La Guerre maritime après la nouvelle Conférence de la Paix

La bibliothèque libre.
La Guerre maritime après la nouvelle Conférence de la Paix
Revue des Deux Mondes5e période, tome 46 (p. 676-708).
LA GUERRE MARITIME
APRÈS
LA NOUVELLE CONFÉRENCE DE LA PAIX[1]

Issues d’une dangereuse alliance de l’esprit de chimère et de l’esprit de progrès, les Conférences de la Paix éliminent heureusement leur initiale utopie. Plus encore que la première, du 18 mai au 29 juillet 4899, la deuxième, du 15 juin au 18 octobre 1907, n’a cessé d’affirmer un sens précisée l’effort utile. Se dérobant aux suggestions pacifistes, elle n’accorde à la limitation des arméniens, proclamée grandement désirable en 1899, hautement désirable en 1907, qu’une attention indifférente et lointaine, négligemment fixée dans un vœu sceptique, dont la molle formule cherche moins à flatter les amateurs de mirages qu’à leur adoucir la peine de l’illusion déçue. Désirant fortifier l’arbitrage, instrument de droit, avec l’arrière-pensée de faire du droit, plus tard, un instrument de paix, elle s’attache à le développer, mais avec patience et prudence. Épisode important, l’arbitrage, en 1907, n’est qu’un épisode. Sur le grand dessein d’un traité mondial, mettant en œuvre le principe, unanimement accepté, de l’arbitrage obligatoire, sur l’utile projet d’une vraie permanence de la Cour de La Haye, la Conférence arrêtée, tantôt par le fier parti pris d’une grande puissance de guerre, tantôt par le sot amour-propre de petites puissances de paix, n’a pas donné tous les résultats qu’on en pouvait attendre. Mais cet échec, si grave soit-il, l’effleure dans ses détails, sans l’atteindre au cœur de son œuvre, au centre même de sa pensée.

Décidée pendant le conflit russo-japonais, sous l’émotion des multiples alertes d’une lutte à longue distance, la Conférence de 1907 se forme, s’assemble et délibère avec la volonté d’en empêcher le retour. Elle a l’obsession féconde d’une grande guerre, fille de l’impérialisme, dont l’Océan serait le théâtre et l’enjeu. Derrière la Conférence de la Paix, entre les Etats-Unis et le Japon, entre l’Allemagne et l’Angleterre, se profile l’ombre inquiétante d’une lutte pour la mer et par la mer. Qu’adviendrait-il des belligérans et des neutres, si cette guerre, que l’arbitrage ne saurait arrêter, éclatait tout à coup, dans le désordre d’un droit imparfait, archaïque, illusoire, brusquement incliné, par la nouveauté des inventions, de l’insuffisance à l’arbitraire, de la dureté à la barbarie ? Le conflit se limiterait-il aux belligérans ? Ou, faute d’un droit certain, n’allumerait-il pas, des neutres aux belligérans, des querelles nouvelles ?

C’est à quoi surtout, l’été dernier, songèrent les nations. Et la pensée que le droit des gens n’était pas prêt leur fut d’abord un cauchemar. Puis, dans cette Hollande, qui, par Grotius, voulut la liberté de la mer et, par tant de hardis marchands, la pratiqua, les peuples firent le rêve d’une guerre humanisée, ménagère de commerce, économe d’existences.

De ce rêve, exempt d’utopie, la réalisation commence. Dès maintenant, des résultats sont acquis. Où ils manquent, des obstacles se précisent, des élémens de progrès se déterminent, et, pour l’avenir, des espérances se lèvent.


I

Depuis l’âge héroïque des batailles napoléoniennes, le combat sur les mers avait changé d’aspect. Le charbon avait remplacé la voile ; pour garantir le moteur, le fer avait écarté le bois ; pour percer la cuirasse, la torpille était née ; pour la rendre indépendante du torpilleur, la torpille automatique ou mine de contact, aveugle et dormante, avait fait son apparition ; par câble ou sans fil, la télégraphie donnait aux nouvelles une rapidité qui ne connaissait plus d’obstacle ; les navires, agrandis, transportaient des cargaisons plus riches ; mais, de ces changemens, nul encore n’apercevait l’effet, quand, après des luttes où la mer n’avait joué qu’un rôle réduit, le conflit russo-japonais fit entrer le droit maritime au laboratoire historique de la guerre.

Les philosophes, amis du progrès, avaient dit que la lutte, en devenant plus savante, s’effraierait d’elle-même et deviendrait plus douce ; mais les faits la montraient plus pénible et plus dure. Les belligérans qui, sur terre, respectaient la propriété privée de l’ennemi, la capturaient sur mer avec une impatience qui diminuait au commerce surpris les jours de grâce, pendant lesquels il pouvait se ressaisir et se mettre en sûreté. Plus que jamais, surtout du côté russe, s’étendait la liste, démesurément élastique, des transports interdits aux neutres ou contrebande de guerre. Inquiété par les engins nouveaux, le blocus par navires hésitait à cerner le rivage ; le blocus par mines tendait à le remplacer. Jadis troublés dans un négoce restreint, les neutres l’étaient maintenant dans un commerce mondial : menacés de prise, de visite, ou d’arrêt par des raids imprévus, ils s’irritaient du dommage causé par la guerre et s’indignaient de l’autorité qu’avec une marine, même faible, les combattans pouvaient exercer. Les Allemands protestaient quand on arrêtait leur courrier, les Américains lorsqu’on saisissait leur blé, les Anglais quand pour la première fois, quoique neutres, on coulait leurs navires. Une colère générale s’élevait contre le belligérant assez présomptueux pour oser, avec peu de forces, tyranniser la mer.

La déclaration de Paris avait plus de prestige que d’efficacité. La diplomatie l’avait présentée comme un succès ; l’analyse juridique y découvrait un trompe-l’œil. Hors l’abolition de la course, elle était illusoire : elle commandait le double respect de la marchandise ennemie sous pavillon neutre et de la marchandise neutre sous pavillon ennemi, mais à cette règle, elle ouvrait une exception, la contrebande. Qu’entendre sous ce nom ? Elle ne le disait pas. De l’exception, et, par suite, de la règle, le belligérant demeurait le maître : qu’il baptisât contrebande ce qu’il voulait saisir, et, sur ce seul mot, la capture était bonne. Comme un bateau qui fait eau, la déclaration de Paris avait sa blessure intime, que les jurisconsultes atténuaient par scrupule professionnel, mais que la verve impitoyable de Bismarck dénonçait brutalement : « C’est le néant. » Même avec une réparation de fortune, elle n’eût été que la reproduction à peu près exacte d’un vieux texte du XVIIIe siècle, tolérant sur la course, sévère sur la contrebande : la célèbre déclaration de Catherine ; si bien qu’en dépit des apparences, la vraie date de la déclaration de Paris était plutôt 1780 que 1856. Antérieure par ses origines au temps de Nelson et de Trafalgar, comment eût-elle conservé sa force au temps de Togo et de Tsoushima ? Contemporaine d’une marine qui n’était que de musée, pouvait-elle être autrement que d’histoire ?

