La Grande Grève/3/14

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Librairie des Publications populaires (p. 452-462).
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Troisième partie


XIV

LES BRISOTINS


Ce jour-là, Galfe et Céleste étaient allés se promener du côté de la gare. Ils étaient partis à l’aube pour jouir de l’éveil de la nature par une belle matinée de printemps. Un spectacle cher aux amoureux. Galfe et Céleste l’étaient toujours.

Dans le ciel, rose du lever du soleil, des chants d’oiseaux montaient au milieu d’un grand calme. Les habitants de Mersey n’étaient pas encore réveillés ou, s’ils l’étaient, les volets de leurs maisons demeuraient clos. Dans une heure commencerait le mouvement habituel, l’arrivée des voitures maraîchères, la descente des ouvriers dans la ville, les allées et venues autour des puits où les mineurs soumis travaillaient sous la protection de la troupe, tandis que les grévistes, se reposant de leurs fatigues d’antan, faisaient la grasse matinée avec leurs femmes. Le droit au repos est-il moins nécessaire que le droit au travail, jadis réclamé avec tant de conviction par des salariés dont la vie entière n’est qu’un incessant labeur ?

En descendant la côte des Mésanges, les deux amants aperçurent, rangés devant la gare, une multitude d’ouvriers. Non pas une troupe, mais un troupeau, un troupeau immobile, muet, plus ou moins aligné, les uns debout, quelques autres assis à terre, dans l’attente apparemment du berger et des chiens de garde qui devaient venir les chercher.

Galfe et Céleste eurent le même tressaillement ; ces hommes portaient tous le chapeau de cuir des mineurs. Chacun d’eux avait un lourd bissac passé en sautoir.

— Ils ne sont pas d’ici ! fit Céleste.

Elle et Galfe se regardèrent, échangeant dans ce regard la même pensée. À coup sûr, c’étaient des raccolés, des jaunes embauchés sans bruit par la direction pour mater la grève.

— Approchons-nous, dit Galfe.

Si, entraîné par sa nature songeuse, loin des événements terre à terre, il n’avait point jusque-là apporté comme Détras de concours actif aux mineurs, il n’en demeurait pas moins l’ancien esclave révolté. En ce moment, il sentit battre son cœur et s’enflammer son esprit à la pensée des hommes de sa classe engagés dans une lutte désespérée contre le capital.

Ils achevèrent de descendre la côte et se trouvèrent à deux pas des mineurs. Galfe aborda l’un d’eux dont la physionomie, quoique soucieuse, paraissait assez ouverte.

— Vous venez pour travailler aux mines ? demanda-t-il.

L’homme eut une sorte d’hésitation, puis, d’une voix sourde, répondit :

— Oui.

— C’est mal, fit Céleste d’une voix douce mais ferme. Vous allez enlever le pain à des ouvriers comme vous, à des femmes, à des enfants. Vous n’avez donc pas de familles, vous autres ?

L’homme ne répondit pas.

— Voyons, camarades, dit Galfe. Il ne faut pas se manger entre travailleurs ; vous aussi vous êtes des exploités, Vous devriez vous unir tous contre les patrons. Mais, à propos, d’où venez-vous ?

— Du Brisot, murmura sourdement le mineur.

— Du Brisot !

Cette exclamation jaillit en même temps des lèvres de Céleste et de Galfe. Quoi, c’était l’autocrate, le dieu terrestre de cette ville qui envoyait ses esclaves au secours du tyran de Mersey pour aider à l’écrasement des grévistes !

— Ah ! s’écria Galfe, vous êtes les machines, le bétail de ce vieil exploiteur, de ce saligaud qui s’est vautré toute sa vie dans la paresse, le luxe et les jouissances, avec sa famille et ses pouffiasses ! C’est vous qui avez l’honneur d’entretenir ce maquereau social, et maintenant vous venez pour affamer des ouvriers comme vous ! Vous êtes donc tous des jean-foutre ?

