de l’Orient. Pour eux la dernière cabotine d’Israël est devenue un être fantastique, moitié ange et moitié femme ; elle a les dix sephiroth et on devrait la remercier à genoux de se faire entendre de nous, moyennant finance.

L’apothéose a commencé par Rachel qui fut, dit Tourgueneff, « la force et la fleur de cette Juiverie qui s’est emparée déjà des poches du monde entier et qui s’emparera bientôt du reste, car qui a la poche a la femme, et qui a la femme a l’homme, » Le véridique portrait de cette étrange créature a été tracé par Philarète Chasles, et il est si finement touché que je ne puis résister au plaisir de le reproduire.

Ce petit tigre bohémien, Juive lascive, vaste front planté sur des épaules de hyène et sur un torse charmant de Ménade, subtime d’intelligence et plus rapproché, par l’âme, des carnivores que des hommes, a séduit tous ses contemporains dignes d’elle et que sa grande qualité, la férocité, a enivrés. Veron le gros en a raffolé. Ricord se serait pendu pour elle. Les archevêques l’ont bénie. La France l’a pleurée. Autrefois, petite gueuse en chemise, qui, la sébille à la main, ramassait des sous dans la fange des estaminets, toute rompue depuis dix ans au trois-six, aux planches, aux quinquets gras, aimant le ragout du vice mais plus encore le ragoût de l’argent, elle représentait la sauvagerie des Parias, celle des Juifs, celles des Bohèmes résumée, concentrée et raffinée par la sauvagerie des rues de Paris.

Inutile de dire que les Juifs ne s’en sont pas tenus là, ils n’ont point eu de cesse qu’ils ne nous aient fait accepter une Rachel de fantaisie chez laquelle tout était pur, noble et beau[104].

Quand il s’agit d’un Juif ou d’une Juive, en effet, les conditions ordinaires de la morale sont changées. Vous avez vu Wolff battre la caisse sur le corps d’une pauvre comédienne des Variétés ; Meyer ne veut point se laisser distancer. Rachel a eu des bâtards : il en est question, en 1883, dans un procès intenté par Mmes Lia et Dinah Félix aux héritiers de Sarah. Ce sont de ces faiblesses excusables dans la vie d’une artiste et semblables, après tout, à celles que les débats des tribunaux révèlent chaque jour. Le Gaulois n’entend pas de cette oreille-là ; il vous démontre, en trois colonnes, que ces bâtards sont des amours de bâtards, des bâtards comme on n’en fait plus, des bâtards comme on n’en avait jamais fait avant Rachel, et là-dessus apothéose obligatoire de la race incomparable.

Quoique j’aie déjà effleuré ce point plus d’une fois dans le cours de cette étude, je ne crains pas d’y revenir, car il est essentiel. Le chrétien est toujours en train de rougir de quelqu’un ou de renier quelque chose, de dire à son frère embarrassé : « Nescio vos. » Le Juif est absolument fermé à tout sentiment bête de ridicule ou de fausse pudeur, il méprise profondément l’opinion, peut-être parce qu’il sait comment on la crée.

Prenez un exemple dans un autre ordre. Il s’agit ici, je le déclare, d’une femme parfaitement respectable ; elle s’appelait Agathina et elle était modiste. Supposez un chrétien ayant une femme exerçant la profession de modiste et portant le nom d’Agathina, il ne s’en vantera pas. Notre confrère Alexandre Weill n’est point de cet avis, il publie un poème intitulé : Agathina, ma femme ; et il déclare que rien n’a été aussi spirituel, aussi séduisant, aussi modeste que cette modiste.

Oh ! mon Agathina ! je t’invoque à genoux !
Lève-toi dans ta tombe et, tout debout, dis-nous.
Toi qui fus chaste et pure et dont le moindre verbe
Fut toujours si loyal et parfois si superbe ;
Dis-nous ce que tu fus, dès l’âge de vingt ans ?…
La vertu réunie aux labeurs incessants.
Tu portes sur ton front un nimbe, une auréole.
Dont le charme opéra jusque dans ta parole ;
La première au travail, la dernière au repos,
Avide de t’instruire et sourde aux bas propos,
Prompte et leste aux devoirs, lente aux plaisirs du monde.
Pour tous les malheureux d’une pitié profonde.
Idole de ta mère et de tous tes parents,
Dans toutes les maisons admise aux premiers rangs
Digne avec la cliente, affable à l’ouvrière,
Tu ne fus nulle part ni hautaine, ni fière ;
Tous ceux qui te parlaient devenaient tes amis,
Jusqu’à tes serviteurs dévoués et soumis.

Fidèles à leurs coutumes, les Juifs ont donc constamment organisé une réclame éhontée pour les leurs. Ils nous ont présenté comme une artiste inimitable cette pauvre Sarah qui bredouille, qui n’a plus un geste juste et d’accord avec ce qu’elle dit, qui ne serait pas digne de dénouer le cothurne de cette grande et dramatique Rousseil en qui semble palpiter l’âme héroïque de la tragédie.

Pas une protestation ne s’élève. Ce prétendu high-life, cette société selected, comme on dit, a moins d’initiative et d’indépendance dans ses jugements que le petit clerc de procureur qui pour 15 sous allait siffler Attila. Les pièces portées aux nues aujourd’hui n’iraient pas à la troisième scène avec le terrible parterre d’autrefois. Pour les mondains, il n’y a qu’un critérium : « Cela plait-il aux Juifs ? » Dans ce cas tout va bien.

Quelle preuve plus saisissante de ce fait que l’Ami Fritz ? On sait à quelle écœurante besogne se sont consacrés les Erckmann-Chatrian, les « Homèrcs du taf. » Elevés au milieu des Juifs de Phalsbourg, ils en ont pris l’âme haineuse et sordide. Leur œuvre a mérité d’être appelée : l’Illiade de la peur.

Quand on annonça l’Ami Fritz, M. de Saint-Genest rappela, dans le Figaro, que ces hommes auxquels on allait ouvrir la maison de Molière avaient couvert d’injures notre héroïque armée de Metz. Plus dégradés que les Juifs, qui venaient dépouiller les cadavres, ces futurs collaborateurs du Drapeau de Déroulède avaient dépouillé nos morts de leur linceul de gloire ; ils avaient jeté l’épithète de capitulards et de lâches à ces officiers qui, au premier rang sous les balles et sous les obus, avaient défendu ce cimetière de Saint-Privat où la garde prussienne avait été décimée, près duquel un chemin porte encore le nom de « Chemin de mort de la garde. » M. de Saint-Genest ne se contenta pas d’affirmations ; dans six numéros, il mit sous les yeux de ses lecteurs les extraits les plus significatifs, les passages les plus antifrançais et les plus déshonorants.

La première arriva. Dans cette salle des Français il y avait des veuves, des sœurs, des maîtresses aussi d’officiers tombés sous les murs de Mets. Pas une ne protesta, pas une seule Française n’eut le courage, devant la pusillanimité des hommes, de se lever et de siffler ces insulteurs de la mort. Tout ce beau monde attendait impatiemment que Rothschild daignât donner son avis. Quand rabbi David parut, ce fut un applaudissement unanime. Tous les Juifs rayonnaient. Songez donc, un rabbin paraissant pour la première fois sur la scène française et y paraissant naturellement comme le modèle de toutes les vertus !

Longtemps à l’avance les Archives israélites avaient tambouriné la bonne nouvelle : « Le Théâtre-Français de Paris, la première scène du monde, disaient elles, verra probablement une véritable solennité dramatique. On y donnera dans les premiers jours de décembre l’Ami Fritz, de MM. Erckmann-Chatrian, dont il a été tant parlé à l’avance. Un des moindres attraits de cette pièce ne sera pas la présence d’un rabbin sur la scène. Un des principaux personnages est reb David, type réel que les écrivains ont sans doute idéalisé et dont l’original n’est autre, dit-on, que le prédécesseur même du grand rabbin Isidor à Phalsbourg »

Encouragés par l’immense succès que leur fit la presse juive, les Erckmann-Chatrian imaginèrent de faire chanter en charge, au commencement des Rantzau, le Kyrie eleison. Qu’il est touchant cet appel suppliant et doux qu’a répèté avec une sorte d’insistance plaintive, au début de la messe, comme pour attirer l’attention de Dieu sur les fidèles rassemblés ! Chateaubriand, en l’entendant chanter dans un monastère du mont Athos, fut ému jusqu’aux larmes et Brizeux a dit la poésie qu’il prenait dans les petites églises de Bretagne.

Les femmes doucement envoyaient pour répons
A l’Eleiaon grec, les cantiques bretons.

Quand furent ânonnées les notes de cet Eleison, il y eut des transports de joie dans ce public du mardi, vous savez, ce fameux public du mardi qui sert de réunion à l’aristocratie et qui semble aux journaux conservateurs comme la résurrection de la vieille France. Ils étaient là battant des mains pour faire plaisir aux Juifs qui regardaient.

Combien j’estime davantage les Juifs de Breslau ! En 1876, on chanta dans les cafés-concerts une parodie du Lecho dodi, la belle mélopée que l’on entonne la veille du Kippour[105]. Ils vinrent tous les soirs, montrèrent le poing et dirent aux artistes : Essayez !

Il convient, je le sais, de reconnaître que sur les prétendues grandes dames qui figurent sans cesse sur le livre d’or des journaux mondains, le nombre de celles qui appartiennent à l’ancienne race française est relativement très limité.

L’Américanisme a envahi Paris presque autant que le Sémitisme.

Que d’histoires piquantes à raconter, si nous ne voulions rester fidèles à notre principe de philosopher seulement sur ce qui est dans le domaine commun ! Le grand seigneur, rêvant de faire un opulent mariage, a été, dans la plupart des cas, le plus candide des dupes. Certaines familles yankees, venues primitivement d’Allemagne et ayant laissé leur Juiverie dans la traversée de l’Atlantique, s’embarquent un beau jour pour Paris avec une petite fortune, deux ou trois cent mille francs, qu’elles dépensent bravement en un an avec un bruit étourdissant. Les chroniqueurs embouchent la trompette, les feuilles bien informées brodent à qui mieux mieux des récits de mines fabuleuses, de maisons de commerce colossales. Vous voyez d’ici le roman qui se bâtit dans la tête de l’Aryen. « L’industrie n’est-elle pas la reine du monde moderne ? Vive l’industrie ! Avec ces millions sans nombre je rebâtirai mon château, j’aurai les plus brillants attelages de Paris, je ferai du bien… »

Le mariage a lieu… Voilà la petite Yankee duchesse, marquise, comtesse. L’heure sonne où l’heureux époux juge qu’il serait temps de monnayer quelques pépites de ces mines inépuisables, de se faire envoyer un peu d’argent de ces maisons de banque ou de commerce.

Hélas ! les mines ont été inondées, la maison de banque est en faillite. Le père qui, souvent, n’avait pas même donné de trousseau, mais qui avait promis une rente énorme, est devenu fou. Le réveil est dur pour quelques-uns. Celui-ci prend son parti, vend son château où Louis XIV avait reçu l’hospitalité, envoie aux enchères les meubles anciens et jusqu’au paravent de sa grand mère pour suffire aux caprices d’une enfant gâtée. Celui-là, abattu par un tel coup, disparait de la circulation, se met au lit, sans être malade, et vit désormais couché. Cet autre abandonne tout, file en Amérique, y travaille courageusement, découvre de vrais mines et revient millionnaire et républicain.

Parfois l’aventure se complique. Il arrive de pays extravagants des tantes plus extravagantes encore, ne possédant ni sou ni maille, mais ayant pour le whisky la passion qu’une mère d’actrice partageait avec sa fille ; le pauvre mari est obligé d’habiller, de nourrir, d’abreuver tout cela.

Vous me direz que les victimes ne sont guère intéressantes. Je vous l’accorde ; ce qu’il faut noter, c’est l’impossibilité presque absolue pour le vrai Français de tirer aucun bénéfice de ses compromis avec la conscience ; il n’est pas organisé pour cela. La ligne droite du devoir aurait toujours été plus avantageuse pour lui, même matériellement, que de prétendues habiletés où il finit invariablement par le rôle de Jocrisse.

Qu’il s’agisse du jeu de la Bourse, du jeu du mariage, du jeu de la politique, de lanceurs d’affaires financières, d’époux d’Américaines, des Machiavels du centre droit à l’Assemblée de Versailles, la loi dont nous parlons se vérifie toujours.

A part quelques exceptions que chacun connaît, ces Américaines sont, d’ordinaire, de bien désagréables créatures : tapageuses, dépensières à l’excès, parlant haut, riant bruyamment, toujours les premières pour les excentricités de mauvais ton et, ce qui est prodigieux, aussi sottement entichées de leur fraîche noblesse, aussi impertinentes que les vraies grandes dames d’autrefois étaient simples, indulgentes et bonnes… Elles ont contribué à donner à la société parisienne la physionomie incohérente et bizarre qu’elle a prise depuis quelques années.

Le point douloureux encore est la façon dont on récompense l’hospitalité que bous accordons à tous, les rebuffades dont on paie nos avances.

Les professeurs de l’école des Beaux-Arts, au mépris, du reste, de leur plus élémentaire devoir, accueillent de préférence les élèves américains ; le jury du Salon accorde aux Yankees des médailles qu’il refuse à de vieux artistes pour lesquels ce serait une joie, une recommandation aussi auprès du public imbécile d’aujourd’hui. Tout ce que les peintres américains savent, ils l’ont appris chez nous, de nous. Le premier soin du Congrès est de voter un droit tellement exorbitant sur l’entrée des œuvres d’art qu’il équivaut à une prohibition absolue.

Quel épisode encore que la statue de Bartholdi : la Liberté éclairant le monde ! Pendant des années, le Comité répétait sur tous les tons : « Notre chère sœur l’Amérique nous adore ; ses ambassadeurs, dans toutes les capitales, nous l’ont bien prouvé, pendant la guerre de 1870, en bavant au succès de la Prusse et à l’abaissement de la France[106] ; souscrivons pour élever un monument impérissable de l’amour qui nous unit. »

Quand la statue est enfin terminée, après des appels de fonds incessants, les Américains déclarent qu’ils n’en veulent à aucun prix, qu’ils ne donneront pas cinquante centimes pour le piédestal. Le Congrès refuse de voter la moindre somme. Dans un pays où l’on réunit un million de dollars en quelques heures pour n’importe quelle souscription, les particuliers haussent les épaules quand on leur propose de souscrire.

Le cœur ne se serre-t-il pas lorsqu’on pense qu’il suffit de quelques agités pour réduire notre France à ce rôle de pauvre chien qui court porter ses caresses à tout le monde et que tout le monde repousse à coups de pied ?

Sans les Gambetta, les Waddington, les Spuller ; sans tous les étrangers qui nous ont fourré dans les complications oû l’on intrigue, comme leurs journalistes nous ont fourré dans les souscriptions où l’on tripote, qu’il eût été magnifique encore une fois le rôle de notre chère Patrie ! Avoir émancipé l’Amérique, avoir affranchi l’Italie, avoir combattu partout pour ce qui nous paraissait la justice et demeurer tranquille dans un recueillement de vaincu ! Au bout de dix ans de ce repos fier, on serait venu humblement nous demander de donner notre avis dans les conseils de l’Europe.

Avec un pareil public, les Juifs et les Juives du théâtre ne se gênent pas, ils se conduisent en pays conquis ; chacune de leur fantaisie devient un événement. Paris, au mois de février 1884, a parlé quinze jours de Mme Fidès-Devriès. De toutes les comédiennes hébraïques, celle-là, du reste, est la plus agaçante. Elle était à l’Opéra quand, un beau soir, elle s’ennuya en apercevant peut-être qu’elle ennuyait ; elle épousa un dentiste juif et quitta le théâtre. Bon débarras pour nous ! Vous ne connaissez pas les Juifs ; il faut toujours qu’ils dérangent le prochain. Un soir, les baronnes juives annoncèrent mystérieusement le retour de leur coreligionnaire : « Vous savez la grande nouvelle ? La toute belle, la toute charmante, la toute divine Devriès va nous revenir ! » Quel honneur pour nous ! dirent les duchesses pour faire leur cour aux baronnes. Les journaux bien stylés annoncèrent le retour, puis le démentirent, puis l’annoncèrent de nouveau.

Après un court passage à l’Opéra, où les Juifs seuls l’applaudirent, Mme Fidès-Devriès se décida à aller chanter au Théâtre Italien ; elle consentit, par pur désintéressement, à empocher 68,000 francs pour douze représentations, puis brusquement le mari se fit remettre subrepticement, « au nom de sa femme, un chèque qu’elle n’avait pas le droit de toucher. » Ici, c’est le directeur, M. Maurel, qui parle et je ne fais que répéter ce qu’il écrivait dans les journaux. Bref, voilà la cantatrice qui va rejoindre le Juif Jules Cohen qui l’attend à la gare de Lyon pour l’emmener à Monte-Carlo, pendant que l’impressario s’arrache les cheveux, et qu’un autre Juif, Hartmann, écrit des lettres étonnantes aux gazettes.

Remarquez le changement qui s’est accompli même dans les mœurs de théâtre. Sans doute les coulisses n’ont jamais été le sanctuaire de la Vertu, mais le bon cœur, l’affection pour les camarades rachetaient bien des choses. Déjazet aurait joué mourante pour ne pas faire perdre un cachet de quarante sous à un figurant. Cette Juive qui vient de toucher une somme fabuleuse pour quelques notes parfois assez fausses, qui, à la seconde représentation d’Hérodiade, a mis le couteau sur la gorge de son directeur pour obtenir un peu plus d’or, ne se demande pas une minute si son départ soudain ne sera pas une ruine pour le théâtre, s’il ne remettra pas sur le pavé tout ce petit monde d’artistes subalternes, d’employés, de gagistes pour qui la fermeture est un désastre.

Ces considérations sont complètement étrangères à tout individu de race sémitique qui compte les autres absolument pour rien. Pourquoi se gênerait-il, encore une fois ? Autrefois une artiste qui se serait permis une pareille incartade aurait été reçue à coups de pommes cuites, si elle s’était avisée de reparaître devant un public parisien. De nos jours la Juiverie n’a eu qu’à faire un geste à ce qu’on appelle « l’aristocratique assistance de l’Opéra » pour qu’à sa rentrée, au mois de janvier suivant, Mme Fidès-Devriès fût couverte d’applaudissements[107].

Dès que les Juifs y ont tenu le premier rang, le théâtre lui-même s’est transformé. Tant que les comédiens furent de simples chrétiens, le métier d’acteur resta un métier peu considéré par lui-même, mais que la grandeur du talent, la tenue personnelle de l’artiste relevaient à l’occasion. Il faut avoir perdu, en effet, tout sens moral et tout bon sens pour admettre que, dans la hiérarchie sociale, le bouffon, dont la profession est de recevoir des coups de pied dans le derrière pour amuser la foule assemblée, soit l’égal d’un soldat qui expose sa vie pour son pays, d’un marin qui affronte la tempête, d’un médecin qui brave les épidémies. Sans doute l’histrionisme a régné dans toutes les civilisations corrompues. Athènes asservie donnait à Polus un talent par jour. AEsopus et Roscius furent gorgés d’or. Deux mimes, Pylade et Bathyle remplirent de leurs querelles la Rome du bas Empire. Paris, que Caligula fit battre de verges pour avoir hésité à déclarer que l’Empereur chantait mieux que Jupiter, eut un peu les allures d’un sociétaire de la Comédie-Française actuelle.

En ses hontes même, le peuple romain garda néanmoins un certain respect de la dignité humaine ; il mit son amour du plaisir au-dessus de tout, il témoigna qu’il voulait s’amuser à tout prix et qu’il oubliait tout pour arriver à ce but, mais il ne déclara jamais qu’un homme de joie était l’égal d’un homme de devoir et de sacrifice. Sénèque, qui fut un voluptueux, Pétrone, qui fut un débauché, auraient brisé leur stylet plutôt que d’écrire les tirades pompeuses que les journalistes de la presse juive consacrent chaque jour à « l’honnêteté, à la noblesse de la profession d’histrion. »

Si l’Empire, grâce à Fould, donna pour la première fois la croix à un comédien, Isidore Samson, parce qu’il était d’origine juive, il le fit encore avec des réserves formelles ; il décora le professeur du Conservatoire et l’auteur dramatique à la condition expresse que l’acteur ne reparaîtrait plus sur les planches.

Avec leur parti pris d’avilir l’armée, les républicains devaient changer tout cela. Il faut lire dans les journaux de l’époque la scène de la décoration de Delaunay. C’est un vrai tableau de décadence, mais d’une décadence spéciale, déclamatoire et burlesque.

Comme il arrive à la veille de tous les grands événements, des bruits étranges avaient couru. Delaunay avait mis le marché à la main à la France ; il avait fait annoncer ses dernières représentations. Vous comprenez l’inquiétude qui régnait à la Chambre. L’Angleterre venait de nous chasser de l’Egypte, ce qui avait paru peu de chose ; la nouvelle que Delaunay se retirait était autrement grave. Pour comble de malheur Delaunay, nous apprend le Gaulois, avait prononcé des paroles sinistres. « On lui avait entendu murmurer : on m’a dit au 1er janvier qu’il fallait attendre Pâques, à Pâques, que la distribution des prix n’était pas loin. »

En ces heures oscillantes et perplexes oû va se décider la destinée du monde, les plus forts se sentent agités. Febvre, cependant, était fort calme ; « il se tenait immobile dans son cabinet ; Déroulède, plus nerveux, allait de la salle au foyer et du foyer à la salle. »

Voyant son ombre aller et venir sur la toile,
Les cabots, qui croyaient encore à cette étoile,
Accusaient le Destin de lèse-majesté.

Tout à coup Ferry arrive avec le général Pittié, chef de la maison militaire du Président de la République, et il dit à Delaunay : « Je vous décore sur le champ de bataille, » Vous apercevez le champ de bataille d’ici : des pots de rouge et de blanc, une patte de lièvre, des postiches, des perruques, et cette odeur spéciale de loges d’acteurs faite de parfums rancis, de mixtures pharmaceutiques, de poudre de riz et d’oppoponax. Vous voyez ce vieux maquillé délayant son rouge en pleurant sur les favoris de Ferry, et le général Pittié au milieu de cette scène, disant : « C’est égal, quelle leçon pour M. de Moltke ! »

« Bien entendu, dans la salle. M. Bischoffsheim rayonnait d’avoir, en astronome qui aime le Progrès, découvert l’étoile des braves sur la poitrine d’un sociétaire de la Comédie-Française. »

Dans les classes supérieures, l’histrionisme a un caractère tout à fait romain.

Au cirque Molier, des jeunes gens élégants, habillés en clowns, donnent chaque année deux représentations : une pour les femmes du monde, une pour les femmes de tout le monde. Les invitations sont avidement recherchées, et les Françaises sont là, regardant leurs fils ou leurs frères exécutant des rétablissements sur la barre fixe, dansant sur la corde, passant à travers les cerceaux. Ces acteurs vêtus de maillots couleur tendre, couverts de paillettes, chargés d’oripeaux, grimaçant, gambadant, marchant sur les mains, s’appellent le comte de Nyon, le comte de Pully, comte Bernard de Gontaut, comte de Maulle, de Beauregard, de Quélen[108]. Le comte Hubert de la Rochefoucauld, vêtu d’une tunique de soie bleue, avec une écharpe à glands d’or, crie : miousic ! à l’orchestre, avec l’intonation des clowns.

Il y a un véritable cas pathologique, je le répète, dans ce besoin de se ravaler, de se déshonorer soi-même, mais cela ne choque personne. Les journaux, qui défendent la société, insèrent gravement le programme entre une tirade contre les vices du peuple et l’annonce d’un sermon, insistent sur les numéros, expliquent longuement la généalogie des familles[109].

Le plus fort en ce genre est la représentation du Cercle de la rue Royale, où le duc de Morny parut habillé en femme et dansa un pas du ballet d’Excelsior. Ca fut un ravissement. Les journaux discutèrent pendant toute une semaine pour savoir si le duc avait bien fait de couper ses moustaches. Le Gaulois fut très affirmatif : « Il a eu raison, dit-il, c’est très crâne ! » Le Figaro, plus réservé, déclara qu’il y avait du pour et du contre.

Pas plus qu’au Théâtre-Français, pas un vieillard représentant du vieil honneur, pas une femme ayant quelque sentiment de dignité au cœur, n’eut l’idée de se lever, de protester, de siffler devant le spectacle de cet homme déguisé en femme et dansant avec des gestes à double entente. Le Tout Paris n’eut pas la pudeur d’Athènes qui permettait aux esclaves seuls de danser la danse obscène : le Mothon.

N’est-il pas curieux, dans ce perpétuel recommencement de l’histoire, dans l’incessant frétillement de ce serpent qui se mord la queue, de constater que la décadence se traduit toujours sous des formes identiques, de voir qu’après tant de siècles écoulés, la décomposition sociale, comme la décomposition physique, est absolument la même dans ses manifestations ? Le duc, attifé en ballerine, et l’Héliogabale à la robe syrienne, aux yeux agrandi par le henné, aux joues fardées, ne semblent-ils pas être un seul et même être ? Ces clowns titrés ne sont-ils pas une incarnation nouvelle des patriciens dégénérés de Juvénal, du Lamasippus qui déclame sur la scène le Spectre de Catulle, du Lentulus qui se loue pour jouer le rôle de Laureolus, ou du Gracchus indigne qui descend dans l’arène, portant

Le riche galerus où flotte un réseau d’or.

Un souvenir des civilisations disparues vous obsède à chaque instant dans ce Paris colossal.

En 1867, quand l’Empire, condamné déjà, avait l’air d’une bacchanale montée à son paroxysme, au milieu de cette Babel de l’Exposition universelle où l’on entendait retentir en toutes les langues ce que Bossuet appelle superbement « le hennissement de la luxure, » deux passants se rencontrèrent dans ce promenoir où les peuples semblaient s’être donné rendez-vous pour une orgie cosmopolite. L’un était Henri Lasserre, l’autre Ernest Hello, un homme de génie, qui aura traversé ce siècle sans que ce siècle l’ait aperçu.

— Une chose m’étonne, dit l’auteur de l’Homme au futur auteur de Notre-Dame de Lourdes, je viens de regarder du côté des Tuileries, ils ne brûlent pas encore…

On éprouve un sentiment analogue, et l’on se demande comment tient encore cette société où l’égoïsme, la vanité sotte, l’amour du plaisir, l’absence de tout sentiment de dévouement, de toute pensée de sacrifice, de tout instinct même de conservation sont en haut, où la haine et l’envie sont en bas.

L’identité d’impression s’arrête là. Paris n’a plus l’aspect joyeux, l’air de confiance, la puissance ensorcelante qu’il avait à la fin de l’Empire. Malgré l’effort qu’il fait pour se démener, il exhale une odeur cadavéreuse. Le cœur est comme envahi par une insurmontable tristesse et plus d’un de nous ratifierait ce qu’un Anglais, M. Georges Sims, écrivait il y a quelque temps sur ce Paris qui fut nos chères amours.

J’ai connu et aimé Paris toute ma vie, dit l’auteur d’In the ranks, et je n’y ai jamais passé une heure d’ennui, si ce n’est aujourd’hui. Il y a deux ans, je prenais le café sur le boulevard, en voyant passer le flux et le reflux de la vie parisienne. À cette époque déjà, on remarquait un changement : Paris descendait la pente dont il a atteint aujourd’hui la base. Le voilà par terre, en tas, appelant en vain l’homme qui le relayera pour le ramener au sommet. « République, ton nom est banqueroute ! » s’écrie un journaliste connu, et quoique je ne sois pas bien sûr que ce soit précisément de la faute de la République, je dois constater qu’il y a une quantité de banqueroutes. Les meilleures maisons de commerce sont fermées on en liquidation ; les théâtres, à peu d’exceptions près, font de mauvaises affaires ; les trottoirs bitumés sont en plus mauvais état qu’à Londres, grâce à notre administration de paroisse.

Toutes les classes sont sous l’empire d’un malaise. Les seules personnes convenablement mises sont les Anglaises et les Américaines. Paris est in extremis. Je ferme les yeux, pour réveiller en moi l’image des temps d’autrefois, des étalages splendides des magasins, des rues éclairées à jour, des femmes élégantes, des équipages magnifiques, des uniformes brillants, le bruit et le mouvement d’une ville en habit de dimanche continuel. Je rouvre les yeux, et je trouve une population misérablement vêtue, des exhibitions pauvres d’articles démodés à Londres, et au-dessus de tout cela, sous un ciel gris, on lit le mot : « Ichaboë » (Ile de la cote occidentale d’Afrique, fameuse par son guano).

La ville, où la vie jadis était si débordante, où les pavés eux-mêmes riaient aux passants, donne un peu la sensation de Munich. Au mélancolique et glacial München, il manque de la gloire, du mouvement pour remplir ce décor de palais, de temples érigés aux grands hommes absents, d’avenues magnifiques. Paris a eu cette gloire, il est plein de souvenirs d’héroïsme et de grâce, de légendes immortelles, de fantômes illustres, mais tout cela semble appartenir à un passé pour toujours aboli. Certaines régions ressemblent à des Pompéï et on se demande quelle catastrophe les a rendues tout à coup silencieuses et désolées. Ailleurs, l’activité est fébrile, mais avec une sorte d’inquiétude sombre qui persiste malgré tout.

Les hôtels du faubourg Saint-Germain gardent leurs volets fermés pendant dix mois de l’année. Presque tous les beaux hôtels du quartier des Champs-Elysées et du quartier Monceaux sont aux Juifs ; parfois, par les fenêtres ouvertes, on entend dans la solitude les échos, de quelque concert, c’est un Juif quelconque qui soigne sa névrose.

Le livre si français, le livre qui fait penser, le livre qui tenait tant de place au XVIIe siècle n’existe plus ; c’est la musique, art tout sensitif, art d’amollis et de maladifs, qui tient le premier rang. Après le crocodile, le Juif est le plus mélomane de tous les animaux. Tous les Juifs sont musiciens ou comédiens d’instinct. Camondo joue du violoncelle. Mme Saly-Stern chante l’opérette comme Judic. Herman Bemberg compose. On voit, dans des programmes satinés, le buste au nez inquiétant de l’auteur des Djinns, se dressant au milieu de branches de laurier au-dessus de banderolles où sont écrits les noms d’Haydn, de Gluck, de Mozart et de Beethoven. Mme Goldschmidt donne aussi de superbes concerts « dans des salons qui sont en enfilade. » Entre deux morceaux, Bemberg, que la renommée d’Haydn empêche de dormir, prie Mme Isaac de chanter une petite romance. Le Clairon, lorsqu’il vivait, voulait bien nous apprendre que le programme cette fois est imprimé « sur une feuille de vélin couleur orange rongée par un volcan ! » « Quelle jolie décoration, que de chefs-d’œuvre ! » s’écrie Meyer toujours ravi. « En pénétrant sous le péristyle, la magistrale statue de Houdon, l’Apollon, vous prend le regard. » J’imagine que le maître de céans a dû nous prendre jadis quelque autre chose pour donner de si belles fêtes…

Les Ellissen sont aussi fort joyeux et trouvent que la vie est belle. La mésaventure de nos pauvres chiffonniers condamnés à mourir de faim les a particulièrement mis en gaieté, et ils en ont fait le sujet d’une pièce qui a inauguré leur hôtel du boulevard Haussmann construit sur l’emplacement des jardins de la princesse Mathilde. Lorsqu’on pénétrait en voiture sous la voûte on voyait tout de suite une grande affiche ainsi rédigée :

Folie-Ellissen
Représentation gratuite le 14 mai 1885
CRÉMAILLÈRE-REVUE
Pièce à grand spectacle, interdite par la Censure, et représentée par autorisation spéciale du Conseil municipal, avec le concours des principaux artistes de la capitale.
Une tête couronnée honorera de sa présence cette unique représentation.
Lumière électrique, Feux de Bengale, Pétards, Apothéose.
MUSIQUE MILITAIRE

Dans ce Paris conquis, on rencontre jusqu’à des Juifs indiens, les Sassoon, une famille aux aventures fabuleuses ! qui possède la moitié de Bombay. Ils viennent donner des soirées chez nous. Mme Gubbay, fille de ce Sassoon, arrive de l’Inde tout à coup, invite des gens qu’elle n’a jamais vus, et auxquels elle n’a jamais été présentée et chacun accourt. Et il y a des naïfs qui prétendent que la haute société parisienne s’ouvre difficilement !

Malgré tout, ce monde juif n’est guère intéressant, en dépit du bruit qu’il fait. M. Robert de Bonnières s’était mis en tête de le peindre dans les Monach, et il allait partout répétant : « Je les étranglerai avec un cordon de soie. » Il a manqué d’estomac, comme on dit, et il n’a pas eu l’intrépidité qu’il fallait. Sans doute, il a bien entrevu l’abaissement de notre aristocratie devant le Juif enrichi par des opérations malhonnêtes ; mais l’énergie lui a fait défaut pour peindre ce qu’il avait devant les yeux ; il a indiqué seulement la mauvaise éducation du baron allemand rappelant à tout propos le prix de tout ce qu’il a chez lui, entrant le chapeau sur la tête dans une église pour en marchander le jubé ; il n’a mis qu’à moitié en relief, dans Lia, ce côté rusé, égoïste et dur que cachent chez les juives des attitudes langoureuses relevées par une originalité cabotine ; il n’a pas creusé, comme l’auteur de Daniel Deronda, il est resté à la surface.

À cette touche volontairement insuffisante et débile, j’avais cru deviner un homme qui a peur de brûler ses vaisseaux, de se fermer la porte de ce qu’on appelle « la Société, » qui tremble de n’avoir plus jamais autour de lui ce petit bruit de presse sémitique et boulevardière qu’il prend pour la renommée. L’auteur m’a écrit qu’il n’avait pas ce caractère et ce qu’on m’a dit de sa situation personnelle m’a confirmé dans cette idée. Il faut voir là seulement un manque de déterminisme, une impossibilité de conclure contrastant avec un style ferme et précis qui semble s’être aiguisé à la lecture constante de La Bruyère.

M. Paul Bourget a peut-être mieux saisi un autre aspect de cette société. L’auteur fréquente chez les Ephrussi et les Cahen où des femmes de remisiers, charmées d’être prises pour de vraies grandes dames, compatissent par un échange de concessions à un vague à l’âme légèrement affecté, à un dandysme qui sent un peu le maître d’étude habillé à la confection. « Avec leurs alternances de caressante lumière et de frissonnante mélancolie, » les livres du romancier reflètent bien ce qu’il y a de faux, d’artificiel, d’irréel dans toute cette Jérusalem parisienne.

On se demande où l’on est dans ces romans qui n’ont ni la poésie des œuvres d’imagination, ni l’attrait puissant et sain des œuvres de vie sincère et vraie. On est dans le monde juif, dans ce monde improvisé et très vieux, né d’hier, mais né décadent, anémique et fané. Les larmes, là, ne sont plus les nobles larmes qui soulagent l’être humain elle fortifient, par son attendrissement même, comme la pluie du ciel détrempe et féconde la terre ; elles sont des effets nerveux et ne viennent guère qu’à la suite d’émotions de théâtre ; le rire est toujours strident et saccadé. Jamais on n’entend un mot juste et franc, un mot à la Sévigné ou même à la Montespan, à la Champfort ou même à la Dupin. L’écrivain n’est apprécié que d’après ce qu’il gagne, la peinture n’est estimée que pour ce qu’elle coûte.

Dès qu’on parle d’un tableau, l’instinct du courtier ou du teneur de bazar se retrouve chez le gentleman qui semble dire : « Ouvrons l’œil ! voilà l’affaire ! » Tous ces esthéticiens à la Keats, ces nonchalants, ces êtres de morbidesse et de rêverie raffinée, se redressent à un mot, à une nouvelle qu’on peut utiliser, âpres au gain, lucides et éveillés pour leurs intérêts.

Tout à l’heure, l’appartement plein de fleurs aux parfums entêtants semblait comme un tombeau que ces détachés de la vie s’étaient préparé pour s’y éteindre dans une extase harmonieuse ; mais le Judische, le patois hébreo-germain, dans lequel on discute le bénéfice à réaliser, a vite fait taire le piano où meurt la plaintive mélodie de Schümann ; la voix qui, une minute auparavant, était une caresse, un murmure de harpe éolienne, reprend comme par enchantement le sifflement guttural.

Chez les natures qui s’observent le plus, cet instinct est presque irrésistible. La vieille baronne James était une femme supérieure qui contribua beaucoup par son tact a assurer aux Rothschild la situation mondaine qu’ils ont aujourd’hui. Un jour, c’était chez la duchesse de Galliera ; je crois, elle se trouvait au milieu d’une assemblée d’élite ; la conversation avait roulé sur les sujets les plus élevés et la baronne y avait tenu sa place. On vint par hasard à parler de diamants. Soudain la Juive de Francfort reparait « Vous n’y entendez rien ! » s’écrie-t-elle, et la voilà qui s’anime, qui passe en revue les diamants de tout Paris, indique le poids, l’éclat, le nombre des carats, la valeur vénale. Ce n’est que devant le silence qui s’est fait qu’elle rentre en possession d’elle-même et demeure quelques minutes comme honteuse de ce retour au métier primitif.

L’œuvre la plus remarquable dans ce genre reste le Baron Vampire de M. Guy de Charnacé[110]. Si l’auteur avait élargi un peu son cadre, il se serait approché bien près de Balzac.

Qu’il est vivant ce Rebb Schmoull, le petit colporteur de Bohême qui gagne quelques millions en de malpropres spéculations et qui, tout à coup, se présente, sous le nom de baron Rakonitz, à Paris, où la haute noblesse l’accueille à bras ouverts ! Quel trait de mœurs parisiennes que cette alliance du baron et de la comédienne juive Sophie Fuch ! Le baron lance l’actrice pour s’en servir comme d’un instrument afin de se venger d’un homme du monde, le vicomte de la Landelle, dont il a supporté les dédains, et quand cette fille s’est prostituée à tout Paris, le vicomte l’épouse solennellement. Grâce à la duchesse d’Ermenonville, le baron finit à son tour par épouser l’héritière d’un grand nom, Mlle de Solignac, et tout le faubourg Saint-Germain assiste au mariage.

Les portraits sont criants de vérité. Chacun nomme Rakonitz, vendeur de canons qui ne partent pas, lanceur de mines qui ne contiennent pas plus d’or que celles de l’Uruguay, créateur de chemins de fer fantastiques, restaurateur des finances de l’empire de Gulistaa. Voici des per- sonnages connus de tous dans le high life : Schavten, « le petit Juif collectionneur de faïences, d’émaux, estimateur recherché du bibelot qui, se glissant d’abord sous ce prétexte dans les salons, y trône maintenant avec insolence ; » Mme « Stein, » femme d’un courtier suisse, jolie, intelligente ; qui a su se faire accepter par le clan des jeunes duchesses, qui dînent chez elle quand son mari voyage pour la maison. Saluons encore, ou plutôt ne saluons pas, Mme Langman, une Juive polonaise, qui est une des douairières de la galanterie, Lise Adler, une Juive allemande qui fut bonne d’enfants à Varsovie.

« Tout cela coudoyant les fils et les neveux de preux qui ont fait la France par le sang versé, par le sacrifice de leur bien, par leur valeur, leur intelligence diplomatique à travers l’Europe ! Quel spectacle ! »

Ah ! oui ! Quel spectacle ! Et comme on comprend devant ces promiscuités ignominieuses les indignations d’un artiste au cœur droit, les colères d’un vrai gentilhomme comme Charnacé.

Dans les quartiers que les Juifs ont choisis pour leurs hôtels, on peut au moins se recueillir sans être écœuré par le spectacle que présente la rue. La rue est maintenant aux souteneurs et aux filles, ils s’y carrent effrontément, ils insultent les passants et font rougir les femmes, honnêtes par d’immondes propos.

C’est le livre de Macé, le Service de la Sûreté par son ancien chef, qu’il faut lire d’un bout à l’autre si l’on veut avoir une idée de ce que les républicains ont fait de Paris en quelques années. Dans sa brutalité administrative, dans son langage de procès-verbal sec et froid, l’ouvrage dépasse tout ce qu’on a écrit sur le Paris contemporain ; il dévoile les plaies plus cruellement que ne le feraient les plumes les plus éloquentes. Jamais le naturalisme ne nous a donné un plus épouvantable document humain.

Le chapitre sur les souteneurs est véritablement sinistre. L’auteur fait défiler successivement devant nous les souteneurs du grand monde, de la bourgeoisie, du demi-monde, les souteneurs ouvriers, les souteneurs des maisons de tolérance, les souteneurs mariés de bas étage, les souteneurs pédérastes, les souteneurs rôdeurs de barrières.

L’immoralité croissante, les doctrines matérialistes ouvertement prêchées, la misère, la rareté du travail ont créé des catégories jusqu’ici inconnues à Paris. Des hommes mariés vivent en grand nombre du déshonneur de leurs femmes, surveillent eux-mêmes leurs débauches.

La femme mariée fait son commerce n’importe où, mais toujours loin de son domicile. Dans la journée, elle racole aux gares de chemins de fer, dans les jardins publics, au bois de Boulogne, et se prostitue dans les cabarets ou hôtels du voisinage.

Le mari la suit à distance, soit pour la prévenir de la présence des agents, qu’il cherche à connaître, soit pour la protéger contre certains clients qui font des difficultés pour payer. Dans ce dernier cas, il intervient en qualité de mari, fait une scène à sa femme et à l’individu qu’il appelle son complice ; pour éviter tout scandale, celui-ci donne quelquefois beaucoup plus d’argent que s’il avait payé à la femme le prix convenu d’avance.

Des enfants de 12 à 15 ans, corrompus par l’exemple, deviennent apprentis souteneurs. Certaines filles se font accompagner de jeunes enfants qui assistent aux scènes les plus ignobles. Il y a dans le chapitre intitulé : Enfants en possession de femmes de débauche des détails qu’il m’est impossible de reproduire.

L’armée des malfaiteurs se recrute parmi les souteneurs.

Chaque jour il se forme une bande nouvelle. On dévalise les maisons de la banlieue et des environs de Paris ; Passy, Auteuil, Boulogne sont à chaque instant visités par les malfaiteurs.

On tire sur les commissaires et les officiers de paix, tous les soirs les rares gardiens de la paix qui ne pactisent pas avec les malfaiteurs sont obligés de livrer bataille. On assassine en plein midi au milieu de Paris, sur les ponts, dans le jardin des Tuileries ; au bois de Vincennes un vieillard est étranglé à quelques pas du concours de tir ; sur le boulevard des Capucines, devant le restaurant Hils on jette un lazzo autour du cou d’un homme pour le dévaliser. On arrête les voitures dans les rues comme jadis sur les grands chemins. Au mois de janvier 1885, une dame revenant de Bordeaux prend un fiacre à la gare d’Orléans, à onze heures du soir ; rue Contrescarpe, trois malfaiteurs sautent à la bride du cheval et la dame est obligée de donner tout ce qu’elle possède.

On tue les voyageurs en wagon, les filles dans leur lit, les marchandes de vins à leur comptoir[111]. La police se croise les bras devant tous ces crimes, absolument impuissante[112]. L’assassin d’une fille de la rue Monsieur-le-Prince, dont on connaît le nom et le signalement, peut tranquillement se promener dans Paris couvert de sang et aller demander une place dans un bureau de placement sans que nul ne songe à l’arrêter.

Les brasseries de femmes sont à la fois des lupanars, des tripots, des cabarets. Une fois entré là, tout fils d’honnête famille est perdu ; on le grise, on le fait jouer, on le dépouille de mille manières. Jamais peut-être la nature humaine ne fut dégradée davantage que dans ces malheureuses femmes dont la profession est de boire, qui ont l’ivresse pour gagne-pain ; qu’on appelle fainéantes quand leur estomac refuse le travail. Quelques-unes absorbent jusqu’à 40 à 50 bocks par jour ! Lisez cela et relisez après les tirades pompeuses sur la régénération de l’humanité par la démocratie[113].

Le proxénétisme a gagné toutes les classes de la société. Le propriétaire qui loue à une prostituée un logement au triple du prix qu’il vaut ; le logeur qui l’héberge au même titre que le propriétaire ; le marchand de vins qui l’attire chez lui pour y attirer en même temps les clients, et qui, au besoin la protège contre les agents ; le charbonnier qui lui vend le combustible à faux poids ; l’épicier, le fruitier, la marchande à la toilette, la couturière qui lui font payer les marchandises plus cher qu’à une autre, jusqu’à la blanchisseuse qui lui surfait le prix de son repassage (attendu, dit-elle, que la prostituée n’a pas de mal à gagner son argent). Tous ces industriels, à des titres différents, sont en réalité autant de proxénètes qui poussent à la débauche parce que la débauche leur rapporte.

M. Macé adresse rapports sur rapports, demandes sur demandes au préfet de police pour être autorisé à nettoyer Paris ; il se heurte à un refus formel et il nous en donne la raison[114].

La majorité du Conseil municipal est d’accord avec les exploiteurs du vice.

Dans certaines élections ce sont les souteneurs et les repris de justice qui apportent l’appoint de voix, nécessaires. Le témoignage de M. Macé est très grave sur ce point. « La plupart des souteneurs sont électeurs et votent ; avec leur carte ils pénètrent partout. Bon nombre ont, cependant, subi diverses condamnations, ce qui ne les empêche pas de faire usage de leur qualité de citoyens. Tout récemment, des individus arrêtés et ayant des antécédents judiciaires, ont été trouvés nantis de leurs cartes d’électeurs coupées à l’un des angles, indice certain qu’ils en avaient fait usage. »

Les choses se passaient de la même façon pendant la première Révolution où les repris de justice étaient maitres souverains dans les sections.

Ces teneurs d’établissements infâmes sont des purs entre les purs, au point de vue républicain ; ils servent la bonne cause à leur façon en pourrissant les jeunes générations, en détruisant dans les masses tout sentiment honnête qui pourrait aider le pays à sortir de la fange. Nous constaterons plus loin, d’ailleurs, l’étroite connivence des chefs de la démocratie avec les marchands de vin empoisonneurs.

La loi sur les récidivistes, proposée par les Francs-Maçons, n’est pas une solution, c’est un instrument de proscription contre tous les Français indistinctement, voilà tout. On peut fermer les lieux de prostitution et mettre les filles à Saint-Lazare, comme autrefois, sans faire une loi qui permette d’envoyer un malheureux, qui aura volé un pain, ou, dans une rixe politique, frappé un agent, mourir à la Guyane, où la température ordinaire est de vingt-sept degrés, où, de l’aveu unanime de tous les médecins, un Européen ne peut vivre plus de trois ans.

Les représentants de la droite se sont, là encore, laissés prendre aux lieux communs[115]. Nul parmi eux, en dehors du comte de Mun, qui a prononcé quelques généreuses paroles, n’a eu assez de souffle pour envisager la question de haut, pour tracer un exact et vigoureux tableau de la décomposition actuelle, pour secouer les ministres républicains sur leur banc, pour leur dire : « Eh bien ! voilà donc ce qu’a produit votre République, qui accusait les régimes antérieurs de corruption ? Vous en êtes à demander la proscription en masse des Français coupables de n’avoir pas de rentes, vous réclamez des mesures dont tous les gouvernements qui vous ont précédé se sont passés pour maintenir l’ordre ! »

Si la plupart de ceux que cette loi menace sont peu dignes de sympathie, la loi n’en est pas moins monstrueuse. Solvere poenam, payer sa peine, disaient les anciens. Une fois qu’il a acquitté sa dette à la société, le condamné est libre. Nul n’a le droit de greffer sur une condamnation un châtiment nouveau, un châtiment que l’on regardait jadis comme le plus terrible de tous : la privation à perpétuité du sol de la patrie[116].

La loi, que tout le monde déclarait inapplicable, a été votée, malgré tout, car les Juifs la voulaient. Français d’hier, le Hambourgeois Reinach[117] trouve tout simple de chasser du sol, d’exterminer, selon l’expression de Racine, des hommes dont les ancêtres sont depuis des siècles sur la terre de France. Pour quel crime ce nouveau venu interdit-il à d’anciens Français la terre et l’eau ? Pour vagabondage ! c’est-à-dire pour un délit tout relatif, pour le fait d’être pauvre, d’avoir eu des parents trop honnêtes pour s’enrichir, d’avoir dormi dans un bois, sur un banc de promenade, au lieu de dormir dans un lit, d’avoir passé la nuit à la belle étoile.

À ce compte Homère, Camoëns et Nerval auraient été des vagabonds.

Jamais l’envahissement, d’abord doucereux, puis brutal du Juif ne s’est affirmé d’une façon plus saisissante.

La maison est à moi ! C’est à vous d’en sortir.

Les droits de l’homme et du citoyen, proclamés avec tant de fracas, se traduisent dans l’application par des lois vraiment bien humaines. L’échelle des peines, que Beccaria et l’école du XVIIIe siècle voulait abaisser, s’élève maintenant jusqu’aux proportions de l’échelle de Jacob.

Les députés catholiques n’ont pas envisagé ces choses comme il fallait ; ils n’ont pas pensé à défendre des droits imprescriptibles et sacrés même dans ces êtres pervertis par le gouvernement actuel, systématiquement privés de l’enseignement religieux qui aurait pu les aider à se relever après une première chute.

Pour les chrétiens d’autrefois, le pauvre c’était Jésus-Christ en personne, et la règle de saint Benoit recommande formellement de recevoir celui qui se présente pour demander un morceau de pain, comme s’il était le Sauveur lui-même. Au seuil du réfectoire des Bénédictins de Solesmes, on trouvait le Révérendissime abbé à l’époque où j’y vins, c’était Dom Guéranger, chargé d’années et illustre entre tous par sa science, qui présentait l’aiguière à l’hôte et lui lavait les mains. D’innombrables récits du Moyen Age sont la mise en scène de cette idée. Un malheureux en haillons est assis sous le porche d’une église, et tend la main à l’aumône ; soudain les humbles vêtements rayonnent, et l’on s’aperçoit que c’était le Christ qui était là.

En pareil cas, les catholiques d’aujourd’hui, M. de Mackau en tête, iraient-ils trouver le Franc-Maçon Caubet et lui diraient-ils : « Cet homme est pauvre, il n’a pas de domicile, il offusque notre vue, envoyez-le crever à la Guyane[118]. »

Quatre catholiques seulement ont voté contre cette loi inique qui assimile la mendicité à un crime digne de la mort, ce sont : Mgr Freppel, M. Paul de Cassagnac, M. Daynaud et M. de Mun.

Pour beaucoup, après tout, l’agonie sur une terre étrangère serait peut-être une délivrance. Les prolétaires sont acculés de plus en plus entre la mort par la faim et la révolution sociale. «  Quand les hommes perdent de vue les nécessités morales, a dit le puissant penseur que nous avons déjà cité, Dieu fait sortir la lumière des nécessités d’un autre ordre. Si la Foi n’est plus enseignée par l’oreille elle sera enseignée par la faim[119] ! »

La révolution sociale a un caractère presque fatal. Peut-être faut-il voir, dans la conviction qu’il a de cette situation, une des causes de l’hésitation du comte de Paris. Il est, on le sait, un des trois ou quatre hommes d’Europe qui connaissent à fond la question ouvrière ; il n’a pas, dans le principe qu’il représente, la foi qu’il faudrait pour entreprendre une restauration sociale qui seule sauverait la France, et en même temps, il aperçoit, avec plus de clairvoyance que les politiciens de son parti, l’intensité de la crise qui se prépare. Le travail, déjà ralenti partout, s’arrêtera bientôt presque complètement, grâce à la concurrence que nous font l’Europe et l’Amérique.

L’ouvrier parisien a perdu la suprématie qu’il avait autrefois et les peuples voisins tendent de plus en plus à se passer de nos produits. Tel est le lamentable aveu qui « échappe de toutes les enquêtes et de tous les rapports[120].

Les étoffes, les fleurs, les gazes, ce qu’on appelait l’article de Paris, tout cela, dans quelques années, sera exclusivement fabriqué à l’étranger.

D’après les présidents des chambres syndicales l’exportation des articles de Paris (tabletterie, bimbeloterie, lorgnettes, brosserie, éventails, boutons), qui atteignait, en 1875, le chiffre de 168,411,000 francs, était tombé, en 1884, à 91,930,000. De 42,189,000 (chiffre de 1875), l’exportation des fleurs artificielles et modes était réduite, en 1884, à 27,602,000. La situation s’est encore aggravée en 1885.

La plupart des mobiliers viennent aujourd’hui d’Allemagne et M. Marius Vachon, dans son rapport à M. Turquet, nous a donné des renseignements effrayants pour nous sur les progrès accomplis par certains peuples. La Russie, par exemple, qui semblait devoir être à jamais notre tributaire pour tout ce qui touche à l’élégance et à la mode, est arrivée à se passer presque complètement de nous, « Le meuble, qui était une des branches les plus florissantes de notre commerce avec Saint-Pétersbourg et Moscou, a presque entièrement disparu du marché russe. »

Dans l’Enquête sur les industries d’art, M. Belvalette déclare que l’exportation des voitures est tombée de dix millions à quatre millions. M. Pagny constate que l’industrie des dentelles, qui occupait 30,000 ouvriers dans le Calvados, est « dans le marasme le plus complet. » M. Carpentier, président de la chambre des doreurs, avoue que nos ouvriers ne veulent plus travailler que par grâce et qu’ils sont incapables d’exécuter ce que font les Allemand ! et les Italiens beaucoup mieux et à meilleur marché. M. Hamel est obligé de reconnaître que la sculpture sur bois est en pleine décadence.

Ici encore les théories juives ont porté leurs fruits logiques. Alors même qu’il en tire tout le profit, le Juif méprise le travail manuel, le travail des ateliers et des champs ; il admire exclusivement le courtier, l’entremetteur ou encore l’acteur qui est, lui aussi, une sorte d’intermédiaire[121]. La civilisation chrétienne avait garanti, ennobli, poétisé le labeur, la civilisation juive l’exploite par le Juif capitaliste et le diffame par le Juif révolutionnaire ; la capitaliste fait de l’ouvrier un serf, le révolutionnaire, dans ses livres et ses journaux, l’appelle un forçat.

Comparez l’atmosphère d’idées dans laquelle vivaient les prolétaires du passé et l’atmosphère dans laquelle vivent ceux, du présent, et vous vous expliquerez que, par une naturelle conséquence, la grossièreté des sentiments ait engendré la vulgarité dans les productions.

Si vous eussiez pénétré autrefois, dans quelque intérieur d’ouvrier, vous y eussiez trouvé ces images de corporation payées par les soins des syndics et des jurés en exercice et qui représentaient les saints protecteurs de chaque corps d’état. Tandis que des dessins plus ou moins nombreux rappelaient les principaux épisodes de la vie du saint, les détails de son martyre, d’autres représentaient les outils particuliers de la profession.

Ces gravures, qu’on distribuait à tous les membres d’une confrérie, constituaient comme un signe de ralliement commun dans les mêmes prières et dans la même foi. On les suspendait dans l’atelier et le saint, avec son nimbe éclatant, en ses vêtements parfois peinturlurés de couleurs criardes, regardait ainsi le maître et le compagnon, l’ouvrier qui déjà avait fait son chef-d’œuvre et l’apprenti encore novice travailler de leur mieux.

Que verriez-vous aujourd’hui à la même place ? d’immondes caricatures qui représentent des prêtres ivres, des femmes retroussées, des scènes de crapuleuse débauche.

L’Eglise donnait aux ouvriers les saints du ciel pour camarades, la presse franc-maçonne et juive les assimile à des galériens.

Par une mystérieuse opération de l’esprit, cet état d’âme différent se traduit dans les créations matérielles. Le travail, exécuté sans, entrain par un homme dont l’imagination est salie par de vilaines lectures, attristée par la conviction que son sort ne diffère guère de celui des forçats, n’a plus la délicatesse de jadis, La main est devenue lourde à mesure que la pensée devenait basse et le gros mouvement pornographique et athée de ces dernières années, en enlevant à nos artisans tout idéal, leur a enlevé en même temps tout leur goût.

À ces causes d’infériorité il faut ajouter la concurrence déloyale qui se donne pleine carrière, grâce au mépris des gouvernements étrangers pour le nôtre. On contrefait nos marques de fabrique et on les appose sur des produits qui n’ont rien de français.

Quelle autorité voulez-vous qu’aient pour se plaindre des représentants comme ceux qui ont envahi notre diplomatie ? A Vienne, vous avez Foucher de Careil, ancien candidat officiel de l’Empire, devenu opportuniste servile, qui a jadis dépouillé un pauvre privat docent de ses travaux de vingt ans sur Leibnitz, pour mettre sur l’œuvre d’autrui sa marque de fabrique à lui. On envoie, comme consul général à Panana, pour l’aider à se refaire aux dépens des actionnaires du canal, le député Lavieille, qui vient d’être flétri par les tribunaux pour ses indélicatesses financières. En Égypte, vous aviez Barrère, ailleurs un ambassadeur dont la nièce a été condamnée à six mois de prison, à Marseille, pour avoir commis d’innombrables escroqueries en se faisant passer pour l’archiduchesse d’Autriche ; à Rome, vous avez Gérard.

Après la guerre, quand l’impératrice Augusta demanda un lecteur français, on lui déclara qu’il serait impossible de trouver un Français assez vil pour aller remplir un tel emploi à Berlin. Gérard s’offrit, et moitié valet, moitié lecteur, puni quand il était en retard d’un quart d’heure, il accepta cet horrible métier de sourire à tous les sarcasmes qu’on lançait contre sa Patrie mutilée dans ce palais qui retentissait, du matin au soir, des cris de joie bruyants des vainqueurs, Gambetta, toujours en quête d’hommes assez dépourvus de dignité pour qu’on pût tout leur demander, prit Gérard dans la domesticité d’une souveraine allemande pour en faire un serviteur de la République.

Tandis que nos ouvriers s’entassent dans nos villes à la recherche d’un travail qui devient de plus en plus rare[122], l’agriculture est abandonnée. En certaines régions on ne veut prendre de ferme à aucun prix ; la terre a perdu près des trois quarts de sa valeur. Le rapport de la Société des Agriculteurs de France sur la situation du département de l’Aisne contient des aveux navrants sur ce point.

Dans la séance du 24 février 1884, M. de Saint-Vallier constatait que dans le département de l’Aisne, naguère encore en pleine prospérité agricole, la terre était dépréciée dans des proportions telles que 840 fermes ou marchés de terre ne trouvaient pas preneurs même pour le montant de l’impôt et que dans le seul arrondissement de Laon, 7,040 hectares, dont 1,250 de petite exploitation, demeuraient délaissés et en friche. D’après l’ancien ambassadeur de France à Berlin, la moitié de l’agriculture de la région aurait succombé depuis cinq ans et plus de la moitié de ce qui reste debout serait à toute extrémité.

Dans l’enquête, que Méline se refusa à livrer à la publicité, M. Gentilliez démontra que la situation était aussi désastreuse dans la circonscription du comice de Marle que dans la circonscription du comice de Laon ; il donna un total de 17 fermes, représentant 2,270 hectares, délaissées par les exploitants et que les propriétaires sont forcés d’exploiter eux-mêmes, de 116 fermes, représentant 5,563 hectares, abandonnées au cours du bail par suite de la ruine de l’exploitant et de 1,603 hectares (plus 8 marchés de terre d’une contenance inconnue) actuellement en friche[123].

Que croyez-vous que répondit Méline ? Il offrit à M. Gentilliez de le décorer du Mérite agricole !

Dans cette République où tout meurt, l’art, la littérature, l’industrie, le commerce des marchands de vin prospère seul. Les chiffres fournis par la statistique qu’on a appelée quelque part « l’art de vérifier les faits » sont terrifiants.

Le relevé des débits de boissons, dressé chaque année par l’administration des Contributions indirectes, accuse une rapidité inouïe dans l’augmentation du nombre des cabarets.

Le chiffre était :

— en 1869 de 366,507
— en 1882 de 376,520
— en 1883 de 402,534
— en 1884 de 415,327

Dans ce total ne sont pas compris les débitants de boissons de Paris dont le chiffre est évalué à 35,000.

Voici, d’après le relevé de l’octroi, dans quelles proportions s’est accrue depuis quelques années la consommation de l’alcool à Paris seulement :

1877… 107,481 hectolitres ;
1878… 123,111
1879… 125,214
1880… 132,138
1881… 145,867
1882… 448,444
1883… 445,467
1884… 147,935
1885… 141,129 [124]

L’ouvrier de Paris particulièrement a véritablement besoin de boire avec excès. Les races déclinent, les fils les plus robustes de la province sont vite usés dans ce Paris qui corrompt et qui épuise. Les Parisiens naissent vieux, ne se soutiennent que par une force nerveuse qui doit incessamment se retremper dans l’alcool.

On s’enfonce certains breuvages dans le corps, comme on s’enfoncerait à demi un poignard dans la peau, pour avoir un chatouillement aigu, une sensation âpre et violente qui remue, stimule et secoue. Les femmes, les faibles, les maladifs se piquent le bras à la morphine, les travailleurs se piquent le nez à l’alcool et tous deux éprouvent réellement un bien-être passager, une accélération de mouvement, une détente en même temps.

Le cerveau réclame ces toniques plus impérieusement encore que l’estomac. Bacchus, qui a porté tant de noms dans l’antiquité, s’appelait Liber aussi souvent que Dyonisios, il libère, en effet, il délivre les déshérités des chaînes de la réalité, il délie les cœurs. Dans une halte de repos au cabaret, l’ouvrier organise le monde à sa façon entre deux tournées ; il voit accompli ce rêve d’un bonheur chimérique qui lui échappe toujours, il est en possession du seul idéal qu’on lui ait laissé. Comme le Centaure du Louvre, auquel le Génie de l’ivresse a lié les mains derrière le dos, le peuple est le prisonnier de l’alcoolisme.

Ce qui est terrible c’est que ce n’est ni du vin, ni de l’eau-de-vie que l’on vend au prolétaire, c’est un mélange sans nom, un poison véritable.

La Maçonnerie semble avoir perfectionné ou du moins modernisé certains de ses procédés. Autrefois, elle se servait beaucoup de l’aqua tofana qui a fait disparaître tant d’hommes hostiles aux révolutionnaires.

La pharmacie, écrit à ce sujet l’auteur de Juifs et Francs-Maçons, connaît un poison, qu’elle nomme aqua tofana, dont la composition est attribuée à une célèbre empoisonneuse italienne du nom de Tofana qui, à cause de ses crimes, fut étranglée en 1730. Ce poison est extrêmement subtil et ne laisse aucune trace. Celui des Francs-Maçons, qu’ils appellent aussi aqua tofana ou tophana, avec un léger changement d’orthographe, est bien plus dangereux et bien plus redoutable.

Ce tonique, dans la composition duquel entreraient, parait-il, de l’opium et des mouches cantharides, est aussi clair que l’eau la plus limpide et n’a aucun goût. Il attaque les parties nobles du corps et, selon la dose absorbée, il opère des effets divers, soit la mort instantanée, soit la mort à des intervalles plus ou moins éloignés ; il produit une maladie de langueur ou bien l’idiotisme ou bien encore sans coliques, ni douleurs, ni symptômes particuliers, il conduit à un état de faiblesse et de consomption tel que la science est impuissante et la mort inévitable. Ce serait, dit-on un franc-Maçon, pharmacien à Naples, qui aurait inventé ce poison, probablement en perfectionnant l’aqua tofana déjà connue. Il n’aurait travaillé que pour la secte et sans doute d’après les ordres de ses chefs ; aussi la composition de ce tonique infernal, qui ne se fabrique qu’à Naples, est restée leur secret.

Je suppose que les médecins affiliés ont trouvé mieux. En tous cas, l’empoisonnement par les denrées alimentaires, par les liquides, est un grand instrument des desseins de la Maçonnerie. « Le peuple, a dit Campanella, sait-il de quels poisons est fait le philtre qu’on lui fait boire ? » Les meurtres, de plus en plus nombreux, les maisons de fous pleines, les suicides qui augmentent sans cesse attestent les effrayants ravages que produisent ces breuvages dans lesquels, à part l’eau, n’entre aucun élément qui ne soit funeste à la santé[125]

Devant cet alcoolisme léthifère on se prend à songer à l’époque où les Crieurs de vin étaient en même temps Crieurs de morts et s’en allaient, vêtus d’une dalmatique semée d’ossements entrecroisés, annoncer partout le nom des trépassés. C’est leur propre mort que les marchands d’aujourd’hui pourraient annoncer d’avance à ceux auxquels ils versent l’absinthe et le trois-six.

Les rois chrétiens avaient fait de cette question l’objet de leur plus constante sollicitude. Ecoutez Louis Blanc, lui-même, dont on ne récusera pas le témoignage.

Mêlées à la religion, écrit-il, les corporations du Moyen Age y avaient puisé l’amour des choses religieuses, mais protéger les faibles était une des préoccupations les plus chères au législateur chrétien. Il recommande la probité aux mesureurs ; il défend au tavernier de hausser jamais le prix du gros vin, comme boisson du peuple ; il veut que les denrées se montrent en plein marché ; qu’elles soient bonnes et loyales, et afin que le pauvre puisse avoir sa vie au meilleur prix, les marchands n’auront qu’après tous les autres habitants de la cité la permission d’acheter des vivres[126].

Si vous consultiez sur ceci un Passy quelconque ou un économiste officiel, il vous débiterait de solennelles turlupinades sur le mécanisme des échanges. La vérité, comme vous pouvez vous en rendre compte à l’aide de votre seule raison, est que saint Louis faisait de la grande économie politique en mettant directement en rapports le producteur et le consommateur ; il plaçait, face à face, les deux représentants du travail en reléguant au second plan l’intermédiaire, le parasite.

L’organisation actuelle étant juive est naturellement la contre-partie de l’organisation chrétienne de saint Louis. Dans le commerce des vins, comme ailleurs, on a fait disparaître toutes ces petites maisons dont l’enseigne parfois séculaire, gage de bonne renommée et de traditionnelle probité, était une sorte de blason. Le système juif détruit à la fois la garantie de l’honneur individuel du commerçant et la garantie collective de la corporation pour substituer à tout cela le vague d’une compagnie anonyme.

Aujourd’hui le commerce des liquides appartient à quelques gros commanditaires, plus banquiers que marchands de vin, qui tiennent entre leurs mains, dans un vasselage absolu, les établissements de second ordre. Le marchand au détail n’est guère qu’un employé, un prête-nom  ; il gère ce qu’on appelle une régie ; il ne peut s’adresser ailleurs quand on le sert mal, car, d’ordinaire, le loyer est payé directement par les fournisseurs du magasin. Un débit peut avoir cinq ou six patrons successifs, vous y trouverez toujours les mêmes liquides pris chez les mêmes industriels.

Le commerce des vins est donc devenu un commerce de produits chimiques où l’on expérimente toutes les inventions, où l’on pratique la gallisation, la pétiotisation, l’alunage, le salage, le sucrage, le plâtrage, où l’on combine les matières colorantes de toute espèce, les ingrédients de toute nature.

On devine quelle influence désastreuse cette chimie exerce sur la santé publique. Les vins naturels, en effet ont des principes d’assimilation et les excès mêmes avec eux n’ont que de médiocres inconvénients[127]. Vous avez vu en Bourgogne, par exemple, des vignerons dont la trogne est rubiconde, dont la face a pris les couleurs du pampre à l’automne ; ils sont toujours gais, bien portants, vivent très vieux. Les breuvages composés avec des essences, au contraire, ne s’assimilent pas, ils ont l’action de véritables poisons, ils déterminent des crises de delirium tremens, des accès de frénésie, des raffinements de férocité dont l’homme est à peine responsable.

Prenez, si vous le voulez, les sucrages, auxquels se sont voués particulièrement deux zelés démocrates de l’Hérault. Le sucrage, on le sait, se fait par la glucose. Or, nous dit le rapport sur les travaux du Laboratoire municipal pour l’année 1882, « la fermentation du sucre de fécule donne naissance à une certaine proportion d’acide amylique dont la nocivité est supérieure à celle de l’alcool de vin. De là l’ivresse plus rapide, les malaises immédiats, l’ébranlement nerveux qui suivent régulièrement l’usage journalier des vins traités par la méthode de Gall et de Petiot. »

Il eût semblé logique que les démocrates, ceux qui se déclarent en toute occasion les amis du peuple, exagérassent même la sévérité contre les commerçants qui, pour s’enrichir, empoisonnaient les classes populaires[128]. N’est-elle pas doublement précieuse cette santé de l’ouvrier pour lequel la moindre maladie est la ruine, la honte pour les siens, l’hôpital ? Qui ne se sentirait ému en voyant les récits de toutes les fraudes dont sont victimes les malheureux auxquels des marchands éhontés, affolés par l’amour du gain, donnent de la marchandise fausse en échange d’un argent qui est vrai ? Est-il un honnête homme qui ne soit pas de l’avis d’Alphonse Karr qui, partant de ce principe juste que la monnaie est l’équivalent de la marchandise, demande qu’on punisse celui qui fabrique du faux vin de la même peine que celui qui fabriquerait de la fausse monnaie ?

Les Francs-Maçons ne pensent pas ainsi. L’abrutissement par l’alcool frelaté est un de leurs principaux moyens d’action, ils ne veulent pas y renoncer. Rien n’est symptomatique, sous ce rapport, comme les attaques dont le Laboratoire municipal a été l’objet.

Le Laboratoire municipal est dirigé par un chimiste éminent qui a, ce qu’on appelait au XVIIIe siècle, « la passion du bien public. » Incorruptible, ce qui en fait une originalité à notre époque, M. Girard s’est arrangé de plus pour se mettre même hors d’état de condescendre aux sollicitations, aux recommandations, aux demandes injustes dont l’accablent les conseillers municipaux républicains. Il est admirablement secondé par un homme aussi actif que lui, M. Dupré, et par une légion de jeunes savants auxquels les modestes émoluments de leur place d’inspecteurs permettent d’achever leurs études de médecine.

En quelques années ce Laboratoire a obtenu d’importants résultats ; il a éclairé d’un jour terrible les périls qui menaçaient les travailleurs ; il a fait même cesser complètement certaines falsifications plus meurtrières que les autres.

Voici quel a été le chiffre des analyses depuis 1881 :

En 1881     6,517
En 1882 10,929
En 1883 14,686
En 1884 16,504
En 1885 16,184[129]

La proportion générale était, au commencement, de 50 pour 100 de mauvais sur les laits, de 59 pour 100 sur les vins. Grâce à une surveillance attentive, elle avait diminué de près de moitié. Depuis le succès du Conseil municipal, qui a réussi à empêcher la publication du résultat des analyses, la proportion est redevenue ce qu’elle était au début et, vraisemblablement, augmentera encore.

Au lieu d’encourager ces opérations bienfaisantes, d’augmenter les attributions de ce véritable Comité de Salut public, les députés de la gauche craignirent de voir revenir à la raison le cerveau des infortunés prolétaires qu’ils trompent par de perfides promesses. Ils prirent ouvertement, brutalement, sans vergogne, le parti de l’empoisonneur. Ils organisèrent une sorte de syndicat pour garantir au marchand de vin ses bénéfices malhonnêtes, une manière d’assurance de la Fraude contre le Châtiment.

Une première fois, Gambetta avait présidé une réunion qui se proposait franchement ce but méprisable. Après la mort du chef de l’opportunisme, Edouard Lockroy reprit l’affaire qui lui sembla bonne et, dans la réunion qui eut lieu au mois de mars 1883, au Cirque-d’Hiver, il fut entouré de tous les hommes politiques appartenant à la Maçonnerie. Sur l’estrade on remarquait à côté de lui :

MM. Brelay, Spuller, Barodet, Frébault, Anatole de la Forge, Cadet, Greppo, Cantagrel, Farcy, de Heredia, Lafont, Tony Révillon, Beauquier, Pelletan, Peytral, Courmaux, Boué, Rousselle, colonel Martin, Amouroux, de Ménorval, Delabrousse, Robinet, Dreyfus, Hamel, Marsoulan, Curé, Jobbé, Duval, Deligny, Hovelacque, Ranc, Ernest Lefebvre, Germain Casse, etc.

Au point de vue de la note à prendre, cette tranquille impudence est peut-être un des symptômes les plus caractéristiques de là bassesse d’âme de ces députés républicains. Quelles généreuses paroles eût pu prononcer un homme véritablement digne de ce beau titre d’ami du peuple ! Quels nobles accents, il eût pu trouver pour dire à cet auditoire populaire : « Ne vous dégradez pas par l’ivresse ! Songez à tout ce qui s’engloutit dans les assommoirs, à la femme, aux enfants qui attendent le salaire de la semaine. »

Parmi les flatteurs du peuple qui figurent dans cette liste, aucun, je le reconnais, n’eût été capable de tenir ce langage que tiennent les plus pauvres desservants de nos campagnes. Tout au moins ces favoris de la multitude eussent pu dire : « Peuple, puisque tu veux boire, nous veillerons à ce qu’on ne t’intoxique pas, à ce que l’on ne gagne pas en quelques années une scandaleuse fortune aux dépens de ta santé. »

De toutes ces bouches il ne sortit qu’un cri d’encouragement aux falsificateurs et aux distillateurs de poison, un cri de réprobation contre l’institution qui avait pour but de préserver la vie de l’ouvrier.

La façon éhontée dont certains orateurs, comme le Juif Lyon-Allemand, outragent publiquement la vérité dans ces réunions est inimaginable. On déclare par exemple, que le Laboratoire met des entraves au commerce en exigeant une moyenne de 10 degrés d’alcool et de 20 grammes d’extrait sec.

— Le vin de Champagne n’atteint pas cette moyenne, ajoute-t-on triomphalement.

Or, ces arguments sont absolument mensongers. Quand le vin examiné est déclaré naturel par le vendeur, on compare l’échantillon prélevé au vin du même crû et, s’il est trouvé semblable, on admet parfaitement qu’il n’ait que 8 et même 7 degrés. Quand le dépositaire ne veut pas indiquer la composition des vins dits de coupage, on lui applique les habitudes du commerce parisien, qu’on est bien forcé de tolérer par la force des choses, quelque répréhensibles qu’elles soient, et qui consistent à mouiller d’un cinquième. Remarquons, en outre, qu’à part les produits nuisibles, le Laboratoire n’empêche de rien vendre ; il dit seulement aux marchands de vin : « Ne trompez pas, annoncez du vin additionné d’eau, du vin fabriqué avec de la fécule de pomme de terre, du cognac orné d’un bouquet d’éther. En boira qui voudra. »

C’est cet appel à la plus élémentaire loyauté qui révolte les républicains organisateurs de ces meetings. Ils ont obtenu gain de cause, en tous cas, et depuis le mois de juillet 1883, il est défendu au Laboratoire d’employer officiellement les mentions mauvais et nuisibles. En 1884, Lyon-Allemand, chargé du rapport au Conseil municipal, fit même voter le rattachement à la Préfecture de la Seine, mais cette délibération fut cassée[130].

N’est-ce pas bien Franc-Maçon tout cela ? Les hommes qui refusent au pauvre agonisant, dans un hôpital, le cordial de quelque bonne parole du prêtre qui le réconforte et l’encourage, ne sont-ils pas logiques avec eux-mêmes en refusant aux travailleurs le cordial d’un verre de vrai vin qui le remette un peu de ses fatigues ? « Malheur au pauvre ! » dit l’opulent Lockroy. Le riche seul aura droit à avoir un peu d’idéal dans l’âme, un peu de chaleur à l’estomac, un peu d’espoir pour là-haut, un peu de gaieté saine ici-bas. »

Si l’on pouvait mettre l’air qu’on respire en exploitation, ces aigrefins formeraient un syndicat pour empêcher les indigents d’en profiter. À défaut de l’air nos braves républicains eurent l’idée d’exploiter les débris jetés à la borne. Qui eût imaginé qu’un gouvernement prétendu démocratique pût avoir seulement la pensée d’interdire aux déshérités de recueillir pour soutenir leur misérable existence, les rebuts de la ville magnifique, de ramasser les miettes de la fête ? Cette implacable dureté a peine même à se concevoir. Les hommes du jour ne reculèrent pas devant l’odieux de cette mesure.

L’affaire était bonne. D’après les calculs les plus modé- rés, le nombre des chiffonniers chiffonnant peut s’élever, à Paris, à cinquante mille. Chacun gagne, en moyenne, trois francs par jour, ou plutôt par nuit ; mais, en mettant les choses au plus bas, en fixant la moyenne à deux francs, on trouve que cinquante mille fois deux francs font cent mille francs par nuit. Cent mille francs par nuit font trois millions par mois et trente-six millions par an.

Trente-six millions étaient un joli denier pour des gens qui pensent que l’argent n’a pas d’odeur. Au premier abord on prétendit qu’une compagnie anglaise s’était offerte pour bénéficier de ces trente-six millions qui faisaient vivre quarante mille êtres humains. Le gouvernement indigné s’empressa de faire déclarer, par l’agence Havas, qu’il n’y avait pas une seule compagnie, mais plusieurs compagnies.

Sur l’affaire principale, on greffa la petite affaire des récipients. Une maison de la rue du 4 Septembre, dont la raison sociale cachait deux Juifs prussiens inonda Paris de prospectus pour annoncer aux habitants de la ville que ceux qui se fourniraient chez elle seraient désormais à l’abri des procès-verbaux qui allaient pleuvoir sur les simples mortels. Devant les protestations qui s’élevèrent on fit semblant d’ouvrir une instruction mais je ne vous étonnerai pas en vous disant qu’elle n’amena aucun résultat. La chose était pourtant claire… La circulaire disait :

Tout propriétaire qui pourra justifier de l’achat d’une boîte ménagère à notre maison ou succursale sera exempt de contravention.

Tout propriétaire, au contraire, qui ne pourra donner cette justification, encourra les conséquences de l’ordonnance préfectorale dès demain.

Ou les journaux avaient publié une pièce fausse ou les négociants avaient fait, sans droit, une promesse qui constituait une manœuvre frauduleuse, ou des hauts employés de la ville s’étaient laissés corrompre. Dans les trois cas il fallait poursuivre.

On s’arrêta car on eût été forcé de mettre en cause Alphand, un Juif d’origine encore (Alphanderry, Halphen) pour lequel le Conseil municipal a des tendresses que l’on comprend[131].

La gauche, d’ailleurs, pénétrée d’admiration pour ce Poubelle qu’un dépouillement de scrutin resté fameux devait immortaliser plus tard, n’eut pas une parole de pitié pour les malheureux chiffonniers. Ce fut le duc de la Rochefoucauld-Bisaccia qui s’honora infiniment en prenant en mains la cause des infortunés qu’on condamnait à mourir de faim et en la défendant devant des républicains repus qui, supputant d’avance la part qu’on leur ferait dans l’affaire, riaient aux éclats tandis qu’il parlait.

Les jeunes résistèrent comme ils purent. Les vieux se couchèrent dans leurs cahutes et y attendirent la mort. Le père Laplace qui n’avait pas mangé depuis quarante heures, ce qui, quoiqu’en puisse penser Poubelle, est dur pour un vieillard de 74 ans, s’éteignit comme une bougie sur laquelle on souffle, à une réunion de la salle Graffard[132]. Le père Gouri, chassé de son taudis de la cité des Bleuets, vendit ses loques pour payer ses dettes et alla se pendre dans un garni du boulevard de Belleville. Une vieille femme écrivit à un journal radical pour demander à Poubelle « de la faire abattre. »

Cette haine du pauvre, du travailleur, qui est sans exemple dans l’histoire, prend toutes les formes. Les républicains au pouvoir semblent n’avoir qu’une préoccupation : rabattre le prolétaire sur le Juif pour que celui-ci en fasse sa proie plus aisément. Tout est bon au Juif, en effet ; en dépouillant la France en grand par les emprunts et les sociétés financières, il n’a point abandonné l’usure sordide d’autrefois, le prêt sur gage. Tel banquier, membre d’un cercle aristocratique, est associé aux Gobsec de bas étage qui rançonnent les pauvres diables à l’aide d’avances sur les reconnaissances du Mont de Piété.

Un Juif allemand, nommé Neuburger, avait, il y a quelques années, donné une extension très considérable à ce commerce ; il avait créé dans Paris plusieurs succursales que Timothée Trimm appela les Neuburgiennes. Malheureusement pour Neuburger, il existait encore à ce moment une ombre de justice, on regarda dans ses livres et on lui octroya immédiatement dix mois de prison.

Aujourd’hui les Neuburgiennes sont en pleine prospérité. Un journal socialiste, la Bataille, dans son numéro du 23 janvier 1884, a donné quelques détails précis sur le fonctionnement de ces agences ; elles sont reliées entre elles, elles aussi, par une sorte de syndicat.

L’association a des bureaux dans chaque quartier ; bureau ayant un caractère d’agences, avec ces enseignes en lettres dorées aux balcons : Vente et achat de reconnaissances du Mont de Piété. Ailleurs, ce sont des boutiques crasseuses, antres de receleurs aux étalages interlopes ; friperies de brocanteurs au type judaïque.

L’exemple cité par la Bataille est comme le spécimen de la manière d’opérer qui varie peu.

Un citoyen victime est venu se plaindre hier. Sans sou ni maille, il entre dans une agence située environ rue Lafayette. La rue ne fait rien à la chose, le vol est le même dans n’importe quel quartier. On lui donne deux francs sur une reconnaissance. Puis un petit bulletin jaune, que nous tenons à la disposition de quiconque pourrait trouver intérêt à le consulter. Ce bulletin s’appelle : facture d’achat. Le prêt se déguise. Au bout d’un mois, ce citoyen retourne, il paie les frais nouveaux. L’intérêt est de 20 pour cent, ce qui fait pour l’année 210 pour cent. Nous sommes loin du taux légal qui est de six. Lorsque, quinze jours plus tard, il veut retirer sa reconnaissance, après l’avoir fait revenir sept fois, on lui déclare qu’elle est perdue.

Armé de son petit papier jaune, le citoyen appelle le prêteur devant un commissaire. Le prêteur met alors la main sur son cœur, et affirme avoir acheté la reconnaissance pour preuve, il montre le mot : Payé, appliqué sur le reçu et cet avis imprimé au préalable : Afin d’éviter tout malentendu, je rappelle au vendeur que l’opération ci-dessus stipule une vente et non un prêt. Grâce à cette ligne perfide, les prêteurs sur gages peuvent faire des dupes de tous leurs clients.

L’affaire est excellente encore. On ne saurait s’imaginer combien les pauvres tiennent à certains objets, témoins éloquents et muets des deuils et des joies de la vie domestique, le hochet ou la timbale de l’enfant achetée en des jours plus prospères, la bague de mariage. Quelques-uns consentent à payer un double intérêt à la condition qu’on leur accordera un certain délai pour retirer la reconnaissance.

Les banquiers élégants fournissent les capitaux qui sont nécessaires et viennent, de temps à temps, se rendre compte de ce qu’ils ont produit.

Il n’est pas rare de voir s’arrêter en face des coupe-gorge oû se traitent, de Turc à Maure, ces sortes d’affaires, l’équipage de quelque personnage vêtu d’importance. C’est le financier venant régler ses comptes. Il a, dans Paris, un certain nombre d’endroits où des individus à ses ordres guettent les besoigneux qui n’ont plus rien à engager que les bulletins officiels de leurs engagements.

Quand la journée a été pleine de larmes pour d’autres, c’est-à-dire pleine d’or pour lui, le banquier, arrive tout guilleret dans quelque salon, et quand on annonce le baron dHaceldama, toutes les chrétiennes se mettent à minauder et à sourire : « L’aimable baron, qu’il est gentil d’être venu, et notre toute chère baronne, comment va-t-elle[133] ? »

Interrogé par quelques députés naïfs sur la question de savoir si l’administration ne pourrait pas effectuer elle-même ces prêts sur reconnaissances, André Cochut, l’ami de Bischoffsheim, répondit que cela était impossible de toute impossibilité. Comment les Juifs le font-ils alors ?

Comment cela finira-t-il ? On n’en sait rien. Je veux dire qu’on ignore dans quelles circonstances au juste se produira une débâcle qui est inévitable. Le peuple attend et s’organise. Ce n’est plus dans les ruelles étroites, dans les faubourgs malpropres de jadis, qu’il faut aller étudier la Révolution. Elle habite les beaux quartiers d’aspect moderne, ces environs de la rue Monge, par exemple, où la misère semble plus froide et plus terrible encore au milieu de ce décor édilitaire tout battant neuf, où rien ne parle du passé.

Les liens qui rattachaient l’homme d’autrefois à cette église où il avait été baptisé, où les dernières prières avaient été dites sur les siens, au patron qui avait été l’ami de son père, aux bons Frères qui l’avaient élevé, sont brisés depuis longtemps. L’être qui est là est un moderne, un nihiliste, il ne tient à rien ; il n’est guère plus patriote que les trois cent mille étrangers, que l’aveuglement de nos gouvernants a laissés s’entasser dans ce Paris dont ils seront les maîtres quand ils voudront ; il ne se révoltera pas comme les aïeux sous l’empire de quelque excitation passagère, sous une influence atmosphérique en quelque sorte qui échauffe les têtes et fait surgir des barricades instantanément. Un monarque quelconque auquel on aurait à reprocher la moitié des infamies, des prévarications, des hontes sans nombre accumulées par le régime actuel, aurait entendu depuis longtemps l’émeute rugir aux portes de son palais. En réalité tout cela laisse la masse profondément indifférente : toute à son idée fixe, elle rumine silencieusement son projet de révolution sociale et attend le moment pour s’élancer sur Paris par ces grandes avenues qui semblent faites pour charrier des fleuves humains.

Dans une société livrée à toutes les convoitises, où le sentiment du juste et de l’injuste a presque entièrement disparu, où ceux qui souffrent sont foulés aux pieds sans pitié par ceux qui jouissent, la catastrophe finale, je le répète, n’est plus qu’une question de temps. Il n’est pas un être qui pense, qui ne prévoie le dénouement. Causez avec quelque religieux qui suit de loin ce navire qui sombre et lisez ensuite quelque chroniqueur bien boulevardier, bien frivole, bien athée et ils vous diront la même chose.

Un jour qui n’est peut-être pas loin, écrit Aurélien Scholl, la chaudière éclatera. De grandes maisons de crédit crèveront comme des ballons surchauffés ; il n’y aura plus que des ruines autour de nous : Paris sera Ischia après le tremblement de terre ! Ca ne sera pas encore la fin du monde, mais ce sera au moins la fin de ce monde-là.

Je ne serai pas de ceux qui le regretteront.

Moi non plus.

Sans doute il faut prier pour ces imprévoyants, ces corrompus et ces niais. Et cependant, si de suppliants on nous transformait en juges, si on nous disait : « Dans la sincérité de votre conscience, prononcez sur ces hommes pour lesquels vous venez d’implorer ce Dieu dont le nom est Miséricorde ! » Que répondrions-nous ? Ne devrions-nous pas dire, sous peine de rendre un jugement mauvais : « Ce monde a mérité de périr, il est puni justement, que sa destinée s’accomplisse ! »


LIVRE SIXIÈME


LA PERSÉCUTION JUIVE


Vous concluez qu’on a eu tort de fusiller les pauvres calotins en 1871. Nous sommes d’un avis contraire. Nous estimons même qu’on a usé de trop de ménagements vis-à-vis d’eux. Ils ne l’avaient pas volé.
Eugène Mayer (Lanterne)



I


LES FRANCS-MAÇONS


La guerre aux catholiques. — Les droits de la pensée libre. — Caractère spécial de la persécution actuelle. — Origine juive de la franc-Maçonnerie. — Une allégorie transparente. — Le Temple de Salomon. — La Franc-Maçonnerie d’adoption. — Des couplet folichons. — Judith. — Les Fils de la Veuve. — Un financier persécuteur. — Cousin, président du Suprême Conseil. — L’homme de paille des Rothschild. — Faiblesse coupable de certains catholiques. — Comment se recrute la Maçonnerie. — Le signe de détresse. — Tirard et la conversion.— Les légèretés d’un Lowton. — Les mines d’or de l’Uruguay. — Un Tuileur de premier ordre. — Un enterrement maçonnique. — Guillot ou le Sage de la Grèce. — Un coup de maillet de Vénérable. — Les vertus du maire de Brest. — Un ministre de commerce agréable. — La Maçonnerie dans les prisons. — Un adorateur du soleil.




I


LES FRANCS-MAÇONS


QUELS sont les instigateurs, les instruments et les complices de la persécution qui a commencé par l’expulsion de saints religieux, qui s’est ensuite attaquée à l’âme de l’enfant, qui a enlevé enfin au malheureux agonisant dans un hôpital sa dernière consolation et sa suprême espérance, qui s’est efforcée, en un mot, par tous les moyens d’avilir et de dégrader la France ? Comment cette campagne a-t-elle été entreprise et poursuivie ? Telle est l’étude que nous nous proposons dans ce sixième livre.

La libre pensée elle-même n’est point en cause ici. Que d’heures charmantes nous avons passées avec de brillants esprits fermés à ces croyances qui sont l’enchantement et la joie de notre vie ! Combien de temps avons-nous été nous-même, en admirant le rôle social du christianisme, à ne pas admettre le côté divin de ses dogmes, à vivre en dehors de l’Eglise ? Il a plu à Dieu, dans sa miséricorde infinie, d’appeler par son nom le pauvre écrivain, d’exercer sur lui cette pression irrésistible et douce à laquelle on ne résiste pas, de lui frapper amicalement sur l’épaule, oserai-je dire sans crainte d’être irrespectueux, car ce Christ, qui est le maître du ciel et de la terre, est en réalité le plus sûr et le plus fidèle des amis. C’est à nous à remercier et à bénir mais sans attaquer ceux qui, tout en ne partageant pas nos opinions, n’attentent pas à nos droits de citoyens, d’hommes et de Français.

Que de grandes intelligences soient restées fermées à une telle lumière, cela surpasse l’imagination, cela est cependant. Pair d’Angleterre, beau, riche, comblé des dons les plus rares, Byron blasphème le Dieu qui lui a accordé tous ces bienfaits. Travailleur infatigable, probe dans sa vie, pur dans ses mœurs, Proudhon ne veut pas croire qu’une autre existence le récompensera de ces vertus là-haut, et c’est à Satan qu’il adresse un hymne d’amour. Delacroix, l’admirable auteur de tant de peintures religieuses, se détourne sur son lit de mort pour ne pas entendre le son des cloches ; il aime mieux s’enfoncer dans le noir que d’aller regarder combien les figures, qu’il a rendues à demi visibles par son pinceau, sont plus belles encore que son génie n’a pu les concevoir.

Avant d’être touché par la grâce, combien d’années Littré, si honnête, si droit cependant, n’a-t-il pas lutté contre l’évidence ? Qui ne se rappelle cette jolie scène : le vieillard s’est endormi sur sa tâche, sa femme lui a passé au cou une image de la Vierge, il se réveille, aperçoit la médaille et la rend en souriant à sa compagne.

Prenez Jules Soury parmi les philosophes contemporains. Dans son Bréviaire du matérialisme, qui est un chef-d’œuvre de critique et d’érudition, il a apporté, selon moi, les meilleurs arguments à la Religion en constatant que depuis cinq mille ans la philosophie est toujours au même cran, qu’elle répète toujours la même chose, qu’elle tourne dans le même cercle, qu’elle n’a pu rien expliquer ; il a démontré que Darwin n’avait fait que reprendre les théories de l’adaptation à Anaximandre qui, lui-même, copiait Anaxagore, lequel plagiait Empédocle. L’auteur n’en est pas plus chrétien pour cela. Cet homme, qui est un travailleur vaillant, lui aussi, admet volontiers, avec Schopenhaüer, que la vie est un mauvais tour que nous a joué le grand Inconscient.

Encore une fois, nous n’avons ni à juger les cœurs, ni à sonder les reins. Remueurs de paroles, constructeurs de systèmes, génies perdus par l’ironie ou obscurcis par l’orgueil, libres-penseurs de toutes les nuances n’ont rien à voir avec les misérables qui jettent un vieillard hors de son domicile parce qu’il ne pense pas comme eux, ou qui volent le pain d’un prêtre indigent. Littré, même avant sa conversion, Vacherot, ont protesté avec dégoût contre ces infamies ; demandez à Jules Soury comment il juge des hommes comme les Constans et les Cazot, et vous verrez ce qu’il vous répondra.

En réalité, la lutte contre les croyances de la majorité des Français a été, non une revendication de la libre-pensée, mais la persécution de trois religions voulant en opprimer une autre. Si les Juifs, confondus avec les Francs-Maçons, se distinguèrent par une haine spéciale contre Celui qu’ils avaient crucifié, s’ils furent à la tête du mouvement, si, grâce à leurs journaux, ils répandirent à profusion les calomnies les plus ignobles, ils furent puissamment aidés par les Protestants qui, eux aussi, par un illogisme singulier, en voulaient au Christ parce qu’ils se sentaient coupables envers lui.

M. Eugène Lamy, qui est, je crois, l’auteur d’une brochure fort remarquable et fort remarquée, la République en 1883, a parfaitement discerné ce qu’a de particulier la persécution franc-maçonnique.

On reconnut bientôt, écrit-il, que la Franc-Maçonnerie est un ordre religieux en révolte, quand se déroula cette vengeance où dipparut à la fois la cruauté des luttes confessionnelles, le calme implacable des haines sacerdotales et la corruption de l’esprit monastique tournée en science de persécution.

Il nous est donc nécessaire de nous arrêter quelque temps sur la Maçonnerie. Nous n’avons pas, cependant, l’intention de l’étudier en détail ; d’autres l’ont fait avant nous. Tout au moins essaierons-nous de mettre en relief le caractère tout sémitique de l’institution et de préciser la forme particulière qu’elle a prise de nos jours.

L’origine juive de la Maçonnerie est manifeste, et les Juifs ne peuvent même être accusés de beaucoup de dissimulation dans cette circonstance. Jamais but plus clair, en effet, ne fut indiqué sous une plus transparente allégorie. Il a fallu toute l’ingénuité des Aryens pour ne pas comprendre qu’en les conviant à s’unir pour renverser l’ancienne société et reconstruire le Temple de Salomon, on les conviait à assurer le triomphe d’Israël.

Ouvrez n’importe quel rituel, et tout vous parle de la Judée. Kadosch, le plus haut grade, veut dire saint en hébreu. Le chandelier à sept branches, l’arche d’alliance, la table en bois d’acacia, rien ne manque à cette reconstitution figurative du Temple. L’année maçonnique est à peu près réglée sur l’année juive ; l’almanach israélite porte 5446e année de la création, l’almanach maçonnique 5884e année. Les mois maçonniques sont les mois juifs : adar, veadar, nissan, iyar, sivan, tammouz, ab, eloul, tischri. heschvan, kislev, tebeth, schebat.

Nous n’avons qu’à ouvrir l’Annuaire des quatre obédiences françaises avec éphémérides maçonniques du F.*. Pierre Malvezin, pour y voir que le F.*. Hebrard, directeur du Temps, est né le 1er janvier 1834, dans le 11e mois maçonnique, c’est-à-dire dans le mois de tebeth ; le F.*. Compayré est venu après lui, le 3 de ce même mois. Le F.*. Jules Claretie est né le 3 du mois de kislev qui correspond au 3 décembre.

3 décembre, c’est l’anniversaire de la bataille d’Hohenlinden, mais pour les Francs-Maçons, chez lesquels tout patriolisme est éteint, la naissance ou la mort d’un Frère a une autre importance que les événements les plus considérables de l’histoire. Le 19 mai, jour de la bataille de Rocroy, ils célèbrent la mort du F.*. Delord, rédacteur du Siècle, et le 20 du même mois, jour de la mort de Christophe Colomb, ils fêtent la naissance du F.*. Rochelant, avocat à la cour de Paris.

N’est-ce pas honteux à un homme comme Jules Claretie, qui est un travailleur, qui a un talent, non point éclatant sans doute, mais sérieux, de s’affilier, pour avoir quelques réclames de plus, à cette bande malfaisante qui tend partout des pièges à nos pauvres prêtres ?

Vous me direz que cela, après avoir été utile dans les journaux au F.*. Claretie, et avoir fait de lui un directeur du Théâtre-Français, ne l’empêchera pas d’être de l’Académie, au contraire. Les catholiques voteront pour l’ancien rédacteur du Temps au lieu d’accorder leurs voix à quelque brave homme, qui aura essayé de défendre la foi des ancêtres. N’importe ! à la place de Claretie, je rougirais de me trouver sur de pareilles éphémérides en compagnie du F.*. Lyon-Allemand, né le 7 du mois d’ab, et du F.*. Cazot, né le 11 du mois de schebat.