Un auteur anglais, Jane[2], avait donc quelque excuse à dire que le droit international était un ensemble de règles posées par des savans pour la conduite d’opérations dont ils n’avaient pas la moindre idée. Le droit des gens n’était pas seulement arbitraire ; il était archaïque. Fait pour la marine à voile, il ne pouvait s’appliquer à la marine à vapeur, sans, comme le navire, changer de forme et de gréement.

Jadis, l’arrêt dans les ports neutres avait peu d’importance, car, leur accès refusé, le belligérant pouvait passer outre et tenir la mer. Maintenant, la question change d’aspect. Maître de sa route, le navire devient le propre prisonnier de sa force. Sa navigabilité se limite à la capacité de ses soutes. Après douze ou quinze jours, il doit s’arrêter dans un port, ou tout au moins dans les eaux calmes de la mer côtière, pour refaire du charbon. Mais tenu, dans ses eaux, d’empêcher l’embarquement d’hommes et de munitions, l’Etat neutre ne doit-il pas encore interdire celui du combustible ? Sans armes, le navire de guerre est toujours un navire ; sans charbon, il n’est plus qu’une épave. Laisser charger le combustible, n’est-ce pas rompre le rapport du belligérant, qui n’a pas d’escale, à celui qui possède, sur les grand’routes de mer, des relais préparés d’avance ; peut-être même faciliter à des nations éloignées le moyen de se porter mutuellement la guerre, au mépris des distances ? Et d’autre part, défendre au belligérant, en se ravitaillant, de continuer sa route, n’est-ce pas entraver la liberté de la mer ; favoriser le faible, privé de relâches, aux dépens du fort ; et, sur de longues côtes, souvent désertes, charger les neutres d’impossibles devoirs ? Au cours des hostilités russo-japonaises, alors que l’escadre de la Baltique n’eût pas atteint le détroit de Corée sans longs arrêts dans les eaux étrangères, l’hospitalité côtière offrit tous ces problèmes : temps du séjour, nombre des navires tolérés, ravitaillement par la rive ou par le large. Soulevées en pleine lutte, ces questions ne se posèrent pas sans inquiéter la paix du monde et, pour la première fois, les nations s’aperçurent qu’en raison des incertitudes de son droit, la mer était devenue pour les neutres une source imminente de guerre.

« Ce n’est pas le rêve de la paix perpétuelle qu’il s’agit de réaliser ; mais l’on s’approcherait des résultats qu’il annonce si l’on fixait le droit de la neutralité ;… le plus difficile serait un code maritime[3]. » Ecrites par Alexandre Ier à son ambassadeur à Londres pour négocier, en 1805, avec l’Angleterre une convention européenne, ces instructions expriment en 1906-1907 le sentiment général.

Ce n’est plus à l’Angleterre, ni même à l’Europe, c’est à plus de quarante nations, que la Russie propose d’étudier les problèmes fondamentaux de la belligérance et de la neutralité maritimes. Ayant subi l’épreuve des armes, elle ne pense plus au désarmement, à peine à l’arbitrage. Encore toute frémissante de guerre, elle demande qu’on discute les questions issues de sa condition particulière : éloignement de l’adversaire, manque de ports intermédiaires, fermeture des détroits. Après avoir franchi, comme navires marchands, le Bosphore et les Dardanelles, clos aux navires de guerre, les vaisseaux de la flotte volontaire, le Pétersbourg, le Smolensk pouvaient-ils arborer en haute mer le pavillon militaire ? Les croiseurs de Vladivostock pouvaient-ils couler leurs prises, mêmes neutres, et notamment le Knight Commander ? L’escadre de la Baltique pouvait-elle recevoir une hospitalité sans limite, et quant au séjour et quant au charbon ? Voilà, pour la Russie, les questions primordiales. Il est vrai que la Russie, qui convoque et préside les conférences, ne les dirige plus. Le Tsar avait eu la pensée de la première ; pour la seconde, il n’est que le metteur en scène : c’est le président Roosevelt qui la désire et qui l’inspire[4]. Mais précisément les États-Unis restent tièdes sur la limitation des arméniens, et réservés sur l’arbitrage obligatoire. Regardant vers l’Océan, ils se plaignent que le droit de la guerre maritime soit variable avec les nations et que leur Naval War Code de 1900 ait dû être rapporté peu après, par suite de cette incertitude. Champions historiques du respect de la propriété privée ennemie, dont ils ont déjà saisi la première conférence, l’heure est venue pour eux d’en reprendre la demande. Belligérans éventuels, l’Angleterre et l’Allemagne se préparent à faire du droit des gens, par chacune tourné dans son intérêt propre, un allié complaisant et partial. Après les multiples incidens de la guerre russo-japonaise, la France ne craint pas d’avoir à justifier sa traditionnelle hospitalité maritime. Enfin toutes les nations marchandes sont impatientes de fixer, d’une manière, plus précise et moins lourde, le régime de leur neutralité.

La Conférence se partage en quatre commissions. Dans toutes, la guerre maritime pénètre : dans la première, celle de l’arbitrage, par le grand projet d’une Cour internationale des prises ; dans la seconde, celle de la guerre terrestre, par la commune question de la déclaration. Enfin, la troisième et la quatrième forment, pour la guerre maritime, une commission unique, dédoublée sous les deux présidences d’un diplomate juriste, le regretté comte Tornielli, et d’un juriste diplomate, M. de Martens.

Mines, bombardemens, hospitalité neutre (3e commission) ; régime du commerce ennemi et du commerce neutre (4e commission) : tels sont les points essentiels d’un programme, où tout le droit de la guerre maritime est inclus. Ainsi, la deuxième conférence de La Haye donne, pour sa plus grande part, l’impression d’un congrès maritime inscrit dans une conférence de la paix. Et, sans doute, on eût pu faire de ces questions un examen séparé. Mais les grouper dans le cadre humanitaire de l’œuvre pacifique, c’était les envelopper d’une lumière d’idéal qui devait en montrer la vraie solution.

A la quatrième commission, M. de Martens eut un heureux mouvement. Dans une noble allocution, il évoqua le Dieu de la paix, dieu inconnu, disait-il, qui, après avoir inspiré les délégués en 1899, dans la maison du Bois, devait les inspirer encore en 1907, dans la salle des Chevaliers.

Quelle vision d’équité, dans la guerre maritime, montrait aux nations ce Dieu de la paix ?