D’ordinaire, Galfe n’usait point d’expressions grossières. Mais, cette fois, la colère l’emportait en présence de cet avilissement de sa classe, fournissant des mercenaires contre elle-même, à ses ennemis. Et le poète rêveur devenait tribun plébéien ; de sa bouche s’échappaient des paroles enflammées :

— Êtes-vous donc des lâches ou des brutes ? Ne comprenez-vous pas que vous êtes des hommes pétris de la même chair que vos maîtres et que vous avez les mêmes droits naturels qu’eux autres ? Combien gagne par jour un Schickler à ne rien faire ? Trente mille francs, au moins… peut-être le double ! Et vous, qui l’entretenez en travaillant dix heures, vous ne gagnez pas quatre francs ! Et vous n’avez pas l’intelligence de vous révolter ! Imbéciles !

Ces paroles furieuses impressionnaient les mineurs plus que des phrases persuasives. Le peuple aime à être invectivé ; les apostrophes qui, dites d’homme à homme, constitueraient un outrage, deviennent, adressées à la masse, un moyen d’action. L’effet produit par la véhémence de Galfe était d’autant plus considérable qu’on sentait en lui non le phraseur, mais l’homme qui, entraîné par une impulsion naturelle, irrésistible, parle avec tout son cœur. Des visages se faisaient sombres, des poings se serraient convulsivement et ce n’était pas à l’anarchiste que s’adressaient ces symptômes de colère. Non, ils semblaient menacer quelque personne invisible et lointaine, peut-être Schickler.

Le mineur qui avait répondu à Galfe murmura très bas, comme se parlant à lui-même :

— Nous aussi, nous avons des femmes et des enfants. C’est pour cela que nous devons nous soumettre…

Cependant, le troupeau humain avait ses bergers, des contremaîtres gardant et surveillant les mineurs en attendant l’arrivée de Troubon, Moschin et Villemar qui devaient les conduire aux puits. L’un de ces contremaîtres aperçut un homme haranguant son monde. Furieux, il accourut.

— Voulez-vous bien me foutre le camp ! cria-t-il à Galfe.

Il se précipitait sur lui, brandissant un bâton. Prompte comme l’éclair, Céleste se jeta devant son amant et reçut le coup de bâton. Le bâton la frappa à l’épaule si rudement que la courageuse femme chancela sans pouvoir retenir un cri de douleur. Un écart de quelques centimètres, elle eût été assommée.

Éperdu, voyant rouge, Galfe se lança sur le contremaître d’un élan si terrible qu’il le renversa. L’instant d’après, il lui avait arraché son bâton, qu’il brandissait, s’écriant d’une voix éclatante :

— Ah ! lâches ! Il ne vous suffit pas d’affamer vos frères de misère ! Il vous faut encore assassiner des femmes ! Vendus !

Plusieurs contremaîtres s’étaient élancés, menaçant Galfe. Mais cette scène avait achevé de remuer les ouvriers. Au fond, la plupart d’entre eux détestaient Schickler ; même les plus inconscients, ceux qui croyaient à la nécessité des patrons, se disaient qu’il était le maître, l’exploiteur. En outre, l’individu qui avait frappé Céleste était un des gardes-chiourmes les plus haïs des serfs du Brisot. Sa chute produisit un effet magique.

— Bravo ! s’écria une voix. Il l’a mérité. Vive la grève !

Ces mots : « Vive la grève ! » eurent un écho immédiat. Une partie des Brisotins, complètement subjugués, acclamaient la cause ouvrière, d’autres, indécis, agités, semblaient prêts à se joindre à eux ; une cinquantaine seulement se montraient, au milieu de l’agitation générale, silencieux, résignés à obéir toujours et quand même à l’ordre des chefs. Ceux-là étaient des esclaves irrémédiablement déchus, inaccessibles à la raison, au sentiment, bons pour les besognes les plus serviles.