La phrase fameuse qu’échangent entre eux les initiés, et que M. Andrieux a tournée en ridicule : « l’acacia m’est connu, » se rattache également aux plus lointaines traditions juives. L’acacia, répond un Franc-Maçon à une question posée dans l’Intermédiaire[134], est le rameau d’or de l’initiation moderne ; c’est pour cela et par cela qu’on est Maçon, quand on en a pénétré le secret. D’après l’Ecriture sainte, cet arbre souvent désigné sous le nom de shittah (au pluriel shittim) était considéré comme sacré parmi les Hébreux ; sur l’ordre de Moïse, le tabernacle, l’arche d’alliance et tous les ustensiles religieux furent composés ! de ce bois, et le prophète Isaîe recommandait, à son tour, aux Israélites, à leur retour de captivité, d’avoir soin de planter dans le désert des cèdres et des acacias (shittim) dont l’utilité et l’agrément devaient leur être incontestables.

Regardez, si vous le voulez, les gravures d’un ancien rituel des hauts grades[135], vous reconnaîtrez tous les symboles de l’ancienne Loi. Vous y verrez Moïse et Elie sortant d’un nuage de feu, tandis que sur une banderolle on lit : Rends la liberté aux captifs. Les mots de passe sont Judas et Benjamin. Il n’est question que d’Adonai, de la fontaine de Siloé, de Zorobabel, qui vient demander lui aussi qu’on rende la liberté aux captifs, et qu’on leur permette d’aller rebâtir le Temple de leur Dieu.

Etudiez le cérémonial des admissions, et vous vous croirez à Jérusalem.

D. — Frère très respectable, premier Surveillant, êtes-vous Grand-Architecte ?

R. — Puissant Maître, j’ai vu la grande lumière du troisième appartement.

D. — Où avez-vous été reçu Grand-Architecte ?

R. — Dans le haut lieu et la chambre du milieu.

D. — Pourquoi la nommez-vous ainsi ?

R. — Parce que c’était l’endroit où Salomon travaillait au plan du Temple avec le Surintendant des ouvrages.

D. — A quoi vous occupez-vous dans le grade de Grand-Architecte ?

R. — A bâtir le dernier édifice ou le troisième corps qui fait le comble du bâtiment, à dresser des Tabernacles, à les garnir d’ornements précieux et consacrés.

D. — Quels sont ces ornements ?

R. — L’Arche d’alliance, soutenue par deux Chérubins qui la couvrent de leurs ailes, la Table d’airain, celle des Holocaustes, celle des Pains, et le Chandelier à sept branches.

D. — Que renferme l’Arche d’alliance ?

R. — Le Stekonna, qui se fixa lui-même entre les Chérubins qui la couvrent de leurs ailes dans le Saint des Saints, le jour de la Dédicace, où il rendait ses oracles.

D. — Quelle fut la principale loi donnée par le Stekonna ?

R. — Celle qui fut donnée sur le Mont-Sinaï, gardée depuis dans l’Arche, qui est la première loi écrite.

D. — Donnez-moi le signe de cette loi.

R. — On le donne en portant les deux mains sur la tête, les doigts ouverts, ce qui marque le symbole des dix commandements.

D. — Dans quelle forme représente-t-on le Stekonna ?

R. — Sous la forme d’un agneau tranquille, couché, reposant sur le Livre des Sept-Sceaux.

D. — De quel bois était construite l’Arche ?

R.— De Sethin, bois incorruptible, parsemé de lames d’or.

Dans la Maçonnerie d’adoption vous démêlez également l’influence juive. La Maçonnerie d’adoption, on le sait, est la Maçonnerie des femmes[136]. Les réceptions sont de vraies fêtes de la Bonne Déesse ; on y chante parfois des cantiques ou chansons qui, pour employer une expression empruntée par Octave Feuillet aux Goncourt, feraient rougir un singe. Citons, comme un échantillon innocent, ces couplets simplement gaillards.

EVA — Cantique

Air : Quand les bœufs vont deux à deux
____Le labourage en va mieux.

On nous dit de l’Angleterre
Que tout son vocabulaire
Dans Goddam se renfermait (prononcez Goddem),
Mais dans la Maçonnerie,
Un mot a plus de magie.
Ce mot, qui ne l’aimerait ?
Eva, Eva, Eva, Eval (bis.)
Un vrai Maçon ne sera
Jamais sourd à ce mot-là !


Heureux le Maçon fidèle
Qui peut consacrer son zèle
A la beauté qu’il chérit !
Mais bien plus heureux encore
Quand, d’une sœur qu’il adore,
Le tendre regard lui dit :
Eva ! etc.

Ignorant notre langage,
Mondor, au déclin de l’âge,
Epouse une jeune sœur.
La pauvre petite femme,
Qui le croit Maçon dans l’âme,
A beau dire avec ferveur :
Eva, Eva, Eva, Eva ! (bis).
Vieux profane est et sera
Toujours sourd à ce mot-là[137].

Là c’est Judith qui joue le rôle principal :

— La récipiendaire, la tête couverte d’un drap noir saupoudré de cendre, arrive à la porte du Temple. Elle est arrêtée par un garde qui en avertit le deuxième surveillant. Celui-ci va vers elle et lui dit :

D. — Que voulez-vous ?

R. — Je veux parler au Grand-Prêtre et aux principaux du peuple.

D. — Qui êtes-vous ?

R. — Judith.

D. — De quelle nation ?

H. — Femme juive, de la tribu de Siméon.

Il l’introduit entre les deux colonnes. Les frères et les sœurs restent assis, ayant la main droite sur le cœur, la gauche sur le front et la tête baissée pour simuler la douloureuse consternation qu’on éprouvait en Bêthulie avant la sortie de Judith.

Le grand-prêtre dit à la récipiendaire :

D. — Que demandez-vous ?

R. — que vous me fassiez ouvrir les portes de la ville pendant cette nuit, et que tout le peuple prie pour moi pendant cinq jours. Alors je vous apporterai des nouvelles sûres de Béthulie. Je vous conjure de ne point rendre la ville avant ce temps.

Le Grand-Prêtre : « Allez en paix, et que le Seigneur soit avec vous ! »

Elle sort et rentre dans la salle de préparation. Elle quitte son drap noir, se lave et revêt ses ornements. Elle prend de la main droite un sabre, de la gauche une tête de mort peinte, qui avaient été déposés pendant qu’elle était en loge.

(C’est alors qu’il faut changer la tenture verte en rouge.)

A son retour en loge, elle crie à la porte : Victoire, Victoire ! Le garde en avertit le second surveillant qui le dit au premier ; celui-ci informe le grand-prêtre qu’on a crié deux fois Victoire ! à la porte de la loge.

Le Grand-Prêtre : Faites voir qui a crié ainsi.

R. — C’est Judith.

Le Grand-Prêtre : Faites-la entrer ; mes frères et mes sœurs, soyons debout.

Judith est introduite. « Loué soit le Grand-Architecte de l’Univers, qui n’a point abandonné ceux qui espèrent en lui, qui a accompli par sa servante la miséricorde qu’il a promise à la nation d’Israël, et qui a tué cette nuit, par ma main, l’ennemi de son peuple » (Elle montre la tête de mort)[138].

L’image douloureuse de Jérusalem vaincue apparaît donc au premier plan dans l’œuvre maçonnique. C’est la Veuve dont les fils dispersés se reconnaissent au bout du monde en criant : « A moi les fils de la Veuve ! »

Le jour où Jérusalem a vu s’écrouler sa grandeur passée est un inoubliable souvenir que les loges prennent soin de rappeler sans cesse.

Dans la cérémonie pour le grade de Rose-Croix à cette question : « quelle heure est-il ? » on répondait :

Il est la première heure du jour, l’instant où le voile du Temple se déchira, où les ténèbres et la consternation se répandirent sur la surface de la terre, où la lumière s’obscurcit, où les outils de la Maçonnerie se brisèrent, où l’étoile flamboyante disparut, où la pierre cubique fut brisée, où la parole fut perdue.

Barruel a très bien discerné la signification véritable de ces mots :

L’adepte, écrit-il[139], qui a suivi dans la Maçonnerie le progrès de ses découvertes, n’a pas besoin de nouvelles leçons pour entendre le sens de ces paroles. Il y voit que le jour où le mot Jehovah fut perdu, fut précisément celui où Jésus-Christ, ce fils de Dieu, mourant pour le salut des hommes, consomma le grand mystère de la religion chrétienne, et détruisit toute autre religion, soit judaïque, soit naturelle et philosophique. Plus un Maçon est attaché à la parole, c’est-à-dire à la doctrine de sa prétendue religion naturelle, plus il apprendra à détester l’auteur et le consommateur de la religion révélée ; aussi cette parole qu’il a déjà trouvée dans les grades supérieurs n’est-elle plus l’objet de ses recherches dans celui-ci ; il faut à sa haine quelque chose de plus. Il lui faut un mot qui, dans sa bouche et dans celle de ses coadeptes, rappelle habituellement le blasphème du mépris et de l’horreur contre le Dieu du Christianisme. Et ce mot, il le trouve dans l’inscription même apposée sur la croix.

On sait que ces lettres, formant le nom Inri, ne sont que les initiales de l’inscription Jésus de Nazareth, Roi des Juifs. L’adepte Rose-Croix apprend à y substituer l’interprétation suivante : Juif de Nazareth conduit par Raphaël en Judée, interprétation qui ne fait plus de Jésus-Christ qu’un Juif ordinaire, emmené par le Juif Raphaël à Jérusalem pour y être puni de ses crimes.

Dès que les réponses de l’aspirant ont prouvé qu’il connaît le sens maçonnique de l’inscription Inri, le Vénérable s’écrie : Mes frères, la parole est retrouvée ; et tous applaudissent à ce trait de lumière par lequel le Frère leur apprend que celui dont la mort est le grand mystère de la religion chrétienne ne fut qu’un simple Juif, crucifié pour ses crimes. De peur que cette explication ne s’efface de leur mémoire, de peur que toute la haine dont elle les anime contre le Christ ne s’éteigne dans leur cœur, il faudra que sans cesse ils l’aient présente à leur esprit. Le Maçon Rose-Croix la redira lorsqu’il rencontrera un Frère de son grade. C’est à ce mot, Inri, qu’ils se reconnaîtront, c’est là le mot du guet qui distingue ce grade.

Sympathie et tendresse pour Jérusalem et ses représentants ; haine pour le Christ et les chrétiens : toute la Maçonnerie est là.

Il ne faut donc pas beaucoup de perspicacité pour reconnaître que la Franc-Maçonnerie est bien, comme le dit l’abbé Davin, « d’origine toute judaïque ; que les Juifs, dont on retrouve la main dans toutes les sectes chrétiennes, ne cessent de nous apparaître comme les premiers et les plus indomptables meneurs de la Franc-Maçonnerie[140]. »

De l’institution fondée par eux, les Juifs ont su tirer un parti considérable. Totalement impuissants à constituer, comme les Aryens, une hiérarchie basée sur les nobles aspirations de l’être humain, sur les vertus patriotiques et familiales, sur le sentiment de l’honneur et du dévouement, les Sémites excellent dans la politique dissolvante : qu’il s’agisse de sociétés financières ou de sociétés secrètes ils savent donner une apparence d’ordre et de sérieux aux appétits, aux mauvais instincts coalisés.

L’association maçonnique a été un cadre dans lequel sont entrées beaucoup de catégories d’hommes qui se sont reconnus là à une sorte de médiocrité malfaisante commune : les gogos, les vaniteux, les pervers, trop craintifs pour agir tout seuls et qu’un esprit de garantie personnelle portait à ne s’aventurer qu’à bon escient[141]

Gouvernés par des maîtres invisibles et que nul ne soupçonne, la Franc-Maçonnerie fut une sorte de Judaïsme ouvert, une espèce d’appartement de garçon, de bureau, d’agence, où les Juifs fraternisèrent avec des gens qu’ils n’auraient pas voulu recevoir chez eux. Abrité derrière cette machine de guerre qui le cachait, le Juif put accomplir le mal, sans être responsable, en attestant Abraham qu’il était partisan de la tolérance.

Après avoir eu la précaution de mettre d’abord à sa tête des personnalités dont on exploitait l’ambition et qui donnaient le change à l’opinion, la Franc-Maçonnerie, une fois assurée du succès a cherché des instruments qui lui appartiennent absolument en les choisissant parmi les êtres qui, par leur nullité intellectuelle et morale, n’offrent pas assez de relief pour qu’on s’attaque à eux.

Prenez Cousin qui fut président du Suprême Conseil jusqu’au conseil d’octobre 1885. Il était, en apparence, l’homme le plus puissant de France ; en réalité, c’est un mince personnage, très humble serviteur et homme de paille des Rothschild. Administrateur du Panama[142]), inspecteur délégué du chemin de fer du Nord, chargé du service central de l’exploitation, riche de cent cinquante mille livres de rente, marié à une femme qui a une fortune au moins égale, intéressé par les Rothschild dans toutes les belles affaires de ce temps, il n’en est pas moins un de ces figurants subalternes de la vie contemporaine que Paris, pourtant si curieux, connaît à peine.

C’est à la fois un timide et un dément de vanité qui finira, d’après toutes les probabilités, par la folie complète. Petit employé, il faisait déjà déborder un foulard rouge de la poche de sa redingote pour laisser croire qu’il était décoré, il regrette, sans nul doute, de ne pas être sauvage pour se planter des plumes sur le crâne. Une fois rentré chez lui, il ne quitte plus le grand cordon maçonnique, le tablier, les emblèmes, les bijoux. En dehors de son titre de président, il s’affuble, dans le calendrier maçonnique, du sobriquet baroque de : Garant d’amitié du Grand-Orient de Hongrie, O.*. de Buda-Pesth.

Craintif et insolent en même temps, il rampe devant les Rothschild, et fait peser un joug de fer sur ses employés qui le détestent cordialement, « Ah ! monsieur ! quel coup de fusil ! » me disait l’un d’eux en me donnant ces détails, et je cite le mot, non pour l’approuver, mais pour montrer les sentiments qu’inspire ce prétendu philanthrope si dur pour les petits. Je l’ai aperçu dans la gare avec sa figure blafarde, ses yeux inquiets, c’est l’incarnation complète du bureaucrate sinistre. Avec cela il a des qualités, il est classificateur, paperassier habile. Les Rothschild ont compris le parti qu’on en pouvait tirer et lui ont passé au cou ce cordon moiré qu’il aimait tant.

Tout le mouvement de la Maçonnerie : intrigues, dénonciations contre d’honnêtes chrétiens, démarches pour priver un brave homme de sa place, enlèvements d’enfants, poursuites à l’aide de faux témoignages contre des ecclésiastiques, ce qu’on ne sait pas, ce qu’on ne se dit qu’entre affidés très sûrs — tout cela est venu pendant de longues années aboutir au chemin de fer du Nord.

Cousin classe tout avec une méthode imperturbable, il met les pièces dans un dossier, puis le dossier dans un carton et le carton dans un secrétaire garni d’une serrure de sûreté. C’est le Crime en manches de lustrine, la Sainte-Vehme siégeant sur un rond de cuir, c’est Cagliostro dans le faux-col de Joseph Prud’homme et dans la lévite de Pet-de-Loup. C’est la malfaisance aimée pour elle-même. Quel intérêt, je vous le demande, peut avoir cet homme dix fois millionnaire à détruire ces croyances qui aident les déshérités à supporter la vie ?

Le choix était intelligent, d’ailleurs, avouons le. La Franc-Maçonnerie et le catholicisme des gens du monde s’entendent assez bien dans une aversion commune pour les humbles. Supposez qu’un malheureux porion, passant sa vie au fond des mines, un pauvre hère de mécanicien ou de garde-frein, toujours noir de charbon ou sali de cambouis, se laisse aller à paraître dans une réunion publique, à figurer dans un mouvement ayant pour but de transformer la société[143]. Les actionnaires conservateurs trouveront tout naturel qu’on l’expulse, qu’on lui enlève son pain, qu’on mette sur son livret un signe destiné à faire reconnaître partout ce révolté. Nul d’entre eux ne suivra le conseil qui revient si fréquemment dans l’Imitation : « Soyez intérieurs ! » Nul ne s’interrogera ne se dira : « A la place de cet homme, ne penserais-je pas comme lui ? » Cousin était à la tête d’une association que Notre Saint-Père le Pape a signalée comme exécrable et dangereuse ; c’est dans les loges, dont il était le chef suprème, qu’ont été délibérées et décidées toutes les mesures révolutionnaires qui ont renversé, dans ce pays, tout ce qui tenait encore debout. Les membres du conseil d’administration du chemin de fer du Nord[144], les actionnaires influents n’avaient cependant que des sourires et de cordiales poignées de main pour leur chef d’exploitation. Pour ces chrétiens de pacotille, la parole du Vicaire de Jésus-Christ n’existe pas ; elle est un simple verbiage.

La raison de cette différence de procédés est simple.

Cousin est un monsieur, il touche en une heure ce que le prolétaire, qu’on punit de ne pas se trouver heureux, ne touche qu’en un an ; il est sacré. Mol n’aurait osé dire à M. de Rothschild, en plein salon : « Ah ça ! Mon cher, vous qui affectez de rester neutre dans la question religieuse, pourquoi donc gardez-vous chez vous quelqu’un qui préside à la guerre implacable qu’on nous fait ? Auriez-vous les mêmes scrupules envers un rédacteur de l’Anti-Sémitique ?

Nous l’avons vu par l’exempte de Cousin, le Franc-Maçon non juif, le Franc-Maçon instrumentaire personnifie un type particulier ; il correspond à une nature d’esprit spéciale, il semble qu’on naisse ainsi. Ce n’est ni l’insurgé, ni le niveleur farouche qui rêve de fonder sur des ruines une société meilleure ; ce n’est pas le socialiste poursuivant de séduisantes et dangereuses utopies. Non, c’est un bourgeois, mais un bourgeois particulièrement vil et bas.

Jamais on ne vit imposture pareille à la prétendue philanthropie qu’affectent les Francs-Maçons. Ils n’ont pu fonder une œuvre charitable sérieuse et le Monde maçonnique l’avoue lui-même :

Toutes les fois que nous voulons entrer dans le domaine de la création d’établissements de bienfaisance et de secours, nous échouons pitoyablement. L’Orphelinat général maçonnique nous en fournit une preuve de plus. Si nos adversaires, les cléricaux, pouvaient mesurer l’inanité de nos efforts dans la voie de la bienfaisance pratique, ils trouveraient un beau thème a nous couvrir de ridicule.

En comparant la situation du seul établissement créé par nous, comptant à l’heure qu’il est vingt-deux années d’existence, à la foule d’institutions au moyen desquelles l’Eglise distribue à un peuple de clients des secours de toute nature, nos ennemis pourraient véritablement nous prendre en pitié.

Nous faisons des vœux pour que le rapport de la sous-commission des finances, dont le F.*. Leven est président, ne leur tombe pas sous les yeux. Il importe à l’honneur de la libre-Pensée que la Franc-Maçonnerie ne fasse pas rire d’elle.

Ce qui caractérise précisément la Maçonnerie c’est un sentiment inconnu jusqu’à elle, un sentiment vraiment diabolique : la haine du pauvre. Dans chaque pauvre, ainsi que nous l’avons déjà dit, l’Eglise nous ordonne de voir Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même. Il semble que la Maçonnerie soit de l’avis de l’Eglise et qu’elle haïsse dans le pauvre ce Christ qu’elle poursuit partout d’une haine si furieuse : « N’introduisez jamais dans l’ordre, dit le F.*. Beurnouville, que des hommes qui peuvent vous présenter la main et non vous la tendre. » Pour le F.*. Ragon, la pauvreté « c’est la lèpre hideuse de la Maçonnerie en France. » Pour le F.*. Bazot, le pauvre, le Maçon qui tend la main, est un génie malfaisant qui vous obsède partout et à toute heure, » Rien ne peut vous soustraire à son importunité, et son insolence ne connaît ni bornes ni obstacles. Il est à votre lever, au moment de vos affaires, à votre repas, à votre sortie. Mieux vaudrait rencontrer sa main armée d’un poignard ; vous pourriez du moins opposer le courage au glaive assassin. »

Le Franc-Maçon a le culte et l’amour de la force comme le Juif, il est toujours avec ce qui réussit. Napoléon Ier n’a pas eu pendant longtemps de plus solides alliés qu’eux, et c’est certainement aux Francs-Maçons allemands, qui trahissaient leur patrie pour lui, qu’il a dû une partie de ses étonnants succès. Sous Napoléon III, les Francs-Maçons, après avoir offert au prince Napoléon la grande maîtrise que l’Empereur ne permit pas à son cousin d’accepter, eurent pour grands-maîtres des Murat et des Magnan.

Les Maçons, ces éternels suiveurs de fortune, se sont mis naturellement à la remorque du prince de Bismarck. Bismarck avait intérêt à détruire chez nous cet idéal de foi qui, faisant mépriser la mort, rend les nations invincibles ; la Franc-Maçonnerie s’offrit pour accomplir cette besogne et l’accomplit presque pour rien, par besoin de servir, par la pente naturelle qui la porte à tout ce qui répond à une sorte de domesticité haineuse qui est son fait.

Cette adoration perpétuelle pour ce qui est fort et riche s’applique à tout. Entrez dans une loge maçonnique, à la « Clémente Amitié » dont font partie les Rothschild et à laquelle appartenait Mayrargues, chez les Imitateurs d’Osiris, ou dans la loge de Jérusalem des Vallées égyptiennes, chez les Hospitaliers de la Palestine, ou à la Jérusalem Écossaise, vous n’entendrez jamais personne demander qu’on touche aux milliards des Juifs. Si quelqu’un se permettait une telle inconvenance, les frères, épouvantés d’une pareille audace, seraient capables de confondre Schiboleth, qui est le mot de passe avec Jakin qui est le mot sacré.

L’ennemi auquel ces vaillants s’attaquent c’est le Frère des écoles chrétiennes ou la Petite Sœur des pauvres, le faible en un mot. Contre eux ils sont terribles, ils écrivent des planches contre eux, ils tuilent, ils se grattent frénétiquement dans la main, ils épuisent le répertoire de leurs attouchements obscènes.

C’est Ranc, un Imitateur d’Osiris — en quoi Osiris a-t-il pu donner de si mauvais exemples ? — qui, le 17 juillet 1879, exhiba dans sa loge une sorte de carte des établissements religieux à piller. C’est Constans qui, le 17 août 1880, après la première exécution des décrets, reçut une palme de la « Parfaite Harmonie » qui aurait mieux fait de demander quelques renseignements sur ce malheureux Puig y Puyg si cruellement dépouillé par l’ancien ministre de l’intérieur[145].

Nous voyons encore ce Constans, qui aurait tant de raisons de se cacher, se mettre en évidence dans une fête d’adoption donnée le 27 juin 1885 dans un restaurant du bois de Boulogne.

Cette fois, spectacle écœurant même pour les moins difficiles, des entants sont mêlés a ces farces odieuses. Les pauvres petits acteurs condamnés à figurer dans ces saturnales ont le visage couvert d’un voile de mousseline blanche portant en lettres jaunes une inscription différente. Sur l’un on lit le mot fanatisme, sur l’autre : ignorance, sur un troisième : misère. Après d’interminables discourt on enlève solennellement ces voiles.

Constans, répondant à M. Laguerre, déclara hautement que c’était la Maçonnerie qui avait imposé l’expulsion des religieux au gouvernement.

Mon collègue, dit-il, m’a félicité tout à l’heure de la politique que j’ai suivie lorsque je faisais partie du cabinet, mais, je dois le dire, ces félicitations doivent s’adresser autant à vous qu’à moi, car c’est dans la Franc-Maçonnerie, où je suis entré il y a trente-deux ans, que j’ai entendu dire pour la première fois que la cléricalisme était l’ennemi commun.

Je suis de ceux qui n’ont pas craint de se compromettre pour le combattre ouvertement, mais à quoi cela aurait-il servi, si, comme cela se voit aujourd’hui, les robes noires expulsées peuvent impunément revenir prendre leurs places primitives ?

Se tournant vers M. Laguerre, l’orateur ajoute :

….. Mais j’espère que de plus jeunes que moi les expulseront une bonne fois pour toujours !…..

La grande force de la Maçonnerie réside dans le concours que lui apportent les gens médiocres d’intelligence et faciles de conscience qu’elle réussit depuis quelques années à caser dans tous les postes importants. Sévère pour l’homme condamné[146], la Maçonnerie aime l’homme véreux, l’agent d’affaires, le financier louche, le déclassé qui a besoin d’elle et qui, par conséquent, est pour elle un instrument docile. Des pleutres comme Ferry ou comme Tirard, par exemple, sont les grands hommes francs-maçonniques. Ils sont soutenus, protégés, repêchés.

Prenez la liste de tous les hommes en vue adeptes de la Franc-Maçonnerie et vous y verrez figurer tous les noms d’hommes compromis dans de douteuses affaires, dans des virements suspects, flétris par leur propre parti, les Constans, les Cazot, les Bouteillier, les Paul Bert, les Baïhaut.

La Franc-Maçonnerie, en effet, n’abandonne les siens qu’à la dernière extrémité. Voyez, par exemple, Tirard. Il est chargé, comme ministre des finances, de cette opération de la conversion qui demandait, avant tout, de la discrétion. C’était le cas ou jamais, pour l’ancien fabricant de doublé, de ressembler à Lamech qui, le premier, eut l’art de mettre les métaux en œuvre, et de se vêtir comme lui « d’or et d’azur[147]. » C’était le cas de chanter :

Samson à peine a sa maîtresse
Eut dit son secret
Qu’il éprouva de sa faiblesse
Le funeste effet.
Dalila n’aurait pu le vendre,
Mais elle aurait trouvé Samson
Plus discret et tout aussi tendre
S’il avait été Franc-Maçon[148].

Au lieu d’agir ainsi, Tirard fit cyniquement un coup, il reçut ostensiblement M. Dugué de la Fauconnerie et l’autorisa à déclarer que l’opération n’aurait pas lieu, alors qu’il savait qu’elle était déjà décidée. On rafla ainsi une quinzaine de millions.

Dans la séance du 26 avril 1883, M. Oscar de Vallée monte à la tribune du Sénat, flétrit ces prévarications. Le rigide magistrat retrouve l’accent des anciens jours, son doigt désigne le coupable assis au banc des ministres. Cette parole d’un honnête homme produit une émotion profonde. Même composées en majorité de gens pour lesquels la vertu n’est qu’un mot, les Assemblées prises en masse sont accessibles à certains courants.

Un frisson passe dans la salle quand, s’adressant au garde des sceaux qui baisse la tête, l’orateur lui dit : « Vous êtes le maître de l’action publique ; pourquoi ne la mettez-vous pas en mouvement ? Il y a des coupables, cherchez-les et punissez-les ! »

Il est peu vraisemblable, évidemment, que Martin-Feuillée, qui a eu probablement sa part du gâteau, commence une instruction contre lui-même[149] ; mais les foules, je le répète, sont toujours promptes aux impressions, et tout le monde se demande si Tirard ne va pas avoir le sort de Teste.

Le Vénérable de la loge l’Ecole mutuelle était pâle comme un mort, il fit sans doute le signe de détresse en élevant les deux mains croisées au-dessus de sa tête. Soudain, des bancs de la gauche partent des vociférations, des cris confus, des interruptions assourdissantes. On veut empêcher à tout prix M. Oscar de Vallée de poursuivre sa courageuse harangue. Les Maçons descendent au bas des gradins pour mieux insulter celui qui dévoile les scandales d’un des leurs. On distingue, parmi les plus exaltés, Deschanel et Laurent Pichat de la Clémente Amitié, le Juif Millaud de la Fraternité progressive, Testelin de l’Etoile du Nord qui croit qu’on parle une langue étrangère lorsqu’on parie de probité, Tolain de la Prévoyance, toujours prêt lorsqu’il s’agit de se faire noter d’infamie.

Les clameurs couvrent la voix de l’homme probe qui est réduit à se taire. Martin-Feuillée s’essaie le front. Le f.*. Tirard est encore une fois sauvé.

C’est le Benjamin des loges, d’ailleurs, un vrai Lowton, que cet ancien bijoutier en faux. Il semble qu’il soit pareil aux enfants qu’on a eu de la peine à élever et qu’on l’aime davantage pour le mal qu’il a donné.

Il se jette toujours dans des aventures qui ne sont pas propres et, une fois en mauvais cas, il essaye de se tirer d’affaire par des dénégations puériles. Il s’était associé avec quelques amis désireux d’enlever quelques millions aux malheureux Français, et l’on avait mis son nom à un prospectus qui était, ma foi, fort alléchant :

La paix et la tranquillité dont jouit depuis longtemps la République de l’Uruguay, et l’appui garanti du Président et des principaux membres du gouvernement de cette République, sont pour notre Société des gages certains de sécurité.

Les communications entre la mine Santa-Ernestins et Montevideo sont faciles, le climat est tempéré et sain, la main d’œuvre bon marché. Toutes ces circonstances, jointes à la richesse exceptionnelle bien constatée du quartz aurifère à exploiter, nous ont permis de trouver, dans nos relations et parmi nos amis, an chiffre déjà important de souscriptions.

Le banquier allemand Isaac Kolisch, qui s’était chargé de l’émission, adressait aux actionnaires les appels les plus pressants et, par un raffinement d’habileté qui manque rarement son effet, il faisait entendre qu’il fallait souscrire sans bruit, si l’on voulait être admis dans ce qu’il appelait « un petit cercle d’initiés. »

BANQUE COMMERCIALE ET COMMISSION
I. KOLISCH
1, rue du Quatre-Septembre
Confidentielle.
« Paris, le 23 mai 1879.
« Monsieur,

« Après avoir parcouru la note ci-jointe, vous aurez acquis la conviction qu’il s’agit d’une affaire vraiment exceptionnele, et vous comprendrez facilement pourquoi il m’a été impossible d’en donner les détails dans la circulaire de ma maison.

« S. Exe. M. Tirard, ministre de l’agriculture et du commerce, ayant accepté la présidence de la Société, et plusieurs autres personages aussi haut placés y étant intéressés, toute l’affaire a été traitée et conclue, sans aucune publicité, connue il convient à des affaires vraiment bonnes, réservées à un petit cercle d’initiés.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« I. Kolisch »

C’était au moins cette fois la vraie tradition de la Maçonnerie qui fredonne volontiers :

Loin de tous censeurs sévères.
Au doux bruit de nos canons,
Célébrons dans nos mystères
Le bonheur des Francs-Maçons.
Cachons toujours au vulgaire
Les biens dont nous jouissons ;
Savoir jouir et se taire
C’est la loi des bons Maçons[150].

Dans une réponse indignée, adressée au Français qui avait reproduit cette circulaire, Tirard protesta avec indignation et déclara qu’il était complètement étranger à cette affaire et qu’il n’en avait jamais entendu parler.

Les journaux de toute nuance partagèrent l’indignation de Tirard, et approuvèrent d’avance les mesures qu’il allait prendre contre les financiers assez osés pour se servir ainsi du nom, non seulement d’un homme, d’un député, mais d’un ministre de la République. Il est incontestable, en effet, que les lois n’auraient pas assez de sévérités pour moi, si je me permettais d’affirmer sur un prospectus distribué à des milliers d’exemplaires, que M. Brisson ou M. Clémenceau sont présidents de sociétés, dont le litre même leur est inconnu.

Chose bizarre, Tirard ne bougea pas plus que s’il avait été pétrifié. On commençait à trouver que cette âme d’Excellence était vraiment trop excellente, lorsque le pot aux roses découvert exhala un parfum qui ne ressemblait pas précisément à ceux de l’Arabie.

Quand le banquier eut levé le pied, en emportant ce qui restait du fonds social, les actionnaires apprirent avec stupéfaction que la mine n’avait jamais contenu une parcelle d’or. Un ingénieur, envoyé pour faire une enquête, avait très franchement constaté cette absence absolue de tout minerai. Au lieu d’annoncer loyalement ce résultat, les administrateurs, comme le raconte le Parlement, avaient caché le rapport et fait porter le capital social a 15 millions par l’émission de dix mille actions nouvelles.

Tirard croyait-il, en agissant ainsi, imiter, lui aussi, Osiris, en faisant des trous à la lune ? Prétendait il venger la mort d’Hiram ? Nous l’ignorons. Toujours est-il que lorsqu’on célébra la fête du solstice d’été, on ne se contenta pas, cette fois, de se gratter dans la main, on rapprocha les mains les unes des autres pour applaudir le Vénérable, l’intègre ministre « qui avait vu la grande lumière du 3e appartement. »

« On devrait le nommer Tuileur, » dit un Franc-Maçon fameux pour avoir affirmé dans une distribution de prix que Brutus avait été vainqueur à Philippes. » Jamais depuis le Honduras, des actionnaires n’ont reçu une tuile pareille. »

L’appui donné par la Franc-Maçonnerie à ses membres, dans des circonstances critiques, explique donc suffisamment, sans qu’il soit besoin de chercher là un élément mystérieux, le nombre de recrues qu’elle fait.

En province, certains hommes, banquiers, notaires, officiers ministériels, qui, sans la Maçonnerie, auraient été au bagne dès le début de leur carrière, se sont soutenus jusqu’à la mort, ont fini même, sinon entourés de l’estime publique, du moins officiellement honorés. Il y a dans ce genre des existences véritablement curieuses.

L’histoire du f.*. Guillot est épique et peut être donnée comme spécimen.

Ce Guillot, notaire, maire de Trévoux, chevalier de la Légion d’honneur, membre du Conseil général, président de la commission départementale, haut dignitaire de la Maçonnerie, était le grand électeur du département. Quand il mourut, au mois de mai 1883, ce fut un deuil général chez les républicains.

A côté du préfet de l’Ain, Stehelin, du sous-préfet de Trévoux, Daval, du sous-préfet de Belley, Brun, on vit derrière le cercueil tout le personnel obligatoire et laïque, les membres du conseil municipal de Trévoux, la commission des hospices, la société de secours mutuels, la compagnie des pompiers, l’école laïque, de nombreux maires et conseillers municipaux des communes voisines, des fonctionnaires de diverses administrations ; MM. Chapuis, administrateur ; Monnier, chef d’exploitation ; Clauzel, ingénieur, et de nombreux employés de la Compagnie des chemins de fer du Rhône, etc., etc.

On prononça sur sa tombe des discours dignes d’un homme qui aurait sauvé la Patrie. Daval, le sous-préfet, fut d’un lyrisme invraisemblable et il serait dommage de ne point citer quelques fragments de cette harangue qui donne bien l’idée de la littérature républicaine. :

Messieurs,

C’est au nom de M. le Préfet de l’Ain et au mien que je prends la parole au bord de cette tombe, ou nous réunit une peine commune. J’ai été invité à accepter ce douloureux honneur, à adresser au citoyen éminent et à l’ami dévoué notre suprême témoignage et notre dernier adieu, parce que je suis, de tous les membres de l’administration, son plus ancien collaborateur.

L’homme que nous accompagnons à l’endroit où l’on dort était de ceux qui ont pour cortège la douleur publique. La ville de Trévoux pleure en François Guillot un administrateur hors de pair ; le Conseil général de l’Ain, l’un de ses membres les plus actifs et les plus éminents ; la République, l’un de ses plus dévoués partisans.

On dit d’un soldat tué devant l’ennemi : mort au champ d’honneur ; de celui qui est dans cette tombe nous pouvons dire : mort à la peine. C’est qu’à la vérité cette vie si bien remplie se résume en deux mots : travail, bienfaisance. Quel vide il laisse parmi nous ! Quelle perte nous venons de faire ! Quel est donc le « faucheur aveugle » qui porte ainsi la main sur le meilleur des nôtres ? Oû trouver un pareil dévouement aux intérêts de la démocratie ?

Et cependant quel désintéressement dans l’accomplissemet de cette tâche !

Quelle noblesse dans les mobiles ! Remplir son devoir

fut son unique et constants préoccupation. C’est pourquoi je n’hésite pas à le proclamer : François Guillot fit toujours passer la chose publique avant l’intérêt personnel. Que de gens il a obligés ! Que de services il a rendus ! Les pauvres, les humbles, tous ceux qui souffraient, tous ceux qui avaient besoin d’un conseil recherchaient un appui ne frappèrent jamais en vain à sa porte. Lui n’ambitionnait que l’estime de ses concitoyens, cette estime eut été sa seule récompense, s’il n’eût obtenu cette croix de la Légion d’honneur que je vois briller sur son cercueil.

Laissez-moi, à ce propos, vous dire un fait qui m’est personnel : C’était en 1878. J’étais depuis un an à la tête de cet arrondissement, quand M. le Préfet de l’Ain me demanda de lui désigner le plus digne de recevoir l’étoile de l’honneur. J’eus la bonne fortune de jeter les yeux sur Guillot, alors que personne, jusqu’à ce jour, n’en avait eu l’idée, sans doute à cause de sa modestie. Quand j’appris que le décret qui le nommait chevalier de la Légion d’honneur était signé, je lui portai cette bonne nouvelle. Saisi d’une grande émotion, il me dit d’une voix entrecoupée par les sanglots ; « Ai-je donc mérité la croix ? » Et il me serra en pleurant dans ses bras. Le souvenir de cette scène, ai-je besoin de vous le dire, Messieurs, restera profondément gravé dans ma mémoire et dans mon cœur. Ah ! oui, pendant cinq ans, j’ai entretenu commerce avec cet excellent homme, et, durant cette période de cinq années, pas le moindre dissentiment n’est venu troubler le charme de nos relations. C’est donc à moi, à moi surtout, qui ai vécu dans son intimité, qu’il a été donné d’apprécier combien était grande la noblesse de son âme et combien grande la bonté de son cœur.

Quant à vous, Messieurs, qui entourez cette tombe, vous qui êtes accourus des extrémités du département pour apporter votre dernier témoignage de sympathie à celui que vous aviez en si haute estime, vous avez raison de verser des larmes. De longtemps vous n’aurez à pleurer un pareil homme de bien : car, si François Guillot eut vécu dans l’antiquité, la Grèce l’aurait mis au rang de ses Sages.

Adieu, cher ami ! adieu, Guillot !

M. Ducher, conseiller général, eut l’oraison funèbre presque aussi éloquente :

Messieurs,

Il m’a paru que nous ne pouvions pas laisser la terre se refermer sur l’homme de bien que nous accompagnons aujourd’hui au seuil du néant, sans qu’une voix se fit entendre sur sa tombe au nom du Conseil général de l’Ain, où M. François Guillot tenait une si digne et si large place.

Permettez-moi donc, Messieurs, a moi, le plus humble entre tous, de redire à la population éplorée de cette ville que si la perte qu’elle fait en ce jour est immense autant que difficile, j’allais presque dire impossible à réparer, vous n’êtes pas, loin de là, seuls à la ressentir.

Dans les endroits les plus reculés de l’arrondissement de Trévoux, et je puis dire dans tout le département, la nouvelle de la mort de Guillot a eu un douloureux retentissement. Ah ! c’est que notre collègue, notre ami, M. Guillot, n’était pas seulement un citoyen éclairé, intègre et dévoué ; il n’était pas seulement un père de famille, bon, aimé et respecté des siens ; il n’était pas seulement le premier magistrat d’une cité qui conserve précieusement le souvenir des bienfaits de son administration.

M. Guillot, et je suis heureux de le rappeler, était le conseiller, le protecteur, l’ami de tous, du petit comme du grand, du pauvre comme du riche ; son action bienfaisante et généreuse ne connaissait pas de limites ; elle s’étendait non-seulement sur sa ville d’adoption, sur son canton, sur l’arrondissement de Trévoux tout entier, mais encore sur ceux qui, de tous les points du département venaient auprès de lui, sûrs d’y trouver un accueil bienveillant, un appui désintéressé.

Je ne puis mieux terminer ces quelques paroles, Messieurs, qu’en rappelant l’éloge si mérité qu’en fit M. le Préfet, un jour que nous le regardions avec tristesse se retirer haletant, épuise par la fatigue et par la maladie, au milieu d’une séance qui devait être la dernièie pour lui :

« Si le soldat qui va mourir sur le champ de bataille, disait M. Stehelin, est digne d’admiration, nous ne devons pas moins

admirer le courage de Guillot, qui, lui aussi, a voulu mourir sur la brèche.

Adieu, Guillot, notre excellent et regretté collègue, adieu ! ! !

Quant à Bollet, premier adjoint, il fut court, mais ferme ; il s’écria avec conviction :

Il n’est plus, cet administrateur intègre autant qu’habile dans lequel notre pays plaçait sa plus entière confiance, ses plus chères espérances : car, si Guillot n’est pas mort à la fleur de l’âge, du moins il a succombé dans le plein exercice de ses grandes facultés.

Il n’est plus, cet homme équitable qui eut le mérite si rare de réduire ses ennemis au silence, de les forcer à l’admiration par l’excès de ses bienfaits.

Il n’est plus, cet ami dévoué, infatigable à servir les intérêts des autres, peu soucieux, d’ailleurs, de ce qui le regardait personnellement.

Mais, Messieurs, s’il ne reste rien de cette nature vigoureuse qui a lutté jusqu’au dernier souffle pour la cause de la justice, la mémoire de cet homme de cœur est impérissable. Il restera pour nous le modèle de toutes les vertus civiques.

Messieurs, unissons nos larmes à celles de la famille de ce serviteur de l’humanité : ce sera peut-être un adoucissement au chagrin de ses enfants abîmés dans la douleur !

Il n’est pas de douleur éternelle. Les habitants du pays essuyèrent leurs larmes et vinrent demander des nouvelles de leurs fonds qu’avait du faire fructifier un si bon Maçon.

Hélas ! le maillet maçonnique leur porta un coup de massue et ils n’eurent point envie de pousser le triple houzé qui est le cri d’enthousiasme des Fils de la Veuve. M. le préfet avait eu raison. La perte était considérable, plus considérable qu’on ne le pensait. Le Vénérable était un vulgaire faussaire, un simple escroc ; il avait dévoré jusqu’au dernier sou, sans bruit, dans les obscures débauches de la vie de province, l’argent qui lui avait été confié. Voilà ce qu’écrivait à ce sujet le Salut public de Lyon :

Les faux sont innombrables. La manière de procéder de Guillot était, en effet, fort simple. Un prêteur apportait à l’étude ses deniers, destinés à un placement hypothécaire ; Guillot empochait le capital, fabriquait une fausse obligation signée du nom d’un faux emprunteur, et payait exactement les intérêts à l’aide des capitaux que de nouvelles dupes apportaient à l’étude. Rien de plus simple, vous le voyez. Il est bien entendu que je vous signale le procédé le plus ordinairement employé ; mais Guillot, suivant les circonstances, savait varier son répertoire et faire passer l’argent de la poche d’autrui dans la sienne sur des airs nouveaux.

Ce qui, à mon avis, est le plus digne de remarque en cette afaire, c’est que Guillot ait pu procéder ainsi depuis de longues années, sans être inquiété ni découvert. Ce fait prouve, de la part de sa clientèle, une confiance aveugle, qui s’attachait à un homme comblé d’honneurs par la République. Il ne faut pas oublier, en effet, qu’il y en a encore beaucoup pour qui les honneurs républicains signifient quelque chose. C’est bête, mais c’est comme ça !

Un journal de Lyon, dans un article paru il y a quelque temps, aurait, parait-il, fixé le chiffre du passif. Ce chiffre ne peut être que fantaisiste, le passif ne pouvant être actuellement connu. Pour arriver à le connaître, il faut d’abord séparer les obligations vraies des fausses. Or, ce n’est ni prompt, ni facile, ni encore accompli. Tout ce qu’on peut dire aujourd’hui, c’est que les obligations fausses sont plus nombreuses que les vraies, et que le passif, qui est considérable, constitue un véritable krach pour le canton de Trévoux : capitaux perdus et dissipés, procès nombreux et dispendieux.[151]

Ce qui est inouï, en effet, c’est l’impunité dont jouissait Guillot, l’appui constant qu’il trouva, grâce à la Maçonnerie, dans le monde officiel parfaitement au courant de sa situation.

Guillot, cependant, n’était qu’un enfant à côté de Bellamy. Protestant et Franc-Maçon, chef du parti opportuniste dans le Finistère, conseiller général, maire de Brest, chevalier de la Légion d’honneur, Bellamy est un type complet, presque une figure. Gambetta, qui allait à l’improbité comme le fer va à l’aimant, en fit son ami et, pendant de longues années, Bellamy fut, comme Guillot, le grand électeur du département.

Même quand il fut impossible de dissimuler ses détournements, les députés républicains le protégèrent longtemps contre toutes les poursuites.

Le nombre des abus de confiance et des vols de Bellamy est incroyable, et le chiffre avoué des détournements, 800,000 francs, est, manifestement, au-dessous de la vérité. Bellamy semblait avoir une préférence pour le vol aux pauvres, qui est une spécialité républicaine. Un vieux matelot, Canu, avait amassé un petit pécule qui était une fortune pour lui : 11,000 francs ; Bellamy vole cet argent et déclare qu’il l’a perdu. Une congrégation charitable, l’Adoration perpétuelle a l’idée, singulière d’ailleurs, de confier ses intérêts à Bellamy, il lui vole 13,000 francs ; aux mineurs de Graville, il se contente d’enlever 7,000 francs. Une dame Lefranc avait laissé à son cocher, nommé Mear, me rente viagère de 800 francs que Bellamy était chargé de servir. A cet effet, les héritiers Lefranc avaient déposé chez lui 32 obligations nominatives. A la mort du cocher, sa fille, loyale et honnète envoya immédiatement l’acte de décès ; mais le notaire républicain se garda bien de prévenir la famille et, pendant quatre ans, se servit fidèlement la rente à lui-même.

Bellamy n’en fut pas moins acquitté par le jury. Est-ce donc que je blâme cette institution qui rend de si bizarres verdicts ? Assurément non. Une des grandes fautes du parti conservateur a été de ne pas se rallier au principe de la magistrature élective. Avec un jury vous pouvez, à la rigueur, tomber sur quelques hommes honnêtes, avec les magistrats francs-maçons et juifs, vous êtes sûr de n’en trouver aucun[152].

Une condamnation même, quand le cas n’est pas trop grave, n’empêche pas les Francs-Maçons d’arriver à tout. On aurait proposé au duc de Broglie d’admettre, dans le cabinet dont il faisait partie, un catholique condamné à six mois de prison pour coups et blessures, qu’il aurait refusé avec indignation. Brisson, Orateur de la Grande Loge centrale, n’hésite pas à confier à Dautresme le portefeuille du Commerce.

Le seul titre de ce Dautresme, pour devenir titulaire de ce département ministériel, était d’être d’un commerce désagréable et d’avoir écrit la musique de quelques méchants opéras. En 1867, il avait à moitié assommé à coups de parapluie le directeur du Théâtre Lyrique qui hésitait à jouer les Jurons de Cadillac. Indulgent et débonnaire selon son habitude, Napoléon III s’était laissé fléchir par les supplications du musicien qui, avec la bassesse de ses pareils, se roulait littéralement à ses pieds, et lui avait fait grâce pleine et entière des six mois de prison qu’il avait si justement mérités[153].

En prison, quand par hasard ils y vont, les Francs-Maçons sont certains de retrouver encore quelque protection. Quand toutes les fonctions importantes ont été distribuées, les Maçons subalternes se sont précipités sur les emplois de directeurs et d’inspecteurs d’établissements pénitentiaires. L’inspecteur de la maison des jeunes détenus des Douhaires, près Gaillon, est un ancien courtier d’assurances nommé Fleury, de la R.*. L.*. des Philanthropes réunis et l’on peut être sûr que le relèvement moral des petits prisonniers est en bonnes mains.

Plus de Dieu, plus d’églises ; or, il n’y aura plus ni prêtres, ni religion ; plus de rois, plus de dirigeants, et il n’y aura plus de charges inutiles, mais une égale répartition des richesses sociales[154].

« C’est la société, d’ailleurs, qui est coupable de tout, déclare ce parfait nihiliste ; c’est la société qu’il faudrait enfermer. »

L’ignorance et la misère réunies, c’est le seul crime qu’on ait à reprocher à l’ouvrier ; voici des déshérités du sort, des vaincus de la vie, qui voient des jours sans pain et des nuits sans sommeil ; ils ont le ventre creux et le cerveau vide ; ils tremblent la fièvre et crachant la maladie, et vous, société, vous leur faites un crime de respirer le même air que tous ? Car, enfin, à tous ces malheureux vous leur niez le droit au soleil, vous les empèchez de savourer le seul espoir qui leur reste, celui de boire la force et le bonheur contenus dans un rayon de soleil.

Oui, aux riches, aux fortunes, l’air et l’espace, le jeu et la danse, la joie et le babil ; aux pauvres, l’atelier ou la prison, le grabat ou l’hopital, la tristesse ou la douleur ! Où donc trouver, pour le prolétaire, le droit de vivre, s’il n’a point le droit au soleil ? Car le soleil est le principe de toute vie, c’est le générateur qui fait mouvoir tout l’univers ; c’est le créateur, le propulseur de toutes choses, le consolateur de toute éternité, et qui le refuse aux autres commet un crime de lèse-humanité[155].

Je ne voudrais pas être désagréable à un protégé de M. Margue, mais n’est-il pas singulier de voir un homme, qui parait professer pour le soleil le culte ardent des anciens Guèbres, accepter précisément la direction d’un de ces établissements surannés où l’on met les gens à l’ombre ?

Beaucoup sont ainsi dans la Maçonnerie demi-savants, demi-orateurs, ils haïssent la société d’une haine qui n’est point la révolte courageuse de Spartacus, la colère âpre de Vindex, mais comme une venimeuse envie qui sent l’antichambre et l’office ; ils n’entendent pas détruire complètement l’édifice social parce qu’ils espèrent bien s’y faire une petite place par des procédés plus ou moins corrects, mais ils attaquent l’Eglise parce qu’elle ne peut leur donner que de nobles enseignements, des conseils de respect et de dévouement dont ils ne veulent pas.

Pour le moment, ils sont les maîtres et le R. P. Delaporte a pu écrire très justement : « L’œuvre est tellement avancée qu’humainement parlant son succès définitif est aussi proche que certain. Oû est la force humaine qui pourrait lutter contre la Maçonnerie, maîtresse des gouvernements, de la presse et, par les Juifs qui la servent à condition de s’imposer à elle, de la finance, c’est-à-dire de toute la vie industrielle et commerciale des nations. »

Ces quelques vues sur la Maçonnerie, d’ailleurs, n’ont d’autre prétention que d’être un croquis, un essai, comme on s’exprimait autrefois. Nous n’avons pas, est-il nécessaire de le répéter, prétendu étudier à fond cette institution complexe et variable dans ses formes que nous avons rencontrée déjà à plusieurs reprises sur notre route ; car, semblable à ces canaux souterrains qui serpentent sous la ville visible, elle chemine sans cesse sous la grande histoire. Nous renvoyons encore une fois à l’œuvre véritablement monumentale du P. Deschamps achevée par H. Claudio Jannet. Nos lecteurs trouveront là une liste à peu près complète des hommes du jour qui sont Francs-Maçons. L’excellent ouvrage de l’abbé Chabauty : Juifs et Francs-Maçons, dont nous avons déjà signalé l’importance, est également une source inépuisable de précieux renseignements[156].

Ce que nous nous efforçons de faire, c’est d’aider les esprits attentifs à bien décomposer ce mouvement, à saisir exactement le fonctionnement de ces institutions mises en branle par toutes les haines, servies par tous les mauvais instincts, et s’attaquant à des catholiques c’est-à-dire à des gens infiniment mieux organisés pour faire le bien que pour résister au mal, vivant dans un ordre d’idées tout différent de celui où vivent les hommes qui les attaquent, n’ayant aucune vision distincte même du caractère de leurs ennemis.


II


LES PROTESTANTS


L’austère Protestant n’est pas austère. — Les taux martyrs. — Coligny. — Ce prétendu apôtre de la tolérance est le plus implacable des tortionnaires. — Il s’efforce de livrer Calais aux Anglais. — La Saint-Barthélémy. — Le Protestant moderne est le compère du Juif. — La propagande protestante. — Les séquestrations. — Une lettre touchante. — L’Elise Ebsen de Daudet. — Le Prussien Steeg et son manuel. — Les Monod. — Les Sœurs de la rue de la Lune et les exploits de Winckam. — Les variations de nos avocats. — La persécution dans la mort. — Les Protestants du Midi.




II


LES PROTESTANTS


Dans la guerre faite à Dieu, l’élément protestant a joué, lui aussi, un rôle considérable et dont il est impossible de ne pas tenir compte dans ce tableau d’ensemble de la persécution religieuse.

Ce rôle a été surtout hypocrite et cauteleux. Nous avons signalé plus haut cette manie qui consiste a affubler certains personnages d’une épithète qui finit par faire corps avec eux ; l’épitète d’austère accompagne généralement le mot Protestant. Pourquoi ? On ne l’a jamais su au juste. Rien, au contraire, n’est moins austère que le Protestant.

Sans apprendre rien de nouveau a ceux qui ont habité l’Angleterre et qui connaissent les infamies sans nom que commettent sournoisement les Anglais et ces Anglaises ont toujours le mot shoking ! à la bouche, les révélations de la Pall Mall Gazette ont bien mis en relief le caractère du Protestant, achetant pour les souiller les petites filles de six ans et allant chanter ensuite des psaumes hérétiques.

Dans la vie politique, l’austère Protestant est, par excellence, l’homme de la fourberie et du mensonge.

Freycinet félin, onctueux, caressant et trompant tout le monde, ne donne guère l’idée d’une de ces figures rigides qui répugnent aux compromis et repoussent toute lâcheté morale.

Nul n’a jamais été moins austère que ce Jauréguiberry qui, préoccupé uniquement d’assurer aux siens un avancement scandaleux, était le jouet docile des radicaux. Ce prétendu loup de mer était par excellence un amiral privé. Un Bohême créole, qui était devenu représentant parce qu’il divertissait Gambetta en imitant le bruit du vent dans les cocotiers, s’amusait chaque jour à venir trouver l’amiral à son banc et à faire le geste de fendre l’oreille à quelqu’un. L’autre riait de ses gros yeux ronds, de sa grande bouche ouverte niaisement, il ne sentit pas son honneur militaire s’indigner en faisant partie du même ministère qu’un Gasot et un Constans et ne fut pas troublé dans sa conscience de vieux mômier genevois lorsqu’on jeta dans le tombereau aux ordures l’image de ce Christ auquel il faisait semblant de croire ; il accepta tout et il aurait accepté bien d’autres choses encore pour rester ministre si sa tête n’avait un jour déplu : displicuit nasus tuus

Toujours prêt, comme tous les Protestants, à sacrifier son parti à sa secte, l’amiral, au lieu de prendre la défense des intérêts français à Madagascar, avait fait du ministère de la marine une succursale des missions protestantes anglaises ; il s’était constitué le chaperon de ces pasteurs ingénieux et pratiques qui cumulent le commerce des bibles et celui des denrées coloniales.

Le baron de Cambourg, avec une modération peut être excessive, a donné des détails intéressants, dans le Matin, sur cette étrange conduite d’un amiral français[157].

L’amiral Jauréguiberry semble avoir été sous l’influence d’un pasteur protestant de Marseille, M. Monod[158].

M. Monod, dit M. de Cambourg, a traduit avec empressement les libelles anti-français des missionnaires méthodistes de Madagascar, qui dirigent contre la France l’hostilité des Howas ; il est affilié à Exeter Hall, l’officine de la propagande anti-française et anti-catholique de la « Missionnary Society » où l’on fait des œuvres religieuses, mêlées de politique et de commerce.

Ce pasteur a le mérite du moins d’être sincère et de ne point cacher que toutes ses sympathies sont pour les Anglais contre les Français. Dans la préface qu’il a mise en tête de la traduction d’un ouvrage de M. James Subrel, architecte des églises évangéliques à Tananarive, il écrit nettement : « Nous sommes heureux de reconnaître qu’il est heureux pour le vrai bien de Madagascar que l’influence anglaise ait prévalu dans cette Ile sur celle de la France, et le christianisme évangélique sur celui de Rome. »

On n’est pas meilleur patriote.

En remontant dans l’histoire nous trouvons d’ailleurs que l’attitude des Protestants d’aujourd’hui fut celle des Protestants d’autrefois. Les Protestants sont moins avides que les Juifs ; ils sont toujours tels que les dépeignit Brantôme : « remuants, frétillants et amateurs de picorée. » Moins criards également que les fils d’Israël, ils sont geignards. Leur grand homme, Coligny, est le faux martyr par excellence. L’histoire, qui ne procède maintenant qu’à l’aide de documents authentiques, nous a démontré que cette prétendue victime avait été le plus implacable des bourreaux.

Sans doute, pour juger équitablement le héros du protestantisme, il faut faire la part des mœurs de l’époque. Les Guise s’alliaient à l’Espagne, Coligny se vendit à l’Angleterre, mais il le fit avec un cynisme particulier. Il offrit de livrer, moyennant finance, à notre vieille ennemie, cette ville de Calais que le duc de Guise avait eu tant de peine à reconquérir.

On conserve encore à Londres le traité conclu à Hamptoncourt, le 20 septembre 1562, et qui liait la cause de l’Angleterre à celle des Huguenots. Par ce traité, Elisabeth, en échange de cent mille écus d’or payables à Francfort ou à Strasbourg, recevait le Havre, à la charge, par elle, de le rendre dès qu’elle serait mise en possession de Calais.

Le traité était conclu au nom du prince de Condé, de Jean de Rohan, de l’Amiral, de Mouy, de Moustier et de Bouchart.

« Voilà, dit Dupleix, comment les religionnaires disposaient des villes du royaume en faveur de l’estranger et mesme de l’ancien ennemi de la France. »

Dans un siècle où l’on versait le sang facilement, où l’assassinat d’un ennemi paraissait être l’acte le plus naturel du monde, nul ne poussa plus loin que l’Amiral le mépris de la vie humaine.

Quand les affaires des Protestants semblèrent perdues, après la bataille de Dreux, Coligny trouva tout simple d’encourager Poltrot de Méré à frapper le duc de Guise, et il lui donna cent écus pour l’aider à fuir après le meurtre.

Sur la complicité de l’Amiral, il n’existe guère de doute.

Ayant communiqué avec Coligny, dit Estienne Pasquier, et le conseil pris entre eux, Poltrot vint trouver devant Orléans M. le duc de Guise et luy ayant fait une révérence profonde, luy dit que mal conseillé il avait suivi M. le prince ; mais que meu d’une juste repentance, il venait se rendre à luy avec un ferme propos de faire un bon service au roy. M. de Guise, estimant que cette parole vint du fond du cœur, le recueillit d’un œil favorable et mesme lui donna un tel accès dans sa maison, que souventes fois il mangeait et beuvait à sa table. L’on dict que la débonnaireté de ce prince eut tant de puissance sur luy que, pour ce premier coup, il perdit le cœur et retourna tout court devant l’amiral, beaucoup moins résolu que devant, mesme en délibération d’en oublier le retour, n’eust été qu’il fut redressé par un ministre plein d’entendement et de persuasion.

Poltrot de Méré, arrêté, reconnut que c’était Coligny et Théodore de Bèze qui l’avaient excité a l’assassinat.

« Celluy qui a donné le coup à monsieur de Guyse, écrit Chantonay à son ami Josse de Courteville, confesse franchement que l’a fait, et semblablement que l’amiral de Chastillon et Théodore de Bèze l’ont persuadé de le faire et luy en ont donné cent escus. »

Le premier acte de Calvin, une fois tranquille dans une terre libre, avait été de faire brûler, avec des fagots de bois-vert, son ami Servet parce qu’il ne pensait pas absolument comme lui sur quelques points de métaphysique et qu’il s’obstinait à dire : Fils de Dieu éternel au lieu de Fils éternel de Dieu.

Coligny était de cette école. Vaincu il réclamait la liberté de penser. Vainqueur, ce prétendu apôtre de la tolérance était aussi implacable que le baron des Adrets. À Angoulème, il avait renouvelé les torches vivantes de Néron, et il attachait les religieux, qui tombaient entre ses mains, à des poutres, enduites de soufre, auxquelles il faisait mettre le feu. Un de ces malheureux, raconte Mézeray, avant d’expirer dans les tortures, avait prédit à l’Amiral de France le sort qui l’attendait. « Souvenez-vous de Jézabel, meurtrière des Prophètes ! Vous serez jeté par une fenêtre et traîné au gibet, et vous souffrirez, mort ou vif, toutes les indignités et toutes les cruautés que vous exercez maintenant sur les serviteurs de Dieu. »

Personne ne s’étonna que le fils de Guise vengeât la mort de son père sur celui qui l’avait fait assassiner, « Tombé, il assouvit, dit Tavannes, les yeux du fils dont il avait tué le père. »

Les outrages, auxquels se livrèrent sur lui les meurtriers, parurent une simple application de la loi du talion, une réparation des supplices qu’il avait fait subir aux autres.

L’opinion publique se prononça énergiquement dans ce sens. L’Épitaphe de Coligny, conservée au Record office, est l’expression de ce sentiment populaire.

Passant, tu apprendras par la mort de celuy[159]
Qu’en France on peut nommer Oloferne aujourd’huy,

Que de celuy qui vit meschant et détestable,
La fin communément est à ses mœurs semblable ;
Car les mesmes tourments dont il a martiré
Les fidèles chrétiens luy même a enduré.
Les uns il a jette tout vifs dedans la flamme
Ou dans une pistolle a faict souffler leur âme ;
D’un boulet d’un canon il a été frappé ;
Comme aux moines il a teste aussi coupé
On a coupé la sienne, et dedans la rivière
Ainsi qu’il en noïoit, on l’a traîné naguère
Avec une corde. Aux uns crevait les yeux.
Coupait le nez, l’oreille......
Le mesme on lui a fait. Comme il a fait pendre,
On le voit au gibet pareillement s’estendre,
Attaché par les pieds où il paist les corbeaux.
Comme il a déterré les défuncts des tombeaux,
Ainsi on l’a privé d’honneur de sépulture,
Ensevely longtemps des rues en l’ordure.
Il a pillé des saincts les temples révérés,
Il a pillé des rois les palais décorés :
Il ne luy reste rien que le ver qui le mange,
En quoy son corps pourry en gros morceaux se change.

Jamais, on en conviendra, gibier de potence ne mérita mieux d’être accroché à Montfaucon.

Voilà l’homme, cependant, auquel les Protestants proposent d’élever une statue. Les Anglais, qui avaient eu la même idée, ont eu, en examinant les faits, un réveil du sens moral ; ils ont senti qu’il était d’un mauvais exemple pour une grande nation de glorifier la trahison, même lorsqu’elle était destinée à vous servir, et qu’honorer un amiral de France qui avait voulu vendre Calais aux Anglais, s’était encourager peut-être un amiral anglais à vendre Douvres aux Français.

Quant à la Saint-Barthélémy, c’est encore une légende révolutionnaire dont il faut faire son deuil comme de tant d’autres. M. le baron Kervyn de Lettenhove, qui a patiemment fouillé, pour son admirable ouvrage : « Les Huguenots et les Gueux, étude de vingt-cinq années du XVIe siècle », toutes les archives de France, d’Angleterre, de Belgique et d’Espagne, qui n’avance pas une assertion sans en donner la preuve, a éclairé ce point d’une lumière complète.

Catherine de Médicis, aux prises avec d’inextricables difficultés, ne trouva qu’un moyen de sortir d’embarras, c’est de faire assassiner Coligny comme il avait fait assassiner Henri de Guise. Maurevel, a-t-on dit, et plus probablement un spadassin italien, Pierre-Paul Tosinghi, embusqué « dans un meschant petit logis » de la rue des Fossés-Saint-Germain-l’Auxerrois, tira sur l’Amiral, qui sortait du Louvre, quatre coups d’arquebuse qui ne firent que le blesser. L’insuccès de cette tentative décida la Saint-Barthélémy. « Si l’une des quatre balles avait atteint le cœur, disent les ambassadeurs vénitiens, la Saint-Barthélémy n’aurait pas eu lieu. »

Les Huguenots, exaspérés, se mirent en état d’insurrection et s’apprêtèrent ouvertement à marcher sur le Louvre et à détrôner Charles IX.

La légende nous montre des pauvres colombes endormies sur la foi des traités. Les colombes étaient des soldats exercés portant la tenue de guerre, armés jusqu’aux dents, qui chevauchaient toute la journée dans les rues de Paris, qui accompagnaient Coligny au Louvre, et qui, fiers de leur nombre, bravaient sans cesse Tavannes et les autres catholiques, et venaient insulter le roi jusqu’à sa table. Les Huguenots étaient les maîtres de Paris ; ils y avaient rassemblé toutes leurs forces ; ils avaient à eux huit cents gentilshommes et huit mille hommes parfaitement disciplinés. Montgommery avait reçu l’ordre de réunir quatre mille hommes au faubourg Saint-Germain ; les Gueux de Flandre, dont un grand nombre périt pendant le massacre, encombraient la ville ; de toutes les provinces, en outre, des renforts accouraient pour venger le meurtre de l’Amiral. Le conseil des Six se tenait en permanence et organisait l’attaque ; dans la nuit même du 24 au 25 août, il avait arrêté les dernières résolutions.

Catherine de Médicis, qui montra dans toute cette affaire une énergie toute virile, était tenue au courant par les révélations de Bouchavannes et de Gramont ; elle n’ignorait pas que son fils et elle étaient perdus sans une détermination rapide.

La situation, en un mot, était exactement la même que dans la nuit du 10 août 1792. On sent régner sur ces nuits la même atmosphère révolutionnaire. Si Louis XVI eût pris l’offensive, au lieu d’attendre dans son palais que les sections, qui se préparaient bruyamment, vinssent l’attaquer, l’aurait-on accusé de guet-apens ? Il n’y eut pas davantage de guet-apens de la part de Charles IX ; il attaqua le premier, voilà tout. Il avait probablement été très sincère en manifestant sa colère contre la tentative d’assassinat de l’Amiral ; quand on lui eut mis les preuves du complot sous les yeux, il sentit le danger tellement imminent qu’il fit sonner la cloche de Saint-Germain-l’Auxerrois deux heures plus tôt qu’il n’était convenu.

L’ancien Prévôt des marchands, Marcel, prévenu par la Cour, n’eut qu’à faire un signe, et la population parisienne, profondément catholique et qui haïssait les Huguenots, appuya les soldats du roi et du duc de Guise, infiniment moins nombreux que les Protestants. Les premières victimes furent précisément les gentilshommes qui s’étaient introduits au Louvre pour en ouvrir la porte à leurs amis. Malgré tout, cette date reste une des plus sombres de l’histoire humaine. Elle attristera toujours les cœurs magnanimes qui voudraient voir les fils d’une même mère vivre entre eux comme des frères ; mais elle n’a aucun rapport, comme horreur, avec les massacres de Septembre. Cette surprise armée d’hommes, qui couchaient avec leur épée sous le chevet, ne peut être comparée au crime inexpiable de 1792 ; l’égorgement de malheureux prisonniers.

Dès le commencement de la République, le Protestantisme français fit alliance avec la Juiverie dont Waddington alla, comme nous l’avons vu, soutenir les intérêts au congrès de Berlin. C’était dans l’ordre. On a constaté vingt fois l’étroite connexité qui existe entre le Juif et le Protestant. « Un Protestant, a dit Heine, c’est un catholique qui quitte l’idolâtrie trinitaire pour marcher vers le monothéisme juif. »

Sans doute, les Juifs n’épargnèrent guère les dédains à leurs alliés, mais ils consentirent néanmoins à marcher avec eux ; ils fraternisèrent dans certaines sociétés comme le Cercle Saint-Simon dont Meyrargues, qui portait le prénom florianesque de Nephtali, fut le premier trésorier, tandis que Monod en était le président. Dans la Revue des Deux Mondes, le Protestant suisse Cherbuliez, caché sous le pseudonime de Valbert, accabla les Juifs d’écœurantes adulations. La Revue historique, éditée par Alkan Lévy, leur fut également une occasion de répandre du venin sur les catholiques.

Pour prix de leur aide, les Protestants eurent le droit de se livrer sans crainte à un apostolat qui ne recule devant aucun moyen. Ils organisèrent ça et là des villages bibliques, comme celui qu’a décrit Daudet, dans l’Evangéliste, ils séquestrèrent des jeunes filles et renoncèrent à leur propagande lointaine pour opérer à l’intérieur. Ils pouvaient tout oser, l’impunité leur était assurée et le silence de la presse juive leur était garanti.

Supposez qu’une catholique se fût rendue coupable des faits racontés par Daudet, vous entendez d’ici le ramage des journaux républicains. Daudet, en effet, affirme l’authenticité des moindres détails. Nous avons tous causé chez lui avec la mère d’Eline Ebsen, qui est le professeur d’allemand de son fils. La presse a parlé du livre et gardé sur les actes eux-mêmes un mutisme absolu, tout le monde a été de l’avis du commissaire de police auquel Mme L. était venue demander protection.

— C’est odieux, madame, je suis père moi-même. Je vous promets de mettre tout en œuvre pour vous faire rendre justice, quel est le nom de la misérable qui a commis cet attentat ?

— Madame J. M….

— Oh, madame, dit le commissaire, en changeant soudain de ton, dès qu’il eut entendu prononcer le nom de la femme d’un célèbre banquier, il n’y a rien à faire. C’est absolument comme si vous vouliez vous attaquer aux Rothschild….

Cette conversation est rigoureusement authentique. Comment s’en étonner, lorsqu’on voit ce qui se passe pour cette malheureuse Anna Feral, qui est séquestrée depuis six ans par des Protestants, sans que sa famille puisse même avoir de ses nouvelles ou savoir où elle est enfermée ? Ici il y a eu un procès retentissant, des arrêts de tribunaux ordonnant que cette enfant soit remise à ses parents. Le ministre de la justice, se mettant hardiment au-dessus des lois, se faisant le complice de ceux qu’il devrait punir, défend d’exécuter les arrêts.

La mère est morte de chagrin ; le grand père, avec cette ténacité particulière aux vieillards, s’obstine à lutter, malgré sa pauvreté, contre les banquiers protestants dont la caisse est bien garnie.

Aucune composition littéraire n’égalera jamais en éloquence les lettres de ce malheureux, qui ont fait rire Martin-Feuillée, après avoir fait pouffer Cazot, et avoir déridé le grave Franc-Maçon Humbert. La dernière, datée du 12 mars 1884, est déchirante dans sa simplicité.

Négrepelisse (Tarn-et-Garonne), 12 mars.
Monsieur le Ministre,

Je viens, pour la troisième fois, vous signaler un crime impuni, et je ne cesserai que lorsque justice sera faite.

Voilà six ans que, malgré deux arrêts de la Cour de Toulouse, ma petite-fille, Anna Feral, est séquestrée. Où ? je l’ignore.

Sa mère en est morte de chagrin et de désespoir, à l’hospice de Montauban, il y a trois ans.

La Cour de Toulouse a ordonné que ma petite-fille me fût rendue, puisque je suis son tuteur légal, et on ne me la rend pas plus qu’à sa mère.

Et cependant, son père, son grand-père et sa mère sont morts.

Qui donc aujourd’hui a puissance paternelle sur Anna Feral ? Moi seul.

Et malgré les arrêts, on me la refuse.

Je me suis adressé aux parquets inutilement, aux ministres de même, au Président de la République.

La presse, l’opinion publique et la magistrature seules soutiennent mon droit. Et vous, monsieur le Ministre, ministre de la République, qui doit être le règne de la loi, permettrez-vous que ce crime reste impuni ?

Les auteurs de la séquestration sont morts depuis quatre ans, et leurs complices continuent cette œuvre inique.

Un pasteur protestant et quelques sectaires de Montauban paient la pension d’Anna Feral dans une maison d’éducation. Ils sont donc en révolte contre la loi.

Mais si un prêtre catholique avait commis ce crime, il y a longtemps que justice serait faite.

Et, sous le vain prétexte d’une question religieuse, on viole les arrêts, la loi et l’humanité !

Et votre personne, devant cet attentat, serait insensible ? Non.

La question religieuse a été mise en avant par les criminels ; c’est une infamie, car je n’ai jamais pensé qu’à ma petite-fille, seule au monde, cloîtrée je ne sais où, jamais à ses croyances.

Est-ce que le fanatisme protestant doit faire remonter la nation au temps de l’inquisition ?

Que devient, en ma personne, l’autorité paternelle violée, la loi méconnue, l’iniquité triomphant de la justice ? Que signifie cette question religieuse, en présence d’un enfant séquestré depuis l’âge de 4 à 5 ans ?

Que ma fille soit protestante, juive ou mahométane, je n’ai pas à m’en occuper, ni personne encore moins.

C’est mon sang, ma propriété, le seul être qui me reste au monde, et personne n’a le droit de me l’enlever, pas même le chef de l’État.

Je viens vous supplier, monsieur le Ministre, de donner des ordres pour que ce scandale cesse, au nom même de la dignité du gouvernement.

Je patiente depuis quatre ans que j’ai perdu ma fille, que ces sectaires ont tuée.

Je m’efforce de rester calme ; mais si, au mépris de mes droits violés, de mon asservissement, mon cœur meurtri finit par éclater et que quelque malheur ait lieu, la responsabilité ne retombera pas sur moi, pauvre vieillard abandonné, qui n’ai que cette pauvre petite-fille qu’on séquestre et que je veux voir avant de mourir ! Et tout cela parce qu’un prêtre protestant le veut !… et l’impose à la justice.

Je prends Dieu à témoin que l’on me pousse aux dernières extrémités.

Vous seul, monsieur le Ministre, pouvez mettre enfin un terme à ces atrocités, en ordonnant que les coupables soient poursuivis, et en ordonnant aussi que ma petite-fille soit transférée dans une maison d’éducation de Montauban, ou du moins je pourrai la voir, puisque mon âge et ma position ne me permettent pas de la garder avec moi.

C’est au nom de la loi violée, de la justice outragée, de la conscience publique et de la nature méconnues que je vous implore pour la dernière fois.

Recevez, monsieur le Ministre, l’hommage de mon profond respect.

Barboteau,
Grand-père et tuteur d’Anna Feral.

Tout en s’occupant de prosélytisme, les Protestants, sans aller aussi loin que les Juifs qui furent plus courageux et plus hardis qu’eux, s’employèrent vigoureusement à déshonorer et à persécuter la religion de la majorité des Français.

Leur agent, dans la campagne entreprise pour détruire dans l’âme des générations nouvelles tout sentiment élevé, tout respect des grandes traditions des aïeux, fut un nommé Steeg, pasteur, insulteur fougueux des catholiques, élu député de Bordeaux avec le concours de la Franc-Maçonnerie et auteur d’un des manuels condamnés. Celui-là travailla en conscience, né Allemand comme Spuller[160], il n’a jamais été naturalisé et rend service à sa véritable patrie en corrompant la jeunesse française. Il y avait dans ce choix comme un piment pour cette gauche, dans laquelle tout sentiment patriotique est mort, et qui aime l’étranger de la haine qu’elle porte à tout ce qui est Français ; aussi, au mois de février 1886, ce Prussien fut-il nommé, par acclamation, président du groupe de l’Union des gauches.

Quelques Protestants, dont le cœur se soulevait de dégoût devant ce spectacle, se contentèrent d’exercer une regrettable pression sur les parents pour les obliger à mettre entre les mains des enfants le manuel Compayré qui a été, lui aussi, condamné par la cour de Rome.

Le préfet Monod se signala parmi ceux-là[161], il empoisonna littéralement le département du Calvados avec des manuels Compayré qu’il envoyait aux municipalités avec sa carte de visite. Il fit plus, il osa, lui Protestant, soutenir à des catholiques qu’un manuel, mis à l’index, ne violait pas la neutralité scolaire. A la suite d’une lettre ridicule publiée par Monod, à ce sujet, un journal normand releva ce zèle déplacé en termes qui, quoique un peu vifs, étaient certainement mérités ; il rappela en même temps les scandales qui se produisaient à Paris, grâce à l’appui donné aux falsificateurs par la Franc-Maçonnerie.

Si l’on veut, disait-il, nous permettre une comparaison vulgaire, M. Monod nous apparait là comme un de ces empoisonneurs publics, qu’on décore par euphémisme du nom de marchands de vins. Une analyse scientifique vous prouve qu’un mastroquet quelconque ne vous donne, en fait de vin qu’un mélange de drogues ignobles, qui n’a de nom dans aucune langue, et l’on vous dit : Ne buvez pas de cela, c’est du poison. Mais le mastroquet Monod se rebiffe et vous « démontre, » selon son expression, que c’est parfaitement inoffensif. Pour un peu il soutiendrait que c’est du plus pur Chateau-Margaux de 1814, année de la Comète !

Ma destinée, d’ailleurs, est de rencontrer des Monod, toutes les fois que je m’occupe d’écrire l’histoire.

J’ai raconté jadis cette invraisemblable aventure des Papiers de Saint-Simon séquestrés pendant plus d’un siècle, au ministère des Affaires étrangères, et que le directeur des Archives, M. Faugère, empêchait absolument de consulter sous prétexte qu’il comptait les publier un jour.

M. de Freycinet fut fort bien en cette circonstance. A la demande d’un de mes bons et chers amis, Henri Lasserre, j’avais parlé fort aimablement de son livre, La Guerre en Province, alors qu’obscur et peu sûr de lui-même encore, il colportait son volume de journal en journal. Se souvint-il de cet article ? Obéit-il simplement à un mouvement de saine raison ? Ce qui est certain, c’est qu’il autorisa la remise dans le domaine public de ces manuscrits dont l’auteur était mort depuis 125 ans.

Je me mis à ce travail qui m’intéressait et j’allais publier mon premier volume chez Quantin lorsqu’on me demanda s’il ne me serait pas possible de m’entendre avec la maison Hachette. La maison Hachette est certes une des librairies avec laquelle les rapports sont les plus agréables. Elle sait être magnifique à l’occasion et n’a pas hésité à payer cent mille francs, au général de Saint-Simon, le manuscrit des Mémoires… Je n’ai eu qu’à me louer d’elle en toute circonstance et je compte même parmi ses directeurs un de mes meilleurs camarades de collège.

Il m’était cependant impossible d’accepter puisque j’étais engagé avec Quantin. Je le dis. Immédiatement tous les documents me furent retirés. Un des affranchis de Gambetta, une de ces médiocrités complaisantes qu’il traînait après lui, Girard de Rialle, avec ce coup d’œil qu’on ne peut refuser pour ces choses aux opportunistes, avait sans doute vu là un coup à faire. Il soutint cette théorie singulière qu’un conservateur d’archives et de bibliothèque avait le droit d’exercer un droit de prélibation sur le dépôt qu’il était chargé de garder et que l’homme du dehors, le public qui paye, ne venait qu’après l’employé payé par lui. C’était aussi honnête que de soutenir qu’un conservateur des forêts aurait le droit de couper les plus beaux arbres pour son bénéfice personnel, qu’un directeur des mines serait autorisé à exploiter les mines les plus riches.

Que le droit exclusif de publier les œuvres inédites de Saint-Simon représente dans l’avenir dix mille francs ou cent mille francs, il était parfaitement scandaleux d’en accorder à personne le monopole ; on devait dire : « Ces papiers sont a tout le monde, que tous les lettrés les consultent librement et les publient à leurs risques et périls de même que chacun reproduit librement, par les procédés qui lui conviennent, les Noces de Cana ou l’Assomption du Louvre. »

Les journaux républicains eux-mêmes eurent cette opinion, mais, naturellement, n’en firent pas part à leurs lecteurs. Girard qui, je crois, n’était pas même de Rialle, si on l’eût gêné dans ses opérations, eût cassé du sucre, comme on dit dans ce monde-là ; loin d’être chagriné, il crut en dignité et en considération, il fut quelque temps après nommé chevalier de la Légion d’honneur — ce qui, du moins, le changea de chevalerie.

Seul, dans la presse, Monod, qui faisait partie de la commission des Archives, eut l’idée saugrenue de défendre cette bizarre doctrine qui attribuait un privilège à tout directeur sur les trésors dont il à simplement la garde. Pour ce fait il fut l’objet de nombreuses risées dont le souvenir n’est pas encore effacé.

Mais laissons ce discours et revenons à la part prise par les Protestants dans la persécution religieuse.

Un homme se signala surtout par une brutalité odieuse, qui n’est pas complètement oubliée, quoique, après avoir passé par tant de hontes, nous devions être un peu blasés. J’ai nommé Winckam qui viola la demeure de pauvres religieuses.

Rarement, peut-être, la justice fut plus effrontément outragée. Le droit ici était formel, indiscutable. La maison située au n° 14 de la rue de la Lune avait été donnée, en 1693, par Mme Louvet, veuve de Robert Louvet, salpétrier ordinaire du Roi, à l’institut des Filles de la Charité, afin d’y tenir une école, à la condition que celles qui desservaient l’école rempliraient certains engagements, feraient dire, matin et soir, certaines prières. À ces prières, Mme Louvet, dans son testament, avait demandé qu’on ajoutât le De profundis.

C’était donc un véritable contrat synallagmatique. L’accomplissement des conditions était lié intimement à la propriété de l’immeuble. Il fallait ou accepter et remplir les engagements ou renoncer à la maison. Imaginez-vous, en effet, l’Académie s’emparant de l’argent de M. de Monthyon et ne distribuant pas les prix auxquels il a affecté cet argent ?

Hérold, lui-même, que rien de ce qui était mal n’effrayait, avait reculé devant l’illégalité trop flagrante.

Dans sa séance du 16 juin 1879, le comité consultatif de la préfecture de la Seine, composé de MM. Cléry, de Chégoin, Dombey, Beaupré, Durier, Fournier, Lacan, Le Berquier, Rigaud, Templier, Beaumé, Maurice Picard et Ardiot, secrétaire, se fondant sur ce que l’obligation imposée aux Sœurs de faire réciter certaines prières à « leurs pauvres petites escholières » était incompatible avec la laïcisation de l’école, déclarait la laïcisation illégale et dangereuse[162].

Il disait :

Considérant, en outre, et surabondamment, que l’exécution de la clause susvisée, très régulière et très facile dans un établissement dirigé par des Sœurs, serait absolument incompatible avec le régime d’une école communale, ouverte à tous les enfants d’un même quartier, quelles que soient leur situation de fortune et leurs croyances religieuses.

Floquet vint, on distribua sans doute un peu d’argent et, chose triste à dire, les mêmes hommes, à peu d’exceptions près, qui avaient déclaré la mesure injuste le 16 juin 1879, la déclarèrent juste trois ans après. Le 13 mars 1882, le comité consultatif composé de MM. Templier, Corbelet, Bétolaud, Carré, Cléry, de Chégoin, Beaupré, du Buit, Durier, Fournier, Le Berquier, Liouville, Rigaud, Beaumé, Maurice Picard et Le Coaren, ayant pour rapporteur M. Du Buit, pour président M. Templier, pour secrétaire Le Coaren émit un avis favorable aux prétentions du préfet.

Cette prostitution de cette chose sacrée, qu’on nomme le droit, est un des spectacles les plus douloureux du présent. Il semble que ceux que l’on appelait jadis « les prêtres du droit » devraient se tenir encore debout, quand tout autour d’eux a roulé dans la fange. L’âme souffre de voir des représentants de ce barreau français, qui a eu de si belles pages, qui a compté tant de fières figures, se prêter complaisamment à de telles infamies. Lisez une brochure de Le Berquier, qui figure là comme avocat à deux faces : le Tableau des avocats[163]. Vous croiriez véritablement que cet ordre ressemble à ce sénat romain dans lequel l’ambassadeur de Pyrrhus crut voir une assemblée de dieux et de demi-dieux. Il n’est question là-dedans que de protester contre l’injustice, « de protéger la liberté, la fortune, la vie des citoyens, d’où que vienne l’attaque, qu’elle se produise dans les sociétés paisibles ou troublées, sous le despotisme ou sous le règne de la loi. » On y rappelle les paroles de Target qui, du reste, fut peu brillant lors du procès de Louis XVI : « C’est par l’honneur que se maintient l’honneur, tout ce qui blesse la délicatesse est un crime à nos yeux ; ce qui est permis aux autres ordres de citoyens doit être interdit à celui-ci. »

Parcourez même ce qu’on a écrit à l’occasion de l’élévation de Le Berquier au bâtonnat. Il semble que cet homme soit la personnification même de l’indépendance et de la vertu. On pense à ce grand chancelier, Thomas Morus, qui, captif à la Tour, vit un jour arriver sa femme et ses enfants. — Signez cette rétractation et vous êtes libre ! Le prisonnier réfléchit une minute. Il songea à ce que serait le réveil le lendemain s’il refusait, à ce moment où il faudrait poser sa tête blanche sur le bloc de bois mal équarri, sur l’affreux billot de chêne qu’on montre encore à la Tour. Puis il demanda à sa femme combien elle croyait qu’il eût encore de temps à vivre. — Mais dix ans, quinze ans, peut-être. — Eh bien, faut-il sacrifier l’Eternité au plaisir de passer ces quelques années avec les miens ?

Ainsi ceux qu’au XVIII on appelait déjà les élogistes, les gens qui louent sans même savoir pourquoi, multipliaient les dithyrambes et accumulaient les épithètes à propos du nouveau bâtonnier.

Il est certain, cependant, que rien ne ressembla moins à un tel portrait que Le Berquier. Un avocat, capable d’être bâtonnier, doit savoir à quoi s’en tenir sur la légalité d’un acte et ne pas dire noir le lendemain quand il a dit blanc la veille. Ce prétendu parangon de fermeté était un simple jongleur. Puisqu’il s’agissait précisément du testament d’une veuve et d’un orphelinat, c’était le moment ou jamais de se montrer fidèle à son serment « de défendre la veuve et l’orphelin. » Il a absolument manqué aux devoirs de sa profession pour des raisons personnelles et que nos lecteurs sans doute devineront.

Pour moi je ne perdrai jamais l’occasion de mettre bien en évidence cet écart entre la réalité et la fiction, cette perpétuelle convention qui est le signe le plus inquiétant d’une époque où le besoin de la vérité n’existe plus, où l’on peut répéter ce que disait Tacite des Romains de son temps : nos vera rerum vocabula amisimus.

Il restait à faire exécuter cette étrange décision. Le maire du 2e arrondissement, M. Carcenac, donna sa démission pour ne pas se rendre complice d’un semblable méfait. Winckam s’offrit pour la besogne qui répugnait à tous. Le 27 septembre 1882, accompagné du trop fameux Dulac, il crocheta les portes qui résistèrent pendant cinq quarts d’heure et, malgré les protestations courageuses de M. Lefebure, il entra de force dans l’immeuble et chassa les Sœurs de l’école qui leur appartenait.

Toute la rue ameutée huait le misérable qui, tantôt cramoisi, tantôt blême, semblait, malgré son cynisme, avoir honte de lui-même ; les libres-penseurs eux-mêmes lui jetaient des injures au visage. C’était la première fois en effet qu’on employait la force contre des Sœurs de Charité, la première fois aussi qu’un citoyen se chargeait volontairement d’une tâche que les agents de police n’accomplissaient qu’avec répugnance et en s’excusant à haute voix sur les ordres reçus.

Aussi l’étonnement fut-il profond lorsqu’à la réunion pour les élections consistoriales, au mois de février 1883, Winckam osa venir se vanter de sa mauvaise action, raconta ses exploits en style de bandagiste herniaire et fut nommé membre du consistoire en compagnie de MM. Mirabaud et Steïner Dollfus.

Cette élection fut sévèrement jugée par les Protestants étrangers. Sans doute, on comprend le désir de vengeance qui anime certains êtres fieleux dans des minorités qui ont été opprimées autrefois ; mais n’est-il pas lâche de s’en prendre à des femmes, à des religieuses de Saint-Vincent-de-Paul qui n’ont jamais fait que du bien partout où elles ont passé ? Qu’un parti se serve d’hommes comme Winckam, quitte à leur remettre ensuite quelques fonds pour aller cacher leur honte à l’étranger, cela se comprend ; mais qu’on fasse entrer un crocheteur de portes dans un consistoire, voilà qui surpasse l’imagination et qui donne l’idée du degré où en est tombé le Protestantisme français.

Partout les Protestants abusèrent de la force, que leur donnait leur alliance avec les Juifs pour outrager les catholiques dans leurs croyances les plus chères. A Mornac, petite commune de la Charente, l’un d’eux osa en 1882 ce qu’on n’avait pas osé encore ; il persécuta dans la mort ceux qui ne pensaient pas comme lui ; il eut le triste honneur de précéder ceux qui, quelques mois plus tard, devaient briser les croix des cimetières.

Cet épisode vaut la peine d’être conté un peu au long, car il montre quels sont au fond, les sentiments de ces hommes qui crient si haut qu’on a persécuté leurs pères jadis. Si ces pères avaient été les plus forts, ils auraient été certainement de plus cruels oppresseurs que les catholiques.

Voici l’exposé des faits d’après un document du temps qui ne manque ni de dramatisme, ni de couleur dans sa sobriété volontaire.

Mornac possède deux cimetières : le cimetière catholique, qui est, en vertu d’actes authentiques, la propriété particulière de la fabrique, et le cimetière protestant, qui est la propriété communale. Tous deux n’étaient séparés que par une haie et un fossé situés sur le cimetière catholique, dont ils étaient conséquemment la propriété.

Les choses étaient ainsi depuis 1807, et aucune difficulté ne s’était jamais présentée. Mais M. le maire de Mornac a voulu changer tout cela et, le 9 juin 1882, s’appuyant sur une loi nouvelle, il a pris un arrêté par lequel il déclarait réunis les deux cimetières ; en même temps il déclarait que les inhumations ne se feraient plus qu’à la suite les unes des autres, « à l’exception cependant, disait l’arrêté, de ceux qui auraient acquis des concessions. »

Cela semblait bien la reconnaissance du droit, pour les catholiques propriétaires de concessions, de se faire enterrer dans leur cimetière ? Eh bien, non ! Malgré les termes de son arrêté, le maire empêcha d’abord l’inhumation d’un enfant dans le cimetière catholique, où les parents avaient une concession ; la porte du cimetière resta fermée lorsque le curé qui accompagnait le cercueil se présenta.

Là se tenait le maire, assisté du garde champêtre, qui déclara qu’en vertu de son arrêté, on n’entrerait pas. Néanmoins, devant les clameurs de la foule, le maire dut céder : il verbalisa contre le curé, mais l’enterrement eut lieu sans nouvel incident.

Cependant, quelques jours plus tard, les choses ne devaient pas se passer aussi tranquillement. Le 10 septembre, un autre enfant mourait dans la commune de l’Eguille. Le père avait perdu sa femme peu de mois auparavant ; elle était enterrée dans le cimetière catholique de Mornac, et une place avait été réservée à côté d’elle. Le 11, le père obtenait, et la concession de la fabrique de

Mornac, et le permis d’inhumer du maire de l’Eguille. En même temps, une dépêche de la sous-préfecture de Maronnes autorisait le transport du corps, de l’Eguille à Mornac.

Le maire de Mornac refusa de laisser entrer le corps dans le cimetière catholique et ordonna de combler la fosse qui avait été préparée par les soins du père. Ce dernier, aidé de deux de ses amis, recreusa alors la fosse, malgré les ordres du maire, et fit prier M. le curé de venir enterrer l’enfant. Sur quoi, ledit maire adressa un ordre de réquisition au lieutenant des douanes, fit à nouveau combler la fosse, et attendit, à l’entrée du cimetière, ceint de son écharpe, assisté de son adjoint, du garde champêtre et des douaniers ayant la baïonnette au bout du fusil, l’arrivée du cortège.

M. le curé de Mornac apparut bientôt avec le corps, et suivi de toute la population catholique. Le maire s’avança vers lui en lui disant : « Monsieur le Curé, vous n’entrerez pas ! » et, joignant le geste à la parole, il mit les mains sur la poitrine du curé pour le repousser.

La foule, craignant de voir brutaliser son curé, eut un mouvement en avant. Les douaniers voulurent s’y opposer en croisant les fusils, et là, une scène de désordre et de scandale se produisit. La croix fut jetée à terre, le cercueil fut précipité sous les pieds des assistants, et le pauvre père tomba par-dessus, en voulant le protéger ; la foule, surexcitée, renversa un des douaniers. Puis le curé fut poussé dans le cimetière, où il procéda à l’inhumation, après que la fosse eut été à nouveau creusée par le père de l’enfant, sous les yeux de toute la population.

A la suite de ce scandale, on eut l’audace de poursuivre les malheureux coupables d’avoir voulu faire enterrer leur enfant. Un garçon de seize ans fut compris dans la poursuite !

Devant le tribunal de Marennes, le procureur de la République, M. Vivien, qui voulait avant tout obtenir une condamnation à laquelle la Franc-Maçonnerie de Paris tenait beaucoup, eut une idée lumineuse : il menaça les témoins de 1es faire arrêter s’ils déposaient en faveur des accusés.

En dépit d’un avocat de talent, Me Querenet, les accusés, le délit matériel étant prouvé, furent condamnés à des peines variant de quinze à dix jours de prison.

Avez-vous lu les Larmes de Pineton de Chambrun ? Ce livre, admiré à l’excès par Michelet, est émouvant et plus d’un passage nous a fait pleurer jadis sur le sort des Protestants français. Si Pineton eût été le maître, il aurait agi sans doute comme le maire de Mornac et jeté dans la boue le cercueil de ceux qui n’étaient pas de sa communion.

Dans le Midi, particulièrement, les Protestants furent indignes. A Montauban, ils disposaient de la majorité dans le conseil municipal quoiqu’ils ne représentent dans la ville que le sixième de la population ; ils en profitèrent pour aller crocheter l’école Villebourbon qui appartenait aux Frères ; ils enlevèrent partout les crucifix des écoles.

A Nîmes, ils commencèrent par interdire les processions, puis, au mois de juillet 1882, ils arrachèrent le crucifix placé dans une salle de l’hospice récemment inauguré. Une scène touchante eut lieu. Tous les malades, qui pouvaient se tenir debout voulurent accompagner le crucifix que les Sœurs en pleurs portèrent processionnellement dans une petite chapelle, tandis que les administrateurs ricanaient et blasphémaient. Les malades refusèrent unanimement de coucher dans la nouvelle salle.

Quand le jour du châtiment sera arrivé pour la minorité qui se permet de tels actes, vous entendrez ces hommes, si grossiers dans le succès, si plats quand la chance a tourné, recommencer à bêler leurs discours sur la tolérance.

N’est-il pas intéressant, en tout cas, tristement intéressant, il est vrai, de voir les Protestants, qui ont commencé par haïr l’Eglise, en arrivera à haïr le Christ, à renverser partout son image, à interdire qu’on apprenne son nom aux enfants ?

Pour pénible qu’elle soit à nos yeux, cette évolution n’en est pas moins logique. L’époque actuelle a, du moins, cet avantage de dissiper toutes les équivoques, de faire éclore tout ce qui est en germe au fond des choses. Le Protestantisme va où il devait aller, il trouve le but qu’il devait trouver en suivant le chemin qu’il a pris ; il scelle son alliance avec le Juif dans ce reniement de la croix, dans ce crachat jeté à la face du Divin Maître, qui était l’acte d’initiation dans la Franc-Maçonnerie templière, aïeule et source de la Franc-Maçonnerie d’aujourd’hui.


III


LES JUIFS


La haine de l’enfant. — Le sacrifice sanglant. — Les témoignage de l’histoire. — Chaucer et les Contes de Canterbury. — Raphaël Lévy. — L’assassinat du P. Thomas. — Les enlèvements d’enfants en Orient. — Un livre de rabbin converti. — Le culte de Moloch. — Absence d’indépendance chez les savants français. — Les Juifs à l’Académie des Inscriptions. — L’hérédité. — Outrages des Juifs contre le culte catholique. — Les républicains juifs. — Hendlé. — Isaïe Levaillant. — Les témoins juifs devant les tribunaux. — Moyse, Lisbonne et Camille Dreyfus. — Hérold. — Edouard Lockroy. — Hier et aujourd’hui. — L’espion morveux de Robespierre. — Paul Bert et ses mensonges. — Les éditeurs juifs des Manuels. — Petits Juifs. — Michel Bréal. — Camille Sée et la loi sur l’enseignement des filles. — Le Juif et l’école. — Les dénonciations de Charles Laurent. — Monsieur et Madame Neuburger. — Challemel-Lacour. — Les Juifs et la pornographie. — Les publications obscènes. — Ce qu’on voit dans la rue. — Léo Taxil et les Juifs. — La longanimité des catholiques. — Les infamies de la Lanterne. — Le Talmud du ruisseau. — La persécution légale. — Les agents juifs. — L’affaire Clovis Hugues. — Une audience de cour d’assises en 1885. — L’apologie de l’assassinat. — La police nouvelle. — Custodes ipsos quis custodiet ? — Le Paris d’Ignotus. — Les innocents devant les tribunaux. — La magistrature franc-maçonnique et juive. — Quelques types de magistrats. — Bévue. — Les amours d’un président de section au conseil d’Etat. — La chasse au prêtre. — La mort du curé Frairot. — Les Archives Israélites et Mgr Howard. — Nos pauvres Frères. — L’affaire Saint-Elme — Deux députés convaincus de concussion. — As-tu fini ? — La souffrance des humbles. — Un chef-d’œuvre à faire. — Les outrages d’en bas. — Un confesseur de la foi sous la Terreur. — Freycinet. — La persécution à l’hôpital. — Infirmiers et infirmières laïques. — Quentin. — Le docteur Després. — Les Sœurs de Charité et le choléra. — Des malades qui se sauvent. — Un conseiller municipal qui a peur des Prussiens, mais qui ne recule pas devant les Sœurs. — Conclusion.