D’abord le respect, sur mer comme sur terre, de la propriété privée ennemie. Vainement, le premier écrivain maritime de ce temps, le capitaine américain Mahan, développe-t-il ce thème « que l’arrêt du commerce, total ou partiel, épuise sans combat ; qu’il oblige à faire la paix sans sacrifier d’existences ; et que c’est la gloire de la puissance maritime d’atteindre à ses fins en épuisant les dollars des hommes, au lieu de leur sang[5]. » La question est de savoir si prendre les dollars est économiser le sang ; car s’attaquer à la richesse, c’est précisément s’attaquer à la vie, non sans doute à celle des combattans, qui forme l’enjeu de la lutte, mais à celle des non-combattans, qui doivent rester en dehors. Affamer un peuple, ruiner ses industries, est-ce borner le conflit à la destruction des fortunes ? N’est-ce pas aussi l’étendre aux sources profondes de la vitalité humaine ? Dans la guerre terrestre, si meurtrière soit-elle, la population pacifique, — femmes, enfans, vieillards, — est épargnée ; dans la guerre maritime, cette même population pacifique est atteinte, et c’est ici qu’avec une apparence plus douce la guerre est en réalité plus dure. Fruit de la paix, source de la vie, la richesse humaine, sur mer comme sur terre, doit toujours être sauve. Et d’autre part, quand la limitation des armemens s’aperçoit de loin, — de très loin, — comme un idéal « hautement désirable, » n’est-ce pas la solution qui s’impose ? Si la marine marchande est vulnérable, il faut la défendre. Plus elle est importante, plus elle offre de surface aux assauts de l’ennemi et plus, logiquement, il faut développer la marine militaire qui la doit protéger. Mais couvrez la marine marchande par un principe de droit, alors la marine de guerre, déchargée d’une partie de son rôle, peut diminuer sa force et réduire ses budgets : c’est une limitation des armemens sans chimère et sans danger, pratique et sage.

Les libertés s’enchaînent. Affranchir le trafic ennemi de la capture, c’est aussi délivrer le trafic neutre de cette capture indirecte, hypocrite et mal déguisée, qui, sous le nom de contrebande, fait partager aux neutres les maux du belligérant, sans autre raison logique que d’interdire le rattachement, par les tiers, des mille liens coupés du trafic national. Si l’ennemi pacifique a le droit de vivre de son travail, à plus forte raison, le neutre a-t-il le droit de vivre du sien. Jefferson le disait en 1793, quand l’Angleterre prétendait arrêter les denrées américaines à destination de la France : la guerre n’a pas le droit d’empêcher les neutres de gagner leur pain. A défaut du transport des objets pacifiques, celui des armes sera-t-il interdit ? Non, car défendre au belligérant de s’en approvisionner en cours de lutte, c’est inviter les États à former à l’avance des stocks formidables, les épuiser en arméniens ruineux, et les exciter à la guerre en donnant aux mieux munis une supériorité trop coûteuse pour ne pas s’employer au plus tôt. Hostile à la décroissance des arméniens et même à la paix, la contrebande des armes apparaît comme incompatible avec le progrès. Son abolition, chère à l’espérance rêveuse de l’Écossais Lorimer, entre dans l’atmosphère rayonnante d’idéal d’une conférence de la paix comme la forme lointaine et désirable d’un droit meilleur.

De cette pleine liberté du trafic, soit ennemi, soit neutre, une conséquence se dégage. Elle a trait au blocus. Opération militaire, dirigée contre une place forte, le blocus est légitime ; opération économique employée contre le commerce, il est injuste, car ce que le belligérant ne peut faire en vertu de son droit, il ne saurait le faire en vertu de sa force.

Comment traiter les mines ? Armes aveugles, elles frappent sans distinguer le neutre et l’ennemi, mais armes simples, elles défendent économiquement de longs rivages. Si les grands cuirassés, les Dreadnoughts géans, sont la coûteuse menace des forts, les mines forment, à peu de frais, la simple et commode protection des faibles ; une conférence de la paix ne repoussera pas ce moyen, pour les petits États, d’éviter l’ambition des grands. Mais peut-elle oublier que, si la mine frappe le neutre, entrave son commerce ou coule ses navires, une nouvelle menace d’hostilités surgit ? Chasser la mine amarrée de la haute mer, exiger que la mine flottante, jetée pendant le combat, perde rapidement son pouvoir nocif, et que la mine fixe, d’usage côtier, devienne inoffensive dès qu’elle a rompu ses amarres, puis, défendre le blocus par mines, parce qu’en cas d’infraction il substituerait la mort à la capture : tels sont les principes que l’humanité commande.

Le bombardement des villes ouvertes a nettement un caractère d’attentat à la population pacifique : il doit être interdit.

Enfin, la question du charbon se résout d’elle-même. Plus d’un Anglais pense avec Lawrence[6], alors professeur de droit maritime au Royal Naval College, que, laisser la guerre se munir de vitesse chez les neutres, c’est l’encourager en lui procurant ses moyens. Mais si cette doctrine était admise, les grandes nations, entraînées dans les voies dangereuses de l’impérialisme, iraient acquérir, fût-ce par la force, des stations lointaines et, dès aujourd’hui, demanderaient à la guerre les moyens de se recommencer demain : n’est-ce pas quand l’Angleterre, avec Lawrence, prétendit refuser le combustible que l’Allemagne chercha vers le Maroc, — Mogador ou Casablanca, — les stations devenues nécessaires à la guerre maritime, après avoir vainement proposé, dans un article, trop peu remarqué, du professeur Schiemann[7], l’internationalisation des dépôts de charbon ? Et, du point de vue de la limitation des arméniens, si le ravitaillement est refusé, n’est-ce pas une prime à la construction de navires plus grands, donc plus coûteux ?

Ainsi peut-on aisément penser que, dans le sanctuaire de la pure équité, parlât à ses fidèles le Dieu de la paix évoqué par M. de Martens : Dieu inconnu, disait-il, — mais plutôt méconnu, — dont les nations entendent les oracles en s’attristant de ne pouvoir les écouter. C’est que le droit des gens n’est pas une pure abstraction, c’est un coefficient de victoire. Il devrait n’être qu’un juge, et c’est un allié. Inviter certaines nations à l’accepter, c’est leur proposer de s’affaiblir. Aussi, la vraie question n’est pas : tel système est-il juste ? mais : est-il sans danger ? Il ne s’agit pas de savoir ce qui est humain, mais ce que permet la garde sacrée des intérêts de la patrie.


II

Heureuses les nations qui, par leur intérêt du moment, sont d’accord en tous points avec l’idéal humanitaire ; elles recueilleront aisément ce que Nesselrode appelait la « couronne de gloire de la diplomatie. » Le Brésil est dans l’impossibilité de vivre si la respiration maritime lui est coupée. Respect de la propriété privée ennemie, abolition de la contrebande, et même du blocus commercial ; interdiction du bombardement ; prohibition des mines : toutes les grandes solutions humanitaires se rencontrent dans les discours où l’abondante éloquence de M. Barbosa développe librement des thèses qui, par une heureuse fortune, sont aussi utiles à son pays qu’à l’humanité. En Europe, l’Autriche-Hongrie, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Norvège, la Suède et la Grèce sont encore heureusement tournées par leur condition particulière vers les solutions libérales ; toutes votent le respect de la propriété privée, l’abolition de la contrebande, et la plupart sont favorables à la restriction du blocus.