Et comme les contremaîtres entouraient Galfe, des ouvriers se jetèrent entre eux et lui pour le protéger. Céleste, se débattant entre les bras de plusieurs qui voulaient l’éloigner de la bagarre, criait :

— Laissez-moi ! défendez-le ! c’est Galfe, qui est allé au bagne pour vous !

Galfe ! ce nom courut aussitôt parmi les Brisotins. Sans même qu’il s’en fût jamais rendu compte, l’ancien forçat, ainsi que Détras, avait sa légende parmi les mineurs de la région. On ne se rappelait plus exactement ses actes ; le temps avait altéré le souvenir précis du fameux procès de la « bande noire » ; mais ce qu’on savait, c’est qu’il avait été un vaincu, une victime de la cause ouvrière.

— Vive la sociale ! Vive la révolution ! cria une voix.

Galfe, abasourdi de ce revirement, regarda d’où partait un pareil cri. C’était le mineur avec lequel il avait échangé quelques mots, qui venait de le pousser.

À ce moment, arrivaient deux groupes bien distincts.

Dans l’un, le plus éloigné, qui s’approchait tranquillement, marchaient sur la même ligne, causant entre eux, Troubon, Moschin et l’ingénieur Villemar. Derrière eux, quelques contremaîtres, personnages d’importance secondaire. L’un de ceux-ci, Ballard, avait conduit à Mersey le troupeau des Brisotins.

L’autre groupe, qui arrivait non loin de la direction, mais du faubourg de Vertbois, comprenait Bernard, Sarrazin, Ouvard et une douzaine de syndiqués. Eux ne marchaient pas, mais couraient.

Comment ces derniers avaient-ils été prévenus de l’arrivée des Brisotins ?

Tout simplement parce que Sarrazin, n’ayant pas renoncé à la louable intention de casser la figure à Canul, s’était rendu derechef avant le lever du jour vers l’habitation du mouchard pour guetter la sortie de celui-ci. Et, caché derrière l’angle du mur, il avait entendu Canul ouvrir la fenêtre tout en répondant à une question de sa femme :

— Parce que les nouveaux vont arriver ce matin. Malheur ! les rouges vont faire une tête !

Ces paroles, qui ne laissaient subsister aucun doute sur le rôle du misérable, avaient tellement frappé Sarrazin, que, renonçant pour le moment à toute envie de détériorer le visage de Canul, il s’était précipité chez Bernard, dont la maison était la plus rapprochée.

À coups de pied et de poing dans la porte, il avait réveillé son occupant pour lui communiquer ce qu’il venait d’apprendre.

Bernard, plutôt ému que surpris, car il savait les efforts de la Compagnie, pour recruter des jaunes, s’était vêtu immédiatement, et, avec Sarrazin, rendu chez Ouvard. Là, ils avaient tenu conseil et décidé que le mieux était de se porter à la rencontre des arrivants pour tenter de les débaucher.

D’où venaient-ils ? C’est ce que Sarrazin ne pouvait leur dire, Canul n’ayant pas précisé ce point. Mais très vraisemblablement ils arriveraient par le chemin de fer. Un train du Nord devait entrer en gare à ce même moment : il n’y avait pas de temps à perdre.

Et aussitôt ils s’étaient dirigés vers la gare, réveillant les mineurs dont l’habitation se trouvait sur leur passage. Ils étaient maintenant seize qui se hâtaient et allaient sans doute être rejoints par d’autres, car les femmes des grévistes, pendant ce temps, couraient éveiller à leur tour les camarades et répandre partout la nouvelle.

Tandis que le groupe venu de la direction, dans l’ignorance du mouvement produit par Galfe, s’avançait au pas, Bernard et ses compagnons couraient. Il en résulta que ceux-ci arrivèrent les premiers, avec une avance de deux minutes sur le personnel de la Compagnie. Deux minutes, c’est quelquefois énorme.

Du premier coup d’œil, Bernard et Ouvard jugèrent la situation, voyant l’effervescence des Brisotins bien que sans en comprendre la cause. Ils se précipitèrent en avant.