III


LES JUIFS


Hypocrite chez les Francs-Maçons et les Protestants et exagérée surtout par cette servilité qui pousse certains hommes à se mettre toujours du côté du plus fort, la persécution religieuse prend, avec les Juifs, un caractère d’âpreté tout particulier. Rien pour eux n’est changé ; ils haïssent le Christ en 1886, comme ils le haïssaient du temps de Tibère Auguste, ils le couvrent des mêmes outrages. Fouetter le crucifix le Vendredi-Saint, profaner les hosties, souiller les saintes images, telle est la grande joie du Juif au Moyen Age ; telle est sa grande joie aujourd’hui. Jadis, il s’attaquait au corps des enfants ; aujourd’hui, c’est à leur âme qu’il en veut avec l’enseignement athée ; il saignait jadis, maintenant il empoisonne : lequel vaut mieux ?

En constatant la persistance de ces sentiments de haine chez les Juifs, il est impossible de ne point parler un peu longuement de ce sacrifice sanglant, cette accusation mille fois prouvée et contre laquelle ils se défendent toujours avec l’aplomb qui les caractérise.

Cet usage a-t-il existé réellement ? Renan, à propos de l’affaire Tiszla Elzlar, a délivré aux Juifs un certificat de bonne conduite, « Parmi les calomnies engendrées par la haine et le fanatisme, dit-il, il n’y en a certes pas de plus absurde que celle qui affirme que les Juifs versent le sang à l’occasion de leurs fêtes religieuses. Croire de pareilles histoires n’est rien moins qu’une folie monstrueuse[164]. »

Par malheur d’innombrables faits contredisent le témoignage fort suspect de Renan.

En 1071, à Blois, un enfant est crucifié par les Juifs et ensuite jeté à la rivière ; en 1114, à Norwich, en Angleterre, un enfant de douze ans est attiré dans une maison juive et subit d’affreux supplices ; en 1179, un enfant, que l’Église vénère sous le nom de saint Richard et dont elle célèbre la fête le 25 mars, est assassiné le jour de Pâques ; en 1181, un autre enfant, Radbert, est tué par les Juifs, également au moment des fêtes de Pâques ; en 1236, près d’Haguenau, trois enfants de sept ans sont immolés par les Juifs ; en 1244, un enfant chrétien est martyrisé ; en 1255, un enfant de Lincoln, Hugues, est séquestré jusqu’aux jours de la Pâque, et les Juifs, venus de tous les coins de l’Angleterre, le mettent en croix ; en 1257, en 1261, mêmes attentats à Londres et à Wellsenbourg ; en 1261, à Pforztzheim, près de Bade, une petite fille de sept ans est étranglée ; en 1283, à Mayence, un enfant est vendu par sa nourrice aux Juifs qui le tuent ; en 1285, à Munich, un enfant est saigné ; en 1286, un enfant de quatorze ans, du nom de Uthernher, est martyrisé pendant trois jours ; en 1287, à Berne, un petit garçon, Rudolph, est tué pour la Pâque ; en 1292, 1293, 1295, mêmes fait à Colmar, à Crems, à Berne ; en l303, un petit écolier, Conrad, fils d’un soldat, est égorgé ; en 1345, le bienheureux Henry est égorgé de même ; en 1401, à Düssenlofen, en Wurtemberg, un enfant de quatre ans a le même sort ; en 1407, les Juifs sont expulsés du pays, à la suite de faits semblables ; en 1429, à Rovensbourg, Louis Von Bruck est sacrifié par les Juifs qu’il servait à table pendant la Pâque ; en 1454, en Castille, un enfant est mis en pièces et l’on fait cuire son cœur ; en 1462, un enfant, le bienheureux André, est immolé ; en 1475, martyre du bienheureux petit Simon, à Trente ; en 1480, mêmes crimes à Trévise et en Vénétie ; en 1486, à Ratisbonne, six enfants sont victimes des Juifs ; en 1303, un enfant est livré aux juifs par son propre père ; en 1520, à Biring, deux enfants sont saignés ; en 1541, un enfant de quatre ans, Michel, est torturé pendant trois jours ; en 1547, à Rave, le fils d’un tailleur est crucifié par deux Juifs ; en 1569, un enfant est égorgé par le Juif Jacques de Leozyka ; en 1574, à Punia, en Lithuanie, une petite fille âgée de sept ans est assassinée par le Juif Joachim Smieilavicz ; en 1597, près de Siyalow, les Juifs égorgent un enfant pour asperger de son sang la nouvelle synagogue ; en 1550, à Ladaen, un enfant de cinq ans Mattheus Jillech, est assassiné ; en 1670, le Juif Raphaël Lévy est brûlé vif pour avoir saigné un enfant[165].

Des faits analogues se passent à chaque instant en Orient.

Tous ces crimes sont attestés par d’innombrables historiens dont les témoignages allongeraient démesurément cet ouvrage. M. Rupert, dans son Histoire de la Synagogue, a cité quelques-uns des récits les plus frappants.

Il n’est pas un écrivain du Moyen Age qui ne parle de ces faits comme d’une chose ordinaire.

Le Chroniqueur Saxon, qui mentionne tout ce qui se passe autour de lui et n’oublie pas de noter le temps qu’il fait, a raconté l’assassinat de l’enfant de Norwich.

« En ce temps-là, dit-il, les Juifs de Norwich achetèrent un enfant chrétien avant Pâques et le torturèrent avec toutes les mêmes tortures dont Notre-Seigneur avait été entouré, et, le Vendredi-Saint, ils le pendirent à une corde en haine de Notre-Seigneur et ensuite le brûlèrent. Il fait de merveilleux miracles et on l’appelle saint Guillaume. »

Mais c’est Chaucer peut-être qui est le plus intéressant à consulter sur ce point. Le poète du XVe siècle, qui repose à Westminster et sur la tombe duquel on a gravé quelques jolis vers de la Fleur et de la Feuille, fut le peintre exact des mœurs de son temps. Les Contes de Canterbury (The Canterbury tales) sont une sorte de Décaméron auquel sert de prétexte et de cadre le pèlerinage, ce pèlerinage aux reliques de saint Thomas Becket, qui joua un si grand rôle dans la vie anglaise d’autrefois et qui attirait, chaque année, vers le célèbre sanctuaire, des centaines de milliers de voyageurs non point d’Angleterre seulement, mais des plus lointains pays[166].

Réunis par hasard, des pèlerins de toutes les conditions : un homme de loi, un seigneur campagnard, un capitaine de navire, un riche marchand, un médecin, une commère de Bath, « veuve de cinq maris sans plus, » une supérieure de couvent, conviennent pour charmer l’ennui du chemin de conter tour à tour une histoire. Rien n’est plus touchant que le Récit de la Prieure. Il est vraiment d’un charme si profond dans son mysticisme féminin que nous le traduisons presque en entier en nous efforçant de respecter, autant que possible, la naïveté de l’original.


LE RÉCIT DE LA PRIEURE

… Dans une grande cité d’Asie se trouvait, au milieu du peuple chrétien, une Juiverie, protégée par un seigneur du pays, « for foul usure and lucre of felonye, » odieuse au Christ et à sa compagnie. Et l’on pouvait s’en aller à travers ce quartier à cheval et à pied, car il était libre et ouvert aux deux bouts.

Or, à une des extrémités existait une petite école de chrétiens où se trouvaient des enfants, un grand nombre d’enfants issus de sang chrétien, qui apprenaient dans cette école, année par année, les leçons usitées dans ce pays-là, c’est-à-dire à chanter et à lire, comme le font tous les petits enfants dans leur bas âge.

Parmi les enfants était un fils de veuve, un gentil petit clerc de sept ans d’âge, qui chaque jour venait à l’école, et toutes les fois qu’il voyait une image de la Mère du Christ, il avait en usage, comme on lui avait appris, de s’agenouiller et de dire « Ave Maria » comme il passait par le chemin.

Aussi la veuve avait-elle appris à son petit fils à honorer notre bienheureuse Dame, chère Mère du Christ, et il ne l’oubliait jamais ; car les bons enfants simples apprennent cela bien vite ; et vraiment chaque fois que j’y pense, Nicolas me revient à l’esprit, lui qui, si jeune, au Christ fit révérence. « For he no young to Crist dede reverence. »

Ce petit garçon, encore fort occupé de son abécédaire, entendait d’autres enfants chanter l’Alma Redemptoris qu’ils apprenaient dans leur antiphonaire et lui était assez audacieux pour s’approcher de plus en plus, écoutant constamment les paroles et les notes, jusqu’à ce qu’il sût le premier verset tout à fait par cœur.

Mais il ne comprenait rien à ce latin, tant il était jeune et tendre d’âge. « For he so young and tender was of age. »

Il priait son camarade de lui expliquer ce chant en son langage, et de lui dire pourquoi ce chant était en usage. Ainsi le priait-il, et bien souvent sur ses genoux tout nus, de le lui expliquer et éclaircir.

Son compagnon, un peu plus âgé que lui, répondait ainsi : « Ce chant, m’a-t-on dit, a été fait en l’honneur de notre bienheureuse Dame pour la saluer, et aussi pour la prier d’être notre secours et notre assistance quand nous mourrons. Je ne puis pas t’en dire plus long en cette matière ; car j’apprends le chant, mais je ne sais que fort peu de grammaire. »

Et ce chant a été fait en l’honneur de la Mère du Christ ? disait cet innocent. Oui ! certes, je vais faire grande diligence pour le savoir tout entier, avant la Christmas. Dussé-je être disgracié pour mon abécédaire, et battu trois fois en une heure, je veux le savoir, « I wol it conne, our lady for to honoure. »

Son camarade le lui apprit en particulier, quand ils rentraient à la maison, et cela tous les

jours, jusqu’à ce qu’il le sût par cœur.


Puis il le chanta bien et hardiment.
Tout mot à mot d’accord avec le chant.

Deux fois par jour il repassait à travers sa gorge, quand il allait à l’école et quand il rentrait à la maison ; et toute son intention était placée dans la Mère du Christ. Comme je l’ai dit, ce petit enfant en s’en allant et s’en venant par la Juiverie, chantait et criait plein d’allégresse : O Alma Redemptoris. La douceur de la Mère du Christ avait tellement percé son cœur, que, pour la mieux prier, il ne pouvait cesser de chanter en chemin.

Notre premier ennemi, « the serpent Sathanas, » qui a au cœur des Juifs son nid de guêpes.

That hath in Jewes hert his waspis nest,

se gonfla de rage et dit : « O peuple hébraïque ! hélas ! est-ce là pour vous une chose honnête que semblable gamin se promène à sa guise, à votre grand dépit, et chante une telle chanson qui est contre le respect de vos lois ? »

Dès lors, les Juifs conspirèrent pour chasser cet innocent de ce monde ; ils louèrent un homicide qui avait un domicile retiré dans une allée ; ce maudit Juif le saisit, le tint ferme, lui coupa la gorge et le jeta dans une fosse.

Je dis qu’il le jeta dans un cloaque immonde, où ces Juifs « purgen her entraile. » O maudit peuple ! tous neveux d’Hérode, de quoi vous servira votre mauvais dessein ? Le meurtre sera connu, certes cela ne manquera pas… et la voix du sang couvrira de ses clameurs votre action maudite.

O martyr confirmé en virginité, tu peux chanter à présent et suivre continuellement le céleste agneau dont le grand Evangéliste saint Jean écrivait à Pathmos que les vierges marchent devant lui, en chantant un cantique toujours nouveau.

Et la pauvre veuve attendit toute la nuit son petit chéri, et il ne vint pas. Aussi dès qu’il fit jour, le visage tout pâle de peur et de pensées anxieuses, elle s’en alla le chercher à l’école et ailleurs, jusqu’à ce qu’enfin elle découvrit à force de recherches, que c’était dans le quartier des Juifs qu’on l’avait vu en dernier lieu.

Le cœur rempli d’une maternelle pitié, elle s’en va, à moitié hors d’elle-même, de place en place, partout où elle pouvait supposer trouver son petit enfant. Et sans cesse elle criait vers la Mère du Christ douce et bénigne, et elle alla enfin tout droit le chercher parmi les Juifs maudits.

Elle priait, et suppliait piteusement tous les Juifs qu’elle rencontrait de lui dire si par hasard son fils avait passé là. Ils disaient : non ; mais Jésus, par sa grâce, lui mit en pensée de pousser des cris vers son fils à l’endroit même où on l’avait jeté dans la fosse.

O grand Dieu, qui tires ta louange de la bouche des innocents, telle est donc ta puissance ! Cette perle de chasteté, cette émeraude, bien plus ce brillant rubis du martyre, gisait là, la gorge coupée, et il se mit à chanter Alma Redemptoris mater si haut, que toute la place en retentit.

Le peuple chrétien, qui passait dans la rue, entra pour admirer ce prodige, et en toute hâte on envoya chercher le prévôt. Il arriva aussitôt et sans tarder, et loua le Christ qui est le roi du Ciel, et puis sa Mère, honneur de l’humanité, puis il fit lier les Juifs.

Avec de profondes lamentations, on retira l’enfant qui chantait toujours son chant ; et, avec honneur et grande procession, on le transporta à l’abbaye voisine. Sa mère gisait évanouie près de la bière ; et c’est à peine si les gens qui étaient là purent en arracher cette nouvelle Rachel. Le prévôt fit périr chacun de ces Juifs avec tourments et honteuse mort, et cela sur le champ. Et il ne put s’empêcher de les maudire en disant : Celui-là aura le châtiment qui mérite le châtiment. Il les fit donc traîner par un cheval fougueux, puis suspendre de par la loi.

Et notre innocent reposa sur sa bière devant l’autel, tandis qu’on disait la messe. Puis l’abbé et son couvent engagèrent les bonnes gens à le faire enterrer de suite. Et quand on jeta sur lui l’eau bénite, l’enfant, arrosé de cette eau sainte, parla de nouveau et chanta Alma Redemptoris mater.

Cet abbé, qui était un saint homme (comme le sont les moines, ou du moins devraient l’être), se mit à conjurer le jeune enfant et dit : « O cher enfant, je t’implore en vertu de la Sainte-Trinité, dis-moi donc quelle raison tu as pour chanter, puisque ta gorge est coupée, ce me semble. »

« Ma gorge est coupée jusqu’à l’os de mon cou, dit cet enfant, et par voie de nature j’aurais dû mourir il y a longtemps. Mais Jésus-Christ, comme vous le trouvez dans les livres, veut que sa gloire demeure et reste grande dans les esprits, et pour l’honneur de sa Mère chère, je puis chanter encore Alma, haut et clair.

Cette fontaine de merci, du Christ douce Mère, je l’ai toujours aimée. Et sur le point de mourir je la vis venir à moi ; et elle m’ordonna de chanter cette antienne pendant mon trépas, telle que vous l’avez entendue. Et quand j’eus chanté il me sembla qu’elle déposait un grain sur ma langue.

Voilà pourquoi je chante et je chanterai bien sûr en l’honneur de cette Vierge bénie et toute bonne, jusqu’à qu’on enlève le grain de ma langue. Puis elle me dit aussi :

« Mon petit enfant, alors je viendrai te chercher, quand on aura enlevé le grain de ta langue. N’aie pas peur, je ne t’abandonnerai pas. »

Ce saint moine, cet abbé, je veux dire, tira la langue du petit et en enleva le grain ; et l’enfant rendit l’esprit tout doucement. Et quand l’abbé eut vu cette merveille, ses larmes amères coulèrent comme de la pluie, et il tomba étendu tout de son long par terre, et il y resta longtemps, comme s’il y était, attaché.

Tout le couvent se prosterna aussi sur le sol, pleurant et louant la chère Mère du Christ. Et après s’être relevés et s’être avancés, ils sortirent le martyr de sa bière, et dans une tombe de marbre brillant ils enfermèrent son cher petit corps. « Enclosen they his little body sweet. »

Dieu nous ordonne de le rejoindre là où il est maintenant !

Et toi, jeune Hugues de Lincoln ! tué aussi par les Juifs maudits (la chose est notoire, car elle est bien récente), prie aussi pour nous autres, peuple pécheur et instable, afin que dans sa pitié le Dieu si miséricordieux multiplie sur nous les trésors de sa merci, par révérence pour sa Mère Marie.

O yongë Hughe of Lincoln, slayn also
With cursed Jewës, (as it is notable,
For it nys but a litel while ago)
Pray eek for us, we synful folk unstable
That. of his mercy God so merciable,
Ou us his grete mercy multiple,
For reverence of his modir Mary.

Faisons comme la Prieure, et prions les enfants martyrs d’autrefois, Hugues, Guillaume, Henry et notre petit Parisien, saint Richard, d’intercéder pour leurs camarades d’aujourd’hui victimes de la Franc-Maçonnerie juive. Eux

Eux aussi ne demanderaient, pas mieux que de joindre leurs mains innocentes et de chanter l’Alma Redemptoris mater, eux aussi sont précipités par leurs bourreaux dans un cloaque immonde où, selon l’expression de Chaucer, les Juifs ont vidé le fond de leurs entrailles : l’enseignement laïque. Plaignons-les et prions pour eux !

Nous pourrions, je le répète, multiplier les preuves à l’infini.

La Civitta catholica, dans le numéro du 1er avril 1882, a reproduit toutes les pièces relatives au procès de Trente, en 1475, et conservées aux archives du Vatican.

Rien de plus étrange que les détails de ce procès qui sont d’une incontestable authenticité, rien de saisissant comme les aveux des accusés eux-mêmes. Tout un côté de la vie du passé apparaît brusquement, à nous. Un Juif chargé d’années, Moïse le Vieux, âgé de 80 ans, s’est servi de sang chrétien toute sa vie. Il existe des marchands de sang chrétien, comme Isaac de Cologne et Richard de Brescia, qui fournissent à toutes les demandes. Ours de Saxe est le commis voyageur, le représentant de commerce de ces industriels affreux : il va de ville en ville, de ghetto en ghetto, offrant sa terrible marchandise, et muni d’un billet de son rabbin, Spring. Un autre des accusés, Vitale (anagramme de Levita) a eu pour initiateur son oncle Salomon, qui habitait à Monza, près de Milan. Le sang d’ordinaire était mêlé à un gâteau en forme de triangle, qui a sans doute donné l’idée du triangle franc-maçonnique.

Dans les temps modernes, le procès de Raphaël Lévy, jugé à Metz en 1670, est également d’un extraordinaire intérêt. On ne peut arguer ici de l’éloignement, des superstitions d’époques arriérées ; la chose s’est passée en France, à la fin du XVIIe siècle. Tous les documents sont à la disposition de la critique. Il y a là, tous les éléments qui constituent un drame émouvant, et si les Juifs n’étouffaient pas obstinément tout ce qui leur déplaît, s’il s’agissait d’un catholique, on aurait raconté cette cause célèbre un millier de fois, et on l’aurait publiée dans des livraisons illustrées.

Nous avons pour ce procès un guide excellent, la relation d’un historien très consciencieux, Amelot de la Houssaye, qui a pour titre : Abrégé du procès fait aux Juifs de Metz. Un oratorien, Richard Simon, essaya timidement d’atténuer les faits dans un factum qu’il reproduisit plus tard dans le premier volume de sa Bibliothèque critique, mais on sait le goût qu’avait pour le paradoxe le religieux qui signait la notice sur lui-même, qu’on retrouva à Dieppe en 1863 : R. Schimeon ben Joachim.

Quoiqu’il en soit, les réserves de Richard Simon n’enlèvent, rien à la réalité des faits minutieusement circonstanciés que nous allons résumer le plus rapidement possible.

Le mercredi 25 septembre 1669, environ une heure après midi, la nommée Mangeotte Willemin, femme de Gilles le Moine, charron du village de Glatigni, au pays Messin, allait à une fontaine éloignée de deux cents pas du village pour y laver quelques linges ; elle était suivie de son fils âgé de trois ans, qui était couvert d’un bonnet rouge et qui avait les cheveux blonds et frisés. A vingt-cinq pas de la fontaine, l’enfant se laissa tomber, la mère se retourna pour le relever, mais l’enfant ayant dit qu’il se relèverait tout seul, elle continua son chemin et alla laver son linge convaincue qu’il la suivait.

Environ demi-quart d’heure après, continue Amelot de la Houssaye, cette mère ne voyant point revenir son enfant, elle courut à l’endroit où elle l’avait laissé et ne l’ayant pas trouvé elle crut qu’il s’en était retourné au logis où elle alla à l’instant le demander à son mari et encore à son beau-père et à sa belle-mère, qui lui ayant tous répondu qu’ils ne l’avaient pas vu les uns et les autres, commencèrent à craindre que cet enfant ne se fût égaré, et dans cette appréhension le cherchèrent dans le village, reviennent ensuite à la fontaine avec le maire du lieu, fouillent dans les buissons qui sont auprès, appellent l’enfant par le nom de Didier qu’il avait reçu au baptême, crient et se tourmentent, mais sans le trouver.

La mère, accompagnée de son beau-père et d’une autre femme, s’étant advisée d’aller sur le grand chemin de Metz, éloigné de la fontaine d’environ deux cents pas, y trouva les vestiges des pieds de son enfant, qu’elle suivit jusqu’à ce que les ayant perdus parmi la trace des roues de charrettes et des pieds des chevaux, elle s’en revint le dire à son mari, qui courut en ce moment sur le même chemin et peu après ayant vu venir à lui, du côté de Metz, un cavalier de la compagnie du sieur comte de Vaudemont, nommé Daniel Payer, il lui demanda s’il n’avait point trouvé un enfant, à quoi le cavalier répondit ingénument qu’il avait trouvé un Juif qui était monté sur un cheval blanc, qui avait une grande barbe noire, qui allait du côté de Metz, qui portait un enfant devant lui pouvant être âgé de trois ou quatre ans, et qu’à sa rencontre il s’était éloigné du grand chemin de la portée d’un coup de pistolet.

Ce pauvre père, qui reconnut par la circonstance de l’âge que le Juif lui avait enlevé son enfant, court après lui, demande à la porte de la ville qu’on nomme des Allemands, si on l’avait vu passer. Un nommé Thibault Regnault, tourneur, qui demeure près de la même porte, lui dit qu’il l’avait vu entrer ; mais ce n’était pas assez, car il ne lui disait point où ce Juif était allé, ni où il avait porté l’enfant.

Néanmoins, le père ayant appris, presque dans le même temps, d’un habitant du village de Hez, que ce Juif était Raphaël Lévy de Boulay, lequel cet habitant avait rencontré le même jour sur le grand chemin, portant devant lui quelque chose qu’il couvrait de son manteau, et que, lorsqu’il venait à Metz, il logeait chez le nommé Garçon, Juif, son parent, il fut à l’heure même chez ce Juif demander son enfant. On lui dit qu’on ne savait ce que c’était et que le maître du logis n’y était pas, il se résolut de l’attendre et ayant vu près de la porte une femme, il lui dit encore qu’il cherchait son enfant, et tôt après une fille juive qui revenait de la ville et qui savait que cet homme demandait son enfant, dit, parlant à la femme en langue allemande, qu’il ne fallait rien dire. Ce que le père, qui parle allemand, ayant entendu, s’en revint et ne doutant plus de la perte de son fils, songea dès lors d’en poursuivre la vengeance contre Raphaël Lévy.

Ce Raphaël Levy était un homme de cinquante-six ans, de moyenne taille, les cheveux noirs et frisés, la barbe noire et fort épaisse. Agent juif très zélé, il avait parcouru le Levant, l’Italie, l’Allemagne, la Hollande chargé des intérêts de sa religion. Il était né dans le village de Xelaincourt, situé dans le pays messin et s’était installé depuis quelques années dans la ville de Boulay.

Le procès fut ce que sont tous les procès faits aux Juifs dans lesquels on retrouve sous toutes les latitudes les mêmes procédés qui se reproduisent avec une exactitude surprenante. Tous les Juifs de la contrée se mirent en mouvement, subornèrent les témoins, établirent une correspondance avec l’accusé. Ces lettres saisies furent plus tard une preuve de plus contre lui. Dans l’une d’elles il écrivait aux chefs de la synagogue de Metz :

Chers directeurs, la servante du maître de la prison m’a dit que le Juif qui m’apporte à manger lui a dit qu’on avait lié l’enfant. Ah ! écrivez-moi comment mes affaires sont touchant mes témoins, écrivez-moi de façon ou d’autre, à cette fin que je puisse avoir une fois de la consolation, envoyez-moi du papier ! Le Haman[167] a esté aujourd’hui en prison, a dit qu’il casserait tout ce que la justice a fait ; pour cet effet, ayez égard au Parlement. Je prie que l’on m’assiste, que je sorte de cette misère, et, si j’étais surpris et que je ne puisse parler avec ma chère femme et enfant et que je ne puisse compter dans Metz avec le contrôleur, que ma chère femme de bien et mes enfants puissent avoir un morceau de pain. Je souffriray la mort comme un vrai fils d’Israël et sanctifieray le nom de Dieu ; je demande seulement que l’on marie ma fille Blimelé qui est fiancée et n’abandonner ma femme et mes entants. Je me suis mis dans cette misère pour la communauté, le grand Dieu m’assistera ; je désire l’enterrement judaïque, autrement je ne pardonne pas.

Un autre billet est curieux par les détails qu’il fournit sur les mœurs juives. On envoie à l’accusé un petit fétu de paille qu’il devait mettre sous sa langue au moment des interrogatoires, pour se rendre les juges favorables. On lui recommande aussi de prononcer comme incantation cinq mots hébreux. Un billet est ainsi conçu :

Si en cas (Dieu t’en garde) on te veut donner la question, tu diras trois fois tout cela : Moy Juif. Juif moy, vive Juif, Juif vive, mort Juif, Juif mort.

Les Juifs, qui tenaient de continuels conciliabules chez un de leurs plus zélés coreligionnaires Gédéon Levy, eurent recours à une stratégie analogue à celle qu’ils ont employée dans l’affaire de Tisza-Elzlar ; ils renouvelèrent l’histoire des enfants de Jacob qui, après avoir vendu leur frère, vinrent dire à leur père qu’une bête féroce l’avait dévoré : Fera pessima comedit eum, Ils annoncèrent que l’enfant qu’on cherchait avait été dévoré par les loups.

Ils s’advisèrent, dit Amelot des Houssayes, d’exposer les habits et le reste de cet enfant à laquelle tenoit encore partie du col et des costes, dans on bois éloigné d’un quart de lieue du village de Glatigni, et afin qu’on pût le découvrir plus aisément, ils étendirent sa chemise sur un buisson de la hauteur de trois pieds. Ensuite ils s’adressèrent à plusieurs personnes, et de la ville et de la campagne, pour les obliger d’aller chercher dans le bois, leur disant que s’ils pouvoient trouver quelque reste de cet enfant, ils les reconnoistroient de sommes considérables.

Une femme du village de Ratonsai, qui n’est pas beaucoup éloigné de celuy de Glatigni, a déposé dans l’information faite au Parlement, que trois Juifs de Metz, qu’elle ne connaissoit point par leurs noms, s’adressèrent à elle pour savoir ce que l’on disoit de l’enfant enlevé. Et sur ce qu’elle leur répondit que s’il estoit vray que cet enfant eust esté mangé des bestes, ils dévoient faire chercher dans le bois, qu’on y trouveroit encore quelques petits restes de ses hardes : l’un des Juifs adjouta qu’on pourrait bien aussi y trouver la teste.

En effet, peu de jours après, sçavoir le vingt-sixiesme septembre 1669, quatre porchers, qui gardoient leurs troupeaux dans le mesme bois, trouvèrent la teste d’un enfant avec le col et partie des cotes, deux petites robes l’une dans l’autre, un bas de laine, un bonnet rouge, et une petite chemise étendue sur un buisson, le tout sans estre déchiré, ny ensanglanté.

Sur l’advis qu’ils en donnèrent au père de l’enfant et luy au procureur général, le Parlement commit à leur réquisitoire, un conseiller qui se transporta sur les lieux, et qui dressa procez verbal de l’estat du lieu où l’enfant avoit esté perdu, et de celuy où l’on avoit trouvé une teste et des habits d’enfant, lesquels habits le père reconnut, en présence du conseiller, pour ceux dont son enfant estoit vestu le jour qu’il fut enlevé. A l’égard de l’enfant, il ne put estre reconnu à l’aspect de cette teste, parce que le visage en estoit défiguré, quoy que les chairs parussent assez fraîches et sanguinolentes, selon qu’il est porté par le mesme procez verbal qui en contient la levée.

Dans le mesme temps les porchers furent ouïs, qui déposèrent avoir trouvé les choses exposées de la manière qu’elles ont esté dites cy dessus, et l’un d’eux adjousta qu’il n’estoit pas possible que cet enfant eust esté dévoré par les bestes : car, outre que les habits n’estoient point déchirez ny ensanglantez, il avoit remarqué que lorsque les bestes féroces ravissoient quelques brebis ou autre animal domestique, ils en mangeoient toujours la teste la première.

Cette manœuvre, qui pouvait réussir et qui a réussi dans un pays comme l’Autriche où les Juifs sont tout-puissants, n’avait guère de chance de succès dans un pays comme la France du XVIIe siècle, où les Parlements, jouissant d’une indépendance absolue, jugaient dans la sérénité de leur conscience et sans obéir aux influences extérieures[168].

Les voisins déposèrent qu’ils avaient vu Gédéon Levy entrer dans le bois et en sortir avec une hotte sur le dos quelque temps avant qu’on eût trouvé les habits et la tête de l’enfant. Un autre témoin déclara que ce Gédéon lui avait dit d’aller chercher ces restes et lui avait indiqué l’endroit du bois où il les trouverait.

Le Parlement mit Gédéon Levy en prison et poursuivit l’instruction du procès.

Le crime était évident. Accablé par des témoignages écrasants, Raphaël Levy fut condamné à être brûlé vif et la sentence fut exécutée le 17 janvier 1670.

La mort de cet homme fut véritablement superbe. Il fit ses adieux à quelques-uns de ses coreligionnaires qui l’étaient venus voir, leur recommanda sa femme et ses enfants et, non content de leur promesse, il les obligea à s’engager par serment. Il refusa de boire le vin qu’on lui apporta parce qu’il n’était pas Casher, repoussa le cierge qu’on voulut lui mettre dans la main, donna un vigoureux coup de coude au capucin qui l’exhortait avec une patience digne d’un meilleur sort, en s’écriant qu’il était Juif et qu’il voulait mourir Juif. « Son âme, dit une relation allemande, s’élança un samedi avec sainteté et pureté vers le sein de Dieu. »

Pour les siens qui ne pouvaient pas avoir une seconde d’illusion sur le fait matériel de l’assassinat, mais qui y voyaient l’accomplissement d’un acte rituel, qui vénéraient l’homme qui, ainsi qu’il le disait lui-même, s’était sacrifié pour la communauté, Raphaël Levy était un martyr. Quoiqu’il fût illettré, on le nomma rabbin honorifique après sa mort, on lui décerna le Chover, l’épithète d’honneur ; quand on prononce son nom, on l’appelle Kadosch, le saint et Chasid, le pieux. Les Archives Israélites proposaient, il y a quelques années, de lui élever une statue, elles contenaient également quelques vers de Mme C. P. Merlieux, née Polack, en l’honneur du martyr :

Ombre de Raphaël, pourquoi ta voix plaintive
De tes tristes accents vient-elle me troubler ?
Pourquoi, quittant les cieux, ton âme fugitive,
Errante, à mes regards vient-elle se montrer ?
En vain ma faible voix de ta vertu sublime,
Cherche à redire ici le noble dévouement.
Tu mourus en héros, et ton cœur magnanime
Bénit avec ferveur le nom du Tout-Puissant.

Gédéon Lévy s’en tira avec le bannissement. L’enquête faite à propos de ce crime mit une fois de plus en lumière l’habitude, constante chez les Juifs, d’outrager la foi des autres, de parodier les cérémonies de notre religion. Le Vendredi-Saint de chaque année, les Juifs se réunissaient chez Maieur Schaub pour contrefaire la Passion du Christ et fouetter le crucifix. Nous assistons chaque année à des scènes analogues, seulement, les Juifs étant les maîtres, elles se passent en plein jour.

Après l’affaire de Raphaël Lévy, qui ne laisse pas de place au doute, le fait d’assassinat rituel le plus topique est l’assassinat du P. Thomas, à Damas, en 1840, dont les moindres particularités sont connues, dont il est impossible de nier l’évidence puisque l’événement s’est produit en plein XIXe siècle. Au moment de l’affaire Tisza Elzlar, le journal l’Union d’Alsace-Lorraine a résumé avec infiniment de netteté ce procès fameux.

Le Père Thomas, de l’ordre des Capucins, était aimé de tous à Damas, il exerçait la médecine en même temps qu’il se livrait à l’apostolat, il guérissait les âmes et soignait les corps.

Chrétiens, Turcs et Juifs étaient unanimes à louer son talent et ton inaltérable charité : tous l’appelaient le saint missionnaire. Il s’était attiré la confiance de toutes les classes de la société ; mais, c’est pour les Juifs surtout qu’il se montrait bon et bienveillant, à cause du grand désir qui le pressait de gagner leurs âmes à Dieu. Un jour qu’il fut menacé de mort par un mauvais chrétien dont il refusait de bénir un mariage illicite, il lui tendit le cou en disant : je suis prêt à mourir, mais non à manquer à mon devoir. — Pendant que la peste ravageait Damas, il s’enferma avec les pestiférés et leur prodigua ses soins. Aucune peine, aucun sacrifice ne lui coûtait, quand il s’agissait du bien de ses semblables. Aussi Schérif-Pacha, le gouverneur turc, l’honorait lui-même d’une affection toute particulière. Il avait donné l’ordre à ses serviteurs de lui laisser à toute heure libre accès dans sa demeure.

Il se trouva cependant de misérables fanatiques pour massacrer ce saint homme. Comme il passait un soir le 5 février 1840, devant la maison d’un Israélite, nommé David Harari, ce dernier le pria d’entrer chez lui. Le P. Thomas se rendit sans défiance à cette invitation. David Harari était considéré, en effet, comme le Juif le plus pieux de Damas.

A peine la porte s’était-elle refermée sur le Père, que David Harari, ses deux frères, son oncle et deux autres Juifs se précipitèrent sur le pauvre religieux, le terrassèrent, le bâillonnèrent et le lièrent solidement.

Il vint encore un rabbin ou Chakam, et le barbier juif Soliman fut appelé. Ce dernier reçut l’ordre de couper le cou à la victime et, comme il n’en avait pas le courage, David Harari, le bon et pieux ami du Père, saisit lui-même le couteau ! — Mais sa main tremblait, et la lugubre besogne n’avançait pas, quand son frère Aaron vint à son aide, pendant que Soliman maintenait par la barbe la tête du Père fortement tendue.

Le sang, recueilli et mis en bouteilles, fut envoyé au grand-rabbin. Le corps fut dépouillé de ses vêtements, qu’on brûla, puis désarticulé et coupé en menus morceaux. Les os furent même broyés dans un mortier et tous ces restes informes furent jetés dans un cloaque.

Les malheureux croyaient ainsi faire disparaître à jamais la trace de leur crime.

La nuit venue, Ibrahim Amoran, le serviteur chrétien du Père, inquiet de ne pas le voir rentrer et le sachant dans le quartier juif, s’y rendit pour le chercher. Il y trouva le même sort que son maître. Comme lui, il fut saisi et assassiné par les Juifs, qui s’étaient réunis, dit l’Union d’Alsace-Lorraine, « pour avoir du sang chrétien à mettre dans le doux pain pour la fête du Pourim. »

Mais ces disparitions furent bientôt signalées : on eut des soupçons. Le consul français prit l’affaire à cœur et provoqua une enquête. On savait que Soliman, le barbier juif, avait été appelé cette même nuit dans la maison de David Harari. Il fut arrêté, interrogé, et par ses aveux on retrouva les restes du Père, et on mit la main sur les auteurs des deux crimes.

Des seize personnes arrêtées, deux moururent pendant l’instruction ; quatre furent graciées, entre autres ce Soliman, à cause de leurs révélations ; les dix autres furent condamnées à mort.

La race Juive donna là, un nouvel exemple de son admirable esprit de solidarité, elle mit toute l’Europe en mouvement. Crémieux et Montefiore se transportèrent à Damas ; ils ne purent cependant empêcher une condamnation qui était inévitable puisque les faits étaient prouvés, démontrés, indiscutables, mais ils arrachèrent au vice-roi, en pesant sur lui de tout le poids de la finance juive cosmopolite, la grâce des condamnés. On ne justifiait, ni n’excusait les coupables, on levait simplement une peine justement méritée[169].

Le Moniteur de Rome, dans son numéro du 15 juin 1883, citait des faits de ce genre à une date toute récente.

Il y a quelques années, à Smyrne, lui écrivait son correspondant de Constantinople, un petit enfant appartenant à une des premières familles grecques de la ville fut volé aux approches de la Pâque juive. Quatre jours après, on retrouva, sur les bords de la mer, son cadavre percé de mille coups d’épingle. La mère, folle de douleur, accusa hautement les Juifs de ce meurtre : la population chrétienne se souleva en masse et courut au quartier juif, oû eut lieu un épouvantable massacre : plus de six cents Juifs périrent.

L’année passée, à Balata, le ghetto de Constantinople, un enfant fut attiré dans une maison juive où plus de vingt témoins le virent entrer. Le lendemain, on trouvait son cadavre dans la Corne-d’Or : la conséquence fut encore une émeute.

A Galata, même fait se produisit. M. l’avocat Seroulos, l’avocat le plus renommé de la communauté grecque, adressa une requête à tous les représentants des puissances chrétiennes à Constantinople, pour demander justice et pour obtenir vengeance. Mais les Juifs soudoyèrent la police turque qui fit disparaître les interrogatoires et les dépositions des témoins. Le patriarcat oecuménique, obéissant à des ordres venus d’en haut, fit déclarer, par des médecins stipendiés, que la mère était atteinte d’aliénation mentale. On étouffa l’affaire, quoi que pût faire M. Seroulos, et les Juifs déposèrent au patriarcat oecuménique une somme d’argent, pour servir une pension à la mère de l’enfant volé.

Au commencement de 1883, deux enfants, appartenant à des familles maltaises, furent enlevés par un Juif. Le Stamboul, sur les renseignements fournis par le père d’un des enfants volés, M. Caruana, appela l’attention de la police sur ce rapt et réclama énergiquement la punition du coupable. L’affaire eut un retentissement énorme dans la ville et mit toute la population en révolution.

Le chef de la police de Péra, S. E. Bahri pacha, et le commissaire de police de Galata, chargé d’instruire l’enquête, convaincus par des raisons sonnantes et trébuchantes, s’abstinrent d’interroger le père, la mère et la marraine de l’enfant, ainsi qu’un boucher turc, qui avaient arraché le pauvre petit des mains du ravisseur.

Le Stamboul refusa de démentir le fait quoiqu’on lui eût offert une subvention de mille francs par mois. Que firent les Juifs ? Moyennant un basckchich de six mille livres (cent trente-sept mille francs environ), ils obtinrent la suppression du journal et l’affaire fut étouffée[170].

Sans pouvoir nier les faits de cet ordre, les Juifs ont toujours prétendu qu’ils étaient des actes de férocité individuelle et non l’accomplissement d’un précepte liturgique. Là encore, la science allemande, infiniment plus indépendante que la nôtre, les a convaincus de mensonge. Le docteur Justus, dans une brochure publiée à Paderbonne, Judens spiegel écrit :

« Les livres théologiques des Juifs se partagent en deux catégories, à savoir Peschath et Kabala. A la première classe appartiennent le Talmud et le Schulchan. Or, d’après le Schulchan Aruch, ce n’est pas un péché si un Juif tue un chrétien. (Loi 50 et 81.) Dans le Talmud publié à Amsterdam en 1646, il est ordonné aux Juifs d’exterminer les disciples du Nazaréen. (Sanhédrin Pireck X, Cheleck et Aboda, Sarah Pireck I.)

« Quelques pages plus loin on lit :

« Il est étonnant que le sang des Klipoth, c’est-à-dire des filles non juives soit cependant un sacrifice si agréable au Ciel. C’est au point que verser le sang d’une jeune fille non juive est un sacrifice aussi saint que celui des plus précieux parfums, en même temps qu’un moyen de se réconcilier avec Dieu et d’attirer ses bénédictions. »

La question, du reste, a été élucidée complètement dans un livre fort curieux : Réfutation de la religion des Juifs et de leurs rites par démonstration du vieux et du nouveau Testament. L’auteur est un Juif, né au siècle dernier, et de rabbin, devenu moine.

Rien n’est plus singulier que la destinée de ce livre, même pour ceux qui connaissent avec quel soin les Israélites font disparaître tout ce qui peut éclairer l’opinion sur leur compte. Publié d’abord en 1803, en langue moldave, il fut traduit en grec moderne par Jean de Giorgio, et en arabe par les Orientaux qui, victimes séculaires des Juifs, s’intéressent à la question sémitique beaucoup plus que nous ne le supposons. Réimprimé à maintes reprises en Roumanie, à Constantinople et dans plusieurs villes d’Orient, il a toujours disparu. Un habitant de Damiata écrivait à ce sujet : « On peut appeler riche d’un grand trésor celui qui en possède une copie, et très riche, qui en possède un exemplaire imprimé. La cause de ce fait est l’or juif qui a essayé de faire disparaître du monde le souvenir de cet ouvrage. »

Une nouvelle édition, imprimée en grec, a paru en 1834 à la typographie patriarcale. C’est d’après un exemplaire de cette édition, devenue elle-même fort rare, qu’un illustre savant d’Italie a eu l’idée de traduire en italien le chapitre spécialement consacré au rite du sang.

En 1883, l’ouvrage paraissait sous ce titre : Il sangue cristiano nei riti e tracci della moderne sinagogua revelazioni di neofito ex rabbino monaco greco per la prima volta publicate in italia versione dal greco del professore N. F. S.[171].

On comprend, en lisant cet ouvrage, le zèle que les Juifs mirent à en anéantir même la trace et les cris de fureur que poussèrent les Archives Israélites lors de sa réimpression, il y a trois ans[172].

Le dessous de la vie du Moyen Age apparaît là de la plus saisissante façon. On se rend compte de mille points obscurs, du secret impénétrable dont les Juifs s’entouraient, de la défiance persistante dont ils étaient l’objet et qu’un nouveau crime venait ranimer au moment où elle commençait à s’effacer, de détails incompréhensibles de certains procès de sorcellerie. Une fois de plus s’évanouit la légende sotte qu’on veut nous faire accepter, l’éternelle mystification d’hommes très méchants habillés en Inquisiteurs persécutant un Juif qui est le modèle de toutes les vertus. Nous pénétrons dans l’antre de l’alchimiste se livrant à d’étranges mixtures, demandant du sang pour ses opérations à ceux qui s’adressent à lui sous prétexte de découvrir la pierre philosophale, l’anima mundi et, en réalité, pour accomplir un rite monstrueux, écho des abominables mystères d’Astoret.

Ce qu’on adore dans le ghetto, ce n’est pas le dieu de Moïse, c’est l’affreux Moloch phénicien auquel il faut, comme victimes humaines, des enfants et des vierges.

L’existence de l’ancien Israël, d’ailleurs, fut-elle autre chose qu’une lutte perpétuelle entre le Molochisme et le Jehovisme ? Moloch, dont le symbole est le taureau d’airain de Carthage, qu’on fait à certains jours rougir au feu et qu’on bourre de chair humaine, est la divinité sémitique par excellence. C’est vers lui et vers Baal, dont le symbole est un âne, que les Juifs sont sans cesse attirés par l’attraction de la race. C’est lui que Manassé et les autres rois prévaricateurs installent dans le Temple profané ; c’est à lui qu’on offre d’effroyables sacrifices sur les hauts lieux. C’est contre lui que les Prophètes s’élèvent sans se lasser avec une énergie dans l’indignation, une violence dans le langage qui retentissent encore à travers les siècles. Ils bravent la mort pour combattre l’idolâtrie, ils annoncent les châtiments prochains, ils vont, dans leur zèle intrépide, renverser les faux dieux, les images impudiques et barbares. Il n’est pas une page de la Bible qui ne témoigne de ces efforts pour défendre l’idée du vrai Dieu contre les superstitions corruptrices des peuples voisins.

Le Pentateuque, lui-même, met en garde les Hébreux contre l’habitude de boire du sang chaud soit à la chasse, soit devant l’autel.

Seulement, sois ferme, ne fléchis pas ; résiste à l’inclination de manger du sang ; — non, tu ne dois pas le manger ; je veux que tu le verses sur le sol comme de l’eau.

Les prescriptions relatives à la viande, observées encore par les Israélites modernes, semblent un souvenir de ces précautions, contre cette volupté du sang propre à la famille sémitique et que les Aryens ne connurent pas.

Les écrivains allemands ont parfaitement dégagé tous ces points. Frédéric Daumer (Le culte du Moloch chez les Hébreux de l’antiquité, recherches critiques et historiques) et T. W. Ghillany (Les Sacrifices humains chez les Hébreux de l’antiquité) sont arrivés à la même conclusion sans se connaître puisque leurs travaux ont été publiés la même année[173]. Daumer emploie beaucoup de précautions, il est vrai, et déclare qu’il ne rend pas le peuple israélite responsable des actes « de quelques fanatiques qui célébraient par ci par là une fête molochiste ; » il n’en montre pas moins l’étroite connexion qui existe entre les mœurs d’Israël à certaines époques et les holocaustes sanglants du Moyen Age[174].

Par une sorte de phénomène de regression, le Juif du Moyen Age, tombé dans la dégradation, en revint à ses erreurs primitives, céda à l’impulsion première de la race, retourna au sacrifice humain.

A ces réminiscences des dépravations phéniciennes s’ajoute un sentiment bizarre et explicable cependant. Le Juif est troublé involontairement par cette atmosphère de foi ardente qui règne autour de lui aux premiers siècles du christianisme, il est frappé par les miracles qu’accomplissent les saints ; il a beau se raidir contre la Vérité, il a des moments d’anxiété terrible, il est ému du sens si clair de certaines prophéties et il s’imagine que, si le Christ est vraiment le Messie, la gouttelette de sang d’un baptisé absorbée par un circoncis, suffira à assurer son salut.

L’écho de ces choses arrive au dehors et ceux qui veillent sur la société se bornent simplement à défendre le travail de l’homme contre l’usure, la vie de l’enfant contre l’assassinat rituel ; — ce qui leur vaut aujourd’hui les anathèmes de la Franc-Maçonnerie pleurant sur le sort du bon Juif.

L’école historique française, encore une fois, a passé à côté de tout cela sans le voir, en dépit des méthodes nouvelles d’investigation qu’elle prétend avoir inventées. Elle s’est arrêtée niaisement devant des oubliettes qui, selon Viollet-le-Duc lui-même, étaient des latrines, devant des in pace qui étaient des celliers, elle n’est pas entrée dans ce sacrificarium mystérieux, dans ce cabinet plus sanglant que celui de Barbe-Bleue, où dorment exsangues et les veines taries les enfantines victimes de la superstition sémitique.

Peut-être un de nos jeunes savants entreprendra-t-il quelque jour un travail dans ce sens ? Peut-être essaiera-t-il de rechercher l’origine, de reconstituer l’existence de cette secte effroyable que la Civitta Catholica croit être celle des Kasadim ou des Kabalistes ? Peut-être nous racontera-t-il les transformations de cette association analogue à celle des Assassins du Vieux de la Montagne, des Skopsis de Russie, des Thugs de l’Inde, qui, après avoir été toute-puissante au Moyen Age, ne semble plus être représentée dans le Judaïsme moderne, épris uniquement à l’heure actuelle de luxe et de bien-être, que par quelques retardataires isolés. Il faudrait, à l’auteur d’un tel travail, outre l’indépendance matérielle, l’indépendance morale si rare à notre époque, le détachement de la publicité dont les Juifs disposent seuls, le renoncement à ces rubans, à ces places bien rétribuées, à ces sièges d’académiciens après lesquels chacun court si vite qu’il oublie sa conscience en chemin.

Ce qui s’est passé en 1883, à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, pour le prix biennal de vingt mille francs, n’est guère fait pour encourager la jeunesse studieuse. Sous prétexte qu’Oppert, qui avait eu le prix la première fois, était Juif, Renan profita de ce que l’assemblée n’était pas en nombre pour faire voter pour Paul Mayer — encore un ! — fils d’un Juif allemand. Après lui, on avait inscrit sur la liste le Juif Darmesteter et Maspero, un Italien dont la mère avait pour devise mai spero.

En entendant lire ces noms à désinence exotique, un vieil érudit, un de ces vieillards blancs, comme disait Chenier, qui vivent à demi dans leurs souvenirs, eut un mot mélancolique et touchant : » Nos jeunes savants d’origine française, ne travaillent donc plus, demanda-t-il, pour qu’on ne nous présente que des descendants d’étrangers ? » Un ricanement énorme s’éleva, raillant la naïveté patriotique du vieillard, et tous les membres se précipitèrent au dehors pour avoir l’honneur d’annoncer les premiers au fils de l’Allemand qu’il avait la grande récompense qui aurait fait la joie de tant de travailleurs français, honnêtes, modestes et pauvres.

Nul, dans cette assemblée où l’on compte quelques catholiques, n’eut l’idée de préférer à ce Mayer notre cher et grand Léon Gautier, l’érudit-poëte qui aime la France chrétienne d’un amour si enthousiaste et si jeune, qui communique soudain à tout ce qu’il touche parmi ces vieilles choses du passé la fraîcheur, la couleur et la vie. Qui sait ce qu’a écrit Mayer ? Quelques rapsodies sur une chanson de la croisade albigeoise dont il s’est occupé parce que les Juifs étaient mêlés là-dedans et à laquelle il n’a rien compris, s’il faut en croire M. Cénac-Moncaux. Qui ne connaît, au contraire, Les Epopées françaises et cet admirable livre : La Chevalerie, que l’auteur a porté vingt ans dans son cerveau, ou plutôt dans son cœur, et dont j’ai entendu M. de Mun parler avec un ravissement attendri[175] ?

En attendant que les savants français osent s’occuper de ces questions, nous renvoyons nos lecteurs à cette brochure du moine grec, qui est d’un palpitant intérêt ; ils y trouveront au long l’emploi divers du sang humain pour les cérémonies différentes, la circoncision, le mariage, les funérailles, le Pourim et la Pâque.

Il y a là encore un grand jour jeté sur cette tradition orale qui se transmet de père en fils et qui rendit les Juifs si forts par l’habitude de porter en commun un secret terrible, sur ce Judaïsme inconnu dont aucun livre ne parle et qui chemine à travers les âges sans que nul regard profane l’aperçoive.

Pour recevoir la confidence du secret d’Israël, le père choisit parmi ses fils celui qui lui paraît le plus digne de confiance, à l’époque où les Juifs ont coutume de placer sur la tête de leurs enfants ce qu’ils appellent la Couronne du courage ; ils l’initient et lui font jurer de la façon la plus solennelle de ne jamais rien révéler ni aux frères, ni aux sœurs, ni à la mère, ni à personne vivante et surtout à aucune femme.

Mon fils, dit le père du moine grec qui nous a transmis ces détails, que la terre refuse la sépulture à ton corps, qu’elle te repousse de son sein après ta mort, si jamais, dans quelque persécution terrible que tu te puisses trouver, tu dévoiles ce que je t’indique, tais-toi là-dessus, même si tu devenais chrétien pour ton intérêt ou pour un motif quelconque.

En dehors des pays reculés, nos Juifs modernes sont-ils encore fidèles à ces pratiques ? Je ne le pense pas, sans être éloigné de croire que certains cas isolés se produisent de temps en temps et viennent grossir le chiffre de ces crimes ignorés, de ces disparitions énigmatiques sur lesquelles on ne veut pas faire la lumière.

Le sacrifice sanglant, nous le répétons, s’il procède de l’aversion du Juif pour le goy, s’il fut encouragé par quelques livres de Kabbale, peut-être même par quelques pasages du Talmud, n’a rien de commun avec la loi mosaïque ; il représente une crise, une phase de la vie de cet étrange peuple qui changea si souvent d’orientation, qui eut la phase guerrière et patriotique dans sa défense contre les Romains, la phase conspiratrice au XIIIe et au XIVe siècle avec les Templiers, la phase ténébreuse et sanguinaire après l’insuccès de ces tentatives, la phase de recueillement pendant le XVIe et le XVIIe siècle, la phase franc-maçonnique au XVIIIe siècle, la phase socialiste, financière, cosmopolite au XIXe siècle.

En tous cas, la haine du Christ, du chrétien, du crucifix, du religieux est restée aussi vive qu’autrefois.

L’étude physiologique ne serait guère moins intéressante que l’étude historique, dont nous parlions tout à l’heure, si les savants, pour de bonnes raisons, ne s’obstinaient à éviter toutes ces questions et à nous présenter, dans le passé comme dans le présent, un Juif de convention qui n’a aucun rapport avec le Juif réel.

L’analyse de ces sentiments de haine contre les objets inanimés eux-mêmes qui représentent des idées chrétiennes, entre dans la catégorie de ces phénomènes à la fois moraux et physiologiques qu’a étudiés M. Ribot, dans son livre sur l’Hérédité ; on peut dire à leur sujet ce que dit Montaigne : « Quel monstre est-ce que cette goutte de semence de quoy nous sommes produits et qui porte en soy les impressions, non de la forme corporelle seulement, mais des pensements et inclinations de nos pères[176] ? »

Je n’ai point vu cependant ce point traité dans ce livre de l’Hérédité physiologique, qui n’est pas sans valeur, quoique la conception générale manque d’élévation ; je n’ai rencontré qu’un dithyrambe de M. Candoles, qui croit qu’un État juif serait la réalisation de la Salente idéale. Ce monsieur a maintenant dans la France actuelle l’État de ses rêves. C’est du propre !

Quoi qu’il en soit, cette haine héréditaire fait comprendre ce qui se passe sous nos yeux et qui serait absolument Incompréhensible autrement. Le déchaînement d’invectives, de grossièretés, de violences contre le Christ, la Vierge, l’Eglise, le Clergé, ne répond effectivement à aucun sentiment réel de la population ; il est absolument factice, il est organisé par les Juifs avec l’habileté qu’ils mettent à organiser autour d’une affaire financière, grâce à leurs journaux, un courant de fausse opinion publique. Nous avons vu l’opération se faire sous nos yeux. Il y a dix ans, même après la Commune, vingt mille hommes suivaient le cortège funèbre du Frère Philippe et les ouvriers, les moins religieux, parlaient avec affection et respect des bons Frères qui les avaient élevés et avaient fait d’eux d’honnêtes gens.

J’ajoute que, si elle était l’expression sincère de l’état d’esprit général, une telle explosion de haine serait un fait qui se produirait pour la première fois dans l’histoire, dans de telles conditions. Les peuples, même devenus indifférents, tiennent à la religion de leurs ancêtres par les liens du souvenir. Longtemps après la venue du Christ, les Romains restaient encore attachés à leurs Pénates, à leur dieu Terme, au Génie du lieu qui avaient été associés à l’existence de la famille. Le Baptême, la première Communion, le Mariage à l’église, sont des dates chères encore à l’immense majorité des Parisiens eux-mêmes, de ceux-là dont la foi est la plus tiède.

Certaines abbayes d’autrefois, avec leurs vastes domaines et leurs riches revenus, pouvaient exciter l’envie. Les congrégations à l’heure actuelle sont toutes pauvres ; ce qui suffit à faire vivre des milliers d’êtres humains n’est rien à côté de ce que possède pour lui seul un de nos grands banquiers juifs d’aujourd’hui.

Est-ce donc le sort du pauvre desservant de campagne, du curé même qui justifie ces colères ? Assis au confessionnal pendant de longues heures, ou debout à l’autel dans une église souvent glaciale, toujours prêt à aller consoler ceux qui l’appellent et qui habitent parfois à deux ou trois lieues du presbytère, il se met en route quelque temps qu’il fasse ; ni le soleil l’été, ni la neige l’hiver ne l’arrêtent. Pour cela il touche quelquefois huit cents francs, douze ou quinze cents francs au plus. Quel petit remisier juif accepterai une telle tâche pour un tel salaire ?

Au fond, l’immense majorité de la nation est sympathique à ces braves gens que les Juifs seuls haïssent vraiment.

Chez les Juifs illettrés cette haine du chrétien se traduit sous la forme du mouvement brutal, c’est l’impulsion irrésistible dont parlent les aliénistes. Chaque jour les faits divers nous apportent une preuve de cette situation d’esprit se manifestant sous l’apparence de l’attaque violente. Le 2 février 1881, c’est un Juif qui vient troubler une cérémonie funèbre.

Un incident, déplorable à tous les points de vue, s’est produit, avant-hier, à l’église Saint-Eustache.

On enterrait les deux pauvres petites filles qui ont péri dans l’incendie de la rue des Deux-Ecus : Jeanne et Marie Verpillat. Une foule très grande assistait à cette douloureuse cérémonie, s’unissant de cœur à la douleur des parents, quand tout à coup des clameurs retentirent ; un individu ivre venait d’entrer et trouvait très amusant de crier à tue-tête.

Le suisse s’approcha de cet homme pour le faire sortir et mettre fin à cette scène scandaleuse, mais l’ivrogne résista et se mit crier encore plus fort. En même temps, quelques curieux entrés à sa suite, et qui trouvaient la chose drôle, entourèrent le suisse et voulurent l’empêcher de faire son devoir.

Heureusement, des agents arrivèrent et rétablirent l’ordre en conduisant l’ivrogne au commissariat des Halles. C’est un sieur Eugène David, âgé de vingt-huit ans, homme de peine[177]

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Le 24 octobre 1882, un fait plus grave se passe à Lyon.

Ce matin, dit le Gaulois, un individu d’une quarantaine d’années est entré, le chapeau sur la tête, dans l’église Saint-Bonaventure. Il était six heures du matin, le curé disait sa messe.

L’inconnu s’est avancé vers l’autel. Il a souffleté le prêtre ; puis, saisissant le calice, il l’a jeté par terre et répandu les hosties sut le sol. En commettant ces sacrilèges, il s’écria : « En voilà assez ! Il faut que toutes ces comédies finissent. »

Tout cela avait été fait comme en un clin d’œil. Quand les fidèles, revenus de leur stupeur, arrêtèrent l’inconnu, celui-ci n’opposa pas de résistance.

Conduit au poste, l’individu déclara qu’il était Israélite.

Au mois de décembre 1885, la France raconte les exploits d’un autre Juif, nommé Weber, qui, au moment de la grand’messe, entre dans l’église de Clamart le chapeau sur la tête, le cigare à la bouche et vient se camper au pied du maitre-autel en narguant les fidèles.

Il fallut l’intervention des gendarmes pour expulser ce mécréant.

Le 21 mars 1882, jour de la mi-carême, les Juifs organisèrent à Roubaix une mascarade impie.

Fait incroyable, dit le journal de la localité, aucunes poursuites n’ont été exercées contre de sinistres farceurs qui, le jour de la mi-carême, ont organisé une mascarade outrageante pour les catholiques. Sur un char, dans un confessionnal surmonté d’un coffre-fort, un individu, revêtu de l’habit ecclésiastique, recevait les confidences de drôlesses, en costume ressemblant à celui des religieuses, qui venaient s’agenouiller à tour de rôle devant lui, lui remettre une pièce d’argent et, après l’avoir embrassé, se retiraient en simulant le signe de la croix.

Le public, indigné et écœuré de cet ignoble spectacle, voulait l’empêcher, mais deux agents protégeaient le char contre toute manifestation hostile.

Il est peu de jours où quelque scandale ne se produise dans une église avec l’appui tacite de l’autorité. J’ai vu le jour de Noël, à Saint-Pierre du Gros Caillou, pendant la messe de minuit, des individus au type sémitique se livrer à de grossières plaisanteries dans l’église, en présence des gardiens de la paix qui ne bougeaient pas.

Remarquez que depuis des siècles aucune attaque de ce genre n’est venue du côté des catholiques. Il n’y a point d’exemples que l’un de nous ait insulté un rabbin, ait pénétré dans une synagogue pour troubler les cérémonies, ait manqué de respect aux choses que les autres vénèrent.

Dans l’âme généreuse et large de l’Aryen, la tolérance est une vertu naturelle et il faut l’exciter bien longtemps pour le décider à user de son droit de légitime défense.

Mais ceci n’est qu’un très petit côté de la persécution juive, la bonne, la vraie, est celle qui est exercée par les Juifs qui disposent de l’autorité et de l’opinion, les ’lamdauine’, les lettrés, ministres, sénateurs, députés, journalistes. Partout vous rencontrez un de ceux-là toutes les fois qu’il s’agit de faire du mal.

C’est un Juif autrichien, Hendlé, devenu préfet de Saône-et-Loire qui, nous l’avons vu déjà, s’entend avec un Juif nommé Schnerb, directeur de la Sûreté générale, et autrefois rédacteur en chef d’un journal pornographique, pour organiser la destruction des croix à Montceau-les-Mines, faire condamner quelques-uns de nos ouvriers français et permettre ainsi l’introduction en France d’un plus grand nombre de ses coreligionnaires étrangers[178].

Hendlé reçut de l’avancement, comme il convenait, et alla continuer le cours de ses exploits dans la Seine-Inférieure. À Dieppe, il fut un moment gêné. Il existait là une école tenue par des religieuses qui jouissaient de l’estime et de l’affection de la population tout entière. La municipalité s’opposait résolument à ce qu’on chassât les Sœurs.

Plutôt que de consentir à cette infamie, M. Levert et ses adjoints donnèrent leur démission et furent immédiatement réélus à l’unanimité par le conseil municipal. Hendlé ne pouvait employer le fameux argument : « la voix du peuple, la volonté générale ; » il se rappelle alors les articles qu’il a publiés jadis dans les Archives Israélites sur les Juifs en Pologne, il se dit qu’on peut imiter les Russes et tout se permettre en pays conquis ; il crochette les portes de l’école et jette les religieuses dans la rue[179].

Exalté par ce triomphe, il devient furieux quand il retrouve devant lui ce crucifix qu’il hait tant. Un jour, cependant, il se heurte à un homme résolu comme il y en a malheureusement trop peu à notre époque. Pour remplacer un crucifix enlevé, M. Auge, maire d’Hermanville, vient lui-même acheter à Dieppe, un magnifique Christ, et, le 7 octobre 1882, le fait placer avec l’inscription suivante :

Ce Christ a été posé à l’école communale d’Hermanville a la suite d’une souscription faite par le maire, le conseil municipal et toute la population à l’unanimité.

Hendlé et ses agents écument, ils menacent de faire fermer l’école, le maire regarde bien en face ces misérables et leur dit froidement : « Ce Christ est dans notre école et il y restera, c’est la volonté de mes administrés. Si vous y touchez, je fais sonner le tocsin et alors gare ! »

Il n’en fallait pas plus, on le devine, pour donner à des Juifs une panique épouvantable, et le préfet Hendlé s’en fut épancher, en blasphémant dans les cafés de la ville, sa rage de n’avoir pas pu toucher au Christ.

Ce qui surpasse, ce qui donne l’idée du degré où les caractères sont descendus, c’est de voir une femme, qui a du sang royal dans les veines, la duchesse de Chartres, aller rendre visite, avant son départ de Rouen, à la femme d’un Hendlé, du représentant du gouvernement qui vient de chasser son mari de l’armée, aller présenter ses hommages à cette fée Carabosse qui a pour le Christ plus de haine encore que le préfet républicain lui-même !

Isaïe Levaillant, ancien élève rabbin, jadis associé avec Cyprien Girerd, pour l’affaire du faux petit papier trouvé dans un wagon, est un autre type de Juif. Celui-là n’aime pas les persécutions… pour les siens. Dans un article des Archives Israélites (année 1866), il reproche à M. Swchab de ne pas s’indigner assez quand il raconte les persécutions subies par les Juifs en Espagne et leur expulsion en masse du territoire. « Il aurait fallu, s’écrie-t-il, au lieu d’un abrégé, qui sent un peu le procès-verbal, quelques paroles émues et éloquentes. »

En attendant qu’il puisse expulser en masse tous les chrétiens, ce Juif, si sentimental quand il s’agissait d’Israël, juge charmant de faire mourir nos prêtres de faim. Préfet de la Haute-Savoie, il voulait empêcher Mgr Isoard de faire son devoir d’évêque, et, ne pouvant l’atteindre, frappa sans pitié sur les desservants qui furent sublimes d’abnégation et aimèrent mieux renoncer à leur pain que de manquer à leur devoir.

Isaïe Levaillant se vengea de cette résistance sur une pauvre religieuse. A vrai dire, Sœur Blandine, tel est nom de la victime de ce méchant Juif, n’était pas sans reproche ; elle avait commis un grand crime. En ce pays peu fortuné, où les servantes de Dieu se souviennent parfoi qu’elles sont filles du peuple, la paysanne parfois revient sous l’institutrice, et ma foi celle-ci, pour économiser lessive, retroussa ses manches et, un jeudi, lava dans l’école. On ajoute même qu’elle profita de l’occasion pour donner une leçon à quelques fillettes qui se tenaient là et leur apprendre à se rendre utiles dans leurs pauvres familles.

Il se trouva par malheur que chez Isaïe Levaillant l’atavisme juif se produit d’une façon toute particulière ; il reste, sous l’habit du préfet, le « Juif sordide et chassieux » dont parle Saint-Victor, et que Rembrandt a dessiné souvent dans le pittoresque de ses haillons crasseux. Le président du Conseil général du département, qu’il quitta pour Annecy, disait de lui en pleine séance : « On ne peut se faire une idée de l’état de malpropreté et de puanteur dans lequel le préfet Levaillant a laissé notre préfecture[180]. » La pauvre Sœur, coupable d’aimer la propreté dans un département où le préfet était sale par goût, fut frappée de destitution. Si mes souvenirs sont exacts, quelques braves femmes qui avaient voulu manifester en sa faveur furent même punies de la prison[181].

Au prétoire nous retrouvons le Juif fidèle à sa haine pour le Christ. Nous l’avons vu jadis s’efforcer de se débarrasser du serment More judaico, protester qu’il voulait n’être distingué par rien de ses frères les Français, qu’il tenait à entrer dans la collectivité ; dès qu’il y est c’est pour faire scandale.

Un Juif, nommé Moyse[182], refuse une première fois de prêter serment devant le Christ. Un autre Juif, ancien condamné de la Commune, Lisbonne[183], imite cet exemple. Il faut voir comme le président est poli, il prend le récalcitrant par la douceur : « Voyons, monsieur Lisbonne, soyez donc indulgent pour notre Christ, il nous est bien difficile de faire disparaître ce tableau pour vous. »

Avec Camille Dreyfus même mise en scène. Chacun sait ce que c’est que ce Camille Dreyfus, et sur quel fumier a poussé cette fleur vénéneuse de ghetto ; condamné pour avoir insulté un prêtre, ainsi qu’il s’en vantait dans une circulaire aux électeurs du Gros Caillou, ce Dreyfus n’en a pas moins reçu de Wilson une croix qu’il déshonore.

L’impression de répulsion qu’il inspire, en venant insulter devant ce tribunal la religion de la majorité, l’enchante loin de l’humilier. Pourvu qu’il y ait du bruit autour de son nom, le Juif ne s’occupe guère de savoir si ce bruit est un applaudissement ou une huée ; il confond la famosité malsaine avec la belle gloire, il préfère même la famosité, elle rapporte, effectivement : quand quelqu’un a un mauvais coup à proposer, il sait où aller.

Regardez au point de vue physiologique, comme le Dreyfus se carre devant le tribunal ; il se panade, dirait La Fontaine, il piaffe, écrirait Saint-Simon, Il est tout fier d’être en scène. On dit : « C’est Dreyfus, vous savez bien Dreyfus, l’homme de paille de Wilson pour les jolies négociations que vous connaissez, Dreyfus l’agent de la Compagnie du gaz. » Dreyfus est heureux, il sourit, la névrose vaniteuse de cette race, née pour le cabotinage, s’épanouit en liberté.

Ces faits, d’ailleurs, mettent bien en relief ce qu’on pourrait appeler le goujatisme constitutionel du Juif. Un chrétien serait incapable d’une manifestation de ce genre[184]. Prenez un grand seigneur, un paysan, un ouvrier de souche vraiment française, vous retrouverez chez tous, dans des conditions diverses, cette distinction de sentiments, ce don inné de la sociabilité qui caractérise l’Aryen, cette préoccupation de se faire respecter mais de ne pas choquer son prochain. Rien de semblable chez le Juif ; dès qu’il le peut, il s’étale, il attire l’attention sur lui, il gêne les autres.

Ce qu’il convient d’observer encore, c’est l’importance que prennent ces scrupules dès qu’il s’agit du Juif[185]. La Cour de cassation en délibère, on change la loi qui déplaît. « Attenter à la liberté de conscience, monsieur, y songez-vous ? » Je me suis toujours demandé en quoi pouvait bien être la liberté de conscience du Juif, qui est l’objet de tant de sollicitude. Est-elle donc en émeraude sans tache, en diamant ? Ce qui est certain, c’est qu’elle est d’une autre espèce que la nôtre. Les catholiques, les religieux ont subi des atteintes autrement cruelles à leur conscience, ils n’ont jamais pu seulement arriver à un tribunal, on les a arrêtés en route et la Cour de cassation n’a jamais statué sur leur cas. Ce sont des goym, encore une fois, des êtres un peu au-dessus du chien en ce sens qu’ils paient plus d’impôt que lui.

Cherchez dans l’histoire des peuples vaincus une race qu’on ait mis aussi complètement en dehors du droit commun et je vous défie de m’en citer une.

Partout où l’attaque contre la religion prend un caractère particulièrement répulsif et odieux, vous rencontrez le Juif allemand. Hérold, en se portant candidat, en 1869, dans l’Ardèche, protestait en vain contre l’opinion publique qui affirmait son origine juive. Sa figure démentait énergiquement son discours. Sans doute il appartenait à la classe des Juifs interlopes qui ne pratiquent aucune religion, mais il suffit d’examiner le type pour connaître la vérité, pour reconstituer l’évolution qui fut commune à ce sectaire et à beaucoup d’autres.

Hérold est, sous ce rapport, un spécimen excellent à observer. Le grand-père, petit professeur de musique allemand, arrive à Paris, y prend pied modestement ; le fils y compose des opéras comiques. La Franc-Maçonnerie juive qui sait, par la tradition orale, que le compositeur est de la compagnie, déclare qu’on n’a jamais rien vu d’aussi remarquable que cette musique, mais ostensiblement l’auteur de Zampa se conforme aux mœurs du pays et quand il meurt on l’enterre religieusement à Saint-Louis-d’Antin.

Le petit-fils se déclare d’abord Protestant quoiqu’il ne se soit jamais converti, que je sache, au Protestantisme. Puis le milieu se trouve favorable, le germe de haine juive se développe ; le fils du musicien aimable devient le frénétique que vous savez, insultant les Sœurs, empilant les crucifix dans les tombereaux, s’entourant de Juifs, prenant pour chef de cabinet un Juif, nommé Lyon, qui trépignait de joie à chaque infamie, enfin il meurt en inspirant le dégoût à ceux même dont il a flatté les plus bas instincts.

Ce phénomène d’atavisme[186] qui, selon la loi ordinaire, saute deux, et parfois trois générations, est physique autant que moral ; il se traduit même par les traits du visage.

L’auteur de Zampa apparaît dans ses portraits un peu mélancolique, mais point méchant.

Avec ses lunettes d’or et le bas de sa figure, qui est vipérin comme celui du fils, le préfet, il a bien l’air d’un changeur d’or de Francfort, mais une impression de rêverie souffreteuse et de tristesse tempère l’ensemble et prête même un charme voilé à ces yeux rusés. On ressent particulièrement cette sensation devant la belle lithographie de L. Dupré (L. Dupré à son ami Hérold), qui représente le musicien entouré de ses partitions et posant la main droite sur les touches d’un clavecin. Cæcilie Brand a particulièrement accusé le côté allemand.

Qui ne connaît la repoussante figure d’Hérold, avec ses yeux chassieux striés de filaments sanglants, ses os maxillaires énormes, sa bouche contractée par un rictus effroyable ? Après le mélodiste facile et gracieux que l’atmosphère parisienne avait encore assoupli et humanisé, la nature fait renaître tout à coup, du fond de l’Allemagne, un Juif d’autrefois, un de ces Juifs comme on en voit dans les vieilles images, toujours inquiets, toujours tremblant d’être pris et pendus entre deux chiens, toujours cherchant quelque petit enfant à égorger dans une cérémonie sacrilège.

Si l’examen attentif et serré de ces types est souvent pénible, pour nous autres écrivains, il faut le considérer comme une manière de rançon payée pour les joies intellectuelles si élevées et si pures que nous éprouvons à un si haut degré en pénétrant par l’analyse dans l’intimité d’esprits d’élite comme les Vauvenargue, les Joubert, les Chénier, les Maurice de Guérin, eu vivant dans le commerce de tant d’âmes tendres et fières presque inconnues de la foule.

Ce grand problème de l’hérédité du mal est, d’ailleurs, des plus passionnants. Il y a évidemment des êtres qui, en dehors même du péché de nos premiers parents qui nous est commun à tous, portent le poids d’une de ces déchéances ancestrales que Bourdaloue a appelées : « Un second péché originel[187]. »

Chez certains individus, comme chez Lockroy, un élément de Juiverie se greffe sur un héritage sanglant de Jacobin de 93 et constitue un très singulier mélange.

Fils d’un Juif italien, Simon, qui fut longtemps comédien tous le nom de Lockroy, et qui, d’après Vapereau, est né à Turin, le député de la Seine, l’ennemi des Frères de la Doctrine chrétienne[188], descend de Jullien de la Drôme qui joua un si triste rôle pendant la Révolution. Il publié lui-même chez Calmann Lévy, sous ce titre : Journal d’une bourgeoise pendant la Révolution, les impressions de sa grand’mère dont il a eu la pudeur, du reste, de ne donner que les initiales. En ceci il a eu raison car on ne peut rien imaginer de plus odieux que ce Journal.

C’est une vraie lécheuse de guillotine que cette Philaminte bourgeoise. On devine une âme gonflée de rancune et d’envie, à la façon dont cette mégère applaudit à tous les crimes, au massacre de vieillards dans les prisons, aux exécutions populaires. Laide sans doute et mal élevée, elle hait d’une haine de servante cette reine qui fut la triomphante de Versailles par l’élégance et le charme plus que par le rang. Elle est fermée à tout sentiment généreux ; elle prélude aux ignominies d’Hébert ; elle insulte cette mère qui est au Temple, cette chrétienne sublime qui, prête à monter à l’échafaud, employait ses derniers instants, dans le cachot de la Conciergerie, à recommander le pardon aux siens ; elle l’appelle Médicis, elle prétend que devant ses gardes elle faisait réciter à son fils des vers qui se terminaient ainsi :

 
Et d’un peuple rebelle abhorrant la noirceur,
Il faut, mon fils, apprendre à lui percer le cœur[189].

Elle sait qu’elle ment, que lui importe ! C’est avec ces mensonges qu’on fait tomber les têtes. La bonne nature tient à jouir jusqu’au bout de l’agonie de sa victime ; la hyène veut du moins sentir le sang puisqu’elle ne peut pas le boire.

Un matin d’octobre un artiste s’installe, une plume et du papier à la main, à une fenêtre de la rue Saint-Honoré. Une femme est à ses côtés, riant, coquettant, étalant ses grâces terribles ; soudain un éclair de joie passe dans les yeux de cette femme, une rumeur à couru dans la plèbe qui attend sa proie, une charrette apparaît, elle porte à l’échafaud celle qui fut la reine de France. La Furie cependant ne peut dissimuler un mouvement de dépit. Marie-Antoinette est plus majestueuse encore qu’à Versailles. Brisée ce jour-là par une de ces indispositions qui anéantissent les femmes, sous le faix de douleurs qui semblent au-dessus du courage humain, l’infortunée trouve encore la force d’être calme jusqu’à l’heure, heureusement proche, où, touchant au terme de sa longue agonie, elle criera au bourreau : « dépêchez-vous ! »

L’artiste était David[190], la femme était Mme Jullien.

Le père, terrorisé par cette gracieuse compagne, vota la mort de Louis XVI en assurant qu’il avait toujours haï le roi et que « son humanité éclairée ayant écouté la voix de la justice lui ordonnait de prononcer la mort. »

Le fils chassait de race. Qu’on se figure Gilles ou Abadie investis de l’autorité d’un proconsul et l’on aura l’idée de ce que fut Jullien fils : « Rien, dit le Dictionnaire biographique des hommes marquants de la fin du XVIIIe siècle, ne peut rendre son exaltation fanatique, son goût pour les supplices et son idolâtrie pour la guillotine qu’il appelait « le purgatif des royalistes. » On l’envoya à 19 ans remplacer à Bordeaux Tallien et Ysabeau qu’on trouvait trop tièdes et ce gamin féroce justifia les espérances du Comité de Salut public. On l’entendit un jour, raconte Prudhomme, s’écrier dans la Société populaire que « si le lait était la nourriture des vieillards, le sang était celle des enfants de la liberté qui reposant sur un lit de cadavres »[191].

Les lettres que cet éphèbe sanguinaire, qu’on appelait l’espion morveux de Robespierre, écrivait à son maître figurent dans les Papiers saisis chez Robespierre.

Quelques-unes sont des chefs-d’œuvre de précoce perfidie. Ce tigre était aussi mouton. Il éprouve un irrésistible besoin de dénoncer ; il dénonce Bordeaux, qu’il nomme « un foyer de négociantisme et d’égoïsme, » il dénonce Ysabeau « qui mange du pain blanc tandis que le peuple le nourrit de fèves ; » il dénonce même Carrier « qui vit dans un sérail entouré d’insolentes sultanes et d’ëpaulettiers qui lui servent d’eunuques. »

Avec cela il était folâtre. Il demandait des subventions pour le théâtre de Bordeaux, il voulait régénérer la nation par les ballets : « Comme j’ai vu les incalculables effets de ce genre de fêtes, disait-il, j’ai cru salutaire de l’offrir, au moins sur la scène, à toute la France et j’ai composé un petit divertissement patriotique ; les Engagements de citoyennes. »

C’est par ce côté badin que Lockroy tient de la famille. Après avoir traversé les petits journaux à la suite de Wolff, il a passé par le théâtre Déjazet, avant de monter sur le théâtre de la politique. C’est le persécuteur vaudevilliste. Saint-Simon disait de Pussort qu’il avait « une mine de chat fâché. » Lockroy, quand il a réussi à attirer l’attention sur lui, a une mine de chat content, de chat qui fait ses ordures dans de la braise. L’œil est à signal, comme celui des joueurs de bonneteau ; il y a de l’inquiétude du camelot, qui amasse la foule sans cesser d’être aux aguets, dans cette petite physionomie éveillée, sournoise et méchante.

Il est malin. Il l’a prouvé sous la Commune. Il était fort embarrassé de son attitude à Paris. Approuvant les actes du gouvernement insurrectionnel, mais redoutant prudemment de s’associer à un mouvement qu’il savait devoir échouer, il trouva à cette situation un dénouement plus habile que celui du Zouave est en bas. Il profita des circonstances pour aller faire une promenade champêtre et voir si les lilas poussaient du côté de Clamart ; des amis obligeants le firent enlever par une patrouille et remettre sa liberté quand la Commune fut terminée.

Le bon peuple resta convaincu que ce pur serait mort pour lui, et depuis ce temps le regarde comme un bon, ce qu’on appelle un républicain numéro un.

Aux dernières élections ce Paillasse trouva moyen d’être inscrit sur toutes les listes. Aujourd’hui il est Ministre du Commerce !

Le grand titre de Lockroy, auprès de la Franc-Maçonnerie, a été de s’introduire dans la famille de Victor Hugo, et d’y monter la garde pour empêcher que celui qui avait été un si grand poète religieux ne retourne au Christ. L’affaire a été admirablement menée. On prit l’aïeul par l’amour qu’il avait pour ses petitsenfants. Quelle douleur ce dut être pour le poète de voir ce vilain moineau installé ainsi dans le nid de l’aigle ! Qui saurait exprimer l’intensité du regard plein d’une hostilité sourde que le vieillard, d’une si magnifique bonhomie envers tous, lançait parfois sur Lockroy imperturbablement assis dans son rôle de père nourricier, immobile dans une posture à la fois arrogante et très basse ? Toute l’horreur de cette vie commune se lisait dans ce regard.

Que se passa-t-il au lit de mort ? On ne le saura jamais exactement. Les dernières heures de ce souverain de l’intelligence furent entourées d’autant de mystère que celles d’un souverain de droit divin.

Le fameux testament, publié avant les funérailles, ne me parait pas de la main de Victor Hugo.

Louis XIV avait pour secrétaire de la main le président de la Cour des comptes, Toussaint Rose. Rose, qui fut membre de l’Académie en remplacement du silencieux Conrart, avait la même écriture que le roi et il écrivait les lettres qui, d’après l’étiquette, devaient être autographes. Personne n’ignore dans le monde littéraire que M. Richard Lesclide remplissait les mêmes fonctions près de Victor Hugo et que les autographes authentiques du maître sont excessivement rares pour la dernière période de sa vie. Victor Hugo, évidemment, n’aurait pas suffi à son écrasant labeur, s’il lui avait fallu écrire cinquante lettres par jour pour annoncer aux gens « qu’ils avaient le Verbe en eux, » et qu’il « pressait cordialement leurs mains loyales. »

Ce Lesclide, aposté dans la maison par Lockroy, était un Juif Je Bordeaux, un Juif de l’espèce gaie qui pintait rigoureusement au dîner, mais qui n’était pas désagréable.

Ainsi entouré, Victor Hugo n’avait plus guère le moyen de manifester une opinion libre. Il est moralement certain pour moi qu’il a demandé un prêtre et bien des témoignages matériels tendraient à confirmer cette conviction. On a entendu Vulpian affirmer positivement ce fait dans un salon. Vulpian, sans doute, a démenti par écrit ce qu’il avait dit de vive voix, mais sa lettre sue le mensonge et la peur. Il est démontré, en tous cas, que Lockroy a intercepté la lettre remplie d’une si évangélique charité de l’archevêque de Paris, et qu’elle n’a pas été remise au malade.

Ce qu’il faut toujours regarder c’est le ton que prennent ces gens-là dans ces questions. Je ne songerai jamais à m’étonner qu’un Israélite fasse demander un rabbin pour le consoler à ses derniers moments ; j’ajoute même que, s’il m’en priait, j’irais le chercher moi-même et que je payerais le fiacre au besoin. Voulez-vous savoir comment Germain Sée qualifie la possibilité même d’un acte pareil ? « Mon cher ami, écrit-il à son complice Lockroy, si vous avez lu le Monde d’hier, vous y trouverez une monstruosité sur le désir qu’aurait manifesté le Maître de se confier à un prêtre. »

Je vous demande en quoi il serait monstrueux qu’un homme qui a dû ses plus belles inspirations à la religion chrétienne, qui a célébré Jésus, l’Eglise, la prière en vers immortels eût le désir, avant de quitter la terre, de causer avec la ministre d’un Dieu qui a été le sien.

Locroy est plus insolent encore. Les rédacteurs du Monde, voulant espérer quand même que l’âme du poète était sauvée, avaient demandé simplement et très convenablement si Victor Hugo n’avait pas souhaité voir un prêtre. « Les drôles, qui rédigent un journal religieux appelé le Monde, » voilà sur quel ton Lockroy commence sa réponse.

Lockroy est sûr de ce qu’il fait en écrivant ceci. Il est de ceux qui ont reçu le plus de corrections dans leur vie et qui les ont reçues le plus patiemment. Il avait fait tout jeune l’apprentissage des humiliations en voyant son père, moyennant quelques feux modestes, se livrer à des pitreries ou tendre le dos pour amuser la foule au théâtre. Il justifie donc ce que dit Montaigne, dans son langage imagé, de la puissance de l’habitude : « Celui-là me semble avoir très bien conçu la force de la coustume, qui premier forgea ce conte qu’une femme de village ayant appris à caresser et a porter entre ses bras un veau dès l’heure de sa naissance et continuant toujours à ce faire, gagna cela par l’accoutumance que, tout grand bœuf qu’il était, elle le portait encore. »

Avec les journalistes catholiques, Lockroy prend sa revanche. Il y a là des officiers, d’anciens zouaves pontificaux, qui ont été héroïques sur les champs de bataille et dont la vue seule ferait cacher Lockroy sous la table ; retenus par les défenses de l’Eglise, ils laissent ce malheureux les insulter sans lui envoyer de témoins.

Les camarades de Lockroy tirent de là, naturellement, des conséquences absolument fausses. Je vous citerai Louis-Stanislas Meunier. J’ai lu de lui des articles où retentissait parfois, à travers les blasphèmes, une note vibrante et originale, où l’on trouvait une peinture sincère de nos misères sociales que la France doit à la Révolution. Voyez, cependant, ce qu’il écrit à ce sujet :

Quel derrière, mes amis, que celui du cléricalisme ! Comme cette rotondité charnue semble destinée admirablement aux coups de bottes ! Voyez comme le pied s’y enfonce bien ! Cela fait : ploc ! Un plaisir, vraiment. C’est gras, huileux, malsain. Et pour bouquet, la lettre de M. Lockroy : « Les drôles qui rédigent un journal religieux intitulé le Monde… » En avez-vous assez, dites. Demandez, faites-vous servir ! Voulez-vous des gifles ?

M. Meunier n’ignore pas, cependant, qu’au premier geste de ceux qu’il attaque, Lockroy s’enfuirait comme il s’est enfui éperdu, au mois de juillet 1885, de la salle des concerts de la rue de Lyon, lorsque quelques électeurs, moins naïfs que les autres, l’ont couvert de huées en traitant ses discours de « boniments. » Plus soucieux de la vérité, le rédacteur du Cri du peuple, tout en employant la comparaison qu’il parait affectionner, aurait pu, au contraire, au point de vue même de ses idées anti-religieuses, tirer un argument en apparence spécieux contre la prévoyance du maître de l’univers, de ce fait qu’un homme, comme Lockroy, qui était destiné à recevoir un nombre de coups de pied et de claques véritablement exceptionnel, n’ait eu en naissant que deux fesses et deux joues comme le commun des mortels réservé à des émotions moins violentes[192]

Avec sa rapacité légendaire, ses virements obscurs au ministère de l’instruction publique, Paul Bert est de la même catégorie ; il est, à coup sûr, le premier grand maître de l’Université qu’on ait vu mêlé à ces questions d’argent et, en ceci, il prouve sa race. Si Bert, comme le constate M. Lorédan Larcher, est un nom d’origine germanique, les prénoms des grands pères de l’insulteur de l’église Isidore Bert et Simon Boyer sont des prénoms de Juifs.

Simon Boyer, on le sait, était fesseur au collège des Jacobins à Auxerre. Habitué à voir l’espèce humaine par le vilain côté, il ne fut pas effrayé par le sans-culottisme.

C’était lui, dit l’Almanach administratif, historique et statistique de l’Yonne (année 1861), qui était chargé d’appliquer à certaine place, que la décence nous défend de nommer, les punitions corporelles infligées aux élèves, et il s’en trouvait parmi eux de l’âge de vingt ans. Chaque correction rapportait douze sous au sieur Boyer, qui allait aussi en ville exercer ses touchantes fonctions. Les revenus de cet emploi furent, sans doute, pour lui d’un bon rapport, puisqu’il put faire l’acquisition d’un immeuble aussi important que celui des Jacobins. Il me souvient d’avoir vu M. Roux, chirurgien à Auxerre, amener son fils dans la classe de M. Amé, pour lui faire infliger la susdite correction, et, avant d’être à genoux, lui mettre dans la main une pièce de douze sous (système duodécimal) que, tout pleurant et encore agenouillé, l’écolier corrigé remit à son tour au cinglant officiel. Cet écolier est devenu le célèbre chirurgien Roux, membre de l’Académie des sciences.

Ainsi que le fait remarquer l’auteur de cette note, les sommes considérables déboursées à la Révolution par ce zélateur de la discipline, qui aimait la jeunesse à sa façon, s’il faut en croire le proverbe « qui aime bien châtie bien, » donneraient à supposer que le nombre des fessées était considérable à Auxerre. Ce serait peut-être là une indication inexacte ; tout était bizarre en ces temps troublés. On vit même certaines communautés, menacées d’être dépouillées, confier à des hommes, dont les protestations de dévouement les avaient trompées, les fonds nécessaires pour acheter l’immeuble mis en vente, et ces hommes, abusant le la confiance qu’on leur témoignait, employer l’argent à acheter l’immeuble pour eux-mêmes et nier énergiquement le dépôt[193].

Bert, d’ailleurs, semble avoir rompu avec la Synagogue, il pose volontiers pour le pontife de l’athéisme, mais là encore il est plagiaire, plagiaire de Juifs naturellement. En 1848, au Parlement de Francfort, un Juif allemand, nommé Oppenheim, demanda qu’on instituât un Pape de l’athéïsme, ein Papft der atheistcihen. Paul Bert a volé cette idée, il n’est pas fier.

J’ai pris l’homme en flagrant délit de mensonge, la main dans le sac.

Dans la deuxième édition de son Manuel, je lis cette phrase, page 156, lignes 14 et suivantes : « Je suis lieutenant de Dieu, disait Louis XIV dans son Testament, je possède la vie et la fortune de mon peuple en toute propriété. Lorsque je prends une résolution, Dieu m’envoie son esprit. »

La phrase m’étonna un peu, elle était donnée cependant comme absolument authentique puisqu’elle était écrite non seulement en italiques, mais placée entre guillemets. Avec une signature de tout autre, on n’aurait pas même eu l’idée d’y aller voir, mais Bert est de ceux qu’on ne croit pas sur parole. Je relus le Testament de Louis XIV. Paul Bert avait tout bonnement inventé la phrase, c’était un simple faux[194].

Remarquez que ce Testament est un document connu de tous, un monument historique écrit ; la copie figurée, dont la cote est, je crois. K. 137, n° 1.6°, a été faite sur l’original par le greffier du Parlement, qui a respecté scrupuleusement la disposition des lignes et des pages. Ce Testament a été imprimé une vingtaine de fois et il se trouve dans les Œuvres de Louis XIV de Grimoard ; je l’ai republié dans le Journal des Anthoine, dont Victorien Sardou m’avait obligeamment prêté le manuscrit.

N’est-il pas vrai que c’est bien bas, que cela peint bien une époque et un homme, ce ministre de l’instruction publique falsifiant un texte comme celui-là, mentant à des enfants pour essayer de déshonorer la mémoire d’un grand roi ? Dieu en soit loué, aucun de nos humbles Frères, que ce calomniateur insulte chaque jour, ne serait capable d’une telle vilenie.

L’esprit général du Testament, ajoutons-le, est en désaccord avec cette phrase qui n’est, d’ailleurs, pas dans le style du temps. Dès le début, Louis XIV exprime le regret des maux que la guerre a causés à ses peuples : « Comme par la miséricorde infinie de Dieu, dit-il, la guerre, qui a, pendant plusieurs années, agité notre royaume, avec des événements différents, qui ont causé de justes inquiétudes, est heureusement terminée ; nous n’avons présentement rien de plus à cœur que de procurer à nos peuples le soulagement que tant de guerres ne nous ont pas permis de leur donner, et de les mettre en état de jouir longtemps des fruits de la paix, et d’éloigner tout ce qui pourrait troubler leur tranquilité. »

« Nous n’avons eu d’autre vue, dans toutes les autres dispositions de notre testament, dit encore Louis XIV, en terminant, que le bien de notre État et de nos sujets ; nous prions Dieu qu’il bénisse notre postérité et qu’il nous fasse la grâce de faire un assez bon usage du reste de notre vie, pour effacer nos péchés et obtenir sa miséricorde. »

Qui ne se rappelle la scène grandiose de Louis XIV à son lit de mort, se confessant, devant un enfant, des glorieuses erreurs de sa vie et les nobles paroles que Mme de Ventadour fit inscrire près du berceau du jeune Louis XV ?

Voilà les livres mensongers que l’on force les parents à mettre entre les mains de la jeunesse !

Ce manuel calomnieux est une entreprise absolument juive. Les éditeurs Picard Bernheim[195] sont des Juifs et mettent à lancer l’affaire la double âpreté qu’inspirent l’espoir de l’argent à gagner et la perspective du mal à faire.

Tous les livres approuvés par le ministère et destinés à détruire le sentiment religieux dans de jeunes esprits sont publiés par des Juifs.

C’est un Juif, les Archives Israélites nous l’apprennent, que ce Giedroye qui fabrique ce livre singulier, la Gerbe de l’Ecolier, dont la presse républicaine elle-même a fait des gorges chaudes et dans lequel le nom de Dieu est supprimé de tous les passages d’auteurs classiques dans lesquels il figurait.

Petit poisson deviendra grand
Pourvu que Dieu lui prête vie.

Ainsi parle La Fontaine.

Petit poisson deviendra grand
Pourvu qu’on lui laisse la vie.

Ainsi s’exprime Giedroye qui obéit lui aussi à l’instinct de sa race en déshonorant et en mutilant les chefs-d’œuvre que la France a produits quand les Juifs, grâce à Dieu, n’avaient pas accès chez nous.

Cette haine de Dieu arrive à la monomanie. Au mois de février 1885, nous voyons reparaître Camille Dreyfus qui soulève au Conseil municipal un débat grotesque. Il veut proscrire Victor Hugo de l’école parce que le nom de Dieu se trouve dans les œuvres du poète, qu’on y parle de la prière, qu’on y rencontre des vers comme ceux-ci :

Donnez, riches, l’aumône est sœur de la prière…
Donnez, afin que Dieu qui dote les familles…

Le Conseil municipal approuve ce Juif et une enquête sévêre est prescrite.

C’est le Juif Lyon Allemand qui, au mois de mars 1885, dénonce au Conseil municipal un professeur de Chaptal, M. Pellissier, qui jouissait de l’estime de tous. Quel était le crime de ce savant ? On ne lui reprochait pas d’avoir violé la neutralité de l’école, d’avoir communiqué ses idées à ses élèves, il avait simplement usé de son droit individuel, de la liberté de penser dans ce qu’elle a de plus sacré, en publiant sous ce titre : les Leçons de l’antiquité chrétienne, un livre plein de nobles enseignements et d’éloquents aperçus qui reçut de l’Académie Française un prix Monthyon. Dans ce livre, l’écrivain s’était permis de constater l’influence moralisatrice et féconde du christianisme. Lyon-Allemand fut indigné de cette audace et le malheureux professeur fut brutalement révoqué après 25 années de services.

C’est un Juif allemand, Ollendorff, dont la famille est originaire de Rawicz (duché de Posen) qui, secrétaire de Ferry, excitait contre Jésus-Christ cet homme qui cependant n’a pas besoin d’encouragement pour le mal[196].

Quilly, le prêtre défroqué, l’àme damnée de Paul Bert, qui se sert du peu de science théologique qu’il possède pour fournir à ce malfaiteur des arguments pour insulter l’Église, est un instrument des Juifs, il a épousé une Juive allemande nommée Salomé Brandt.

Tout l’enseignement supérieur sera d’ici à quelques années aux mains des Juifs. Nous trouvons rien qu’à l’école des Hautes Études : Philologie : directeur-adjoint, M. Henri Weil ; grammaire comparée, directeur des études : M. Michel Bréal ; langue zende, directeur-adjoint, M. James Dar-mesteter ; langue sémitique : directeur des études, M. Joseph Derenbourg ; langue arabe, M. Hartwig Derenbourg ; langue éthiopienne et himyarite, M. Joseph Halevy ; Philologie et antiquités assyriennes, M. Jules Oppert.

Parmi les meneurs de l’œuvre de destruction entreprise contre tout ce qui rappelle la Patrie d’autrefois, une place à part doit être réservée au Juif allemand Michel Brêal. Celui-ci se chargea de poursuivre la vieille France dans ces belles lettres, ces humanités, humaniores litteræ, qui rendent l’homme plus humain, plus civilisé. Il fut l’instrument de ce besoin qu’a le Juif de tout abaisser, de tout niveler dont nous avons parlé si souvent dans ce livre.