Mais, dans le cercle des puissances de premier rang, que d’hésitations entre l’intérêt et l’idéal, dont la distance, sans cesse variable, tantôt s’accroît, tantôt diminue, toujours demeure.

A peine nés, les États-Unis inclinent aux formules libérales : par instinct, car dans la guerre, qui les délivre, ils prennent spontanément le contre-pied des doctrines tyranniques de l’Angleterre ; par idéal, car, ayant affirmé dans leur déclaration d’indépendance « le droit des hommes au bonheur, » c’est pour eux une nécessité logique d’affirmer, dans la guerre, le caractère sacré de la richesse, source du bien-être humain ; par intérêt, car, écartés des grandes guerres continentales par la prudence et préservés des alliances par la doctrine de Monroë, pendant que les vieilles nations se battent, leur jeune république fait le commerce, navigue et s’enrichit.

Franklin demande le respect du commerce ennemi : « Il y a trois occupations, dit-il, que je voudrais voir protéger par le droit des gens, de sorte qu’elles ne fussent jamais troublées, même par l’ennemi en temps de guerre : celles des fermiers, des pêcheurs et des marchands ; » et, s’il ne peut faire accepter ces principes par l’Angleterre aux préliminaires de paix, il a du moins le bonheur de les faire entrer au traité platonique, qu’il signe avec la Prusse en 1785. Adams, négociant avec les États de Hollande, leur propose la suppression de la contrebande de guerre. En 1800, le secrétaire d’Etat Marshall n’admet le blocus qu’aux conditions du siège : entre la guerre terrestre et la guerre maritime, une totale assimilation s’établit.

Respect de la propriété privée ennemie, abolition de la contrebande, condamnation du blocus commercial, tel est, dès l’origine, le triple système de liberté qu’en face des thèses oppressives de l’Angleterre pose le droit américain. Mais, avec le temps, l’énergie de cette triple doctrine devient moins forte et sa propagande moins ardente. Quand, en 1856, l’Angleterre essaye d’enlever aux Etats-Unis l’arme, précieuse aux faibles, de la course, en gardant contre eux toutes les siennes — capture, contrebande et blocus — les secrétaires d’Etat, Marcy, puis Cass répondent en proposant de les supprimer toutes, par la triple abolition de la capture, de la contrebande et du blocus. Mais, quand la guerre de Sécession a ruiné leur marine marchande, les Etats-Unis perdent leur ancienne foi dans le dogme absolu de la liberté commerciale. En de multiples écrits, le capitaine Mahan attaque l’ancienne doctrine de Franklin, d’Adams, de Marshall. A mesure que la marine de guerre américaine croît en importance et surtout en ambition, l’opinion constate que sur mer, loin des champs et des villes, toute supériorité militaire est vaine, qui, par l’arrêt du commerce, ne retombe pas indirectement sur le peuple entier de l’ennemi. Plus d’un Américain se répète à lui-même en fermant quelque livre du capitaine Mahan[8] : « En elle-même la mer est une étendue stérile, mais elle est la Grande Commune, la route du trafic, le siège des communications, et, comme telle, possède une valeur unique, exprimée par la marchandise en transit, dont l’apport constitue la prospérité matérielle des nations. Supprimez tout pouvoir sur elle, et l’empire de la mer est comme Samson privé de ses cheveux. » Sujet à la capture, il ne faut pas que l’ennemi puisse continuer, par l’entremise du neutre, le trafic nécessaire à son travail, à sa vie : d’où le maintien de la contrebande et du blocus. Et voilà que, jadis associés, l’intérêt et l’équité se séparent.

Malgré cette division, les États-Unis restent fidèles à leur ancienne doctrine, mais seulement par culte pieux d’une tradition vénérable. Quand, à la première conférence, leur délégué, M. White, propose le respect de la propriété privée ennemie sous pavillon ennemi, il en fait la remarque : « Ce n’est pas notre avantage ; c’est notre principe. » Et de même, à la seconde, quand, le 28 juin 1907, leur nouveau délégué, M. Choate, reprend ce système, il en peut affirmer l’entier désintéressement, attendu que, depuis la guerre civile, les États-Unis n’ont plus de marine marchande à protéger et que, depuis la guerre espagnole, ils trouvent dans l’accroissement de leurs forces militaires la possibilité de nombreuses captures. Vainement la verve sceptique du délégué colombien, M. Triana, insinue-t-elle qu’en dépit de leur prétendu désintéressement, les Etats-Unis espèrent, par là, priver un voisin riche et faible de la seule arme qu’il puisse garder contre eux. Il n’en est pas moins vrai que, fidèles à l’idéal humanitaire, même quand il cesse pour eux d’accompagner l’intérêt national, les États-Unis donnent un bel exemple d’altruisme.

Mais toute thèse qui n’est plus soutenue par le profit perd le sa force. Après avoir obtenu le double appui de l’intérêt et de l’idéal, la doctrine américaine n’en a plus qu’un, le plus noble et le moins énergique. Aussi dès maintenant elle chancelle. Son autorité continue, mais faite de piété, de tradition, non plus de foi, ni de propagande. Quand M. Choate se lève en faveur de la doctrine « désintéressée » des Etats-Unis, le bruit court qu’il exprime l’avis du président Roosevelt, et non du secrétaire d’Etat Root, personnellement favorable aux idées du capitaine Mahan. S’ils n’osent laisser tomber la proposition qu’à maintes reprises ils ont faite, en 1856, à l’Europe, en 1899, au monde, du moins les États-Unis n’hésitent pas à la limiter. En 1856, ils souhaitaient l’abolition du blocus commercial et de la contrebande ; en 1899, ils ne les proposent plus ; en 1907, ils ne les laissent plus proposer. L’amiral Sperry refuse d’adhérer à toute proposition qui pourrait diminuer la force du blocus. Après en avoir demandé la suppression au temps de Marshall, quand, groupés vers l’Est, ils vivaient exclusivement d’une vie côtière, les Etats-Unis ont changé d’avis depuis qu’ayant pris double façade sur deux océans et double attache continentale au Nord et au Sud, ils n’ont plus à craindre le blocus commercial, qu’avec une marine militaire croissante ils peuvent au contraire faire craindre à leurs ennemis. Aussi, non seulement ils le conservent, après l’avoir voulu supprimer, mais ils l’étendent au point d’arrêter à longue distance les navires en route vers les points bloqués ; doctrine anglaise qu’ils s’approprient parce qu’ils se croient maintenant, comme l’Angleterre, invulnérables au blocus : si bien que sir E. Satow et l’amiral Sperry peuvent parler ensemble ici, sans nuance, d’un seul et même système anglo-américain. Fait plus significatif : les États-Unis combattaient la contrebande quand, avant la guerre de Sécession, ils avaient beaucoup de navires marchands et peu de navires de guerre ; ils n’en veulent plus la suppression, maintenant qu’ayant peu de navires marchands et beaucoup de navires de guerre ils en souffriraient moins qu’ils n’en feraient souffrir les autres. Et, quand l’Angleterre, reprenant leur formule, propose d’abolir la contrebande, ils s’y refusent, au grand étonnement de lord Rcay, surpris « de cette attitude des États-Unis, quand, le 28 juillet 1856, dans une note éloquente, le secrétaire d’État Marcy proposait de la restreindre et même de la supprimer. » Mais le général Porter de répondre avec sécheresse : « A la politique démodée de Marcy, je préfère aujourd’hui la politique plus moderne de Roosevelt. »

Le jeune impérialisme des États-Unis abandonne les vieilles maximes qui, si longtemps et si loin, portèrent le renom libéral du peuple américain. Entre l’idéal et l’intérêt, l’ancien accord, qui faisait autrefois la force de ces doctrines, se rompt. Ici la possibilité d’une entente s’éloigne ; mais ailleurs ne s’approche-t-elle pas ?