— Camarades ! cria Ouvard, vive la solidarité ouvrière !

À ce moment. Céleste, réussissant à se débarrasser de ceux qui la retenaient, courait vers Galfe en criant aux grévistes :

— C’est Schickler qui les envoie !

Immédiatement, les mineurs de Mersey furent au milieu des Brisotins. Déjà Galfe, dégagé, adressait à ceux-ci des exhortations enflammées :

— Êtes-vous des esclaves ? une marchandise ? Allons, montrez que vous avez du cœur ! C’est votre solidarité qui brisera la puissance des patrons.

Les contremaîtres avaient reculé. L’un d’eux, celui que Galfe avait renversé, eût voulu, avec les ouvriers restés fidèles, cogner sur les insubordonnés pour les faire rentrer dans la soumission. Mais ses collègues l’arrêtèrent : ils étaient la minorité et n’eussent pas été les plus forts. Des quelque cent cinquante qui restaient, d’aucuns, peut-être une vingtaine, s’étaient prudemment éloignés, pour éviter de prendre parti ; les autres, complètement retournés, fraternisaient avec les Merséens au cri répété de : « À bas les exploiteurs ! Vive la grève ! »

On les avait embarqués pour Mersey autant dire sans leur consentement, se bornant à choisir de préférence ceux qui, classés bons sujets, ou sans famille, sans attaches particulières avec le Brisot, eussent tout aussi bien travaillé n’importe où. D’ailleurs, ce ne devait pas être pour longtemps, des Gourdes, confiant, avait dit à Schickler en le quittant :

— Dans huit jours, la grève sera terminée. Alors, je vous renverrai vos hommes.

C’était l’effet moral surtout qu’escomptait le baron. Deux cents recrues, ce chiffre en réalité, importait peu ; mais c’était cette nouvelle sensationnelle, énorme : « le Brisot vient au secours de Mersey ! » Devant l’impression causée par cette entrée en ligne de l’armée du tout-puissant Schickler, le découragement s’emparerait des grévistes de Mersey : ils capituleraient.

Et maintenant, chose inouïe, qu’on n’avait jamais vue depuis un quart de siècle, les soldats de Schickler se révoltaient ! Ce n’était encore qu’un détachement, non une armée. Mais les contremaîtres n’en demeuraient pas moins frappés de stupeur : une fois commencée, où s’arrêterait la révolte ?

À ce moment, le groupe de Troubon, Moschin, Villemar, arrivé assez près de la gare pour se rendre compte d’une inexplicable scène de désordre, pressait sa marche. Moschin se précipita, en avant, accompagné de Bollard.

— Allons ! les hommes ! cria-t-il. De l’ordre ! Obéissez à vos chefs !

C’était l’individu de commandement et de décision qui se montrait. Cinq minutes auparavant son intervention eût pu être décisive : maintenant, il était trop tard ; les esprits étaient retournés !

Une clameur furieuse accueillit ses paroles : « Vive la grève ! »

Moschin ne se démontait pas facilement. Néanmoins, il se tourna, stupéfait, vers Bollard :

— C’est ça qu’on nous envoie du Brisot ? demanda-t-il d’un ton où la rage perçait plus encore que l’étonnement.

— Je n’y comprends rien, répondit le contremaître non moins interloqué. Quand je les ai quittés, il y a vingt minutes, ils étaient doux comme des agneaux et n’avaient l’idée de rien.

C’était Bollard qui, le plus ancien des contremaîtres, avait conduit du Brisot à Mersey le troupeau ouvrier et, à l’arrivée, s’était détaché pour aller prévenir le haut personnel de la direction. Troubon et Moschin, levés avant le jour, attendaient les Brisotins.

— Pourquoi ne les avoir pas conduits jusqu’ici ? avait demandé le premier. Il ne faut jamais perdre de vue les ouvriers.

— Oh ! pas de danger qu’on vienne les débaucher, avait répondu Bollard avec un gros rire. Au Brisot, les hommes sont irréprochables : de vraies machines !