Grâce aux méthodes pédagogiques allemandes, que Michel Bréal fit adopter en France, les pauvres cervelles de nos enfants, brouillées par mille notions confuses, devinrent incapables d’aucun effort sérieux. Le niveau des études classiques baissa rapidement et les candidats au baccalauréat en arrivèrent à ne plus savoir l’orthographe.

Les Facultés sont unanimes dans leurs rapports à se plaindre de cette lamentable décadence. Un des hommes qui connaissent le mieux les questions d’enseignement, M. Albert Duruy, a publié à ce sujet un travail fort remarqué[197] où il met admirablement en relief l’effort accompli pour déformer l’âme française, en donnant à notre jeunesse une éducation contraire au génie national.

Dans ce débat, dit-il fort bien, ce n’est pas une simple question de pédagogie qui s’agite, ce n’est pas seulement l’éternelle querelle littéraire des anciens et des modernes qui s’est rallumée : ce qui est en cause, c’est le clair génie français qu’on est en train d’obscurcir ; c’est toute une génération, déjà triste, élevée dans la douleur et dans les larmes, au bruit de la défaite, sans ouverture sur le ciel qu’on lui a pris et sur la gloire qui n’est plus ; ce sont nos enfants qu’on excède et qu’on déprime ; c’est notre pays abattu, mutilé, qu’on voudrait, tout frémissant encore, courber sous le joug de méthodes et d’une culture étrangères. Voilà le grand, le vrai danger des nouveaux programmes. A tous leurs autres défauts ils ajoutent celui d’être antipathiques à notre race ; ils ne sont pas nés en terre gauloise, en terre sainte ; ils ont été confus là-bas. Ils nous sont venus de l’Est, avec l’invasion, ils l’ont complétée et ils la continuent.

Partout, vous retrouvez le Juif essayant de détruire directement ou indirectement notre religion. Le divorce est d’institution juive, le Juif Naquet fait passer le divorce dans nos lois. Nos belles cérémonies funèbres irritent le Juif, c’est un ingénieur du nom de Salomon qui se met à la tête d’une société pour la crémation qu’il voudrait rendre obligatoire.

C’est un Juif, Camille Sée, qui organise les lycées de jeunes filles, de façon à en exclure tout enseignement religieux.

Des Français, même peu zélés dans leur foi, disent à cet homme : « Voyons, vous allez donner à ces jeunes filles une culture raffinée, une éducation bien supérieure à leur position dans le monde, leur apprendre la musique, les arts d’agrément, vous savez combien on a de la peine à vivre en courant le cachet. Placées entre le déshonneur et la pauvreté qui leur semblera plus rude qu’à des natures moins cultivées, ces enfants d’employés, de vieux soldats, de bourgeois auront bien des tentations. Pourquoi ne pas leur mettre au cœur une de ces croyances qui soutiennent dans la vie, un idéal qui élève, qui console, qui empêche les défaillances ? »

L’autre sourit de cet air impertinent et fat qui a fini par dégoûter jusqu’aux électeurs de Saint-Denis. Après boire, il avoue sa pensée secrète. À ces banquiers, à ces enrichis d’hier, à ces Juifs frottés de civilisation ne faut-il pas des compagnes de la main gauche qui puissent les distraire, les Klipoth (filles non juives), qui soient en état de bercer ces hypocondres, comme David apaisait avec sa harpe la démence de Saûl ?

Chair à impôt, chair à plaisir, chair à canon, n’est-ce pas la destinée du chrétien, de sa fille, de ses sœurs ? Voilà pourquoi on peut hardiment écrire Ecole de filles sur le fronton de ces lycées, d’où sortiront tant d’infortunées trop peu religieuses pour qu’un honnête foyer s’ouvre devant elles, trop instruites pour se contenter de la misérable condition faite aux femmes dans notre société désorganisée...

Dans le journal du Juif Valentin Simon, l’Echo de Paris, un ancien soldat de la Commune, M. Edmond Lepellelier, en constatant que cinquante mille jeunes filles, dont trois mille seulement avaient été reçues, s’étaient présentées en une année aux examens d’institutrice, traçait de l’existence de ces malheureuses Klipoth un tableau instructif malgré sa forme brutalement réaliste.

Et elles se ruent, écrivait-il, les malheureuses, à l’assaut des places promises. On en a distribué, l’an dernier, trois mille. C’est beaucoup, direz-vous ? Hélas ! les demandes s’élevaient à cinquante mille. Que feront, que font actuellement, sans parler de celles qui ont échoué à l’examen, ces quarante-sept mille institutrices sans emploi, sans espoir d’en avoir ? Où les retrouverons-nous ?

Nous savons déjà qu’il est inutile de chercher à l’atelier ou au magasin. Elles ne sauraient déroger à ce point. Oui, en cherchant bien, nous les retrouverons, ces déclassées réfractaires, parmi leurs congénères les poètes lyriques sans courage, les journalistes sans journaux, les avocats qui ne plaident pas, les officiers défroqués et les curés déserteurs. C’est dans la fumée des brasseries que nous apercevons leur silhouette ironique et moqueuse ; dans le tapage des bocks qu’on choque et des absinthes qu’on bat, nous les entendons déblatérer contre la société ; nous les verrons pérorer, ayant une salle de café pour chaire et des filles alcooliques pour clients, ces produits inutiles des écoles normales supérieures ; de jeunes filles. Paris en est déjà empoisonné.

Nihilistes de l’amour et de la famille, on les renontre à chaque pas, les bohèmes enjuponnées, portant le chignon court, le faux-col masculin, et ayant pour signe de ralliement le pince-nez professionnel. Elles enseignent, elles consultent, elles décident. Une cour est autour d’elles. On les voit corriger les demandes d’argent ou écrire les lettres d’amour de leurs collègues ignares, vachères promues ou filles de faubourg n’ayant, en fait d’école, que passé par l’École militaire. Elles ont une clientèle. Les placiers en liquides les admirent et font assaut d’érudition avec elles. En outre, pour affirmer leur supériorité, elles ont des raffinement extrêmes et contribuent au développement de ce culte de Lesbos, dont les autels de chair voient aujourd’hui tant d’agenouillées.

Nous les retrouverons aussi ailleurs, dans ces établissements spéciaux, que Scholl a baptisés les bouillons Duval de l’amour. Quand ils sont bien montés, ils comptent toujours parmi leurs pensionnaires une dame diplômée, et au consommateur qui en fait la demande, on sert aujourd’hui « l’institutrice. » comme autrefois la négresse ou la femme à barbe. Voila le progrès[198].

Pervertir les jeunes générations voilà, d’ailleurs, le point essentiel, celui sur lequel porte tout l’effort. C’est un Juif, Benoit Levy, qui publie chez un éditeur juif, Léopold Cerf, le Manuel pratique de la loi scolaire ; il la trouve fort avenante, lui, il en explique les beautés avec complaisance, il menace ceux qui hésiteraient à obéir. Tout ce qui concerne les emblèmes religieux le ravit particulièrement, il insiste sur ce sujet.

Les écoles publiques, écrit-il, étant, de par notre loi, absolument laïques, il s’ensuit qu’aucun emblème religieux ne doit figurer dans l’école. Ce serait une inconséquence que de la proclamer laïque et d’y laisser l’emblème religieux, ce serait contraire à toutes les idées qui ont fait prévaloir dans la discussion le principe de la laïcité.

La loi anti-chrétienne, encore une fois, est leur œuvra de prédilection. Ils accourent dès qu’on la menace.

La commission scolaire de Lavaur, un des rares pays où les citoyens aient fait courageusement leur devoir et usé de tous leurs droits, excuse un père de famille qui avait refusé d’envoyer son enfant à l’école parce qu’on y donnait l’enseignement avec le manuel Compayré.

Aussitôt Ferdinand Dreyfus, un des membres de cette tribu qui grouille sur la France, comme la tribu des Mayer, s’élance dans les couloirs et dans les commissions ; il traîne après lui une ombre gémissante, pleurante, lamentable, c’est Compayré qui soupire, Compayré qui se désespère : « On ne veut plus de mon manuel, qu’est-ce que je vais devenir ? Je vais être obligé d’écrire des ouvrages religieux. » Bref, le Dreyfus accouche d’un amendement dans lequel figure ce paragraphe :

« Les commissions scolaires ne peuvent, en aucun cas, s’immiscer dans l’appréciation des matières et des méthodes d’enseignement. »

Une commission scolaire qui ne s’occupe pas de l’enseignement, c’est un comble, comme on dit dans cet argot des boulevards que les Juifs ont mis à la mode, mais qu’est-ce que cela peut faire à Dreyfus, dès qu’il s’agit de molester les chrétiens ?

Cet épisode, en tous cas, met bien en relief le côté Cottin qui se mêle dans ces persécutions au côté coquin, la fureur du cuistre contre ceux qui s’obstinent à ne pas admirer sa littérature. « Ce que l’Almanach des Muses, a dit Chateaubriand, a fourni d’agents à la Terreur est incroyable. La vanité des médiocrités en souffrance produisit autant de révolutionnaires que l’orgueil blessé des culs-de-jatte et des avortons : révolte analogue des infirmités de l’esprit et de celles du corps. »

Sous ce rapport, Compayré a peut-être dépassé Paul Bert, par son opiniâtreté à imposer son manuel à peser sur les ministres en les menaçant de son vote pour que ce manuel, que rejettait tout le monde, fût rendu obligatoire. En 1883, toujours sous la pression de Compayré, le préfet de la Manche révoqua, non pas une institutrice laïque, mais une religieuse qui ne pouvait, on en conviendra, accepter un ouvrage condamné par le Pape, Mme Fontaine, en religion sœur Thérèse, du Carmel d’Avranches. Quelque temps auparavant, l’impudent Ferry déclarait « qu’il n’y avait aucun manuel autorisé dans les écoles[199]. »

Partout, je le répète, vous rencontrez le Juif pour diriger et envenimer les débats religieux.

Prenez cet épisode de la seconde expulsion des Bénédictins de Solesmes, qui eut un caractère particulièrement révoltant.

Ces pauvres gens, mis à la porte une première fois, sont rentrés petit à petit chez eux. Ils n’ont pas de fortune, en effet, ils ne peuvent vivre en dehors du monastère où ils ont installé leur vie, où leur bibliothèque est restée, où ils ont ces habitudes de travail qui sont, chacun de nous le sait, si importantes pour les lettrés.

Parmi les radicaux, même violents, beaucoup sachant cela, auraient gardé le silence en se disant que les représentants de cet ordre, qui a sauvé la civilisation au Moyen Age, qui a recueilli dans les cloîtres les chefs-d’œuvre de l’esprit humain, sont un peu nos confrères.

Le Juif Charles Laurent[200], mis au courant par la police juive, va trouver son directeur, le Sémite Veil-Picard, et lui dit : « Bonne nouvelle ! il y a du mal à faire. » Il dénonce ces vieillards, il fournit sur leur séjour les détails les plus circonstanciés et ce Pilate de Freycinet se déshonore en expulsant des hommes dont il a été l’hôte, le protégé, l’obligé.

Je ne suis pas comme le Pharisien qui priait debout et qui se vantait devant Dieu d’être vertueux. Les mauvaises fréquentations auraient pu faire de moi un homme semblable à ceux dont je parle, à ces hommes qui, dit l’Ecriture, « ont la main droite pleine d’iniquités et la main gauche pleine de présents. » Il est, cependant, des actes que je n’aurais jamais accomplis. Si j’avais su que des rabbins proscrits se réunissaient pour myauder[201], je ne les aurais certes pas dénoncés. Laurent n’a pas ce scrupule.

Ici encore, il faut s’arrêter pour examiner le cas psychologique. Né dans un milieu de cabotins, comme Lockroy, le rédacteur en chef du Paris est évidemment fermé à certains sentiments de délicatesse et d’honneur que d’autres respirent en quelque sorte dès le berceau ; il est excusable peut-être, sous ce rapport, jusqu’à un certain point. Le fait de ce jeune homme, de cet écrivain se faisant dénonciateur pour complaire à un banquier juif, n’en est pas moins bizarre. On me dit qu’il porte, dans quelques circonstances, le costume d’officier, je ne puis le croire et n’imagine pas, en France, un corps d’officiers assez singulièrement composé pour qu’un délateur avoué y puisse prendre place.

Tel qu’il est il est curieux. Il n’a pas seulement le menton glabre des comédiens, il est tout blanc. Que mange-t-il donc pour être ainsi ? Comme ses pareils, il a été un des affranchis de Gambetta et, de la jarretière d’une Egérie rouge, se fit un soir, en riant, une décoration que confirma Marcère, l’austère ministre, qui ne sut répondre que par des larmes à certaines accusations.

Si vous voulez voir une âme d’opportuniste, lisez un volume de ce Laurent, Monsieur et Madame Neuburger. Le Neuburger en question était-il parent de l’ingénieux inventeur des Neuburgiennes ? Je l’ignore. Toujours est-il qu’après avoir été condamné pour usure, et avant de fonder la Banque de Paris et de Bretagne, qui rafla tant de petites économies, il avait créé, en manière de passe temps un établissement financier sous le titre de Crédit locatif.

Laurent, jeune et candide alors, parait-il, car c’est de cette époque, je crois, que date son surnom de Comme la Lune, fut séduit par l’aspect des grillages et par la bonne apparence des bureaux. Il porta là son argent pour qu’on le fit fructifier, et fut traité par Neuburger comme un simple goy. Il perdit tout, plaida et, quoique défendu par Joseph Reinach, il se heurta à la loi fort sage, quoi qu’en pense Naquet, qui ne reconnaissait pas encore les paris et les jeux de Bourse.

Peu satisfait, on le comprend, Laurent consacra un volume entier à traîner Neuburger dans la boue. Rien n’est bizarre comme de voir quelqu’un, qui se prétend écrivain, employer deux cents pages à vous raconter qu’un jour il a acheté des Pampelune, un autre jour des Obligations ottomanes, qu’il levait des Romains, qu’il liquidait des Suez, mettre en cause, à propos de ses déboires, Mme Neuburger qui parait bien étrangère à tout cela. Jamais le livre n’a été rabaissé à cette besogne.

Malgré tout Monsieur et Madame Neuburger n’est point un document tout à fait à dédaigner pour l’avenir. Il est très intéressant de constater qu’un homme déjà condamné, objet de plaintes de la part d’un homme bien vu du Gouvernement comme Laurent, a pu tranquillement fonder une banque nouvelle sans que la police, absolument convaincue que l’argent qu’on déposerait là serait perdu, intervienne en aucune façon.

Cette transmission par l’hérédité des haines religieuses ou des instincts anti-sociaux est un des spectacles qui nous ont le plus frappé dans le cours de cet ouvrage. Sans accorder à l’hérédité le caractère fatal que lui attribue la science moderne, il faut admettre qu’elle joue un rôle considérable dans la constitution des êtres. Il y a de véritables prédestinations diaboliques. En 1790, le marquis de Rochefort, seigneur de Coulanges-la-Vineuse, gentilhomme ruiné devenu partisan de la Révolution, fait planter dans la cour de son château le premier arbre de la Liberté qu’on eût vu en Bourgogne. L’arbre est béni par le curé Pyat. Le gentilhomme a été le grand-père d’Henri Rochefort. Quant au curé Pyat, il épousa une religieuse et il eut d’elle deux enfants dont l’ainé fut Félix Pyat. N’est-il pas étrange de retrouver ces deux noms dans la Commune ?

Un fils de forçat peut-il être un saint ? Oui, dit l’Eglise. Mais le sociologue, en acceptant cette affirmation, est obligé de reconnaître que, pour rester dans le chemin de la vertu, il lui faudrait plus d’efforts qu’à d’autres. S’il a reçu de l’éducation, l’homme né dans ces conditions évitera tout ce qui heurte de front la loi, il abritera son action mauvaise derrière des phrases, des mots de progrès, de guerre au cléricalisme, il s’appuiera sur une collectivité comme la Franc-Maçonnerie, mais au fond il restera fils de forçat. C’était un psychologue plus fort que Bourget, que celui qui a dit : « Les parents ont des enfants qui ressemblent au fond de leur cœur. »

Voyez Challemel-Lacour. Nous n’aurions peut-être pas publié de nous-même les pièces relatives à ses ancêtres, mais elles sont dans le domaine public ; tout le monde les a lues et relues ; il est donc permis au philosophe et au penseur d’en tirer les conclusions qui lui semblent justes[202]

S’il n’avait reçu aucune instruction, l’ancien chef du Foreign Office français aurait probablement pillé Calluire lui-même ; normalien distingué, rhéteur habile, il se contente de le faire piller et se tire d’affaires avec des dommages-intérêts qu’il ne paie pas. Né dans les rangs du peuple, il aurait dit à M. de Carayon-Latour : « Je vas te tuer ! » Poli et lettré, sans que ce vernis ait pu faire disparaître le tempérament originairement pervers, il écrit : « Fusillez-moi tous ces gens-là ! » La culture pour lui n’a été qu’un moyen de faire plus de mal à autrui et de se faire plus de bien à lui-même[203].

A toutes ces machines de guerre, à tous ces moyens d’attaque contre Jésus-Christ et son Eglise, le Juif a joint la propagande anti-religieuse par le journal à scandales, la publication obscène, la pornographie[204].

En tout ce qui touche à l’ordure, le Juif est passé maître, il a le génie porcin. Toussenel n’a pas été trop loin lorsqu’il a écrit : « Le porc est l’emblème du Juif qui n’a pas honte de se vautrer dans la bassesse, dans l’ignominie, dans l’usure pour augmenter son capital, qui ne trouve pas de spéculation infâme dès qu’il y a du profit à faire. »

Là encore l’hérédité apparaît avec un caractère en quelque sorte impérieux. Cette crasse du ghetto, cette saleté proverbiale, dans laquelle le Juif a vécu pendant des siècles, semblent l’avoir imprégné à tout jamais. L’horreur d’Isaïe Levailliant pour la propreté n’est pas une exception ; il y a évidemment une forme de la névrose, un commencement de pica et de malaxie dans l’incroyable torrent d’immondices imprimées ou dessinées que les Juifs ont fait couler à travers la France depuis quelques années. Ils ont véritablement rétabli dans cette France qui fut chrétienne le culte des Phallophories antiques, sans le côté artistique qui se mêlait à Rome et à Athènes à ces exhibitions publiques d’images impudiques et d’attributs cyniquement promenés par la ville.

C’est une véritable sentine juive que cette rue du Croissant, cette halle aux journaux pornographiques où les échoppes Israélites, pressées les unes contre les autres, luttent entre elles à qui aura les imaginations les plus dévergondées. L’historien de l’avenir qui dressera le catalogue de ce qu’on a mis d’horreurs en circulalion depuis six ans, avec la complicité du gouvernement, n’en pourra croire ses yeux.

Scènes de crapuleuse débauche, moines roulant ivres avec des filles, prêtre fouettant une femme nue, comme dans l’affiche des Débauches d’un confesseur, groupes impudiques, tout est là. Jadis, les pères de famille, les hommes du peuple auraient fait un mauvais parti au préfet de police qui tolère et qui encourage ces turpitudes ; aujourd’hui, on aperçoit dans les quartiers populeux des familles entières, pères, jeunes fillettes, gamins regardant et commentant longuement ces Priapées. Voilà où a roulé la France[205].

Ignotus, avec son don de voir et de rendre le spectacle de la rue, a tracé un saisissant tableau de ce Musée secret devenu public, de cette scatologie s’étalant en plein jour.

Dans ces quartiers populaires, la plupart des femmes sont en cheveux. Il y a un grand nombre de petits enfants. Devant chaque devanture d’imagier, il y a des groupes d’hommes, de femmes, de petites filles. Tout le monde rit — excepté peut-être les petites filles, qui regardent sérieuses et d’abord comme effarouchées. J’ai entendu et noté les réflexions de ce public.

« Tiens, regarde donc cet évêque ! » Il s’agit de la caricature de Mgr Freppel. Certes, j’admets la caricature d’un évêque qui a voulu affronter tous les dangers du Forum. Mais, ici, les attributs les plus sacrés de la religion sont tournés en ridicule. Un gamin dit à son plus petit compagnon : « Regarde, gosse, son calice où il y a un roquet qui crache… » À part quatre ou cinq exceptions, je n’ai entendu, dans ma promenade, aucune expression trop injurieuse. Le public se contentait de détailler tout haut la vision qui était devant lui, comme il le fait, quand il assiste à un spectacle dans une baraque de foire, « Tiens… un curé qui fait la quête à domicile. Il est reçu par une femme en chemise… Ce monsieur avec des cornes, qui les regarde par un trou, c’est le mari de la bourgeoise… »

« Ah ! ah ! ce curé qui fouette une petite fille… et cet évêque qui est à côté de lui avec sa mitre… »

Le plus gros succès était pour une lithographie, très grande, dont les couleurs violemment heurtées raccrochaient le passant.

Elle représente une sorte de chaîne de forçats. Les forçats sont habillés en curés, — comme dit le peuple. Chacun des forçats a au dessous de sa tonsure, sur le dos, un large écriteau. On y lit en caractères très nets ces diverses inscriptions : Condamné pour viol d’une petite fille. — Condamné pour deux cent vingt attentats à la pudeur sur enfants…

Je passe sous silence d’autres motifs de condamnations qui ne peuvent s’écrire ici — et qui pourtant sont étalés là, devant les petits garçons, les petites filles… Cette image a le plus grand succès de curiosité. Quatre fois, — c’est-à-dire deux hommes, une femme et une sœur de Gavroche, à la voix argentine, ont lancé des commentaires obscènes qui ont fait chanceler tout à coup, comme sous un coup de vent, le groupe des femmes et des enfants…

En dehors de ces actualités, — les Mystères d’un évêché, la quête à domicile, les Nouveaux Martyrs chrétiens, sont les dessins parus dans les semaines précédentes.

Cette guerre pornographique saisit toutes les occasions, se sert de tous les moyens.

Par l’exécution, les Billets de la Sainte Farce de Léo Taxil, fort soignés de tirage, se rapprochent presque de l’art ; les collectionneurs, plus tard, seront heureux de les trouver comme un témoignage de ce qu’on pouvait faire impunément à notre époque. De chaque côté, des religieuses et des prêtres sont représentés dans une attitude ignoble ; au-dessus figure un saint Pontife, un souverain prisonnier, mais avec lequel la France n’a point rompu encore tout rapport diplomatique ; il est coiffé d’un bonnet de galérien sur lequel on lit le chiffre 13. L’œuvre porte la signature d’Ernest Renan, Encaisseur des anathèmes et ces mots : Vu pour le contrôle : Léo Taxil.

Comme on tombe ! pense-t-on, en voyant le nom de l’ancien élève de Saint-Sulpice imprimé sur ces saletés qu’il n’a jamais osé désavouer ! Quel châtiment vaudrait ce dégoût perpétuellement renouvelé qui prendra les chercheurs futurs en fouillant dans toutes ces hontes pour écrire enfin ce récit définitif que nous ne faisons qu’esquisser aujourd’hui.

Supérieur par le caractère à Renan, Léo Taxil, du moins, a su s’arracher à ces fanges. Il a eu honte d’être l’homme des Juifs et il a bravé leurs colères en se séparant d’eux. Ce sont les Juifs et les Francs-Maçons, il le reconnaît lui-même, qui l’avaient conduit dans la voie où il était, ce sont les Juifs qui l’appuyaient, le préservaient de tout risque, lui garantissaient qu’il pouvait tout oser sans danger. C’est le Juif Strauss qui a été le premier éditeur de Léo Taxil, c’est ce nom que l’on trouve au bas de la première édition d’A bas la calotte. C’est Mayer qui donne en prime le Manuel des confesseurs, qui proteste lorsque les honnêtes gens indignés arrachent des murailles les affiches immondes annonçant les Amours secrètes de Pie IX. C’est Benoit Lévy qui défend Léo Taxil poursuivi, à propos de ces Billets de la Sainte Farce, non pour outrage à la pudeur publique, non pour avoir fourni le moyen de commettre d’innombrables escroqueries, mais pour « simple contravention pour le dépôt du second exemplaire, »

Les Juifs ont une grande force pour eux : l’honnêteté de leurs adversaires, qui les empêche d’user de représailles. Supposez, en effet, que j’aie l’idée d’écrire quelque inconvenance sur Mlle de Rothschild. Figurez-vous l’accueil que réserveraient a mon projet les religieux qui veulent bien m’honorer de quelque amitié, mes amis catholiques, le plus humble des fidèles : « Ne faites pas cela, laissez en dehors des insultes ce qui est pur, ce qui est chaste, ce qui est faible. »

Les Juifs de la Lanterne n’ont pas de ces scrupules ; ils vous racontent tranquillement, avec force détails à l’appui, qu’une religieuse la Sœur Saint-Charles a mis au monde un enfant dans le train d’Aix. Ils en sont quittes pour quelques centaines de francs d’amende et de dommages-intérêts. Encore les dommages-intérêts sont-ils vivement combattus par le ministère public, représentant de la morale. Il serait fâcheux de ne point donner le nom de ce magistrat qui répond à l’appellation de Morin. Goûtez le raisonnement de cet homme étonnant : « Il est inutile, dit-il, d’accorder des dommages-intérêts ; il y a eu diffamation sans doute, mais la Sœur Saint-Charles est une personne respectable et bien connue ; or le préjudice causé est d’autant moindre que la personne qui en souffre est plus respectée et plus estimée[206]. »

D’après cette doctrine singulière, celui qui discuterait la moralité de Tropmann serait plus coupable que celui qui traînerait saint Vincent de Paul dans la boue. Je me tromperais fort si « l’acacia n’était pas connu » à ce magistrat paradoxal et s’il n’avait pas un tablier maçonnique sous sa robe de procureur.

Ce que je dis de la Sœur Saint-Charles se peut, d’ailleurs, appliquer à tous les scandales montés par les Juifs.

Supposez que Camondo ou un Juif quelconque ait été malheureux en ménage. Se sentant mourir, il enlève à la femme qui l’a trompée la garde de son fils, il prie la vieille mère qu’il vénère d’élever honnêtement cet enfant. Un rabbin vient consoler cet homme, apporter quelque espoir d’une vie supérieure dans cette famille cruellement frappée.

Croyez vous qu’un journal catholique se serait mêlé à ce drame intime, aurait attaqué cette grand’mère, insulté ce rabbin ? Assurément non. Voyez, au contraire, ce que la presse juive, le Paris, de Veil-Picard, la Lanterne, de Mayer, le Voltaire, de Lafitte et de Strauss, ont tiré de cette affaire de Chaulnes, en haine de cette noble duchesse de Chevreuse, coupable de porter un des plus beaux noms de France[207].

Sous ce rapport, le roman d’Alexis Bouvier, publié dans la Lanterne, sous le titre des Deux Duchesses, est encore un document à consulter. Les noms mêmes sont à peine modifiés ; l’abbaye de Solesmes est devenue l’abbaye de Solente, elle est le théàtre, est-il besoin de le dire, des orgies les plus dégoûtantes. Le moine Gadouin consacre ses journées à tenir des propos sales et à courir après les laveuses de vaisselle. Dans Solanges de Croix Saint-Luc, Albert Delpit, cet Alexis Bouvier des salons, a repris le même thème mais en y mettant quelque forme. Le Juif Ollendorff a imprimé l’ouvrage, le Juif Meyer le loue dans son journal et le Juif Koning a promis de jouer la pièce.

J’avoue que, sous ce rapport, je me sépare nettement des catholiques. Je ne puis m’expliquer qu’ils n’aient pas commandé à quelque pornographe un roman les Deux Baronnes, dont le titre se serait étalé sur les murs à côté de l’affiche des Deux Duchesses. Des châteaux juifs indiqués de façon à ne pas s’y tromper, deux baronnes Israélites à peine voilées par des initiales transparentes se livrant aux actes les plus répréhensibles, un intérieur de synagogue souillé par la débauche, un rabbin jouant un rôle aquatique… Vous voyez la trame d’ici.

L’erreur des catholiques est de placer leurs sentiments d’hommes du monde, d’hommes bien nés, de gentlemen au-dessus de la responsabilité qu’ils ont de veiller sur les pauvres, sur les simples, sur les naïfs qu’on égare avec de pareilles publications.

— Vous êtes coupable et bien coupable, disais-je à l’un d’eux, de ne pas vous servir de tous les moyens pour combattre le mal. Parmi les cent cinquante mille lecteurs de la Lanterne, dix mille, relativement très honnêtes, subissent l’influence du papier imprimé et sont absolument convaincus que les moines de Solesmes passent leur vie à perpétrer tous les crimes, A la prochaine révolution, ils croiront très bien faire en fusillant les religieux qui leur tomberont sous la main.

Je suis parfaitement convaincu, pour ma part, que si on fondait une librairie anti-juive sur le plan de la librairie anti-cléricale, on arriverait, au bout d’un an, à supprimer complètement non point la discussion même violente des questions religieuses, discussion parfaitement légitime, mais l’outrage aux prêtres, aux Sœurs de Charité, aux cérémonies du culte.

Similia similibus Les Juifs aiment la boue, donnez-leur en, et ils vous laisseront tranquilles.

Quelles risées ne s’élevèrent pas des bancs de la gauche lorsque M. de Lanjuinais vint se plaindre à la tribune des honteuses exhibitions du Musée républicain qui promène de ville en ville des tableaux de torture où figurent des moines ? N’aurait-il pas mieux fait de réunir quelques fonds et d’organiser un spectacle où l’on aurait vu l’assassinat du petit enfant de Metz par Raphaël Lévy, le martyre du P. Thomas à Damas ou l’affaire Tizla Elzar. Les Juifs auraient hurlé, M. de Rothschild aurait montré les dents, Naquet et David Raynal se seraient agités et le Waldeck, qui persifla si agréablement M. de Lanjuinais, serait monté à la tribune pour déclarer que tout ce qui était respectable devait être respecté, et que la concorde entre citoyens lui avait toujours semblé le plus enviable des biens pour un gouvernement sincèrement républicain.

Je n’ai pas l’intention, bien entendu, de remuer toutes les immondices du journalisme juif, de rappeler toutes les injures, toutes les ignominies qu’ils ont versées sur les chrétiens. Tout prétexte est bon pour frapper sur ce qu’ils nomment l’ensoutané. Les plus belles, les plus touchantes cérémonies de notre culte, celles qui ont fait longtemps, même au point de vue des yeux, la joie de l’ancienne France, sont des occasions de blasphèmes et de grossièretés. Les processions sont des exercices funambulesques, des mascarades, des comédies cléricafardes, des promenades de ferblanterie religieuse. Le Saint Sacrement s’appelle la pendule de M. le curé.

Voilà les aimables procédés de gens qui, sous l’Empire, ainsi que je l’ai raconté, s’indignaient qu’on donnât le nom de Juif à un usurier dans une pièce Moyen Age ; de gens qui, il y a quelques années, faisaient condamner à quinze jours de prison un jeune homme qui, dépouillé par les Juifs, avait publié dans le Furet, de Montpellier, une satire en vers intitulée : Le Juif.

Comment les trouvez-vous ? Sont-ils assez chatouilleux avant ? Sont-ils assez insolents, assez intolérants après le triomphe ?

Ce qui stupéfait dans tout cela, c’est l’absence totale de toute originalité.

Prenez les journaux juifs et vous n’y trouverez pas une idée nouvelle, pas une infamie inédite. C’est le Talmud versé dans le ruisseau, c’est le blasphème hébraïque traduit en argot. Là encore s’affirme la pauvreté d’imagination du Juif.

Pour la presse juive comme pour le Talmud, la prédication est un aboiement Nabuab, les saints sont des libertins Kedeschim, les saintes des courtisanes Kedeschot, les églises sont des mauvais lieux ou des latrines Bet motchab ou Bet kyce, les croix une abomination Tœba, l’eau bénite de l’eau sale Mayim temeim, la bénédiction une malédiction Kelala, l’Eucharistie un sacrifice impur Zabut temi[208].

Vous connaissez tous l’histoire scandaleuse que les Dreyfus et les Lockroy racontent de temps en temps à propos de l’apparition de la Vierge Immaculée à Bernadette dans la grotte de Lourdes, apparition attestée par d’innombrables miracles, confirmée par l’Eglise, après une minutieuse enquête qui a duré de longues années. Selon eux il s’agirait d’une femme de Lourdes, qu’ils ont d’abord désignée à mots couverts mais qu’ils nomment clairement maintenant que ce gnome hideux de Goblet a osé injurier à la tribune du Sénat Celle qui a si longtemps protégé la France. Surprise avec un capitaine de cuirassiers par une jeune paysanne, elle aurait trompé l’enfant en lui disant qu’elle était la Vierge. C’est abject sans doute, mais ce n’est pas nouveau. Les malheureux qui déshonorent ce journalisme, qui a compté des hommes comme Carrel, Chateaubriand, Genoude, Veuillot, Marrast ont simplement pillé le Talmud. Pour le Juif, en effet, la Vierge sainte est l’objet d’autant d’horreur que son divin Fils ; ils l’appellent une coiffeuse et une accoupleuse de femmes, et prétendent qu’elle aurait commis un adultère avec un soldat du nom de Pandara.

Dans Yeschuot, traité Sanhédrin, chapitre Arba Milot, il est dit :

C’est ce qu’ils firent au fils de Satada, qu’ils pendirent la veille de la Pâque « Demande : Le fils de Satada ! n’est-ce pas plutôt le fils de Pandara ? Rab répond : Le mari s’appelait Satada, l’amant Pandara. » Objection : mais non, le mari s’appelait Pappos, fils de Juda ? » Réponse : « C’est donc sa mère qui s’appelait Satada. » Demande : « Mais non, la mère s’appelait Miriam (Marie), la coiffeuse et l’accoupleuse de femmes ? » Réponse : « C’est vrai, mais si on lui donne le nom de Satada, c’est d’après l’usage de la ville de Pumbadita et l’on dit : celle-ci s’est éloignée (en rhaldéen : Sata tada) en commettant l’adultère. La glose dit là-dessus : « Le fils de Sata tada, c’est Jésus Noceri (de Nazareth). Cela se trouve dans les mêmes formes, dans Moëd, traité du Sabbat, chapitre Ha-Bone, à la fin[209].

A toutes ces formes de l’attaque il faut ajouter la persécution terrible, insaisissable, indéfinissable qui s’exerce de haut en bas de l’échelle sociale maintenant qu’on a chassé les honnêtes gens de toutes les fonctions.

Où commence, où finit cette persécution ? Il est presque impossible de le dire. Elle est de tous les jours, de tous les instants ; elle se produit de mille manières par d’innombrables agents affiliés à la police franc-maçonnique et juive et parfois ne se rendant même pas compte nettement de ce qu’ils font ; elle dénonce, elle calomnie, elle salit, elle tend des pièges, elle organise des scandales, elle déshonore ceux contre lesquels elle ne peut réunir assez de faux témoignages ; elle conduit les uns à la folie, les autres au suicide et, dès qu’on veut l’étreindre, elle glisse entre les mains, elle vous défie de la désigner par un nom.

L’agent de cette œuvre épouvantable s’appelle Légion ; il est né sur la pourriture des nouvelles couches, chères à Gambetta ; il prend tous les déguisements, il revêt toutes les formes, il tire cinq ou six moutures de son sac.

Quand un prêtre a déplu à la Maçonnerie dans un village, l’agent vient dans les cabarets recueillir de quoi échafauder une accusation d’attentat aux mœurs ou d’assassinat que la presse juive se charge de propager ; si par la même occasion il constate qu’une auberge, un peu isolée, est tenue par un vieillard, il devient d’indicateur polique, indicateur criminel, il donne les éléments d’une affaire aux rôdeurs de Paris qu’il connaît. Quelle prise a-t-on contre lui ? Si on le surprend blotti dans une église ou relevant les empreintes des serrures, il déclare qu’il est sur la piste d’un gros crime commis par un curé, et la magistrature d’aujourd’hui est trop bien dressée pour nuire à l’action d’un ennemi du cléricalisme. Quinze jours après on pille l’église, mais la police, qui s’est bien gardée de découvrir les malfaiteurs qui avaient dévalisé le Trésor de la basilique de Saint-Denis, a trop d’esprit pour chercher le vrai coupable. Notre homme, d’ailleurs, ne se contente point de surveiller les méfaits du cléricalisme dans les églises, il suit ses manœuvres, il entre dans les casernes, il visite les forts sous prétexte de voir si on n’y a pas réservé de local aux aumôniers et, en souvenir du Kulturcampf, sans doute, ne néglige pas de faire profiter l’Allemagne de ses observations militaires.

Où qu’on l’arrête, il est sûr de l’impunité. Tout ce monde se tient, en effet. L’agent Tricoche et Cacolet a un grand chef qui est le préfet de police. Jadis, dit-on, dès l’aube, quand les valets de tripots et les garçons de lupanar commençaient à balayer les salles et à faire entrer un peu d’air dans ces bouges où flottaient partout des vapeurs de corruption, un émissaire matinal venait remettre à Fouché le rouleau de louis qu’il prélevait sur les produits de la débauche. Aujourd’hui Fouché n’est plus seul à palper, il partage le gain des agences interlopes avec tout un monde de républicains affamés. Il est comme le président honoraire, je veux dire le président à honoraires d’un immense tripot ; la maison Tricoche et Cacolet a été déclarée établissement d’utilité publique ; elle fait tout ce qui concerne son état : elle espionne les curés, elle épie tout ce qui pourrait les compromettre ; elle fournit des renseignements excellents sur des commissionnaires en marchandises comme les frères Bloch qui se sont enfuis en 1883, après avoir volé six cent mille francs aux négociants parisiens ; elle protège le Vice et persécute la Vertu.

Parfois il y a un malentendu. On s’attaque par mégarde à la femme d’un député radical, alors on entend un joli vacarme. Comme la liberté de conscience d’un Dreyfus, l’honneur d’une républicaine est, parait-il, d’une essence particulière, c’est une pièce rare ; en s’en occupe et les journaux conservateurs, qui ne défendraient pas les leurs, font un tapage infernal autour de cet honneur précieux. Ce n’est pas mauvais, d’ailleurs : la boue remuée pue davantage que lorsqu’elle reste stagnante, et le chimiste social peut s’instruire en étudiant la composition des vapeurs méphytiques qu’elle dégage. Il faut se hâter par exemple : à peine, par l’ouverture béante, a-t-on aperçu le cloaque qui est au-dessous de notre Paris républicain, que tout le monde crie : « Remettez la plaque ! »

Dieu me garde de manquer de respect à une mère de famille calomniée ; je ne crois pas qu’on puisse trouver dans ce livre violent une allusion qui puisse même effleurer l’honneur d’une honnête femme. Il est permis cependant de regarder et de juger la pièce à grand spectacle qu’on a montée à l’occasion de l’affaire Hugues.

Quelle salle, plus faite pour inspirer les républicains que celle du 8 janvier 1885 ! Terrifié d’avance a l’idée d’être en butte aux attaques de la presse radicale, le président Bérard des Glajeux s’est dessaisi, avec une prudence peu héroïque, du droit de maintenir le bon ordre, il a délégué tous ses pouvoirs à Lunel, le chef des gardes du Palais.

Ce Lunel est-il parent de l’agent de change juif de ce nom ? Je ne sais. En tous cas, après avoir été congédié, il a été réintégré dans son emploi, grâce à l’appui énergique le la Lanterne et de l’Intransigeant. Les billets d’entrée sont aux plus offrants, on les met aux enchères aux environs du Palais de Justice, et les gamins poursuivent les passants de leurs offres.

Les souteneurs et les prostituées ont envahi le prétoire ; ce monde ignoble se mêle aux jurés, chasse les avocats de leurs bancs. Une fille publique, à moitié déshabillée, se montre, le corsage ouvert et la mine provocante, entre le chef du jury et l’avocat général Bernard. Un magistrat, en regardant son voisin, reconnaît un voleur qu’il a condamné le 12 mai précédent. Le président, pressé entre des rôdeurs de barrières et d’anciens galériens, ose à peine faire un mouvement pour ne pas déranger ses assistants.

Le soir vient. Toute cette foule excitée et énervée commence à échanger des propos grivois. Les femmes se prêtent aux attouchements, vident des fioles de Champagne, donnent à haute voix des rendez-vous dans les hôtels du voisinage, puis, fatiguées de l’attente, n’osant quitter leurs places, sacrifient publiquement à la nature sur le parquet qu’elles souillent[210].

C’est devant ce public bien digne d’eux que paradent les défenseurs de la vertu outragée.

M. Henri Rochefort s’était chargé du prologue dans son journal. Qui ne se rappelle avec quel esprit féroce il s’est acharné sur la pauvre reine Hortense, à laquelle Mme de Rémusat elle-même, qui n’est pas tendre, a rendu un éloquent hommage, il a répété cent fois qu’elle avait été la maîtresse de l’amiral Werhuel ; il a traité l’Impératrice de la façon la plus outrageante, il a affirmé que le prince impérial était un bâtard ; il a renouvelé sur l’infortunée Marie-Antoinette l’attentat que le bourreau commit, dit-on, sur Marie Stuart, il a ramassé les calomnies d’Hébert, pour accuser cette reine de mœurs sans nom et souffleté cette tête coupée que l’exécuteur n’avait pas osé prendre par les cheveux pour la montrer au peuple. Maintenant, il déclare que l’honneur d’une femme est chose sacrée et que ceux-là sont vils qui osent y toucher.

Mais Anatole de la Forge vient d’entrer en scène. Il a félicité sans doute Mayer, « son vieil ami, » lorsqu’il a accusé une Sœur de Charité d’avoir accouché en wagon, et le voilà, lui aussi, qui entonne son grand air sur l’honneur des femmes[211]. N’essayez pas de faire comprendre à ce chevalier que la calomnie contre une femme est aussi infâme chez Mayer que chez Morin, ce galant homme vous répondrait cyniquement : «  Morin n’était pas utile à ma candidature, et Mayer l’est infiniment ; si Morin avait eu un journal républicain je l’aurais appelé : « mon vieil ami. »

Celui qui s’indigne le plus haut, c’est M. Gatineau, qui détestait tant l’armée qu’il fut frappé depuis d’apoplexie en sortant de l’atelier d’Yvon, où il avait été voir le portrait du général Forgemol. Jamais plus effronté diffamateur n’a déshonoré le barreau français, qui compte cependant de beaux spécimens dans ce genre.

Attendez qu’il ait fini de s’indigner et vous le verrez se précipiter, la toque levée, pour serrer la main à Me Cléry qui, dans le procès de Marais, a accusé, sans l’ombre d’une preuve, une comédienne d’avoir donné la mort à sa compagne en jetant sur elle un seau d’eau glacée dans un moment critique.

Un peu plus loin, il saluera Me Cresson, un ancien préfet de police, un membre du conseil de l’ordre. Celui-ci, dans le procès intenté à Mme Edmond Adam par son beau-frère, ne s’est pas contenté de prendre ce qui, dans la vie de la femme de lettres, peut sembler ridicule : les livres, les ambassades, les réceptions ; il a été regarder dans le pot de nuit des diabétiques et il a raconté au tribunal ce qu’il avait vu ; il a parlé « du délire de Vénus adultère à sa proie attachée[212] ; » il a publiquement et solennellement affirmé contre Mme Adam des faits aussi calomnieux probablement que ceux articulés contre Mme Hugues[213].

La bête immonde, pour tous ces démocrates, c’est le pauvre hère crotté, qui s’en va, pour quarante sous, chercher des arguments qui rapportent dix mille francs aux avocats lorsqu’ils les présentent aux juges en leur donnant une gravité qu’ils n’auraient pas dans la bouche d’un Morin[214].

L’opinion publique en France a tellement perdu la perception du juste et de l’injuste qu’elle est incapable de se rendre compte de tout ceci ; pour elle tout se réduit à des jeux scéniques : elle applaudit quand c’est bien joué et c’est tout.

Supérieurs à tout, les républicains peuvent tout oser. Si une chrétienne exaspérée par les persécutions s’était permis de recourir au revolver, les journaux amis de M. Hugues l’auraient dénoncée avec ensemble et la loi aurait épuisé ses rigueurs sur elle. Vous avez vu, au contraire, l’attitude du juge Athalin devant Mme Hugues, soudain transformée de déesse de la Liberté en furibonde Euménide ; il l’accable de politesses, il embrasse le bas de sa robe en lui demandant sa protection ; il refuse de confronter l’accusée avec le cadavre de sa victime, ce qui est une formalité obligatoire, et cela sous prétexte d’épargner une émotion à une femme qui peut avoir toutes les qualités, mais qui ne ressemble certainement pas à une sensitive, s’il faut en juger par le sang-froid avec lequel elle a ajusté son ennemi.

Nous sommes ici, d’ailleurs, dans la pure tradition jacobine. La mort seule semble capable d’expier la plus légère offense contre l’auguste personne du Jacobin ou de la Jacobine. Léonard Bourdon, le crapuleux proconsul dont Taine nous a raconté les exploits, est insulté un soir à Orléans en sortant d’un mauvais lieu et reçoit quelques horions dans une rixe entre ivrognes. Savez-vous combien d’êtres humains furent immolés pour ce fait ? Neuf. Un de ces malheureux avait dix-neuf enfants dont quatre servaient aux armées[215]. Les parents de ces infortunés vinrent supplier, implorant, la Convention de faire grâce ; la Convention resta impassible et les condamnés furent conduits au supplice en chemise rouge.

Une jeune fille de vingt ans, Cécile Renault, se présente chez le concierge de Robespierre avec deux petits couteaux dans sa poche. On tue son père, son frère, sa sœur, sa tante et on enveloppe dans le procès cinquante-six personnes qu’on guillotine, toujours en chemise rouge. C’était si beau que Fouquier-Tinville, pour aller voir passer le cortège, retarda ce jour-là son dîner.

Les écrivains républicains, qui trouvent cela admirable et qui ont poussé des cris de joie à l’assassinat de Morin, se déclarent tous partisans de l’abolition de la peine de mort[216]. Quels Pasquins !

Que faire contre cette persécution ? Rien. C’est la persécution perfectionnée que prévoyait Desmoulins lorsqu’il écrivait : « Ce sont les despotes maladroits qui se servent des bayonnettes, l’art de la tyrannie est de faire la même chose avec des juges. »

Le régime autoritaire, cette centralisation toute-puissante, déjà si lourde quand la machine gouvernementale était dirigée par des hommes qui avaient un fragment de conscience qui, tout au moins, se rattachaient aux traditions françaises, est devenu un effroyable instrument d’oppression entre les mains de vagabonds d’hier, d’étrangers fraîchement naturalisés, de Juifs vindicatifs et haineux. Magistrats, commissaires, agents, tout cela est uni par la communauté d’origine. Tous ont fait à peu près les mêmes métiers autrefois, ont vécu entre deux peurs des mêmes industries suspectes. Si vous aviez à vous plaindre de quelque abus de pouvoir, je ne pense pas que vous trouviez grande protection auprès de Carlier, l’ancien homme de confiance de Crémieux, qui déclare, dans une réunion électorale, que « Dieu, la famille et la propriété sont des balançoires. »

Quant aux commissaires, il n’est pas de jour, où à la suite de quelque aventure trop éclatante, l’un d’eux ne quitte son cabinet pour une cellule à Mazas. L’un, magistrat et marchand de vin à la fois, est poursuivi pour escroquerie. L’autre, un nommé Rougeau, celui-là opérait à Saint-Denis, réclame 160 francs au lieu de 10 francs à l’un de ses administrés ; il n’est sauvé, raconte le Clairon, que par l’intervention de Loewe et de Camille Sée[217]. Le commissaire de Viviers tire un coup de revolver sur un habitant paisible de sa commune et est arrêté au moment où il s’élançait sur lui, probablement pour lui arracher sa montre. Au mois de décembre 1883, le commissaire de police d’Orbec, Hebert, est condamné par la cour d’assises du Calvados à trois ans de prison pour attentat à la pudeur[218].

Cardinal, le commissaire de police de Vitré, est plus étonnant encore ; il se charge de procurer des nuits d’amour à ses amis et il choisit au hasard parmi les femmes les plus irréprochables de la ville. Un soir, son compagnon d’orgie, Leroy, rédacteur en chef du Radical de Rennes, lui témoigne le désir de sacrifier à Vénus. Cardinal n’hésite pas, il fait ouvrir au nom de la loi la maison d’une honnête femme, Mme Porée, dont le mari employé à la gare était absent, jette le bouillant républicain dans les bras de cette dame réveillée en sursaut et saisie d’épouvante, et se retire. La femme crie, se défend, roue de coups l’ivrogne qui veut la prendre de force. Finalement l’affaire s’ébruite et, au mois de décembre 1885, la Cour d’appel de Rennes, statuant sous la présidence de M. de Kerbertin, condamne Cardinal à six mois et Leroy à un mois de prison.

Broussier, d’abord commissaire de police à Guines, où il avait commis d’innombrables vols, avait été envoyé par le ministre à Vendôme avec de l’avancement. Là, il trouva tout simple de se rendre à la gare, d’éventrer un sac de dépêches et d’emporter les lettres chargées. Le jury de Loir-et-Cher le condamna à cinq mois de prison au mois de février 1886. « Je suis toujours commissaire de police, dit-il au président, le ministère m’a accepté pour les colonies. » Il ira rejoindre son poste à l’expiration de sa peine et probablement avant.

Il serait dommage d’omettre Joyeux, le commissaire de police du quartier de la Folie-Méricourt. Cette affaire Laplacette, dont tous les journaux ont retenti au mois de mai 1884, est une des plus émouvantes, une de celles qui montrent le mieux combien notre société est dure aux petits. Ce Laplacette, entrepreneur de ventes à crédit, deux ou trois fois millionnaire, avait tout simplement rétabli, pour ses employés, la chaîne de l’esclavage antique, mais en la rendant plus lourde encore.

Pour éviter que ses courtiers ne l’abandonnassent, ce patron républicain, puisqu’on était sur le point de le décorer, avait trouvé un moyen ingénieux. Dès qu’une légère erreur se produisait dans le compte de ses employés, dès qu’il leur manquait deux ou trois francs de timbres, il les accusait d’abus de confiance et les effrayait avec les mandats de comparution en blanc que lui remettait son complice et son associé, le commissaire Joyeux. Les malheureux étaient amenés dans un local, qu’on appelait la cage, dans lequel se tenait en permanence le secrétaire du commissaire prêt à verbaliser au cas où l’employé aurait répondu par un mot grossier aux injures dont l’accablait Laplacette. Là, affolés par l’idée de la prison, terrifiés par cet appareil, ils signaient une déclaration par laquelle ils reconnaissaient avoir volé leur patron.

Les signataires étaient désormais à la discrétion de Laplacette. Six mois, un an ou deux ans après, quand les affaires allaient mal ou que la nécessité de frapper l’esprit du personnel se faisait sentir, on prenait au hasard un de ces infortunés, comme on prenait un esclave pour les murènes, et on le livrait aux tribunaux qui le condamnaient sur son propre aveu. On mettait le nom sur un tableau, que l’on appelait le tableau d’avancement, afin que cet exemple terrorisât les autres.

Quatre-vingts pauvres diables furent ainsi exécutés ! Quatre-vingts existences d’hommes furent souillées, flétries, brisées à jamais ! Et les autres ! ceux qui avaient sans cesse cette épée de Damoclès sur la tête, vous figurez-vous ce qu’ils devaient souffrir.

Joyeux ne fut pas poursuivi, il ne fut pas même révoqué ; il fut admis par Camescasse à faire valoir ses droits à une honorable retraite...

Tous ces gens-là, encore une fois, se ménagent entre eux, car ils se connaissent les uns sur les autres des histoires à s’envoyer tous aux galères.

Custodes ipsos quis custodiet ? s’écrie l’honnête homme éperdu en voyant les gardiens de la sécurité publique s’allier à d’anciens communards pour dépouiller le pauvre monde. Au mois de février 1884, Provendier, officier de paix du neuvième arrondissement, tristement compromis dans l’effraction du domicile des Capucins et déjà poursuivi pour avoir détourné les fonds destinés aux agents placés sous ses ordres, comparait devant la cour d’assises de la Seine ; il est condamné à deux ans de prison pour faux commis de complicité avec un de ses amis, le sieur Gilson. Le sieur Gilson avait eu une part considérable dans le pillage de l’église Saint-Ambroise sous la Commune.

Un autre officier de paix, Gout, est arrêté au mois d’octobre 1884, et condamné à un an de prison pour avoir extorqué des sommes importantes aux directeurs des Cercles, en se servant du nom de Puybaraud, le chef du cabinet du préfet de police.

Rougeau, secrétaire de Dulac, avait pris une part active à l’exécution des décrets. Quant à Hébert, le Clairon du 17 octobre 1883 nous apprend qu’étant à Bayeux, « il avait fait avec le sous-préfet juif Strauss, décoré pour cet exploit, et le secrétaire du sous-préfet, assaut de brutalité pour enfoncer les portes de l’abbaye et pour en chasser les RR. PP. Prémontrés. » Ne pouvant plus le garder on l’avait envoyé à Orbec.

Cotton d’Englesqueville, qui avait montré tant d’acharnement dans l’expulsion des Dominicains, devint fou. Successivement procureur impérial à Ajaccio, juge à la cour de Pau et conseiller à la cour de Caen, il avait dû quitter la magistrature et, après avoir exercé divers métiers, il était en dernier lieu courtier en chevaux ; c’est là qu’on l’alla chercher pour en faire un commissaire de police. Poursuivi par le remords, il se croyait en butte aux attaques de malfaiteurs invisibles et avait prétendu qu’un individu, resté inconnu, avait déposé une bombe dans son appartement ; quelques heures avant sa mort, il envoya à la préfecture une dépêche qui portait ces mots : « Mazas en débris ; Louise Michel et les Capucins ont fait sauter Paris. »

A. Margarot, le maire de Nîmes, un des trente-trois membres du Suprême Conseil, qui, allié aux Protestants, avait montré une véritable frénésie dans tous les actes de persécution religieuse, se suicida au mois d’avril 1885, à la suite de vilaines affaires d’argent.

Il y aurait des choses très intéressantes à dire sur le châtiment des crocheteurs. Presque tous ceux qui ont été mêlés à ces scènes finissent dans des catastrophes.

Le serrurier de Lille, qui avait consenti, au refus de tous ses camarades, à prêter son aide au préfet, fabrique une machine infernale et se tue ensuite.

Au mois de février 1885, un nommé Astruc, qui avait figuré au premier rang lors de l’exécution des décrets à Montpellier, est condamné par la cour d’assises à trois ans de prison pour complicité de vol.

Tous ceux qui ont été crocheter la Trappe des Dombes au Plant sont morts dans l’année dans des conditions fort tristes[219]

Sans doute, les faits s’expliquent assez naturellement au point de vue humain. Ce n’est pas dans l’élite de la population que le pouvoir a pu trouver des auxiliaires et si tous les pendards ne sont pas pendus, ils finissent toujours, en continuant le cours de leurs exploit par heurter trop violemment la loi pour qu’on puisse étouffer l’affaire. C’est, je crois, Joseph de Maistre qui a dit « qu’il y avait plus de coquins courant après les châtiments que de châtiments courant après les coquins. » Malgré tout, les uns et les autres se rencontrent quelquefois.

Les frères Ballerich se précipitant, l’épée et le revolver au poing, dans un bureau de journal, ne semblent-ils pas la personnification de la Police elle-même affolée, éperdue, pervertie par l’impunité, que dis-je, par la récompense d’hommes comme Dulac et Clément qui ont accompli, sans avoir été encore poursuivis, des actes que le Code punit justement du bagne[220] ? Tout s’enchaîne. En matière d’effraction :

C’est par les couvents qu’on commence,
C’est par les journaux qu’on finit.

On devine les scrupules que peuvent éprouver comme fonctionnaires des gens qui ont tant à se faire pardonner. Un commissaire de police d’Angers, Poilu, est chargé, au mois de novembre 1881 d’une instruction contre un prêtre. La plupart des témoins déposent en faveur de l’accusé et sont tout étonnés quand on leur relit leurs dépositions au tribunal de voir qu’on leur avait fait dire absolument tout le contraire de ce qu’ils pensaient. L’ingénieux Poilu les avait tout simplement appelés à son bureau et sous un prétexte quelconque leur avait fait signer une feuille en blanc. La Chambre des mises en accusation, saisie de l’affaire, écarta l’intention frauduleuse en constatant seulement que le magistrat avait systématiquement omis de relater les témoignages favorables à l’accusé !

On comprend ce que peut faire de ravages, dans un pays organisé comme le nôtre, la force publique confiée à de tels hommes.

Sur ce point l’historien de l’avenir fera bien de consulter les chroniques d’Ignotus.

C’est dans un volume spécial, consacré au mouvement littéraire de notre époque, que j’étudierai à fond cet écrivain qui est un des rares qui aient appris leur nom à la foule depuis 1870. Beaucoup ne l’aiment pas ; d’autres exagèrent sa valeur ; je trouve, quant à moi, qu’il est impossible de lui contester un don très réel d’exprimer dans une langue personnelle des pensées parfois très originales et très hautes. On peut lui appliquer la définition de l’artiste par Varnhayen : « Un artiste est celui dont les idées se font images. »

J’avoue n’être pas toujours enthousiaste des portraits. Je ne parle point du portrait de Rothschild, il n’est pas digne de l’écrivain et l’auteur semble en avoir rougi puisqu’il n’a donné aucune publicité au volume dans lequel il figurait. Alphonse, parait-il, en fut écœuré lui-même, « Tenez, ma chère, aurait-il dit à la baronne en montrant un journal juif dans lequel les catholiques étaient traînés dans la boue, voilà comment nous les fouaillons… et voilà comme ils nous lèchent, » aurait-il ajouté, en jetant à terre l’article d’Ignotus.

Jamais l’adulation pour le Juif n’a été poussée si loin. En ce siècle fécond en incroyables péripéties qui vit un fils de la Fortune être sacré à Notre-Dame onze ans après l’exécution d’un descendant de saint Louis, où les empires et les trônes roulent emportés par des tempêtes soudaines comme des feuilles d’arbre par le vent d’automne, Ignotus prétend sans rire que le fondateur de la dynastie des Rothschild a assuré sa maison « même contre l’avenir. » Le beau billet à ordre qu’ont là les banquiers et la jolie prophétie que fera, mentir demain le premier capitaine un peu brave, le premier chef d’insurgé de tempérament français qui, au lieu de s’attaquer bêtement à des couvents, viendra, la cigarette aux lèvres, mettre tranquillement en arrestation toute cette nichée de barons !

Pour être moins plats les autres portraits n’en sont pas toujours plus fidèles.

A mon avis, Ignotus, comme portraitiste, n’a pas assez l’amour de ce dessin que Ingres appelait « la probité de l’art. » Il ne se préoccupe pas assez de la sincérité des contours et de la vérité des lignes, il fait amusant et intéressant sans se soucier toujours de faire exact.

La raison de cette insuffisance relative est simple. Cet écrivain, qui a de si belles parties d’artiste et de poète, est badaud par certains points. S’il est parfois le fils attendri de cet Océan qui lui inspire de si originales comparaisons, il reste souvent l’habitant de la Loire-Inférieure en déplacement à Paris. Le badaud, qui est en lui, paralyse et désarme l’observateur quand il s’agit de regarder dans le blanc des yeux ces contemporains qui mentent presque toujours, qui prennent des attitudes factices en désaccord avec leurs actes ; il le sert, au contraire, quand il s’agit de regarder la rue qu’on ne peut comprendre qu’en partageant an peu sa façon d’éprouver.

Ce qui restera de ce peintre-moderne qui, contrairement à ce qu’il s’imagine peut-être lui-même, sait mieux voir les hommes qu’un homme, la collectivité que l’individualité, ce sont ses études sociales, ses peintures de ce Paris nouveau, monstrueux, invraisemblable, ses dramatiques analyses de ce monde renversé où les gens de bien sont maintenant à la merci des criminels de tous les pays.

Réunissez ces travaux fragmentaires en un volume, joignez-y le livre de Maxime Du Camp, ajoutez-y le présent livre qui dit ce que ces hommes, soucieux de ne pas se faire d’ennemis, n’osent pas dire. Complétez le tout par le livre que quelqu’un, sans nul doute, est en train de préparer dans un coin et qui contiendra ce que je n’ai pas voulu dire : les détails intimes, que chacun se raconte à l’oreille, les révélations sur les tripotages secrets, sur la vie privée, sur les dessous honteux de ce gouvernement. Et, si la capitale disparaît dans un formidable cataclysme, vous aurez les matériaux suffisants pour reconstituer la ville géante qui, hier, s’appelait la cité-reine et qui, demain, sera la cité mendiante, la cité découronnée, déshonorée, désespérée.

Du Camp vous donne dans son livre froid comme les pierres, dans ce livre d’une littérature toute édilitaire, le décor admirable et pompeux, le cadre monumental et grandiose de la ville impériale, mais, dans cette œuvre faite presque exclusivement avec des documents officiels, le mouvement et la vie n’existent pas. Dans Ignotus, vous trouverez peint au naturel, ad vivum, le monde bizarre qui s’est installé impudemment dans cette ruine toute neuve d’un monde écroulé comme les bohémiens s’installent deux ou trois fois l’an dans le jardin des Tuileries, pendant leurs loques aux statues des consulaires, rapiéçant leur chaussure trouée au pied des déesses de marbre, allumant les réchauds de leur nauséabonde cuisine sous les arbres augustes que nos rois avaient plantés pour verser la fraîcheur et l’ombrage aux passants.

Assidu du palais et avocat lui-même, quoiqu’il n’ait que peu plaidé, Ignotus décompose très bien la façon dont fonctionne la persécution judiciaire. Il explique fort lucidement comment l’innocent est condamné d’avance, même avec une sorte d’apparence de justice dès que le magistrat Franc-Maçon est d’accord avec ceux qui ont organisé une affaire, soit dans un intérêt électoral, soit dans un but de chantage.

Les études sur le huis-clos, le secret, les attentats à la pudeur sont d’un penseur et d’un légiste.

L’enfant, dit très bien l’écrivain, n’a pas conscience fort nette de la réalité des choses. De même que le bébé naissant étend le bras pour toucher les objets les plus éloignés de même l’enfant ne distingue que peu à peu la matérialité des actes. Il les confond, présents ou passés. Il ne met pas une grande différence entre ce qu’il a vu ou entendu. Parfois il croit avoir entendu ce qu’il a vu et vu ce qu’il a entendu.

Un criminaliste, M. Forster, m’a dit qu’à Londres, il avait, devant plusieurs médecins témoins, persuadé peu à peu une petite fille qu’elle avait mangé un bonbon une heure auparavant, alors qu’elle n’avait que bu un verre d’eau rougie.

Or, cet enfant est le témoin qui, d’ordinaire, est regardé comme le plus croyable et qui est le plus cru. Il y a cet adage criminel : « plus le témoin est petit, plus il pèse ! »

C’est là-dessus que comptent les Francs-Maçons qui excellent dans ces préparations de procès d’attentats à la pudeur. On fait croire l’enfant à la réalité de certains faits qui n’ont jamais existé, on lui fait apprendre une leçon qu’il répète par vanité pour ne pas avoir l’air de manquer de mémoire. Sous ce rapport, les organisateurs sont d’une habileté incroyable dans le choix de leurs sujets. Dans un village où j’habitais les Frères étaient adorés, les mêmes instituteurs étaient là depuis vingt ans, ils avaient élevé tout le pays. Un jeune Frère arrive, un scandale se produit et il se trouve que le père de l’enfant, qui se prétendait victime, avait été condamné jadis à vingt ans de travaux forcés pour attentat à la pudeur. Evidemment il y eut, en cette occasion, soit corruption par le père, soit prédisposition maladive hérédifaire chez l’enfant à porter son imagination sur certaines idées.

Parmi d’innombrables affaires de ce genre, dont le récit allongerait indéfiniment, ce livre je prends au hasard l’affaire de l’abbé Mulot.

L’abbé Mulot, curé de Saint-Leu, à Amiens, était un vénérable prêtre de 71 ans qui avait traversé la vie en faisant le bien. Pendant le choléra de 1866, il avait bravé cent fois la mort en prodiguant ses soins aux malades et les habitants du faubourg de Hem s’étaient cotisés pour lui offrir une couronne d’or à titre de souvenir.

Quand on demanda à un témoin, M. Hocquet, maire de la commune de Templeux-le-Guérard, où l’abbé Mulot avait été curé, quelle était alors sa réputation, il répondit simplement : « Si j’avais voulu amener ici quatre cents personnes de Templeux pour témoigner en faveur de M. l’abbé Mulot, elles seraient venues en masse. »

L’abbé Mulot avait du défendre les droits de l’Église contre la ville d’Amiens. Dauphin, le protecteur et l’ami d’Erlanger, et Goblet, qui vaut encore moins que lui, avaient été indignés d’une telle audace. Il fut résolu qu’on perdrait le pauvre prêtre, « qu’on monterait un coup » pour employer l’expression d’un des témoins. Une institutrice qui, avant d’appartenir à l’enseignement, avait fait partie d’un cirque ambulant, vint raconter que des enfants auraient reçu du curé ce qu’ils appelaient « des leçons naturalistes. »

Le procès eut lieu au mois de juin 1882. Robinet de Clery, chargé de la défense de l’accusé, fut magnifique, mais ne l’eût-il pas été que la cause de la vérité aurait triomphé quand même. Le président du tribunal était un honnête homme et un homme d’esprit. Après deux ou trois questions ; il sut, à quoi s’en tenir sur l’innocence des enfants Ils avaient en effet figuré déjà deux ou trois fois dans des affaires d’attentat aux mœurs. C’était une spécialité chez eux ; la Franc-Maçonnerie les promenait de département en département. L’arrêt fut très explicite sur ce point :

En ce qui concerne l’outrage public à la pudeur :

Attendu, que s’ils avaient existé, les gestes indécents, objets de cette seconde inculpation, en raison même de leur gravité, n’auraient pas manqué, dès le premier jour, d’être dévoilés par les enfants, dont deux, au moins, avaient été antérieurement mêlées, comme victimes ou comme témoins, dans des procès de mœurs ;

Attendu, néanmoins, que lors de l’enquête de M. l’inspecteur Camus, il n’a été en aucune façon question de ces actes, et que c’est le lendemain, devant M. le commissaire de police, que deux enfants ont commencé à en parler ;

Attendu que la défense, pour infirmer ces témoignages, a justement relevé les nombreuses contradictions qui existent entre les déclarations des différentes petites filles, non-seulement sur les gestes dont s’agit, mais encore sur d’autres circonstances accessoires de la scène, contradictions d’autant plus inexplicables que les faits se seraient accomplis sous leurs yeux, dans un espace relativement très restreint ;

Attendu que l’instruction et les débats ont, du reste, révélé la pression exercée par une personne (l’institutrice laïque Mette) sur les enfants, et dont l’animosité contre l’inculpé ne saurait être mise en doute ;

Attendu que la moralité inattaquable de l’abbé Mulot et tout son passé protestent contre ce nouveau chef de prévention ;

Par ces motifs :

Le tribunal renvoie l’abbé Mulot des fins de la poursuite, sans dépens.

Une enthousiaste ovation fut faite au sortir de l’audience au malheureux vieillard qui, très fort devant la persécution, faillit s’évanouir de joie en voyant combien il était aimé. Un de nos confrères, M. Nicolas Boussu, ouvrit dans son journal le Courrier de la Somme, une souscription qui fut presque aussitôt couverte et qui servit à l’achat d’un calice d’or[221].

L’institutrice flétrie par le tribunal reçut naturellement l’avancement qu’elle méritait ; elle fut appelée à une position à Paris.

J’avoue n’avoir pas le courage de reprocher trop sévèrement à la malheureuse son indigne conduite. Qu’il est difficile parfois à une pauvre fille, sans principes de moralité bien solides, de résister à la pression qui vient d’en haut ! L’inspecteur, un gros monsieur, décoré, parlant fort, exerce une véritable terreur sur ces êtres faibles ; placées entre une infamie et la peur de perdre leur place, ils succombent en souffrant peut-être plus cruellement qu’on ne le croit.

Nous nous sommes arrêtés assez longuement à ce procès car il peut être considéré comme le procès-type de la Franc-Maçonnerie.

La date explique l’acquittement comme l’acquittement explique la loi sur la magistrature. Aujourd’hui

l’abbé Mulot serait certainement condamné à cinq ans de prison[222].

Ignotus voyait très juste lorsqu’il écrivait : {{interligne]] Que deviendra la sécurité de chacun, quand la magistrature appartiendra à des êtres déclassés ? Nous arriverons aux heures les plus sombres de la décadence romaine. Le nouveau magistrat sera l’instrument des vengeances ou des appétits particuliers. La foule sera maîtresse du prétoire. Déjà vous avez vu un curé, qui depuis a été acquitté — arrêté préventivement et mené en prison entre deux gendarmes… à pied, un jour de dimanche, à la sortie de la grand’messe. N’y avait-il point là pression de la foule sur des magistrats secondaires ?

Ce qui arrive aujourd’hui aux curés adviendra demain ou après-demain aux laïques.

Maintenant le jury est choisi par deux degrés différents d’examinateurs : 1° l’assemblée des maires ; 2° l’assemblée composée des conseillers généraux et présidée par le président du tribunal civil. Que sera-ce quand ce président sera un magistrat de dernière catégorie ?

Que sera-ce quand le parquet sera composé d’hommes méprisables ? quand le droit excessif d’arrêter préventivement un citoyen sera dans des mains vénales ? quand le prévenu pourra être mis au secret, selon la fantaisie de quelque juge d’instruc- tion, a qui aujourd’hui vous ne confieriez pas votre bourse ? quand le jugement aura lieu à huis-clos, sans le contrôle de l’opinion publique ?

En ce temps-là, les accusations d’outrage à la pudeur seront plus nombreuses que jamais. Les femmes seront les plus formidables instruments de la Révolution sociale — de même que d’autres femmes en sont aujourd’hui les plus redoutables adversaires. Vous savez que la femme est ou l’être humain le meilleur, ou l’être humain le plus mauvais. Leur esprit est comme l’hirondelle-martinet qui peut voler le plus haut dans le ciel — et le plus bas vers la boue ! ! !

Que sera-ce quand la balance de la Justice deviendra une balance d’épicier, où le déshonneur sera vendu à prix d’argent, comme le sel et le poivre ?

Dieu est remplacé par le procureur général vis-à-vis des foules. Que sera-ce quand le procureur général sera l’élu et l’instrument des passions les plus basses ?

Il ne faut pas croire qu’en ce temps-là les simples citoyens pourront se dégager des luttes politiques. Ce serait folie que de le croire. Nul ne pourra regarder de sa fenêtre ce qui se passe dans la rue — comme dans un jour de Mardi-Gras. Les ruisseaux de la rue monteront dans les maisons !

On s’explique l’acharnement que mit la Franc-Maçonnerie juive à décapiter la magistrature. Les anciens magistrats étaient pour les Juifs, même d’une nature relativement supérieure, un perpétuel sujet d’étonnement ; ils avaient devant cette pauvreté volontaire la même impression de sourde colère que devant la pauvreté du moine ; ils suffoquaient devant ces hommes qui rendaient la justice pour rien, dans l’impartialité de leur conscience, quand ils auraient pu tant gagner à la vendre.

Isaac Pereire racontait souvent, comme une des surprises de sa vie, la visite qu’il avait faite à un premier président qu’il était obligé de voir pour un procès d’une importance considérable. Le riche financier avait fait atteler, il s’était rendu chez le magistrat.

— Monsieur X ?

— Au cinquième, la porte à droite.

Profondément surpris, absolument essoufflé, Pereire avait gravi les cinq étages et il avait trouvé, dans l’acajou le plus banal, un homme éminent qui s’était montré aussi au courant que son visiteur des questions financières.

Pereire qui, en sa qualité de Juif Portugais, était accessible à certains sentiments élevés que les Juifs Allemands n’auront jamais, était demeuré frappé de la simple grandeur de cet homme pauvre qui, voué à la plus haute des fonctions sociales, après celle de prêtre, vivait au cinquième, tout en décidant de procès où il s’agissait de millions. Le châtelain d’Armainvilliers, le ploutocrate heureux avait senti ce jour-là qu’il y avait quelque chose au-dessus de l’argent.

Il est évident qu’un magistrat de cette trempe n’aurait jamais consenti, comme Humbert, pour faire réussir les opérations de la banque juive cosmopolite, à faire arrêter les directeurs de l’Union générale la veille de la réunion d’une assemblée d’actionnaires qui pouvait tout sauver.

Les Juifs employèrent tous les moyens pour arriver à se débarrasser de ces magistrats qui les gênaient.

Il se passa, au moment du vote de la loi au Sénat, des faits inouïs. Les Francs-Maçons allèrent voler des bulletins dans les pupitres de leurs collègues, et les déposèrent en leur nom. A la séance du lundi 30 juillet 1883, M. Barthélémy Saint-Hilaire vient déclarer qu’il avait reçu de M. Martel le mandat de voter contre l’article 15, et qu’un sénateur s’est permis de jeter dans l’urne un vote contraire. M. de Kerdrel fait la même déclaration pour M. Dieudé-Defly. Il y a là, comme le constate M. Buffet, un faux en écriture publique. Qu’importe ! Les Francs-Maçons font un signe à Humbert de la Chaîne d’union, qui présidait ce jour là, et celui-ci, qui ricane lorsqu’on parle devant lui de conscience ou d’honnêteté, affirme cyniquement que le vote est régulier. Le Sénat romain des derniers temps n’offre guère de spectacle plus abject[223].

Grâce aux deux Sémites Millaud et Naquet, le tour était joué, les magistrats chrétiens furent remplacés par des Juifs comme les Beer, les Alphanderry, les Eliacin Naquet, les Léon, les Bloch, les Katz, les Pontremols, les Rosenfeld, les Anspach, les Sommer, les Dalmbert, les Durand, etc., etc.

Figurez-vous un chrétien arrivant devant un de ces Juifs ! Quelle satisfaction cet homme éprouvera à pouvoir appliquer son code à lui ! Quel sourire mauvais illuminera son visage lorsqu’il pourra ruiner un malheureux goy, en pratiquant les préceptes donnés par rabbi Ismaël dans le Talmud au traité Baba-Kamina, chapitre Ha Gozel (le voleur) :

« Si un chrétien et un Israélite viennent devant toi pour un différend, si tu peux faire que l’Israélite ait gain de cause suivant la loi juive, fais-le, et dis au chrétien : Telle est notre législation ; ou bien, suivant la loi du chrétien, fais gagner l’Israélite et dis au chrétien : Telle est votre législation. Si, au contraire, tu ne peux pas faire gagner l’Israélite d’une manière ou d’une autre, on emploiera contre le chrétien des astuces et des fraudes[224]. »

Ce qu’est cette magistrature, des scandales quotidiens se chargent de nous l’apprendre. Les magistrats vivent avec les accusés, ils ont les mêmes maîtresses, ils trinquent avec ceux qu’ils auront à poursuivre ou à juger. On entend dans les prétoires des dialogues comme celui-ci qui est véritablement exquis et que beaucoup de journaux ont reproduit. La scène se passe au mois de juin 1884, devant la cour d’assises de l’Aude, où l’accusé, le sieur Guibal, fut condamné à mort pour l’assassinat d’une fille, Marie Coquillière. Le président demande à l’accusé l’emploi de son temps.

Je suis arrivé le 1er septembre à Perpignan.

Je suis allé voir ma nièce, qui était la maîtresse du substitut du procureur de la République.

J’ai dîné avec elle, une de ses amies, — qui n’était autre que Marie Cerbère, — M. le substitut et M. le Procureur de la République.

Après, nous sommes allés tous ensemble assister aux courses de taureaux.

Je voulais partir, mais ces messieurs insistèrent pour me faire rester, et nous fûmes à l’Alcazar.

M. le président Roussel. — Vous avez une famille bien honnête !

Une de vos nièces vit avec le procureur de la République, une autre avec le substitut de Perpignan.

— Oui, monsieur, répond fièrement l’accusé.

Les débats de la cour d’assises du Gard, au mois de mai 1885, nous ont révélé les crimes du Dr Vigouroux, le Faiseur d’anges de Langogne, une prétendue victime du 2 Décembre, qui avait été nommé juge de paix pour ce fait. Ce vieux satyre souille sa nièce Philomène, en présence de sa femme, et chaque année il met un petit cadavre d’enfant issu de ses œuvres dans une valise. Puis, muni de son diplôme de docteur et arguant de ses fonctions de juge de paix, il va faire la déclaration à une mairie quelconque en se retranchant derrière le secret professionnel et en prétendant qu’il a trouvé le corps en wagon. Un dernier trait d’audace le perd, il apporte tranquillement un nouveau petit cadavre à une mairie où il avait déjà fait une déclaration analogue, on l’arrête ; il meurt en prison et la nièce seule est poursuivie.

L’affaire Guillot nous a montré ce qu’est le vol provincial dans notre République. L’affaire Vigouroux, comme une fenêtre tout à coup ouverte sur un lupanar qui serait en même temps un cimetière, nous montre ce qu’est la débauche provinciale dont tous les adeptes sont protégés par le secret franc-maçonnique[225].

Comme premier président de la Cour d’appel, nous avons

M. Périvier, qui passe sa vie avec le Dreyfus des guanos dont il est appelé à juger le procès et qui dit en pleine audience : « A notre époque qu’est-ce qui n’a pas posé un lapin ? »

Comme conseiller, à la Cour d’appel également, nous avons Margue. Je crois que le besoin ne se fait pas sentir de marcher de ce côté.

Dans une note plus propre, mais toujours gaie, M. Andrieux a raconté l’histoire d’un cousin de M. Martin-Feuillée, M. Martin-Sarzeaud qui, nommé juge au tribunal de la Seine, avait eu l’idée pour augmenter ces profits de tenir le soir une brasserie, rue Royale[226]. Il s’embrouillait dans ses fonctions, il criait : « cinq ans de prison ! » à quelqu’un qui réclamait un ’moos’, et après les conclusions de substitut, il vociférait : « un bock à l’as ! sans faux-col ! »

La brasserie n’ayant pas réussi, Martin-Feuillée fît nommer son parent conseiller à la cour d’Alexandrie, aux appointements de 48,000 francs.

Un volume entier ne suffirait pas à énumérer les faits de cette nature. Fidèle à mon système, je prends ceux-ci parce qu’ils appartiennent au domaine commun, qu’il est impossible de les contester. Qui de nous n’aurait à citer des histoires plus révoltantes et plus surprenantes encore ? Dans un département de Bretagne, qu’il me serait facile de désigner, un notaire qui avait volé les fonds déposés dans son étude et ruiné d’innombrables malheureux, fut nommé juge de paix pour services électoraux. Il eut la hardiesse de revenir au milieu de ses victimes et le représentant de la justice républicaine ne put échapper que par la fuite à ceux qui voulaient le lyncher.

C’est encore une figure de magistrat bien curieuse que celle que le Figaro[227] nous présente dans la personne de M. Clerget-Allemand, président du tribunal civil de Macon et particulièrement protégé par M. Martin-Feuillée.

Son aspect était fruste, ses allures revêches ; son langage toujours dur lui avait fait donner le surnom pittoresque de « Gueule-d’acier. » Il ne prenait un ton plus doux vis-à-vis de ses subordonnés qu’en s’invitant à dîner chez eux — ce qu’il appelait modestement pâturer.

Cet homme aimable mourut au mois de juillet 1885 et un juge des nouvelles couches, du nom de Martin, dans le discours qu’il prononça sur cette tombe, offrit le défunt en exemple aux populations comme le modèle de toutes les vertus civiques. Hélas ! comme pour Guillot la douleur ne tarda pas à se changer en une stupéfaction générale.

On apprit alors, en effet, que ce magistrat avait exploité le pays sur la plus large échelle. Dénué de toutes ressources autres que son traitement, qu’il se faisait d’ordinaire payer d’avance, il avait mis à contribution et comme en coupe réglée nombre de gens et notamment les officiers ministériels qui étaient sous sa dépendance. Notaires, avoués, huissiers mêmes ont été victimes de ses manœuvres et de ses soustractions.

Voici comment il procédait. Il allait chez un notaire, et, après avoir parlé de ses propriétés ravagées par le phylloxéra — propriétés qui n’existaient que dans son imagination — il alléguait un embarras d’argent momentané et demandait à emprunter 3,000 fr. C’était le taux pour les notaires. Le notaire, craignant de se brouiller avec le président du tribunal, s’exécutait bon gré, mal gré.

Quinze jours après, M. Clerget frappait à la porte d’une autre étude, recommençait son boniment et terminait par la demande invariable de 3,000 fr. Le notaire, heureux d’obliger le président, et croyant être le seul à être « honoré » de cette confiance, allongeait les trois billets de mille.

Six notaires de Macon furent ainsi pris. L’un d’eux reçut même deux fois la visite du président. À 3,000 fr. la visite, coût : 6,000 fr. Ces soi-disant prêts étaient faits par billets avec intérêts, mais l’honnête président ne se préoccupait pas plus des intérêts que du reste. L’un des notaires, victime de cet emprunteur, lui écrivit un jour pour réclamer le paiement des intérêts. Il ne reçut pas de réponse. Seulement, quelque temps après, il apprit qu’il était commis par le président à une liquidation sur laquelle il ne comptait pas : « Ah ! voilà mes intérêts ! » s’écria-t-il.

Il est juste de dire que M. le président Clerget était très large en fait de taxes. Il avait coutume de dire qu’il fallait prendre l’argent là où il y en avait. — Les notaires de Maçon s’en sont bien aperçus.

Les avoués et les huissiers n’ont pas été plus épargnés. Quant aux fournisseurs, ils attendront longtemps le paiement de leurs notes. On cite un négociant en vins de Mâcon auquel M. Clerget-Allemand doit 800 fr. de fournitures et 100 fr. d’argent prêté. — Ce négociant a eu un mot assez plaisant : « Cela m’étonnait, a-t-il dit, il trouvait toujours mon vin excellent. » Parbleu ! à ce prix-là !

Beyne, procureur de la République à Mont-de-Marsan, contraint une jeune fille, Noémie Pesquidoux, à se livrer à lui, en lui promettant l’impunité pour un léger délit dont elle est accusée, en la menaçant de toutes les sévérités de la loi si elle refuse ses propositions malhonnêtes. La jeune fille, devenue enceinte des œuvres de ce vertueux magistrat, est obligée de l’assigner pour obtenir des aliments pour son enfant. Beyne fait poursuivre l’huissier Souques qui s’est permis de l’assigner. Finalement l’affaire excite un tel scandale qu’on se décide à révoquer cet étrange champion de la morale qui en fut quitte, devant la Cour d’appel de Pau, pour une condamnation à mille francs d’amende pour dénonciation calomnieuse.

Tout Paris a retenti des scandaleux démêlés de M. Edouard Laferrière avec une de ses anciennes maîtresses. Le conseiller d’Etat[228] avait séduit une jeune fille, puis l’avait abandonnée pour se marier richement. Ce sont là les mœurs de ses pareils et il ne faut point s’étonner de cela. D’ordinaire, cependant, les plus débauchés eux-mêmes liquident ces situations proprement. Ce Franc-Maçon, membre zélé de la loge du Réveil maçonnique de Boulogne-sur-Mer, ne trouva rien de plus simple que de dépouiller celle qu’il venait de quitter et de la faire séquestrer pour l’empêcher de protester.

La victime, Mlle Niemowska, a raconté elle-même ces faits dans la plainte qu’elle a adressée au procureur de la République.

Monsieur le Procureur,

Jeudi 9 octobre, à sept heures du matin, la maison que j’habite a été cernée par la police.

Des coups de poing redoublés dans ma porte et des coups de timbre violents, sans interruption, ont obligé ma domestique à demander, à une heure aussi matinale, qui était là.

— Nous venons de la part du concierge.

— Le concierge n’envoie pas de commissionnaire.

— Ouvrez, nous voulons parler à votre maîtresse.

— Elle n’y est pas.

— Le concierge nous a dit qu’il l’avait vue rentrer hier soir.

— Madame ne reçoit pas. Qui êtes-vous ? Votre nom ?

— Durand.

— Connais pas Durand et n’ouvre pas. Si vous êtes le commissaire de police, enfoncez. Madame n’a pas affaire au commissaire.

De là, coups de poing répétés dans ma porte et coups de timbre à le briser.

Je me suis levée, car j’étais malade et couchée.

— Qui se permet de faire un tel vacarme chez moi ?

— Ouvrez, nous avons à vous parler.

— Je ne reçois pas si matin.

— Je suis le commissaire de police.

— Je n’ouvre pas, et rien ne me prouve que vous soyez monsieur le commissaire de police.

Continuation du charivari. Colloque à la porte entre le soi-disant commissaire de police et le concierge. Paroles dudit commissaire, à voix basse, au concierge :

— Appelez la domestique, dites que c’est vous, le concierge, que vous êtes seul, qu’elle ouvre.

Vois du concierge :

— Antoinette, ouvrez, je suis seul, je veux parler à votre maitresse. Est-elle entêtée de ne pas vouloir ouvrir, sa maîtresse a peur.

Mutisme complet de ma part et de celle de ma domestique.

Reprise des coups de poing dans la porte et des coups de timbre à le briser.

Voix du commissaire :

— Cette dame est entêtée, je le suis plus qu’elle, j’attendrai, devrais-je rester jusqu’à cinq heures du soir. Tant pis si je fais du scandale, ce n’est pas ma faute, et il recommence à nouveau le tumultueux charivari.

Une voisine sage-femme, demeurant sur le même palier, demande ce qui se passe :

— C’est le commissaire de police qui veut se faire ouvrir, répond le concierge, et madame ne veut pas.

— Prenez-la par la famine, elle sera forcée d’ouvrir pour envoyer chercher à manger. A offert une chaise audit commissaire, lequel a répondu que, dans son métier, il était habitué à rester debout.

A nouveau, coups de poing redoublés, coups de timbre et ce, jusqu’à onze heures et demie.

— Décidément, ce ne sera pas encore pour aujourd’hui. (Paroles textuelles de M. le commissaire.)

Deux individus à mine effroyable se tenaient sur le trottoir opposé à ma maison et montraient mes fenêtres de la main.

Toute la rue était ameutée ; les boutiquiers, marchands de vins, blanchisseuses, tapissiers sont restés toute la journée en observation, ayant pour objectif mes fenêtres. Tous les locataires de ma maison étaient à leur porte : le scandale a été public.

Ces deux individus sont restés en faction jusqu’à quatre heures et demie, ainsi qu’un agent en uniforme, et pendant toute la journée.

L’homme qui prenait un faux nom et se faisait appeler Durand, était Clément, que nous retrouvons à chaque pas dans notre récit et qui répond : présent ! toutes les fois qu’il y a un domicile à violer, un attentat sans danger à commettre, une illégalité à accomplir.

Avouez que nos pauvres expulsés peuvent avoir quelque joie lorsqu’ils contemplent l’assemblage infâme que forment les trois hommes qui ont été le plus activement mêlés à l’exécution des décrets. Cazot, l’homme de la loi, est poursuivi par les actionnaires après la faillite de la Société d’Alais-au-Rhône, et obligé de donner sa démission de président de la Cour de cassation. Laferrière, le représentant de la jurisprudence, fait enfoncer les portes de son ancienne compagne pour rentrer en possession de lettres compromettantes. Clément, le magistrat judiciaire, moitié Lebel et moitié Lecoq, ceint l’écharpe tricolore pour aller liquider les amours des conseillers d’Etat.

Dans de semblables conditions, on comprend la détermination désespérée de ce curé de Seine-et-Marne qui, poursuivi par la bande juive, est pris d’épouvanté et se tue. Il faut lire le récit de cette agonie dans la Lanterne (numéro du dimanche 18 novembre 1883). Rien n’est plus tragique. L’histoire a d’ailleurs été réunie plus tard en brochure. L’infortuné, rentré tranquille et content à son presbytère après une journée de bonnes œuvres, trouve un journal dans une lettre, il l’ouvre, il lit les calomnies qu’on a imprimées contre lui et il s’écrie : « Je suis perdu[229] ! »

La tempête alors éclate sous le crâne du prêtre de village, y trace sur le papier une dernière protestation d’innocence : « Je suis innocent, je meurs victime ! » écrit-il ; puis il tente de s’asphyxier, il allume un petit fourneau de charbon de bois, mais la mort ne vient pas ; alors il veut protester encore et le cerveau déjà empli de vapeurs mortelles, il griffonne quelques mots incompréhensibles sur ce papier que l’on retrouva le lendemain, dit la Lanterne, « maculé, sali, noirci « comme si on avait essayé d’y tracer des caractères à l’aide du doigt trempé dans la cendre. » Il a la force de se traîner jusqu’au grenier et le matin on retrouve quelque chose qui pend. On croit d’abord, dit le journal juif, que c’est une vieille soutane, mais bientôt on s’aperçoit que dans cette vieille soutane il y a un cadavre[230].

Sans doute le suicide est le crime des crimes puisque c’est le seul dont on ne se puisse repentir ; c’est le crime de Judas. Mais, comme on devine, au point de vue humain, l’affolement qui prend ces humbles quand ils sentent que la meute est sur eux ! A qui avoir recours ? Il y avait fête à Ferrières cette semaine-là ; vous figurez-vous le pauvre curé demandant assistance contre les Juifs de la Lanterne à quelque invité s’élançant joyeux au rendez-vous de chasse ? « Les Juifs, mon cher abbé, mais ce sont des gens ravissants, lisez les gazettes, la baronne a des yeux de velours ; quant au baron il a des bois magnifiques… Ce bon ami je me reprocherai toute ma vie de l’avoir fait attendre pour un laisser courre. »

Les invités ont dû être heureux. Il y a eu certainement double fanfare, une pour la chasse au cerf, une pour la chasse à l’homme. Nos élégantes sportwomen, nos jolies chrétiennes du faubourg en souriant d’un œil énamouré aux grâces un peu lourdes et aux plaisanteries fortement épicées du beau Maurice Ephrussi, le fils du marchand de pommes d’Odessa, n’ont guère songé, j’en suis sur, à la vieille soutane qui pendait là-bas dans un presbytère de village et qui ballottait sur les membres raidis d’un prêtre de Jésus-Christ.

On ne peut imaginer l’impudence des calomnieuses inventions que les Juifs entassent sur tout ce qui touche à l’Eglise.

Qui ne connaît Mgr Howard, une des plus Imposantes figures de l’épiscopat catholique anglais ?

Voici ce qu’ont imaginé sur lui les Archives Israélites, journal officiel du Judaïsme français, d’ordinaire plus circonspect que la Lanterne, moins bruyant dans sa haine.

D’après elles M. Howard serait un Juif de Prague.

Mgr Howard, affirment-elles, n’est point né dans l’Eglise catholique ; ce n’est point l’eau bénite répandue sur son front qui a assuré l’immortalité a son ame, mais ce sont les eaux de la mer Rouge par laquelle ses ancêtres ont passé, c’est le couteau de Mohel (péritomiste). Cette opération fut accomplie, il y a une quarantaine d’années, sur le corps du futur Monsignor, dans la ville de Prague, et lorsque le père adressa, durant la cérémonie de la circoncision, les prières en usage, il ne se doutait guère de la future grandeur de son fils ! Ajoutons, pour être sincère, que le vieil Austerlitz — tel est le vrai nom de l’archevêque de Saint-- Pierre — n’avait nullement souhaité cette sorte d’élévation pour son fils, car il était sincèrement attaché à la religion de ses pères, et la tiare même ne l’aurait pas rendu parjure à sa foi. Le Monsignor, son fils, a été élevé dans les saines traditions de la religion juive, et il est plus que probable qu’avant l’âge de quinze ans il n’avait jamais mis les pieds dans une église.

Les dispositions du jeune Austerlitz auraient attiré sur lui l’attention d’un rabbin de Prague, M. Teweles, qui aurait commencé son éducation et lui aurait donné quelques notions de musique. A la mort de son père, le jeune homme fut obligé de donner des leçons pour vivre et bientôt il entra comme violoniste au théâtre de Prague.

C’est là, continuent les Archives, que se manifesta à lui la grâce sous la forme d’une jeune… lady anglaise sur qui la beauté exceptionnelle du jeune virtuose avait produit une profonde impression. Howard passa du théâtre à l’hôtel de la riche anglaise et il put, le lendemain, annoncer aux parents de ses élèves que désormais il n’avait plus besoin de courir le cachet. En 1852, il reçut une invitation de passer en Angleterre et accepta.

Nous n’avons point de détails authentiques sur son séjour dans ce pays ; nous savons seulement que les portes des salons les plus aristocratiques de Londres et de Dublin lui furent largement ouvertes et que c’est en Angleterre qu’il se convertit au Christianisme pour se vouer à la carrière ecclésiastique. Il changea à cette occasion son nom d’Austerlitz contre celui de Howard. L’archevêque Manning l’honora de sa faveur toute spéciale et il devint très en faveur auprès de l’aristocratie féminine. Au commencement de l’année 1860, il fut présenté au Pape, comme membre d’une députation catholique anglaise. Pie IX, chez lequel le sentiment du beau est très développé, retint le jeune prêtre et lui accorda immédiatement le titre de « Cameriere della sua santita, » distinction qui lui valut en même temps le titre de Monsignor. Afin d’assurer au nouveau chambellan du Pape un revenu convenable, les dames de l’aristocratie anglaise se cotisèrent pour une somme de 30,000 livres sterling dont elles lui firent cadeau. A Rome, comme à Londres et à Dublin, les salons les plus aristocratiques ouvrent avec empressement leurs portes au nouveau cameriere, qui jouit de la faveur toute spéciale des familles princières Barberini et Borghèse, les plus riches et les plus influentes de Rome. Aujourd’hui encore, Howard n’a rien perdu de son amabilité, mais il n’a plus besoin d’y avoir recours ; le prélat se trouve dans une position où l’on peut se passer de protecteur. Le chapeau rouge lui parait assuré : nous ignorons si Son Eminence pense encore aux tristes jours qu’elle a passés au Ghetto de Prague, près du vieux rabbin Teweles, qui croyait en faire un flambeau en Israël, et s’il n’était pas plus heureux qu’aujourd’hui malgré toute sa grandeur[231].

Il n’y a pas un mot d’exact, est-il nécessaire de le dire, dans tout ce récit. Aucun Anglais n’ignore les origines de Mgr Howard, qui est cousin du duc de Norfolk et dont le lieu de naissance est mentionné dans la liste des prélats de la Cour romaine.

Edoardo Howard, nato in Hainton, diocesi di Nottingham, 13 febbraio 1829, della s. m. di Pio IX creato e pubblicato addi 12 marzo 1877, del titolo dei SS. Giovanni e Paolo, Arciprete della Patriarcale Basilica Vaticana, Prefetto della S. Congregazione della R. Fabbrica di S. Pietro.

Elevé au collège catholique d’Oscott, le jeune Howard entra dans l’armée comme officier aux gardes et, en cette qualité, il conduisait un peloton aux funérailles de Wellington au mois de septembre 1852. Fort apprécié dans la haute société anglaise, il obéit à une vocation irrésistible et il alla, en 1853, recevoir les ordres à Rome.

Pie IX avait donné la pourpre à Mgr Howard ; Léon XIII semble avoir obéi à une de ces nobles pensées, qui lui sont familières, en le choisissant comme cardinal ponant dans le procès de canonisation de Jeanne d’Arc, comme si, demandés par un Anglais qui avait été soldat, les honneurs accordés à l’héroïne eussent dû avoir comme un caractère de réparation.

Qu’importe aux Juifs ! L’effet est toujours produit et l’histoire d’un violoniste, qui se convertit par intérêt et se fait entretenir par des Anglaises, sera reprise dans quelques années et racontée à la tribune par quelque Paul Bert.

En voyant le titulaire d’une cure déjà importante, comme Frairot, ne pas même essayer de lutter, on devine ce que doivent peser nos instituteurs congréganistes, empêtrés dans leur robe, mal à l’aise pour répondre à des accusations que très souvent ils ne comprennent pas. Avant même de paraître devant les tribunaux, ils ont de la boue jusqu’au menton.

Je n’ai jamais rien rencontré d’aussi complet dans ce genre que les injures prodiguées à un certain frère Numasius, qui fut acquitté presque sans débat, par le jury bien entendu, car les accusations portées contre lui ne reposaient absolument sur rien. Le frère Halp, le frère Bazilien, le frère Meillier acquittés de même, ont été eux aussi littéralement couverts d’opprobre. La Franc-Maçonnerie juive trouve là un profit certain ; dès qu’elle veut établir une école laïque dans un pays où les frères sont aimés, elle envoie l’ordre à ses magistrats de monter l’affaire. Si l’innocent est condamné c’est tout bénéfice ; s’il parvient à se tirer de ce mauvais pas, il n’en a pas moins été injurié, vilipendé, outragé pendant six semaines, et l’on en est quitte pour annoncer le résultat en une ligne dans le journal qui a diffamé en trois colonnes.