Si les États-Unis vont aux doctrines militaires, l’Angleterre passerait-elle aux doctrines pacifiques ? Écouterait-elle un peu moins l’intérêt, un peu plus l’idéal ? Au premier abord on pourrait s’y tromper et sans doute on eût bien surpris les hommes d’il y a cinquante ans en leur annonçant que la Grande-Bretagne proposerait la suppression de la contrebande de guerre et ne s’effraierait pas du respect maritime de la propriété privée ennemie. Mais il ne faudrait pas croire que ces nouvelles tendances fussent la conséquence d’un chimérique triomphe de l’idéal sur l’intérêt. Ce sont les pures conséquences, étroitement entendues et rigoureusement calculées, d’un égoïsme constant parmi des faits changeans.

Après avoir vécu d’une vie normale et bien équilibrée, industrielle et agricole, l’Angleterre, de plus en plus tentée par le métier, délaisse la charrue ; tournée vers la mer, elle en tire les matières premières qu’elle veut manufacturer et, gardant son usine chez elle, met sa ferme à l’étranger dans les pays lointains que ses navires rapprochent. La mer, où Shakspeare ne voyait qu’une protection, « la mer d’argent qui fait office de mur pour la défense, » devient ainsi la grande pourvoyeuse qui donne à la nation le travail et le pain. Mais, que le passage se ferme, que les navires s’arrêtent, et c’est la respiration du peuple anglais qui s’interrompt. Dominer les mers est pour lui, non pas l’inutile orgueil d’une vaine ambition, mais la loi nécessaire de l’existence et le principe même de la vie.

Comment en temps de guerre assurer à la multitude le travail et le pain ? L’Amirauté n’a qu’une réponse : élever les dépenses navales pour n’avoir pas à craindre de jamais perdre le commandement de la mer.

En présentant aux Communes le Naval Defence Bill de 1889, le premier lord de l’Amirauté, lord George Hamilton, expliquait ainsi le principe, déjà connu, mais désormais fameux, du two powers standard : « J’ai relu les discours de mes prédécesseurs, pour connaître l’idée supérieure qui les avait guidés quand ils parlaient du degré de force auquel notre marine devait être maintenue. Je pense les interpréter exactement en disant que cette force devrait être au moins égale à celle de deux autres pays, quels qu’ils fussent. » Mais la double égalité, d’abord fixée sur l’étalon franco-russe, puis sur l’étalon franco-allemand, en attendant qu’elle se fixe sur un étalon germano-américain ou sur un double étalon allemand, pourra-t-elle toujours, indéfiniment, se maintenir ? Les alliances sont kaléidoscopiques. Avec la progression maritime des nations rivales et notamment de l’Allemagne, le peuple anglais, moins nombreux et plus imposé que le peuple allemand, sera-t-il capable de soutenir longtemps un si ruineux effort ? Et, supposé que, par un tel sacrifice, la Grande-Bretagne ait la certitude militaire du succès final, est-ce encore assez ? Non, car la maîtrise de la mer, même certaine, peut être un instant débattue. Tarde-t-elle ? Les navires qui portent le blé, les bestiaux, les conserves, le coton, la laine, sont arrêtés sur les grand’routes du globe par un ennemi, même faible, mais rapide et toujours dispersé : les uns sont enlevés ; les autres, inquiets, s’immobilisent dans les ports ; la crainte de la prise est plus nuisible que la capture. Les vivres deviennent plus rares, d’autant plus rares que l’Angleterre n’a devant elle, à certains momens, que six semaines de blé ; le pain monte, le chômage apparaît : « Notre démocratie, dont la voix au Parlement est irrésistible, pourra-t-elle soutenir un tel effort ? » demandent les Anglais. Ce n’est pas la défaite, c’est la seule lenteur de la victoire qui déjà menace d’abattre la Grande-Bretagne.

Devant un tel péril, l’opinion s’émeut ; une ligue se forme ; de 1903 à 1905, une commission extra-parlementaire entend, en cinquante séances, quatre-vingt-treize témoins : industriels, agriculteurs, marchands, armateurs, juristes et marins. De cette enquête, dont le point de départ est que l’Angleterre a par hypothèse, des forces suffisantes pour prendre, après combat, la maîtrise de la mer, les conclusions sont multiples et les solutions dispersées. Les uns demandent, comme jadis à Venise, la formation de greniers nationaux ; d’autres, l’assurance par l’Etat du risque de prise ; d’autres, une loi sur l’assistance en temps de guerre ; mais tous ces systèmes ont leurs inconvéniens et leurs lacunes, et, pour multiplier les remèdes, la Grande-Bretagne laisse fléchir la vieille dureté de son droit[9].

Au temps d’Elisabeth, elle défendait aux neutres de porter des vivres à ses ennemis. Et, comme le nouvel ambassadeur de Pologne, à peine arrivé, protestait : « Je reçois une ambassade et non pas un défi, » lui répondait la Reine, très fière de lui parler latin. Aux temps napoléoniens, le grand juge des prises, lord Stowell, admettait encore la saisie des vivres dans trois cas : s’ils étaient le produit naturel d’un autre État que celui du pavillon ; s’ils étaient manufacturés, — grain devenu farine, bétail devenu conserve ; — s’ils étaient à destination d’une flotte ou d’un port d’équipement militaire ou maritime. De ces trois cas, à la fin du XIXe siècle, il n’en reste plus qu’un, le troisième, dans le Manuel des Prises rédigé pour l’amirauté britannique par le professeur Rolland.

Mais, ceci même, au commencement du XXe siècle, paraît trop étendu.