Et maintenant, Bollard, abasourdi, furieux comme Moschin, voyait que ces machines étaient devenues des hommes.

— À vos rangs ! vociféra-t-il, écumant, les yeux hors de la tête. Eh bien, les contremaîtres, qu’est-ce que vous foutez donc ?

Une pierre vint le frapper à la tête : elle était lancée par Galfe.

Celui-ci, exaspéré du coup qui avait frappé son amie, sentait d’intuition qu’il ne fallait pas donner aux chefs le temps de ressaisir leurs hommes. Tout de suite, une mêlée furieuse s’engagea.

Moschin avait toute l’étoffe d’un chef de guerre. D’un coup d’œil, il jugea la situation : l’ennemi était trois fois plus nombreux et, d’un instant à l’autre, il pouvait être renforcé par une foule de grévistes accourus aux premières rumeurs de la bagarre. Aucune force publique ne se trouvait à proximité immédiate, la troupe étant employée tout entière à garder l’entrée des puits, les chantiers extérieurs et les bâtiments de la direction.

— Allons ! les ouvriers honnêtes ! tonna-t-il, serrez les rangs et suivez-moi.

Et la cinquantaine d’asservis qualifiés d’« honnêtes », grossie de ses contremaîtres, et précédée de la trinité Moschin-Troubon-Villemar, prit la direction des puits.

Les autres ne les poursuivirent pas. Ouvard avait compris qu’il fallait attacher tout de suite le reste des Brisotins à la cause des grévistes en leur enlevant le souci angoissant des nécessités immédiates.

— Camarades ! cria-t-il. Venez avec moi au siège du syndicat. Vous êtes nos hôtes. Nous partagerons avec vous le peu que nous avons.

À ce moment, arrivaient une trentaine de grévistes, Détras, Bichelain, Dubert et Laferme en tête. Les Brisotins, ainsi encadrés, suivirent les mineurs de Mersey.

En annonçant à près de cent cinquante hommes que les grévistes, manquant pour eux-mêmes du nécessaire, allaient partager avec eux, Ouvard s’était terriblement avancé. Pourtant cette promesse, il avait cru indispensable de la faire, sentant que, sous l’aiguillon irrésistible du besoin matériel, cette masse ouvrière pouvait se retourner tout d’un coup. Elle avait subi l’emballement d’un grand élan avec d’autant plus de force que, pendant longtemps, la discipline et le silence avaient pesé sur elle ; c’était l’expansion soudaine se faisant en raison même de la compression. Oui, mais combien de temps cet enthousiasme pourrait-il durer ? Si les Brisotins ne mangeaient pas, ils finiraient, matés, par demander grâce et aller travailler à la mine.

Ouvard, soucieux, s’entretenait de cette grave question avec Détras. Celui-ci lui répondit :

— Coûte que coûte, il faut les faire subsister deux ou trois jours. D’ici là, les choses pourront s’arranger. En tout cas, ils pourront camper à la Ferme ; de la sorte, ils ne seront pas sous la main de la Compagnie. Pour la nourriture, il faudra faire le possible et l’impossible.

Pendant que tous deux échangeaient ces mots, dans la ville éveillée se répandait la grande nouvelle, l’envoi par Schickler d’une armée de secours à la Compagnie du Pranzy et cette armée ouvrière se faisant non pas homicide mais auxiliatrice, refusant de coopérer à l’écrasement des grévistes et fraternisant avec eux. Le cortège prolétarien s’avançait, grossissant à chaque instant, au milieu des clameurs joyeuses de bienvenue et de victoire.

— Vivent les Merséens ! criaient les gens du Brisot en agitant leurs chapeaux.

— Vivent les Brisotins ! criaient les gens de Mersey.

Et, par-dessus ces deux cris, un autre retentissait dans la ville, roulant comme un tonnerre par delà les postes des soldats et des gendarmes pour aller éveiller la terreur ou la rage chez les exploiteurs :

Vive la grève !