Parfois l’incident se corse. Deux Juifs se battent sur le corps d’un prêtre et se reprochent mutuellement de s’être volé une calomnie d’un gros rapport. Au mois de février 1881, le Juif Eugène Mayer accuse le Juif Paul Strauss de s’être indûment approprié sa littérature pour la porter à la Dépêche de Toulouse. — Ce n’est pas de la littérature, répond Strauss, d’ailleurs, je travaille pour la bonne cause, pour la bonne cause tout est permis.

Chemin faisant, on apprend que ce Paul Strauss, opportuniste fort zélé, et présentement conseiller municipal, a été condamné, en 1879, à trois ans de travaux publics pour désertion et autres peccadilles. C’est une note utile à prendre en passant, mais il faut dire que la révélation n’étonne personne dans ce monde là.

Comment les hommes qui gouvernent auraient-ils aucun scrupule envers les catholiques, qu’ils poursuivent d’une haine implacable, lorsqu’ils n’hésitent pas à assassiner ceux qui, partageant certaines de leurs doctrines, ont conservé un fond d’honnêteté et trouvent leurs mœurs mauvaises et leurs procédés condamnables ?

La mort du malheureux Saint-Elme est certainement une des pages les plus inouïes de l’histoire de ce temps. L’infortuné appartenait à une opinion qui n’est pas la mienne et on ne m’accusera pas d’obéir à l’esprit de parti en parlant de lui ; mais cette exécution d’un écrivain par des sbires, en plein XIXe siècle, est faite pour exciter l’indignation de tous.

Rédacteur d’un journal avancé, le Sampiero, Saint-Elme avait combattu avec infiniment de courage l’opportunisme qui, en Corse, avait fini par s’implanter en s’appuyant sur ces êtres avides et corrompus que contient toujours une population même foncièrement probe et loyale comme celle de la Corse. Il s’était élevé contre la conduite du préfet Trémontels qui, selon son expression : « avait fait de la préfecture une maison de tolérance et une succursale de la forêt de Bondy. »

Emmanuel Arène vit sa candidature perdue et essaya de prendre de Paris des attitudes de capitan prêt à franchir les monts et les plaines pour châtier les insolents qui se permettaient de marcher dans son ombre ; il déclara comme le Châteaufort de Cyrano de Bergerac « qu’il allait faite pendre les quatre éléments et envoyer défendre au genre humain d’être vivant dans trois jours. »

Saint-Elme, qui avait été officier, répondit tranquillement à ce matamore qu’il était disposé à faire la moitié du chemin et qu’il viendrait jusqu’à Marseille.

Arène épouvanté se jeta dans les bras de Veil Picard et de Waldeck-Rousseau. Les fonds secrets furent mis à contribution et quelques jours après une tentative d’assassinat avait lieu sur l’écrivain redouté, les assassins étaient des agents de police déguisés en bourgeois. Saint-Elme, dès qu’il fut remis de ses blessures, essaya de demander une explication au préfet[232] qui tenait ses assises au café Solférino et avait installé là son cabinet. Le préfet le fit assommer à coups de barre de fer par le concierge de la préfecture aidé par le maître de l’établissement. Pour être sûr que l’attentat réussirait le procureur de la République avait défendu à cet homme menacé de tous les côtés d’avoir des armes sur lui et, toutes les fois qu’il savait qu’il devait être attaqué il le faisait fouiller et désarmer pour qu’il ne pût se défendre.

Le procès du journaliste, longtemps retardé par son état de maladie, fut profondément émouvant. On le transporta à l’audience sur une civière, moribond. Près de lui se tenait la pauvre femme enceinte qui avait voulu accompagner son mari et qui essuyait avec un mouchoir la sueur déjà glacée qui coulait de son front.

Alors on vit cette chose qu’on n’avait jamais vue en France, tandis que les assassins, sûrs de l’impunité, se pavanaient dans la salle, un horrible coquin, l’avocat général Bissaud insultant, raillant, cet homme qui râlait déjà, affirmant que les assassins avaient bien agi et que Saint-Elme « jouait la comédie. »

De la foule sortit une protestation indignée pendant que Bissaud s’asseyait en ricanant. Saint-Elme fît un effort pour répondre à cet infâme, il n’y put parvenir. Quelques heures après il était mort.

Ces faits monstrueux sont dans toutes les mémoires. La discussion à la Chambre de l’interpellation de l’extrême gauche sur les affaires de Corse jeta sur nos mœurs publiques une aveuglante lumière. Assassinat par des bravi payés par le préfet[233], fraudes électorales, corruptions de tout genre, secours distribués pour la perte d’un bétail qui n’avait jamais existé, tout était là. M. de Douville-Maillefeu, en voyant monter vers le gouvernement cette marée de boue, semble avoir éprouvé cette admiration qu’on éprouve devant certains déchaînements de la mer et cria avec une sorte de transport : « Qu’on dise tout ! que la honte coule à pleins bords ! »

La Chambre n’eut même pas un blâme platonique pour les Trémontels et les Bissaud et vota l’ordre du jour pur et simple.

Rien ne fut singulier comme l’attitude de Brisson l’incorruptible. Toutes les fois qu’on essaye de dénoncer à la tribune quelques-unes de ces prévarications de ministres ou d’hommes publics qui sont évidentes sans qu’on puisse les prouver matériellement, il s’écrie : « Donnez des preuves ! » Cette fois il existait un témoignage irrécusable des concussions des représentants de la Corse, Emmanuel Arène[234] et Peraldi. Le président changea brusquement son fusil d’épaule et déclara à tous ceux qui voulurent traiter cette question « que les interpellations de collègue à collègue étaient défendues. »

Aucun doute cependant n’était possible. L’ancien chef de la comptabilité de la compagnie Morelli, M. Semeriva, avait affirmé que MM. Arène et Peraldi recevaient un subside mensuel pour les avantages qu’ils avaient fait obtenir à la Compagnie, grâce à leur position de deputés. Selon lui le feuillet cent cinq du copie de lettres de la Compagnie contenait une lettre ainsi conçue.

Folio 405.
Marseille, le 24 août 1883.
Monsieur Peraldi,
député de la Corse,
rue de Monsigny, à Paris,

Nous avons l’honneur de vous adresser ci-joint, sous pli recommandé, la somme de 750 fr. en sept billets de banque de 100 fr. et un de 50 fr., montant de votre traitement du mois d’aout.

Veillez, etc. Signé : Semeriva[235].

M. Semeriva soutenait en outre que les livres de la Compagnie portaient, à la date du 14 décembre 1884, la mention suivante :

Indemnité à Peraldi, mois de novembre 1883, sept cent cinquante francs. Indemnité à Arène, mois de novembre 1883, mille francs.

Peraldi se défendit faiblement et pour toute excuse se contenta de dire qu’il était notaire, ce qui frappa d’étonnement les gens qui ne pouvaient comprendre ce que les panonceaux venaient faire là. Quant à Arène, il nia violemment. S’il était honnête il n’avait, pour être disculpé immédiatement, qu’à demander à un tribunal d’honneur de constater si les feuillets portaient la mention en question.

Il s’en garda bien et le groupe de l’Union républicaine continua à réchauffer ce jeune concussionnaire dans son sein. M. Ranc qui, au moment de l’affaire Bolland, s’était démené énergiquement, sous prétexte que les amis de Gambetta ne pouvaient pas être soupçonnés, ne donna pas signe de vie. A lui aussi il était bien simple cependant d’aller feuilleter les livres de la Compagnie.

La Franc-Maçonnerie n’est pas satisfaite encore et elle rêve de perfectionner le mécanisme de la persécution. Ainsi que l’a démontré M. Guillot dans un ouvrage dont la sincérité fait honneur à ce juge d’instruction[236], le nouveau code d’instruction criminelle enlève tout recours au citoyen victime de l’arbitraire.

Il y a là, encore une fois, un véritable système, une forme de gouvernement qui restera dans l’histoire. Au lieu de s’appuyer sur les gens de violence et de force, comme le fit la Terreur, le régime actuel s’appuie exclusivement sur les gens de ruse, de dol et d’indélicatesse ; il les groupe en une manière de syndicat, il leur ouvre un certain crédit sur la

(1) Des Principes du nouveau code d’instruction criminelle, par M. Guillot, juge d’instruction. loi et les tient par la menace de fermer ce crédit ; il concède une sorte d’impunité subordonnée à certaines conditions de dévouement, il accorde deux ou trois délits à commettre au choix comme on accorde un bureau de tabac.

Ce que n’ont indiqué ni Ignotus, ni M. Guillot, ni tous ceux qui se sont occupés de la persécution exercée par la magistrature franc-maçonnique, c’est l’état psychologique de tous ces persécutés grands et petits, qui rend leurs tortures mille fois plus atroces qu’elles ne le seraient pour nous et en même temps les met presque hors d’état de se défendre. Il y a là encore comme une confirmation de la justesse du mot de Taine, qui parait si simple : « la Révolution est un retour à l’état de nature. » Le malheur de ces persécutés honnêtes est de rester des civilisés, de croire qu’on vit encore sous le régime des lois, que les magistrats sont de vrais magistrats, que la police, l’administration, la justice fonctionnent régulièrement. L’accusation dont ils sont l’objet prend pour eux l’importance qu’elle aurait dans une situation normale.

Je me souviens toujours d’une jolie histoire que m’a contée Alexandre Dumas.

Il rencontre un jour dans un salon une femme qui, après avoir rôti le balai vingt ans, avait fini par se faufiler dans le vrai monde ou dans quelque chose qui y ressemblait.

Cette femme traite Dumas et son œuvre du haut en bas, elle lui reproche de n’avoir jamais décrit que des milieux malsains, de n’avoir jamais mis en scène une honnête femme.

Dumas écoutait. Sans doute si ce reproche lui avait été adressé par quelque jeune fille innocente, il eût souri de cette façon de juger son œuvre et n’eût pas répondu. Si celle qui lui parlait eût succombé à l’entraînement du cœur, si elle eût été victime d’une de ces passions profondes devant lesquelles l’être est si faible, l’auteur du Demi-Monde se fût certainement tu encore, car si l’esprit est dur chez lui, le cœur a des tendresses que le vulgaire ne connaît pas. Tel n’était pas le cas ici. Celle qui s’exprimait ainsi avait été une prostituée, elle avait reçu de l’argent pour se livrer ; c’est la prostitution qui avait payé l’hôtel dans lequel elle habitait, les chevaux qui la portaient au Bois, les tableaux de maître qui garnissaient sa demeure, la parure qui ornait sa décrépitude élégante.

Elle continuait à parler de la vertu, à flétrir les filles corrompues et les écrivains corrupteurs. Soudain, Dumas fixa sur elle son regard bleu si aigu, puis lui frappant vigoureusement sur le ventre.

— As-tu fini ? dit-il simplement.

Un flot de larmes vint aux yeux de la créature…

As-tu fini ? est un mot qui sert. Les plus éhontés parmi nos républicains tripoteurs, nos magistrats déshonorés, nos administrateurs familiers avec tous les crimes, hésitent parfois à s’en prendre directement à un Parisien accoutumé à ne se gêner qu’avec ce qui est honnête ; ils craignent cet as-tu fini ? gouailleur, mépriseur, vengeur, qui rappellerait à ces impudents tout leur passé d’infamies.

Les prêtres, les braves gens, les vieillards habitués à respecter les conventions sociales, ne savent pas dire : As-tu fini ? Malesherbes ne l’a pas dit à Fouquier-Tinville et c’est un des spectacles les plus affreusement comiques qui se puissent imaginer que celui de tous ces grands Parlementaires, de tous ces personnages austères et vénérables s’abaissant à donner des raisons aux misérables couverts de sang qui remplissaient alors les prétoires.

Tombées dons quelque embûche, atteintes au cœur par quelque campagne organisée contre elles, les victimes de la Franc-Maçonnerie s’en vont ruminer leur infortune dans un coin ; le mari quelquefois regarde sa vieille compagne, et tous deux se sont compris, ils pensent à la même chose, au malheur d’avoir trop vécu, à la carrière brisée, au nom que naïvement ils se figurent déshonoré[237].

Quel livre à faire sur ces souffrances intimes, sur ces drames qui se passent dans chaque ville et presque dans chaque village ! Ce livre, un seul parmi nous aurait pu l’écrire poignant, navrant, sincère, tel qu’il devrait être en un mot ; c’est Alphonse Daudet ; il l’écrira peut-être.

Quel livre plus tentant, pour une âme généreuse ? Il y a des simples et des humbles qui sont bien émouvants à regarder aux prises avec cette formidable machine gouvernementale mise en mouvement par des mécaniciens scélérats. Quoi de plus impressionnant que l’histoire de ce pauvre organiste de la cathédrale d’Uzès, que tous les journaux ont contée[238] ? C’est une sorte de conseiller Krespel, un de ces maîtres de chapelle à moitié fantastiques comme en a peint Hoffmann, il vit en dehors du monde réel dans un rêve musical, il sourit en marchant aux mélodies divines qu’il entend chanter en lui. Les leçons qu’il a en ville et dans un couvent assurent le nécessaire à ce doux chimérique qui vit de peu. Noël approche et il compte ce jour-là faire entendre un morceau, qui sera digne des maîtres immortels de Paesiello et de Palestrina. « Vous écouterez cela, » dit-il, et sa bonne figure s’illumine et rayonne. »

Les Francs-Maçons de la ville, qui se réunissent dans un petit établissement comme celui qu’a décrit Goncourt dans la Fille Elisa, ont juré de perdre ce naïf et cet ingénu. Le juge d’instruction se voit déjà garde des sceaux s’il peut faire condamner cet innocent. Le musicien est arrêté sous une inculpation abominable.

On obtient un premier succès. La supérieure de l’établissement de Saint-Maur tombe morte quand on vient lui raconter ce qui se prépare. Comment de telles choses auraient-elles pu se passer ? Il y a impossibilité matérielle. Une Sœur est toujours présente aux leçons de musique auxquelles assistent les parents.

Le prisonnier n’en reste pas moins au secret pendant trois mois, se débattant en vain contre cette horrible accusation. Trois fois l’instruction est close faute d’une base quelconque aux imputations ; trois fois la Franc-Maçonnerie la fait reprendre. Enfin la Cour d’assises acquitte le malheureux musicien contre lequel il n’y a pas l’ombre d’une preuve. « C’est égal, dit un des meneurs de l’affaire, nous l’avons tout de même empêché de faire jouer sa musique à la cathédrale. »

Les humbles tiennent quand même ; on les prend par la famine. Au fond du onzième arrondissement, rue des Trois-Bornes, une indigente famille se lamente autour du lit où l’un de ses enfants agonise. Il n’y a ni pain pour les parents, ni médicaments pour l’enfant ; on attend anxieusement la réponse à une demande adressée au bureau de bienfaisance… La réponse arrive… Les parents ont déclaré jadis qu’ils envoyaient leur fils ainé à l’école des Frères, on leur envoie pour tout secours un récépissé de cette déclaration.

Cette blague atroce n’est-elle pas bien franc-maçonni- que ? N’y sentez-vous pas bien l’âpreté ricaneuse et froide des maîtres du jour, des aventuriers de tous les pays qui se partagent l’argent que certains catholiques imbéciles continuent à verser à nos bureaux de bienfaisance ?

Ce que sont ces bureaux, un ouvrier l’a dit dans une réunion publique où il signalait nominativement un des commissaires comme étant inscrit lui-même sur la liste de l’assistance publique. Ignotus, en rappelant que sur deux cent quarante administrateurs, cent quatre-vingt-dix avaient été chassés, a constaté que, parmi les remplaçants nommés, il se trouvait « des marchands de vin, des blanchisseurs dont quelques-uns, ayant leur famille inscrite au bureau même, payaient le ménage avec l’argent des aumônes[239]. »

L’exemple que nous citions plus haut n’est pas isolé. La jovialité cynique, la joie bruyante du mal accompli est un des traits de la persécution actuelle. Le grand bonheur d’un inspecteur de l’instruction publique, quand il a devant lui une religieuse, c’est-à dire quand il peut être insolent impunément, est de salir ce qui est pur, d’imaginer une question équivoque, de risquer un mot à double entente qui fait éclater de rire les frères et amis répandus dans la salle.

— Qu’est-ce qu’un libertin ? demande un inspecteur à une Sœur.

— Je n’ai pas à répondre à cette question que vous ne m’adressez qu’à cause de l’habit que je porte.

Celle qui remit ainsi ce mal-appris à sa place avait du sang-froid ; combien de nonnes, tremblantes déjà d’être ainsi en spectacle, auraient été démontées !

Dans un discours au Conseil général du Gers, M. Paul de Cassagnac a raconté quelques-uns des exploits de l’inspecteur Carbasse qui excitait les instituteurs à insulter les Sœurs.

Une religieuse se présente à l’examen, le cœur lui bat bien fort, elle est tout effarouchée devant cette foule, elle sent que les mots vont rester dans sa gorge. Vous qui avez un peu d’âme vous devinez cet état d’ici j’en suis certain. C’est en Dieu seul que la pauvrette espère, il lui donnera la force nécessaire, elle s’agenouille dans un coin de la salle, elle joint les mains et murmure une petite prière.

Un instituteur a vu ce mouvement.

— Ohé la Sœur ! crie-t-il de cette voix particulière aux gens de son espèce, voulez-vous que je vous donne l’absolution ? je suis Carme…

Ce plaisant du ruisseau s’appelait Carme.

Carbasse se frappant les genoux de la main rit aux larmes en voyant pâlir la pauvre Sœur tout effarée devant ces yeux fixés sur elle.

Que d’actes de courage on trouverait parmi le peuple, en province et même à Paris ! Le premier qui ait résisté à la loi athée, que des gens indépendants, aisés, acceptent servilement, est un charpentier de Lavaur qui, défendu par M. Bellomayre, eut gain de cause devant la commission scolaire. Dans un autre coin de la France, à Jarzé, un modeste facteur du télégraphe, Baillou, atteint d’une maladie incurable, père de cinq enfants, refuse d’envoyer ses filles à l’école laïque. L’affreux Jabouille, le préfet du département, le menace de le révoquer ; l’honnête homme tient bon et renonce a son gagne-pain plutôt que de laisser corrompre ses enfants.

Tous ceux-là, cependant, s’effacent devant cette vaillante plébéienne de Montaure (Eure), cette mère de sept enfants condamnée à vingt-deux jours de prison, sous prétexte de contravention à la loi, arrêtée par les gendarmes, au mois d’octobre 1883 et conduite à la prison de Louviers[240].

Cette condamnation était absolument arbitraire. Le jeune garçon de cette malheureuse femme ayant, au mois d’avril 1883, atteint l’âge de treize ans, on n’avait pu, sans commettre un acte illégal, poursuivre et condamner sa mère pour n’avoir pas dans le courant de mai envoyé son enfant à l’école.

Le Parquet de Louviers fut obligé de reconnaître cette évidence et le procureur de la République pris d’une honte un peu tardive, donna l’ordre de mettre en liberté cette pauvre femme. Elle n’en avait pas moins passé onze jours en prison parmi les gens sans aveu, traitée comme une criminelle.

Le juge de paix de Pont-de-l’Arche, qui avait commis une véritable forfaiture, ne reçut pas même un blâme ; il fut au contraire félicité par le garde des sceaux, du moins s’il faut en croire ce misérable qui affirmait hautement que cet acte de bon plaisir lui vaudrait de l’avancement. En tout cas il est toujours en fonctions.

Si vous voulez voir ce qu’est l’égalité devant la loi, transportez-vous au Corps législatif. Nul ne s’est occupé de cette paysanne qui a porté sept enfants dans ses flancs et qu’on a jetée dans un cachot au mépris de tout droit.

Il s’agit maintenant d’une Prussienne, femme d’un Belge condamné pour vol, exerçant publiquement la prostitution et donnant ses rendez-vous dans un garni tenu par la mère de son mari[241].

Les représentants de la France s’occupent de cette intéressante créature pendant toute une séance. Delattre flétrit à la tribune les agents qui ont osé arrêter cette femme au moment où elle raccolait les passants. Toute la gauche naturellement soutient l’orateur. Une prostituée, une Prussienne, un repris de justice belge, il y a bien dans ce ragoût tous les ingrédients qui plaisent à ces palais de cosmopolites. Il se dégage bien de cette fange cet arôme que les Spuller, les Steeg, les Lockroy hument avec délices. Haro sur la Française, qui veut élever honnêtement ses enfants ! honneur à l’Allemande qui se livre aux passants !

Voici encore une victime émouvante : Lenoir, un cocher. Vous l’avez peut-être rencontré dans Paris et, si vous étiez pressé, la rencontre n’a pas été propice pour vous. Le pauvre homme, à moitié fou, ne se rappelait plus l’adresse que lui donnaient les voyageurs et les laissait parfois en chemin. Les Francs-Maçons lui avaient volé son enfant, la mère était morte de chagrin et il oubliait de gagner sa vie pour venir, dix fois par jour, demander des nouvelles de son fils à M. Lacointa[242]. L’ancien avocat général à la Cour de cassation, qui donna si noblement sa démission au moment des décrets, avait été touché de cette grande douleur ; il était devenu le conseiller, le consolateur, presque l’ami de ce prolétaire. Pendant que l’infortuné trouvait, comme tous ceux qui souffrent, quelque soulagement à conter son éternelle histoire, le magistrat envoyait sa bonne garder le fiacre afin d’éviter au cocher une contravention.

L’affaire était très simple. L’enfant, envoyé par le chemin de fer, de Paris à Toulouse où il devait entrer dans un établissement d’éducation religieuse, avait été abordé et circonvenu, dans la gare de Narbonne, par un Franc-Maçon, nommé Richard, qui l’avait fait monter dans son wagon et l’avait placé en apprentissage à Cette, chez un confiseur du nom de Lavaille. Là on s’était efforcé de corrompre cette jeune intelligence en lisant chaque soir à l’enfant les immondes publications qu’a produites la librairie anti-cléricale.

Sans doute, on ne pouvait pas espérer que la justice osât poursuivre un Franc-Maçon, mais dès que les faits avaient été signalés au parquet par un homme ayant occupé la situation de M. Lacointa, pouvait-on refuser de rendre immédiatement à sa famille la victime d’un attentat si odieux ? On n’en fit rien. Le chef du parquet était un de ces hommes recrutés par la République dans les bas fonds sociaux et qui savent qu’en se mettant au service de la Franc-Maçonnerie juive, ils peuvent tout se permettre impunément. Le premier mandataire qui se présenta avec une lettre du père fut injurié et on lui jeta la lettre déchirée au visage. Le second mandataire fut menacé de coups de barre de fer. On savait le père pauvre et on spéculait là dessus. Une bonne âme lui fournit les moyens de faire le voyage et de ramener son enfant.

Lenoir intenta au citoyen Richard un procès en détournement de mineur. Ce fut alors qu’on vit comme toujours le Juif apparaître derrière le Franc-Maçon. Lisbonne, l’ancien député, se constitua le protecteur de Richard et plaida pour lui.

M. Lacointa, alors qu’il était directeur au ministère de la justice, avait maintes fois obligé ce Juif, mais l’autre connaissait trop bien la délicatesse des honnêtes gens pour penser qu’on montrât les lettres qu’il avait écrites pour demander ou pour remercier ; aussi ne se gêna-t-il pas pour insulter l’intègre magistrat et l’accuser de s’être mêlé de cette affaire avec une arrière-pensée politique.

Inutile de dire que Lisbonne trouve parfaitement légitime le fait d’enlever un enfant à ses parents par prosélytisme anti-religieux. En ceci le Juif se révèle une fois de plus dans tout son brutal cynisme, dans son absence absolue de principes. La liberté de conscience, le droit des pères de famille ne sont pour lui que des effets scéniques ; il est le premier à en rire quand il n’est plus en scène.

À propos du petit Mortara, les Juifs avaient agité toute l’Europe, dérangé toutes les chancelleries, fait couler des flots d’encre ; quand il s’agit du fils d’un plébéien français, le Juif Lisbonne déclare qu’il est permis de ravir un enfant à son père[243].

Le tribunal de Montpellier ordonna la comparution de Lenoir et de son fils, mais on avait eu bien soin de refuser l’assistance judiciaire à cet homme sans ressources. Il put, cependant, grâce à un nouveau secours, faire le voyage et s’entendre traiter comme un malfaiteur par le président du tribunal. Est-il nécessaire d’ajouter qu’il fut débouté de sa plainte ?

Les hommes n’ont pas pensé encore à recueillir les noms de tous ces braves gens qui résistent à tout pour défendre leur foi, dans un volume qui serait le livre d’or des petits mais Dieu depuis longtemps les a inscrits au livre de sa justice. Ils sont plus que courageux en effet, ils sont héroïques. Nul appui ne les soutient. Les chrétiens riches s’amusent, dansent, parient aux courses, inventent des figures de cotillon ; ils ne songent guère à ceux qui souffrent pour leurs convictions.

Dans l’intéressant ouvrage de M. Wallon, le Tribunal révolutionnaire, un chapitre est intitulé le Brocanteur Mauclaire, confesseur de la foi. Rien n’est plus curieux. Ce gagne-petit n’est ni un royaliste, ni un aristocrate, il est chrétien avant tout ; on l’arrête pour avoir dit que ceux qui avaient détruit le culte catholique étaient des gueux. Sous les verrous il tient à affirmer sa foi et il écrit deux belles lettres qui furent les seuls chefs d’accusation relevés contre lui.

Pierre Mauclaire, captif, chambre des Piques, N°15. Du Luxembourg, ce 45 mai, l’an de grâce 1794 et l’an IVe de la persécution des chrétiens.

C’est bien avec justice et vérité que je me suis servi de ce terme, le 24 novembre dernier, en écrivant une lettre de six pages au scélérat de Chaumette et ses complices de la municipalité de cette malheureuse capitale…

C’est avec une plus grande certitude que je me sers de ce même terme aujourd’hui, et avec la même fermeté que je vous écris en homme libre qui parle à des esclaves qui m’ont incarcéré pour avoir dit la vérité. N’ai-je pas raison de dire que nous sommes dans une persécution ouverte depuis quatre ans, en commençant par les ministres du culte catholique et par une infinité de chrétiens qui ont péri et qui périssent tous les jours ?… Combien de victimes innocentes qui gémissent dans les prisons de cette malheureuse France, et qui attendent la fin de leurs maux, sûrs de leur conscience. Ils poussent des cris remplis de larmes à leur Dieu pour qui ils souffrent. Croyez-vous, scélérats pour la plupart, que Dieu sera toujours sourd à leurs cris ? Oh que non ! le temps des vengeances est prêt à éclater contre les bourreaux…

Dieu et le peuple se lassent de vos tyrannies. Jamais l’ancien régime n’a procuré tant de crimes.

Ailleurs il ajoute, dans un style de prophète et avec un élan de foi qui rend cet illettré profondément éloquent :

Dans ce grand jour de révélation, qu’il y aura de coupables ! Que les jugements de Dieu seront différents de ceux des hommes ! Les innocents qu’ils ont fait périr les jugeront à leur tour. Grand Dieu ! que de maux vous allez envoyer sur cette malheureuse France apostate et profanatrice, pour la punir de toutes ces impiétés !…

Convertissez-nous, Seigneur, pour retourner à vous et faire pénitence de tant de forfaits… Donnez-nous, par votre miséricorde un roi très chrétien, pour changer l’état pitoyable de la France : relevez avec zèle vos temples, vos autels et les reliques de vos saints, qui ont été profanés avec tant de fureur. Donnez-nous, Seigneur, des saints ministres pour prêcher la véritable religion, pour offrir au Dieu trois fois saint la victime seule capable d’apaiser votre colère…

C’est une figure à part que cette victime obscure de la formidable tourmente. Avant de monter à l’échafaud, Mauclaire prend congé de ses codétenus dans un langage digne d’un confesseur des premiers siècles.

Si, par hasard, il y en avait parmi vous tous quelques-uns qui aient à se plaindre de moi pour quelques fautes qui me sont échappées malgré moi, je les conjure de me les pardonner du fond de leur cœur, en réponse de l’amour que je leur porterai toujours, et même au delà d’après ma mort qui est très prochaine, en châtiment de ce que je soutiens le culte et la religion catholiques, et que j’ai reproché avec fermeté et courage les abominations sans nombre qui se sont commises depuis quelques mois.

…… Mais moi, fort de ma conscience, je les attends d’un pas ferme et tranquille ; je leur ferai voir, s’il plaît à Dieu, que je serai plus libre qu’eux. Si cela ne sert qu’à les irriter, au moins j’aurai la consolation de mourir pour la justice qui fait mes plus chères délices. Qu’il est glorieux de mourir sur un échafaud pour soutenir la religion !

J’ai souvent pensé à cet homme. Les révolutionnaires dressent des statues à Danton ou font des pensions à nos dépens aux fausses victimes du 2 Décembre, jamais les chrétiens de la Restauration ne se sont occupes de savoir si quelques martyrs, comme Mauclaire, n’avaient pas laissé une famille. N’est-il pas grand, malgré tout, cet artisan qui meurt volontairement pour sa religion, non point en pleine bataille, comme les Vendéens, mais dans ce Paris toujours plus indifférent et plus sceptique que la campagne ? N’est-elle point belle cette âme qui est restée fidèle et croyante dans la trivialité d’un métier qui n’élève point ?

C’est sur les pauvres, presque exclusivement, que s’est appesantie surtout cette persécution qui, dirigée, réclamée, payée par les Juifs, portera dans l’histoire le nom inscrit en tête de ce dernier livre : la Persécution juive.

Un journal radical, dans un jour de franchise, reconnaissait lui-même ce fait.

L’évêque, disposant de ressources parfois considérables, le curé de grande ville n’ont pas été atteints. On a frappé avec une particulière rigueur sur le desservant et sur le moine. Parmi les ordres religieux même ce sont les plus indigents qui ont le plus souffert. Tous ces chétifs qui vivaient, grâce à l’association, ont été littéralement condamnés à mourir de faim.

J’ai vu, sur son lit de mort, une des victimes des décrets et le souvenir m’en est demeuré ineffaçable.

Si vous ne connaissez pas l’Hermitage, allez le visiter. Rien, en Suisse, ne vaut ce site étrange, pittoresque et charmant.

L’Hermitage est le nom d’un ancien couvent caché par des sapins séculaires, qui s’élève au sommet d’une haute montagne dominant Noirétable. Du haut d’un dolmen venu là, je ne sais comment, aux premiers âges du monde, on aperçoit, par les temps clairs, la cime du Mont-Blanc, mais le regard ne songe guère à aller chercher si loin ; il se repose émerveillé et ravi sur un incomparable panorama : à droite, les masses épaisses des Bois-Noirs, à gauche, les montagnes de Vollor, devant vous, la plaine avec son damier multicolore, ses blés dorés, ses prés verdoyants, ses avoines, ses seigles. Par-dessus tout, cette impression du ciel que vous croyez toucher en élevant la main et qui prête à ce paysage, vu de si haut, un aspect particulier.

C’est là que s’installèrent, il y a une vingtaine d’années, quelques Pères du Saint-Sacrement que la population du pays entourait de vénération. Ils n’étaient pas fort dangereux, car au moment des décrets, ils étaient trois en tout. Comment les choses se passèrent-elles exactement ? On n’a jamais pu le savoir au juste. Le maire de Noirétable, un médecin, appartenait à une famille bonapartiste tant que l’Empire avait pu distribuer des places, devenue ardemment républicaine dès que le vent avait tourné. C’était au demeurant un assez bon homme et qui semble avoir voulu tout arranger pour le mieux sans y avoir réussi.

Le 4 novembre 1880, au matin, le sous-préfet de Montbrison, qui répondait au nom de Mauras, vint pour expulser les bons religieux et il ébaucha une grimace quand il vit l’ascension à accomplir. Chemin faisant, il avait recueilli quelques renseignements désagréables sur les dispositions des paysans, cœurs d’or, mais fort capables de tirer un coup de fusil aux malfaiteurs qui iraient crocheter les portes de religieux inoffensifs qui n’avaient fait que du bien à tous. Bref, lâche comme tous ses pareils, il avait une peur du diable.

Voyant les hésitations du personnage, M. Bertrand lui dit : « déjeunons d’abord ! » Convaincu — et cette opinion fait honneur à son intelligence — que le bonheur de la France ne dépendait pas de l’expulsion de trois religieux qui ne descendaient pas au village une fois par mois, le maire espérait peut-être que le sous-préfet oublierait à table la vilaine besogne qui l’amenait et que tout resterait en l’état.

On déjeuna comme on déjeune dans le Forez ; et, à la tombée du jour, après le Champagne, l’administrateur républicain était fin saoul — c’est l’expression usitée dans le pays. On l’expédia tant bien que mal vers sa résidence et les gens de l’endroit, qui ont la tête solide, allèrent deviser chez Esope de la supériorité morale des fonctionnaires de la démocratie sur les suppôts de la tyrannie.

Malheureusement cette fois, Raton, le sous-préfet avait été plus malin que Bertrand, le maire. Entre deux rasades, sans qu’on puisse savoir à quel moment, il avait ordonné à un gendarme, du nom de Tarhouriech, d’exécuter ce qu’il n’osait entreprendre lui-même et d’aller jeter les religieux hors de chez eux pendant qu’il continuerait à fêter la dive bouteille et à faire l’éloge de la liberté.

Tarbouriech partit flanqué d’un compagnon et n’eut pas la main tendre. Des trois religieux, un resta pour garder l’immeuble, un autre se dirigea vers le château de M. de Barante où une retraite lui avait été préparée ; le troisième s’achemina vers Verrines, un village au-dessous de la montagne où il devait également trouver un asile.

Celui-là s’appelait le Père Corentin. Il avait soixante-dix ans ; pendant près de quarante années il avait prêché l’Evangile aux Indiens de l’Amérique, puis épuisé, souffrant cruellement de la poitrine, il était venu là pour se reposer. C’était une idée peu heureuse.

En novembre, la neige couvre déjà l’Hermitage. Grâce aux dernières clartés du jour le pauvre religieux se dirigea d’abord assez bien, mais bientôt tout prit autour de lui un relief fantastique. Les chemins s’entre-croisèrent, les silhouettes gigantesques des arbres sous la réverbération de la neige revêtirent des formes trompeuses ; le froid fit affluer le sang aux tempes du voyageur. Saisi par le délire, il s’imagina sans doute qu’il avait toujours Tarbouriech à ses trousses, il précipita sa course et tomba dans des sentiers à peine praticables en plein jour. A l’aube, un bûcheron le trouva étendu, le crut mort, s’aperçut qu’il respirait encore et parvint à le ramener à la vie.

Le pauvre homme n’en était pas moins perdu. Il revint à l’Hermitage pour y achever une existence dont les jours étaient désormais comptés. Il aurait fallu, pour empêcher ce vieillard de rentrer chez lui, établir sur ces hauteurs un poste fixe de gendarmerie. On eût demandé les fonds nécessaires à la Chambre, que la gauche, toujours libérale, eût trouvé cette proposition admirable et digne d’elle ; on n’y songea pas.

Tel était le récit qu’on nous avait fait au village, un matin que nous partions en caravane pour accomplir cette excursion à l’Hermitage à laquelle nous ne manquons jamais chaque fois que les vacances désirées nous ramènent vers le Forez qui est devenu notre pays d’adoption.

Quand on a fait une lieue environ on s’arrête quelques minutes à un hameau appelé les Baraques.

— Vous savez la nouvelle ? nous dit-on quand nous arrivons.

— Non.

— Ce pauvre Père Corentin est mort, il a achevé de mourir plutôt ! Il était préparé du reste ; hier dimanche, il nous a fait ses adieux. « J’aurai encore la force de dire ma messe aujourd’hui, et je prierai pour ceux qui nous ont aimés et aussi pour ceux qui nous ont persécutés, puis je m’en irai… » Il a dit sa messe et il est parti une heure après…

La pensée du brave homme expiré nous attrista, mais bientôt le charme du chemin fit diversion à ce sentiment.

Rien n’est merveilleux comme celle montée en juillet. Les muguets, les jonquilles, les gentianes du printemps ont déjà disparu, il est vrai, mais il reste les œillets sauvages, les pensées et les violettes qui tapissent le chemin. On gravit à travers d’énormes fougères qui font comme un piédestal verdoyant aux grands chênes, aux bouleaux toujours agités et tremblants, aux hêtres touffus qui préparent aux sapins sombres du sommet.

Parfois un murmure régulier étonne l’oreille, c’est un ruisseau qui sort en écume d’argent de quelque rocher couvert de mousse et qu’il faut traverser sur un tronc d’arbre. Comme l’Obéron des légendes qui sautait au-dessus des torrents sans mouiller ses grelots, les enfants franchissent l’obstacle d’un bond. Ma petite nièce, Anaïs, qui disait si gentiment qu’elle voulait apprendre à écrire pour faire de la copie pour son oncle, excellait à ce jeu et c’est en vain que mon autre nièce Marie, déjà plus grave, lui prodiguait de sages conseils.

Quand on est au bout on pousse un cri d’admiration. On débouche en effet sur un tapis de velours vert qui fait oublier les vieux bâtiments du couvent devant la féerie de cette nature éternellement jeune.

Malgré tout, le voisinage de la mort donnait à ce paysage une mélancolie qu’il n’a pas ordinairement. Le cri sinistre de la hulette qui retentissait obstinément dans cette solitude disait qu’il y avait là un cadavre. A une fenêtre on distinguait une lueur presque imperceptible qui faisait un bizarre contraste avec la clarté radieuse de cette journée de juillet.

Cette lumière venait de la chambre funèbre. Quelle chambre ! Quelque chose du plus indigent qu’une cellule, une vaste pièce carrelée ouverte à tout vent, au fond un lit d’enfant et dans ce lit, sur une paillasse crevée, sous une couverture qui valait bien vingt sous, un petit vieillard étendu les mains jointes. Une veilleuse achevait de se consumer dans un verre et près du lit une bière taillée à la hâte dans un sapin non raboté, tout fruste, attendait…[244].

Je ne saurai vous exprimer l’émotion que produisait la vue de ce petit vieux et le dégoût qui vous prenait de ces républicains gorgés de tout, trafiquant de tout, agiotants sur tout et songeant à venir chercher ce solitaire et cet humble pour le jeter la nuit dans la neige.

Pour tout meuble dans cette chambre une chaise cassée ; sur une tablette de bois blanc quelques prospectus d’ouvrages religieux, une brochure : le Salut social par l’Eucharistie et la Vocation providentielle des pèlerinages en un volume tout recroquevillé, resté là sans doute depuis le XVIIe siècle : Traité de la perfection chrétienne par le P. Rodrigues de la Compagnie de Jésus, traduit par Régnier Desmarais, de l’Académie française. Le malheureux n’avait même pas de quoi acheter des livres de piété.

Toute cette maison avec ses escaliers de pierre aux marches branlantes, ses murailles effritées, offrait l’image de la misère. Dans les cuisines, vous savez ces cuisines de moines où les écrivains juifs font préparer des repas succulents et dignes du chef de Rothschild, il y avait pour toute provision un boisseau de pommes de terre germées.

Je revins encore dire un Pater et un Ave près de la couchette du vieillard qui semblait dormir d’un sommeil enfantin et involontairement je pensais à Freycinet. Il y avait plus d’un point de ressemblance entre ce petit vieux et le sénateur que l’on aperçoit avec sa tête de souris, sa mine futée glissant à travers les groupes du Sénat. Je songeais que lui aussi serait couché quelque jour dans une bière, un peu plus soignée sans doute, et à la mémoire me revenait la parole que dit saint Marianus au proconsul qui assistait dans la prison à son dernier repas : « Regarde-moi bien pour me reconnaître, au Jugement dernier. »

Pourquoi penser à Freycinet plutôt qu’à un autre ? me direz-vous ; s’il a signé les décrets, ce qu’on oublie un peu trop, s’il les a présentés à la Chambre, il s’est retiré au dernier moment. Mon Dieu, si je pensais à Freycinet, c’est simplement parce qu’il n’est pas voleur. Les républicains vous disent, et cette franchise les honore, — nous reconnaissons que nos hommes d’État sont tous des concussionnaires et des filous, mais il y a une exception : Freycinet.

C’est précisément cette intégrité privée qui fait de Freycinet un personnage représentatif, lui aussi, et comme l’incarnation d’une certaine situation d’esprit commune en France à l’heure qu’il est. Avec Constans et Cazot, par exemple, tout est clair : « A quelle heure et combien ? » Ferry, lui, n’agit pas lui-même et dit : « Demandez le prix à la bonne, voyez mon frère à la banque Franco-Égyptienne. » Le mobile de Freycinet est différent. Ce qui domine en lui c’est la lâcheté intellectuelle et morale, c’est cet abaissement de caractère qui a mis tout ce qu’il y avait d’honnête en France à la merci d’une petite bande de Francs-Maçons et de Juifs[245].

Entrez dans cet hôtel de la rue de la Faisanderie, vous y trouverez Philémon et Baucis. L’homme et la femme sont allés jadis de compagnie pour se convertir à Solesmes et le mari, n’oubliant pas dans son zèle de catéchumène qu’il était candidat pour le conseil général à Montauban, a même demandé au Père abbé une recommandation pour l’évêque du diocèse. — J’imagine que ces deux vieillards, en causant au coin du feu, se remémorent l’un à l’autre les circonstances de leur voyage d’autrefois.

— Te rappelles-tu ce religieux qui nous faisait si bon accueil et que tu remerciais si chaleureusement, qu’est-il devenu ?

— Ma foi ! je n’en sais rien ; il doit errer sur une route quelconque, car je viens de mettre la gendarmerie après lui.

C’est contre le pauvre encore, contre le pauvre uniquement, qu’est édictée la loi scolaire. Le riche trouvera toujours le moyen de faire élever ses enfants chrétiennement, le pauvre ne le peut pas ; pour lui l’athéisme est obligatoire. On a appelé des petits Mortaras laïques, ces enfants qu’on arrache violemment à la religion de leurs pères. Le mot n’est juste qu’à moitié. On ne leur donne même pas une religion à la place d’une autre. Les malheureux, pour qui la vie sera la plus dure, qui auraient le plus besoin d’une foi, d’une espérance, d’un idéal, sont privés de tout enseignement religieux.

Elevés sans Dieu, vivant sans Dieu, ils mourront sans Dieu.

Le prolétaire est au terme de sa course ; sur la tombe des Romains on inscrivait le cursus honorum, c’est le cursus dolorum qu’il faudrait inscrire, si les inscriptions ne coûtaient pas si cher, sur cette tombe qu’on va creuser dans la fosse commune pour ce paria et ce vaincu.

Il a travaillé pour enrichir les Juifs, il a été empoisonné par les marchands de vin juifs, chers à Lockroy, il est à bout. Jadis, ce déshérité trouvait près de son chevet un être de bonté, mère, sœur et femme à la fois qui lui montrait un peu de ciel bleu.

La Sœur n’avait pas besoin de parler beaucoup pour affirmer qu’il y avait au delà de ce monde cruel et misérable un monde où tout était justice et lumière ; sa présence près de ce lit proclamait assez haut les promesses éternelles. Charmante, intelligente, riche souvent, elle avait tout sacrifié et elle était là dans cette atmosphère empestée, attentive aux souffrances de tous, soignant avec un dévouement souriant des plaies parfois dégoûtantes, préférant à tout ce titre de servante des pauvres, c’est-à-dire des enfants de Dieu.

Désormais, le malheureux n’a plus même le droit d’espérer dans une patrie céleste. Chien malencontreux qui, de sa vie, n’a jamais trouvé un bon os, il sera enfoui comme les bètes, perinde ac jumenta.

Cette persécution du moribond, cette laïcisation, contre laquelle ont protesté 76 médecins sur 80, est peut-être le crime des crimes parmi tant d’actes abominables. Si quelque savant eût découvert un breuvage consolateur, ne se hâterait-on pas d’acheter les précieuses fioles qui contiendraient de l’espérance et de l’oubli ? Quelle scélératesse ne faut-il pas pour arracher à ces infortunés qui, pendant de longues heures, repassent mélancoliquement les phases douloureuses de leur pénible existence, ce sentiment religieux qui est le meilleur et le plus doux de tous les baumes ?

Dans de telles conditions, l’hôpital, ce séjour déjà lugubre devant lequel on ne passe qu’en tremblant, est devenu un Enfer véritable sur la porte duquel on peut lire : lasciate ogni speranza.

Jadis nos pères avaient épuisé les trésors de leur charité dans l’organisation de ces hôpitaux qui, placés près des monastères ou des églises, étaient comme une annexe de la maison du Seigneur. Viollet-le-Duc lui-même a affirmé la supériorité qu’avaient les établissements hospitaliers d’alors sur nos établissements modernes.

Dans le peu d’établissements hospitaliers du Moyen Age qui nous sont restés, écrit-il, nous trouvons un esprit de charité bien entendu et délicat. Les bâtiments sont d’un aspect monumental sans être riches ; les malades ont de l’espace, de l’air, de la lumière. Ils sont souvent séparés les uns des autres, leur individualité est respectée et certes, s’il est chose qui répugne aux malheureux qui trouvent un refuge dans ces établissements, malgré les soins éclairés qu’on leur donne abondamment aujourd’hui, c’est la communauté dans de vastes salles. Souvent alors la souffrance de chaque malade s’accroît par la vue de la souffrance du voisin. Sans prétendre que le système cellulaire appliqué fréquemment dans les hôpitaux du Moyen Age fût préférable matériellement au système adopté de notre temps, il est certain qu’au point de vue moral il présentait un avantage. Nous tenons à constater qu’il émanait d’un sentiment de charité très noble chez les nombreux fondateurs et constructeurs de nos maisons-Dieu du Moyen Age.

Aujourd’hui dans ces hôpitaux, qui coûtent des millions aux contribuables, la Franc-Maçonnerie juive trouve le moyen dé faire comprendre aux déshérités que l’argent, après lequel ils ont couru toute leur vie sans le saisir, est encore la seule chose qui ait une valeur. Aux Sœurs si compatissantes, si désintéressées, si empressées ont succédé des Harpies qui font payer le plus léger office, qui tendent la main aux malades, non pour les aider, mais pour recevoir dès qu’ils réclament le moindre service.

On devine, en effet, dans quels milieux, là encore, un homme comme Quentin pouvait recruter son personnel. Les audiences des tribunaux nous ont édifié sur ce point. Le Français, du 30 mars 1883, a publié comme un tableau d’ensemble de ces mœurs singulières.

Hier vendredi, la 9e chambre correctionnelle du tribunal de la Seine avait à juger une scène de pugilat et de débauche, dans laquelle se trouvait mêlée une infirmière laïque. Au cours de l’audience où elle avait été appelée comme témoin, le président lui adressa l’apostrophe suivante : « Vous êtes infirmière laïque à l’hôpital Saint-Louis, et vous passez vos nuits chez les marchands de vins, » Le public s’est associé par ses murmures à la juste indignation du président.

Mesdemoiselles ou mesdames les infirmières laïques tiennent, paraît-il, à occuper sans cesse les journaux de leurs honorables et sympathiques personnes. Eh bien soit ! nous parlerons d’elles puisqu’elles le veulent, et rapporterons fidèlement leurs exploits pour la plus grande édification de ceux qui les liront.

Avant-hier nous racontions l’histoire de cette jeune fille, du nom de Thuvenat, qui, après avoir passé cinq de ses plus belles années dans une maison de correction, était devenue infirmière du Gouvernement, puis, après avoir été chassée de l’hôpital Tenon, où elle avait été appelée pour remplacer les Sœurs, s’était lancée dans une vie de plaisirs et de fêtes au milieu des soldats du 4e de ligne, et, finalement réintégrée par M. Quentin dans ses fonctions de consolatrice des malades, comparaissait devant le tribunal correctionnel de Paris pour les avoir trop bien soignés.

Aujourd’hui, la vénérable dame dont il s’agit est accusée par le président de la 9e chambre de passer ses nuits chez les marchands de vins, au lieu de les passer à l’hôpital où elle est infirmière.

On peut donc dire que, devant le tribunal correctionnel de Paris, les infirmières laïques se suivent et se ressemblent.

Quel joli monde, que le monde de M. Quentin ! Quel monde tout à fait propre à la tâche qu’on lui donne ! Quels soins empressés doi- vent recevoir de pauvres malades de femmes qui passent leurs nuits chez les marchands de vins !

Ces faits, qui se multiplient de jour en jour et qui nous montrent quel désordre règne dans les hôpitaux, nous les opposons aux partisans de la laïcisation.

Au mois d’avril 1884, l’infirmier Nermel de Lariboisière est condamné à deux mois de prison par la onzième chambre pour avoir à moitié assommé un malade qui voulait l’empêcher de voler du vin.

Le Cri du Peuple[246] donne sur l’asile de Bicêtre, où règne en maitre Bourneville, l’athée frénétique, le cumulard jamais satisfait, qui est à la fois député, rédacteur en chef ; d’un journal et médecin en chef de Bicêtre, des détails qui font véritablement horreur. Les salles, qui ne sont balayées que lors des visites officielles, sont dans un état de malproprêté repoussant. Les infirmiers se font un jeu de frapper les malheureux fous à coups de poings ou à coups de clefs ; quand ils sont en belle humeur, ils garrottent l’infortuné qui leur tombe sous la main et le livrent au baigneur qui le plonge dans un bain froid « en maintenant la tête sous l’eau jusqu’à ce que le visage du patient soit devenu violet. »

Le directeur encourage ses employés et rit à se tordre, quand les victimes manifestent leurs souffrances par d’épouvantables grimaces ; les médecins se contentent de signer les cahiers des malades et de toucher les émoluments octroyés par cette bonne Assistance ; les internes font la noce, les garçons de salles les imitent.

Dernièrement, on livra au baigneur un paralytique général ; le baigneur faisait un cent de piquet, aussi, furieux, il grogna : « attends, vieille crapule, je vais t’apprendre à me déranger ! » et il jeta le misérable dans une baignoire remplie d’eau presque bouillante. Lorsque l’infirmier de la salle, Pariset, revint chercher son paralytique, il s’aperçut avec stupeur que celui-ci était complètement échaudé : « la peau de son corps s’enlevait par longues bandes, » nous dit un témoin oculaire. Aujourd’hui — deux mois après ce bain bouillant — les brûlures ne sont pas encore guéries !

Ce n’est là qu’un cas entre mille.

On opère de la même façon pour les vieillards ; l’un d’eux a été pendu par les pieds, et est resté la tête en bas, pendant plus d’une minute, parce qu’il avait sali son lit…

Au mois de janvier 1885, un paralytique qui occupait le lit n° 19, dans la salle Saint-François, à l’hôpital Beaujon, est arraché de son lit par un infirmier ivre et jeté dans le caveau à charbon où il expire quelques minutes après.

Le procès de cet infirmier du nom de Bourré, qui en fut quitte pour six mois de prison, révéla des détails incroyables sur l’incurie des Quentin et des Peyron.

Cet homme avait été chassé deux ou trois fois de tous les hôpitaux de Paris pour ivresse et violence envers les malades et il rentrait tranquillement quelques mois après dans les hôpitaux d’où il avait été renvoyé ; il faisait le tour et il avait été successivement à Cochin, à Lariboisière, à la Charité, à Saint-Antoine, à la Pitié, à l’Hôtel-Dieu, à Bichat, à Beaujon !

Les malades sont exposés à toutes les négligences quand ils ne sont pas victimes de tous les mauvais traitements des mercenaires[247]. Le 26 juin 1882, une malheureuse folle, la femme Georges, est brûlée vive, littéralement cuite plutôt dans sa baignoire où Marie Contausse, fille de salle, l’a enfermée et l’a oubliée. A l’hôpital Tenon, la demoiselle Devillers expire dans des douleurs atroces après un lavement que la femme Prugnand et la femme Thibault lui ont administré en mettant trente grammes d’acide pur au lieu de quarante centigrammes d’acide phénique ; un enfant est brûlé vif, en juin 1883, au même hôpital.

A l’hôpital Laënnec, deux infirmières laïques causent la mort d’un enfant de deux mois, la fille d’une dame Lepron, en délivrant à la mère du chlorate de potasse au lieu de phosphate de chaux.

Le 19 mars, le tribunal acquitte les prévenues en constatant que l’effroyable désordre qui s’est introduit dans les hôpitaux rend les employés irresponsables.

Attendu, dit-il, que l’organisation défectueuse du service des médicaments usuels, à l’hôpital Laënnec, pouvait facilement ame- ner des confusions ; que le soin du dosage de ces médicaments généralement préparés par grande quantité à la fois, était abusivement laissé à des filles de service n’offrant pas toujours des garanties suffisantes d’âge, d’expérience ou de savoir ; que, de plus, les paquets ainsi préparés à l’avance, ou tout au moins certains d’entre eux, ne portaient ni étiquette, ni indications relatives à la nature de la substance qu’ils contenaient.

N’est-ce pas terrible la pensée de cet hôpital où les poisons et les substances « offensives sont pèle-mêle, où l’on prend au hasard, « au petit bonheur, » comme on dît, sans même être guidé par une étiquette ? Quelle honte doivent éprouver les vieux médecins en constatant ce que Quentin a fait de ces hôpitaux qui étaient autrefois un modèle pour l’Europe.

Au mois de juillet 1885, deux malades de l’hôpital Saint-Louis, placés dans la salle Cazenave, Charles Yandeleyem et Charles Lecouteux, meurent d’une manière foudroyante. On s’aperçoit qu’au lieu de cuillerées d’eau-de-vie allemande, on leur avait fait prendre quelques cuillerées de strychnine. Ces faits sont si fréquents dans les hôpitaux actuels que nul ne songe à s’en étonner.

Dans le Gaulois (28 février 1884), un médecin raconte l’étonnement éprouvé par un chef de service d’hôpital en constatant que ses prescriptions sont exécutées absolument à rebours, à un malade auquel il ordonnait du vin on donnait du lait. À une demande d’explication, le directeur répondit par une prière de vouloir bien diminuer de la moitié ou au moins du tiers la quantité du vin prescrit en alléguant comme excuse la situation financière de l’Assistance. Voilà où Quentin en était arrivé avec un budget de trente-quatre millions ! Où cela passe-t-il ? Le vol est partout. On s’aperçoit un beau matin que la quinine ne guérit plus et un procès révèle que l’administration de l’Assistance publique a patriotiquement traité avec une fabrique italienne fusionnée avec une compagnie allemande, qui remplace le sulfate de quinine par de la cinchonine[248].

Il n’y a plus ni discipline, ni contrôle. Le National est obligé de reconnaître que Quentin « distribue des viandes pourries aux malades. » La Justice avoue « que le désordre et l’incurie règnent dans les établissements hospitaliers de la Seine[249]. » Ajoutons que le personnel de nos hôpitaux, jadis si dévoué, si humain, sous des apparences parfois rudes, s’est modifié complètement depuis quelques années par l’invasion des étudiants étrangers auxquels sont réservées toutes les faveurs et qui se livrent sur les malades à toutes les fantaisies, à toutes les expériences in anima vili imaginables.

Au moment où, à la suite de protestations d’étudiants français, le Matin s’occupait de cette question, j’ai publié un article à ce sujet et reçu de médecins, récemment sortis des hôpitaux, des lettres contenant des détails atroces. On n’a point l’idée des tortures que dans un but de vaine curiosité, souvent même pour s’amuser simplement, on fait subir à certains patients, « J’ai vu, m’écrivait le docteur Chalvan, à la date du 22 décembre 1884. des étrangers passer vingt fois de suite la sonde dans le canal d’un malheureux Français et eux de rire, entre eux, de ces bons Français sur qui on apprend si bien. Je puis même dire que beaucoup sont morts à la suite de ces examens insensés. »

Quand Peyron, le frère du complice de Ferry dans l’expédition du Tonkin, et qui avait dû à cette circonstance d’être nommé à la direction de l’Assistance publique à la place de Quentin, chassé par le mépris général, se pré- devant les étudiants, le 27 décembre 1884, pour proclamer les noms des externes et des internes d’hôpitaux pour 1885, un scandale sans nom se produisit. Les vociférations, les sifflets, les insultes couvrirent la voix du fonctionnaire opportuniste auquel on criait de tous les points de la salle : « Tais toi bacille ! »

Le tumulte redoubla quand on annonça à ces jeunes Français que, par un scandaleux passe-droit, le premier interne nommé était un Cubain, M. Albarran.

Au mois de janvier 1886, pour la distribution des prix et des médailles aux élèves internes et externes des hôpitaux, la scène prit les proportions d’une émeute. Dès que Peyron parut une clameur immense s’éleva ; tout le monde se mit à entonner :

Conspuez Peyron (bis).
Conspuez !

Incapable de prononcer un mot, totalement affolé, l’exécuteur des basses œuvres du Conseil municipal s’enfuit par une porte dérobée. Après son départ les tables furent renversées, les livres jetés par terre, le lustre brisé.

L’internat, d’ailleurs, cette institution si respectée où se formaient jadis dans le travail les maîtres de la science, n’est plus que l’ombre de ce qu’il était jadis depuis que les Juifs s’y sont introduits. Toutes les traditions d’honneur professionnel tendent à disparaître là encore. Au mois d’octobre 1885, le médecin juif Gougenheim livre à son interne Kahn le sujet du concours. Les récriminations éclatent de tous côtés et l’on est obligé d’annuler le concours.

Le grand témoin de cette enquête, qu’on reprendra peut-être quelque jour pour punir les vrais coupables, ceux qui ont spéculé sur la souffrance pour s’enrichir, c’est un libre-penseur, un républicain, un filleul même d’Armand Carrel, le docteur Després qui, dans un siècle de défaillance universelle, apparaît vraiment comme une figure loyale et sympathique. Il n’est pas de jour où, au nom de la science, du bon sens, de l’humanité, il n’ait mis Quentin face à face avec les crimes qu’il commettait.

La lettre qu’il a adressée aux journaux le 22 février 1883, en réponse à quelques mensonges de Bourneville qui avait essayé de tromper l’opinion, est comme le résumé de la question.

22 février 1883.
Monsieur le rédacteur

Tout mauvais cas est niable, M. Bourneville se défend comme il peut, et, faut-il le dire, péniblement. Mais je ne puis laisser passer l’audacieuse apologie des prétendus services que M. Bourneville aurait rendus aux hôpitaux, avec l’aide de ses collègues. Il s’agit sans doute de ses collègues du Conseil municipal.

Voici, du reste, la vérité sur ces services et sur leurs résultats :

1° Les infirmiers, auxquels le vin a été délivré en plus grande quantité, le vendent aux malades ;

2° Les infirmiers, dont on a augmenté les gages, rentrent généralement ivres leur jour de sortie. Un d’eux même, l’an dernier, en rentrant, a battu un malade dans une de mes salles, à l’hôpital de la Charité ;

3° Les surveillantes et infirmières laïques substituées aux religieuses, ont déjà, en dix-huit mois, quatre morts par imprudence à leur charge ; une malade étouffée dans un bain ; trois empoisonnements par lavement d’acide phénique : un à l’hôpital Tenon, un à l’hôpital Laënnec, la même semaine, et un l’an passé, à l’hôpital Cochin. C’est même ce fait auquel M. Quentin, directeur de l’Assistance publique, a fait allusion devant le Conseil municipal ces jours-ci. Mais M. Quentin a égaré le Conseil municipal, en lui laissant croire qu’il s’agissait d’un fait imputable aux religieuses, je le répète, il s’agissait d’une malade de la Maternité de Cochin,

bâtiment isolé, desservi exclusivement par des laïques, et où les religieuses n’ont pas le droit de pénétrer.

Le mal qui a été fait aux hôpitaux est plus grand encore que je ne l’ai dit. L’ordre, la tenue et la moralité sont bannis des hôpitaux laïcisés. Le désordre du linge, à l’hôpital Saint-Antoine et à l’hôpital Tenon, a été tel qu’il a fallu envoyer des inspecteurs, des femmes à la journée pour réparer le désordre. Au Mardi-Gras dernier, le personnel laïque de l’hôpital Saint-Antoine, hôpital laicisé, hommes et femmes, a changé de costume, et ne s’est pas même abstenu de paraître dans les salles avec ce déguisement.

Voilà, monsieur, le personnel qui sort de l’école d’infirmières laïques de M. Bourneville, école qui, suivant ce dernier, aurait été fondée pour le plus grand bien de l’Assistance publique.

Tous ces faits sont de notoriété publique dans les hôpitaux, je n’en dirai pas plus long. Seulement, je fais le public juge, et je lui rappellerai ce mot du bon La Fontaine :

A l’œuvre on connaît l’artisan.

Veuillez agréer, monsieur le rédacteur, l’assurance de ma considération distinguée.

A. Després[250]

Les scènes scandaleuses du Mardi-Gras, auxquelles le Dr Després fait une discrète allusion, sont un des faits les plus caractéristiques encore de notre époque. Se peut-il concevoir vision plus affreuse que l’orgie à l’hôpital, infirmiers et infirmières à demi ivres se cherchant dans les salles, le Plaisir qui hurle écrasant dans ses ébats la Douleur qui râle, les Évohés se mêlant aux cris de l’agonie, les malades, brusquement réveillés, se mettant sur leur séant pour regarder ces hommes habillés en femmes et ces femmes habillées en hommes et se demandant s’ils ne sont pas les dupes de quelque horrible cauchemar ?

Il y a vraiment dans ces jeux de l’Amour et de la Mort je ne sais quoi de fantastique et de macabre[251].

Il manque à cela Quentin, ce gros satyre débordant de santé, regardant ces choses après un souper avec quelques conseillers municipaux et disant à ses acolytes entre deux hoquets : « Hein ! mes enfants, comme c’est beau le Progrès ? Les salles n’avaient pas cet aspect folâtre avec les Sœurs. » Je dis : il manque ; c’est une façon de parler, car vraisemblablement il y était ; de tels objets sont faits pour lui plaire.

Dans presque tous les hôpitaux laïcisés des scènes analogues à celles dont parle le Dr Després ont lieu maintenant. L’Echo de la Brie, reproduit par le Figaro du 13 novembre 1884, nous raconte ce qui s’est passé à l’hospice de Meaux à la suite du décès d’une pauvre vieille de soixante-quatorze ans dont la maigreur avait mis le personnel en gaieté.

Suivant l’usage, les infirmiers se préparaient, après le décès, à enlever le corps de la défunte, lorsqu’un sentiment d’inqualifiable curiosité les poussa à se repaître de la vue de ce pauvre cadavre dans toute sa misère. Ils le découvrirent complètement, sans être arrêtés par les protestations émues, les supplications, les cris d’indignation même de quelques femmes malades et d’un jeune enfant de onze ans qui assistaient à cette profanation.

Une grosse infirmière de vingt ans, maflue et rebondie, qui assistait à la chose, servait de point de comparaison aux infirmiers, au milieu des ricanements, des moqueries et des plus inconvenantes réflexions.

Au lieu d’envelopper la pauvre femme avec décence, ainsi que le faisaient les Sœurs, avant de la déposer sur la funèbre civière qui sert à transporter les morts dans une salle spéciale, les infirmiers prirent le cadavre et le jetèrent en travers de cette civière avec un bruit sinistre qui fut entendu dans les salles voisines.

Veut-on maintenant connaître le dénouement ? Le voici :

Attirée par le bruit, une surveillante arriva et se contenta de faire taire… les malades ; puis, dès que la morte eut été placée dans la civière, la grosse infirmière, paralysée par le fou rire, fut saisie, couchée par-dessus la morte, le couvercle fut fermé, et le tout enlevé au milieu du rires, des cris de joie, en un mot d’un tumulte indescriptible[252].

N’est-ce pas tout à fait le sentiment qu’exprime Michelet lorsqu’il écrit : « Le squelette humain, dans ses formes anguleuses et gauches au premier coup d’œil, rappelle comme on sait la vie de mille façons ridicules, mais l’affreux rictus prend en revanche un air ironique… moins étrange encore par la forme que par la bizarrerie des poses, c’est l’homme et ce n’est pas l’homme. Ou, si c’est lui, il semble, cet horrible baladin, étaler avec un cynisme atroce la nudité suprême qui devait rester vêtue de la terre. »

Ces accès d’une gaieté malsaine, ce besoin de voir souffrir ou mourir pour rire tendent à se généraliser chez nos étudiants qui ne sont plus seulement sceptiques et bons enfants comme leurs devanciers, mais qui en sont arrivés au matérialisme persécuteur et haineux des Lanessan et des Bourneville. Au mois d’octobre 1885, le bal de l’internat à Bullier fut l’occasion de scènes inqualifiables. Des femmes furent frappées, martyrisées, soumises aux plus ignobles traitements ; quelques-unes de ces malheureuses furent prises d’affreuses crises de nerfs qui ne firent que redoubler l’hilarité[253]. Voilà ce qu’en détruisant toute croyance dans les âmes, le gouvernement républicain a fait de jeunes gens nés probablement avec des instincts honnêtes et généreux, il a corrompu jusqu’au bal Bullier ! Quentin doit être fier du résultat produit par son passage à l’Assistance publique.

Quentin, en effet, est le Franc-Maçon complet[254] ; il ne voit dans la vie que des appétits à satisfaire et il les satisfait largement. Ancien ami de Delescluze, il abandonna à l’heure du danger un homme qui était maigre et qui disait : « Voilà le moment de bien mourir ! » pour se rattacher à Gambetta qui était gras et qui disait : « Voilà le moment de bien vivre ! » Depuis ce temps il n’a fait que prospérer aux dépens des malades et l’on s’étonne même que les preuves de dégoût que lui donnaient chaque jour les princes de la science aient pu enfin le décider à se retirer[255].

Après tout, peut-être est-il moins méprisable que des hommes comme M. Paul de Rémusat, par exemple, qui, élevés dans une atmosphère chrétienne, placés à une certaine hauteur d’intelligence, n’osent pas prendre la défense des pauvres et ne font rien pour essayer au moins d’empêcher, par un vote, les infamies que l’on commet[256]. Le sénat romain avait ses pedarii qui ne parlaient jamais et qui attendaient pour voter qu’on leur fit un signe ; ils se transportaient en masse du côté où il fallait ; cela s’appelait pedibus in sententiam ire. C’est sur leurs genoux et non sur leurs pieds que nos sénateurs d’aujourd’hui vont au scrutin.

Les Sœurs ont protesté, à leur façon, contre la laïcisation, elles ont redoublé d’héroïsme au moment du choléra ; on les avait chassées, on les a rappelées quand il a été nécessaire de braver la mort et elles sont revenues en disant comme d’habitude : A la volonté du bon Dieu !

Elles ont lutté partout vaillamment. A Paris, il a fallu, pour que l’hospice des vieillards de l’avenue de Breteuil, fondé par les Petites Sœurs des pauvres, fût décimé, que le Conseil municipal aidât la peste et qu’il fit mourir les vieillards de faim.

— Que dites-vous ? va s’écrier un républicain honteux de l’être, cette fois, vous exagérez.

— Non ! un journal moins hypocrite que les autres, l’Intransigeant, avoue le fait dans son numéro du 12 novembre 1884.

Tous les pensionnaires de cette maison sont des vieillards pauvres, dont la constitution physique, déjà si faible, est rendue encore plus débile par la mauvaise nourriture qui leur est donnée.

On sait que l’Assistance publique fait distribuer à toutes les maisons d’asile et aux hôpitaux les restes recueillis dans les réfectoires des collèges. C’est ainsi que l’hospice de vieillards de l’avenue de Breteuil recevait autrefois, tous les jours, une certaine quantité de vivres provenant du collège Chaptal. Mais, il y a deux ans, sur la proposition faite au Conseil municipal par le colonel Martin, ancien lieutenant-colonel des dragons de l’impératrice, ce supplément de nourriture a été supprimé à l’hospice et n’a pas été remplacé. De sorte qu’actuellement ces pauvres vieillards n’ont absolament pour vivre que leur ration réglementaire, qui est des plus maigres. Aussi n’est-il pas surprenant que le fléau fasse parmi eux de nombreuses victimes.

Le colonel Martin, dans une guerre où tant de fautes furent commises, mais où le courage des officiers et des soldats ne fut contesté par personne, est le seul qui ait été convaincu de lâcheté devant l’ennemi. Le général Lebrun a raconté le fait tout au long dans son livre Bazeilles-Sedan (pages 68, 69 et 70).

Le 29 août, à Mouzon, au moment où le 5e corps était écrasé, le général de Failly aperçut quelque cavalerie parmi les troupes du général Granchamp ; il dépêche tout aussitôt vers les régiments du général de Béville un de ses aides de camp, le commandant Haillot, avec mission d’inviter les officiers qui les commandaient à exécuter une charge sur le flanc gauche de son corps d’armée, pour dégager ce flanc qui était en ce moment très engagé avec l’ennemi. Le premier des régiments que le commandant Haillot atteignit était le 6e régiment de cuirassiers.

Le colonel de ce régiment, qui était notre Martin, au lieu de se mettre à cheval pour charger, trouva l’occasion opportune pour se mettre à cheval… sur les principes de la hiérarchie et protesta qu’il n’avait d’ordre à recevoir que de ses chefs directs.

« Sans doute, dit bonnement le brave général Lebrun qui, on le sent, ne peut se défendre d’une sorte de pitié pour ce pleutre, sans doute en repoussant comme il l’avait fait la demande du général de Failly, le colonel du 6e de cuirassiers pouvait arguer qu’il obéissait à la lettre stricte de nos règlements qui exigeaient qu’il ne reçût d’ordre que de son chef direct, le général de Béville ; mais il n’est pas rare, à la guerre, qu’un officier se voie tout à coup dans l’obligation d’oublier un peu le règlement ; c’est lorsqu’il s’agit pour lui d’un grand acte de dévouement à accomplir et que le temps lui manque pour prendre l’autorisation de son chef immédiat. Dans le cas dont il s’agit, le commandant Haillot était allé au plus pressé en s’adressant au colonel qu’il avait devant lui ; il n’avait pas songé à chercher d’abord le général qui commandait la cavalerie. Il ne s’était préoccupé que de la situation critique dans laquelle le 5e corps d’armée se trouvait. »

Tandis que les officiers du 6e régiment, désespérés de leur inaction, se détournaient avec mépris de leur colonel, blême de peur, le commandant Haillot poursuivait sa route et arrivait devant le 5e régiment. Cette fois, il trouvait devant lui un Français, un soldat, un gentilhomme. Le colonel de Contenson ne répondit pas un seul mot, il s’inclina et faisant mettre le sabre en main à ses escadrons, « les porta au galop vers le point que l’aide de camp du général de Failly lui avait indiqué et il commanda : Chargez ! Ce devait être le cri suprême d’adieu qu’il adressait à ses cuirassiers. Un instant après, il tombait de cheval mortellement frappé par une balle allemande. »

Cet officier, qui refuse de charger les Prussiens et qui prend les Petites Sœurs des pauvres par la famine est, on le comprend, l’idole du Conseil municipal. La loge Alsace-Lorraine, dont ce Franc-Maçon zélé fait partie, ne se possède pas de joie quand il vient débiter là ses tirades patriotiques.

C’est sur le trait de ce Conseil municipal enlevant des débris de nourriture à de malheureux vieillards que nous nous arrêterons. Nous ne trouverions rien d’aussi beau.

Pitié démocratique, fraternité républicaine, philanthropie franc-maçonnique, je vous salue encore une fois, avec l’équerre et le compas !


A la fin de ce livre d’histoire que voyez-vous ? Je ne vois qu’une figure et c’est la seule que j’ai désiré vous montrer : la figure du Christ insulté, couvert d’opprobres, déchiré par les épines, crucifié. Rien n’est changé depuis dix-huit cent ans. C’est le même mensonge, la même haine, le même peuple.

Saint Pierre fuyant la persécution aperçut tout à coup, sur la voie Appia, son divin Maître qui se dirigeait vers Rome en portant sa croix.

— Où allez-vous. Seigneur ? lui demanda l’apôtre.

— Je vais me faire crucifier de nouveau.

Saint Pierre comprit et retourna à Rome.

Sur nos boulevards qui ressemblent tant, avec leur mouvement incessant et le spectacle du luxe étalé partout, à cette voie Appia, que sillonnaient les litières de pourpre des courtisanes et les chars dorés des patriciens, il n’est pas de jour que je ne rencontre ainsi la douloureuse image du Sauveur. Il est partout, pendu aux vitrines populaires, exposé aux huées des faubourgs, outragé par la caricature et par la plume dans ce Paris plein de Juifs aussi obstinés dans le déicide qu’au temps de Caïphe ; il est le même qu’autrefois, consolant et doux, accomplissant des miracles, cheminant avec nous à travers les rues tumultueuses.

Pour beaucoup, je le sais, cette conception ne semble pas assez élevée. Pour s’excuser peut-être de leur inaction, ils ne veulent point se figurer un Christ qui souffre chaque jour, qui saigne des blessures qu’on lui porte, qui pleure des sacrilèges qu’on commet envers lui ; ils n’admettent pas que nous puissions être, selon la forte expression des premiers chrétiens, les collègues de la Passion du Christ[257]. Ils s’en tiennent à une sorte d’abstraction nuageuse qu’on est excusable de ne point défendre.

Combien j’aime mieux la pensée de ces artistes primitifs qui nous montrent Jésus associé à la vie familière de la cité, apparaissant dans le décor même de la ville natale du peintre, comme pour démontrer, par cette erreur apparente qui n’est que la constatation d’une vérité morale, que le Dieu fait Homme est toujours et partout présent parmi nous ! Je me souviens d’un beau tableau de Philippo Lippi qui figurait, je crois, à la vente Beurnonville : le Christ converse avec ses disciples sur le parvis du Temple et la ville entière se déroule devant lui et devant le spectateur ; les passants s’accostent, se saluent entre eux, les femmes se hâtent en revenant du marché, les barques glissent sur une rivière. Rien n’est oublié et le détail le plus naïvement naturaliste a sa place dans cette œuvre qui mêle l’élément divin à l’élément humain.

Tel le Christ était à Jérusalem, tel il est à Paris. La Passion pour lui se reproduit sans cesse. Qui n’a rêvé, en lisant le récit de cette agonie effroyable, de s’être trouvé sur le passage de Celui qui allait mourir pour nous, de lui épargner une souffrance, d’étancher un peu du sang qui coulait sur ce front déchiré par la couronne dérisoire, d’àdresser tout au moins à la Sainte Victime un regard qui la console ? Chaque jour le Juste monte au Calvaire devant nos yeux et la plupart le regardent passer indifférents, songent à leurs plaisirs, à leurs affaires. Quelques-uns auraient des velléités de protester ; ils n’osent pas, ils craignent de se mettre en évidence, ils se disent : « Je suis tranquille, si je m’avoue chrétien, toute la canaille franc-maçonnique et juive va s’acharner sur moi. »

Heureux qui a surmonté ce premier mouvement de faiblesse ! J’imagine quelle sera sa joie au jour de la Justice quand, devant la face lumineuse du Christ, il se rappellera le léger effort qu’il aura fait pour défendre ce Tout Puissant auquel les cieux obéissent. Quelle minute que celle où sera mis à découvert l’immense et complexe fourmillement de toutes les pensées humaines, où tout ce qui se cache apparaîtra, quidquid latet apparebit, où le monde verra ce qu’on ne voit pas : le secret des âmes, les mobiles des actions, les crimes inconnus, les infamies dissimulées, les dessous à peine soupçonnés, la grandeur des calomniés, l’abjection de ceux qui ont marché dans la vie entourés de l’estime de tous !

Heureux alors celui qui, écrasé sous le poids de ses fautes, pourra se relever et dire : « Seigneur, je ne suis point digne d’entrer dans votre maison, mais, tel jour, quand vous passiez au milieu des outrages et que tant d’hommes se taisaient, j’ai essayé, moi, impuissant et chétif, d’alléger votre fardeau et de vous aider à porter votre croix ! »

Heureux qui pourra répéter en mourant ce que disait Veuillot :

 
J’espère en Jésus, sur la terre.
Je n’ai pas rougi de sa loi ;
Au dernier jour, devant son Père,
Il ne rougira pas de moi.

Unis au Christ, participant à ses souffrances pour participer plus tard à sa gloire, vous serez plus directement aussi, au point de vue humain, en communion avec l’âme de vos pères.

Mes lecteurs, j’en suis convaincu, ne sont point dupes des Pharisiens rouges qui s’apitoient sur les auto-da-fés en louant les misérables qui, en septembre 1792, égorgeaient par milliers, au nom de l’humanité et du progrès, des prisonniers, des vieillards, des malades, des fous, qui faisaient monter sur des échafauds ruisselant de sang des enfants, des jeunes filles de 15 ans, des femmes de 90 ans, des infirmes qui ne savaient même pas ce dont on les accusait.

Malgré tout, il est difficile de se soustraire totalement à l’influence de ce qu’on entend du matin au soir, à l’impression de l’atmosphère intellectuelle factice créée par la presse juive et les meilleurs subissent parfois, malgré eux, ce que nous avons appelé déjà : les préjugés du modernisme.

Eclairé par le présent travail, qu’il pourra compléter par ses observations personnelles, chacun se rendra mieux compte désormais de la réalité des choses.

Non, les hommes qui ont fait si grande la France et l’Espagne du passé n’ont été ni des scélérats ni des imbéciles ; les mesures qu’ils ont prises n’ont pas été des fantaisies de tyrans en délire, mais elles ont correspondu à des nécessités évidentes, à des périls qui se manifestaient aux yeux de tous. Le chrétien n’a pas voulu qu’on jetât, comme aujourd’hui, le Christ aux gémonies ; l’Aryen n’a pas voulu subir l’oppression du Sémite, être condamné à travailler pour l’enrichir. Une race c’est-à-dire une réunion d’individus pensant de même, un ensemble représentant un certain nombre de sentiments, de croyances, d’aspirations, d’aptitudes, de traditions, s’est défendue contre une race qui représentait des sentiments, des croyances, des aspirations, des aptitudes, des traditions absolument contraires…

Sans doute une telle démonstration semble n’avoir plus guère qu’un intérêt doctrinal devant le résultat accompli. L’examen de ces questions assurera, du moins je le souhaite, le croyant dans sa foi en lui montrant que tout se tient dans cet ordre et que l’amour de la Patrie et l’amour de Dieu ne font qu’un. L’histoire vraie détruira certaines objections élevées contre l’Eglise par les créateurs de l’histoire fausse, elle dissipera certains scrupules qui viennent parfois aux âmes tendres qui connaissent mal les ennemis auxquels nos ancêtres ont eu à faire.

La Vérité complète, cependant, ne se révélera qu’à la clarté horrible des dernières catastrophes. C’est lorsqu’il erre sous la pluie, à la lueur des éclairs, dans la lande inhospitalière que le roi Lear songe, pour la première fois, aux petits et aux déshérités et qu’il s’écrie : « Pauvres indigents tout nus que vous êtes, têtes inabritées, estomacs inassouvis, comment, sous vos guenilles trouées, vous défendez-vous contre des temps pareils ? Ah ! j’ai trop peu pris souci de tout cela ! » C’est dans le grondement de la tempête que les privilégiés, les insouciants des classes dirigeantes songeront, sous l’aiguillon de leur propre angoisse, aux âmes qu’ils auraient pu sauver.

Mon livre, j’en ai peur, ne sera bien compris que lorsque sera venu ce grand soir, dont parlent mystérieusement les sociétés secrètes dirigées par les Juifs, ce grand soir qui doit envelopper des ombres de la mort et plonger dans le silence de la solitude les ruines de ce qui aura été la France.

Alors les jouisseurs d’aujourd’hui iront traîner les grandes routes avec des souliers usés comme les émigrés d’autrefois.

Qu’elle est parlante cette gravure populaire qui représente une famille d’émigrés ! Le père est là hâve, courbé, étreint au cœur par le malheur des siens ; la mère tient par la main un petit qui se soutient à peine. Sur le seuil d’une chaumière d’Allemagne, assis sur un banc ombragé de verdure, un paysan regarde passer ces vagabonds et sur le visage des proscrits on lit ce sentiment : « Cet homme est-il heureux ? il a un chez lui, un foyer, un toit. »

Si les journaux conservateurs n’étaient pas, pour la plupart, aux mains des Juifs, c’est cette lamentable histoire de l’émigration qu’ils devraient raconter à leurs lecteurs au lieu de leur parler de bals et de toilettes.

Qu’elle paya cher ses vices cette société du XVIIIe siècle aussi imprévoyante et aussi frivole que la nôtre ! C’est à l’étranger qu’on a bien la sensation de ce que dut être cette existence de l’exil. Certaines villes, certains hôtels enveloppent l’âme de je ne sais quel froid particulier.

Je me vois encore dans cet hôtel de la Cigogne à Bâle, qui fut au rendez-vous d’émigrés, prenant le café dans un petit jardin maussade en tête-à-tête avec la cigogne, vivante enseigne du lieu, qui vous tient compagnie. Les murailles de la vieille demeure, le silence de la ville aux portes cochères solennelles et toujours closes, la vue même de ce Rhin qui coule sans bruit emplissent l’âme de mélancolie. Si l’on est triste ici, pense-t-on, quand on y vient en touriste, avec de l’argent dans ses poches, que serait-ce si l’on était là pauvre, exilé ? Quel métier faire ? Où s’adresser ? Nulle part on ne trouve, dans ces cités fermées, l’accueil affable et chaud de ce Paris où les pavés eux-mêmes rient à l’étranger, où la meilleure place est pour lui…

Il y eut des poèmes de douleur déchirants dans ces chambres à carreaux rouges, à rideaux fanés, aux trois chaises de crin que les Mémoires nous dépeignent, et où des femmes comme Mme d’Argouges ou Mme de Talmont arrivaient parfois en sabots, sans linge. Souvent même on n’avait pas de chambre. La princesse de Condé, errante, couchait sur le plancher et se nourrissait de pommes de terre à l’eau.

Une des triomphantes de Versailles vend sa dernière robe pour payer l’enterrement de son mari et reste seule avec ses deux enfants. Mlle de Montmorency se fait porteuse de pain pour nourrir sa mère ; d’autres savonnent, vont en journée. Le comte de Secillon s’établit maître de danse et croit reconnaître un jour un de ses amis, le baron de Pontgibaud portant la balle de colporteur. — « Je ne m’appelle plus Pontgibaud, répond celui-ci ; je m’appelle Labrosse. » Et il resta Labrosse jusqu’à la Restauration.

À Londres, Mme de Gontaud fabrique de petits objets de laine à raison de deux sous par heure. Chateaubriand est obligé de mettre sa table sur son grabat en guise de couverture pour ne pas mourir de froid ; après être resté deux jours sans manger il s’évanouit, et il allait expirer d’inanition lorsque le journaliste Pelletier vint lui rendre visite par hasard et l’emmena se bourrer de rosbif.

C’est lorsqu’ils seront aux prises avec l’exil et la pauvreté que les compagnons de plaisir des Rothschild et des Ephrussi comprendront le prix de cette Patrie qu’ils n’auront rien fait pour défendre. C’est alors seulement qu’ils récapituleront tout ce qu’il était possible de tenter pour résister, pour empêcher cette société de périr.

L’épreuve, en effet, sera rude pour ces efféminés et ces oisifs. Ils n’auront ni la belle humeur, ni l’indestructible santé, ni l’intarissable esprit des grands seigneurs d’autrefois ; ils n’auront point la force de tempérament de ces Polonais que j’ai vus accepter les plus modestes emplois, parfois vivre avec rien, rester couchés toute une journée quand le pain manquait et se contenter d’une tasse de thé.

Saint Paul l’a dit : « Il faut espérer contre toute espérance. » Espérons encore que, malgré tant de présages contraires, cette destinée sera épargnée à ceux qui l’auront méritée ! Peut-être, au dernier moment, le courage endormi se réveillera-t-il chez quelques-uns ? Peut-être un de ces officiers, que l’on voyait, la moustache cirée, humer tranquillement leur absinthe meurtrière après avoir, le malin, aidé à expulser quelques vieux prêtres, sentira un jour le rouge lui monter au visage et repoussant son verre à demi plein, s’écriera : « Mieux vaut la mort qu’une telle honte ! » La parole de celui qui parlera le premier s’achèvera, on n’en peut douter, dans une acclamation formidable. Toute la France suivra le chef qui sera un justicier et qui, au lieu de frapper sur les malheureux ouvriers français, comme les hommes de 1871, frappera sur les Juifs cousus d’or et dira aux pauvres attroupés autour de ce Pactole s’échappant du Sémite décousu : « Si vous avez besoin, ramassez ! »

Pour moi, je le répète, je n’ai prétendu entreprendre qu’une œuvre de bonne volonté, montrer par quel oblique et cauteleux ennemi la France avait été envahie, corrompue, abêtie au point de briser de ses propres mains tout ce qui l’avait faite jadis puissante, respectée et heureuse. Ai-je rédigé notre testament ? Ai-je préparé notre renaissance ? Je l’ignore. J’ai accompli mon devoir, en tous cas, en répondant par des insultes aux insultes sans nombre que la presse juive prodigue aux chrétiens. En proclamant la Vérité, j’ai obéi à l’appel impérieux de ma conscience, liberavi animam meam….




TABLE DES MATIÈRES

DU TOME SECOND




LIVRE QUATRIÈME
Gordon et Reinach. — The mountebanks. — Le rôle de Crémieux. — Le serment more judaico. — Les gaîtés démocratiques. — Crémieux au 2 Décembre. — L’émancipation des Israélites algériens. — Le Juif en Algérie. — L’usure. — Le patriotisme des Juifs. — L’insurrection d’Algérie. — Un héros arabe. — Mokrani. — Le décret Crémieux devant l’Assemblée de Versailles. — Fourtou se dérobe. — Les Juifs et la loi française. — Tirman et son projet d’expropriation des Arabes. — La justice est la meilleure des politiques. — Le Juif Merguich et les pauvres. — La prétendue civilisation moderne. — Les Anglais dans l’Inde. — Les Russes en Asie. — L’antisémitisme en Algérie. — La presse algérienne. — Le monument de Crémieux. — L’Alliance israélite universelle, son organisation, sa puissance. — La presse israélite. — Juifs d’Allemagne et Juifs de France. — Le Bulletin de l'Alliance. — Les contributions volontaires. — Les écoles d’Orient. — Maurice de Hirsch et Bischoffsheim magnifiques à nos dépens. — Le testament de Crémieux. — Ce qui est captation et démence sénile chez un chrétien est un acte de générosité intelligente et réfléchie chez un Juif.


LIVRE CINQUIÈME
La Société du Directoire et la Société actuelle. — Les ruines morales. — L’aristocratie. — La place qu’elle tient encore, — Sa bonté native, son absence de haine, son incurable frivolité. — Le besoin de s’amuser. — Les chasses juives. — La revanche du cerf. — Hirsch et nos officiers. — Le chartrier des la Trémoille. — Dux. — Les Rothschild. — Le bal des victimes. — Ferrières. — Les Sensibilisés. — Les fêtes de charité. — Des comptes fantastiques. — Un journaliste modeste et surpris. — Les cholériques aux Tuileries. — La Loterie des Arts décoratifs. — Un bienfaiteur de l’humanité. — Hecht et ses Courbet. — Reinach et ses Frans Hals. — L’amour du bibelot. — Le truquage. — Saphira. — Les scandales aux courses. — Cercles et tripots. — M. Leconte et le Cercle du Parlement. — Les fournitures militaires. — Les modes. — Le budget d’une honnête femme. — L'argent mal employé. — Les théories du Père Ludovic. — Un favori de l’aristocratie. — La misère cachée. — Sainte Geneviève et le bal des animaux. — L’arbitre de l’élégance. — Arthur Meyer. — Ernest d’Hervilly et le duc de la Rochefoucauld-Bisaccia. — Le journalisme juif. — Le chantage, — Hugelmann, Fiorentino, Eugène Mayer. — Un livre rare. — Anatole de la Forge ou « le galant homme. » — Simin. — Les affolés de réclame. — Madame Adam. — La Finance à l’Académie. — Le patriotisme du général Boum et la vertu de Madame Cardinal. — Le cabotinage général. — Les Juifs et le théâtre. — L’Ami Fritz. — Les Américaines. — La reconnaissance des Yankees. — La statue de Bartholdi. — La décoration d’un comédien. — Le cirque Molier. — Les hôtels juifs. — Les Monach. — M. Robert de Bonnières et M. Paul Bourget. — M. Guy de Charnacé et le Baron Vampire. — Paris coupe-gorge. — Malfaiteurs et souteneurs. — Le livre de M. Macé. — Les brasseries de femmes. — La complicité de la police. — La crise ouvrière. — Les marques de fabrique. — La terre en friche. — L’alcoolisme. — L’aqua Tofana. — Le laboratoire municipal. — L’impunité des marchands de vin. — La chasse aux pauvres. — Les chiffonniers. — Les reconnaissances du Mont de-Piété. — Le peuple attend. — Caractère inévitable de la Révolution. — La fin d’un monde.


La persécution juive
La guerre aux catholiques. — Les droits de la pensée libre. — Caractère spécial de la persécution actuelle. — Origine juive de la Franc-Maçonnerie. — Une allégorie transparente. — Le Temple de Salomon. — La Franc-Maçonnerie d’adoption. — Des couplets folichons. — Judith. — Les Fils de la Veuve. — Un financier persécuteur. — Cousin, président du Suprême Conseil. — L’homme de paille des Rothschild, — Faiblesse coupable de certains catholiques. — Comment se recrute la Maçonnerie. — Le signe de détresse. — Tirard et la conversion. — Les légèretés d’un Lowton. — Les mines d’or de l’Uruguay — Un Tuileur de premier ordre. — Un enterrement maçonnique. — Guillotou le Sage de la Grèce. — Un coup de maillet de Vénérable. — Les vertus du maire de Brest. — Un ministre de commerce agréable. — La Maçonnerie dans les prisons. — Un adorateur du soleil.
L’austère Protestant n’est pas austère. — Les faux martyrs. — Coligny. — Le prétendu apôtre de la tolérance est le plus implacable des tortionnaires. — Il s’efforce de livrer Calais aux Anglais. — La Sant-Barthélemy. — Le Protestant moderne est le compère du Juif. — La propagande protestante. — Les séquestrations. — Une lettre touchante. — L’Elise Ebsen de Daudet. — Le Prussien Steeg et son manuel. — Les Monod. — Les Sœurs de la rue de la Lune et les exploits de Winckam. — Les variations de nos avocats. — La persécution dans la mort. — Les Protestants du Midi.
La haine de l’enfant. — Le sacrifice sanglant. — Les témoignages de l’histoire. — Chaucer et les Contes de Canterbury. — Raphaël Lévy. — L’assassinat du P. Thomas. — Les enlèvements d’enfants en Orient. — Un livre de rabbin converti. — Le culte de Moloch. — Absence d’indépendance chez les savants français. — Les Juifs à l’Académie des Inscriptions. — L’hérédité. — Outrages des Juifs contre le culte catholique. — Les républicains juifs. — Hendlé. — Isaïe Levaillant. — Les témoins juifs devant les tribunaux. — Moyse, Lisbonne et Camille Dreyfus. — Hérold. — Edouard Lockroy. — Hier et aujourd’hui. — L’espion morveux de Robespierre. — Paul Bert et ses mensonges. — Les éditeurs juifs des Manuels. — Petits Juifs. — Michel Bréal. — Camille Sée et la loi sur l’enseignement des filles. — Le Juif et l’école. — Les dénonciations de Charles Laurent. — Monsieur et Madame Neuburger. — Challemel-Lacour. — Les Juifs et la pornographie. — Les publications obscènes. — Ce qu’on voit dans la rue. — Léo Taxil et les Juifs. — La longanimité des catholiques. — Les infamies de la Lanterne. — Le Talmud du ruisseau. — La persécution légale. — Les agents juifs. — L’affaire Clovis Hugues. — Une audience de cour d’assises en 1885 — L’apologie de l’assassinat. — La police nouvelle. — Custodes ipsos quis custodiet ? — Le Paris d’Ignotus. — Les innocents devant les tribunaux. — La magistrature franc-maçonnique et juive. — Quelques types de magistrats. — Beyne. — Les amours d’un président de section au conseil d’Etat. — La chasse au prêtre. — La mort du curé Frairot. — Les Archives Israélites et Mgr Howard. — Nos pauvres frères. — L’affaire Saint-Elme. — Deux députés convaincus de concussion. — As-tu fini ? — La souffrance des humbles. — Un chef-d’œuvre à faire. — Les outrages d’en bas. — Un confesseur de la foi sous la Terreur. — Freycinet. — La persécution à l’hôpital. — Infirmiers et infirmières laïques. — Quentin. — Le docteur Després. — Les Sœurs de Charité et le choléra. — Des malades qui se sauvent. — Un conseiller municipal qui a peur des Prussiens mais qui ne recule pas devant les Sœurs. — Conclusion.




INDEX DES NOMS CITÉS


A


Aaron, I, 248, 321.
Aba Saül, I, 115.
Abadie, II, 429.
Abayé, I, 129.
Abarbanel, I, 405.
Abdel Kader, II, 17.
Abdérame, I, 7.
Abdolonyme, II, 252.
Abdul-Azis, I, 112.
Aboab, I, 35.
Abou-Iskak-Al-Elbiri, I, 153, 154.
Abraham (Emile), II, 240.
Abrahams (Michel), I, 71, 72.
Abravanel, I, 405.
Abzac (Général d’), II, 85.
Acarias, I, 179.
Accra (Pierre de), I, 179.
Acher, I, 129, 130.
Acosta. V. Dacosta.
Adam, I, 80, 248.
Adam (Alex.), II, 326.
Adam (Edmond), I, 383. II, 227, 228.
Adam (Mme Edmond), I, 489. II, 225, 226, 227, 228, 229, 230, 231, 472.
Adler, I, 67.
Adler (Dr), II, 56.
Æsopus, II, 259.
Agache, II, 326.
Agar, I, 550.
Agathina, II, 248.
Agobard, archevêque, I, 144.
Agrippa (Corneille), I, 193.
Aguesseau (d’), I, 229, 231.
Auguetan (Marie), II, 272.
Ahmed-Bey-Ben-Aïad, I, 493.
Akiba, I, 129, 130.
Alais (Mme), I, 293.
Alakadmenath, I, 166.
Albarran, II, 547.
Alcan (Mme) I, 344.
Aldrophe, II, 53.
Alepée, II, 522.
Alexandre II, I, 306.
Alexandre III, I, 306.
Alexi (R. P.), I, 46.
Alfassa, I, 117, 480.
Alkan (Salomon), I, 339.
Alkan Lévy, II, 360.
Allegri, I, 98.
Allonville (d’), I, 295.
Almasser, I, 126.
Almbert, I, 325.
Alpband, II, 300.
Alphandeiry, II, 495.
Amdgat, I, 520, 569, 570.
Ambès (d’), I, 230.
Amé, II, 436.
Amelot de la Houssaye, II, 392, 395,
Amilly (comte d’), II, 178.
Amilly (comtesse d’), II, 178.
Amilly (marquis d’), II, 181.
Amilly (marquise d’), II, 181.
Amoran (Ibrahim), II, 400.
Amoureux, II, 496.
Anaxagore, II, 310.
Anaximandre, I, 310.
Ancre (maréchal d’), I, 195. V. Concini.
Andigné (comte d’). II. 85, 120.
Andlau (vicomte d’), 11, 179.
André. V. Trémontels.
André, ancien député, I, 98. II, 382.
André (Richard), I, 100.
Andrée, I, 31.
Andréoli, I, 219.
Andrews, jockey, II, 149.
Andrieux, député, I, 497, 499. II, 34, 155, 156, 313, 498.
Ange (baronne d’}, II, 189.