Deux jurisconsultes sont appelés à l’enquête : Holland et Westlake. Après avoir donné son rapport sur les questions de droit connexes au ravitaillement de l’Angleterre, le professeur Holland est interrogé par la Commission : la notion de port de guerre est étroite et claire ; la notion de port d’équipement est large et douteuse ; un belligérant, également désireux, et d’observer le droit international, et d’affamer l’Angleterre, ne pourrait-il découvrir à beaucoup de ports ce caractère pour arrêter le transport des vivres ou des produits bruts à manufacturer ? — Londres est-il un port d’équipement ? Oui. — Hull et Liverpool ? Non. — Mais ces questions mêmes trahissent une redoutable incertitude. Et déjà l’on pressent, à l’enquête, que la Grande-Bretagne est bien près d’abandonner la contrebande des vivres à destination d’un port d’équipement. Sans toucher encore à la contrebande des vivres, Holland cherche à côté, par une voie parallèle, le moyen d’assurer la Grande-Bretagne, en temps de guerre, contre le double risque de la famine et de la misère. Pour défendre contre l’arbitraire du belligérant leur propre interprétation de la contrebande, les neutres, à la fin du XVIIe siècle, ont imaginé de faire escorter leurs navires marchands par un vaisseau de guerre dont l’officier, rencontrant l’ennemi, donne sa parole que la flotte ne porte pas de contrebande : c’est le convoi. L’Angleterre, dont cette procédure restreint le droit de visite et de prise, en conteste la validité. Mais, du moment que les neutres peuvent ainsi lui conduire ses vivres et ses matières premières, sur la simple affirmation d’un commandant militaire que la flotte convoyée n’a pas de contrebande, elle envisage, avec une faveur nouvelle, le procédé qu’elle repoussait autrefois. A l’enquête de 1903-1905 « il est un point, dont j’aimerais à parler, dit le professeur Holland, c’est celui du convoi : presque tout le continent l’admet, les États-Unis également. » Dès lors, les navires américains chargés de blé peuvent arriver à l’Angleterre sur la simple parole d’un officier des Etats-Unis : résultat si favorable que, sur une demande précise, Holland, songeant à la conférence prochaine, n’hésite pas à déclarer que « la question mériterait d’être examinée par les puissances en commun[10]. » Sans apporter formellement à la visite l’exception du convoi, la Grande-Bretagne perd dans cette question, qui jadis provoqua tant de guerres, son intransigeance d’autrefois.

Mais le convoi mettrait l’approvisionnement, c’est-à-dire le travail et la vie, de la Grande-Bretagne à la merci de la parole des neutres, perspective précaire, à demi satisfaisante pour la sécurité territoriale, inacceptable pour l’orgueil national. Et, de proche en proche, la tendance britannique se fait de plus en plus favorable à la neutralité. « La conclusion à laquelle j’arrive, dit Westlake, à titre de ligne de conduite, est que la politique de cette nation vis-à-vis du droit des gens doit être à l’avenir plutôt dirigée vers le maintien et le développement des droits des neutres. Ce serait une erreur de baser ce changement sur le principe que, dans l’avenir, nous serions plutôt neutres que belligérans parce que, si pacifiques que soient nos désirs, la chance d’être engagés dans une guerre dépend plus des autres que de nous-mêmes. Mais il faut l’appuyer sur cette idée qu’en cas de guerre, les choses nécessaires à l’existence nous seraient très largement portées sous pavillon neutre[11]. » Et, dès lors, ce n’est pas seulement la restriction de la contrebande, c’est son abolition qu’il propose. Idée qui n’a rien de nouveau, sans doute. De Bar en Allemagne, Lorimer en Écosse l’avaient déjà développée. Quand une nation se mesure avec une autre au grand jeu de la guerre, n’est-il pas juste que toutes ses forces, — faculté de crédit, puissance d’achat, — se déploient en vue du résultat final : l’exacte comparaison d’une nation avec une autre nation ? Et n’est-ce pas un Anglais, Ruskin, qui l’a dit : la guerre, comme le sport, doit déterminer le meilleur ? Mais d’étendre cette idée jusqu’à la faculté d’acheter des armes, des munitions, des pièces de navires, nul juriste anglais n’en avait eu l’audace, ou plutôt l’indépendance.

La contrebande limitée par des définitions nouvelles, paralysée par l’usage du convoi, même entièrement supprimée, la Grande-Bretagne est-elle définitivement rassurée ? Pas encore. Nous avons entendu jusqu’ici les jurisconsultes. Ecoutons les marchands, les assureurs, les armateurs. Serons-nous sauvés, demandent-ils, si les vivres et les matières premières nous arrivent librement par les neutres ? Non, car, actuellement, c’est le pavillon anglais qui les mène aux ports britanniques. Le ravitaillement de l’Angleterre se fait par produits étrangers, mais sur navires anglais : il ne suffit donc pas de mettre à l’abri la marchandise neutre par l’abolition de la contrebande, il faut encore protéger le pavillon national par l’abolition du droit de prise. Et dès lors, tous, marchands, assureurs, armateurs, s’unissent pour en demander la suppression en attendant qu’après l’enquête, sir John Macdonell, M. Robertson, sir Robert Reid, aujourd’hui lord chancelier (lord Loreburn), la réclament également. Et le mouvement de liberté, qui, de proche en proche, se propage, s’avance même jusqu’au blocus qu’un négociant de Manchester voudrait voir soumis à la loi terrestre des sièges. Mais, de l’avis des amiraux de la Commission, un blocus des îles anglaises n’est pas praticable et, s’étant libérée de toute menacé du côté de la mer, la Grande-Bretagne entend garder toute sa puissance offensive.

A la lumière de l’enquête de 1903-1905, la tactique anglaise est ainsi tracée : pour défendre l’hégémonie britannique contre les progrès de l’Allemagne, demander la limitation des arméniens ; pour assurer le ravitaillement du territoire, proposer la totale suppression de la contrebande, puis, à la liberté du commerce ennemi, ne faire aucune résistance isolée, même, assez ironiquement, offrir l’adhésion de la Grande-Bretagne en échange d’une limitation des arméniens. Attitude toute libérale ; mais d’apparence seulement. Car, par cette offre humanitaire, la Grande-Bretagne désarme ses adversaires sans cesser de garder contre eux l’arme exclusive que, par sa position insulaire, nul ne peut utiliser contre elle, et que, par sa forte marine, elle peut, du moins en Europe, employer contre tous. Contrebande de guerre, capture de la propriété ennemie, elle peut tout abandonner, — tout, hormis le blocus. Puis, par le blocus, elle est conduite aux mines qui, directement, paralysent ses avantages particuliers et que, dès lors, elle doit strictement interdire.

Veut-elle bloquer une côte assez restreinte ? La mine peut menacer, aux longues distances des croisières, ses forces bloquantes. Veut-elle poursuivre en haute mer un ennemi plus faible ? Il va se retirer en semant derrière lui, pour couvrir sa fuite, des mines amarrées ou flottantes. Et par là, dans sa puissance agressive, soit contre le commerce, soit contre la flotte, l’Angleterre se trouve arrêtée, paralysée, presque désarmée. Quelques accidens de mine au début d’une guerre et que devient le two powers standard ? Mais il y a plus, et par la mine, c’est l’Angleterre à son tour qui se trouve menacée. Comment les routes du commerce anglais seraient-elles sûres si la torpille automatique, invisible et dormante, pouvait peupler les mers d’écueils inconnus ? Comment l’Angleterre, qui tient au blocus parce qu’elle y voit une arme pour elle, jamais contre elle, serait-elle encore invulnérable si l’adversaire pouvait enfermer dans un cordon secret de mines le rivage qu’il n’aurait pas la force d’étreindre dans l’étau puissant du blocus ? Devant cette perspective, une suprême inquiétude saisit l’Angleterre : celle de la mine semée librement sur les mers, épouvante de sa marine de commerce, affaiblissement de sa marine de guerre. Et dès lors, elle est acquise à tout congrès maritime qui, dans un cadre humanitaire, résoudrait, en la rassurant, le problème effrayant de ces engins nouveaux.

Sollicité par la Russie de s’entendre avec l’Europe sur le droit maritime : « j’y laisserais ma tête, » s’écriait Pitt ; cent ans plus tard, sir Henry Campbell Bannerman accepte.

Ce n’est pas une courtoisie vague, indifférente au succès de la Conférence, mais un ardent désir de réformes, qui conduit à La Haye la Grande-Bretagne. Le blocus maintenu, toutes les solutions de l’équité sont les siennes. L’humanité se trouve heureusement d’accord avec son intérêt pour lui faire proposer la limitation des dépenses navales, mais l’insuccès de la proposition est tel que la Conférence doit se contenter d’en opérer le 17 août dans une séance publique, — séance de parade, minutieusement réglée, — l’enterrement décent. L’humanité lui conseille, et peut-être aussi son intérêt, d’accepter la doctrine historique des Américains : l’insaisissabilité de la propriété privée ennemie sous pavillon ennemi. Aussi, les instructions anglaises portent-elles que la délégation ne doit pas former à ce système d’opposition isolée, car l’heure a passé pour l’Angleterre de la singularité. Pour la troisième fois, l’humanité se trouve merveilleusement d’accord avec l’intérêt britannique pour lui faire demander la suppression de la contrebande de guerre et lui concilier ainsi les neutres par le touchant spectacle d’une belligérance repentie. Après quoi, fort des sympathies acquises par ces démonstrations libérales, pacifiques et même pacifistes, le gouvernement anglais peut maintenir ses thèses sur le régime des navires en port neutre et présenter ses vues hostiles aux mines avec toute garantie de succès[12].

Après avoir été le champion solitaire de la belligérance, la Grande-Bretagne se pose en champion de la neutralité. De sa vieille attitude hostile, — isolement juridique, intransigeance militaire, — à l’en croire, elle a tout dépouillé.

Telle est à la Conférence la très simple et très adroite tactique de l’Angleterre qui, pour mieux affirmer son désintéressement, au lieu d’un diplomate, trop soupçonné de professionnelle habileté, choisit, pour chef de sa délégation, un juriste éminemment respecté : sir E. Fry donne par son caractère, et jusque par sa physionomie puritaine de quaker, à toutes les propositions britanniques, la marque d’une très haute et très pure valeur morale.

À cette stratégie, visiblement dirigée contre elle, l’Allemagne répond par une tactique serrée, qu’un de ses plus fins diplomates, le baron Marschall de Bieberstein, mène avec un art impérieux de belle humeur, d’affabilité, d’optimisme. Désireux de faire sortir l’Allemagne de l’isolement d’Algésiras, il affecte vis-à-vis de l’œuvre de La Haye, jadis mal vue de l’Allemagne, un esprit nouveau. Le comte de Munster, en 1899, avait représenté l’Allemagne rétrograde ; le baron Marschall, en 1907, représente l’Allemagne libérale, et, contre l’Angleterre, s’attache à former le bloc continental.

A démasquer d’un trait discret et sûr, pénétrant et léger, l’humanitarisme limité par l’intérêt qui fait le fond de la politique anglaise, il met l’adresse vigilante d’une attitude détachée.

Quand les Etats-Unis demandent le respect de la propriété ennemie, et l’Angleterre le respect de la propriété neutre, l’Allemagne est embarrassée. Car, à ces doctrines libérales, son commerce maritime, sans cesse accru, trouverait un visible avantage : en 1885, alors que la France, en Chine, voulait saisir le riz, trente-trois maisons de Hambourg, alarmées, se prononcèrent contre la contrebande des vivres ; et d’autre part, les Chambres de commerce allemandes ont, à maintes reprises, réclamé la liberté du commerce ennemi. Mais, si tel est le désir du négoce allemand, il suffit que l’Angleterre demande la suppression de la contrebande et songe à l’invulnérabilité de la propriété ennemie, pour qu’immédiatement le clan des pangermanistes réclame impérieusement les principes contraires, ardemment affirmés par leur chef, le comte de Reventlow. Dans sa brochure intitulée : Avant la Conférence de la Haye[13], il écrit sans ambages que, dans l’hypothèse d’une guerre avec l’Angleterre, l’Allemagne devrait s’en tenir à tout hasard à ce principe que les vivres sont contrebande de guerre ; et encore ceci, que la saisissabilité de la propriété privée, « talon d’Achille de la puissance britannique, » serait sans doute très dure à la jeune et déjà puissante marine allemande, mais plus dure à la puissante marine anglaise. « Nous avons moins à perdre que l’Angleterre, » tel est son mot. Ainsi l’Allemagne marchande est favorable à la liberté du trafic, tandis qu’en vue d’une guerre avec l’Angleterre, l’Allemagne militaire est favorable à son interception. Entre ces deux doctrines, prendre parti est dangereux. Mais, comme la doctrine militaire n’est posée qu’ in concreto, vis-à-vis de l’Angleterre et d’elle seule, il suffit, en adhérant in abstracto aux principes marchands, d’y mettre telle réserve pratique qui l’empêche de fonctionner vis-à-vis de l’Angleterre. Négligemment, sir E. Satow venait de laisser entendre que l’Angleterre serait prête à faire des concessions sur le droit de capture, si l’Allemagne en faisait sur le progrès des armemens. Alors, non moins négligemment, — et plus justement, — le baron Marschall déclare que l’Allemagne est favorable à la liberté du commerce, soit ennemi, soit neutre, mais que ce grand sujet ne peut être considéré sous les deux seuls aspects de la propriété privée et de la contrebande, qu’il doit l’être encore sous celui du blocus, où précisément on sait bien que la thèse anglaise est irréductible. Ainsi le baron Marschall prend, en faveur de la liberté commerciale, la position chère au trafic allemand et, d’autre part, contre l’Angleterre, l’attitude réclamée par le pangermanisme. Très habile vis-à-vis de l’Allemagne, le procédé ne l’est pas moins vis-à-vis de la Conférence, car, en joignant les trois branches, — propriété ennemie, contrebande et blocus, — de la liberté commerciale en temps de guerre, il met en lumière qu’à cette liberté le grand obstacle est l’invincible résistance de la Grande-Bretagne. Vainement l’Angleterre essaie-t-elle de faire croire que la saisie de la propriété privée ne persiste que par le refus de l’Allemagne de limiter ses dépenses navales. En joignant la question à celle du blocus, où l’Angleterre demeure intransigeante, M. de Bieberstein rejette sur l’Angleterre l’échec du principe libéral souhaité par le commerce : il dégage l’Allemagne, compromet l’Angleterre, et, dans l’assaut pacifique que, sur le terrain des lois du combat, se donnent avant la guerre les deux belligérans éventuels, il touche au point sensible l’adversaire.