Angelucci, I, 265, 266.
Anglès (famille), I, 297.
Angoulême (duchesse d’), I, 335, 438. II, 93.
Anna-Ben-David, I, 37.
Anne, I, 35.
Annibal, I, 7.
Anselme, I, 297.
Anspach, 11, 495.
Antigny (Blanche d’), II, 182, 186.
Antioche (comte d’), II, 179.
Antonin, I, 547.
Aoust (marquise d’), II, 88.
Arago, I, 364, 366.
Arc (Jeanne d’), I, 32, 427, 470. II, 175, 509.
Arcinbal (marquis d’), I, 273.
Ardent (Raoul), II, 171.
Ardiol, II, 369.
Arena, II, 514.
Arène (Emmanuel), I, 546. II, 158, 511, 514, 515.
Argouges Mme), II, 563.
Aristophane, I, 80.
Aristote, I, 32, 288.
Arnaud de l’Ariège, I, 480, 548.
Arndt, II, 212.
Arneth (d’), I, 266, 267.
Arnim (comte d’), I, 49, 112, 420, 432, 433, 434, 468.
Arnould (Sophie), I, 214. II, 243.
Aron (Henri), I, 35, 179, 256, 343. II, 293.
Arrazat, II, 158.
Artois (comte d’), I, 175, 277. 11, 73.
Artom, secrétaire de Gavour, I, 66.
Arynthe, II, 272.
Aschkenez, II, 39.
Astruc, I, 149, 230. II, 481.
Astruc (Aristide), I, 563. Il, 8.
Astruc (Fernand), I, 84.
Astruc, rabbin, I, 114. II, 56.
Athalin, juge, II, 474.
Aubigné (Agrippa d’), I, 411.
Audiffret-Pasquier (duc d’), I, 440.
Audouard (Olympe), II, 230.
Augagnem (Dr), II, 549.
Auge, II, 419.
Augeraud (général II, 25.
Augier (Emile), II, 237.
Augusta, impératrice d’Allemagne, I, 379, 432. II, 284.
Aumale (duc d’), I, 4, 248. II, 93, 116, 119.
Aurélien, I, 451.
Aurevilly (Baibey d’), I, 375, 533.
Austerlitz, II, 506, 507.
Autun, II, 52.
Avigdor, I, 307.
Ayen (duchesse d’), II, 93.
Azabel, I, 205.

B


B. de M., I, 413.
Bachaumont, I, 245, 246.
Baerwald (Dr), II, 56.
Bahri-Pecha, II, 402.
Baïhaut, ministre, I, 558, 559, 564. II, 331.
Bail, I, 32, 105.
Baillon, II, 521.
Bailly, I, 277.
Ballerich (frères), II, 482, 483.
Balsamo, I, 264, 270.
Balzac, I, 561. II, 235.
Balzac (Mlle de), I, 561.
Bamberger, I, 406. II, 56.
Bananias, I, 181, 182.
Banazzini, I, 105.
Bapst (Germain), II, 47, 146.
Barante (de), II, 531.
Barbe, député, II, 210.
Barbedienne, II, 143.
Barbé-Marbois, I, 327.
Barberini, II, 508.
Barbier, avocat, I, 212.
Barbier, supplicié, I, h7.
Barboteau, II, 364.
Barboux, avocat, I, 503.
Barchi, I, 98.
Bar-Kochbas, I, 126.
Baring, I, 340. II, 45.
Barodet, II, 296.
Barrault (Emile), I, 366.
Barrème, préfet, II, 272, 481, 482.
Barrère (Camille), I, 400, 458, 460, 461. II, 284.
Barthe (Marcel), II, 554.
Bartholdi, II, 254.
Bnrtholoni, II. 190.
Bartholovic, II, 423.
Bartolocci, I, 26.
Baruch-Hirsch Strauesberg, I, 82.
Baruch-Tob-EIem, I, 167.
Basset, II, 272.
Bassompierre (de), I, 198.
Bastien-Lepage, II, 213.

Batbie, I, 499.
Bathyle, II, 238.
Batthyani (comte), I, 120.
Baudelaire, II, 92.
Baudelot. II, 320.
Bauer (Mgr), I, 61, 62, 374, 375, 378, 530.
Baudier, I, 534.
Baudry-d’Asson, II, 424.
Bavier-Chauffour, I, 499, 500.
Bazaine, I, 544.
Bazard, I, 348.
Bazilieu (Frère), II, 509.
Bazot, II, 328.
Beaucaire, I, 426.
Beaugé, syndic, I, 538.
Beaumarchais, I, 264, 265, 266.
Beaumé, II, 369, 370.
Beaumont (comte Jean de), II, 178, 181.
Beaumont (comte Philippe de), II, 178, 181.
Beaupré, II, 369, 370.
Beauquier, député. II, 296.
Beauregard (de). I, 2ti2. Il, 260.
Beauvoir (marquise de), II, 88.
Becket (Thomas), II, 384.
Bédarride, I, 301.
Bédarride (G.), I, 98.
Bédarrides, magistrat, I, 404. II, 36, 54, 56, 505.
Bedersi, I, 451, 152.
Béer, magistrat. II, 495.
Beethoven, II, 265.
Bellamy, notaire, II, 343, 344.
Bellincourt (de), II, 315.
Bellomayre, II, 521.
Belvalelte, II. 282.
Bemberg, II, 264, 265.
Ben-Azaï, I, 129.
Ben-Ganah, II, 14.
Ben-Ghiat, II, 123.
Ben Zoma, I, 129.
Bénary, I, 48.
Benedetti, I, 378, 379, 482.
Benjamin, I, 42.
Benlœw, I, 7.
Benoit, I, 290.
Bentinck (Georges), I. 141.
Berakhia-ben-Natronaï, I, 150, 151.
Béranger, I, 400.
Bérard-des-Glajeux, avocat général, II, 469.
Béraud, peintre, II, 40.
Bérenger (Pierre), I, 141.
Berezowski, II, 26.
Berger, I, 343.
Berghes (Mlle de), I, 246.
Berheim, I, 227.
Berheim (Mlle), II, 439.
Bernadette, II, 465.
Bernapré (de), I, 250.
Bernard, I, 299.
Bernard, avocat général, II, 470.
Bernard (Samuel), I, 210, 211.
Bernays, avocat, I, 120.
Bernhardt (Maurice), II, 240.
Bernhardt (Saïah), I, 24, 76, 91, 107, 108, 198, 244, 433. II, 184, 225, 226, 231.
Berrial-Saint-Prix, II, 77.
Berry (duc de), I, 325.
Berry (duchesse de), I, 63.
Berryer, II, 115.
Bert (Isidore), II, 436.
Bert (Paul), I, 63, 96, 97, 145, 347, 374, 383, 398, 500. II, 331, 436, 437, 438. 441, 447.
Bertauld, avocat, I, 92, 93.
Berthe, I, 393.
Berthier (comte de), II, 179.
Bertillon (Dr), I, 100, 495.
Bertoan, I, 256.
Bertrand, maire, II, 530.
Bessière, I, 333.
Besson (Mgr), I, 271.
Bethera, I, 97.
Bethmont, II, 536.
Béthune (comte de), II, 88, 178.
Béthune (Olivier de), I, 11.
Béthune (vicomte de), I, 273.
Bétolaud, II, 370.
Beust {comte de), II, 88.
Béville (général de), II, 556.
Béville (marquis de), II, 178.
Béville (marquise de), II, 178.
Bey de Tunis, I, 239, 461, 472, 475.
Beyne, II, 500.
Bèze (Th. de), II, 355.
Bhockos, I, 472.
Bidault, conseiller de préfecture, II, 127.
Biedermann, I, 82.
Biencourt (famille de), II, 101.
Bignon, II, 183.
Billaud-Varennes, I, 296.
Billing (baron de), I, 401, 462.
Billot, général, I, 405.
Bing. V. Lévy.
Birague-d’Apremont, II, 496.

 
Biron (duc de), I, 272, 408.
Bisaccia (duc de), II, 178. V. la Rochefoucauld.
Bisaccia (duchesse de), I, 510. II, 177, 178.
Bischoffsheim, introd. vii. II, 60, 128, 197, 303, 562. II, 63, 260, 305.
Bismarck, 1, 57, 66, 68, 109, 158, 197, 240, 319, 327, 370, 371, 372, 376, 377, 378, 383, 383, 390, 394, 395, 420, 431, 432, 433, 435, 462, 463, 467, 468, 469, 470, 509, 531, 563. II, 3, 8, 86, 111, 112, 113, 115, 229, 328.
Bissaud, avocat général, II, 512, 513.
Blacas (comtesse de), II, 179.
Blacas (duc de), I, 441, 171.
Blache (comtesse de), I, 273.
Blanc (Louis), I, 133, 260, 522. II, 290.
Blanc (Xavier), II, 554.
Blanche, reine de France, I, 161, 162.
Blancsubé, I, 513.
Blandine (sœur), II, 420.
Blanqui, I, 403.
Bleichrœder, I, 131, 132, 377, 378, 420, 421, 424, 434, 435, 462. II, 105.
Bleichrœder fils, II, 103.
Bleichrœder (Mlle), II, 103.
Bleton (Alcide), I, 497.
Blien (Moïse), I, 215.
Blignières, II, 45
Blin de Bourdon (vicomte), II, 179.
Bloch, I, 476. II, 212.
Bloch frères, I, 77. II, 468.
Bloch (Isaac), I, 423.
Bloch, substitut, II, 495.
Bloch (Rosine), II, 241.
Blowitz (Oppert de), I, 62, 197. II, 213, 244.
Blücher, I, 333. II, 212.
Blum, I, 72.
Blum (Ernest), II, 224, 240.
Bobot, II, 453, 454,
Bocher (Edouard), 437.
Bocquet (P.), II, 427.
Bocqueteau, II, 272.
Bodel, I, 152.
Boileau (Etienne), int. xiii.
Boisgelin (comte de), II, 178, 181.
Boislisle (de), I, 209.
Boissieu (A. de), I, 491.
Bollet, II, 341.
Bolland, II, 515.
Bombelles (Mme de), I, 284.
Bonaparte, I, 301, 446.
Bonchamps (Vicomte de), I, 337.
Bondy (vicomte de), II, 178.
Bonnassies, II, 273.
Bonnet, II, 132.
Bonnières, int. xvii II, 228, 266.
Bontemps (veuve), I, 71.
Bontoux, I, 418, II, 98, 99, 220.
Bonus, médecin, I, 204.
Bonvalet (général), II, 25.
Bordeaux (femme), II, 316.
Bordeaux, II, 430.
Bordeaux (duc de), I, 62.
Bordone, général, I, 388, 535.
Bordone, peintre, II, 113.
Borel (Petrus), I, 356.
Borghèse, II, 508.
Bosquet (général), II, 12.
Bosredon, I, 301.
Bosquet, I, 26, 130, 137, 213, 406, 425. II, 173, 226, 262, 321.
Botticelli, II, 141.
Bou-Barghla, II, 23.
Bouchart, II, 354.
Bouchavannes, II. 359.
Boucher (de), I, 225, 229.
Bouchet (Brutus), int. v.
Boudeville, officier de paix, I, 383.
Boué, II, 296.
Bougodas, I, 149.
Bouilhet, II, 137.
Bouille, I, 277.
Bouis (abbé), I, 216.
Boule, II, 109.
Bou-Mezrag, II, 24.
Bourbaki, I, 545.
Bourbon (maison de), I, 205, 265, 444. II, 76.
Bourbons d’Espagne, I, 375.
Bourdaloue, II, 171, 427.
Bourbon (Léonard), II, 474.
Bourée, I, 462, 505.
Bourget (Paul), int. xvii. II, 267, 451.
Bourgoing (de), II, 220, 221.
Bourgon, I, 271.
Beurnouville, II, 54, 210, 541, 548, 549, 552.
Bourneville, II, 328.
Bourré, II, 542.

Boussu, journaliste, II, 489.
Bouteiller (de), I, 384. II, 331.
Boutry, II, 522.
Bouvier (Alexis), II, 461, 462.
Bouzet (du), II, 14, 25, 33, 36, 41, 42, 43, 44.
Boyer (Simon), II, 436.
Boze, I, 293.
Bozérian, I, 497, 498.
Bradlaug, II, 209.
Brancas (famille de), I, 213, 214.
Brancovan (prince), II, 190.
Brancovan (princesse), II, 242.
Brandt (Salomé), II, 441.
Brassac (Mme de), I, 281.
Bratiano, I, 454, 455.
Braün, I, 198.
Bréal (Michel), II, 441, 442.
Bréard, I, 461.
Brébant, II, 222.
Bréda (de), I, 192, 522.
Brelay, I, 79, 80. II, 296.
Breudel, I, 241.
Bresson (vicomte), I, 375.
Breteuil (de), I, 559.
Brialou, I, 540,
Brias (comtesse de), II, 180.
Briet (Pierre), I, 250.
Brissac (comte de), II, 178.
Brisson, int. xi. I, 523. II, 336, 344, 494, 513.
Brizeux, II, 250.
Brochier, maire de Marseille, II, 133.
Broglie (duc de), I, 284, 417, 418, 431, 440, 441, 445. II, 77, 120, 235.
Broglie (famille de), II, 101, 102.
Broglie (prince), I, 418.
Broglie (prince François), II, 179.
Brousse, député, II, 210.
Broussier, commissaire de police, II, 478.
Brugères (de), I, 242.
Brun, sous-préfet, II, 337.
Brun (Lucien), I, 115.
Brunet, II, 454.
Brunet, ancien ministre, I, 430, 446.
Brunetière, I, 236.
Brunswick (duc de), I, 295, 296.
Brunswig, I, 426.
Brutus, I, 557.
Buchez, I, 347.
Buff (Charlotte), I, 424.
Buffet, II, 120, 276, 277, 494.
Bugeaud (maréchal), I, 62.
Bugnottet, commissaire de police, II, 545.
Bulau (Frédéric), I, 263.
Bulot, substitut, I, 479.
Bunsen (de), I, 350.
Burat, agent de change, I, 71.
Burton, II, 326.
Burty (Philippe), I, 570, 571.
Busançois (comte de), I, 273.
Busch, I, 383.
Busnach, I, 28. II, 239.
Byron, I, 565. II, 310.

C


C. (Mme), II, 9, 10.
Cabannis (de), I, 180.
Cadet, II. 296.
Caffola, II, 128.
Caffieri, II, 109.
Cagliostro. I. 193, 262, 263, 264, 270, 271, 295, 374.
Cahen, I, 256, 321, 426.
Cahen, d’Anvers, II, 83, 267.
Cahen, substitut, II, 496.
Cailhava, I, 263. II, 228.
Caillemer, I, 10.
Caïphe, I, 35, 277.
Caligula, II, 258.
Calmer, I, 249, 250, 254, 256.
Calmon, I, 410, 413. II, 554.
Calluire, II, 452.
Calonymos, I, 249.
Calvet, ancien préfet, I, 87.
Calvin, II, 355.
Calze, I, 115.
Cambacérès, I, 301.
Cambon (Paul), I, 473, 475, 476, 522.
Cambourg (baron de), II, 352, 353.
Camescasse, ancien préfet de police, I, 107, 108.11, 132, 151, 175, 345, 479, 545.
Camoëns, II, 278.
Camondo (de), I, 35, 86, 98, 112, 118, 178, 288, 479, 480, 562. II, 56, 73, 99, 124, 150, 264, 460.
Camondo (famille), I, 27, 147.
Campanella, II, 289.
Campardon, I, 270.
Campenon, I, 500.
Camus, inspecteur primaire, II, 489.

Candoles, II, 413.
Canrobert, I, 427.
Cantagrel, II, 296.
Canu, II, 343.
Canut, I, 35.
Capefigue, I, 74, 299, 331, 336, 347, 365, 366.
Capponius Florentinus, I, 219.
Carayon-Latour, II, 454.
Calbasse, II, 521.
Carcenac, maire, II, 372.
Cardinal, commissaire de police, II, 477, 478.
Carle des Perrières, II, 183.
Carlin, I, 82.
Carlyle, I, 436, 529.
Carme, II, 521.
Caro, II, 245.
Carpentier, II, 282.
Carré, II, 370.
Carrel (Armand), II, 465, 548.
Carrey, I, 358.
Carrier, II, 430.
Cartaphile, I, 203.
Cartier, magistrat, II, 33, 54, 476.
Caruana, II, 402.
Carvalho, II, 240, 244.
Carvallo, I, 98. II, 56.
Cassagnac (Paul de), I, 79, 113. II, 280, 521,.
Casse (Germain), II, 54, 296.
Castagnary, I, 198.
Castille (Blanche de), II, 230.
Castries (de), II, 149, 178.
Castries (comtesse de), II, 178.
Castries (comtesse G. de), II, 181.
Castries (duchesse de), II, 88.
Castries (famille de), I, 429.
Catargi, I, 456.
Cathelineau (famille), I, 337.
Calhelineau, I, 333.
Caubet, chef de la police municipale, I, 69, 81, 108. II, 279, 347, 348
Cavaignac, I, 366.
Cavour, I, 55, 66.
Cazot, int. v, xi. I, 404, 464, 541. II, 311, 313, 231, 352, 362, 503, 536.
Cénac Montaux, II, 410.
Cerbère (Marie), II. 496.
Cercey (abbé de), I, 199.
Cerf, I, 72, 73.
Cerf, annoncier, I, 373.
Cerf (David), II, 240.
Cerf (Léopold), II, 446.
Cerfbeer, I, 98, 254, 255, 256, 270, 301.
Cerfbeer (famille), I, 215.
Cerfbeer, capitaine, I, 325.
Cerfbeer de Medelsheim, I, 36, 68, 343.
Cerfbeer de Medelsheim (Mme), I, 344.
Cerfbeer, de Nancy, I, 258.
Césana, I, 476.
Chabauty (abbé), I, 217. II, 347, 495.
Chabot (comte de), II, 85.
Chabrol (Roger de), II, 178.
Chais (dom), I, 280.
Challemel (François), II, 453.
Challemel-Lacour (Armand-Fidèle-Constant), II. 452.
Challemel-Lacour (Paul-Armand), ambassadeur, I, 236, 264, 384, 446, 492. II, 452, 454.
Challemel-Rocoux, II, 452.
Chalvan (docteur), II, 546.
Chambord (comte de), I, 429, 432, 435, 436, 437, 438, 440, 441, 442, 443, 444, 447, 551. II, 184.
Chambord (comtesse de), I, 437, 438.
Chamillard (de), I, 237.
Chamorre, rabbin, I, 216.
Champagny (de), I, 314.
Champsaur (Féicien), I, 107.
Chanel, II, 38.
Chantonay. II, 355.
Chanzy, général, I, 564.
Chapet, I, 297.
Chapu, statuaire, II, 116.
Chapuis, II, 338,
Charcot (docteur), I, 106, 561.
Charette (de), I, 333, 428, 441, 544. II, 73, 211.
Charlemagne, I, 127, 143, 258, 386.
Charles le Chauve. I, 66, 144.
Charles II, I, 206.
Charles II, de Provence, I, 155.
Charles V, I, 184.
Charles VI, I, 184, 185, 194.
Charles IX, II, 358, 359.
Charles X, II, 76.
Charles-Martel, I, 263, 264.
Charles-Quint, I, 127, 189.
Charleville, I, 115.
Charmes, I, 343.
Charnacé (Guy de), I, 65. II, 268, 269, 270.

Chartres (duc de), I, 276.
Chartres (duchesse de), II, 419.
Chastes (Phil.), II, 246.
Chastellier, maître des requêtes, I, 199.
Chateaubourg (Mme de), I, 509.
Chateaubriand, I, 305. II, 250, 447, 465, 564.
Chatel (P. Arsène de), I, 32.
Châtelain (Isaac), I, 166.
Chaucer, II, 384, 391.
Chaulnes (duc de), I, 250. II, 143, 187.
Chaulnes (duchesse de), II, 461.
Chaumette, I, 101. II, 527.
Chauvelin, I, 230,
Chavagnac (comtesse de), II, 88, 181.
Chavagnac (vicomte de), II, 178.
Chavagnac (vicomtesse de), II, 178.
Chegoin (de), II, 369, 370.
Chemla, I, 477.
Chénier (André), I, 249. II, 426.
Chennevieres (de), II, 143.
Cherbuliez, II, 360.
Chéri, II, 240.
Cherpin, II, 654.
Cherville (de), I, 342.
Chesuelong, II, 36.
Chevallier (Emile), I, 347.
Chevigné (comte de), II, 178.
Chevigné (comtesse de), II, 178.
Chevreuse (duchesse de), II, 175, 461.
Chipiez, I, 27.
Chirac, I, 335.
Choiseul, I, 272, 572.
Choiseul-Gouffier (marquise de), I, 273.
Chollet, II. 453, 454.
Christien, II, 128.
Christophe (Albert), II, 198, 199, 200.
Cicéron, I, 10.
Cinq-Mars, I, 431, 432.
Cladel, (Léon), II, 92.
Clair (R. P.), II, 437.
Claretie (Jules), int. xvii. II, 83, 312, 313.
Claudio-Jannet, II, 347.
Clauzel, II, 338.
Clavière, I, 291.
Clemenceau, I, 506, 507. II, 336.
Clément (Eudes), archevêque de Sens. I, 162,
Clément (Julien), commissaire de police, I, 78, 162. II, 245, 482, 503.
Clément VI, I, 306
Clément XIII, I, 306.
Cleré, II, 171.
Clerget-Allemand, II, 499, 500.
Clermont-Galerande, I, 273.
Clermont-Ganneau, II, 147, 148.
Clermont-Tonnerre (de), I, 273, 281.
Clermont-Tonnerre (comtesse de), II, 120.
Cléry, avocat, II, 369, 370, 472.
Clifford-Lloyd, II, 45.
Cloots, I, 291.
Clotaire II, I, 143.
Clovis, I, 135, 136.
Coblentz, II, 445, 448
Cochery, ministre, I, 78.
Cochut (André), II, 304.
Cohen (A.), I, 482.
Cohen (Henri), II, 274.
Cohen (Isaac), I, 167.
Cohen (Joseph), II, 8.
Cohen (Jules), I, 373.11, 134, 240, 256.
Cohn, I, 73.
Cohn (Albert), I, 256. II, 59. V. Kohn.
Colbert, I, 326. II, 3.
Colfavru, II, 210.
Coligny, II, 353, 354, 855, 356, 358, 359.
Coll-Toc, II, 505.
Colomb (Christophe), I, 32.
Colombier (Marie), I, 76. II, 225.
Colon, I, 167.
Colonna (famille), I, 301.
Colonne, directeur de concert, II, 240.
Compayré, II, 312, 365, 366, 446, 447.
Concini, I, 195, 196.
Condé, I, 135, 277, 425.
Condé (prince de), II, 354.
Condé (princesse de), II, 563.
Conon de Béthune, II, 227.
Conrad, II, 382.
Conrart, II, 432.
Constance, empereur, I, 141.
Constans, ancien ministre, I, 464, 541. II, 311, 329, 330, 331, 353, 536.
Contades (vicomte de), II, 178.
Contausse (Marie), II, 543.
Contenson (colonel de), II, 557,
Coquelin, I, 347, 560.
Coquillière (Marie), II, 496.
Corbelet, II, 370.
Corentin (P.), II, 531, 532,
Corne, I, 419.

Cornély, II, 192, 193, 219.
Cornu, I, 72, 73.
Costa (Israël), II, 56.
Cotolandi, II, 316.
Cotton-d’Englesqueville, II, 480.
Coubert (comte de), I, 211.
Courbet, amiral, I, 512.
Courbet (Gustave), II, 137, 138, 139.
Courcel (baron de), I, 462.
Courcy (général de), I, 449, 500.
Courier (Paul-Louis), I, 30.
Courmaux, II, 296.
Courson (de), I, 228.
Courtebonne (marquise de), I, 273.
Courte ville (Josse de), II, 855.
Cousin, (V.), II, 245,
Cousin, ancien président du Suprême Conseil, II, 325, 326, 327.
Coutouly (de), II, 64.
Couturier (Dom), II, 534.
Créhange, I, 98. II, 56.
Crémieux, I, 38, 61, 62, 63, 68, 98, 99, 114, 120, 201, 250, 279, 284, 363, 383, 388, 409, 454, 456, 533, 534. II, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 13, 15, 19, 20, 21, 22, 28, 29, 31, 32, 33, 34, 35, 52, 54, 58, 61, 65, 246, 247, 401, 476.
Crémieux (Hector), II, 240.
Crémieux (Mme), II, 10.
Crescas, I, 149.
Crescent, I, 147, 149.
Cresson, II, 472.
Crétineau-Joly, I, 337.
Crettet, I, 318.
Crivelli, II, 141.
Croix (marquise de), II, 179.
Cromwell, I, 205, 206, 207, 208, 209, 300, 448, 565.
Crupy, II, 54.
Cunnington, I, 83.
Curé, II, 296.
Cuvier, I, 565.
Cuvillier, négociant, II, B20.
Cuvillier-Fleury, I, 871.
Cuvinot, II, 554.
Cyon (Elie de), II, 196.
Cyriaque (Paul), I, 105.
Cyrus, I, 43.

D


Dacosta (famille), I, 297.
Dacosta père, I, 50.
Dacosta (Gaston), I, 73, 244, 245, 253, 399, 404, 405.
Dagobert II, I, 143.
Dalhousie (Lady), II, 178.
Dalloz (Paul), II, 143.
Dalmbert, II, 495.
Dalpuget, I, 230.
Damala, II, 225, 242.
Damas (comte de), I, 273.
Dampierre (vicomte de), II, 178.
Dandolo, II, 227.
Daniel, I, 126, 129.
Daniels (A.-A), II, 56.
Dante, I, 26, 32.
Danton, I, 296. II, 528.
Darboy (Mgr), I, 87.
Darmesteter, I, 33, 158, 167, 190. II, 409, 441.
Darvin, II, 310.
Daudet (Alph.), int. xvii, I, 61, 103, 147, 532, 560, 568. II, 345, 361, 472, 618.
Daumas, de Marseille, II, 132.
Daumer, II, 406, 407.
Daumier, I, 29.
Dauphin, premier président, I, 21, 93, 472, 473. II, 488.
Dautresme, II, 844.
Daval, sous-préfet, II, 337, 338.
David, II, 543.
David, journaliste, I, 78. II, 198.
David, musicien, I, 347.
David, peintre, I, 292. II, 429.
David (Eugène), II, 415.
David (Félicien), I, 228.
David (Jean), I, 79, 80, 546.
David, de l’Opéra, II, 240.
David (roi), I, 127.
Davin (abbé), I, 272. II, 320.
Davis (Mlle L.), II, 205.
Davisch, I, 98.
Davon, I, 100.
Davout, général, I, 333. II, 37.
Daynaud, député, II, 280.
Déborrah, I, 220.
Decazes (duc), I, 337, 338, 430, 433, 434, 440. II, 148.
Decazes (Elle, duc), I, 337.
Decazes (duchesse), I, 430. II, 88.
Decazes (Mlle), I, 430.
Decourcelles, II, 240.
Deffis, général, II, 654.
Deguerry, abbé, I, 374.
Dehaynin (G.), II, 326.
Déjazet, II, 244, 256.

Delabrousse, II, 296.
Delacroix (Eug.), II, 310.
Delafosse (Jules), I, 459.
Delamolle-Bertin, 11, 315.
Delaporte (R. P.), II, 347.
Delattre, député, II, 210, 477, 523.
Delaunay, II, 259.
Delaville (Mme), I, 42.
Delcampo, I, 297.
Delescluze, II, 553.
Delessert, I, 340.
Deligny, conseiller municipal, II, 296.
Delize, huissier, II, 101.
Della-Robia, II, 114.
Delomière, I, 301.
Delord (Taxile), II, 313.
Delorme (Philibert), II, 109.
Delorme (R.-P.), II, 366.
Delpit (Alb.), II, 227, 274, 461, 462.
Delvallée-Silveyra, I, 252.
Demangeat, préfet, II, 511, 512.
Demolins (Ed.), II, 427.
Denormandie, II, 200, 201.
Depeyre, int. xi.
Depret, I, 531.
Derenbourg, (H.), II, 66, 441.
Derenbourg (J.), II, 54, 56. 441.
Derenbourg (M.), I, 98.
Derenbourg, directeur de théâtre, II, 240.
Deriberprey, II, 522.
Deroulède (Paul), I, 153, 465, 483, 484, 485, 486, 487, 489, 490,
545, 563. II, 225, 227, 249, 259.
Dervieux (Femme), I, 247.
Deschamps, I, 297.
Deschamps (Le P.), I, 272, 301. II, 347.
Deschanel, II, 333.
Desjardins (Ernest), I, 453, 456.
Desmoulins (Camille), I, 282. II, 473.
Despaze, II, 430.
Desprez, II, 345.
Desprez (Dr), II, 543, 549, 550, 551, 553.
Desvoisins, sous-préfet, II, 497.
Deutch, nihiliste, I, 112.
Deutch (Simon), I. 112, i573, 433.
Deutch (W.-R.), l, 82.
Dentz, I, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 403, 445.
Devillers, II, 543.
Devriès, II, 151.
Dickens, I, 40. II, 166,
Didier (famille), I, 63.
Didier (Henri), 1, 63, 64.
Dietz-Monin, I, 497, 498.
Dieudé-Deffy, II, 493.
Dini de la Guerra, I, 248.
Disraeli, I, 45, 48, 49, 50, 51, 62, 108, 141, 142, 149, 158, 300,
324, 327. II, 3.
Divonne (comtesse de), II, 88.
Dohra, I, 295, 296.
Dollfus, I, 117.
Dollingen, annoncier, I, 373.
Dombey, II, 369.
Donnot, II, 554.
Doré (Camille), II, 536.
Doria, I, 301.
Dositée, I, 126.
Douay, général, I, 410.
Doudan, I, 406.
Douville-Maillefeu, II, 513.
Drack, I, 62.
Dreyfus, int. viii, I, 17, 21, 24.
Dreyfus (Abraham), II, 240.
Dreyfus (Aug.), I, 503.
Dreyfus (Camille), I, 52, 135, 258, 646. II, 7, 27, 67, 83, 204, 210, 296, 422, 423, 440, 465, 468.
Dreyfus (Ferdinand). II, 446, 447.
Dreyfus (Gaston), II, 134.
Dreyfus, couturier, II, 159.
Dreyfus, négociant, I, 120. II, 498.
Dreyfus-Neuman, II, 56.
Dropsie, II, 56.
Drouais (abbé), I, 156.
Duban, II, 504.
Dubois (cardinal), I, 236.
Dubois, peintre, II, 185.
Du Buit, II, 370.
Du Camp (Maxime), I, 69, 70, 72, 73, 74, 77, 401, 403, 414, 458, 539. II, 203, 237, 421, 485, 486.
Ducher, II, 340.
Duclerc, I, 501.
Ducrot, général, I, 427, 441, 447, 545. II, 21.
Dufalga, I, 301.
Dufaure, I, 448.
Dufourni, I, 292.
Dugué de la Fauconnerie, I, 480, 492. II, 332.
Duguesclin, I, 427.
Dulac, commissaire de police, II, 372, 480, 482.
Dulaure, I, 297.
Dulys, I, 211, 212.

Dumas fils, I, 42, 63, 91, 92, 106, 222, 223, 224, 567. II, 8, 222, 234, 516, 517.
Dumas père, I, 369. II, 96.
Dumesnil, sénateur, II, 554.
Dumouriez, I, 295, 296.
Dunner (Dr), II, 56.
Dupanloup (Mgr), I, 281.
Duperré, vice amiral, I, 496.
Dupin, colonel, I, 373, 376.
Dupin (Philippe), II, 217.
Dupleix, II, 354.
Dupont, I, 283, 284,
Dupré (L), II, 426.
Dupré, sous-chef au laboratoire municipal, II, 294.
Dupré, sénateur, II, 554.
Dupré-Lassale, conseiller, II, 418.
Dupuis, I, 502, 548.
Dupuy, notaire, I, 565.
Duran (Carolus), II, 150.
Dupuytren, I, 475, II, 217.
Durand, magistrat, II, 495.
Du Refuge, II, 497.
Durier, II, 369, 370.
Duruy (Alb.), II, 12, 442.
Duruy (V.), I, 451.
Dussaux, II, 522.
Dussol, II, 139.
Duval (Raoul), I, 446, 502, 507. II, 84, 494.
Duval (René-Raoul), II, 179.
Duverger (Mlle), I, 424.

E


Eisendecher, I, 563,
Eisenmenger, I, 68.
Eldavid, I, 126.
Eleazar, I, 35.
Elias-Mussali, I, 158, 178, 471. II, 63.
Elie, II, 314.
Eliezer, rabbin, I, 26.
Eliezer, de Beaugency, I, 417.
Elisabeth (Mme), I, 269, 284, 292.
Elisabeth (Reine), I, 66. II, 356.
Elliot (G.), I, 40.
Ellissen (famille), II, 265.
Empédocle, II, 310.
Enfantin, I, 348.
Ennery (d’), I, 27.
Enshaïm (Moïse), I, 285.
Epernon (duc d’), I, 212.
Ephraïm, I, 376,
Ephrussi, (famille), I, 147.
Ephrussi, I, 248, 288. II, 82, 83, 116, 267, 564.
Ephrussi (Charles), II, 134.
Ephrussi (Mme Maurice), II, 102, 107.
Ephrussi (Mme Michel), II, 180.
Ephrussi (Maurice), I, 434. II, 506.
Ephrussi (Michel), I, 82, 83.
Erckmann-Chatrian, I, 483. II, 19, 249, 250.
Erdan (Alexandre-Jacob), I, 85, 197. II, 373.
Erlanger (baron), int. ix, xi, xii. I, 75, 147. II, 120, 488.
Erlanger (baronne), int. xi.
Erlanger (Michel), I, 98. II, 56.
Ernoul, int. xi.
Escars (d’), I, 273.
Escayrac de Lauture (d’), I, 46.
Eschassériaux, I, 522.
Eschyle, I, 209.
Escoffier (Henri), II, 197.
Espeuilles (comte d’), II, 178.
Espeuilles (comtesse d’), II, 178.
Espeuilles (marquise d’), II, 178.
Espinchel (d’), I, 273.
Espivent de la Villeboisnet, I, 409.
Esquiros, I, 387, 392.
Estori, I, 149.
Etienne, I, 546. II, 14, 27.
Etienne de Bourbon, II, 171.
Etincelle, II, 160, 177.
Eudel (Paul), II, 116, 144.
Eugénie (impératrice), I, 367, 378, 428. II, 97.
Euripide, I, 224.
Everard-Jabach, I, 210.
Evrard, II, 245.
Eymard-Duvernay, II, 554.
Ezechiel, I, 95.
Ezobi (Joseph), I, 151.
Ezobi (Samuel), I, 151.

F


Fabert, I, 402.
Delafosse, I, 354.
Fabre d’Eglantine, I, 296.
Faidherbe, I, 544.
Failly (le), général, II, 556, 557.
Falateuf (Oscar), I, 333.
Falize, II, 143.
Falk-Scheck, I, 275.

Farcy, II, 210, 296.
Farre, général, I, 195, 465, 478, 485, 545.
Faucou (Lucien), I, 65, 66.
Faudoas (vicomtesse de), I, 273.
Faugère, II, 367.
Favre (Jules), I, 383. 394, 408, 410, 412, 415, 416. II, 111, 112, 117.
Feder, II, 98.
Feder, professeur, II, 98.
Feghyne, I, 107.
Feilchenfeld (Dr), II, 56.
Félix, couturier. II, 160.
Félix (Dinah), II, 247.
Félix (Lia), II, 247.
Félix (Raphaël), I, 55.
Félix (Sarah), I, 113.
Feltre (Bernard de) I, 115.
Fénelon, I, 249, 425.
Féral (Anna), II, 361, 302, 363, 364.
Feray d’Essonnes, I, 426.
Ferdinand d’Aragon, I, 219.
Ferdinand VII, I, 324.
Fernandez, I, 230.
Ferrand, I, 235, 537, 538. II, 23.
Ferrand (veuve), II, 273.
Ferrev, I, 230.
Ferry (Charles), I, 491, 492, 514.
Ferry (Jules), I, 33, 64, 236, 263, 347, 408, 424, 490, 491, 498, 499, 502, 505, 506, 507, 512, 514, 515, 564. II, 8, 259, 260, 290, 331, 441, 447, 536, 546.
Ferry (Mme Jules), I, 424.
Ferry (famille), I, 491, 499.
Festel, I, 325.
Feuillet (Oct.), II, 316.
Fidès-Devriès, II, 241, 256, 257.
Filon, II, 384.
Finch, II, 242.
Fiorentino, II, 198.
Fitz-James (comte de), II, 85 125, 178.
Fitz-James (duchesse de), II, 120.
Flamel (Nicolas), I, 148, 298.
Flatters, I, 42.
Flaubert, II, 173.
Fleuriot, I, 291.
Fleury, II, 346.
Fleury (abbé), I, 130.
Fleury, courtier d’assurances, II, 345.
Fleury, général, II, 107.
Fliche (Mgr), II, 75.
Floquet, I, 424, 431, 476, 487, 499. II, 42, 370, 494.
Florian, fabuliste, I, 151.
Florian (vicomtesse de), II, 180.
Flourens, I, 476.
Foissac (de), I, 280.
Fonsecca, I, 542.
Fontaine (Mme) II, 447.
Fontaine (comtesse de), 213.
Fontarabie, II, 554.
Fontenilles (marquis de), II, 88.
Forest, II, 210.
Forgemol (général), II, 471.
Forneron, I, 67, 291. II, 73.
Forster, II, 487.
Fouché, II, 468.
Foucher de Careil, II, 229, 284.
Fould, ministre, I, 94, 120, 257, 343, 344, 354, 367, 384. II, 9,
258.
Fould (Benoît), I, 344.
Fould (Louis), I, 344.
Fould (famille), I, 358.
Fouquier-Tinville, II, 475, 517.
Fourichon, II, 19.
Fournel (Victor), int. xvii.
Fournier, II, 369, 370.
Fourtou (de), I, 445. II, 29, 32.
Foville (de), I, 521.
Frairot (curé), II, 501, 509.
Francia (Benjamin), I, 225.
Franchini, II, 513.
Franck (Adolphe), I, 99, 134, 456.
Frank (Dr), II. 56.
Franckel, I, 405.
Francœur, artiste, I, 21 1.
François (Isidore), I, 405.
François 1er, I, 336. II, 91.
Franconie, II, 494.
Franz-Halls, II, 140.
Frébault, député, II, 296.
Frébault, général, II, 554.
Frédéric II, II, 190, 240.
Frédéric-Guillaume, I, 238, 239, 296.
Freher, I, 181.
Freppel (Mgr), I, 114. II, 280, 356, 418, 457.
Freycinet (de), I, 504. II, 351, 367, 448, 535, 536.
Freys, I, 291.
Frias (duc de), II, 178.
Frias (duchesse de), II, 178.
Friedmann, I, 119.
Friendlender, I, 82.
Fromentin, I, 204. II, 22.
Fuld (Dr), II. 56.
Furtado, I, 258, 302, 344.
Fyten (abbé), II, 490.


G


G. R., de B. (Gustave Brunet, de Bordeaux), I, 204.
Gaffriot, II, 203.
Gagne, II, 427.
Gaillard, député, I, 507.
Gaillard, I, 509.
Gal, I, 548.
Galigaï, I, 195.
Gall, I, 293.
Galles (prince de), I, 58, 432.
Galliera (duchesse de), II, 268.
Gallifet (général de), I, 375, 559.
Gallifet (de) fils, II, 179.
Gallifet (marquise de), II, 178, 181.
Galloni-d’Istria, II, 554.
Gamberlé, I, 389, 530.
Gambetta, I, 17, 27, 30, 34, 38, 52, 62, 63, 79, 84, 108, 121, 153, 154, 158, 165, 195, 201, 206, 208, 223, 228, 235, 239, 264, 270, 302, 311, 326, 347, 383, 384, 387, 388, 390, 399, 406, 408, 410, 419, 425, 426, 430, 432, 433, 441, 446, 456, 461, 463, 464, 466, 467, 469, 471, 479, 480, 481, 483, 484, 489, 450, 520, 529, 530, 531, 532, 533, 534, 535, 536, 538, 539, 540, 541, 542, 543, 544, 545, 546, 547, 549, 550, 553, 556, 557, 558, 559, 560, 561, 562, 563, 564, 565, 566, 367, 568, 569, 570, 571, 572. II, 3, 4, 19, 34, 59, 86, 196, 197, 214, 255, 284, 295, 343, 352, 366, 449, 461, 467, 515, 553.
Gambit (R. P.), I, 46.
Garain le Loherain, I, 11.
Garcia, commandant, I, 403.
Garets (vicomte des), II, 178, 181.
Garets (vicomtesse des), II, 178.
Garfounkell, II, 174.
Gargan (baron de), II, 178.
Garibaldi, I, 55, 535.
Gaspard, I, 75.
Gatineau, avocat, II, 471.
Gautier (Gabrielle), II, 224.
Gautier (Léon), II, 410.
Gautier (Théophile), I, 24. II, 235
Gautier de Noyelle, II, 131, 132.
Gavardie (de), I, 115.
Gavarni, I, 29
Gay (Moïse), I, 234.
Gellion-Danglar, I, 6.
Gengis-Khan, II, 46.
Genoude, II, 465.
Gentilliez, II, 285, 286.
Geoffroid de Thutan, I, 172.
Georges (femme), II, 543.
Georges, roi, I, 429.
Gérard, II, 284.
Géret, II, 64.
Germiny (de), II, 179.
Germiny (A. de), II, 326.
Gérôme, peintre, II, 225.
Gerst (femme), II, 461.
Gery, I, 476.
Ghillany, II, 407.
Giedroye, II, 439, 440.
Giers (de), I, 459.
Gilbert-Boucher, II, 554.
Gilbert de Roussillon, I, 11.
Gilles, II, 429.
Gilles le Moine, II, 392.
Gilson, II, 480.
Giorgio (Jean de), II, 404.
Girard, I, 298.
Girard (Charles), II, 294.
Girard de Rialle, II, 367, 368.
Girardin (E. de), I, 56. II, 139.
Giraud, I, 373.
Giraudeau, I, 243.
Girerd (Cyprien), I, 78. II, 419.
Girodet, I, 300.
Giros, I, 80.
Gladstone, I, 45.
Glais-Bizoin, I, 19.
Glaser, I, 89.
Gleicher (de), I, 275.
Gluck, II, 265.
Gobel, I, 292.
Goblet, I, 16, 484. II, 465, 488.
Godchau, chef de claque, II, 240.
Godchaux, I, 426.
Godechaux, I, 234.
Goethe, I, 29, 372, 424, 431, 436.
Goldeberg, I, 178, 201.
Goldschmidt (S H.), II, 56.
Goldschmidt (Mme Salomon), I, 510.
Goldschmidt, I, 65, 242, 253, 254, 280. II, 58, 265.
Goldsmith, II, 56.
Goldsmith, I, 67. II, 152.
Goldsmith (Lewis), I, 67.
Golsdschmidt, I, 98.
Gottschal, I, 542.

Gomer, I, 39.
Gomot père, II, 455.
Goncourt (de), int. xvii. I, 19, 74, 96, 570, 571. II, 71, 115, 134, 160, 316, 512.
Gondinet, II, 222.
Gontaud (Mme de), II, 564.
Gontaut (de), I, 83. II, 179.
Gontaut (baronne F. de), II, 181.
Gontaut (Bernard de), II, 260.
Gontaut (comte de), II, 178.
Gontaut (comtesse de), II, 178.
Gontaut (comtesse F. de), II, 181.
Gontaut-Biron (de), I, 83. II, 179.
Gontaut-Biron (comte J. de), II, 178.
Gontaut-Biron (vicomte de), I, 437.
Gorani, I, 292.
Gordon, II, 3, 18.
Goret, I, 292.
Goudchau, I, 542.
Goudchaux, I, 363, 364, 365, 366.
Goudchaux (Isaac), I, 316.
Goudchaux (Jacob), I. 316.
Goudchaux (Juliette), I, 276.
Gougenheim (Dr), II, 547.
Goujon (Jean), II, 82.
Gouri, II, 301.
Gout, II, 480.
Gouthière, II, 109.
Gouy d’Arcy (de), I, 273.
Gouzien (Armand), II, 243.
Goveas (famille), II, 220.
Goyani (R. P.), I, 46.
Graëtz, I, 35.
Graft, I, 74.
Gradis, 1, 230, 258.
Gramedo (de), II, 179.
Gramont (de), I, 378.
Gramont (duc de), II, 178, 179, 359.
Gramont (duchesse de), II, 178, 181.
Gramont-Caderousse (marquis de), I, 273.
Grammont (vicomte de), I, 273.
Granchamp, général, II, 556.
Grand-Clément, colonel, I, 558.
Granolhas (de), I, 220.
Grant (Asahel), I, 44.
Grant, général, II, 234, 255.
Gras (J.), I, 482.
Grégoire (abbé), I, 278, 279, 280, 303.
Grégoire IX, I, 160, 306.
Greppo, II, 296.
Gresset, I, 151.
Grévy (Albert), II, 554.
Grévy (Judith), I, 87, 503. II, 542.
Grimoard, II, 438.
Griolet (G.), II, 326.
Grœberg, I, 100.
Grœtz (Dr), II, 56.
Grotius, I, 130.
Grouchy (de), II, 95.
Grouchy (comtesse de), II, 179.
Gubbay (Mme), II, 266.
Guedalia-ben-Jachim, I, 163.
Guéranger (dom), II, 279.
Guérin (Maurice de), II, 427.
Guesdon, I, 426.
Gueydon (amiral de), I, 539. II, 20, 28, 29.
Gugenheim, dit Mayer, I, 74.
Guibal, II, 496.
Guichard, capitaine, II, 17, 18.
Guide (le), II, 113.
Guillaume d’Auvergne, I, 160, 161.
Guillaume (roi), I, 122.
Guillaume, empereur d’Allemagne, I, 377, 378, 379, 385. II, 114.
Guillaume le Conquérant, int. vi.
Guillaume de Nangis, I, 176, 177.
Guillaume d’Orange, I, 205.
Guillermy, I, 172.
Guillot, juge d'instruction, II, 515, 516.
Guillot, notaire, II, 337, 338, 339, 310, 341, 342, 343, 497, 499.
Guimont (Esther), I, 67.
Guinon, II, 214.
Guinot, II, 554.
Guise (duc de), I, 246. II, 354, 355, 358, 359.
Guise (les), II, 353.
Guizot, I, 113, 366, 446.
Gunzburg, I, 21, 501.
Guy le Rouge, I, 551.
Guyot (Yves), II, 210.
Guzman, I, 292.

H


Haas, II, 178.
Haber (Mlle de), II, 95.
Haber (Maurice de), II, 94, 95.
Habram, I, 179.
Hachette, II, 367.
Ha-Cohen, I, 167.
Hading (Jane), II, 242.
Hadji-Baba, I, 99.
Haentjens, II, 142.

Haillecourt, I, 280.
Haillol, commandant, II, 556, 557.
Haïm (Isaac), I, 98.
Haïm-Benchimol, II, 63.
Haïm de Brinon, I, 167.
Haïm de Chaource, I, 167.
Haisghari, I, 165.
Haitze, I, 194.
Ha-Lévi, I, 65.
Ha-Lévi (Joseph), I, 153.
Ha-Lévi (Samuel), I, 152.
Halévy (Joseph) I, 47.11, 441.
Halévy (Léon), I, 205.
Halévy (Ludovic), I, 7, 28, 29, 372. II, 233, 239, 240, 422.
Halévv, rabbin, II, 251.
Halfon (Mme Sarah), II, 66.
Halphen, I, 251.
Hallays-Dabot, I, 94, 95.
Hallez, I, 185.
Halp (frères), II, 509.
Hamel, II, 282, 296.
Hamille, II, 199.
Hanseman, I, 130.
Hapke, II, 423.
Harari, (David), II, 400, 401.
Harcourt (famille d’), J, 101, 102,
Harcourt (vicomte d’), I, 447. II, 120.
Harlay (de), I, 93.
Haro (comte de), II, 181.
Haroun-al-Raschild, I, 143.
Hartman, I, 178.
Hartmann, II, 256.
Hassel, I, 100.
Hassera, II, 50.
Hatkinson, I, 265.
Hausson ville (famille d’), II, 102.
Haussonville (Othenin d’), I, 418.
Haussonville (comte d’), I, 422. II, 235.
Hautoy (marquis de), I, 273.
Havrincourt (d’), I, 273.
Haydn. II, 265.
Hébert, I, 101. II, 428, 470.
Hébert, commissaire de police, II, 478, 480.
Hébrard, I, 531. II, 312, 554.
Hecht (Henri), II, 137, 138.
Hecht (Myrtil), II, 138, 240.
Hegel, I, 121, 168. II, 202.
Heilbronn (Mlle), I, 120. II, 224, 241, 244.
Heine (famille), I, 119.
Heine (Henri), int. xviii. I, 29, 124, 236, 346. II, 183, 251, 360.
Heine (Mme), I, 324.
Hélias, I, 179.
Hello (Ernest), II, 262.
Helvétius, I, 210.
Hendié, I, 73, 156. II, 417, 418, 419.
Henckel de Donnesmarck (comtesse de), I, 545. 111. V. Païva (de).
Henkel (comte), I, 110.
Hennin, I, 429.
Henri II, I, 195, 220, 224.
Henri III de Castille, I, 66.
Henri IV, I, 60. 197, 212, 335, 336, 425, 438. II, 91, 225.
Henry II, 382.
Herbinger, I, 505, 506.
Hercule, I, 160.
Heredia (de), II, 210, 296.
Héricault (Ch. d’), II. 75.
Hérode, I, 158.
Hérold, compositeur, II, 425, 426.
Hérold (famille), II, 425
Hérold, sénateur, I, 158. II, 54, 369, 424, 425, 426.
Hertzen, I, 106.
Hervey de Saint-Denis (marquise d’), II, 88.
Hervilly (d’), II, 187, 188.
Herz, I, 110.
Herzen, I, 201.
Hesse (Ch. de), I, 292.
Heursel (d’), II, 178.
Heymann, I, 426.
Hicks, général, I, 67.
Hildebert, II, 171.
Hillel, rabbin, I, 246.
Hirsch (Abraham), I, 238, 239, 240.
Hirsch (baron de), I, 75, 120, 178, 179. 200, 248, 257, 267, 426,
430, 479. II, 56, 65, 73, 82, 83, 84, 85, 86, 150, 212.
Hirsch (baronne de), I, 510. II, 85, 93.
Hirsch (famille), II, 190, 191.
Hirsch (Lucien de), I, 430.
Hirschell, I, 230, 239, 240.
Hocquet, II, 488.
Hœrchelmann, I, 100.
Hohenlohe (de), I, 564.
Hohenlohe (princesse de), II, 88.
Hohenzollern (prince de), I, 379.
Hombergue, I, 297.
Homère, II, 227, 278.
Homspech, I, 301,
Hope, I, 340.

Hôpital (Michel de l’), I. 411.
Hortense (reine), II, 470,
Hottinguer (J,). II, 326.
Houdon, II, 265.
Houssaye (A), II, 97, 107.
Hovelacque, II, 296.
Howard (Mgr), II, 506, 507, 508.
Hubner (Alb.), I, 463.
Hude, II, 210, 298.
Huet (dame), II, 315.
Hugelmann, II, 198.
Hulm, I, 291.
Huot, Paul, I, 266.
Hugo (Victor), I, 27, 60, 104, 206, 208, 354, 535, 552. II, 217, 237, 238, 254, 432, 433, 434, 440.
Hugues (Clovis), I, 481. II, 382, 474, 475.
Hugues (Mme Clovis), II, 460, 469, 472, 474.
Huguonnet, II, 14.
Humbert, garde des sceaux, int. xi. II, 100, 362, 493, 494.
Humbert fils, II, 100.
Humbert (Mme), II, 100.
Hyndmann, II, 46.

I


Ignotus, II, 211, 224, 456, 484, 485, 486, 491, 516, 520.
Imecourt (d’), I, 273.
Impératrice de Russie, II, 102, 103.
Ingres, II, 143, 485.
Innocent II, I, 144, 306.
Iochanan, I, 126, 151.
Isaac, supplicié, I, 86.
Isaac, de Cologne, II, 391.
Isaac, de Corbeil, I, 151.
Isaac, de Troyes, I, 149.
Isaac (Mlle), I, 24. II, 241, 265.
Isaac (Rachel-Moïse), I, 249.
Isaacs (Myer), II, 56.
Isabelle-la-Catholique, I, 219, 405.
Isaïe, II, 314.
Isidor, grand rabbin, I, 98. II, 6, 54, 56.
Isoard (Msr), II, 420.
Isocrate, I, 10.
Israël, I, 297.
Israël (Mme). V. Judic (Anna).
Isrolska (Famille), I, 126.
Issachar-Jeuda, II, 123.
Istocki, int. xvi.

J


Jabouille, préfet, II, 521.
Jacob, de Corbeil, I, 147.
Jacob (Cyrille), II, 477.
Jacob, rabbin, I, 166.
Jacob, I, 179.
Jacques-François, II, 272.
Jacques II d’Angleterre, I, 205,
Jacques, bijoutier, I, 276.
Jacquot, I, 343.
Jaïs (Jacob), II, 49.
Jaluzot (Jules), II, 127.
Janin (Jules), I, 324.
Janssen, II, 43.
Japhet, I, 39.
Jarnac (comte de), II, 181.
Jauréguiberry (amiral), II, 351, 352.
Jaurès (amiral), II, 554.
Jean (roi), I, 157.
Jean-le-Bon, I, 184, 484.
Jean XXI, I, 181.
Jean de Paris, II, 183.
Jeanne d’Arc. V. Arc.
Jeannin (Louis), II, 132.
Jechiel, de Paris, I, 151, 161, 102, 163, 164.
Jehonhatan ben David, I, 150.
Jessa Heffmann, I, 178.
Jésus-Christ, I, 39, 132, 144, 161, 172, 203, 263, 269, 306. II, 81, 169, 279, 283, 320, 381, 465, 557, 559.
Jidles, I, 104.
Jillech, II, 383.
Jobbé-Duval, II, 296.
Johannot, I, 5225.
Joinville, I, 552.
Joinville (prince de), II, 149.
Jolibois, II, 494.
Jollivet (Gaston), II, 131.
Jolly, député, I, 410.
Jonati, I, 167.
Joseph, de Tolède, I, 35.
Joseph II, I. 320.
Josephthal, II, 56.
Josson, I, 149.
Joubert, II, 426.
Jouvencel (de), II, 210.
Jouvin, II, 215.
Joyeux, commissaire de police, II, 478, 479.
Juda, I, 161.
Judas, 1, 132, 277, 403.

 
Judet (Ernest), II, 514.
Judic (Anna), I, 466. II, 125, 240, 241.
Julien, I, 126.
Jullien, député, II, 210.
Jullien, fils, II, 430.
Jullien (Mme), II, 429.
Jullien de la Drôme, II, 427.
Jumilhac (de), I, 273.
Junca (Etienne), II, 151.
Justus (Dr), II, 403.
Juvénal, II, 104.

K


Kadmon, I, 166.
Kahn, l, 321.
Kahn, couturier, II, 160.
Kahn (D’), II, 547.
Kshn, rabbin, II, 293.
Kahn (Zadoc), I, 98. II, 56.
Kahn-Alphand (Mme), II, 300.
Kalonymes (Famille des) I, 149.
Kalonymus ben Todras, I, 149.
Kaun (E. S), II, 56.
Kanoui, II, 34, 39.
Karr (Alphonse), II. 293.
Katz, II, 495.
Kaulla, (baronne de), I, 35, 67.
Keiley, II, 103.
Kellermann, I, 313, 423.
Kératry (de), I, 384.
Kerbertin, II, 478.
Kerdrel (de), II, 493.
Kergolay (comte de), II, 178.
Kerjegu, I, 559.
Kersaint (comte de), II, 178.
Kersaint (comtesse de), II, 178, 181.
Kervyn de Lettenhove, II. 356, 358.
Kestner (Charles), I, 424.
Kestner (Mme), I, 424.
Kesmer (Johann-Christian), I, 424.
Khan, frères, II, 156.
Kistemaeckers, I, 113.
Kléber, I, 402, 423, 506.
Klein, I, 72.
Klootz (Gustave), I, 67.
Kock (P. de), II, 111.
Kœchlin-Schwartz, I, 424. II, 54.
Kohkinos, I, 430.
Kohn, 1, 325.
Kohn (Albert), I, 98, 99, 146, 256, 516. II, 59.
Kona (Ed.), II, 56.
Kolisch, II, 334, 335.
Koning (V), II, 184, 240, 242, 462.
Koralek, I, 373.
Kosciusko, I, 466.
Kraszeswki, I, 67.
Krauss (Mme) II, 242,
Kropotkine (Prince), int. xii.
Kryzanowski, II, 26, 27.
Kugelmann, I, 373. II, 214.
Kuntz, I, 420, 421.

L


La Bédoyère, I, 409.
La Bouillerie (de), I, 441.
La Bruyère, II, 171.
Lacan, II, 369.
Lachaume, II, 119.
Lacointa, II, 524, 525.
Lacorame, sénateur. II, 554.
Lacroix (Sigismond), II, 26. V. Kryzanowski.
La Châtre (chevalier de), I, 273.
Lachaud (Georges), I, 477.
Lachmann (famille), 1, 109.
Lacordaire, I, 375.
Lacretelle (de), I. 234, 278.
Lacroix (Jules), H, 238.
La Fare (de), évêque, I, 281.
Lafayette, I, 272, 277, 337, 338.
Laferrière (Ed.), II, 501.
Laferrière (Mme), couturière, II, 160.
La Ferronays (marquis de), I, 273.
La Ferronays (comtesse de), I, 509. II, 88.
La Ferronays (comtesse F. de), II, 1 79.
La Ferronays (marquise de), II, 179.
La Ferté (de), I, 437.
La Ferté (maréchal), I, 200.
La Ferté-Mun (de). II, 94.
Lafitte, I, 340.
Lafitte, journaliste, II, 460.
Lafont, II, 210, 296.
La Foret-Divonne (comte de), II, 178.
La Foret-Divonne (comte A. de), II, 179.
La Foret-Divonne (François), II, 179.
La Forge (Anatole de), II, 210, 211, 212, 227, 238, 296, 471, 473.
Lagneau (D’), I, 102, 103.
Lagonna, I, 253.
Lagrange, I, 363.
Lagrange (René de), I, 394, 395, 397.
Laguerre, II, 330, 331, 494.

Laguerre (Mlle), II, 243.
Laguna, I, 233.
Laisant, I, 485. II, 152.
Lalanne, I, 405.
Lallemand, général, II, 25.
Laluyé, I, 412.
Lamartine, I, 364, 365, 366.
Lamber (Juliette), II, 226. V. Mme Adam.
Lambert (Alexis), II, 44.
Lambert (général), I, 478. II, 226.
Lambert-Rothschild, I, 375, 504. II, 178, 180, 226.
Lambert-Rothschild (Mme), II, 178.
Lambesc, I, 277.
Lambrecht, II. 29, 30, 32.
Lamech, II, 331.
La Menaude (de), I, 230.
Lamennais, II, 483.
La Moskowa (duc de), I, 119, 324. II, 80.
La Moskowa (famille), I, 119.
La Moskowa (prince de), I, 409.
Lamothe, II, 273.
La Mothe (Mme), I, 270.
Lamy (Eug), II, 113, 311.
Lamy (Jules), I, 227.
Lancereau (Dr), II, 292.
Landau, gérant de cercle, II, 156.
Lanessan (de), II, 210, 552.
Laneyra, I, 230.
Lange, I, 230, 493.
Lange (Mlle), I, 300.
Langman (Mme), II, 270.
Lanjuinais (de), I, 338. II, 463.
Lannes, I, 333.
Lanson, sculpteur, II, 116.
Lantz, I, 426.
La Panouze (de), I, 120. II, 224.
Laplace, II, 301.
Laplacette, II, 304, 478, 479.
Laplaigne (Mme), II, 272.
Laplante, II, 273.
Larchey (Lorédan), II, 436.
Lareinty (de), I, 115, 447, 448.
La Roche-Aymond (vicomte de), I, 273.
La Rochefoucauld (comte A. de), II, 178.
La Rochefoucauld (comtesse Aimery de), II, 178, 181, 185, 186.
La Rochefoucauld (comte Hubert de), II, 260.
La Rochefoucauld (comte R. de), II, 179.
La Rochefoucauld (duc de), I, 272.
La Rochefoucauld-Bisaccia (duc de), int. xi, xii, I, 4, 437. II, 120, 187, 188, 189, 190, 191.
La Rochefoucauld-Bisaccia (duchesse de), int. xi, II, 120, 179.
La Rochejacquelein, I, 427.
La Rochejacquelein (Henri), I, 337.
La Rochejacquelein (Louis), I, 337.
Laroze, sous-secrétaire d’Etat, II, 512.
Las Cases (comte de), II, 178.
Lasker, I, 131, 562. II, 3.
La Sicotière (de), II, 19, 20.
Lassalle (Fernand), int. xv, I, 106, 201, 333, 524.
Lassègue (Dr), I, 76.
Lasserre (Henri), II, 262, 367.
Lasteyrie (de), II, 554.
La Tour d’Auvergne, II, 34.
La Trémoille (duc de), II, 89, 90, 91, 120.
Laitier (marquis de), I, 338.
Lau (du), I, 559.
Launay (de), I, 273.
Lauraguais (duc de), I, 214, 215.
Laurent (Achille), II, 401.
Laurent (Charles), journaliste, I, 347, 483, 546, 553. II, 448, 449.
Laurent (Marie), II, 448, 449.
Laurier (Clément), I, 633, 534, 547.
Lavaille, II, 524.
Laval (Jeanne de), I, 427.
La Valette (colonel de), II, 202.
La Valette (duc de), I, 212.
Lavater, I, 34.
Lavedan (Léon), II, 224, 524.
Lavieille, député, II, 284.
Lavisse (Ernest), I, 200.
Lavoisier, I, 214, 249, 522,
Law, I, 259.
Lazard, I, 280.
Lazard, négociant, I, 426.
Lazowski, I, 291.
Lebas, II, 333.
Lebaudy, I, 492. II, 232.
Le Berquier, II, 369, 370, 371, 472.
Leblanc, I, 237.
Le Bon (Dr Gustave), I, 494. II, 45, 46.
Lebrun, général, II, 555, 556.
Lecerf (dame), II, 67.
Lechevallier, I, 461.
Lecoaren, II, 370.
Lecointre, I, 299.
Lecomte, général, I, 403.
Leconte, député, II, 151, 155.

Lecouteux (Ch.), 544.
Lecoy de La Marche, I, 145. II, 410, 411.
Ledoux, maitre des requêtes, I, 198.
Lefebvre, II, 143, 372.
Lefèvre (Ernest), II, 296.
Lefranc (dame). II, 343.
Lefranc (Victor), II, 82.
Lefrançois, II, 452.
Lefuel, architecte, I, 111.
Legault (Mlle), II, 160.
Legoyt (Dr), I, 101. II, 289.
Legrand (Louis), I, 457.
Legrand du Saulle, II, 226.
Legrelle, I, 215.
Legros, II, 452.
Legros, ciseleur, II, 146.
Leguay, II, 511.
Lehmann, avocat, II, 54, 56.
Lehmann (L.), I, 98.
Leibnitz, I, 130, 566. II, 284.
Leitem, I, 71.
Lemaitre (Frederick), II, 243.
Leman (abbés), I, 125, 126, 308.
Leman-Hirsch (Philippi), I, 255.
Lambin, I, 126.
Lemoinne (John), I, 343. II, 554.
Lenoël, II, 333.
Lenoir, cocher, II, 524, 526.
Lenoir, lieutenant de police, I, 243, 244, 253, 254, 255, 256, 260.
Léon (prince de), II, 126, 178.
Léon (princesse de), II, 178, 181.
Léon l’Isaurien, I, 126.
Léon, magistrat, II, 495.
Léon, de Paris, I, 147.
Léon XIII, II, 508.
Lepel-Cointet, II, 138.
Lepelletier (Edmond), II, 444, 445.
Lepère, député, I, 541. II, 156.
Le Play, I, 286. II, 427.
Lepron, II, 543.
Lereboullet (Dr), I, 478.
Lerminier, I, 347.
Leroy, journaliste, II, 477, 478.
Leroy-Beaulieu, I, 521.
Le Royer, II, 494, 554.
Leroux (Pierre), I, 347.
Lesclide (Richard), II, 432, 433,
Lescure (Mme de), I, 337.
Lesguillon (Hermance), II, 230.
Lesseps (Ferd. de), I, 504. II, 231, 232.
Letellier, II, 210.
Leusse (vicomte de), II, 179.
Leuven, II, 231.
Levaillant (Isaïe), I, 16, 73, 78. II, 419, 420, 421.
Levannier, II, 454.
Leven (Narcisse), I, 30, 60, 62, 98, 426. II, 54. 56, 59, 327.
Leverrier, I, 32.
Levert (Marie), II, 418.
Lévi, I, 35.
Lévi (Ben), I, 205.
Lévi-Alvarès, II, 56.
Lévita, II, 391.
Lévy, de l’Enfida, I, 55,
Lévy, financier, I, 476.
Lévy (Abraham), I, 234.
Lévy (Albert), II, 304.
Lévy (Armand), I, 15, 309. II, 219.
Lévy (Benoit), II, 446, 459.
Lévy (Ernest), I, 501.
Lévy (Félix), ténor, II, 120.
Lévy (Gabriel), II, 304.
Lévy (Gédéon), II, 395, 397, 398.
Lévy (Henri), II, 109.
Levy (Isaac), II, 304.
Lévy (Raphaël), II, 383, 391, 393, 394, 397, 398, 399, 463.
Lévv (Salomon), I, 236, 237, 238.
Lévy (Théodore), II, 56.
Lévy (famille), I, 35.
Lévyson, I, 197.
Lévv-Bing, I, 83, 84, 85, 93.
Lévy-Crémieu, I, 239, 492, 515, 546.
Lewes, I, 40.
Lewisohn, I, 373.
Lewita, I, 373.
Leyde, I, 297.
Liefmann-Calmer, I, 249, 254.
Ligne (prince de), II, 120.
Lincoln (Hugues de), II, 390.
Lion-Beer, I, 325.
Liouvilie, II, 370.
Lipmann, I, 57, 249, 250.
Lippi (Philippo), II, 559.
Liron (dom), I, 141.
Lisbonne, avocat, II, 525, 526.
Lisbonne (Maxime), II, 7, 422.
Littré, I, 517. II, 311.
Lockroy (Edouard), I, 24, 35, 95, 134, 208, 298, 354, 366, 533. II, 10, 66, 209, 210, 295, 298, 427, 428, 431, 432, 433, 434, 435, 441, 449, 465, 523, 538.
Lœw, procureur général, II, 201, 477.

Lolli, II, 56.
Lombard, II, 296.
Loménie (de), I, 264.
Lopez (Bertrand), I, 220.
Lopez, conseiller d’Etat, I, 196, 197, 198, 199, 200.
Lopez, médecin, I, 66.
Lorgeril (de), I, 537.
Los Rios (de), I, 35.
Louchet, II, 155.
Loodun (Eug.), I, 448.
Louis le Débonnaire, I, 143.
Louis VII, I, 552.
Louis IX, int. xiii. I, 32, 60, 61, 127, 160, 162, 163, 425. II, 291, 484.
Louis XII, I, 194, 216, 326.
Louis XIII, I, 195, 196.
Louis XIV, I, 60, 209, 210, 336, 425, 441, 495. II, 108, 119. 171, 223, 253, 432, 437, 438, 439.
Louis XV, I, 213, 243, 336. II, 439.
Louis XVI, I, 175, 255, 257, 259, 264, 265, 269, 271, 276, 277, 279, 337. II, 59, 371, 429.
Louis XVII, I, 175, 292, 438. II, 75, 76.
Louis XVIII, I, 279, 537.
Louis-Philippe, I, 273, 236, 276, 341, 357, 366, 368, 403.
Louppes (de), I, 220.
Louvet (Mme), II, 369.
Louvet (Robert), II, 369.
Lovy (Israël), II, 239.
Lowe (Dr), II, 244.
Lowenthal (Mme de), I, 430.
Loyola (Ignace de), I, 51.
Lucchesini, I, 296.
Luce (Simon), I, 52.
Lucien, II, 104.
Lucinge (prince de), II, 178, 181.
Ludovic (le P.), II, 168, 109, 170.
Lulli, II, 241.
Lunel (commandant), II, 469.
Lupé (famille de), II, 101.
Luro, II, 554.
Lusignan (marquis de), I, 273.
Luther, I, 150, 190, 191, 564.
Luynes (de), I, 248.
Lyon, I, 426.
Lyon (Camille), II, 425.
Lyon-Allemand, II, 296, 297, 313, 440, 441.
Lyon-Rouef, II, 297.
Lyons (lord), I, 57, 58.
Lyre, I, 297.
 

M


Macaulay, I, 418.
Macé (Gustave), I, 70, 81. II, 270, 275, 473, 523.
Mackau (baron de), II, 279.
Mackay (Mme), II, 185.
Mac-Mahon (maréchal de), I, 426, 428, 429, 430, 433, 438, 440, 441, 442, 443, 446, 448. II, 13, 33, 234, 254.
Mac-Mahon (maréchale de), II, 188.
Maffei, I, 462.
Magenta (duc et duchesse de). V. Mac-Mahon.
Magnabal, I, 35.
Magnard (Franc), II, 223.
Magnin, I, 383.
Magnus (H.), II, 57.
Mahdi (le), I, 67, 112.
Mahomet II, I, 66.
Maïchena, I, 292.
Maïeur-Schaub, II, 399.
Maillard, II, 171.
Maillé (Armand de), I, 437.
Maillé (duchesse de), I, 509, 510. II, 120.
Mailly (marquis de), II, 178.
Mailly (marquise de), II, 178.
Mailly-Nesles (comte de), II, 120.
Maïmonide, I, 149.
Maire de Bouligney, I, 271.
Maistre (Joseph de), I, 261, 301. II, 77, 482.
Maitrejean, II, 518.
Malberg (de), I, 85.
Malesherbes, I, 249, 258, 364. II, 547.
Maleyssie (comte de), II, 178.
Maleyssie (comtesse de), II, 178, 179.
Malte-Brun, I, 100.
Malvezin, I, 225. II, 312.
Manassé, II, 304.
Manassé, roi d’Israël, II, 406.
Manassé ben Israël, I, 206, 207, 208.
Manau, II, 54.
Manès, I, 171,
Manet, I, 532.
Mangeotte-Willemin, II, 892.
Manin (Daniel). I, 542.
Manin (Luiggi), I, 542.
Manini, I, 292.

Manning (cardinal), II, 507.
Mantion, II, 325.
Manuel (Eugène), II, 56, 239.
Marais, acteur, II, 472
Marat, I, 291, 292, 293.
Marc-Aurèle, I, 547.
Marceau, I, 402, 427.
Marcel (Etienne), II, 359.
Marcère (de), II, 450.
Marchal de Bussy, II, 216, 217, 218, 219.
Marcolle-Pinguet, II, 326.
Mardochée, rabbin, I, 42, 46, 280, 325.
Margue, II, 346, 477, 498.
Marie-Antoinette, I, 175, 264, 265, 266, 267, 269, 277, 430. II, 91, 110, 189, 428, 429, 470.
Marie-Thérèse, I, 25, 267, 268.
Marigny (Enguerrand de), I, 448.
Marilhac, I, 408.
Mariotti, I, 504.
Markowski, I, 28.
Marlborough, I, 237.
Maroni, II, 57.
Marqfroy, I, 324, 325.
Marquar, I, 181.
Marrast, II, 465.
Marsoulan, II, 296.
Martel (Charles), I, 8, 184.
Martel, sénateur, II, 493.
Martel (comtesse de), II, 190.
Martello, I, 264.
Martial, I, 104, 105.
Martin, colonel, II, 296, 555, 556.
Martin, juge, II, 499.
Martin (Marins), II, 543.
Martin, tisserand, II, 522.
Martin (de), ingénieur, I, 476.
Martinet, I, 384.
Martin Feuillée, int. xi. II, 200, 333, 334, 362, 494, 498, 499, 518.
Martin-Sarzeaud, II, 498.
Marty, I, 94.
Marx (Adrien), I, 373.
Marx (Karl), I, 106, 201, 524. II, 77.
Mas-Latrie (de), I, 66.
Maspéro, II, 409.
Massa (marquis de), II, 85, 178.
Masséna, I, 49, 324.
Masson (Frédéric), I, 67.
Matard, I, 251, 254, 235.
Mathieu (cardinal), I, 271.
Mathilde (princesse), II, 114, 265.
Maubreuil (de), I, 71.
Mauclaire, II, 526, 527, 528, 529.
Maulle (comte de), II, 260.
Maupas (de), II, 9, 10.
Maupassant (Guy de), int. xvii. II, 15.
Mauras, sous-préfet, II, 530.
Maurel (Victor), II, 256.
Maurevel, II, 358.
Maurice, colonel, I, 325.
Maury (abbé), I, 281.
Maury, magistrat, II, 200.
May (Edg.), I, 493.
Maybach (de), I, 464.
Mayer (Dr), I, 482.
Mayer, espion, I, 390.
Mayer (Eugène), I, 17, 165, 167, 258, 563. Il, 199, 200, 201, 202, 203, 204, 209, 210, 211, 223, 331, 459, 460, 462, 471, 489, 505, 510.
Mayer (famille), II, 203, 204.
Mayer, gardien de la paix, II, 477.
Mayer, de Londres, II, 240, 242.
Mayer (Louise), I, 74.
Mayer, membre de la société de gymnastique allemande, I, 483, 489.
Mayer, négociant, I, 227.
Mayer (Paul), II, 409, 410.
Mayer, régisseur de l’Opéra, II, 240.
Mayer (Sarah), II, 160.
Mayer (Simon), I, 399, 403, 404, 406.
Mayer-Gugenheim, I, 74.
Mayer Nathan, I, 70.
Mayer de Rothschild, I, 339.
Maximilien, empereur, I, 191.
Mayrargues, I, 279. II, 329, 360.
Mazza, colonel, I, 488.
Mear, II, 343.
Médicis (Catherine de), I, 59. II, 358, 359.
Médicis (les), I, 122.
Médina, I, 238.
Meillier, frère de la D. C., II, 509.
Meïre, I, 66.
Meissonnier, II, 185.
Melchissédec, II, 241.
Méline, II, 285, 286, 290.
Melle, II, 489.
Mellinet, ministre de France, II, 61.
Mériandre, I, 126.
Mendel, I, 77. II, 240.
Mendeissohn, I, 241.
Mendelssohn (Moses), I, 206
Mendès (Catulle), I, 244.
Mendez, I, 210.

Mendez d’Acosta, I, 245.
Mendizabal, I, 49.
Ménier (Albert), II, 135, 261.
Menken (Miss Ada-Isaac), I, 91.
Ménorval (de), II, 295, 543.
Menot, II, 171.
Mer, gérant de journal, II, 48.
Mercier (Sébastien), I, 516, 517. II, 121.
Mérimée, II, 11.
Merlieux (Mme), II, 398.
Merton, I, 120, 392.
Méry, I, 369.
Mesguich, II, 42, 43.
Mesnilcourt, II, 453.
Mesureur, II, 298.
Metternich (prince de), I, 335. II, 94.
Metternich (princesse de), II, 188.
Meunier (Louis-Stanislas), II, 434, 435.
Meurice (Paul), I, 95, 165.
Mévil, I, 325,
Meyer, assassin, I, 75.
Meyer, statisticien, I, 101.
Meyer (Arthur), I, 444, 489, 493. II, 120, 123, 182, 184, 185, 186, 187, 189, 190, 191, 192, 194, 225, 229, 244, 247, 265.
Meyer, dit Leitem, I, 71.
Mézeray. II, 355.
Michel, I, 67, 122, 300, 301.
Michel (Emmanuel), II, 397.
Michel (Louise), II, 164, 421, 480.
Michel-Ange, I, 27.
Michelet, I, 148, 149, 155, 168, 171, 177, 195, 208, 286, 301, 328, 329, 375. II, 82, 376, 550, 552.
Michu, I, 246, 247.
Mickiewicz, I, 15, 16.
Midhat-Pacha, I, 112.
Mieulle (comte de), II, 178.
Mieulle (comtesse de), II, 178, 179.
Mieulles (vicomte de), II, 181.
Mignard, I, 171.
Mignoquet, II, 477.
Milhet, II, 554.
Millaud (Albert), I, 448. II, 240.
Millaud (Alphonse), I, 369.
Millaud (Moïse), I, 37, 367, 369. II, 197.
Millaud, sénateur, I, 78, 117, 322. II, 333, 494, 495.
Millevoye, premier président, II, 494.
Millière, I, 412.
Milly-Meyer, II, 241.
Millot, général, I, 505.
Minder, dit Graft, I, 74.
Minette, I, 70.
Mirabaud, II, 373.
Mirabeau, I, 206, 241, 277.
Miranda, I, 292.
Mirbeau (Octave), I, 510.
Mirés, I, 37, 367, 370.
Mirès (famille), I, 120.
Miriam, II, 466
Mirza-Ali-Khan, I, 98.
Mistral, I, 217.
Mnich, II, 403.
Moïse, I, 115, 126. II, 314.
Moïse (Isaac), II, 4.
Moïse de Coucy, I, 147, 161.
Moïse le Vieux, II, 391.
Mokrani, II, 22, 23, 24.
Molay (Jacques), I, 174, 175, 274.
Mole (Mathieu), I, 93, 211, 302, 304, 305.
Molier, II, 260.
Molière, I, 28, 210. II, 171.
Moltke (de), I, 376, 470, 531. II, 115, 260.
Monck, I, 448.
Monin, II, 43.
Monnier, II, 338
Monod, pasteur protestant, II, 352, 353, 360.
Monod, préfet, II, 365, 366.
Monod (Gabriel), II, 368.
Monselet, I, 369.
Montaigne, I, 194, 219, 220, 221, 222. II, 10, 211, 413, 434.
Montalembert, II, 77.
Montalte (Elie), I, 195.
Montbarrey (de), I, 270.
Montbrun, I, 333.
Monteaux, I, 75. II, 138
Montebello, I, 572.
Montefiore, II, 401.
Montegut (E.), I, 43.
Montesmo, I, 207.
Montesquieu (de), I, 273.
Montesquieu (de), I, 344, 345.
Montesquiou (de), II, 187
Montfleury, I, 210.
Montfort, I, 156.
Montgommery (de), II, 359.
Montgommery (Allain de), II, 178, 181,
Monti (de), I. 441.
Montjoie, I, 273.
Montmaur (marquise de), I, 273.
Montmorency (Henri II, duc de), I, 408. II, 23, 75.

Montmorency (duc de), II, 120.
Montmorency (duchesse de), II, 75.
Montmorency (Mlle de), II, 564.
More, II, 301.
Moreau, agent de change, I, 117, 118.
Moreau (César), I, 100. II, 315.
Moreau (Elise), II, 427.
Moreau (Frédéric), II, 326.
Morel, I, 298.
Morgan, I, 388, 392.
Morin, II, 459, 460, 471, 473, 475.
Morlière, colonel, II, 202.
Morny (duc de), I, 446, 531, 532, 554, 572. II, 238, 261.
Mortain (Vitel de), II, 17.
Mortara, I, 55. II, 526.
Mortier (Arnold), II, 240.
Mortillet (de), II, 210.
Morus (Thomas), II. 371.
Mouchy (duc de), II, 326.
Mouchy-Noailles (de), I, 109.
Moumet-Tauros, I, 149.
Moustier (de), II, 354.
Moustiers (comte P. des), II, 178.
Moustiers (marquis des). II, 178, 181.
Moustiers (marquise des), II, 178.
Mouton, général, I, 409.
Mouy (de), II, 354.
Moyse, II, 7.
Moyse, conseiller général, II, 421.
Mozart, II, 265.
Mulot, abbé, II, 488, 489, 491.
Multedo (de), II, 513.
Mun (comte Albert de), I, 418. II, 77, 181, 276, 280, 410.
Muntz (Eugène), II, 135, 136, 186, 187.
Murat (prince), I, 333. II, 120.
Musset, II, 97.
Mustapha-ben-Ismaïl, I, 21, 473, 474, 475, 476.

N


Nahon (Abraham), II, 48.
Nansouty, I, 333.
Napoléon Ier, I, 127, 159, 163, 183, 211, 279, 300, 301, 302, 303,
309, 310, 314, 316, 317, 323, 324, 325, 326, 327, 328, 333, 336, 398, 425, 557, 572. II, 212, 221, 328.
Napoléon III, I, 344, 366, 367, 371, 373, 377, 378, 379, 383, 384,
447, 551. II, 13, 17, 114, 184, 328, 345.
Napoléon (prince Jérôme), I, 113. II, 237.
Napoléon (Louis, prince Impérial), I, 358, 367, 429, 432, 435, 447.
Naquet (Alfred), I, 17, 112, 113, 114, 116, 120, 178, 246, 257,
473, 475, 476. II, 36, 42, 418, 443, 450, 463, 494, 495.
Naquet (Daniel), I, 120.
Naquet (Eliacin), II, 495.
Naquet (Justin), I, 120.
Nardin, II, 273.
Nathan, I, 73, 401.
Nathan (Esther), I, 70.
Nathan (famille), I, 70, 72.
Nathan (Rosine), I, 70.
Nathan-Polack, I, 255.
Nauroy, I. 63, 64, 65, 66.
Néander, I, 48.
Nemours, I, 408.
Nermel, II, 541.
Nerval (Gérard de), I, 372. II, 278.
Neubaüer, I, 150.
Neuburger, II, 302, 450.
Neumann (Dr), II, 57.
Neuville (de), I, 484.
Nevada (Mlle), II, 242.
Newton, I, 27, 32.
Ney, général, I, 49, 77, 122. V. La Moskowa.
Ney, maréchal, I, 323, 824.
Nicolas, juif converti, I, 161.
Nicolas de Lire, I, 150,
Nicolas II. I, 306.
Niemoweska (Mlle), II, 501.
Noailles (duc de), I, 272, 572. II, 94.
Noailles (marquise de), I, 109.
Noailles (vicomtesse de), II, 95.
Noblemaire, II, 325.
Noë, I, 248
Noël, II, 158.
Noir (Victor), I, 55, 269.
Noirmont (baron de), II, 178.
Noirmont (baronne de), II, 178.
Norfolk (duc de), II, 508.
Northbrook (lord), I, 461.
Nostradamus, I, 143, 193, 194.
Nuys (Guillaume de), I, 180.
Nyon (comte de), II, 260.


O


O’Connor, II, 178.
O’Connor (Mme), II, 178.
Offenbach, I, 28, 372. II, 232, 233.
Ollendorff, éditeur, II, 268, 269, 462.
Ollendorff (Gustave), II, 441.
Onody, int. xvi.
Oppenheim, II, 437.
Oppenheim (Mlle), I. 3i4.
Oppenheim (Jules), II, 57.
Oppenheimer, I, 426.
Oppenhemer, I, 238.
Oppert (Jules), II, 56, 409, 441.
Oppert de Blowitz, V. Blowitz.
Orange (prince d’), II, 356.
Ordega, II, 62, 63.
Orléans (Louis-Philippe-Joseph, duc d’), I, 273, 275, 276, 277.
Orléans (Ferdinand-Philippe, duc d’), I, 358.
Orléans (famille d’), I, 276, 341.
Orléans (princes d’), I, 68, II, 193.
Orsay (comte d’), II, 97.
Orsini, I, 301.
Ottevuere, I, 298.
Ouvrard, I, 327.
Ours de Saxe, II, 391.

P


P. (Mme), II, 204.
Pache, I, 291.
Pacifico, I, 547.
Pagny, II, 282.
Pailleron, II, 232.
Paillot de Loynes, I, 339.
Pain (Olivier), I, 57, 58.
Païva (marquis de), I, 110, 545.
Païva (Mlle de), I, 67, 109, 110.
Palissy, II, 114.
Pallain (Georges), I, 411.
Palumbo, II, 123.
Pandara, I, 161. II, 465, 466.
Panis, I, 296.
Papillon de la Ferté, II, 189.
Pappos, II, 466.
Paradol, I, 120.
Paradol fils, I, 121.
Paradol (Mlle), I, 121.
Paris, receveur des domaines, II, 497.
Paris (comte de), I, 359, 438, 439, 440. II. 119, 193.
Paris (Gaston), I, 204. II, 258, 410, 411.
Paris (Mathieu), I, 203.
Pariset, II, 542.
Parizot, I, 246.
Paschales, I, 260.
Pasquier, I, 302.
Pasquier (Etienne), II, 354.
Passy, II, 291.
Patti (Mme), II, 241.
Paxton, II, 109.
Payer (Daniel), II, 393.
Peixotto, I, 244, 245, 246, 247, 248, 249, 250.
Peixotto, vice-consul des États-Unis, I, 562.
Pel, II, 344.
Pelissier, actrice, I, 211, 212.
Pelissier, maréchal, II, 84.
Pelissier, général, II, 554.
Pelletan (Eug.), II, 274, 296.
Pelletier, journaliste, II, 564.
Pellissier, professeur. II, 440.
Peltzer (frères), I, 120.
Pène (H. de). II, 192, 471.
Penna (della), I, 195.
Péraldi, II, 158, 514, 515.
Pereira. V. Pereyra.
Pereire (famille), I, 348, 349, 352, 353, 367.
Pereire (Eugène), II, 56.
Pereire (Isaac), I, 37, 38, 230, 349, 351, 352, 370. II, 492, 493.
Pereire (Jacob-Rodrigues), I, 243, 253, 254, 263.
Pereyra, I, 291, 292.
Périer (Casimir), II, 157, 158, 275, 340.
Périn (Georges), II, 157
Périvier, magistrat, II, 498.
Perpipnan, I, 234, 253.
Perrni (abbé), II, 241.
Perrouy (Mme de). V. Etincelle.
Perrot (G), I, 27.
Persigny (duc de), I, 119.
Persigny (duchesse de), II, 80.
Peschard, I, 74, 75, 92.
Pesquidoux (Noémie), II, 500.
Petiot, II, 293.
Petit, I, 230.
Petit (Simon), I, 293.
Petitot, II, 114.
Pétrone, II, 258.
Pétrus Borel, I, 356, 357.
Peyre (Emile), II, 87.
Peyron, directeur de l’Assistance publique, II, 42, 542, 546, 547.
Peyrusse, I, 79, 80.

Peytral, II, 996.
Pbebus, I, 167.
Philippart, I, 80.
Philippe (Frère), II, 413.
Philippe, comte d’Anjou, I, 181.
Philippe-Auguste, I, 135, 136, 159, 164.
Philippe-le-Bel, I, 169, 174, 184, 185, 274.
Philippe-Egalité, I, 276, 277. Voir Orléans.
Philippe de Valois, I, 184.
Philippe II, I, 67, 189, 432, 501.
Philippson (Dr), II, 57.
Philon, I, 17.
Piat-Derval, II, 460.
Picard (Arthur), I, 383, 384.
Picard (Ernest), I, 384, 396, 397, 415.
Picard (Maurice), II, 369, 370.
Picard-Bernheim, I, 383, 439.
Pichat (Laurent), II, 333.
Pichon, II, 210.
Picquigny (de), I, 250.
Pie IX, I, 308. II, 219, 459, 507, 508.
Piedocq (veuve), II, 9.72.
Piennes (de), I, 410.
Pierre de Limoges, II, 171.
Pierre le Vénérable, I, 155, 526.
Pietri, préfet de police, I, 405.
Pietri, chef du cabinet de l’empereur, I, 376, 378.
Pigault-Lebrun, II, 111.
Pignatel, I, 480.
Pilate, I, 277.
Pillet-Will, II, 326.
Pillon (Mgr), II, 491.
Pinas (Jacob), I, 202.
Pineton de Chambrun, II, 376.
Pingard, II, 232.
Pinkenton, I, 100.
Pio, I, 292.
Pittié, général, II, 259, 260.
Pitton, I, 194.
Plasse, II, 273.
Platel (baron). V. Ignotus.
Platow, I, 333.
Platter (comte), II, 178.
Poitiers (comte de), II, 184.
Polack, I, 280.
Polignac (famille de), I, 119, 277.
Polignac (prince de), II, 217.
Pollonais, I, 325.
Pollu, II, 483.
Poltrot de Méré, II, 354, 355, 356.
Polus, II, 258.
Pompadour (Mme de), II, 114.
Ponce-Pilate, I, 203, 263.
Pons, II, 554.
Ponsard, I, 309.
Ponteves (comtesse de), II, 88.
Poutgibaud (de), II, 564.
Pontmartin (de), II, 274.
Pontois, I, 475.
Pontremoli, II, 57.
Pontremols, II, 495.
Porée (Mme), II, 477.
Porgès, I, 17, 35, 546.
Porrentruy (de), I, 32.
Portalis, I, 302, 311.
Poubelle, II, 127, 301.
Poulet (Marius), int. v.
Prague (Marcus), II, 96, 97.
Presbois (de), II, 20.
Prévost Paradol. V. Paradol.
Primsel, I, 120.
Proal, II, 54.
Proffit (abbé), II, 504.
Prolys, I, 291.
Protais, II, 233.
Proudhon, I, 30, 366, 493, 503. II, 175, 235, 310.
Proust (Antonin), I, 197, 480, 532, 545. II, 134, 135, 136, 137, 138, 141, 146.
Provendier, officier de paix, II, 479
Prudhomme, II, 430.
Prugnand, II, 543.
Prugnon, I, 284.
Ptolémée-Philopator, I, 157.
Puig-y-Puig, II, 329.
Pule de Matiscone, I, 180.
Pully (comte de), II, 260.
Pussort, II, 431.
Puybaraud (Louis), II, 480,
Pyat, curé, II, 451.
Pyat (Félix), I, 410.11, 451.
Pylade, II, 258.

Q


Quantin, II, 367.
Quélen (de), II, 260.
Quentin (Charles), I, 557. II, 42, 278, 540, 542, 544, 545, 546, 548,
550, 553.
Querenet, avocat. II, 376.
Quilly, II, 441.


R


R. du Mesnil, II, 453.
Rab, I, 115.
Rabaud Saint-Etienne, I, 262.
Raby, II, 154.
Rachel, I, 55, 113, 198, 356. II, 246, 247.
Racine, I, 28.
Racot, II, 224.
Radbert, II, 382.
Raffalowich, I, 165, 343.
Ragon, I, 175. II, 5, 328.
Ragon (S. M.), II, 317.
Ram, I, 220.
Rambeau de Saint-Maire, I, 238.
Rambouillet (de), I, 198.
Rambuteau (vicomte de), II, 179.
Ramon de Granolhas, I, 220.
Ranc, I, 410, 535. II, 296, 329, 515.
Randon, II, 12.
Ranger (Moïse), I, 82.
Raoul de Cambrai, I, 551.
Rapaport. V. Rappaport.
Raphaël, I, 27.
Rapp. I, 402, 423.
Rappaport, I, 89. II, 99, 204, 205, 206, 207.
Rappaport (Mlle), II, 205, 206, 207, 208.
Rappaport (Salomon), II, 204.
Rapoport. V. Rappaport.
Raschi, I, 149, 150.
Raspail, I, 116.
Raspail (Benjamin), II, 210.
Ratzinger (Dr), int. vii.
Rava (rabbin), I, 126.
Ravailhe, abbé, I, 399. II, 428.
Ravenna, II, 57.
Ravignan (de), I, 115, II, 179.
Raymond, (V.) I, 156.
Raynal, ministre, I, 52, 60, 81, 83, 84, 128, 506, 512, 546. II, 463.
Raynaud (Mary), II, 333.
Reclus (O.), II, 16.
Regghelini, I, 171, 175.
Regnault (Thibault), II, 393.
Régnier, I, 390.
Regnier-Desmarais, II, 535.
Reiber, II, 146.
Reichenberg (Mlle), II, 241.
Reinach, I, 17, 30, 33, 62, 464, 546, 554, 560. II, 3, 56, 140, 278.
Reinach (Th.), I, 39, 99, 101, 228, 307.
Reiset (de), I, 281.
Rembrandt, I, 202, 203, 904, 557. II, 113.
Remoiville, II, 210.
Rémusat (Ch. de), I, 130.
Rémusat (P. de), II, 554.
Rémusat (Mme de), II, 470.
Renan, I, 12, 13, 14, 15, 16, 72, 135, 141, 150, 279, 494. II, 76, 238, 381, 382, 409, 410, 4ll, 458.
Renaudot, I, 197.
Renault (Cécile), II, 475.
Renault (Léon), I, 236, 472, 480, 538.
Renault-Bécourt, I, 355.
René (le roi), I, 157
Retz (de), I, 552.
Reuchlim. V. Reuchlin.
Reuchlin, I, 190, 191, 193.
Révillon (Tony), I, 556, 557. II, 296, 298.
Rewbell, I, 282, 284.
Rey, I, 61, 476.
Reymond, I, 271.
Reynaud (Jean), I, 347.
Reynolds, II, 113.
Rheims, I, 426.
Ribbes (de), I, 152, 255.
Ribot, II, 413.
Ricci (R. P.), I, 46.
Richard, II, 525.
Richard, prêtre, I, 32.
Richard, tisserand. II, 522.
Richard, de Brescia, II, 391.
Richelieu (duc de), I, 116, 197, 198, 215, 341. II, 3, 75.
Ricord (Dr), II, 246.
Riencourt (de), II, 154.
Riesener, II, 109.
Riffaut, II, 126.
Rigal, II, 554.
Rigaud, II, 369, 370.
Rigault (Raoul), I, 384, 404, 405.
Rigord, I, 147.
Risler, I, 424.
Ritter (Moïse), II, 403.
Ritz (Mine de), I, 296.
Rivers-Wilson, II, 45, 242.
Rivière (commandant), I, 547.
Robert le Pieux, I, 145.
Robespierre, I, 277, 282, 294, 201. II, 430, 475.
Robinet (Dr), II, 296.
Robinet de Cléry, II, 488.
Robinson (Thomas), I, 268.
Rochefort (Henri), I, 58, 383, 384,

410, 551, 552, 553, 569. II, 26, 27, 120, 139, 218, 418, 451, 470, 483, 483.
Rochefort (marquis de), père, II, 451.
Rochelant, II, 313.
Rochetaillée (baron de), II, 74.
Rocoux, II, 453.
Rodrigues (Gustave), II, 439.
Rodrigues (Hip.), II, 56.
Rodrigues (Mme), couturière, II, 160.
Rodrigues (Olinde), I, 328, 348.
Rodriguez (R. P.), II, 535.
Rœderer, I, 278.
Roger (Emile), II, 325.
Rohan (cardinal de), I, 269, 270, 277.
Rohan (Jean de), II, 354.
Rohep, I, 31.
Roland, I, 522.
Roland (Mme), I, 296, 333.
Romanoff, I, 49.
Romieu, I, 62.
Ronconi, II, 10.
Roques de Filhol, II, 210.
Roqueplan (Camille), II, 113.
Roscius, II, 258.
Rose (Toussaint), II, 432.
Rosemberg, I, 120.
Rosenfeld, I, 98.
Rosenfeld (Jules), II, 56, 495.
Rossel, I, 409.
Rothan, I, 483, 484.
Rothschild (de), I, 38, 75, 86, 91, 108, 118, 248, 288, 311, 316, 327, 328, 334, 335, 340, 341, 34-2, 343, 346, 348, 349, 351, 352, 353, 354, 355, 356, 358, 359, 364, 365, 366, 367, 368, 370, 375, 376, 379, 400, 401, 406, 419, 420, 434, 466, 475, 508, 524, 525. II, 4, 6, 28, 82, 92, 93, 187, 244, 245, 250, 324, 329, 484, 564.
Rothschild (baronne de), I, 433, 435, 523. II, 89, 186.
Rothschild (baronne Ad.), I, 510.
Rothschild (Alfred de), II, 242, 326.
Rothschild (Alphonse de), I, 15, 42, 143, 215, 462, 559. II, 104, 106, 107, 108, 116, 119, 140, 141, 326.
Rothschild (baronne Alph. de), II, 97.
Rothschild (Anselme-Meyer), II, 121.
Rothschild (Arthur de), II, 326.
Rothschild (Edmond de), II, 106, 107.
Rothschild (Esther-Rebecca). II. 93.
Rothschild (famille de), int. v, viii. I, 3, 16, 18, 22, 27, 68, 115, 121, 122, 147, 160, 363, 439, 462, 465, 478, 492. II, 85, 86, 95, 97, 98, 102, 104, 108, 110, 111, 115, 116, 118, 121, 122, 124, 216, 219, 229, 238, 242.
Rothschild (Gustave de), II, 104, 106. II, 326.
Rothschild (baronne Gustave de), II, 93, 180.
Rothschild (James de), I, 121, 335. II, 95, 96, 104, 113, 118.
Rothschild (baronne James de), II, 113.
Rothschild (baronne douairière J. de), II, 268.
Rothschild (Nathaniel de), II, 107, 326.
Rothschild (baronne Nathaniel de), II, 230.
Rothschild (baronne Salomon de), I, 510, 561.
Rothschild (Mlle de), II, 459.
Rothschild {Mlle Alph. de), II, 102, 103.
Rothschild (Mlle Béatrix de), I, 434.
Rothschild, de Francfort, I, 4.
Rothschild (L. M.), joaillier, II, 66.
Rotondo, I, 292.
Rouber, I, 218.
Rougeau, commissaire de police, II, 476, 480.
Rouher, I, 448.
Rouslane (V.), I, 452.
Rousseau, sous-secrétaire d’État, I, 499.
Rousseau (Philippe), II, 109.
Rousseill (Mlle), II, 249.
Roussel, magistrat, II, 496.
Roussel (Théoph.), II, 554.
Rousselle, II, 296.
Rousset (C), II, 234.
Roustan, I, 158, 462, 470, 472, 473. II, 61, 62.
Rouvier (Maurice), I, 514. II, 244.
Roux, chirurgien, II, 436.
Roux (Xavier), I, 456.
Rozière (de), 554.
Rubens, II, 113.
Rudolph, II, 382.
Rupert, I, 181, 383.
Rutebœuf, I, 152.


S


Sabran (de), II, 143.
Saddock, I, 474.
Sade (marquis de), II, 505.
Sadler, II, 407.
Saffi, II, 209.
Sagan (prince de), II, 85.
Sagan (princesse de), II, 177.
Saige, I, 150.
Saint-Albin (Albert de), II, 224.
Saint-Albin (Philippe de), I, 293.
Saint-Augustin, I, 130.
Saint-Benoît, II, 279.
Saint-Bernard, II, 170.
Saint-Bonnet (Blanc de), II, 77, 280, 281.
Saint-Chamans (Mlle de), I, 211.
Saint-Charles (sœur), II, 459, 460.
Saint-Didier (baron de), II, 326.
Saint-Elme, I, 78. II, 510, 511, 512, 513, 514.
Saint-François d’Assise, int. xiv. II, 466.
Saint-Genest, II, 223, 249.
Saint-Germain (comte de), I, 260, 262.
Saint-Gilles, II, 466.
Saint-Gilles (comte de), II, 178.
Saint-Gilles (comtesse de), II, 178.
Saint-Grégoire, I, 306.
Saint-Guillaume, II, 384.
Saint Hilaire, II, 28, 29.
Saint-Hilaire (Barthélémy), II, 493.
Saint-Jean, int. xvii. I, 306, 387.
Saint-Jean Chrysostôme, int. xiv, I, 130.
Saint-Just, I, 333.
Saint Louis. V. Louis IX.
Saint-Martin, I, 260.
Saint-Norbert, II, 171.
Saint-Paul, II, 564.
Saint Paul (V.), II, 56.
Saint-Pierre, II, 558.
Saint-Pierre (vicomte de), II, 326.
Saint-Pol, I, 408.
Saint Richard, II, 382.
Saint-Simon (duc de), I, 18, 443, 449, 552. II, 28, 185, 366, 368, 481.
Saint-Simon (général de), II, 367.
Saint-Simon (marquis de), I, 273.
Saint-Simon, économiste, I, 353.
Saint-Thomas d’Aquin, int. xiii, I, 130.
Saint-Vallier (de), I, 462, 476. II, 285.
Saint-Victor (Hugues de), II, 171.
Saint-Victor (Paul de), I, 427, 571. II, 235.
Saladin, I, 291.
Salmanazar, I, 207.
Salme, I, 56.
Salmon (Benedict), I, 297.
Salmon (Victor). V. Noir.
Salom, I, 254.
Salomon, I, 70, 167, 257.
Salomon, chanteur, II, 241.
Salomon, ingénieur, II, 443.
Salomon, prêtre, I, 56.
Salomon, rabbin, I, 149.
Salomon (David), II, 526.
Salomon (Hector), II, 240.
Salomon (Isaac), II, 526.
Salomon (le roi), I, 142.
Salomon (Simon), II, 57.
Salomon (de Milan), II, 391.
Salomoncini, I, 66.
Salvador, I, 60, 307.
Salvador (Abram), II, 54.
Salvendi (Dr), II, 57.
Saly-Stern (Mme), II, 264.
Samson, I, 166,
Samson (Isidore), II, 258.
Samuel, I, 115, 161. II, 240.
Samuel, de Falaise, I, 147.
Samuel, de Londres, I, 146.
Samuel, de Tolède, I, 35.
Samuels, I, 71.
Sand (Georges), I, 567.
Sanson, I, 179.
Santagra, I, 114.
Santucci, II, 245.
Sardou (V.), II, 222,234, 438.
Sass (Marie), II, 241.
Sassoon, I, 112. II, 266.
Satada, II, 466
Saül, rabbin, I, 256.
Sautter de Beauregard, I, 476.
Savary, ancien sous-secrétaire d’Etat, II, 99.
Saxe (Maurice de), II, 118.
Say (Léon), int. ix. I, 165, 327, 343, 365, 431, 441, 462, 463. II, 326.
Schanenberg, I, 202.
Scépeaux (marquis de), II, 88,
Scharnhorst, II, 212.

Schaül Wahl, I, 146.
Scherer, II, 554.
Schérif-Pacha, II, 399.
Scheurer-Kestner, I, 424.
Scheyer, int. viii.
Schiller, I, 29, 373.
Schiller (Isidore), I, 122.
Schiméon-ben-Joachim, II, 392.
Schneider (Mme H.), I, 510.
Schnerb, commissaire de police, I, 57. II, 275.
Schnerb, préfet, II, 222, 275, 417, 421.
Schœffle, int. vii.
Scholl (Aur.), int. xvii. II, 26, 306, 445.
Schopenhaûer, II, 310.
Schossberger, I, 120.
Schumacher, I, 71.
Schurmann, II, 240.
Schvab, I, 115.
Schwaab, I, 426.
Schwartz, II, 304.
Schwarzau, I, 205.
Schweitzer, I, 389.
Schwikoska (comtesse), I, 109. V. Noailles.
Schwob, I, 426.
Scipion l’Africain, I, 541.
Scipion Emilien, I, 541.
Sécillon (comte de), II, 564.
Second (Alberic), I, 369.
Sedaine, II, 189.
Sedecias, I, 66,144.
Sée (Camille), I, 17, 383. II, 54, 67, 443, 477.
Sée (Germain), I, 204, 373. II, 433.
Sée (Julien), I, 167.
Seligman, I, 255.
Seligman (Michel), I, 325.
Selikowitz, I, 57.
Selves (de), II, 505.
Semblançay, I, 408.
Semeriva, II, 514.
Senèque, II, 258.
Serénus, I, 126.
Serokïos, II, 402.
Serre, II, 21.
Serres (de), I, 388.
Servet, II, 355.
Sèze (de), I, 367.
Shaftesbury, I, 132.
Shah de Perse, I, 98, 99.
Shakespeare, I, 26, 95, 208, 209, 223, 224.
Shaphira, II, 147, 148.
Sieyes, I, 376.
Silva, I, 230.
Silveyra, I, 254, 255.
Siméon, I, 167.
Simia, I, 28. W. Wolff (Albert).
Simon. V. Lockroy.
Simon, banquier, I, 300.
Simon, négociant, I, 426
Simon, gardien du Temple, I, 175, 292, 438. II, 75, 76.
Simon de Joinville, I, 147.
Simon (Jules), I, 17, 85, 279, 281, 383, 388, 389, 390, 410. II, 293.
Simon le Magicien, I, 126.
Simon, martyr, II, 383.
Simon (Maurice), II, 240.
Simon (Philippe), II, 57.
Simond, frères, I, 259.
Simond-Richard, II, 392.
Simond (Valentin), II, 444.
Simoniy, int. xvi.
Siras (Georges), II, 263
Simson, I, 166.
Sina, I, 120, 429, 430.
Singer (Louis), II, 56.
Smieilavicz, II, 383.
Solar, I, 367.
Soliman, barbier, II, 400, 401.
Soliman-ben-Slimar, II, 34.
Sommer, II, 495.
Sophie (Ismaïl), I, 126.
Soubeyran (de), II, 232, 326.
Soubise (fille), II, 98.
Soulié (Fréd.), II, 111.
Soult (maréchal), I, 49, 324
Souques, II, 500.
Sourrigues, député, int. ix.
Soury (J.), II, 310, 311.
Spinoza, I, 32.
Spitzer, II, 135, 136, 137.
Spring, rabbin, II, 391.
Spuller, I, 62, 235, 311, 384, 388, 426, 450, 465, 488, 506, 535, 545, 549. II, 228, 255, 296, 364, 523.
Steeg, pasteur, II, 364, 365, 523.
Stehelin, II, 337, 340.
Steenackers, I, 387, 535.
Stein, II, 212.
Stein (Mme), II, 270.
Steiner-Dollfus, II, 378.
Stenn, I, 35.
Stern, I, 21,24, 406,525.
Stern (famille), I, 27.
Stevens, I, 218.

Stieber, I, 872.
Stiegletz (baron), I, 452.
Stœcker, int. xvi.
Stochlinski, II, 403.
Stoffel (colonel), I, 376, 377.
Stofflet, I, 333, 428.
Stolz (Mme), II, 241.
Stourm (René), I, 522.
Strakosch, II, 240.
Strauss, chef d’orchestre, I, 28.
Strauss, journaliste, I, 62, 546. II, 459, 460, 510.
Strauss, marchand de journaux, I, 29.
Strauss, sous-préfet, II, 480.
Stroüsberg, I, 82, 383.
Stuart (les), I, 205.
Stuart (Marie), II, 470.
Subrel, II, 353.
Sue (Eugène), I, 204, 398. II, 60, 111.
Suède (roi de), II, 59.
Suger (abbé), I, 144, 145, 295.
Suisse, I, 389. V. Simon (Jules).
Sully, II, 118.
Sumien, II, 201.
Swchab, II, 420.
Swedenborg, I, 130.

T


T...., inspecteur des manufactures, II, 456.
Tacite, I, 132.
Tailhand, int. xi. I, 419, 440.
Taine, int. v, viii. I, 292, 493, 529. II, 384, 474, 516.
Talcy (Diane de), I, 411.
Tallemant des Réaux, I, 197, 198. II, 93.
Talleyrand, I, 67, 283, 333.
Talleyrand (marquise de), II, 178.
Tallien, I, 296. II, 430.
Talmont (prince de), II, 73, 91.
Talmont (Mme de), II, 563.
Tama, I, 307.
Tarbouriech, II, 531, 532.
Tarfou, I, 115.
Target, II, 371.
Tarragera (de), I, 220.
Tavannes, II, 356.
Tavey (Dr), I, 206.
Taxil (Léo), II, 143, 458, 459.
Tayer bey ben Aïad, I, 492.
Teisserenc de Bort, II, 554.
Templier, II, 369, 370.
Tenaille-Saligny, II, 554.
Ternaux, I, 340.
Terni (de), I, 115.
Tertullien, II, 173.
Teste (Louis), I, 460. II, 333.
Testelin, II, 333.
Teweles, II, 507.
Theodoros, I, 47.
Thérèse (sœur), II, 447.
Théroigne, I, 291.
Théroulède, II, 452.
Theudas, I, 126.
Thibaudin, I, 465, 469, 541.
Thibault, II, 543.
Thiers (Ad.), I, 8, 301,366, 409, 410, 411, 420, 428, 440, 455, 535.
Thomas, sculpteur, II, 116.
Thomas (Clément), I, 403.
Thomas (Frédéric), II, 10.
Thomas (R. P.), II, 399, 400, 463.
Thomassin (amiral), I, 467.
Thomson, député, I, 546. II, 14, 27, 34, 54.
Thoré, I, 347.
Thors, I, 476.
Thounnes (Jean de), I, 172
Thouvenel, I, 54.
Thouvenel (Mme), II, 179.
Thuvenat, II, 540.
Tiepolo, II, 109.
Tillemont, I, 141.
Timour-Leng, II, 46.
Tirard, I, 347, 363, 492, 540, 564. II, 331,332, 333, 334, 335, 336
Tirman, II, 38, 39, 44, 49, 61.
Tissot, négociant, I, 489.
Tite-Live, I, 388.
Tobias, I, 325, 336.
Tocqueville (comte de), II, 179.
Tondu, abbé, I, 296, 497, 498, 499.
Torcy (de), I, 237.
Tosinghi, II, 358.
Touchard-Lafosse, II, 111.
Toudouze (Gust.), II, 214, 220, 222.
Tourgueneff, I, 107. II, 246.
Tourné, II, 200.
Toussenel, I, 74, 232, 340, 342, 344, 345, 346, 368. II, 455.
Trapet, II, 155.
Traviès, I, 29.
Tréfoux, I, 299.
Trémontels (A. de), II, 511, 512, 513.
Trenck, I, 291.
Trénel, I, 258, 297.
Trenel (Jacob), I, 280.
Trêves, I, 426.

 
Trévise (duchesse de), I, 509.
Tricoupis, I, 430.
Tridon (Gustave), I, 13. II, 407.
Trimm (Timothée), II, 302.
Trochu, I, 428, 429.
Trompette, I, 549.
Tudèle (B. de), I, 30.
Tu Duc, I, 547.
Turenne (comte de), II, 120.
Turenne (vicomte de), II, 178.
Turenne (vicomtesse de), II, 178.
Turquet, II, 140, 141, 223, 281
Tussaud (Mme), I, 294.

U


Ulmann, I, 501.
Ulmann (Bernard), II, 240.
Ulmo, I, 92.
Ulmo (famille), I, 74.
Urbain (Antoine), II, 513.
Ursins (princesse des), II, 75.
Uthernher, II, 382
Uxhull (baronne d’), I, 452.
Uzanne (Octave), int. xvii. II, 126.
Uzès (duchesse d’), II, 184.
 

V


Vacher, député, I, 521.
Vacherot, II, 311.
Vachon (Marius), II, 128, 129, 136, 281.
Valbert. V. Cherbuliez.
Valcho (Dr), I, 66.
Vallée (Oscar de), I, 368, 446. II, 235, 332, 333.
Vallès (Jules), I, 534, 569.
Vallet, professeur, II, 450.
Valois, I, 150.
Valois (Noël), I, 160, 161, 163.
Valtesse de la Bigne, I, 547, 548.
Van Barmenie, I, 268.
Vandeleyem, II, 544.
Van den Berg, I, 494.
Van der Goës, II, 141.
Van der Ham, I, 125.
Van Mol, II, 113.
Vanssay (comte de), I, 429, 441.
Van Zandt (Mlle), II, 241, 242, 243, 245.
Vapereau, I, 134, 387. II, 364, 427.
Varnhayen, II, 484.
Vasili (Paul), I, 430. II, 105.
Vassel, II, 454.
Vatel (Ch.), 430.
Vaucorbeil, II, 240.
Vaudemont (comte de), II, 393.
Vaudemont (Louise de), II, l46.
Vaufreland (baron de), 11, 178.
Vaufreland (baronne de), II, 178, 181.
Vaulgrenand (de), I, 202.
Vauvenargues, II, 426.
Veil-Picard, I, 165, 383, 472, 483, 546, 553. II, 157, 448, 460, 511.
Velasquez, II, 113.
Veneziani, II, 56.
Ventadour (Mme de), II, 439.
Vergennes (de), I, 256.
Vergniaud, II, 333.
Vergoin, député, II, 156, 157, 210.
Verynci (Etienne), I, 180.
Vermesch, I, 405.
Vernes (Ad), II, 326.
Vernet, I, 354.
Verneuil (de), I, 117, 118.
Véron (Dr), II, 246.
Verpillat (Marie), II, 415.
Vertenbourg, I, 238.
Vétault (Ch.), I, 144.
Veuillot (Louis), I, 30, 222. II, 89, 186, 235, 237, 465, 560.
Victoria (reine), I, 58.
Vidal, I, 230.
Vieil-Gastel (de), I, 62.
Viennet, I, 151.
Vigny (A. de), I, 96.
Vigouroux (Dr), II, 497.
Villars (duc de), I, 213, 237.
Villehardouin, II, 227.
Villeroi (de), I, 237.
Villot (capitaine), II, 17, 20.
Viollet-le-Duc, II, 408, 537.
Vitale, II, 391.
Vitellius, I, 557.
Vitrolles (de), I, 589.
Vitry, I, 195, 196.
Vitu (Aug.), I, 266, 267.
Vivien, II, 375.
Vogué (comte de), II, 178.
Vogué (comtesse de), II, 178, 179.
Voiture, I, 533.
Volange, I, 247.
Voltaire, I, 30, 190, 210, 231, 235, 236, 237, 238 239, 240, 241, 283.
Volterra, I, 473, 476.
Von Bruck, II, 382.

Voodrook, II, 150.
Vulpian, I, 445. II, 433.

W


Waddington (Evelino), I, 450.
Waddington, homme d’Etat, I, 449, 450, 453, 454, 455, 456, 457, 458, 459, 460, 462. II, 255, 360.
Wadteufel, I, 373.
Wahl, I, 146.
Waldeck-Rousseau, I, 464, 546. II, 39, 157, 197, 463, 511, 512.
Wallon, II, 326, 474, 526.
Walsin-Erterhazy, II, 17.
Warn (A. de), II, 326.
Warnier, II, 17, 18.
Watel, I, 491.
Watteville (de), I, 413, 414.
Weber, II, 417.
Webert, I, 277.
Wehl, I, 48.
Weil, I, 96, 158.
Weil (Henri), II, 441.
Weill (Alexandre), I, 41, 83, 84, 190, 466. II, 248.
Weill (Denis), II, 54.
Weill, frères, I, 213.
Weill (Michel), I, 127.
Weishaupt, I, 260.
Weitel, I, 240.
Wellington, I, 333. II, 118.
Werbrouck, II, 196.
Wertuel, II, 470.
Werlé, I, 385.
Wertheim (A. C), I, 202.
Wertheimber, I, 227.
Wertheimer (de), II, 57.
Wesveiller, I, 227.
Wiener, I, 42.
Willar, I, 237, 238.
Wills, II, 146.
Wilson, II, 422, 423.
Wimpfen (de), 1, 120, 122, 267, 426. II, 150.
Winchkam, I, 487. Il, 369, 372, 373.
Witersheim, I, 373.
Wladimir (grande duchesse), II, 93.
Wlasoff, II, 154.
Wolff (Albert), I, 28, 29, 62, 76, 86, 131, 373. II, 116, 122, 134, 185, 210, 213, 214, 215, 217, 220, 222, 223, 224, 225, 240,
247, 431.
Wolff, comte de Saint-Germain, I, 260, 262, 263.
Wolff, directeur d’agence, I, 379, 482.
Wolff (Dr), II, 57.
Wolff (Eugène), I, 482.
Wolff (femme), II, 6.
Wolff, général, I, 325, 344.
Wolff, intendant, II, 203.
Worms (Dr), II, 187.
Worms, capitaine, I, 325.
Worms, peintre, I, 27. II, 241.
Worms de Romilly, II, 95.
Worsley, I, 44.
Worth, couturier, I, 374. II, 166, 167, 168.
Wurster, I, 486.
Wurtz, II, 554.

X


Ximenès, I, 219.

Y


Yokanan, I, 97.
Yon, I, 297.
Yousouf ben Ayoub-Salah Eddyn, II, 22.
Ypsilanti (prince), I, 429, 430.
Yriarte (Ch.), II, 473.
Ysabeau, II, 430.
Yvel, II, 219.
Yvon, II, 471.

Z


Zabathai-Tzevi, I, 126.
Zabban, II, 98.
Zachiarie, Jacob. V. Montfleury.
Zakbar, I, 151.
Zalkind Hourwitz, I, 303.
Zeckhiel, I, 105.
Zerakhia Ha Levi, I, 151.
Ziethen, I, 333.
Zola, int. xvii. I, 104, 347. II, 452.


NOTES RECTIFICATIVES


Il devait fatalement se glisser quelques inexactitudes dans un livre d’une aussi considérable étendue que la France juive. A parler net, je n’en éprouve qu’un remords assez léger et je me tords de rire dans mon lit en assistant à la vertueuse colère de gens qui ont entassé de véritables montagnes de calomnies contre nos prêtres, nos religieux et nos Sœurs de Charité et qui s’indignent que je me sois trompé sur quelques détails dans un ouvrage de 1200 pages.

Je dois cependant à la cause que je sers, je me dois à moi-même, de rétablir la vérité toutes les fois qu’il me sera démontré que j’ai accueilli une information inexacte. Ce travail d’impartiale revision, je l’entreprendrai pour une édition définitive de la France juive, mais il m’est impossible d’y songer à l’heure actuelle. Que ceux qui ont des réclamations légitimes à m’adresser, attendent donc avec patience jusque-là, et qu’ils se disent chrétiennement ou philosophiquement, s’ils le préfèrent : « Nous en avons fait bien d’autres ! »

Je tiens cependant à rectifier, dès à présent, dans ce nouveau tirage, quelques points qui m’ont été signalés.

M. Edmond Adam n’était pas juif. Je l’ai confondu avec un homonyme qui a été mêlé il y a quelques années aux affaires d’une société financière.

M. Valentin Simond, directeur du Radical, et M. Blüdhorn, gendre de M. le vicomte de Bresson, et actuellement secrétaire de la légion d’Autriche-Hongric à Copenhague, sont également étrangers à la religion de Moïse.

Je prie également M. Charles Laurent, dont j’ai pu apprécier la bravoure dans une rencontre loyale, de vouloir bien agréer mes regrets pour des vivacités de langage qui disparaîtront du livre à l’édition définitive et qu’excuse le ton général d’une époque où la persécution religieuse a divisé en deux camps des Français qui devraient s’aimer et se soutenir devant l’étranger. Que M. Charles Laurent rentre en lui-même, et il reconnaîtra que les catholiques seraient des lâches s’ils ne combattaient pas énergiquement pro aris et focis, pour leurs droits de chrétiens et de citoyens…


« Monsieur,

« Edmond Adam n’avait aucun titre à la place que vous lui faites prendre dans la France juive ; il est, comme moi, né d’ascendants catholiques. Sa fortune n’a jamais été énorme et elle ne s’est point alimentée de l’emprunt mexicain, puisque c’est à propos de cet emprunt qu’il a donné sa démission au Comptoir d’escompte.

« J’ai, monsieur, l’honneur de porter un nom intact.

« Juliette Adam. »


« À Monsieur Edouard Drumont.
« Paris, 22 avril 1886.
« Monsieur,

« Au bas de la page 375 du Ier volume de votre livre La France juive, vous publiez une note dans laquelle vous dites que mon gendre, M. Blühdorn, est juif.

« Vous avez été induit en erreur : mon gendre, M. Blühdorn, actuellement secrétaire de la Légation d’Autriche-Hongrie à Copenhague, appartient à la religion catholique.

« Je vous prie de vouloir bien rectifier cette inexactitude dans la prochaine édition de votre ouvrage.

« Recevez, Monsieur, l’assurance de ma parfaite considération.

« Vicomte de Bresson,
« Minisire plénipotentiaire. »



« À Monsieur Edouard Drumont.
« Paris, le 23 avril 1886.
« Monsieur,

« Je lis avec étonnement dans votre livre La France juive que vous me classez parmi les Juifs maîtres de la Presse.

« Comme je ne suis pas juif et que j’appartiens à une famille qui ne l’a jamais été, ce que je regrette, car je serais millionnaire, je vous prie de rectifier votre erreur dans les nouvelles éditions de votre livre.

« En attendant votre réponse, agréez. Monsieur, l’assurance de mes meilleurs sentiments.

« Valentin Simond. »

________
PARIS. — IMPRIMERIE MARPON ET FLAMMARION
26, rue Racine, 26
________

  1. Rituel de la Maçonnerie forestière contenant tout ce qui a rapport à la Charbonnerie et à la fenderie suivi d’une analyse de quatorze associations politiques secrètes, par F. M. Ragon, ancien Vénérable.
  2. Le serment more judaico a été rétabli en Alsace-Lorraine depuis l’annexion. On le fait prêter aux recrues israélites sur le sepher déroulé, en présence de rabbin.
  3. Voir à ce sujet une curieuse brochure de M. Aristide Astruc : l’Enseignement chez les anciens Juifs (discipline, programme, laïcité, obligation), dans lequel l’auteur, plein d’admiration pour Ferry, montre que le plan de l’éducation actuelle est identiquement le même que celui de l’éducation juive.
  4. Mémoires sur le second Empire.
  5. C’est le pendant de l’histoire de Lockroy allant se faire arrêter à Clamart, en 1871, pour échapper à ses amis de la Commune.
  6. Cette haine était telle que Mérimée, que je soupçonne d’avoir été un peu judaïsant et qui, en tous cas, n’avait jamais été baptisé, raconte dans ses Lettres à Panizzi, que pour animer les turcos contre les autrichiens pendant la campagne d’Italie, on n’avait eu qu’à leur dire que c’étaient des Juifs qu’ils avaient devant eux.
  7. Le général Bosquet avait été un des premiers à prévoir les services que pourraient rendre les troupes indigènes. Dans une lettre, écrite le 30 janvier 1856, au général Randon, alors gouverneur de l’Algérie, il disait : « un jour la France trouvera chez les Arabes ses légions arabes comme autrefois Rome en trouvait dans ses colonies d’Espagne et des Gaules, et c’est une belle question à préparer, je crois, comme appendice du système de recrutement général de notre armée… »
  8. Lettre sur la politique de la France en Algérie, adressée par l’Empereur au maréchal Mac-Mahon, duc de Magenta, gouverneur général de l’Algérie.
  9. Dans un journal républicain, et à coup sûr peu hostile aux Juifs, la France, M. Huguounet écrivait à la date du 3 juillet 1884, à l’occasion des troubles sémitiques d’Alger : « L’usure est réellement épouvantable. En voici un exemple : Les Turcos et les Spahis, à la veille de toucher leur solde, empruntent un franc pour en rendre deux le lendemain, c’est-à-dire 8.630 francs pour 100.
        Thomson, le député d’Oran, et le Juif Etienne qui, contrairement à la loi, est à la fois inspecteur général des chemins de fer et député, auraient eu une belle occasion pour vanter les vertus d’Israël et ses sympathies envers ceux qui servent la France.
  10. Les israélites indigènes de l’Algérie, pétition centre le décret du 24 octobre 1870, par M. Charles du Bouzet, ancien préfet d’Oran, ancien commissaire extraordinaire en Algérie.
  11. Voici le certificat significatif délivré par M. Warnier au capitaine Guichard, qui avait courageusement défendu son général.
        « Je soussigné, préfet d’Alger, à la date du 23 octobre et appelé par le général Walsin Esterbasy à l’accompagner au palais du gouvernement à l’amirauté, où le triomphe de la Commune révolutionnaire l’obligeait à s’embarquer, certifie, comme témoin oculaire partageant les danger du général Walsin Esterhazy, que sans l’assistance du capitaine Guichard et de ses hommes de la 2eme batterie de l’artillerie de la milice d’Alger, qu’il commandait, nous aurions été exposés à toutes les colères de plusieurs milliers de Juifs, de Maltais, d’Espagnols, égarés par quelques énergumènes français, et que, si les avanies que nous avons subies se sont bornées à des injures et à des insultes, nous le devons à l’énergie et au dévouement de l’escorte de la 2eme batterie de l’artillerie de la milice d’Alger.
        « En foi de quoi, j’ai délivré au capitaine Guichard le présent certificat pour servir à qui de droit.
    « Warnier,
    « Député du département d’Alger »
  12. Rien n’a pu être retrouvé des documents à l’aide desquels furent préparés les décrets du 14 octobre. (Rapport de M. de la Sicotière.)
  13. Il prétendait, on le sait, descendre d’un Montmorency qui, surpris par une tempête, se serait fixé en Algérie et, par plus d’un point la destinée de ce chef intrépide, victime des sentiments les plus élevés et poussé comme malgré lui à une révolte contre laquelle son cœur protestait secrètement, rappelle le sort tragique du vaincu de Castelnaudary.
        La presse juive, pour déshonorer Mokrani, a soutenu que c’était la situation embarrassée de ses affaires qui l’aurait poussé à la révolte. Rien n’est plus faux. Les dettes mêmes de Mokrani avaient l’origine la plus honorable. Lors de la terrible famine de 1867-1868, il avait, avec sa magnanimité habituelle, emprunté des sommes considérables pour donner du blé aux hommes de ses tribus. Le maréchal Mac-Mahon lui avait engagé sa parole que s’il n’était pas remboursé aux échéances par ses débiteurs, la France lui payerait ce qu’il avait avancé pour le service public sur les centimes additionnels des tribus. Le gouvernement de la Défense, qui gaspillait l’argent pour enrichir des fournisseurs comme Ferrand, refusa, naturellement, de faire honneur à l’engagement du Maréchal et l’on dit au Bach-Agba : « Tire-toi de là comme tu pourras. »
  14. Plaidoyer pour Bou-Mezrag devant la cour d’assises de Constantine (27 avril 1873).
  15. Dans le journal L’Evénement, Aurélien Scholl, presque seul dans la presse, a pris la défense de ces infortunés auxquels il a consacré deux ou trois articles éloquents.
        La question des Arabes fut la principale cause du rejet de l’amnistie, au mois de février 1886. On sait que Henri Rochefort avait pris l’initiative de cette proposition, que fît échouer Crijanowski, plus connu sous le nom de Sigismond Lacroix et qui, en sa qualité de Polonais, eût été presque excusable de chercher à rendre la liberté à Berézowski. Le pamphlétaire profita de l’occasion pour exécuter son collègue de l’extrême gauche qu’il convainquit, preuves en mains, dans le numéro de l’Intransigeant du 28 janvier 1886, d’être un agent provocateur. Il est rare, lorsque deux républicains s’expliquent ensemble, qu’on n’apprenne pas quelque vérité.
        Tout ce point est à étudier soigneusement. Rien de curieux comme la colère des députés juifs qui sont hors d’eux-mêmes à la pensée d’amnistier ces Arabes, prisonniers déjà depuis de longues années. Etienne ne sait plus même ce qu’il dit : « Ignorez-vous, s’écrie-t il, qu’ils ont incendié des fermes, des femmes et des enfants ? » Thomson déclare qu’on ne peut libérer ces captifs parce que l’on a profité de la circonstance pour voler leurs biens et qu’il faudrait les leur rendre. Camille Dreyfus se prononce énergiquement contre la proposition.
        Henri Rochefort, qui n’a jamais réfléchi, est, dans ce cas particulier, par son seul instinct d’être indépendant, un politique très prévoyant. Ce n’est pas le moment pour nous, en effet, d’abandonner l’espèce de droit nouveau qui admettait que les peuples soumis par la force défendent leur indépendance. La France est, ou plutôt était, avant de tomber aux mains des Juifs, un pays de pur sentiment ; l’Allemagne pays de raisonnement, au contraire, tient à pouvoir formuler une théorie à l’appui de ses actes. Le refus de tout pardon, l’implacabilité montrée à des patriotes révoltés, le droit, affirmé crûment par Thomson, de s’emparer des biens des insurgés, sont des précédents que la Prusse enregistre soigneusement et qui lui serviraient, à l’occasion, à exercer toutes les violences contre les Alsaciens lorrains qui voudraient secouer le joug.
        La Russie tenait également à faire nier par un Polonais ce droit à l’insurrection que la Pologne a si souvent revendiqué contre ses oppresseurs, et elle s’est servie de Cryjanowski. Tout cela, encore une fois, est utile à regarder au point de vue de l’évolution des idées, montre bien la fin de la légende de la France révolutionnaire, émancipatrice de nations, généreuse, pardonnant vite à ceux mêmes qu’elle a été obligée de combattre. Il n’y a plus que l’intérêt du Juif qui touche nos Assemblées françaises.
  16. En argot maçonnique, un travail s’appelle une architecture, une pièce de monnaie une brique, une plume un crayon, une chanson un cantique, un procès-verbal une colonne. En terme de table la nappe est une voile ou un grand drapeau, les serviettes sont des drapeaux, les assiettes des tuiles ou des platines, les fourchettes des pioches ou des tridents, les bouteilles des barriques, les couteaux des glaives, les verres des canons, Manger c’est mastiquer, boire c’est tirer une canonnée.
  17. « J’allais partir pour l’Algérie lorsqu’un heureux incident m’arrêta. J’appris que l’amiral de Gueydou arrivait. H. Bathélémy Saint-Hilaire m’écrivit : « Mon cher ami, l’amiral est arrivé hier soir, il demeure à Paris, 9, rue d’Aguesseau. Je lui ai déjà fait votre compliment sur les bureaux arabes et annoncé votre visite. »
  18. « M. de Fourtou fit un rapport dont les conclusions étaient plus mauvaises encore que la loi proposée. Mais la conversation que j’eus avec lui à Versailles se termina par des paroles généreuses et par la promesse qu’il me fit de ne pas presser la mise à l’ordre du jour de la discussion de ce projet que je redoutais à ce moment.
  19. C’était Victor Lefranc qui était devenu ministre. Quand la délibération vint à son ordre, M. de Fourtou, rapporteur de la commission, annonça que, dans l’intervalle des vacances qui venaient d’avoir lieu, le gouvernement avait modifié largement le décret du 24 octobre, que la commission examinerait le nouveau décret qui lui semblait devoir mettre un terme à toute espèce de discussion relative à celui du 24 octobre. L’affaire était donc définitivement enterrée. (Bulletin de l’Alliance, séance du 12 mai 1872).
  20. Cartier, le secrétaire et l’âme damnée de Crémieux, voyait lui-même cette situation et il cherchait ce qu’il appelait ingénument le moyen pratique d’éviter de la mettre en relief.
    23 décembre 1870.
    Justice à commissaire extraordinaire, Alger.

    « On me signale certaines localités où les israélites naturalisés formeraient à eux seuls la majorité au sein des corps électoraux. Veuillez en établir la liste avec le chiffre et rechercher pour ces localités quel serait le moyen pratique d’éviter de mettre en relief les inconvénients purement locaux du progrès réalisé. Il ne faut pas que l’affranchissement d’une race puisse être critiqué par des hommes de liberté sur quelques exemples accidentels.

    « Cartier. »
    (Enquête parlementaire).
  21. Le Mzab, on le sait, fût annexé en 1882, au mépris de traités formels qui garantissaient à ce petit pays son indépendance, ce que le général La Tour d’Auvergne reconnaissait lui-même dans la proclamation qu’il adressa aux habitants lors de la prise de possession. L’unique raison de cette annexion était la présence à Ghardaïa notamment, ainsi qu’à Guerara et à Benian, de 4.000 Israélites qu’on faisait ainsi bénéficier des droits de citoyens français.
  22. Une interruption de M. Raoul Duval fit ressortir, une fois de plus, l’iniquité du décret Crémieux qui privait du droit de vote de braves soldats pour l’accorder à la fripouille juive. M. Andrieux citât le témoignage d’un honnête indigène qui avait assisté à ce trafic de voix : il rappelait que le lieutenant Soliman ben Slimar avait été nommé chevalier de la Légion d’honneur à la suite de brillants services militaires. « Et cet homme n’est pas électeur, tandis que ces Juifs le sont ! » s’écria M. Raoul Duval avec dégoût.
  23. La France militaire, numéro du 11 décembre 1884.
  24. On n’avait même pas attendu le vote des cinquante millions pour commencer les expropriations. « Dans les départements d’Oran et de Constantine, dit le Journal des Débats, on a exproprié 7.896 hectares, avant une valeur de 477.164 fr. On a, de plus, préparé des projets d’expropriations pour 14.906 hectares, estimés 1.607.369 fr. Ce n’est qu’une entrée eu matière, car, avec le crédit de 50 millions c’est par centaines de milles hectares qu’on procédera. »
  25. C’est la situation des biens habbous dont nous avons déjà parlé à propos de laTunisie et qu’une société financière juive s’est efforcée d’accaparer par l’intermédiaire de Floquet et de Naquet
  26. Enquête sur les actes du gouvernement de la Défense nationale », tome III ; déposition de M. du Bouzet.
  27. Les deux civilisations réunies de la France et de l’Angleterre ont dépassé en Égypte, avec leurs contrôleurs européens les exactions impitoyables de ces percepteurs de tributs et de ces scribes de la vingtième dynastie dont les stèles nous ont conservé l’image. Nous voyons dans les martaba de Gizeh, les Ameneman et les Pantour faisant rouer de coups sous leurs yeux quelque ancêtre des Fellabs actuels, étendu tout de son long sur le ventre et maintenu sur le sol par des exécuteurs qui tirent le patient, les uns par les pieds, les autres par les mains. Avec l’habit noir en plus, c’est la représentation exacte des de Blignières, des Rivers Wilson, des Baring, des Clifford-Lloyd (Voir Livre II)
  28. La Civilisation des Arabes.
  29. Voir aussi l’épisode des officiers anglais faisant, il y a quelques mois, photographier les Birmans prisonniers pendant qu’on les fusille. Ce spectacle de l’alliance de la science moderne et de la sauvagerie évoque un monde d’idées. Le général anglais qui présida à ces horreurs est fermement convaincu que Timour-Leng et Gengis-Khan étaient des barbares tandis que lui représente le Progrès.
  30. La presse sémitique serait singulièrement représentée là-bas, s’il faut en croire ce que raconte le Cri du Peuple du 9 janvier 1884 sur un Juif nommé Mer, gérant du Petit Colon. Un pauvre soldat avait quitté le régiment sans permission pour assister à l’enterrement de sa mère ; les exigences de la discipline avaient forcé de l’envoyer au pénitencier de Cherchell ; il s’était échappé et avait trouvé une place parmi les compositeurs du Petit Colon, qui connaissaient son secret et qui le gardaient fidèlement. Mer parvint à découvrir la situation de Sebouques, c’était le nom du soldat, et, pour avoir une petite somme d’argent, il dénonça le malheureux à l’autorité.
  31. La manie vaniteuse qui pousse les Juifs à se faire décorer sans aucun droit excita une nouvelle émeute à Alger, en juillet 1885. Tirman, l’homme des Juifs, avait accordé la croix de la Légion d’honneur à un nommé Jacob Jaïs, adjudant des pompiers, absolument indique de cette distinction. Les pompiers protestèrent et, pour ne plus servir avec Jais, allèrent solennellement, aux applaudissements de la population, déposer leur fourniment dans la cour de l’Hôtel de Ville.
        Tirman n’avait pas craint d’affirmer un fait faux dans un document public en attribuant vingt ans de services à Jaïs, qui en comptait six à peine. Quelques mois avant sa nomination comme chevalier de la Légion d’honneur, Jais avait été l’objet d’une poursuite correctionnelle pour agression contre un vieillard. Voilà des actes que ratifie le conseil de la Légion d’honneur où figurent des généraux français !
  32. Comme la plupart des diplomates chargés aujourd’hui de représenter la France, cet Ordega se fait gloire de ne pas être d’origine française ; il appartient, non pas à la Pologne héroïque et croyante pour laquelle tous les chrétiens forment des vœux, mais à la Pologne ralliée aux Juifs. Dans le discours qu’il a prononcé avant de quitter Tanger et que nous ont transmis les Archives Israélites du 11 mars 1885, le nouveau ministre à Bukarest a eu soin de déclarer qu’il allait en Roumanie pour y soutenir les intérêts juifs. « Si je n’ai pas pris une part plus active à la défense des Juifs ici, dit-il, c’est que ma modeste action a été souvent contrariée et mal interprétée par d’autres agents consulaires. Il aurait donc été impolitique à moi d’agir chaque fois que je n’avais pas d’instructions directes de mon gouvernement. Mais vous pouvez être assurés que les Juifs de Demban et ceux du Maroc, en général, n’auront pas de meilleur défenseur que moi, aussitôt que je pourrai me départir de la réserve que j’étais obligé d’observer dans les fonctions que je quitte.
        « Dans le nouveau poste auquel je viens d’être appelé, je ne doute pas que mon initiative soit moins réservée. Les Israélites, en Roumanie, forment une communauté considérable dont la condition n’est pas, en général, des meilleures. J’aurai, par conséquent, une plus grande liberté d’action et mes sympathies pour les Juifs trouveront occasion de se manifester. »
  33. La Maçonnerie juive a conservé le souvenir de la table en bois d’acacia du Temple. Le tablier du 3eme grade est blanc, bordé et doublé couleur feu, au milieu un compas et une équerre entourés d’une branche d’acacia. A la demande : « Etes-vous Maître Maçon ? » on répond : « L’acacia m’est connu. »
  34. Les libéralités de ce genre sont fréquentes. Dans son testament, M. L.-M Rothschild, le richissime joaillier, mort à Paris en 1884, stipule que si sa fille Sarah Halfon meurt sans enfants, un tiers de sa fortune reviendra à l’Alliance israélite universelle.
  35. Au mois de mars 1884, le conseil d’Etat, dont le Juif Camille Sée est le plus beau fleuron, a refusé à la supérieure des Filles de Saint-Vincent-de-Paul l’autorisation d’accepter le legs d’une dame Lecerf, qui avait consacré une somme de quarante mille francs à fonder deux lits dans la maison de retraite de Sainte Anne d’Auray, à Chatillon-sous-Bagneux.
    Dans leur haine pour ces saintes Filles de Charité, que les sauvages eux-mêmes vénèrent, ces malheureux n’ont pas reculé devant la pensée de spolier les pauvres.
    Si on proposait aux Juifs de détourner de leur destination les dix mille francs de Crémieux, ils pousseraient les hauts cris ; ils trouvent tout simple qu’on chasse les Sœurs de Charité de l’hôpital Cochin et qu’on garde l’argent que le fondateur a laissé spécialement pour leur entretien.
  36. Sur le triste rôle joué constamment par le comte d’Artois, consulter l’ouvrage de M. Forneron : Histoire générale des émigrés pendant la Révolution française.
  37. Mgr Fliche : Mémoires sur la vie, les malheurs, les vertus de très haute et très illustre princesse Marie-Félicie des Ursins, duchesse de Montmorency.
  38. De la Restauration française.
  39. L’an dernier, le duc d’Aumale ayant à dîner la duchesse d’Ayen et la baronne de Hirsch, mit la Juive à sa droite, et la duchesse à sa gauche. Lors des fêtes données a Chantilly, il plaçait, il est vrai, la grande duchesse Wladimir à sa droite et la baronne Gustave de Rothschild à sa gauche, mais en quittant la table, il offrait le bras à la baronne !
        Remarquez que la duchesse d’Ayen qui est, dit-on, une femme très charitable et très bonne, n’a aucune raison de fréquenter la femme d’un banquier qui a ruiné tant de malheureux ; elle n’a pas besoin d’emprunter de l’argent aux Juifs, car elle possède une fortune considérable, elle a hérité du marquis de La Ferté-Mun, qui était fort riche et elle est la belle-fille du duc de Noailles, auquel appartient la magnifique terre de Maintenon. On ne peut s’expliquer cette manie de s’abaisser sans nécessité.
  40. Archives israélites, volume 36.
  41. Ce fut la vicomtesse de Noailles qui dressa elle même la première liste d’invitations des Rothschild. Un mot prononcé dans cette soirée par le baron James est resté légendaire. Il donnait le bras a la vicomtesse qui lui demanda ce que c’était qu’un trou qu’on apercevait dans son jardin et qu’on avait oublié de combler.
        — Montâme, répondit le baron, c’est un drou pour y mettre les bedites ficomtesses quand elles ne sont pas sages…
  42. Les détails sur la maîtresse de Feder, qui se faisait appeler Soubise, ont traîné dans tous les journaux. Elle tire un coup de pistolet sur un financier à Lyon, elle est expulsée comme allemande, elle essaye de se suicider. C’est le vrai drame juif qui alimente quotidiennement les faits divers.
  43. Est-il nécessaire de rappeler qu’après le désastre de la Banque de la Loire, Savary, l’ancien sous-secrétaire d’Etat à la justice, fut laissé libre, put continuer à monter des entreprises d’électricité et même courir des aventures qui ont eu leur dénouement à la Brasserie des Martyrs ?
  44. J’ai constaté combien les administrateurs furent imprudents, combien surtout ils manquèrent de courage moral en n’attaquant pas franchement les Juifs contre lesquels ils poussent de véritable hurlements lorsqu’on cause avec eux en tête-à-tête ; il est juste de rendre hommage à l’honnêteté scrupuleuse dont ils ont fait preuve dans ce désastre. Après les effroyables manœuvres employées contre elle, l’Union générale distribue 70 pour 100 à ses actionnaires. Supposez qu’une descente de police ait lieu dans une des banques juives — et je parle des plus solides en apparence, — on distribuerait au gens les toiles d’araignées qui garnissent des coffres-forts dont l’argent a disparu depuis longtemps.
        Si les coulissiers, qui devaient cent vingt millions à l’Union, n’avaient pas été Juifs, s’ils avaient payé loyalement au moins la moitié de ce qu’ils devaient, les actionnaires n’auraient pas perdu un sou.
  45. Un souvenir d’Arsène Houssaye sur la général Fleury atteste combien ces parvenus ont peu de notion de la véritable politesse, de cette politesse qui vient naturellement d’un cœur élevé. Un jour qu’Arsène Houssaye avait à dîner le général Fleury, il donne la place d’honneur à l’ancien grand écuyer. — « Oh ! Oh ! S’écrie Fleury, foila à quoi je ne suis plus habitué. Il fut un temps où le vieux Rothschild me donnait la place d’honneur, peut-être parce que mes vins n’étaient pas plus mauvais que les siens. Après la guerre, je fus encore invité dans cette maison, mais on me mit au second rang, puis au troisième, puis au bout de la table. »
        Un gentilhomme, — je ne parle pas de ceux d’aujourd’hui, — aurait exagéré, au contraire, les égards envers un vaincu. Qui ne se rappelle Louis XIV mettant le feu à l’Europe pour assurer le droit de préséance à nos ambassadeurs sur les représentants de toutes les autres puissances et cédant constamment le pas, à Versailles, à Jacques II, pauvre et détrôné ?
  46. Les hôtels des Rothschild, à Paris, sont machinés comme des théâtres, barricadés à l’intérieur comme des citadelles, organisés pour la défense comme des ghettos du Moyen Age. Si je ne craignais de nuire à des entrepreneurs, je pourrais donner làdessus de bien curieux renseignements. Le World de Londres, au mois de décembre 1885, a publié quelques détails sur les travaux exécutés dans l’hôtel de la rue Saint-Florentin.
        « Le baron Alphonse de Rothschild vient de terminer la transformation de sa maison de la rue Saint-Florentin en une sorte de forteresse blindée. Les montres ou vitrines à bibelots disparaissent d’une simple pression de bouton dans des coffres-forts scellés dans la muraille.
        « Chaque tableau a son étui (numéroté) en maroquin, de sorte que, s’il le fallait, toute la galerie pourrait être emballée en une heure. La note seule des étuis se monte à 50.000 fr. »
        Auront-ils l’heure nécessaire pour emballer ?
  47. Entre autres, dans l’Entremes del Viejo Zeloso : « Monseigneur, dit Hortigosa, j’ai pris la hardiesse de venir supplier Votre Grâce de me faire une grande merci, charité, aumône et bonne œuvre en m’achetant ce guadameci, le travail est bon, le guadameci neuf. Voyez comme il a bel aspect, les peintures des tableaux paraissent vivantes. »
        Nous avons vu (livre II), le Juif Lopez faire un commerce actif de ces guadameciles.
  48. C’est évidemment en pensant à la collection des Rothschild que Goncourt a écrit : « Il y a des collections d’art qui ne montrent ni une passion, ni on goût, ni une intelligence, rien que la victoire brutale de la richesse. »
  49. Le baron Alphonse de Rothschild, si indifférent aux efforts de nos artistes, si fermé aux nobles et généreuses traditions de nos patriciens d’autrefois, n’en eut pas moins l’effronterie, an mois d’avril 1885, de se présenter a l’Académie des Beaux-Arts. Cette fois, au milieu de tant de servilité et de tant de vilenies, il y eut un réveil de pudeur, et quelques hommes indépendants réussirent à faire comprendre à l’Académie que l’amour de l’art et l’achat de bibelots à bon compte n’ont absolument rien de commun. Malgré la campagne patriotique d’Ephrussi et d’Albert Wolff qui consacra trois colonnes à prôner cette candidature, le baron fut honteusement éconduit. Un autre se serait retiré, mais le sentiment de la dignité est absolument inconnu au Sémite qui supporte tout pour arriver à son but. Le baron acheta les uns, flatta bassement les autres, accepta toutes les humiliations qu’on voulut et finit par être nommé au mois de décembre suivant.
  50. Voici, d’ailleurs, la liste des journaux dont les extraits sont reproduits : Journal de Paris, la France, le Constitutionnel, la Liberté, le Petit Journal, la Patrie, le Journal des Débats, l’Opinion nationale, le Temps, le Figaro, l’Epoque, l’Evénement, le Moniteur du Soir, la Correspondance générale des départements, le Sport, le Mémorial Diplomatique, la Semaine financière.
  51. Les Rothschild font cependant des cadeaux assez importants et presque toujours d’un caractère utile au moment des grands mariages ; au comte de X…, ils ont donné une pendule et une belle garniture de cheminée ; au marquis de Z…, un meuble de salon.
  52. Aucune souscription ne fut ouverte, aucun bal ne fut organisé pour secourir les 31.000 chrétiens massacrés dans l’Annam.
        Un vaillant journal, la Croix, écrivait à ce sujet, à la date du 3 novembre 1885 :
        « Si quelques Juifs, après avoir pressuré longtemps par une usure monstrueuse le peuple qu’ils seraient venus exploiter, avaient été pillés et expulsés, quels cris de toute cette presse au nom de l’humanité et de la civilisation ; mais ce sont simplement des martyrs du Christ !
        « Ce sont des martyrs qui sont tombé ?, non pas mille à la fois, mais au moins trente mille, avec leurs prêtres et leurs religieuse. Ce sont cent soixante églises, élevées par la charité, qui ont été brûlées ; nous concevons que le bal recule sur ce terrain ; le diable se refuse à organiser le cotillon. »
  53. Ce sont tout à fait les mœurs du Directoire, avec l’hypocrisie religieuse en plus, et en moins le tempérament, la vitalité débordante d’alors, le fier courage des conspirateurs royalistes. Dans son charmant volume la Française du siècle, Octave Uzanne cite un passage de la Journée de Paris, de Riffaut, qui est tout à fait dans la note du jour. Polichinelle raconte ses impressions dans un bal : « Je vis un beau jeune homme et ce beau jeune homme me dit : Ah ! Polichinelle, ils ont tué mon père ! — Ils ont tué votre père, et je tirai mon mouchoir de ma poche lorsqu’il se mit a danser :

    Zigue, zague, don don,
    Un pas de rigaudon »

  54. N’oublions pas le bon Caffola, un Italien, qui, au mois de mai 1884, à Versailles, voyant passer la compagnie du 1er régiment du génie qui reportait, musique en tête, le drapeau du régiment chez le colonel après la parade, insulta le porte-drapeau en s’écriant : « Ces sales Français, sont-ils bêtes de suivre ce chiffon ! »
        Un assistant ayant manifesté son indignation, l’insulteur le frappa au visage et tirait un couteau de sa poche lorsqu’on parvint à l’arrêter.
        Au mois de février 1885, trois Italiens, sans provocation aucune, se jetèrent sur un pauvre conscrit, nommé Christian, qui passait rue de Rivoli, et le tuèrent à coups de couteau.
        Il n’est pas de jour où nos ouvriers français ne soient attaqués par des ouvriers italiens.
  55. France, 14 mars l884.
  56. Si l’on veut se rendre compte de ce que MM. Gauthier de Noyelles et Bonnet entendent par « des gaspillages, » il faut examiner quelques-unes des dépenses d’un des aéronautes. Il se fait allouer une voiture au mois, il déjeune et dîne largement aux frais des cholériques ; il se fait payer 1.500 francs de dettes antérieures à la fête, il compte pour ses aérostats des frais de réparation insensés, il se fait remettre 5.000 francs pour usure des ballons, il distribua de gros pourboires à son personnel, il se fait habiller de neuf, lui et ses lieutenants, il soupe copieusement a Meulan et il y loge, toujours aux dépens des cholériques.
  57. Au mois de février 1885, Daumas fut condamné, par contumace, à cinq ans de prison.
        Comme cette princesse des contes de fées qui ne pouvait dire un mot sans qu’un crapaud lui sortit de la bouche, la République ne peut se mêler à quelque chose sans qu’immédiatement l’escroquerie se produire. On organise une exposition de bébés et l’on fait déposer une somme de quarante sous à chaque parent ; l’exposition est interdite, on refuse de rendre l’argent que se sont partagé les organisateurs. Notez que cette escroquerie a une apparence presque officielle, puisque les bureaux étaient installés au Pavillon de la Ville aux Champs Elysées. Le Pavillon de nos conseillers municipaux couvrait, cette fois encore, une bien vilaine marchandise.
  58. Les expositions, très intelligemment comprises et organisées avec beaucoup de soin, suffisaient presque à faire vivre l’Union. La première exposition dont se soit occupé M. Proust s’est soldée par un déficit de 80.000 francs.
  59. (1) Rien n’est curieux comme l’attitude des journaux en cette circonstance. Dans le premier moment le journaliste, obéissant à un élan d’honnêteté, flétrit cette loterie. Quelque temps après, l’homme d’argent du journal intervient. Quoi de plus significatif sous ce rapport que le revirement imposé au Voltaire par le fils Ménier ? Le journal commence par s’élever contre l’abus de ces loteries où les frais de bureau mangent presque toujours la plus grosse part des bénéfices, et, deux mois après, il déclare qu’il entend concourir de toutes ses forces à la réussite de l’entreprise de Proust.
  60. Voir à ce sujet, dans la Nouvelle Presse des 8, 9, 11 août 1881 et jours suivants les articles de M. Marius Vachon qui sont un véritable réquisitoire. Voir aussi à la même époque, le Petit Journal, le Matin, le XIXe Siècle, et particulièrement le Courrier de l’Art du 6 et du 27 mars 1885 qui porte contre Proust, avec preuves à l’appui, des accusations d’une telle gravité qu’on ne comprend pas que le parquet ne se soit pas ému.
  61. Voir à ce sujet le Courrier de l’Art du 17 février 1885, qui résume la question et qui reproduit des lettres de peintres hollandais reconnaissant que ces tableaux n’ont aucune valeur. Il y a des détails d’un comique achevé.
  62. Les petites coupures vendues cinq centimes élevaient à cinq francs le prix d’un billet font la valeur, on l’a vu, est de trois sous.
  63. Au mois d’octobre 1884, on annonce la mise en vente, à Paris, d’une magnifique collection de tableaux appartenant a un Américain. Les caisses arrivent, on les ouvre et on s’aperçoit avec stupéfaction que tous les tableaux sont faux et qu’aucune signature n’est authentique.
  64. Dans un article, sous forme de lettre, publié dans le Moniteur universel, M. Germain Bapst, sous le nom de M. Josse, a donné une spirituelle leçon à Antonin Proust, qui avait choisi, comme frontispice de la Revue des Arts décoratifs, un miroir qu’il s’imaginait dater de la Renaissance, et avoir appartenu à Louise de Vaudemont, et qui est absolument moderne. Jamais on n’a mis plus finement en relief l’ignorance de nos traitants, et aussi l’importance du rôle du parasite et de l’entremetteur, la souffrance de nos ouvriers qui, exploités par les Juifs, voient attribuer aux artistes du passé leurs plus belles créations.
        « Le miroir fameux n’est pas du seizième siècle — Il n’a jamais appartenu a une reine de France — c’est l’œuvre d’un brave et honnête ciseleur, nommé Legros, qui le fit vers 1863, en s’inspirant des dessins publiés par Reiber dans les premières années de l’Art pour tous. — Legros cherchait inutilement de l’ouvrage chez les orfèvres ou les bronziers de Paris ; il employa ses loisirs à ce travail et le céda pour 1.690 Francs à un marchand juif ; le chiffre est rigoureusement exact. Legros est le plus honnête homme du monde et ne peut être ici ni accusé, ni soupçonné d’avoir aidé au trafic du Juif ; il s’en fut en Angleterre avec cet argent, trouva du travail à Birmingham dans la maison Eikington, par où sont passés tant d’artistes français, et c’est de la qu’un autre artiste français, M. Wills, m’adressa Legros quand celui-ci revint en France, il j a trois ans au plus.
        « Legros sait l’histoire de son cadre, il n’en est pas plus vaniteux ; il sourit de la naïveté des amateurs qui payent cent mille francs l’œuvre, quand elle n’est pas signée, et n’en offriraient pas deux mille s’il y mettait son nom. Legros vit pauvrement et philosophiquement d’une maigre journée ; j’ai voulu prendre son avis avant de le nommer, et il m’a autorisé à vous dire ce que jusqu’ici il avait eu l’héroïque modestie de taire. »
  65. Ces vases, fabriqués par un arabe du nom de Selim et Qâri représentaient des bonshommes analogues à ceux de la foire au pain d’épice. L’argile était absolument identique à celle qu’emploient chaque jour les potiers de Jérusalem. « On voyait encore, dit M. Clermont-Ganneau, sous l’une des faces des petits disques de terre cuite dont plusieurs vases étaient remplis et qu’on a pris pour des monnaies et des tessères, l’empreinte de la trame du linge sur laquelle la pâte molle avait été déposée pour être découpée en rondelles. »
        Voir les Fraudes archéologiques en Palestine, de M. Clermont-Ganneau, qui est un des livres les plus amusants de ce temps-ci.
  66. Le faussaire avait pris simplement un de ces grands rouleaux rituels de synagogue, contenant un texte biblique en caractères hébreux carrés, qui remontent à deux ou trois siècles ; il en avait découpé les marges inférieures, il avait saucé ces bandelettes de cuir dans de l’huile de bitume et d’autres ingrédients. Puis il avait transcrit sur ces bandes, à l’aide du qalam, le roseau dont on se sert encore en Orient pour écrire, des passages du Deutéronome que les savants anglais déchiffraient avec un soin pieux lorsque M. Clermont-Ganneau vint leur montrer la fraude.
  67. Courses au bois de Boulogne, dimanche 5 octobre 1884.
  68. Au mois d’octobre 1884, l’indignation fut si vive, les plaintes si nombreuses, qu’on se décida à fermer le Cercle des Arts libéraux fondé par Devries et quelques établissements du même ordre, mais ils se sont reconstitués sous d’autres noms. C’est Leconte qu’il eût fallu poursuivre, pour donner l’exemple. En une seule année, le produit de la cagnotte du Cercle des Arts libéraux s’était élevé à quatorze cent mille francs, ce qui, a dix pour cent, donne une somme de quatorze millions mis en banque.
        Le Cercle de la Franc-Maçonnerie fut naturellement respecté. On laissa subsister en outre : le Cercle central, le Hunting-Club, le Cercle des Arts-Réunis, le Cercle de l’Escrime, le Cercle de la Presse, le Cercle artistique de la Seine, le Cercle Washington et le Cercle Français.
        La cagnotte quotidienne de ces neuf établissements est de 69,800 francs.
        Le Cercle de l’Escrime, auquel Camescasse n’a pas touché, est fortement appuyé par des hommes d’état républicains qui trouvent là le déjeuner et le dîner : il a pour président un nommé Etienne Junca, Juif, je crois, d’origine, et qui a été décoré comme homme de lettres, ce qui est bien flatteur pour les écrivains et même pour les militaires qui ont gagné leur croix, non dans les claque-dents, mais sur les champs de bataille.
        M. Laisant a raconté, dans son journal la République radicale, qu’au mois de décembre 1884, un Juif, nommé Goldsmith, ayant braqué son revolver sur deux autres joueurs, ceux-ci avaient fait immédiatement le même mouvement. Ce sont tout à fait les mœurs des Haciendas du Mexique et des maisons de jeu de San-Francisco.
        Il se produit, d’ailleurs, presque chaque jour, dans ce Cercle protégé par la police, des scènes inénarrables. Ce fut à la suite d’une séance du Conseil d’administration, qui avait été véritablement épique, que le garçon dit à un des assistants qui venait se laver les mains au lavabo ce mot étonnant :
        — Que se passe-t-il donc, monsieur ? Jamais on n’a volé tant de savon qu’aujourd’hui.
  69. Figaro, février 1884.
  70. Matin, 11 octobre 1884.
  71. Les suicides qui se produisent chaque jour à la suite des pertes subies dans les Cercles, suicide de M. de Riencourit, suicide de M. Wlasoff, etc., sont, on le comprend, des occasions ardemment désirées et avidement saisies de prélever un neuveau tribut en prétextant l’indignation publique.
        Parmi les innombrables victimes de la complaisance que la police a pour certaines maisons de jeu, signalons M. Raby, qui avait fait ses preuves de courage et reçu une médaille de sauvetage pour avoir arraché deux personnes à la mort, et qui, après avoir tout perdu dans les Cercles, se tua au mois de juillet 1885.
  72. Les Cercles, placés sous le patronage des représentants de la nation, ont remplacé les carrières d’Amérique. M. Andrieux a raconté, dans ses Souvenirs, que la première personne qu’un commissaire de police envoyé par lui rencontra, dans un Cercle autorisé, fût un repris de justice endormi sur une banquette. « Ne sachant où trouver un abri, cette victime de la justice humaine était venu chercher, dans les salons de jeu, un gîte hospitalier. Le Cercle était d’ailleurs présidé par un député. »
  73. Le gérant de ce Cercle était un Juif nommé Landau, un personnage à aventures bruyantes, comme tous ceux de sa race, qui se suicida après des pertes d’argent et des peines de cœur que les journaux boulevardiers racontèrent tout en long. Il fut remplacé par deux autres Juifs, les frères Khan, autrefois directeurs du Cercle de Paris, rue Laffitte.
        Un député radical de Seine-et-Oise, ancien avocat général, M. Vergoin, prit la succession de Lepère, comme président. Il n’avait d’autre but déclara-t-il ingénument « que de se faire de belles relation. » La première rencontre qu’il fit, dans cet endroit distingué, fut celle d’un gentleman qui lui confia que les croupiers venaient de lui proposer de lui remettre un certain nombre de portées toutes préparées, des biscuits, comme on dit, qui lui auraient permis de prendre la banque à coup sûr. Vergoin craignit sans doute que les relations qu’il se ferait là ne fussent un peu mêlées et donna sa démission. Remarques, encore une fois, au point de vue du chemin parcouru, depuis 1870, de l’accoutumance, que le fait pour un ancien magistrat, pour on représentant du peuple, d’accepter la présidence d’un tripot, ne choque personne ; cela paraît tout naturel.
  74. Figaro du 2 mars 1884. Voir aussi le Pot de Vin Arrazat, Gaulois du 25 février 1884, récit très circonstancié et qui n’a été que très insuffisamment démenti par des négociants de Lodève, la légendaire affaire des Bollandistes et enfin l’affaire Arens-Peraldi.
  75. Même dans ces babioles, se révèle le caractère infécond et destructeur de la civilisation juive qui pompe sans cesse le bon argent pour le changer en chiffons, en chiffons de papier quand il s’agit d’affaires financières, en chiffons de soie quand il s’agit de toilette. Dans les objets, en apparence les plus futiles, la civilisation ancienne était conservatrice, elle créait des choses de durée. Les robes de grandes dames de la Cour de Louis XIV, les belles robes lamées d’argent des mariées bressanes ont aujourd’hui, quand par hasard on en découvre, le prix qu’elles avaient autrefois. Une robe de couturier célèbre va au Temple presque de suite, passe du dos d’une femme du monde sur le dos d’une fille et n’existe plut au bout d’un an.
  76. L’œuvre des Cercles catholiques seule s’est préoccupée de cette question et le Contrôle hebdomadaire, qui signale tout ce qui se produit d’intéressant dans la question ouvrière, a reproduit, dans le n° du 8 juillet 1885, une lettre adressée au journal le Matin sur ce sujet. « Je puis vous citer, dit l’auteur de cette lettre, telle couturière de la rue de Rivoli qui a près de quarante femmes ou jeunes filles dans nos seule chambre aérée par une seule fenêtre. Les personnes les plus fortes et les mieux nourries ne tarderaient pas à tomber malades dans une pareille atmosphère. Combien plus vite encore s’étiolent, s’affaiblissent et souvent meurent, des enfants assez mal nourries en général, puisque celles qui n’apportent pas avec elles leur petit déjeuner sont obligées d’aller manger à la gargotte !
        En outre, et c’est sur ce point que j’appelle votre attention encore plus spécialement, on fait veiller ces jeunes filles et ces jeunes femmes jusqu’à neuf heures, dix heures, souvent minuit ! Alors ce n’est plus leur déjeuner, c’est leur dîner qu’elles prennent a la gargotte et comme souvent elles n’en ont pas les moyens, elles mangent un morceau de pain et dînent en rentrant chez elles. Or, comme elles demeurent loin de la maison où elles travaillent, toutes sans exception, elles mangent à onze heures du soir ou à minuit passé, et se couchent la-dessus, mortes de fatigue, digérant mal, et en peu d’années, pour ne bas dire en quelques mois, s’abîment complètement la santé. »
        L’auteur de cette lettre termine en disant :
        « Si nos conseillers socialistes s’occupaient un peu de leur affaire au lieu de débaptiser les rues et de faire de la politique, ils obtiendraient facilement une organisation comme celle qui régit les ateliers de femmes en Angleterre. »
        Le rédacteur chargé du Contrôle aurait dû ajouter : « Si les grandes dames qui affichent bruyamment des sentiments charitables, pour avoir l’occasion de s’habiller en Japonaises, avaient véritablement un cœur chrétien, elles auraient vite fait disparaître ces abus ; il leur suffirait de constituer un comité chargé de mettre en interdit les maisons, pour la plupart juives, où l’on exploite ainsi des créatures humaines. »
  77. Le Télégraphe du 30 juin 1885 a publié une partie de cette liste.
  78. Voir, dans le Cri du Peuple du 4 juillet 1885, quelques renseignements sur l’exploitation des malheureux ouvriers par cet insulteur de l’Église qui eut, comme protecteur, dans le monde aristocratique, un ancien rédacteur en chef de l’Union. C’est une clarté de plus sur cette secte maçonnique, qui est tout à fait diabolique dans sa double obstination à enlever au prolétaire à la foi le pain moral et le pain matériel. Deux ouvriers avaient exécuté au rabais une grande cheminée antique et, n’y trouvant pas leur compte, demandaient qu’on les indemnisât du temps qu’ils avaient passé à ce travail en dehors de leur prévision. — Qu’a cela ne tienne, répondit le vengeur d’Hiram, payez-moi la note et les fournitures, et la cheminée est a vous. Vous irez vous-même la vendre au faubourg. Ces pauvres gens, dont la paye était attendue à la maison et auxquels on demandait de débourser un millier de francs, n’eurent même pas la force de répondre.
        Le Franc-Maçon leur fit généreusement cadeau, cependant, par-dessus le marché, de ses derniers ouvrages : La franc-Maçonnerie et le principe républicain et Les Sept Lumières maçonniques.
  79. Au banquet d’adieux des Cercles catholiques ouvriers, ce douloureux rapprochement fournit an comte Albert de Mun le motif d’un de ses plus beaux mouvements oratoires. L’orateur, interrompu par les applaudissements, fut plus de cinq minutes sans pouvoir reprendre la parole. Les huées, les lazzis, les plaisanteries méprisantes tombèrent naturellement comme la grêle sur ces détraqués qui avaient donné ainsi, en public, le spectacle de leur ignominie ou plutôt de leur bêtise. Citons, comme échantillon, la conversation de l’Echo de Paris, qu’un courageux journal catholique, le Pèlerin, plaça comme légende au-dessous d’au dessin reproduisant une scène de bal.
        La duchesse de Bauséant présente le baron des Argousses à la marquise de Cassenoisette.
        Le baron :
        — C’est singulier, madame la marquise, il me semble avoir déjà avoir déjà eu l’honneur de vous rencontrer ?…
        — En effet, baron, au bal de la princesse de Sagan. J’était en punaise.
        — Eh quoi ! cette délicieuse punaise, c’était vous !
        — Et vous ne me reconnaissiez pas, ingrat ?
        — Je vous présente mes excuses !
        — Vous étiez en cochon de lait !
        — Parfaitement.
        — Et votre sœur ?
        — En rat d’égout.
        — Charmant ! charmant !
  80. Gaulois, 31 mai 1884.
  81. L’amour des Juifs, d’ailleurs, est très développé dans cette famille. C’est une parente de la comtesse Aimery — si ce n’est la comtesse elle-même — qui faillit se noyer par amour de la Juiverie. Elle était dans sa villa du lac de Genève, lorsqu’on lui annonça que la baronne de Rothschild venait de Preigy la voir dans son bateau à vapeur. Transportée par l’honneur d’une telle visite, la comtesse s’élance, renverse tout sur son passage ; sur la passerelle qui conduit au bateau, elle veut prendre les trois temps de la révérence comme à Versailles, elle chavire, elle tombe à l’eau, et les Juifs se livrent, à propos de cette chute, à des plaisanteries d’un goût douteux.
  82. Il y a des exceptions, cependant, mais elles « produisent tonjours en faveur des Israélites. Le Juif, flatteur, insinuant, cajoleur, endort le patricien, le berce doucement ; le Français, qui lui dirait franchement la vérité, qui lui apporterait l’écho de la vie, le déconcerterait, la troublerait, le réveillerait.
        Le duc de Chaulnes, dont la mère a été abreuvée d’outrages par la presse juive, fut le dévoué protecteur d’Eugène Müntz, dont nous parlions tout à l’heure ; il l’aida à continuer ses travaux et la veille de sa mort, il prit, par une touchante prévoyance, les dispositions nécessaires pour assurer la publication du volume qui a pour titre La Renaissance en Italie et en France à l’époque de Charles VIII.
        M. Müntz, du reste, a rendu un juste hommage au duc de Chaulnes et c’est plaisir que de voir apparaître, en quelques pages de son introduction, cette bienveillante figure de grand seigueur curieux de tout, s’intéressant à tout, venant avec des béquilles, après avoir été grièvement blessé à Coulmiers, passer ses examens de droit à Poitier, étudiant les questions ouvrières, publiant un remarquable travail sur les sculptures connues sous le nom de Saints de Solesmes.
       Les Montesquiou, également, aidèrent beaucoup le célèbre médecin Worms à ses débuts, mais aucun grand seigneur, encore une fois, ne ferait pour un chrétien ce qu’il fait pour un Juif qui sait l’entortiller, le prendre.
  83. An mois d’avril 1885, nous voyons le pauvre homme, toujours cornaqué par Meyer, assister au bal donné par le Conseil mnuicipal à l’Hôtel de Ville. Le chef des droites, comme on dit, parade à côté de la baronne d’Ange, à laquelle un conseiller municipal fait ouvrir avant l’heure les portes du salon où l’on soupe ; il échange des poignées de main avec tous ces conseillers qui ont chassé les Sœurs des hopitaux, arraché la croix des cimetières, persécuté de la plus sale et de la plus ignominieuse façon tout ce que les honnêtes gêns respectent. Franchement, était-ce là la place du duc de la Rochefoucauld- Bisaccia ?
        Tout est faux, d’ailleurs, dans ce personnage de vitrine. A la Chambre, il appelle le 14 juillet « la fête de l’assassinat » et ce jour-là, il fait illuminer le Jockey-Club, dont il est président. Si c’est la fête de l’assassinat, pourquoi illuminez-vous  ? Si c’est une fête nationale, pourquoi l’appelez-vous « la fête de l’assassinat ? »
  84. Pour comprendre ce qu’une pareille association a de significatif au point de vue des mœurs d’une époque, il faut lire le Druide, un roman à clef, de la comtesse de Martel, qui nous initie à ce qui se passe dans l’intérieur du Gaulois. Il y a de tout là-dedans, la tentative d’assassinat par le vitriol, le proxénétisme, le chantage. Nous apprenons là que c’est une fille, ancienne actrice aux Variétés, qui rédige le courrier mondain et enseigne aux femmes du faubourg Saint-Germain comment il faut se tenir à l’église ! Voilà où en est arrivée une certaine aristocratie, l’aristocratie du plaisir.
        Comme complément du Druide, on peut lire également le discour prononcé par Mayer, au mois d’août 1885, au régates d’Evian. Meyer y appelle tout le temps le prince Brancovan « mon cher ami, » et il prend Bartholony à témoin de ses paroles : « n’est-ce pas, mon cher Bartholony ? » Dire que j’ai quitté la campague, par une merveilleuse journée d’été, exprès pour voter pour ce protestant, ami de Mayer, qui se prétendait conservateur !
  85. En Hongrie, du reste, quelques journaux catholiques, comme la Semaine religieuse et le Catholicus Galad, sont également dirigés par des Juifs.
  86. C’est lui qui écrivait au moment des débuts d’une actrice pauvre, qui l’avait prié d’attendre un peu pour le payement de la subvention : « Mlle X… promet beaucoup, nous verrons si elle tiendra. »
  87. Journal officiel du 1 juillet 1879.
        Mayer prétendit n’avoir reçu que vingt-cinq mille francs, qui lui auraient été donnés, sur une somme de deux millions destinés à être distribués à la presse de toute nuance, pour soutenir les intérêts égyptiens.
        Un jury d’honneur réuni affirma que cette allégation peu flatteuse, d’ailleurs, pour la presse, était fausse. Voici sa déclaration : « Il résulte des faits que les vingt-cinq mille francs que M. Mayer reconnaît avoir reçus ont été versés, non par un syndicat financier et pour frais de publicité dans les affaires égyptiennes, mais pour une cause sur laquelle M. Mayer n’a pu donner aucune explication satisfaisante. »
  88. Un Salomon Rappaport, né à Lamberg en 1790, fut un des rabbins les plus renommés d’Allemagne, il traduisit eu hébreu l’Esther de Racine. Le 9 juin 1860, les Juifs allemands célébrèrent en grande pompe le 70eme anniversaire de sa naissance.
  89. Lanterne, numéros de mai 1883, passim.
  90. Lanterne du 27 octobre 1885.
  91. Ce prétendu réformateur de l’Humanité semble, d’ailleurs, avoir toujours vécu de pair à compagnon avec tout ce qu’il y a de suspect à Paris. Il parait, c’est Wolff lui-même qui nous apprend le fait dans le Figaro du 31 octobre 1885, que le pseudonyme de Méphistophéles était jadis un pseudonyme commun au premier Élu de Paris et au Juif prussien. « C’était Lockroy, dit Wolff, dans son langage toujours distingué, qui opérait sous ce pseudonyme en collaboration avec moi. » Wolff ne veut pas se montrer ingrat envers quelqu’un qui a opéré avec lui. Devinez à qui il compare le petit Bobèche boulevardier ? Au neveu du grand Empereur, à l’héritier du nom de Napoléon. « On a trouvé pour lui une dénomination particulière, comme jadis on a fait pour désigner Louis Napoléon, qui n’était pas un simple Président de la République ; on l’appelait le Prince-Président. » Tous ces détails, qui passent inaperçus devant le grossier public d’aujourd’hui, auront de la saveur plus tard, pour remettre les hommes du jour a leur point, pour voir par qui nous avons été gouvernés.
  92. Dans un article du 26 novembre 1884, Ignotus comparait Anatole de la Forge, le membre servile d’une majorité complaisante, à Charette ! Voilà où un écrivain d’une incontestable valeur peut en arriver quand il laisse, comme dit Montaigne : « Hypothéquer la liberté de son esprit, » quand il ne veut pas rompre avec la convention, quand il s’occupe du jugement du boulevard au lieu de penser résolûment par lui-même. Je crois qu’au fond le vrai modèle d’Anatole de la Forge, c’est le capitaine Bravida. Vous savez, ce capitaine qui retroussait sans cesse des moustaches formidables et qui s’écriait d’une voix tonnante : « Je suis Bravida, capitaine d’habillement ! »
  93. A la date du 14 octobre 1884, Anatole de la Forge écrivait à Eugène Mayer :
    « Mon cher Mayer,

    « Vos deux articles dans la Lanterne d’hier, à propos de la distribution des prix du premier concours régional de tir, font le plus grand honneur à votre caractère. Ils ne me surprennent pas, parce que je sais que vous êtes un ferme républicain et un ardent patriote.

    « À vous de cœur,
    « Votre vieil ami,
    « Anatole de la Forge. »

    Ce gentilhomme, du reste, parait tout à fait affilié à la bande juive. Nous le voyons protester contre l’envoi de l’Anti-sémitique, que son devoir était de lire comme député, pour se mettre au courant d’une des questions les plus importantes de l’époque. Au moi d’octobre 1884, quand il rend compte de son mandat à ses électeurs, au Grand-Orient, il a deux. Juifs pour assesseurs, Blocb et Hirsch.

  94. Inutile de faire observer que M. Jouvin, qui est ou écrivain fort honorable, ne figure là que comme gérant.
  95. C’est là le signe du Juif. Nos ouvriers souffrent littéralement la faim ; il n’est pas de jour où vous ne soyez accosté par un homme, dont la physionomie est honnête malgré les haillons qui le couvrent ; il vous dit, en vous tendant la main : « Je vous donne ma parole que c’est te première fois que cela m’arrive, regardez mon livret, je vous en prie, et tous constaterai que j’ai toujours travaillé. » Les Juifs de Paris nous ont décidés, à force de lamentations, à faire quand même une place à ce foyer en ruines aux Israélites de Russie. Savez-vous à quoi ces étrangers consacrent le premier argent gagné par eux en France ? A applaudir à l’assassinat d’un Français ! Ces gens, sur lesquels les Rothschild ont voulu nous attendrir en prétendant qu’ils avaient été l’objet de violences, ne sont pas encore assis qu’ils approuvent chaleureusement la plus criminelle des violences. Mous avons tous pu lire, dans le Cri du Peuple du 16 février 1886, cette mention significative :
        La société des ouvriers Israélites-russes, résidents à Paris, envoie avec son obole, l’expression de sa vive sympathie aux justiciers de Decazeville et aux grévistes de Saint-Quentin.
  96. Gaulois du 9 ami 1884.
  97. Un grand chrétien qui, après avoir été un soldat intrépide est devenu un orateur de premier ordre, nous racontait l’impression qu’il avait éprouvée en entendent le souvenir du général Boum évoqué tout à coup en 1870 dans la retraite de Saint-Avold sur Metz. On cheminait la nuit, dans la tristesse de la défaite présente, avec l’appréhension du désastre qu’on sentait venir. Les têtes de colonne des régiments se confondaient avec l’état-major des généraux. Soudain, un vieux colonel, qui ne décolérait pas depuis le commencement de la campagne, se mit a parler des Juifs, d’Halévy, d’Offenbach, de la Grande Duchesse, à maudire les histrions et les railleurs qui avaient apprit à la France à mépriser le drapeau. Quelle réponse au choix de l’Académie que cette conversation sur le chemin de Metz ! Cette marche, du reste, a frappé profondément tous ceux qui étaient là. Il en est question dans le journal du siège de Metz, que le peintre Protais a rédigé et qu’il ne veut pas publier encore. Le court fragment, que l’auteur a bien voulu nous communiquer, est vraiment saisissant :
        « Nous partons. La nuit est grise. De grands nuages courent sur le ciel blafard. La lune est entièrement voilée. Par moments tombe une petite pluie fine et froide. Nous suivons au pas, silencieux, encapuchonnés dans nos manteaux, la route de Metz, bordée de grands peupliers, qui profilent leur longue silhouette noire sur le ciel. Pas d’autre bruit que le son mat des fers de nos chevaux sur le sol mouillé. À notre gauche, au loin, les lueurs pâles des feux du bivouacs. Pas une parole, pas un geste ; de temps à autre un cheval qui butte. Nous marchons ainsi, chacun absorbé dans ses propres pensées. Je ne sais quel est mon voisin. C’est vraiment sinistre. Nous traversons un village ; les pieds des chevaux résonnent sur le pavé. Quelques fenêtres s’éclairent, s’ouvrent, et une ou deux figures inquiètes regardent passer cette sombre file de cavaliers. Nous passons et nous voici de nouveau sur la route. Les feux ne sont plus que de vagues blancheurs bien au loin. Je me sent profondément triste, je pense à ceux de nous qui vont peut-être mourir. Cette nuit semble ne jamais devoir finir. Le jour paraît enfin, sans soleil, gris, morne, glacial, mais c’est le jour ! On se ranime ; on se rapproche un peu les uns les autres. La pluie a cessé. On allume cigares et cigarettes, et l’on cause à voix basse comme si nous craignions de troubler le repos de ce pays malade. Devant nous marchent les généraux muets. Les nouvelles sont mauvaises. Loin d’être vainqueur, le maréchal Mac-Mahon serait en pleine déroule, mais on ne sait rien positivement.
  98. (1) Les auteurs dramatiques ont du moins pour excuses qu’ils votaient pour un des leurs, mais que penser d’un homme de la valeur et du caractère du duc de Broglie, qui était maître de l’élection ? On l’avait laissé libre, par déférence, de choisir celui qui serait ehargé de faire l’èloge de son beau-frère, le comte d’Haussonville, et ce chrétien sincère, cet écrivain éminent, a écarté des candidats comme M. Oscar la Vallée ; il a tenu à ce que cette oraison funèbre fut prononcée par un bouffon de bas étage, qui avait tourné en ridicule tout ce qui fait l’honneur d’une nation.
  99. Nous retrouvons là l’éternelle race des affranchis, insolents à l’occasion contre le pauvre, contre celui qu’ils croient faible, contre ceux qui refusent de plier le genou devant les idoles et toujours prêts à entonner les litanies pour le divin Empereur ou le divin Marat.
        « Claude Auguste, vous êtes le modèle des frères, des pères, des amis, des sénateurs et des princes (quatre vingt fois) ; Claude Auguste, délivrez nous d’Auréolus (cinq fois) ; Claude Auguste, délivrez-nous de Zénobie et de Victoria (sept fois) ; Claude Auguste, que Tetricus ne soit rien (sept fois). »
        À ces litanies Claude le Gothique, que Trebéllius Pollion nous a conservé, répondent les litanies en l’honneur de Marat : l’ami du peuple, — Marat, la consolation des affligés, — Marat, le père des malheureux, — ayez pitié de nous ! »
        C’est Anatole de La Forge déshonorant, par son exaxération dans l’adulation, notre cher et glorieux Victor Hugo, et qu’un républicain, moins servile que les autres, cingle au visage de ce mot méprisant : « Pas de surenchère ! »
        C’est Renan, écrivant quelque temps auparavant : « Qu’on se figure un homme a peu près aussi sensé que les héros de Victor Hugo, un personnage de mardi-Gras, un mélange de fou, de Jocrisse et d’acteur », et tout à coup déclarant, pour plaire à la foule, que « Victor Hugo a été créé par un décret nominatif de la Providence, tandis que les autres hommes n’ont été créés que par un décret collectif. » Ce mot, d’ailleurs, est inestimable ; c’est un mot lapidaire, un mot en retard, un vrai mot de sénateur du temps de la Rome impériale.
  100. L’élection d’Eugène Manuel, qui se présentait en même temps qu’Halévy, n’est que différée. Après lui viendra Willimn Busnach, qui a mis au théâtre l’Assommoir et Nana. Eugène Manuel, inspecteur général de l’Université, n’a rien écrit, du moins, pour railler notre armée ou corrompre notre pays. C’est ce qui explique qu’on lui ait préféré Halévy. C’est le petit-fils d’Israël Lovy qui fut hazan à la synagogue de la rue de la Victoire et qui, dit-on, possédait une voix agréable ; il était né aux environs de Dantzick.
  101. Ce Schurmann ne fut pas heureux dans son expédition et ses doléances ont retenti dans tous les journaux. Les alcades qui, malgré l’invasion juive dans les grandes villes, out encore du vrai sang d’Espagnol dans les veines, le mirent prestement en prison, rien que sur sa mine, et il fallut que l’ambassadeur de France intervînt pour le délivrer, ce à quoi, vous le supposez bien, il s’employa avec un zèle sans égal.
  102. Comme contraste aux airs ridiculement prudes que prend vis-à-vis des Français et des Françaises la société parisienne qui s’ouvre toute grande devant des femmes qui ont débuté dans les fossés da Mayence ou de Cracovie, j’ai noté déjà (livre Ier) le cordial accueil que font les Juifs arrivés à la bohême artistique de leur race. Rien de significatif comme le repas d’apparat que donna, au mois de février 1885, Alfred de Rothschild, de Londres, à Mayer l’impressario, à Mme Hading et à Koning. Vous voyez d’ici le petit Konig, le Koning du Diogène et de Castellano. Bibi le Juif, assis à côté d’un colonel de horse guards, qui fait admirablement dans le décor. « M. Damala, ajoute le correspondant du Figaro, ne pouvait manquer à la fête ; il était assis entre sir Rivers Wilson et le capitaine Finch ».
  103. Un habitué du salon de la princesse Brancovan me racontait que, lorsque Van Zandt était là, les invités se gênaient, s’observaient et n’osaient pas dire devant ce lis de candeur ce qu’ils auraient dit devant des femmes de leur monde. Quelque insignifiant qu’il soit, ce détail montre bien le côté gobeur, niais, de cette société que les Juifs bernent, comme on bernait autrefois les provinciaux, en leur faisant croire qu’il fallait mettre des gants blancs pour parler à la dame qui tenait le café des Mille Colonnes.
  104. A lire, sur ce sujet, une très piquante étude, parue d’abord dans la Revue politique et littéraire, et publiée ensuite en volumes chez Hetzel les Autographes de Crémieux. Rachel n’avait pas la moindre notion de l’orthographe, c’était Crémieux qui lui servait de secrétaire. Rachel adressait à Crémieux un brouillon informe, écrit en style de cuisinière, et celui-ci lui envoyait un petit chef d’œuvre de grâce et d’esprit que Rachel n’avait qu’à recopier. N’est-ce pas gentil cet avocat occupé sans relâche, dont le cabinet est envahi depuis le matin jusqu’au soir et qui trouve le temps de rendre d’une manière assidue un service, subalterne en apparence, mais qui a, à ses yeux, l’avantage de grandir une coreligionaire ? Citez-moi donc un catholique qui en ferait autant ? En revanche Rachel aurait appris, dans le lit d’un prince ou d’un homme d’Etat, une nouvelle intéressante pour la politique européenne, qu’elle en aurait immédiatement prévenu Crémieux. Voilà comment les Juifs sont toujours admirablement informés, ils s’aident entre-eux.
  105. Le Lecho dodi fut composé par Jehuda ben Halévy, le célébre rabbin de Tolède. Lire à ce sujet le petit poème exquis, à la fois atendri et railleur, que Henri Heine a écrit sur ce sujet et où il évoque la figure de quelques poètes juifs du Moyen-Age à propos des Cours d’amour :
        « Le héros que nous chantons, Jehuda ben Halévy, avait donc aussi une dame de ses pensées, mais celle-là était d’espèce particulière.
        Ce n’était pas une Laure dont les yeux, astres mortels, avaient illuminé le jour du Vendredi-Saint, dans le Dôme, un illustre incendie ;
        Ce n’était pas une châtelaine qui, dans l’éclatante parure de la jeunesse, présidait aux tournois et décernait la couronne de laurier.
        Ce n’était pas une casuiste de la jurisprudence des baisers, ni une doctrinaire qui, dans une Cour d’amour, professait sentencieusement ;
        Celle que le rabbin aimait était une pauvre petite bien-aimée, triste et douloureuse image de ruines, et elle s’appelait Jérusalem. »
  106. Il contient de reconnaitre la noble attitude de Victor Hugo qui se souvenait parfois, malgré les promiscuités auxquelles il se prêtait, qu’il était fils d’un soldat. On lui avait annoncé la visite de Grant, le président-agioteur dont la langue, on le sait, est tombée pourrie, sans doute de toutes les injures qu’il avait vomies contre nous en 1870 : « Que M. Mac-Mahon le reçoive, s’il le veut, disait un jour le poête devant nous, s’il se présente ici, je le fais jeter à la porte ! » Qui ne sa rappelle, dans l’Année terrible, là pièce intitulée Bancroft, et surtout le Message de Grant :

    … Ah ! sois maudit, malheureux qui mêlas
    Sur le fier pavillon qu’un vent des cieux secoue
    Aux gouttes de lumière une tache de boue !

  107. Un journal avait raconté, pour préparer cette rentrée, qu’à Lisbonne, Mme Fidès-Devriès avait été rappelée cent douze fois en une seule soirée, ce qui, au dire de nos confrères, aurait représenté, rien que pour le trajet des coulisses à la scène, une marche de six kilomètres. Voilà ce que lea Barnums juifs font avaler à ce Paris qui mit jadis une perception si prompte et si fine de tout ce qui était ridicule et grossier !
  108. Figaro, 6 mai 1883.
  109. N’oublions pas un joli trait de mœurs. Dans un journal qui lui appartient, le Voltaire, M. Albert Ménier avait chargé un des rédacteurs de flétrir ces grands seigneurs qui déshonoraient leurs ancêtres en s’affublant des oripaux du clown. Quelques mois après, il fondait lui-même un cirque à Neuilly, le Cirque Alberti, et conviait tout Paris à venir le regarder faire la voltige. Ce trait de Bourgeois-Gentilhomme moderne, de Bourgeois-Gentilhomme républicain, n’est-il pas exquis ? Ne prouve-t-il pas une fois de plus quels exemples utiles auraient pu donner les derniers survivants de l’aristocratie, s’ils avaient aimé autre chose que le cabotinage, le jeu et les filles ?
  110. Un mot suffira à caractériser la différence qui sépare le Baron Vampire des Monach. Ollendorff avait demandé un roman à Charnacé et s’était engagé à le publier dans un délai très court ; il rendit cependant son manuscrit à l’auteur du ’Baron Vampire’, en lui disant qu’un rabbin anquel il avait soumis l’ouvrage en avait déclaré la publication impossible. Quand les Monach parurent, Charnacè s’étonna qu’Ollendorff éditât un volume sur un sujet semblable, après avoir refusé le Baron Vampire : « Oh ! ce n’est pas la même chose ! le rabbin auquel j’ai montré les Monach m’a déclaré que ce livre était très flatteur pour les Juifs. »
        Je ne blâme pas, bien entendu, Ollendorff de s’être adressé à un prêtre de sa religion. J’ai consulté moi-même cet ecclésiastiques sur mon livre, pour savoir s’il ne contenait pas d’erreurs théologiques. S’il s’en était glissé une par hasard, je prie les membres du clergé de vouloir bien me la signaler.
  111. Voici, d’après les journaux, le bilan d’une semaine de janvier 1886 :
        Paris : Assassinat de Mme Laplaigne, marchande de vins, rue Beaubourg ; assassinat de H. Barrême, préfet de l’Eure ; assassinat de Marie Aguétan, rue Caumartin ; tentative criminelle, 103, rue du Poleau, ou le nommé Victor Bocqueteau blesse grièvement à coups de canne sa femme et sa belle-mère ; à Clichy, Victor Arynthe frappe sa tante de deux coups de couteau, puis se suicide en absorbant de l’acide sulfurique.
        Départements : A Viry-sur-Mont (Somme), le sieur Jacques-François tue, à coups de serpe, Mme veuve Piedocq et sa fille ; à Horgny (Somme), Basset (Alexandre), manouvrier, âgé de cinquante-huit ans, est égorgé au lieu dit la Cavée-d’Horgay ; à Cusey (Haute-Marne), M, Vannier est poignardé par son ouvrier ; à Garnerans (Ain), Mme veuve Ferrand est étranglée dans son domicile de Deboste ; à Beanne, Lamothe, vigneron, se rendant à Dijon, est foudroyé d’un coup de fusil ; au Havre, le sieur Laplaote étrangle sa maitresse, la Belle Nantaise ; à Villeneuve-sur-Lot, le nommé Plasse, détenu à la maison centrale, après avoir jeté du vitriol à la figure du gardien Bonnassie, lui porte plusieurs coups de tranchet ; près de Saint-Valbert (Eure), M. Charles Nardin, garde forestier, est terrassé par un individu qui lui porte à la tête plusieurs coups de couteau.
        Au total, neuf assassinats et cinq tentatives de meurtre en six jours.
  112. La police coûte seize millions de plus qu’en 1869. Sous l’Empire, elle se contentait de 9,332 agents ; elle en emploie aujourd’hui seize mille.
  113. Ces brasseries ont maintenant un journal attitré, Paris nocturne, qui affirme avoir un tirage de six mille exemplaires et se déclare prêt à le prouver. Il donne chaque semaine l’état sanitaire, le prix, les détails particuliers du personnel de chaque établissement. On y lit, par exemple, qu’à la Brasserie du Square « Jeanne est toujours charmante, mais vadrouille à l’excès. Bullier est son bal de prédilection ; elle y va souvent avec son amie Félicie, bonne fille du Brabant, qui est maintenant tout à fait rétablie. » Rachel fait les délices de la Brasserie du Bar. « Par son regard langoureux elle nous invite à venir à ses tables. Comme son amie Valentine, elle est ennemie de la soulographie. » Le journal annonce qu’il va faire admettre dans les principaux bals de Paris une nouvelle polka de Henri Cohen : Paris Nocturne.
        Albert Delpit a publié sur ces brasseries une étude intéressante qui donne bien l’idée de ce que la Franc-Maçonnerie entend par l’éducation :
        « Tout le Quartier-Latin, dit-il, est infesté par les brasseries de femmes. Les collégiens y vont, abandonnant la classe ou l’examen, s’échappant, pour courir après ces prostituées de bas étage. Et j’évoquais les pauvres mères de famille qui croient leur enfant surveillé ! Leur enfant que l’ignominie guette, quand il ne peut pas encore se défendre, et que la curiosité inconsciente du premier âge livre aux entrepreneurs de débauche. Je suis entré successivement dans une demi-douzaine de ces brasseries et partout j’ai vu le même spectacle répugnant. Des femmes amorçant et caressant des collégiens de quinze à dix-huit ans, des êtres pales, flétris et déjà vieillots ! »
        — Ah ! si nous réussissons à fonder la République…, disait un jour Eugène Pelletan à Pontmartin, qui a raconté cette conversation, vous verrez… vous verrez !… son premier soin, son premier bien-fait sera de moraliser la France !
  114. La police, qui a traqué et forcé à disparaître tous ces excentriques innocents, tous ces fantaisistes, tous ces musiciens ambulants qui donnaient à Paris de la couleur et du pittoresque, ne touche pas aux souteneurs ; elle se déclare impuissante vis-à-vis d’eux, pour ne pas avouer qu’elle est complice.
        Qu’on se rappelle les scènes qui se passèrent au Quartier Latin au mois d’avril 1883 ? Quelques étudiants, moins dégénérés que leurs camarades, voulurent accomplir eux-mêmes la besogne dont l’autoritè refusait de se charger. En une soirée, ils eurent débarrassé le quartier de la population aquatique qui l’infestait. Que fit le commissaire de police Schnerb, le Juif allemand, le frère du pornograpbe Schnerb, qui était alors directeur de la Sûreté ? Il se mit à la tête d’une bande de souteneurs et d’agents et se rua sur les étudiants qui, roués de coups, ensanglantés, assommés à coups de casse-tête, durent battre en retraite. En d’autres temps, on se fût indigné du cynisme de cette police, faisant cause commune avec les hommes sans nom qui rançonnent les prostituées. Le sens moral est si complètement oblitéré, qu’on se contente de rire, et d’offrir à Camescasse un cause-tête d’honneur qui amusa beaucoup le préfet et le honteux entourage au milieu duquel il vivait.
  115. Sans comprendre et sans indiquer que cette loi deviendra une véritable loi d’expatriation pour tous ceux, qui déplairont, M. Buffet, cependant, par son seul instinct de vieux légiste, a montré, dans la séance du Sénat du 8 février 1885, ce qu’avait de baroque et d’anormal un projet qui ne fixe ni un lien pour la relégation, ni un délai, ni une condition précise :
        « Le législateur, disait-il, doit définir exactement la peine ou les peines qu’il entend infliger. Or, contestez-vous que la relégation à perpétuité soit une peine, et pensez-vous que cette peine sera sérieusement définie si, dans le système de la commission, le Gouvernement peut, ad libitum, appliquer cette peine de ces deux manières : ou envoyer les récidivistes herser les blés de la Beauce, sarcler les betteraves du Soissonnais ou bien creuser des canaux à la Guyane au milieu des marais pestilentiels de cette colonie ? »
        « On pourrait, ajoutait-il, en s’en tenant à la rédaction de la commission, résumer ainsi le projet de loi : les récidivistes seront, à l’expiration de leur peine, remis à la disposition du Gouvernement, qui les enverra où bon lui semblera et les soumettra discrétionnairement au régime qu’il jugera le plus convenable. »
  116. « Au risque d’être accusé de sensiblerie par le ministre de l’intérieur, disait encore M. Buffet, je n’hésite pas à déclarer que, dans l’intérét sacré de sa défense contre les pires malfaiteurs, la société n’a pas le droit de violer à l’égard de ces êtres dégradés les règles de la justice. »
  117. Consulter les Récidivistes, de Joseph Reinach, dédiés au Franc-Maçon Quentin. Voir aussi la pétition des Francs-Maçons de la loge du Travail et de la Persévérante-Amitié de Paris. « Nous demandons, disent les pétitionnaires, que tout homme ou femme condamné pour la troisième fois, y compris les condamnations antérieures, pour délit de vagabondage ou de vol, soit expatrié à vie dont une colonie pénitentiaire agricole outre-mer. » On sait ce que veut dire ce mot colonie. Comme les hommes du Directoire, les hommes d’aujourd’hui ne tuent pas, ils font mourir. On devine quel outil meurtrier sera une telle loi entre les mains de la magistrature actuelle contre tous ceux qui gêneront les Francs-Maçons et les Juifs.
  118. Dans son numéro du 19 août 1885, la Lanterne juive annonçait, avec des fanfares de triomphe, qu’un moine franciscain arrêté à Briare, venait d’être condamné à trois mois de prison par le tribunal de Gien. Si ce moine, comme il doit le faire pour être fidèle à son vœu, continue à mendier pour les pauvres, il sera condamné de nouveau et il pourra être envoyé à la Guyane. Est-ce là ce qu’ont voulu les catholiques de la Chambre ? Assurément non. Seulement ils n’ont, pour la plupart, aucune idée personnelle ; ils ont vu les journaux du boulevard s’indigner parce que les filles coûtaient plu cher lorsqu’elles avaient à nourrir des souteneurs, et ils se sont formé une opinion là-dessus.
  119. B. Saint-Bonnet : La Restauration française.
  120. Voir l’Enquéte sur la situation des ouvriers et des industries d’art, le Rapport sur les musées et les écoles d’art industriel de M. Marius Vachon, et un volume du même écrivain : La Crise industrielle et artistique en France et en Europe.
  121. « Quand l’Eglise, dit encore Blanc de Saint-Bonnet, nous a mis en garde contre les Juifs, contre l’usure, enfin contre l’abus du commerce, nous n’avons pas voulu l’écouter. Résultats : disette dans les choses utiles, abondance dans les choses superflues, pénurie des masses et ruine, c’est-à-dire paupérisme. »
  122. En 1861, à la suite de l’annexion des communes suburbaines, on comptait à Paris 36,713 ménages fournissant 90,287 indigents.
        En 1877, on constatait une augmentation de 3,153 ménages de plus.
        Aujourd’hui le nombre des malheureux réduits à avoir recourt à la charité publique est de 180,000.
  123. La ruine est générale. La plupart des hauts-fourneaux sont éteints. Les canuts de Lyon, jadis si joyeux, si actifs au travail, se lamentent devant leurs métiers immobiles. Un long cri de détresse arrive de Saint-Etienne, de Montluçon, de Besançon.
        Au mois de février 1885, une enquête officielle, effectuée par le commissaire de l’inscription maritime et le commandant des port de Marseille, constate qu’il y a, dans les ports de cette ville, 43 navires désarmés faute d’emploi, dont 30 vapeurs et 13 voiliers !
        L’immobilisation du matériel est évaluée a quarante millions. Trois cent cinquante individus ont été débarqués, la plupart matelots et chauffeurs.
        En une seule semaine, on a dû congédier dix mille ouvriers des établissements industriels.
  124. Depuis 1885, on ne comprend plus, dans les introductions d’alcool pur, les quantités d’alcool constatées dans les vins alcoolisés tirés de 15 à 21 degrés.
  125. Le nombre des suicides a plus que triplé en cinquante ans.
        Le chiffre était en moyenne, de 1836 à 1830, de 1,739 ; il s’est élevé, en 1883, à 7,213 ! L’accroissement, qui n’avait été que de 1 ou 2 pour cent d’une année à l’autre, s’est élevé tout d’un coup à 7 pour cent.
        Dans ce total, figurent un certain nombre d’enfants âgés de quinze ans, de quatorze ans, de treize ans, de douze ans, et 1 ayant à peine douze ans !
        En 1884, le nombre des suicides à Paris avait été de 542 ; il a été de 642 en 1885, ce qui fait une augmentation de cent pour cent pour une année.
        « La folie s’accroît, écrit M. Legoyt dans la Revue scientifique ; elle s’accroît partout et plus rapidement que la population. L’accroissement des admis, pour la première fois, dans les asiles, a été, de 1871 à 1880, de 55 pour cent, proportion véritablement énorme surtout comparativement à la population, qui n’a pas augmenté de plus de 4 pour cent. »
        Le nombre des aliénés traités dans les asiles était de 10,549 en 1883, et de 48,813 en 1882.
        Au mois de janvier 1801, le département de la Seine fournissait 946 aliénés.
        Au 31 décembre 1883, il s’en trouvait 8,907, soit en plus 7,961. Ainsi, en 83 ans, la population des aliénés a sextuplé dans des proportions qui représentent un accroissement moyen annuel de 95 personnes, tandis que, durant la même période, le nombre des habitants de la Seine s’est à peine augmenté du triple.
        Dans les Vosges, le département représenté par les frères Ferry et par Méline, où la Franc-Maçonnerie, naturellement toute puissante, y peut tout se permettre et se permet tout, la folie a fait de tels progrès que, dans la session d’août 1884, le Conseil général, considérant le grand nombre de cas d’aliénation mentale qui se produit dans le pays, émet le vœu : « que le Gouvernement réprime sévèrement les fraudes qui se commettent journellement sur les alcools, et présente une loi modifiant celle qui permet aux débitants de boissons d’ouvrir leurs établissements. »
        « Le crime, dit le Voltaire, grand admirateur de la République, s’étend de plus en plus, comme une marée qui monte, et dont souvent les flots sont rouges. En 1872, le nombre total des crimes et délits jugés en France s’élevait à 26,000 ; dix ans après, en 1881, il dépassait 81,000 ! Et c’est Paris, bien entendu, qui fournit les plus forts contingents à l’armée du mal. »
        Le nombre des crimes commis par les jeunes gens de seize à vingt-un and s’est élevé, en cinquante ans, de 5,933 & 20,480, et celui commis par les filles du même âge est passé de 1,046 à 2,839.
  126. Tous les règlements du passé révèlent ces préoccupations d’humanité, de vigilance pour les petits. L’ordonnance du Livre des Métiers sur les tapis sarrazinois prend soin de garantir, avec une délicate prévoyance, la santé de la femme pauvre, dont notre civilisation moderne a fait une bête de somme.
        « De rechief que nule femme ne doit ouvrer au métier pour les périz qu’il sont ; car quant une femme est grosse et le métier désapiecé elle pourrait béchier en telle manière que son enfant serait péris et pour moult d’autres peris qui y sont et puent avenir, pour quoi il ont regardé pieça qu’il ne doivent pas ouvrer. »
  127. Voir à ce sujet l’excellent rapport du docteur Lancereau sur l’alcoolisme, lu à l’Académie de médecine, à la séance du 17 novembre 1885.
  128. Les Israélites, pour se préserver eux-mêmes, prennent des précautions très sages ; ils ne boivent que du vin dont la pureté est certifiée par un rabbin. Nous lisons à chaque instant dans les Archives des annonces de ce genre :
    Jules Simon
    Marque spéciale

    Sous la surveillance et avec l’autorisation de M. Kahn, rabbin de Nîmes, successeur de M. Aron.
        Pourquoi les catholiques ne demandent-ils pas au curé de la localité de garantir les vins qu’on leur envoie ?

  129. Sur ce total, 6,962 échantillons seulement ont été déclarés bons ou passables, 9,223 ont été reconnus mauvais. Ces chiffres ne suffiraient pas à prouver de quelle active surveillance le commerce actuel doit être l’objet ?
        Le Laboratoire a transmis au Parquet de la Seine 4,530 affaires de falsifications sur lesquelles 2,207 ont motivé des condamnations.
        1,500 affaires ont été classées sans suite judiciaire.
        Je suppose que mes lecteurs savent le français et qu’ils comprennent ce que cette dernière phrase veut dire : « Les auteurs de falsifications, qui appartenaient à la Maçonnerie ou qui étaient des électeurs influents ont échappé aux punitions qu’ils avaient méritées. »
  130. Le Conseil municipal est tellement de cœur avec les falsificateurs que, dans la séance du 2 mars 1883, il émet un vœu pour l’abrogation du paragraphe 14 de l’article 15 du décret du 2 février 1852, qui prive de leurs droits électoraux les empoisonneurs publics. Dans une réunion organisée le 20 mars 1885, au Cirque d’Hiver, sous la présidence de M. Tony-Révillon, les députes présents s’engagèrent à saisir la Chambre de cette question. Dans la séance du Conseil général du 6 juillet 1885, Mesureur, le débaptiseur de rues, prit en main la cause de ceux qui baptisent le vin, et fit voter une proposition tendant à les relever de leurs condamnations.
        Cela ne suffisait pas encore à ce maître de l’époque, qu’on a appele le roi Mastroquet. Il y eut, aux élections de 1885, un candidat de marchands de vin mouilleurs, Auguste Hude, et grâce à la Franc-Maçonnerie il fut nommé !
  131. Voyez le contraste de ces natures juives. Cet homme, qui a sa large part dans une mesure qui est un véritable assassinat, est plein de cœur pour les siens. La pensée qu’un arbre paisse gêner sa fille le met hors de lui. L’Intransigeant a raconté ce trait qui est caractéristique :
        « A l’angle de la place de la République et de la rue de Bond ;, sur le trottoir où se trouvait la Ruche, un arbre terminait la file qui commence au boulevard Saint-Martin.
        Mme Kahn, fille de M. Alphand, habite au n°24 de la rue de Bondy. Comme l’arbre masquait la vue de la place, cette dame ne trouva rien de mieux que de prier son père, M. Alphand, de le faire enlever.
        « L’ordre en fut donné un samedi, et le dimanche matin cet ordre fut exécuté.
        La place de la République compte un arbre de moins ; sa régularité en est compromise ; mais la fille de M. Alphand a satisfait son caprice.
        « Citoyens, inclinez-vous et soldez la note. »
  132. L’enterrement du vieil amant des ombres, victime de la rapacité des républicains, eut un caractère particulièrement touchant. Un chiffonnier poète, M. More, lut sur la tombe une pièce de vers naturellement incorrecte, mais dont certains passages étaient émouvants. Voici quelques-uns de ces vers, à titre de curiosité :

    Cet homme s’est éteint au milieu de vos peines ;
    Pendant que rassemblés, honnêtes travailleurs,
    Vous cherchiez à tarir la source de vos pleurs,
    ______Le sang s’est glacé dans ses veines.
    Ce fut un vieux lutteur ; comme vous, il vécut
    Sous le ciel noir, au sein des nuits froides et sombres ;
    Comme vous tous, il fut un vieil amant des ombres
    ______Que le labeur, hélas ! vaincut (?)
    Salut à ce vieillard qui tombe haut la tête !
    Sa mort jette en vos cœurs un lugubre frisson.
    Puisse-t-elle arrêter l’effroyable tempête
    ______Qui monte au ciel à l’horizon !

  133. Les maisons de vente à crédit, qui vendent chaque objet le double ou le triple de sa valeur, sont une des formes de l’usure juive. On trouvera, dans le ’Cri au Peuple’ du 13 octobre 1881, quelques renseignements intéressants sur la maison Schwarts et sur la maison du ’Bon Génie’, dirigée par Gabriel Lévy, assisté de ses cousins Isaac et Albert Lévy. Pour les faits de chantage, exercés sur les malheureux employés par les agents de la sûreté, nous renvoyons à l’affaire Laplacette (Livre VIeme), qui est le modèle du genre.
        Les journaux radicaux, quand par hasard ils ne sont pas aux mains des Juifs, peuvent dire beaucoup de choses que n’oseraient pas dire et que, d’ailleurs, ne savent pas les journaux catholiques, qui restent trop en dehors de la vie réelle.
        On lira avec intérêt, dans le Cri au Peuple du 1 mars 1885, une étude sur le Juif Manassé, dont la spécialité est d’exploiter les ébénistes qui n’ont pas d’avances :
        « Vous avez besoin de 1,000 francs, vous apportez des meubles chez Manassé, représentant une valeur de plus que le double, et Menasse vous donne 1,000 francs — moins une quarantaine on une cinquantaine de francs retenus pour l’intérêt.
        « Il arrive alors l’une de ces trois choses : Vous êtes veinard ; vos meubles sont vendus — pas cher — on vous prie de passer à la caisse pour recevoir le solde qui vous revient ; vos meubles ne sont pas vendus, mais vous avez trouvé 1,000 francs pour rembourser le prêt que Manassé vous a fait, et vous venez les reprendre, provisoirement ; enfin, vos meubles ne sont pas vendus, vous n’avez pas trouvé 1,000 francs. Bonsoir, meubles ! Manassé en est, par contrat de vente à réméré, le légitime propriétaire. »
        L’organisation actuelle, nous ne saurions trop dégager ce point, est, en tout, purement et simplement l’inverse de la société chrétienne. Jadis, l’Eglise condamnait l’usure, en théorie, et le bras séculier frappait les usuriers. Aujourd’hui, les Académies, qui sont des espèces d’églises laïques, déclarent que le crédit ainsi pratiqué est la plus belle institution du monde, et la force policière et légale est mise an service de l’usurier. Dès qu’auront disparu ceux qui, même dans notre magistrature déshonorée, sont encore les représentants inconscients d’un état de choses différent, le Juif aura reconstitué un servage d’un ordre particulier ; il raflera impunément l’économie par la société financière, la meilleure partie du salaire quotidien par le marchand de vin, la vente à crédit, l’achat des reconnaissances »
  134. Intermédiaire, 10 juin 1885.
  135. Les plus secrets hauts grades de la Maçonnerie dévoilés ou le vrai Rose-Croix, à Jérusalem.
  136. César Moreau, dans l’Univers Maçonnique, raconte notamment la réception d’une dame Huet, qui fut d’un folâtre achevé. La réunion est ouverte dans le jardin climat d’Asie, par le très cher frère de Bellincourt, Vénérable, et par la charmante sœur Delamotte Bertin, grande maîtresse, éclairée sur le climat d’Afrique et d’Amérique par les très aimables et très intéressantes sœurs Cotolandi et Bordeaux, grande inspectrice et dépositaire.
        La grande maîtresse, revêtue de ses ornements, explique à l’apprentie maçonne la signification des emblèmes et on chante :

    Elle l’instruisit de nos lois,
    De nos rites, de nos mystères ;
    Elle lui dit que tous les Frères,
    Dociles toujours à la voix
    D’un sexe aimable et fait pour plaire,
    Faisaient leur devoir par cinq fois.
    . . . . . . . . . . . . . . .
    En ce même temps chaque Frère
    Crut à coup sur s’apercevoir
    Que ce travail et ce devoir,
    Que ces cinq coups n’étonnaient guère
    La jeune récipiendaire.
    Qui pensait que, pour la beauté,
    C’était le moins, en vérité,
    Que tout bon Franc-Maçon dût faire.

  137. Manuel complet de la Maçonnerie d’adoption ou Maçonnerie des dames, par S.-M. Ragon, ancien Vénérable, fondateur des trois ateliers de Trinosophes, à Paris,
    auteur du Cours interprétatif des Initiations.
  138. Manuel de la Maçonnerie d’adoption, déjà cité.
  139. Mémoires pour servir à l’histoire du Jacobinisme.
  140. Bossuet, Port-Royal et la Maçonnerie. Voir également à ce sujet : Les Maçons juifs et l’Avenir ou la Tolérance moderne.
  141. Si l’on veut se rendre compte des moyens dont disposent les Francs-Maçons, il faut consulter le dernier compte-rendu, qui date de 1880. À cette date il existait, dans tout l’univers, 138,063 loges, qui avaient recueilli, en une seule année, quatre milliards de contributions volontaires. Les Francs-Maçons étaient ainsi répartis :
    États-Unis. 2.673.296
    États de l’Amérique Méridionale et Brésil. 4.517.425
    Cuba et Porto-Rico 58.816
    Asie et Océanie ; 594.111
    Afrique, y compris l’Égypte. 83.310
    Europe. 6.854.415
    ----------------
    ______Total. 14.781.183
    Nombre de femmes faisant partie des loges. 2.379.460
    ----------------
    Total des personnes faisant partie de la
    Franc-Maçonnerie.
    17.160.643
  142. La Franc-Maçonnere joue naturellement un grand rôle dans le lancement de cette problématique affaire du Panama, que les journaux conservateurs ne se lassent pas de recommander aux catholiques, en répétant sur tous les tons : « le grand Français par ci, le grand Français par là. »
        D’après une lettre, publiée par le Matin du 23 août 1885, la loge l’Aménité semble même trouver que le Garant d’amitié d’Autriche-Hongrie poussa vraiment les choses un peu loin :
    R.*. L.*. de l’Aménité
    (Fondée en 1771)
    Or.*. du Havre, le 17 juillet 1885
    TT.*. CC.*. F.*.

    Dans sa ten.*. d’obl.*. du 15 juillet 1885, la resp.*. Loge de l’Aménité a décidé l’envoi de la présente circulaire aux loges de l’Obé.*. Pour les informer que M. V.*., se disant membre d’une loge de l’Or.*. de Paris, sollicite de tous les Francs-Maçons des souscriptions pour la vente de deux cents cartes intitulées : Panorama du canal de Panama et Suez, imprimées en chromolithographie.
        Nous croyons devoir conseiller à tout les FF.*. de nos LL.*. SS.*. de se faire présenter, avant de souscrire, un exemplaire desdites cartes, ce que l’on n’a pas fait pour nous, à l’Or.*. du Havre, mais ce qui peut, régulièrement, être exigé, le tirage en étant fait, puisque la plupart des souscripteurs havrais sont livrés aujourd’hui.
        Les moyens employés pour parvenir semblent être de se procurer, par le tableau des loges, les adresses des Maçons et de faire vibrer près d’eux, lors d’une visite personnelle, la fibre patriotique française, au moyen du nom de M. F. de Lesseps, habilement produit dans la conversation, afin de créer un entraînement des uns par les autres et d’arriver à une inscription de souscription.
        Veuillez agréer, etc.
        Voir également les Archives Israélites du 22 octobre 1885, sur le colonie juive à Panama, et la communauté qui porte le nom de Scheerith Israël.

  143. L’interdiction faite aux agents des Compagnies d’accepter aucune fonction élective est formelle. On se rappelle les circulaires publiées à ce sujet au mois de juillet 1884, par M. Mantion, directeur de la Compagnie de Lyon-Méditerranée, et par M. Nublemaire, directeur de la Compagnie d’Orléans.
        La circulaire de M. Mantion est ainsi conçue :
        « A la suite de divers accidents, j’ai été amené à décider, d’une manière générale, qu’il convenait d’inviter nos agents à ne plus accepter de fonctions électives et à renoncer sans délait à celles qu’ils auraient acceptées. Je vous invite à prendre les mesures nécessaires pour assurer l’exécution de ces Instructions.
    « 16 juillet.
    « Le directeur de la Compagnie :
    « Signé : Mantion. »


        Cela, bien entendu, ne s’adresse qu’aux faibles. Si M. Noblemaire eut été un homme de droiture et d’honnêteté, il aurait, avant de publier sa circulaire, commencé par révoquer le cumulard républicain Emile Roger, conseiller général du canton de Montignac, député de la première circonscription de Sarlat et chef du contentieux de la Compagnie d’Orléans. En voilà encore un qui a dû se sentir indépendant dans le vote des conventions !

  144. Voici, d’ailleurs, la liste des membres du conseil d’administration du chemin de fer du Nord. Quoique les Juifs y soient largement représentés, il doit se trouver dans le nombre quelques catholiques qui vont à l’Eglise, après avoir accablé de politesse le chef de la Franc-Maçonnerie. « On ne sait pas, se disent-ils sans doute, ce qui peut arriver. On distribuera peut-être des dividendes là-haut. »
        Conseil d’administration : MM. le baron Alphonse de Rotchild. — Baron de Saint-Didier. — Léon Say. — Gaston Griolet. — André de Warn. — Vallon. — Joseph Hottinguer. — Alex. Adam. — Baron Alfred de Rotchield. — Baron Nathaniel de Rotchield. — Baron Gustave de Rothschild. — Vicomte de Saint-Pierre. — Baron de Soubeyran. — Gabriel Dehaynin. — Duc de Mouchy. — Buriou.— Le comte A. de Germiny. — Le comte Pillet Will. — Frédéric Moreau. — Baudelot. — Adolphe Vernes. — Agache. — Baron Arthur de Rothschild. — Marcolle Pinguet.
        Notons que Cousin ne cachait aucunement ses vilaines ocupations. C’est au bureau même de la Compagnie que la président du Suprême Conseil, qui n’allait guère rue Cadet que le deuxième et le quatrième mardi de chaque mois, donnait ses audiences ; c’est là que l’employé du Grand-Orient apportait chaque matin le rapport ; c’est là qu’on signait tous les diplômes pour les ouvertures et les tenues de loges.
  145. Il est toujours bon de rappeler que la Franc-Maçonnerie déclare, en toute occasion, qu’elle n’attaque pas la Religion et qu’elle reste étrangère à la politique. L’article deuxième de la constitution est prècis sur ce point :
        « Dans la sphère élevée oû elle se place, la Maçonnerie respecte la foi religieuse et les sympathies politiques de chacun de ses membres. Aussi, dans ses réunions, toute discussion à ce sujet est-elle formellement interdite. »
        N’est-ce point le cas de citer une fois de plus les vers de Laprade :

    Molière eût renoncé, s’il vous avait pu voir,
    Pour un Tartufe rouge à son Tartufe noir. »

  146. Certaines loges, d’ailleurs, sont plus difficiles que d’autres. La loge Union et Persévérance refusa de recevoir Eugène Mayer, de la Lanterne, que la loge l’Ecole Mutuelle fut heureuse d’accueillir.
  147. D. — Avez vous vu votre maît.*. aujourd’hui ?
    R. — Oui, Très V.*.
    D. — Comment était-il habillé ?
    R. — D’or et d’azur.
    D. — Que signifient ces deux mots ?
    R. — Qu’un M.*. doit conserver la sagesse au sein des grandeurs dont il peut être revêtu. (Nécessaire Maçonnique, par E-J.-C M reg.*.)

  148. Recueil de chansons de Francs-Maçons, vers, discours, règlements, augmentées de plusieurs pièces qui n’ont pas encore paru. La musique mise sur la clef italienne avec la basse.
  149. Dans le procès d’un pauvre diable de commis-greffier, nommé Lebas, poursuivi au mois de janvier 1885 pour violation du secret professionnel, M. Falateuf lut d’innombrables lettres et dépêches qui prouvent que le riche boursier Mary Raynaud était tenu au courant des moindres phases de l’instruction commencée contre lui, par M. Lenoël, sénateur républicain ; le garde des sceaux faisait porter les pièces chez l’accusé pour qu’il pût préparer d’avance sa réponse au questions embarrassantes. Il est possible, me dira-ton peut être, que ce garde des sceaux ne soit pas M. Martin Feuillée. M. Falateuf effectivement a dit : Martin Feu… et il s’est arrêté.
  150. Recueil de chanssons des Franc-Maçons.
  151. Voir sur cette aventure une excellente brochure, pleine de verve et de révélations piquantes sur l’existence provinciale : Un notaire Franc-Maçon et bien pensant par le syndicat de ses victimes.
  152. Ce que les conservateurs devraient faire c’est de surveiller ces listes où les républicains font entrer pêle-mêle les frères et amis qui ont eu des malheurs. Il se passe là des choses sans nom qui attestent une fois de plus l’effroyable gâchis qui règne partout. Le pourvoi de Pel, on le sait, fut admis par la Cour de cassation parce qu’un des jurés, ancien mégissier à Fresnes, près la Croix de Bernis, était un failli non réhabilité, cet individu avait siégé dans dix affaires. A l’ouverture de la session suivante on s’aperçut qu’un des jurés inscrit sur la liste était étranger et avait été condamné pour vol. Sur la liste de la 2e session de juillet 1885, ou constata qu’un des jurés avait été condamné pour mendicité ; on ne s’en aperçut que le matin de l’audience !
  153. A rapprocher de la bonté du souverain envers ce brutal dans lequel il ne voulait voir qu’un artiste aigri par l’insuccès et le manque de talent, la cruauté déployée par le gouvernement actuel contre ce pauvre Desprez, l’auteur d’Autour d’un clocher qui, condamné pour un délit littéraire, dut, quoique moribond, subir sa peine avec les escarpes et les voleurs. Le malheureux infirme ne put résister à ce régime et mourut quelques mois après. Dans cette gauche dont la plupart des membres doivent à la presse d’être le peu qu’ils sont, pas une voix ne s’éleva contre ce traitement barbare. Emu des souffrances de Desprez, Daudet avait écrit une lettre pleine de cœur à Camescasse. Le drôle ne répondit même pas à l’écrivain.
  154. Raison et religion, par A. Fleury, de la R… L.*. des Philantropes réunis. Or.*. de Paris.
  155. Revendications sociales, conférences faites par le P.*. Fleury. On comprend avec un pareil personnel que des révoltes éclatent dans toutes les prisons, à Riom, à Beaulieu, à Embrun, à Rochefort, à Belle-Isle, à Thouars.
  156. Voir aussi le Cri du Peuple, du 23 octobre 1884, sur le rôle joué par le Fr.*. Caubet dans la Maçonnerie qui, par son origine était prédestinée à devenir une succursale de la rue de Jérusalem. Ce Fr.*. Caubet est, on le sait, Vénérable de la Rose du Parfait silence :
        « Le Parfait Silence ! Voyez l’ironie des mots ! Autrefois, il est vrai, le Vénérable Caubel a écrit de petits traités que beaucoup de profanes ont pu lire, et dans lesquels il recommandait solenuellement « aux très chers frères ? de ne jamais violer le secret maçonnique. Depuis, le sieur Caubet est devenu chef de la police municipale et il semble avoir perdu quelque peu de sa rigidité. C’est lui maintenant qui pousse a la divulgation du secret maçonnique et qui fait moucharder ses frères du Grand Orient.
        « A la préfecture de police, il remplit véritablement le rôle de sergent recruteur, et il a la manie de faire sacrer Maçons le plus de roussins qu’il peut dans son personnel.
        « Un autre « Vénérable » lui prête la main pour cette singulière besogne, et nous avons sous les jeux la liste des membres d’une loge, — nous pouvons la nommer, c’est la loge l’Atelier, — où nous voyons figurer une jolie collection de mouchards. »
  157. Matin, 14 janvier et 2 février 1885.
  158. La multiplication des Monod, sans avoir pris la proportion de celle des Mayer, a été une des plaies d’Egypte qui ont le plus douloureusement affligé l’époque actuelle.
  159. Voir à ce sujet, outre le magnifique ouvrage de M. le baron Kervyn de Lettenhove, Les derniers jours de Coligny, de M. Charles Buet. Mgr Freppel, qui a vraiment ce courage intellectuel si rare aujourd’hui, écrivait à l’auteur au sujet de ce livre :
        « Comment oublier que, pour assouvir sa haine et satisfaire son ambition, cet étrange Français, investi d’une charge militaire des plus importantes, n’a pas craint d’appeler l’étranger au cœur de la Patrie ; que, par suite d’un pacte infâme, il a livré à l’Angleterre Dieppe, le Havre et Rouen, en retour de ce qu’elle lui promettait de secours en hommes, en argent et en vaisseaux, contre la cause du roi et de la nation ; qu’il a inondé la France de ses reîtres allemands soudoyés pour le pillage et pour l’assassinat ?
        « Que l’on suive Coligny dans tout le cours de sa vie militaire : il est constamment occupé à pactiser avec l’étranger dans le but de faire envahir sa patrie par les troupes d’Elisabeth d’Angleterre, du prince d’Orange, du duc de Deux-Ponts et des princes allemands.
        « A défaut de patriotisme, y a-t-il au moins dans cet homme, dont la carrière militaire compte autant de défaites que de batailles, quelque chose de cette grandeur morale qui fait pardonner bien des fautes ? Mais qui ne sait que la complicité dans le meurtre de l’héroïque duc de Guise par Poltrot de Méré, l’un des familiers de Coligny, pèse sur la mémoire de l’Amiral comme une charge que rien n’a pu détruire ? Outre les aveux du meurtrier qui, jusque sur les degrés de l’échafaud, lui imputa l’ordre de l’assassinat, vous citez les témoignages des contemporains, tous plus accablants les uns que
    les autres. »
  160. Vapereau, si mesuré et si prudent toujours, confirme ce fait. Fils d’un artisan, sujet prussien, dit-il, au mois de juin 1877, il réclama auprès du tribunal de Versailles, sans l’obtenir, un jugement déclaratif de sa qualité de Français ; il affirmait avoir rempli, en 1857 à Strasbourg, les formalités nécessaires, formalités dont le bombardement de 1870 aurait détruit les traces.
    Le Courrier de Versailles a donné sur ce Prussien, devenu l’instituteur de la jeunesse française, quelques indications très précises.
        M. Jules Steeg est né à Versailles, le 21 février 1836 ; son père Jean Steeg, sujet prussien, cumulait l’emploi de concierge avec la profession de cordonnier. En 1877, M. le pasteur Steeg, que chacun considérait comme étranger, introduirait une instance devant le tribunal de Versailles pour que, par un jugement, la qualité de citoyen français lui fut reconnue. A l’appui de M demande, M. Steeg argua d’une déclaration de nationalité qu’il avait faite, disait-il, à Strasbourg, en 1857.
        Le tribunal demanda un extrait du registre municipal sur lequel cette déclaration avait dû être consignée.
        Ce registre, répondit M. Steeg, a été brûlé pendant le siège de Strasbourg. On désigna alors un juge rapporteur.
        Par malheur, pour M. Steeg, le juge rapporteur avait été autrefois attaché au parquet de Strasbourg et il avait exercé ses fonctions pendant le siège. Il était donc mieux que personne en mesure de connaître ce qui s’était passé à Strasbourg en 1870.
        Il faut croire que ce qu’il savait ne cadrait pas avec les prétentions de M. Steeg. Le fait est que la demande du pasteur fut repoussée.
        Le jugement contient donc une proclamation implicite de la nationalité prussienne de M. le pasteur Steeg, député de la Gironde.
        A moins donc qu’il n’ait trouvé, depuis 1877, un tribunal plus accommodant que celui de Versailles, M. Steeg, n’a pas cessé d’être Prussien.
  161. C’est ce Monod qui toléra, s’il ne les encouragea pas, les désordres qui se produisirent en 1884, à Caen, le dimanche de la Passion. Un misérable tenant à la main un numéro de la Lanterne entra dans l’église Saint-Pierre et insulta le R. P. Delorme, dominicain qui était en chaire. Les voyous qui attendaient sur la place essayèrent d’enfoncer la porte de l’église et accablèrent d’injures les fidèles qui sortaient de l’office. Ils se répandirent ensuite par la ville et allèrent vociférer et pousser des menaces de mort sous la fenêtre des habitants catholiques. Les autorités ne bougèrent pas de la soirée.
  162. Gazette des Tribunaux du 7 octobre 1882, page 970.
  163. Imprimerie Balitout et Questroy.
  164. Revue des Etudes juives, No 5.
  165. L’auteur du livre Pro Judæis, reflesioni e documenti publié en 1884, à Turin, à la librairie Roux et Favale, ne répond à aucun de ces faits. L’ouvrage, d’ailleurs, comme le titre l’indique, n’est qu’une plate apologie des Juifs de tous les pays et de tous les temps.
  166. Voir pour Chaucer l’ouvrage de Taîne et surtout l’Histoire de la littérature anglaise de Filon. Filon s’est attaché à ce pays où il avait été le précepteur ou plutôt le compagnon d’exil et l’ami d’un jeune prince héroïque ; il vit comme un sage avec ses souvenirs et ses livres dans son cottage de Margate, et c’est là qu’il a écrit sur les écrivains anglais ce volume plein de fins aperçus et d’observations pénétrantes.
        Ajoutons que Chaucer, qui est un railleur à la façon de Rabelais, n’a pas épargné les moines. Ce Récit de la Prieure n’a donc aucun caractère fanatique ; il ne fait que constater une certitude qui était dans tous les esprits sur les assassinats d’enfants commis par les Juifs.
  167. Raphaël Lévy donne ce nom d’Haman (Aman) au procureur général en souvenir d’Aman, qui est resté en exécration chez les Juifs. Aman, l’impie Aman, race d’Amalécite.
  168. M. Emmanuel Michel, conseiller a la Cour royale de Metz, auteur d’un livre excellent, Histoire du Parlement de Metz, constate que si les magistrats lorraine éprouvaient le mépris général alors pour les Juifs, ils ne se départissaient pas vis-à vis d’eux de leur devoir d’impartialité. « En 1660, écrit-il, un Juif avait été tué par un soldat. C’est sur les instances de la cour que le coupable fut poursuivi. Il avait été arrêté, mais le commandant de la place et le colonel du régiment avaient placé des corps de garde devant la prison pour qu’on ne pût disposer du soldat. Le roi, par une lettre de cachet donnée à Vincennes le 29 juillet 1660, manda au Parlement qu’il venait de donner des ordres pour que les corps de garde fussent levés et que le cours de la justice ne fût pas interrompu. »
  169. A consulter à ce sujet un livre fort curieux, mais malheureusement presque introuvable aujourd’hui, Relation historique des affaires de Syrie depuis 1840 jusqu’à 1842, par Achille Laurent.
  170. Même en Europe, les faits de ce genre sont encore relativement fréquents. Les journaux, d’ailleurs, ne parlent jamais en pareil cas que des aquittements ; ils ont gardé le silence sur un crime de ce genre commis à la fin de 1881, a Lulcza, petit village du cercle de Rzeszov, dans la Gallicie autrichienne, sur une jeune fille nommée Francesca tich. Les trois accusés, Moïse Ritter, sa femme Gittel et Stochinski, furent condamnés à mort le 21 décembre 1882 par le jury de Rzeszov. La cour supérieure de justice cassa le jugement pour vice le forme et renvoya les trois Juifs devant le tribunal de Cracovie, qui, le 10 octobre 1883, renouvela la triple condamnation à mort.
  171. Prato, tipographia Giachetti, figlio et cie.
  172. Le livre avait paru avec la permission de l’autorité ecclésiastique ; les Archives israélites eurent l’audace de prétendre qu’il avait été désavoué par le Moniteur de Rome, organe du Vatican ; le Moniteur affirma qu’il n’avait rien désavoué du tout, bien au contraire, et les Archives durent se rétracter.
  173. Le livre de Gustave Tridon, Le Molochisme juif, met bien en relief également cette lutte soutenue par les Prophètes contre le culte de Moloch personnifié, soit par le taureau, soit par le veau d’or.
  174. Avec sa table de pierre pour le sacrifice, la vieille gravure de Sadler représentant le meurtre de six enfants de Ratisbonne donne tout à fait l’impression d’une cérémonie du culte sanglant à Carthage. Voici le texte qui accompagne cette gravure :
        « A la suite d’une perquisition du gouverneur de Ratisbonne, on trouva les cadavres mutilés de six enfants disparus. Les sacrificateurs avaient établi, au milieu de cet étrange sanctuaire, une pierre énorme, de plus d’une coudée de largeur, qui avait la forme d’un calice, monté sur un pied. C’était l’autel sur lequel on immolait les victimes. Au fond de cet antre, on découvrit aussi un laboratoire où l’on se livrait, sans scrupule, à la fabrication de la fausse monnaie. »
        Une autre gravure de Sadler représente le supplice d’un enfant de Munich dont la mort provoqua le massacre des juifs en 1285.
        « L’enfant, dit le texte, fut retrouvé sur les indications de la pourvoyeuse des sacrificateurs ; la victime avait été liée sur une table de la synagogue et percée de stylets, elle avait les yeux arrachés. Le sang avait été recueilli par des enfants. Le peuple excité commit les plus graves excès contre lea Juifs de la ville, et il fallut toute l’autorité de l’évêque pour calmer l’effervescence populaire et arrêter le massacre. »
        Ces deux curieuses gravures ont été reproduites dans la belle publication scientifique qui a pour titre le Cosmos (No du 30 mars 1885).
  175. On pourrait citer des faits innombrables de cet ordre. Un des plus brillants élèves de l’Ecole des Chartes, qui est en même temps un ferme chrétien, M. Lecoy da La Marche, publie un remarquable ouvrage sur saint Martin. La commission de l’Académie propos Saint Martin pour un prix. Gaston Paris, toujours prêt à servir la haine des Juifs contre l’Eglise, proteste contre cet acte de justice, parce que l’auteur, en citant Sulpice Sévère, a rappelé les miracles de saint Martin. C’est la pure doctrine de l’Ecole des Chartes, d’après laquelle on doit s’appuyer surtout sur les témoignages contemporains. Renan, toujours cauteleux, agit en dessous. Bref ce qui est, je crois, sans exemple l’Académie casse la décision de sa commission. Je dois ajouter que M. Lecoy de la Marche fut très mollement soutenu par les catholiques qui, là comme ailleurs, au lieu de tenir tête à des hommes comme Renan, et de les accabler de mépris, lâchent pied dès le commencement de la discussion.
        Vous verrez que lorsque ce Gaston Paris se présentera, comme il en a manifesté l’intention, à l’Académie française à laquelle il n’a aucun titre, les catholiques voteront encore pour l’homme qui traque les écrivains chrétiens.
  176. A l’appui de ce caractère presque inexorable de l’hérédité, rappelons les curieuses observations d’un médecin de Francfort qui avait remarqué que beaucoup de Juifs naissaient circoncis.
  177. Nos belles cérémonies funèbres où tout parle d’espoir, où la tenture mortuaire semble n’être qu’un simple rideau qui nous laisse deviner la présence de l’être disparu ont le don d’exaspérer les organisateurs d’enterrements civils.
        N’est-elle pas d’un caractère véritablement diabolique et digne du pinceau de quelque peintre épris du fantastique cette scène qui s’est passée à Brest, le jour du Mardi-Gras, le 26 février 1884 :
        « Vers trois heures, mardi, le convoi funèbre d’une petite fille suivait la rue Saint-Yves ; arrivé devant le magasin Cailloux, le cortège fut remarqué par des voyous déguisés en moines, qui menaient grand tapage sur la place.
        « Ces misérables, sans égard pour la douleur du père, qui suivait en pleurant le frêle cercueil de sa fille, se mirent à psalmodier le De Profundis et à donner leur bénédiction au clergé. »
        Un pareil scandale restera-t-il impuni ? Demandait le journal qui racontait ces faits ignobles. Il fallait être bien naïf pour se poser même cette question.
        L’Annuaire des Archives Israélites fait du reste figurer le Mardi-Gras parmi les fêtes chrétiennes entre Noël et Pâques.
  178. Mgr Freppel, qui avait su si bien démasquer Naquet dans la question du divorce, a été moins perspicace lorsque, dans la commission de l’amnistie, il a dit à M. Rochefort, qui affirmait de nouveau ce fait : « Quel intérêt la préfecture aurait-elle eu à cela ? »
        Le grand évéque ne sait pas ce que c’est que les haines héréditaires, les fatalités de race et tout un côté du mouvement actuel lui échappe encore.
  179. Cet Hendlé semble avoir eu la spécialité de s’occuper des Juifs polonais ; en 1863 il publie dans les Archives israélites un dithyrambe sur eux ; le 4 novembre 1865, il s’emporte à la police correctionnelle contre l’avocat général, M. Dupré Lasalle, qui, dans un procès où figuraient des Israélites polonais prévenus d’escroquerie. disait : « Il m’est d’ailleurs difficile d’ajouter foi au récit des prévenus, ce sont des Juifs et je ne sache pas que les Juifs aient combattu aux côtés de leurs frères et versé leur sang sur les champs de bataille de la Pologne. »
  180. Elle est absolument vraie au point de vue physique comme au point de vue moral la loi que Maxime Du Camp formulait en cet termes dans la Revue Des Deux-Mondes, du 1er avril 1861 :

    « On pourrait, sans craindre de se tromper, formuler cet axiome : « Plus les hommes par leur religion se rapprochent du Judaïsme, plus ils sont sales ; plus ils s’en éloignent, plus ils sont propres. »

    L’état de puanteur, l’infection des rues de la capitale depuis que Paris est devenu une ville juive sont des preuves éclatantes de cette vérité.

  181. Isaïe Levaillant a reçu de l’avancement, il a été nommé directeur de la Sûreté générale, poste important au point de vue de l’espionnage, et que les Juifs tiennent à voir occupé par l’un d’autre eux. Schnerb, nous l’avons vu, avait précédé là Isaïe Levaillant.
  182. C’est chez ce Moyse, conseiller général de la Seine et qui a été candidat au Sénat, qu’habite Louise Michel. Les Juifs tiennent à avoir sous la main ceux qui peuvent jouer un rôle dans une révolution.
  183. Ce Lisbonne, tour à tour comédien, homme d’affaire et colonel de la commune, est encore un type très intéressant pour nos études. Après avoir essayé d’ouvrir un établissement, où les consommateurs auraient été servis par des religieuses, il a fondé un café, où les garçons, habillés en académiciens, portent l’habit à palmes vertes et l’épée ; il a fondé aussi l’Auberge des reines où les filles de service ont le costume des souveraines illustres dans l’histoire par leur beauté ou leurs malheurs. Nous retrouvons là ce besoin impérieux chez le Juif de souiller, d’avilir, de tourner en ridicule tout ce qui a été grand dans le passé. C’est chez lui une véritable monomanie du genre stercoraire sur laquelle il tente une opération commerçiale avantageuse.
        Au fond, Lisbonne c’est Ludovic Halevy, communard, comme Ludovic Halevy c’est Lisbonne académique. Tous deux ont orienté leur vie d’une façon différente, mais en réalité l’œuvre est la même.
  184. En Prusse cependant, où l’on est moins endurant que nous, on refuse de prêter serment devant les magistrats juifs. C’est un prédicateur de grand mérite et de haute vertu, M. Hapke, qui a pris cette initiative.
        A Esseg, dans le Comtat d’Agram, un courageux citoyen, nommé Bartholovic, suivit cet exemple au mois de juillet 1883. Frappé d’une amende de 100 florins, il alla en appel ; l’arrêt fut cassé et il fut décidé que le serment aurait lieu devant un juge catholique.
        Si les Français agissaient de même, les Moyse et les Dreyfus renonceraient vite à leurs fantaisies.
  185. Tout officier suspect de cléricalisme est impitoyablement dénoncé par les journaux juifs, tandis que le ministre de la guerre veille avec soin, grâce à l’intervention de l’Alliance israélite, à ce que des congés soient accordés au moment des fêtes juives aux soldats de cette religion qui se trouvent sous les drapeaux.Voilà ce qu’où appelle l’égalité.
        M. Baudry d’Asson a en l’idée de relever la moyenne des traitements des pasteurs des différents cultes, elle est instructive :
    Moyenne des traitements du clergé catholique. Fr.    922
    — des muftis musulmans 1.600
    — des pasteurs protestants 2.111
    — des rabbins Israélites 2.522
  186. Atavisme n’est pas le terme tout à fait exact ici, le mot juste at le retour au type.
        L’atavisme est la tendance qu’ont les descendants modifiés et croisés par métissage, c’est-à-dire par croisement d’espèces appartenant à la même race, à reprendre un ou plusieurs caractères de la souche primitive.
        Un retour au type est la tendance qu’ont les descendants modifiés et croisés par hybridation, c’est-à-dire par le croisement de deux races distinctes, à revenir en totalité à l’une des races mères.
  187. Il est très regrettable que l’Ecole de la Paix sociale n’ait point porté ses investigations de ce côté. J’aurais aimé, par exemple, voir Guérin, auquel nous devons l’excellente monographie d’une famille de cordonnier de Malakoff ou MM. Ed. Demolins et P. Bocquet, auteurs de la monographie d’un chiffonnier de Paris, appliquer la méthode de M. Le Play à une monographie d’un gouvernant actuel. Il y a un chef-d’œuvre à faire avec une famille-type se glissant en France, gagnant avec les petits trafics de biens nationaux, avec le prix des dénonciations sous la Terreur, de quoi faire donner un peu d’instruction aux enfants, tirant de l’Empire tout ce qu’il peut donner et se résumant dans un de nos hommes d’État à la fois pourris et sectaires, étrangers à toute conviction et fanatiques d’intolérance.
  188. Lockroy a reçu cependant quelques notions de catéchisme. Une brave femme qui, sous le nom d’Elise Moreau, avait eu quelque célébrité comme poétesse avant d’épouser Gagne, l’archi Gagne, l’auteur de l’Uniteide, s’apitoya sur la misère morale de ce malheureux qui, à douze ans, ne savait des vérités fondamentales de la religion que ce que l’on en peut savoir entre deux portants de coullisses. Elle mena le petit sauvage à un respectable ecclésiastique, dont nous avons déjà parlé à propos de la Commune, l’abbé Ravailhe. Le digne prêtre s’efforça d’apprendre du moins à l’enfant à connaître et à bénir le nom de son Créateur. Le terrain, hélas ! était ingrat, et Lockroy profita peu de cet enseignement qui aurait pu le préserver de tant d’écarts.
  189. Journal d’une bourgeoise de Paris pendant la Révolution (page 181).
        « Que mon fils n’oublie jamais les derniers mots de son père que je lui repète : qu’il ne cherche jamais à venger notre mort. » (Testament de Marie-Antoinette.)
  190. Ce dessin fait partie de la collection Hennin à la Bibliothèque nationale. Au-dessus on lit cette note de la main de M. Hennin : « Portrait de Marie-Antoinette, reine de France, conduite au supplice, dessiné à la plume par David, spectateur du convoi et placé à une fenêtre avec la citoyenne Jullien, femme du représentant Juillien. Copié sur l’original existant dans la collection Soulavie. »
  191. M. Charles Vatel, dans son livre Charlotte de Corday et les Girondins, nous apprend que cet aimable jeune homme lançait des chiens de boucher sur les proscrits et les traquait comme des bêtes fauves.
        Le poète bordelais Joseph Despaze a rappelé ce détail dans les Quatre Satires ou la fin du XVIIIe siècle.

    L’un des trois Jullien, proscripteur de vingt ans,
    Ranime dans Bordeaux les bouchers haletans ;
    Les meurtres sont ses jeux et les têtes coupées
    A cet enfant cruel tiennent lieu de poupées.

  192. Si M. Meunier veut voir comment des hommes comme moi, qui n’ont pas à remonter bien loin dans leurs ancêtres pour y trouver des ouvriers chrétiens, traitent des Turlupins comme Lockroy, qui n’ont parmi les leurs que des bouffons et des assassins, il n’a qu’à lire, dans le Monde du 10 janvier, l’article intitule Bobèche. Ce n’est pas ce que j’ai fait de mieux littérairement, car c’est un de ces articles qu’on écrit plutôt avec le pied qu’avec la main, mais enfin, à moins de laisser la botte dans la partie en litige, il est impossible d’être plus net.
  193. On lira avec intérêt sur cette question un volume plein d’humour et de couleur : Grippard, histoire d’un bien de moines, par le R. P. Clair.
        Voir aussi la Revue de la Révolution, du 5 juin 1884.
  194. Malgré son aplomb Paul Bert fut obligé de retirer ce mensonge des éditions suivantes. Inutile de dire que je tiens le volume à la disposition de qui voudrait le consulter.
  195. Le Figaro du 25 février 1883 annonce le mariage au temple israélite de la rue de Buffault, de Mlle Berheim, la fille de l’expert, avec M. Gustave Rodrigues.
  196. Dès son arrivée au ministère, Lockroy s’empressa d’appeler ce Juif à lui et il le nomma chef du cabinet du ministre et directeur du personuel.
  197. Revue des Deux-Mondes du 15 février 1884.
  198. Echo de Paris du 11 août 1884.
        Ce qu’il y a d’amusant c’est qu’un journal religieux d’Auvergne, le Dimanche des Familles, avant constaté à son tour ces navrantes évidences, la Lanterne, qui ne supposait pas qu’un journal juif eût pu avoir un jour, par hasard, l’idée de dire la vérité, accusa la feuille catholique de calomnie et la dénonça naturellement aux juges francs-maçons dont elle est sûre. Voilà en quels termes polis elle l’exprimait, sans se douter qu’elle s’adressait directement non à un conservateur, mais à un républicain éprouvé comme M. Edmond Lepelletier.
        « L’abominable gredin qui diffama ainsi tout un corps honorable donne à ses inventions mensongères des conclusions plus odieuses encore.
        « Voilà les polissonneries qu’on ose publier dans une feuille soi-disant religieuse.
        « Le lâche bandit qui commet ces jolies choses se cache sous une signature de fantaisie ; mais il y a un libraire-éditeur, un imprimeur. Laissera-t-on passer ces infamies sans infliger à ce Basile auvergnat la correction qu’il mérite ? »
  199. C’est ce Compayré, célébrant dans ses manuels le suffrage universel, qui, dans une réunion publique pour les élections de 1885, lança une botte de foin aux électeurs qui sifflaient le candidat opportuniste.
        — Vous avez tort, monsieur le député, lui dit un paysan, de vous priver de votre déjeuner de demain.
  200. Le 14 juin 1883 nous voyons Mme Marie Laurent présenter la fille de M. Coblenz à l’initiation religieuse, au temple de la rue de la Victoire.
  201. Myauder c’est se réunir pour étudier la doctrine talmudiqne, la Kulacca. D’après le Talmud, traité Sirassin, Dieu lui-même, après avoir quitté le Temple, s’est réservé dans le ciel un certain lieu grand de quatre coudées ou il myaude une partie de la journée.
        Dans Yeschuot, traité de Abodu-Zara (Culte des payens), chap. 1er, on lit : Le jour a douze heures, pendant les trois premières Dieu myaude, pendant le deuxième quart Dieu est assis et juge le monde entier, mais voyant que le monde entier est coupable, il se lève de son siège de justice et s’assied sur son siège de miséricorde. Pendant le troisième quart de la journée. Dieu est assis et nourrit le monde entier, depuis les rhinocéros jusqu’aux puces ; pendant le quatrième quart Dieu est assis et joue avec le Leviathan, comme il est dit dans les Psaumes : « Ce Leviathan que tu as créé pour jouer avec lui. »
  202. Voici ces pièces qui, en se plaçant au point de vue de Zola, dans son Histoire d’une famille, constituent un document humain d’une considérable importance. D’après une lettre adressée au Français le 23 férrier 1882, l’acte de décès du grand-père de l’ancien ministre des Affaires étrangères, mort à l’hôpital maritime de Brest, c’est-à-dire au bagne, figure à l’état civile de Brest et à celui de la Ferté-Maceé, lieu du domicile du forçât, ainsi qu’aux mairies et aux greffes des tribunaux de Brest et de Domfront. Il parait, en outre, qu’il y a eu un parent guillotiné sous Louis-Philippe.
    Le père

    On y lit dans le Journal de Granville du 12 mai 1838 :

    FAILLITES

    « Par jugement du tribunal civil de Granville (Manche), du 11 mai 1838, le nommé Armand-Fidèle Constant CHALLEMEL-LA-COUR, épicier à Avranches, a été déclaré en état da faillite.
        « M. Théroulde a été nommé juge-commissaire, et Lefrançois, huissier à Avranches, syndic de ladite faillite.
        « Le jugement ordonne, en outre, que la personne de Armand-Fidèle-Constant Challemel-Lacourr sera gardée a vue par Legros, huissier à Avranches, »

    Le grand père et le grand-oncle

    On lit dans le Journal d’Alençon du 14 mai 1815 :
        « Arrêt rendu par la cour d’assises du département de l’Orne, séant à Alençon, pendant la setion du premier trimestre de 1815 :
        « Les 20 et 21 avril. — Alexandre-Fortuné-Armand CHALLEMEL- R0COUX, cidevant huissier, demeurant à Joué-du-Bois, arrondissement d’Alençon ; François CHALLEMEL, marchand de toiles, demeurant à la Ferté-Macé, arrondissement de Domfront ;
        « Convaincus de complicité de faux en écriture de commerce,
        « Ont été condamnés, savoir :
        « Le premier à vingt années, et le second à six années de travaux forcés, à la flétrisure de la marque des letres T. F. et solidairement aux frais »

    Le bisaïeul
    Réquisitoire de l’avocat du Roi au Bailliage de Falaise.

    L’avocat du Roi au bailliage de Fallaise, qui a eu communication de la plainte prèsentèe par le sieur R… de Mesuil, propriétaire, demeurant à Joué-du-Bois, contre la sieur « Challemel-Lacour, » notaire au bourg de la Ferté-Macé, ensemble de toutes les pièces du procès, requiert que le sieur « Challemel », prévenu par ladite information « d’avoir été à main armée, » le 5 septembre dernier, « accompagné de ses deux fils Rocoux et Mesnilcourt, » de ses fermiers, nommés Levannier et Bobot, d’un autre particulier, Michel Chollet, et de deux inconnus, tous armés à leur maniére, les uns de haches, de fusils, les autres de couteaux de chasse, « de bàtons ferrés, et, dans cet appareil de guerre, de s’être transportés sur la propriété dudit sieur R… du Mesnil, d’avoir, ledit sieur Challemel, présidé et travaillé lui-même au renversement d’une barrière, à la démolition d’un mur servant à clore et à partager les héritages du plaignant, » d’avoir fait abattre deux noyers plantés sur les mêmes héritage.
        Prèvenu pareillement d’avoir continué ces excès en tous genres et dont on ne connait pas d’exemple, quoique le plaignant, tout malade qu’il était, se fût transporté sur le lieu de la scène et lui eut interjeté clameur de haro de passer outre.
        Prévenu encore « de s’être transporté, sur les dix heures du soir, toujours accompagné de ses deux fils, » du nommé Chollet et de quelques inconnus « armés de fusils et d’épées, dans le jardin du plaignant, d’avoir dévasté et arraché des palis servant de clôture, enfin de s’être porté a toutes les dévastations possibles, malgré les défences réitérées en clameur de haro. »
        Requiert que le sieur Lacour……
        « Soit, décrété ainsi que ses deux fils, Rocoux et Mesnilcourt, » les nommés Levannier, Bobot et Chollel « à comparaître personnellement devant M. le lieutenant criminel » et dans les délais de l’ordonnance, pour prêter interrogatoire sur les faits mentionnés dans la plainte et résultant de l’interrogation, « pour après être requis contre eux et ordonné ce qu’il appartiendra. » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    Ce 28 août 1790.     Signé : Brunet
    Le fils
    Cour d’appel de Dijon.
    Audience du 24 janvier 1879. — Arrêt.
    La Cour,

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
        Attendu que les faits ci-dessus constituent de véritables attentats contre les personnes et les propriétés, et donnent incontestablement ouverture à une action en dommages-intérêts contre leurs auteurs, au profit de ceux qui en ont été les victimes ; qu’il s’agit maintenant d’examiner dans quelle mesure les diverses parties appelantes sont responsables et quelle est la valeur des conclusions, par elles prises devant la Cour.
        . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
        Attendu que, dans l’espèce, les faits sur lesquels repose la demande constituent {{sc|non seulement des quasi-délits, mais des délits et même des crimes} ; qu’il s’agit, d’ailleurs, d’atteintes portées à la liberté individuelle et à la propriété qui, l’une et l’autre, sont placées sous la sauvegarde de l’autorité judiciaire par les principes fondamentaux de notre droit constitutionnel.
    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
        Condamne solidairement Challemel-Lacour, Vassel, etc., etc.

  203. Presque tous les hommes politiques de la gauche ont ainsi dans leur famille des antécédents fâcheux qui les ont fait tenir en suspicion par les honnêtes gens du pays et les ont jetés corps et biens dans les bras de la Franc-Maçonnerie qui n’est pas difficile dans le choix de ses recrues. Le père de Gomot, le ministre de l’agriculture, fut assez habile pour échapper à la rigueur des lois, mais il fut l’objet de considérants déshonorants. Tous les journaux ont publié le jugement rendu, le 13 août 1847, dans une affaire de soustraction frauduleuse au détriment d’une faillite, affaire à laquelle était mêlé Gomot (Martin-Gilbert).
  204. D’après le Talmud, c’est un heureux présage que de rêver d’excréments. Presque toutes les publications sadiques sont éditées par les Juifs. Un libraire juif, millionnaire aujourd’hui, a commencé en vendant Justine.
  205. Cette fureur à souiller l’âme de l’enfant a les proportions d’une véritable monomanie de caractère contagieux. Les débats de la Cour d’assises d’Indre-et-Loire (Mars 1884) nous montre un professeur du lycée, M. Vallet, tenant aux jeunes gens confiés à ses soins les propos les plus orduriers et les plus dégradants, fournissant au directeur d’une baraque foraine s’intitulant le Musée républicain ou Senctum magasin, une toile où la religion est tournée en ridicule, et forçant ses élèves à aller la voir, interpellant lui-même les passans sur la voie publique pour les forcer à entrer.
        A Marseille, au mois d’avril 1884, un M. T…, inspecteur divisionnaire du travail des enfants dans les manufactures, en visitant un atelier de jeunes filles du quartier Rouet, se déshabille tout à coup net se montre tout nu à ces enfants.
  206. Tribunal correctionnel de Grenoble, présidence de M. Piat Dervial, décembre 1882.
        Si l’on se plaçait au point de vue de ce Morin, il faudrait donc admettre que le tribunal a fait peu de cas de la réputation de Mme Hugues, puisqu’il lui a accordé 2.000 francs de dommages-intérêts et qu’il n’a condamné la Lanterne qu’à cent cinquante francs de dommages-intérèts envers la Sœur Saint-Charles. Je me hâte de dire que ce serait là une conclusion forcée, il ne faut voir dans la disproportion des deux chiffres qu’une nouvelle preuve de la servilité de la magistrature envers les députés de la gauche.
  207. Toute cette campagne, déclamations sur la maternité, apitoiements sur la mère privée de ses enfants, aboutit naturellement à procurer une affaire a une Juive. Toutes les fois que vous verrez la presse parisienne partir tout à coup en guerre à propos d’une calastrophe ou d’un scandale, dites-vous : « il y a un brave Israélite qui a envie de gagner quelques louis. » Les Delpit s’agitent, les Juifs les mènent.
    C’est Mme Gerst qui est chargée de porter les diamants de la duchesse de Chaulnes au Mont de Piété, et il est permis de penser qu’elle a tiré quelque rémunération de sa peine. La Lanterne du 9 mars 1883 ; nous a donné le portrait de cette femme dévouée :
    « Mme Gerst est marchande à la toilette et demeure Chaussée-d’Autin, à côté de la République française. Elle a là une grande boutique où l’on voit entassés les objets les plus hétéroclites, depuis les dentelles de grand prix, depuis les pièces d’argenterie jusqu’aux bibelots les plus insignifiants, les plus inattendus. C’est ainsi qu’à côté d’une soupière d’argent qu’à failli acheter M. Gambetta, et qui est cotée dix mille francs, on voit accroché un minable cor de chasse tout bosselé, qui vaut bien soixante-quinze centimes, et dans lequel est passé un volant de Chantilly, dont l’extrémité flotte sur un encrier de zinc doré d’un franc cinquante.
    « La maîtresse du logis est une petite femme au type Israélite très accentué, à l’accent alsacien prononcé, et universellement connue dans le quartier de la Chaussée d’Antin, où tout le monde la désigne sous le nom de la Juive, »
    Il va sans dire que Mme Gerst proteste qu’elle n’a agi que par amour pour l’humanité. « La duchesse, dit-elle, avait beaucoup d’amitié pour moi et me disait souvent : Gerst, tu vas faire telle ou telle chose. Je le faisais et ne racontais ses affaires à personne, bien qu’on vint me dire souvent : Vous connaissez la Chaulnes, parlez-nous donc de ses projets. »
    Quelle leçon dans le spectacle de cette femme refusant d’écouter les conseils de saints religieux qui l’auraient aidée à sauver on corps et son âme et en arrivant à s’échouer dans une boutique de bric à brac, entre un cor de chasse bosselé et une vieille soupière, pour l’entendre appeler la Chaulnes, par une revendeuse à la toilette juive ! Voilà le roman qu’il eût fallu faire…
  208. En dehors du Talmud, de nombreux ouvrages juifs versent l’outrage sur le Christ et son Eglise. L’histoire de Notre Seigneur Jésus-Christ a été écrite en hébreu talmudique, sous ce titre : Tholedot-Ieschau, Histoire de Jésus-Christ. Ne pouvant nier les miracles du Sauveur, l’auteur les attribue à des opérations magiques et à la vertu du nom ineffable qu’il aurait eu l’adresse de dérober dans le Saint des Saints.
        « Ce livre, dit M. Drasch dans sa Lettre d’un rabbin converti, n’existe parmis les Juifs qu’en manuscrit . »
  209. Pour nous purifier de ces miasmes juifs, que je vous demande pardon de vous faire respirer, relisons l’adorable épisode de la vie du Bienheureux Gilles, qui fut le troisième compagnon de saint François d’Assise et dont le Séraphique disait : «  C’est un des paladins de ma Table ronde. » Un jour un religieux dominicain, docteur en théologie, torturé depuis longtemps par un doute sur la virginité de la mère de Dieu, vint trouver l’humble frère. Gilles en fut prévenu miraculeusement ; il marche à sa rencontre, et, sans lui laisser le temps de parler, il lui dit en frappant la terre de son bâton : « Frère prêcheur, Marie est vierge avant son enfantement. » Et un beau lys sortit de terre au même moment. Frappant de nouveau la terre, il reprit : « Frère prêcheur, Marie est vierge dans son enfantement. » Un second lys s’éleva de terre. Enfin donnant un troisième coup de bâton en terre : « Frère prêcheur, s’écrie-t-il, Marie est vierge après son enfantement. » Et un troisième lys d’une blancheur éblouissante comme les deux premiers se dressa devant eux. Et le religieux dominicain, non moins frappé de l’autorité de la parole que du triple miracle des lys, se retira emportant dans son âme cette paix divine qu’il avait jusqu’alors cherchée en vain.
  210. Voir, sur toutes ces scènes incroyables que nous atténuons, les journaux de l’époque, depuis le Figaro jusqu’à la Justice et un tableau très vivement brossé de cette orgie en pleine salle d’audience dans la Revue générale. Cest là qu’il faudra puiser pour se rendre compte de ce qu’était la justice en France en 1885.
  211. Anatole de la Forge, on s’en souvient, se livra à une chaleureuse apologie de l’assassinat.
        Le président, malgré sa faiblesse, eut un mouvement de protestation ; il comprit ce qu’avait de corrupteur pour un pays ce fait d’un représentant de la nation venant solennellement affirmer le droit de tuer ; il essaya de ramener le témoin à la pudeur.
        De la Forge, sous cette flétrissure si méritée, parut éprouver un mouvement de honte, puis devant les œillades de toutes les pleureuses qui étaient là, le vieux Beau se redressa : « C’est mon sentiment, » dit-il.
        Ni le Rouquin ni le Pacha de la Glacière n’ont été aussi loin ; ils n’ont pas excusé l’assassinat, ils ont plaidé les circonstances atténuantes, l’ivresse… Pour être bien renseignés sur l’étal d’esprit général, observe la façon dont les journaux conservateurs parlent de l’incident. De Pêne, un homme de droiture et de cœur, n’ose blâmer et Robert Macaire républicain qu’en enveloppant son blâme dans les épithètes les plus flatteuses.
  212. C’est ce que Me Le Berquier, dans son discourt à la conférence des stagiaires du 1er décembre 1884, appelle « plaider les causes les plus enflammées, sans dépasser la ligne qui sépare le droit de la licence, la discution nécessaire des agressions blessantes et stériles. » « Le barreau, ajoute-t-il, est courtois et tient à honneur de garder à la barre cette altitude correcte d’hommes divisés d’opinion, et s’expliquant sur toutes chose avec une modération qui n’ôte rien à la sincérité, ni même a la vivacitè de leurs convictions. »
        Le Berquier lui-même ne s’est pas gêné pour diffamer Alphonse Daudet en donnant un sens mensonger à des lettres toutes personelles écrites avec le laisser-aller de la vie littéraire.
  213. Gazette des tribunaux du 16 novembre 1881.
  214. Les journaux républicains, si respectueux de l’honneur des hommes, ont trouvé moyen de diffamer une malheureuse femme qui n’avait plus de jambes et qui vivait de la charité des pastants ! Vous avez tous connu ce triste spécimen des misères humaines qui se tenait sur le boulevard des Capucines et que Charles Yriarte a oubliée dans ses Célébrités de la rue. Assurément, vous vous seriez attendu à ce que la presse ne s’attaquât jamais à celle infortunée. Vous ne conaissez pas les publicistes rouges ; ils racontèrent que cette femme était une ancienne prostituée qui, poursuivie par des agents des mœurs, s’était brisé les deux jambes en sautant d’une fenêtre pour leur échapper. Or cette femme n’avait jamais été inscrite sur les registres de la prostitution ; elle n’avait jamais été recherchée par les agents des mœurs et elle n’avait jamais eu de jambes.
        « Cette malheureuse, dit M. Macé dans son livre : Le service de sûreté par son ancien chef, est une honnête mère de famille. Mariée, il y a trente ans, à un sieur L… ouvrier boulanger, elle a eu dix-huit enfants, dont trois vivent encore, habitent Paris, y exercent un métier honorable et jouissent d’une excellente réputation.
        « Cette veuve incapable de tout autre travail a toujours gagné sa vie en implorant la pitié publique. Les habitués du boulevard la conaissaient depuis longtemps et lui venaient en aide.
        « Mais depuis qu’elle a été calomniée dans la seule chose qu’elle possédait — son honneur — tout le monde la regarde avec mépris et aucune main ne s’ouvre plus pour elle. Elle a pu jadis, avec des dons charitables, élever une nombreuse famille ; elle ne peut plus aujourd’hui suffire à sa propre existence. »
        Avouez que cette victime est autrement intéressante que Mme Hugues qui est jeune, belle, spirituelle, qui fait des bustes et qui a pour la défendre un mari qui tire admirablement et qui a déjà tuer un homme en duel. Hélas cette cul-de-jatte ne parait pas assez distinguée à M. Anatole de la Forge, il faut tenir compte de la haine du pauvre qui est spéciale aux républicains Francs-Maçons (Voir chapitre 1er de ce même livre VI).
  215. Wallon, Histoire du Tribunal révolutionnaire.
  216. Clovis Hugues ne serait pas un Jacobin complet s’il lui manquait cette note hypocrite, cette affectation déclamatoire de sentiments mensongés. L’homme qui criait à sa femme après le crime : « Tu as bien fait, ma Jeannette ! » et qui trouvait tout simple qu’on tue un meure-de-faim pour quelques cancans de portière, regrettait jadis dans les Jours de combat de ne pas être le bon Dieu pour empêcher le soleil de se lever le jour où l’on exécute quelque misérable qui a coupé sa mère en morceaux ou étranglé son vieux père :

       …….Quand la foule attend qu’en se levant
    Le jour livre au bourreau un assassin vivant,
    Cet homme-là, fit-il encore plus infâme, ;
    Je le plains et je plains sa mère, pauvre femme
    Qui lui donna son lait et qui l’aime toujours.
    Je me dis qu’aux appels sacrés les cœurs sout sourds.
    Que les sociétés devraient être meilleures ;
    Qu’un siècle de douleurs, condensé dans six heures,
    Est vécu par tous ceux qu’on jette à l’ècLafaud ;
    Que l’on n’a pas de droit sur la tombe, et qu’il faut ;
    Etre juste et tuer enfin la guillotine.
    Toute l’humanité respire en ma poitrine,
    Tout le sang qu’on versa bout dans ma veine en feu ;

    Et moi qui ne crois pas, je voudrais être Dieu,
    Car lorsque je verrais que le bourreau s’apprête
    A supprimer un être, à couper une tête,
    A corriger le mal par un exès du mal,
    J’empêcherais le jour de donner le signal !

  217. Dans la séance du 21 janvier 1884, M. Delattre raconta devant la Chambre une quinzaine de vols, d’abus de pouvoir, de détournements accomplis par ce personnage ; M. Hargue répondit que c’était fort bien et la gauche fut de son avis.
  218. Parmi les gardiens de la paix poursuivis au mois d’août 1884, pour avoir frappé un malheureux vieillard du nom de Mignoguet, qui mourut à la suite de ces violences, nous voyons figurer un agent du nom de Mayer (encore un), précédemment condamné pour coups et blessures. Condamné à 200 francs d’amende, il fut définitivement acquitté en appel. Un autre gardien de la paix juif, Cyrille Jacob, assomma, le 14 septembre 1884, le concierge de la maison qu’il habitait, rue Oberkampf, 47, et en fut quitte pour deux mois de prison et cinq francs d’amende.
  219. Qui ne se rappelle les dithyrambes entonnés par une certaine presse prétendue conservatrice, à propos de ce Barréme, disparu, dans un de ces drames obscurs qui abondent à notre prétendue époque de publicité où l’on n’a jamais vu tant de mystères, pour l’excellente raison que l’on ne pourrait toucher à rien de ce qui approche le gouvernement sans remuer des montagnes d’immondices ? Ce Barrême que l’on nous offrait comme « le modèle des vertus publiées et privées » avait joui dans l’exécution des décrets un rôle, d’autant plus odieux que, tant qu’il avait cru au succès des Monarchistes, il avait affiché des sentiments religieux exagérés.
        Un correspondant du journal la Croix a donné quelques détails sur le crochetage, opéré par Barrême, du monastère de Beauchène, près Bressuire.
        « La population franchement catholique de ce pays de Vendée s’était portée en foule pour protester contre cet acte infâme. Pendant que le préfet excitait par sa présence et ses paroles l’ouvrier chargé de faire jouer le rossignol, une brave Vendéenne s’approche de lui et loi envoie, dans un certain endroit, son pied armé d’un solide sabot. La foule était menaçante ; le préfet eut peur et ne se retourna même pas pour savoir qui venait de lui faire cette gratification.
        « Il emporta sans rien dire le coup, et la bonne femme son sabot, qui fut acheté et précieusement conservé sous globe, sur une cheminée de salon.
        « Pour moi, dans la mort de Barrême, je reconnais la main de Dieu appesantie d’une manière terrible contre un persécuteur excommunié.
        « Ce que je crains le plus pour ce pauvre homme, c’est que depuis son honteux exploit, il n’ait point songé à faire lever l’excommunication, »
  220. Comparez l’article de Rochefort, les Policiers assassins, avec l’acte de Rochefort allant avec deux amis, en 1868, frapper chez lui un imprimeur impotent, et, avant d’entrer, attendant sur le boulevard Montparnasse que les ouvriers soient sortis. C’était la première foi que pareil fait se produisait. À un républicain seul pouvait venir l’idée de s’attaquer à un agent irresponsable, à un être tout instrumentaire comme l’imprimeur. Je n’excuse pas l’agression qu’un des frères Ballerich a payée de sa vie, mais il est incontestable que Rochefort a fait la même chose qu’eux dans des conditions qui se rapprochent davantage du guet-apens.
        Si je signale ce point à votre réflexion, c’est surtout en ce qu’il indique une fois de plus l’inconscience profonde de tout ce monde qui, dès que son moi est en jeu, oublie absolument les belles maximes dont il fait commerce. Sans doute l’examen de conscience auquel oblige la fréquentation des Sacrements ne préserve point notre pauvre nature si fragile de retomber dans le mal, mais elle empêche cet état de démoralisation complète où l’âme n’a plus même le sentiment de ce qui est permis et de ce qui ne l’est pas. « La confection, a dit ènergiquement Lamennais, a été instituée pour empêcher le péché de pourrir dans le cœur de l’homme. »
  221. Au mois de juin 1885 la rentrée de l’abbé Fyten, après son acquittement par la cour d’assises de Douai, fut aussi un véritable triomphe. Une foule immense était accourue à la rencontre de l’excellent prêtre criant : « Vive l’abbé Fyten » À bas les Francs-Maçons et les calomniateurs ! » Une voiture jonchée de fleurs attendait l’abbé qui y prit place à côté du doyen ; des voitures de maîtres, des véhicules de toutes sortes, des charrettes de paysans suivaient à la file. L’abbé Fyten avait eu la chance d’être traduit devant le jury ; s’il eût comparu devant des magistrats Francs-Maçons, il eût probablement fini ses jours dans une prison. Combien de prêtres ont péri ainsi !
  222. Les Francs-Maçons bien inspirés attendirent la nouvelle loi sur la magistrature pour poursuivre Mgr Pillon. Ce bon prêtre était en même temps un être d’initiative et de mouvement ; il avait créé, on le sait, la Pantographie voltaïque qui, en appliquant l’électricité aux œuvres d’orfèvrerie, permet de donner à très bon marché des objets qui jadis coûtaient très cher et met ainsi les œuvres d’art à la portée de tous. Grâce à lui, le village d’Ercuis, où la misère jadis était générale, était devenu une petite Salente : logements pour les ouvriers, maisons d’école, maisons de retraite, hôpital, tout avait été improvisé par Mgr Pillon. Les maisons d’orfèvrerie juives avaient voué naturellement une haine implacable à ce prêtre plein de cœur et de dévouement ; elles firent nommer juge un homme que Mgr Pillon avait accusé autrefois de chantage et parvinrent à faire condamner ce bienfaiteur de tout un village.
  223. Ce fut le Juif Millaud, on le sait, qui enleva le vote en votant pour le Juif Naquet qui, n’ayant pas encore donné sa démission de député, ne pouvait valablement prendre part à un vote au Sénat. Millaud espérait, grâce à ce tour de Scapin, être nommé d’emblée premier président à la cour de Lyon à la place de l’intègre président Millevoye, mais au dernier moment Martin-Feuillée lui-même sentit son cœur défaillir et recula devant un pareil choix.
        Notez que l’indélicatesse de ce Juif qui dépose un vote frauduleux dans une question aussi importante n’est blâmée par aucun des hommes de son parti. L’incorruptible Brisson lui-méme n’a pas l’air de trouver cela mauvais. Quoi de plus instructif que ce passage du procès-verbal au moment où le président de la Chambre annonce la démission de Naquet.
        M. Jolibois. — C’est aujourd’hui seulement, si vous acceptez la démission de M. Naquet, que M. Naquet aura cessé d’être député. Je tiens donc à constater qu’il y a un prétendu sénateur qui a voté au Sénat, n’ayant pas le droit de le faire. (Applaudissements à droite. — Bruit)
        M. le Président. — Dans tous les cas la Chambre — et le président ne peut parler que de ce qui se passe à la Chambre — est saisit régulièrement de la démission de M. Naquet.
        Ce dans tous les cas n’est-il pas fabuleux ?
        La République, d’ailleurs, a introduit dans les mœurs parlementaires les habitudes des tapis-francs. On vole les bulletins, ou fait des faux, ou contrefait les écritures, sans que le président, que ce soit Brisson, Floquet ou Le Royer songe à intervenir. M. Laguerre, dans la séance du 29 décembre 1885, qualifie « d’escroquerie » le vote de M. Franconie ; M. Raoul Duval déclare que certains votes constituent « des faux en écriture publique passibles de la cour d’assises ; » le comte de l’Aigle constate que la Chambre est «  une caverne de brigands. » Pauvre France !
  224. La Revue des Études juives qui reproduit ces citations du Talmud reconnaît elle-même que la traduction de ces fragments de la Ghemara de Babylone « est exacte, précise, très scientifique et le sens du passage en général bien saisi. »
        L’abbé Chabauty dit à ce sujet que maintenant que la magistrature est devenue juive, « les catholiques devront veiller soigneusement à n’avoir aucun procès avec les Juifs ou avec leurs prosélytes, les Francs-Maçons. » Voila un conseil qui vaut de l’or.
        Des centaines de faits démontrent quelle haine anime ces magistrats juifs contre le Christ et ceux qui l’adorent. Au mois d’août 1885, un jeune homme brise une croix. Devant le tribunal de Corbeil, le malheureux répond « crânement, » c’est la Lanterne qui parle, qu’il a agi ainsi parce qu’il n’aime pas les croix. Le substitut Cohen prend en main sa défense : « Si c’était, dit-il textuellement, un objet d’art, un tableau de prix, je demanderais une condamnation sévère, mais une croix !... » Le président, M. Birague d’Apremont, qui a survécu, je ne sais comment, à l’épuration, rappelle, en quelques paroles indignées, ce Juif à la pudeur ; le substitut, sûr d’être félicité par ses chefs, réplique insolemment et dénonce le président à la Lanterne, qui couvre le magistrat d’injures et Cohen de fleurs.
  225. Un jugement rendu en Saône-et-Loire, au mois d’août 1884 montre a quel point toutes les autorités sont de connivence pour le mal. Le sous-préfet de Château-Chinon, M. Desvoisins, M. du Refuge, receveur des finances, et M. Paris, receveur des domaines, avaient tiré des coups de revolver sur une chapelle privée ; la porte avait été criblée de balles. Pour cet attentat à la propriété, ces trois fonctionnaires bien assortis furent condamnés à un franc de dommages-intéréts.
        On aura peine à croire ce que j’avance, rien n’est plus exact. Cette affaire, dont le résultat est mentionné par le Figaro du 29 août 1884, est racontée tout au long par le journal l’Autunois.
  226. La Ligne, 10 mai 1885.
  227. Figaro, 12 août 1885.
  228. M. Laferrière a été nommé depuis vice-président du Conseil d’Etat.
  229. Il est inutile, je crois, de démontrer longuement l’innocence du pauvre prêtre qui n’a jamais fait doute pour personne puisqu’à l’heure du crime, il était à six kilomètres de là.
        Les Juifs n’ont donné que deux preuves de sa culpabilité. Voici la première : Lanterne du jeudi 23 novembre 1883, 3 frimaire au 90, troisième colonne : Ce jour là même, à Ferreux, le curé vint-il, selon l’usage, dire les prières sur le corps de Duban ? Non… Même numéro, quatrième colonne. Les obsèques de Duban eurent lieu le 5 mais au soir, à Champcenetz, commune d’où dépend le château de Ferreux. Pour comble d’hypocrisie et d’horreur, à côté de l’abbé Proffit, curé de Champcenetz officiait… le curé Frairot. L’assassin osait venir dire les prières de l’Église sur le corps de sa victime !
        Quand le curé n’officie pas c’est la preuve qu’il est coupable, quand il officie c’est un crime de plus. Etonnez-vous donc qu’un prêtre de campagne traqué de cette façon ait perdu la tête !
  230. Il faut regarder aussi, dans le numéro du 15 novembre de la Police illustrée que publie hebdomadairement la Lanterne, la Semaine comique par Cool Toc avec ce sous-titre : le Curé assassin ou la vertu récompensée. On y voit le curé assis devant une table bien servie en face d’une femme dans une attitude gaillarde, puis Dieu le père, attirant le curé à lui ; un dessin plus grand représente le curé pendu et tirant la langue ; aux pieds du mort qui traînent sur le parquet, il y a un exemplaire de la Lanterne. C’est effectivement fort comique. J’ai deux exemplaires de cette feuille, qui fait honneur à Eugène Mayer ; j’en tiens un à la disposition de Bedarrides et autres impudents qui s’émancipent souvent à parler du « pauvre Israël si bon, si tolérant. »
        Notons encore, parmi les imaginations ignobles qui caractérisent, bien une époque, la cavalcade organisée dans le bourg de Saintines, au mois de mars 1884, avec l’autorisation de M. de Selves, préfet de l’Oise. Sur des chars ornés de feuillages, des filles étaient installées. D’autres chars servaient de voitures-réclames à un roman-feuilleton de la République française. Dans une carriole fermée par un rideau qu’on tirait moyennant deux sous on avait placé un bouc et une chienne qui étaient censés représenter le malheureux prêtre et la femme que la calomnie lui attribuait comme maîtresse. Tout ce que les villages de la banlieue de Paris contiennent de gens mal famés suivait à cheval ou à pied, ivres dès le matin, hurlant des refrains qui auraient épouvanté le marquis de Sade.
  231. Archives israélites, volume 36 (numéro du 1er août 1875).
  232. Ce préfet, qui se faisait pompeusement appeler de Trémontels, s’appelait tout simplement André. Avant d’être préfet de la Corse, il avait été préfet de l’Aveyron et il paraît que dans ce poste il aurait commis de nombreux détournements à l’aide de mandats fictifs. C’est du moins ce qu’affirma le fonctionnaire qui lui succéda dans l’Aveyron, M. Démangeat, dans une lettre adressée à la Nouvelle Presse et publiée par elle le 11 novembre 1884 : « Je refusai à maintes reprises, dit M. Démangeat, et malgré de nombreuses lettres de rappel de M. Legnay, directeur des affaires départementales, qui connaissait, le dossier, de justifier des comptes injustifiables. »
        Il est vrai que dans la discussion d’une interpellation qui eut lieu à la Chambre, le 10 novembre 1884, à propos de la révocation du même M. Démangeat comme inspecteur des prisons, M. Asmodée Laroze, sous-secrétaire d’Etat à l’intérieur, fit planer des doutes sur la probité de ce dernier, qui fut réintégré dans l’administration sous le ministère Brisson.
        Waldeck-Rousseau avait déclaré solennellement à la Chambre qu’il avait mis M. de Trémontels en demeure de faire un procès devant le jury pour se laver complètement. Trémontels a craint des révélations écrasantes et l’affaire en est restée la.
  233. On n’a point l’idée, me disait M. de Multedo, conseiller général, de ce que l’opportunisme a fait de la Corse en quelques années. On y est revenu à l’état sauvage et la loi n’existe plus pour ceux qui n’appartiennent pas à la bande dominante. Le 25 janvier 1885, un ouvrier, Dominique Antoine Urbain, est frappé de cinq coups de couteau dans la région du cœur. Celui qui l’a frappé, un nommé Franchini, qui a déjà joué un rôle dans l’affaire Saint-Elme, est acquitté par le tribunal d’Ajaccio, et c’est la victime qui est condamnée aux dépens. Chacun se fait justice soi-même ; le nombre des meurtriers réfugiés dans les maquis, qui était descendu à 60 à la fin de l’Empire, est maintenant de plus de 1,200.
  234. Cet Emmanuel Arène, qui ne fait passer volontiers pour un descendant d’Arena, est le fils d’un quincaillier juif de Marseille qui vint s’établir à Ajaccio.
  235. Voir à ce sujet, en dehors du Journal officiel du 6 et du 8 juin 1884, la Question Corse, par M. Ernest Judet, et la réimpression du journal le Sampiero dont Saint-Elme était le rédacteur en chef.
  236. Des Principes du nouveau code d’instruction criminelle, par M. Guillot, juge d’instruction.
  237. Voir la mort de M. Maîtrejean, on vieux magistrat, frappé par Martin-Feuillée, pris d’une mélancolie noire et qui se suicidant au mois de février 1885.
  238. Février 1883.
  239. Figaro 14 mai 1883.
        Il y a toujours des gens qui vont trop loin. Cuvillier, marchand de graines à La Chapelle, était de ce nombre ; il payait ses employés et jusqu’à son tailleur avec des bons du bureau de bienfaisance ; le scandale parut dépasser la mesure et au mois de janvier 1886 il fut condamné par la 11e Chambre à huit mois de prison.
  240. Voir sur cette affaire, qui prouve à quel point d’arbitraire on en est arrivé en province, le numéro du Patriote de Normandie portant la date du 20 octobre 1881, et la Semaine religieuse d’Evreux du 3 novembre 1883. « Nous ne faillirons pas à notre devoir, dit en terminant la Semaine religieuse, et nous publions, pour qu’ils soient cloués au pilori de la conscience publique, les noms des menbres de la commission scolaire de Montaure et du juge de paix de Pont-de-l’Arche.
    « Les membres de la commission scolaire sont les citoyens :
    « 1. Boutry Césaire, maire de Montaure et propriétaire.
    « 2. Alépée Basile, ancien propriétaire, ancien boucher, actuellement tisserand.
    « 3. Richard (Jean-Baptiste), fils, tisserand.
    « 4. Martin (François), ancien adjoint, propriétaire et tisserand.
    « 5. Deriberprey (Julien), adjoint au maire, propriétaire et tisserand tous domiciliés à Montaure.
    « Retenons bien maintenant le nom du juge de paix de Pont de l’Arche qui a prononcé la condamnation.
    « Il s’appelle Dussaux. »
  241. Consulter à ce sujet le livre de M. Macé, le Service de sûreté, auquel nous avons fait déjà plus d’un emprunt. L’ancien chef de la sûreté déclare avoir toutes les pièces à la disposition de ceux qui voudraient être édifiés sur la cliente de M. Delattre et sur M. Delattre lui-même.
  242. Voir l’éloquent et simple récit de M. Lacointa, dans le Correspondant du 25 février 1881. Sous ce titre : les Voleurs d’enfants, M. Léon Lavedan a publié également, dans le Figaro, un récit très circonstancié de ce rapt.
  243. En 1859, les Juifs avaient mis tout Paris en mouvement et fait intervenir même l’Empereur parce que deux jeunes détenus condamnés pour vol, David et Isaac Salomon, avaient été l’objet de tentative de conversion.
  244. Le sous-prèfet poursuivit sa victime jusque dans la mort ; le religieux avait demandé à être enterré dans son cher Hermitage ; l’autorisation fut brutalement refusée.
        Le même fait s’est d’ailleurs reproduit à peu près partout. Voici ce qu’écrivait à l’Univers, au mois d’avril 1884, le vénérable abbé de Solesmes, dom Couturier.
        « Un de nos vieux frères, chassé comme nous de l’abbaye, il y a quatre ans, vient de mourir dans un département voisin. En mourant, il avait sollicité la grâce d’être enterré dans le cimetière de la paroisse de Solesmes, dont le nom lui rappelait tant et de si chers souvenirs. Cette grâce paraissait facile et n’avait rien qui put compromettre l’intérêt public. La demande en fut donc faite au nom de la famille du défunt. Mais au bout de 24 heures d’hésitation et de négociations sans doute avec le ministère, le préfet a répondu par ce singulier télégramme :
        « La famille du défunt n’habitant pas Solesmes, il n’y a aucun motif d’accorder l’autorisation que vous demandez de transporter dans cette commune le corps du défunt. »
  245. Je vous citerai dans cet ordre un fait de peu d’importance, sans doute, mais topique. Je le tiens de Camille Doré, un brave lieutenant de vaisseau devenu journaliste, et qui certainement s’il a juré quelquefois, quoique bon chrétien, n’a jamais menti de sa vie. Quelques mois avant les décrets, il rencontre Bethmont avec lequel il avait été élevé. — Comment va ton fils ! demande-t-il. — Oh ! admirablement ! Je suis enchanté de ses progrès maintenant que je l’ai mis chez les Jésuites.
        Bethmont n’en vota pas moins l’ordre du jour Devès demandant l’expulsion des congréganistes. — Comme tu es canaille ! lui dit Doré quelque temps après.— Bah ! mon cher, l’intérêt avant tout !
        Un tel acte n’est-il pas caractéristique de la part d’un homme dont le père a été élevé gratuitement par des religieux, de la part d’un homme surtout que la faim n’étreint pas ?
        Notez que le monde, qui sera sévère pour une femme qui se livrera pour manger, ou pour un affamé qui volera un pain, n’aura que des sourires pour cet homme qui s’est absolument vendu en consentant, pour une place de président à la Cour des comptes, à proscrire des religieux qu’il jugeait irréprochables puisqu’il leur confiait son enfant.
  246. Cri du Peuple, du 5 novembre 1884.
  247. Lire la pétition touchante adressée, au mois de janvier 1884, au président Grévy par douze cents malades de l’hospice des Incurables d’Ivry-sur-Seine, qui rappellent ce qu’ils ont souffert ailleurs de la part des infirmières laïques et qui supplient qu’on ne les prive pas des soins que leur prodiguent les religieuses.
        « La plupart d’entre nous, disent ces pauvres gens, ont fait un séjour plus ou moins long dans les hôpitaux laïcisés. C’est vous dire, monsieur le Président, que nous avons fait par nous-mêmes l’expérience de la laïcisation, et que tous, sans distinction d’opinion, nous savons, à n’en point douter, qu’en perdant les Sœurs, nons perdons en même temps le repos, l’ordre et, il faut l’avouer, hélas ! les soins qui nous sont si nécessaires et les égards qui nous sont dus. A l’appui de notre dire, nous pouvons citer un fait : les pensionnaires de La Rochefoucauld et des Petits-Ménages, laïcisés depuis trois ans, ont déjà pétitionné deux fois pour demander la réintégration des Sœurs. »
        Dans la séance du 28 janvier 1885, le Conseil municipal, saisi de la question, se prononça naturellement pour la laïcisation, malgré un éloquent discours du docteur Després. Un conseiller trop connu, Menorval, voulut intervenir dans la discussion en lisant une lettre ignoble contre les Sœurs, qui dégoûta même cette assemblée peu difficile. « M. Marius Martin et M. Després, dit le Figaro, obligent leur collègue à donner le nom du signataire de cette ignominie, et il finit par avouer que c’est un Israélite du nom de David. »
  248. On comprend l’horreur qu’éprouve maintenant pour les hôpitaux ce peuple de Paris qui autrefois avait une égale confiance dans la science des maîtres et dans le dévouement du personnel. Pendant le choléra, les infortunés, croyant que tout avait été laïcisé, n’osaient pas avouer qu’ils étaient malades dans la crainte d’être livrés au personnel choisi par Quentin et demandaient en grâce aux médecins de ne pas les trahir. Rue de Nevers, un infirmier qui, appuyé par des agents, venait s’emparer d’un malade, fut à demi assommé par les voisins.
        Je ne sais rien de navrant comme la fuite éperdue de deux malheureux de mon quartier. Le médecin qui les soignait avait dû révéler, au commissaire Bagnottet que la femme était atteinte du choléra… Alors la pauvre femme, prévenue qu’elle allait être enlevée de force, supplia son mari de l’arracher a ce supplice, et voilà ces deux êtres, la femme agonisante, l’homme fou de douleur, partis en pleine nuit à travers l’immense Paris, errant comme la bête qui cherche un coin pour y mourir. La police, qui n’arrête jamais les malfaiteurs, découvre les malades. Le couple fut repris à la Maison-Blanche le lendemain et la femme, qui avait rêvé de finir en paix chez elle, fut traînée dans un hôpital où elle succomba presque immédiatement.
        Sous prétexte qu’il pourrait se trouver un crucifix dans une maison ; empêcher les gens d’expirer chez eux, près de ceux qu’ils aiment, jamais aucune tyrannie n’avait osé cela !… Ajoutons que devant l’impossibilité de se faire obéir, Camescasse finit par déclarer qu’on avait le droit de mourir à peu près tranquille.
  249. Une circulaire confidentielle de Quentin, que tous les journaux ont publiée au mois d’avril 1884, proclame, plus énergiquement que nous ne le pourrions faire, le gaspillage scandaleux qui règne dans ces hôpitaux laïcisés où, à demi ivres dès le matin, les femmes qui ont remplacé les religieuses, sont hors d’état de distinguer un médicament d’un autre. Il résulte de cette pièce qu’en chiffres ronds on employait autrefois 4,000 litres d’ean-de-vie par an, depuis la laïcisation on en boit 16,000 litres ; autrefois on consommait 5,000 litres de rhum, maintenant 32,000 litres ; autrefois 144,000 kilogrammes de sucre, maintenant 200,000 livres ; autrefois 1,893,000 litres de vin, maintenant 1,646,000 litres ; autrefois 56,000 litres de vin de Banyuls, maintenant 128,000 litres ; autrefois 1,130,000 litres aujourd’hui 2,675,000 litres.
  250. Au mois de février, à propos de la laïcisation des hôpitaux de la ville, un médecin de Lyon, le docteur Augagnem, républicain et libre-penseur, adressait au Courrier de Lyon trois lettres fort remarquables qui concluaient absolument dans le même sens.
        « Sur les 600 Sœurs des hôpitaux, disait-il, 405 occupées dans les salles, sont en contact direct avec les malades. Je mets en fait, et aucun médecin ne me contredira, qu’il est impossible de trouver non-seulement à Lyon, mais dans toute la France peut-être, 400 femmes capables de faire immédiatement ce service. Nous voyons chaque jour, en ville, des gardes-malades et nous sommes fixés sur la valeur moyenne des membres de la corporation…
        « Entre les religieuses et les laïques, il y aura toujours une différence originelle d’une extrême importance. Les religieuses n’embrassent pas la vie d’hospitalisme uniquement pour trouver des moyens d’existence : les causes de leur choix sont d’un ordre plus élevé, elles se contentent de 40 fr. par an et pensent faire leur salut. Et combien les laïques estimèrent-elles l’indemnité équivalente au salut ? Agir pour une idée, fut-elle fausse, sera toujours supérieur au fait d’agir pour de l’argent. Dans l’armée, les volontaires ont toujours étés préférés aux remplaçants, à ceux qu’on appelait les vendus. »
  251. Pour l’analyse exacte de cet état d’âmes oû l’être humain, pris soudain d’un rire convulsif, profane les cadavres et les souille dans une sorte de vertige diabolique, les esprits curieux feront bien de lire l’admirable chapitre de Michelet sur la crise morale que traversa la France au XVe siècle pendant les horreurs de la guerre de cent ans. Ce fut alors que commencèrent les représentations de la Danse macabre, dans le cimetière des Innocents, où le soir les filles folles faisaient leur métier sur les tombes.
  252. En quelques années, sous l’influence du matérialisme officiel, on a vu disparaître en France des sentiments, comme le respect de la mort, qui semblaient innés dans le cœur de l’homme. Dans certains hôpitaux, on jette maintenant les morts pêle-mêle dans le même cercueil.
        Une jeune femme habitant à Saint-Denis, impasse des Gémeaux, Mme M…, entrée à l’hôpital de Saint-Denis, le 12 octobre 1885, mettait au monde, le soir même, un enfant, qui mourait quelques heures plus tard. Le corps, gardé pendant quatre jours, fut déposé, le 16 octobre, dans le cercueil d’une personne morte la veille, et c’est le médecin qui voulait examiner le petit cadavre qui découvrit cet acte monstrueux. Un fait analogue avait déjà été constaté le 13 octobre dernier, pour l’enfant d’une dame L…
        Pour dissimuler plus sûrement cette fraude, on n’avait même pas déclaré la mort de l’enfant. Vous voyez les garanties qu’une semblable administration offre aux familles.
        Le Gaulois, du 7 novembre, et le Cri du Peuple, du 9 novembre 1885, ont raconté au long tous ces faits.
  253. Le Cri du Peuple du 10 et du 13 octobre contient sur ces Saturnales cruelles des détails navrants.
  254. C’est un Lowton, lui aussi, croyons-nous. Nous voyons dès 1837 un Charles Quentin inonder de ses vers l’Univers maçonnique et gémir sur la mort d’Hiram.


    Hiram n’est plus ! Que les fils de la Veuve
    Supportent avec force une si dure épreuve !
    Recevons du héros de stolques leçons ;
    Du haut des cieux il veille au salut des Maçons
    Jéhovah seul connaît le sort des Hiramites :
    Qui peut à sa puissance assigner des limites ?

    Un seul fait suffit à prouver combien la Franc-Maçonnerie ment impudemment lorsqu’elle prétend que dans ces persécutions sur les malades des hôpitaux, elle est d’accord avec le sentiment de la population ouvrière ; c’est encore le docteur Després qui l’a signalé, à propos des Enfants Trouvés, dans la séance du 1er décembre du conseil général de la Seine.
        « La direction de l’hospice, dit-il, sur l’invitation de M. Quentin, a demandé pendant une année aux mères qui portaient ou envoyaient leurs enfants à l’hospice, si elles voulaient que leur enfant fût baptisé. Au bout d’un an, on a cessé de poser cette question. Savez-vous pourquoi ? Parce qu’en 1882, pour 2, 000 enfants présentés, une mère, une seule, a demandé qu’il ne fût pas baptisé. »

  255. Les malheureux malades faillirent avoir encore pis. Au mois d’août 1884, tous les journaux, on s’en souvient, annoncèrent la nomination de Strauss, comme directeur de l’Assistance publique. Avec celui-là le pauvre chrétien qui aurait été surpris faisant un signe de croix aurait été sur de son affaire. Peyron, il est vrai, ne vaut guère mieux, mais du moins il n’a pas subi de condamnation infamante.
  256. Voici au reste ceux qui se sont abstenus, c’est-à-dire qui n’ont pas eu le courage de leur opinion dans la discussion qui a eu lieu au Senat lors de la suppression des aumôniers dans les hôpitaux.
        Ce sont : MM. Barthe (Marcel), Blanc (Xavier), Calmon, Cherpin, Cuvinot, Deffis (général), Donnot, Dumesnil, Dupré, Eymard-Duvernay, Frébault (général), Galloni d’Istria, Gilbert-Boucher, Grévy (Albert), Guinot, Hébrard (Adrieu), Jaurès (amiral), Lacomme, Lasteyrie (Jules de), Lemoinne (John), Le Royer, Lure, Milhet, Fontarabie, Pélisnier (général), Pons, Rémusat (Paul de), Rigal, Roussel (Théophile) Rosière (de), Scherer, Teisserenc de Bert, Tenaille Saligny, Wurtz.
        La servilité, dont le Sénat a fait preuve en toute occasion, ne lui a pas réussi ; après avoir été traité comme on sait, il n’attend plus que le jour prochain, espérons-le, où il sera définitivement balayé.
  257. Quid gloriosim quam collegam Passionis cum Christo factum fuisse ? Lettre des confesseurs de Rome à Saint Cyprien.