Enfin, revenant, un peu plus tard, à la charge, il lui porte le coup de grâce, en montrant que, si l’Angleterre abandonne la contrebande à destination de la population pacifique, pour assurer son ravitaillement, elle la maintient à destination des flottes ennemies. Tandis que la Grande-Bretagne offre la suppression totale de la contrebande, elle présente dans un projet parallèle la disqualification des navires neutres, chargés de charbon, de vivres ou de tous autres articles à destination d’une flotte de guerre : navires qui, sous le régime ancien, eussent été saisis et jugés du chef de contrebande et qui, désormais, assimilés aux navires de guerre ennemis, seront saisis, et non jugés, du chef de service de guerre.

Ainsi tombe le masque de liberté de l’Angleterre.

Mais, où, cessant d’être autoritaire, elle devient vraiment et sincèrement libérale, dans la question des mines, c’est l’Allemagne qui résiste à l’œuvre de progrès humain, parce que c’est en même temps une œuvre de sûreté britannique.

Vainement la Grande-Bretagne demande-t-elle l’interdiction totale des mines, ou, tout au moins, de leur emploi systématique comme blocus commercial : l’Allemagne prétend se réserver le droit, par la mine, de bloquer l’Angleterre. Vainement la Grande-Bretagne veut-elle bannir les mines de l’approche des côtes, pour pouvoir, sans péril, soumettre l’adversaire au blocus par croisière : l’Allemagne entend au contraire se réserver la faculté de tendre en haute mer, devant son propre rivage bloqué, comme un contre-blocus, de longs cordons d’engins sous-marins. Enfin, vainement la Grande-Bretagne veut-elle empêcher l’adversaire, qui fuit devant sa flotte, en haute mer, de se protéger en semant derrière lui des mines flottantes : l’Allemagne prétend non seulement les jeter, mais les amarrer, même en haute mer, dans la zone indécise, sans cesse changeante, que ses jurisconsultes appellent d’une manière assez vague la « sphère immédiate du combat. » Thèse antijuridique : la haute mer, faite pour la navigation pacifique, est à tous avant d’être à quelques-uns ; la mer, qui échappe à toute souveraineté, ne peut être, surtout pour la guerre, que le théâtre momentané d’une activité passagère, non d’un acte aux effets prolongés. Surtout thèse inhumaine : dans les eaux territoriales du belligérant, le neutre est averti du péril ; en haute mer, il ne l’est pas ; dans les eaux territoriales, il est relativement aisé de rechercher et de relever les mines ; en haute mer, il est difficile de repérer celles que dans l’ardeur de la lutte ou la précipitation de la fuite on abandonne et dont le secret, connu du navire qui les pose, peut, dans le combat, périr avec lui. Vainement la Grande-Bretagne cherche-t-elle à restreindre aux mines flottantes, munies d’appareils qui les rendent inoffensives au bout d’une heure, l’usage de la haute mer, l’Allemagne prétend poser des mines, même amarrées ; mines qu’il est facile d’immerger dans les mers peu profondes, — Baltique, mer du Nord, Manche, Méditerranée, — sans autre obligation que de signaler la région dangereuse aussitôt le contrôle perdu. Ainsi, ce n’est pas l’Angleterre, c’est l’Allemagne qui risque de devenir, en temps de guerre, la meurtrière maîtresse de la mer. Et quand, le 17 septembre, sir E. Satow signale les conséquences inhumaines de ce système, qui ne tend à rien moins qu’à semer à profusion des mines dans toutes les mers, le baron Marschall réplique, en un des plus impressionnans momens de la Conférence, que l’Allemagne n’a de personne à recevoir des leçons d’humanité.

Les délégués britanniques avaient dit (et l’allusion était claire) que « la perte d’un de ses grands paquebots en temps de paix éveillerait les instincts belliqueux d’un grand peuple. » « Personne, répond le baron Marschall, n’aura recours à ce moyen sans raisons militaires absolument urgentes. Or les actes militaires ne sont pas régis uniquement par les stipulations du droit international : il y a d’autres facteurs. La conscience, le bon sens et le sentiment du devoir imposés à l’humanité seront les guides les plus sûrs. Nos officiers, je le dis hautement, rempliront toujours de la manière la plus stricte les devoirs qui découlent de la loi non écrite de l’humanité et de la civilisation. » C’est à la conscience de ses officiers que l’Allemagne confie le soin de limiter la pose des mines : pouvoir redoutable et négateur du droit des gens. Tout ce que l’Allemagne admet, c’est que les mines soient disposées de manière à devenir inoffensives, dans le délai d’une heure pour les mines flottantes, et, pour les mines fixes, dès la rupture de l’amarre. Mais la convention qui, péniblement, s’élabore sur cette base, ne limite les mines que dans leur nature et dans le temps, non dans l’espace. Tout au plus tente-t-elle de les restreindre dans leur but en défendant de s’en servir contre les côtes et les ports de l’adversaire à seule fin d’intercepter le commerce : vain effort, car il est toujours facile de donner à l’opération, même commerciale, un prétexte militaire. Est-il vrai même que les torpilles automatiques soient, dès maintenant, soumises au dispositif qui les limite dans leur structure ? Non, car les nations, qui ne peuvent en réaliser les perfectionnemens, ne veulent pas renoncer à l’usage des mines, et la convention se borne à leur demander de transformer « aussitôt que possible » leur matériel. Même en cette question, si hautement humanitaire, c’est un à peu près, un « autant que possible » qui s’inscrit dans une convention platonique, plus proche du vœu que du traité.

Faute par l’Angleterre de renoncer au blocus et par l’Allemagne de renoncer à la mine, tous les progrès se trouvent, sauf en des points de détail, indéfiniment suspendus.


III

Et cependant, par l’effet de la nouvelle Conférence, si tant de points sombres demeurent à l’horizon, des éclaircies paraissent. Le sentiment croissant de l’humanité, les progrès de la justice internationale et les résultats de l’invention apportent des espérances, qui, de proche en proche, deviennent plus certaines et plus fortes.

Telle est la puissance de l’idéal humanitaire que les nations essaient, dans la mesure du possible, de le concilier avec l’intérêt national.

Un exemple entre tous est caractéristique, car il a trait au problème fondamental du respect de la propriété privée ennemie sous pavillon ennemi.

La France a la conviction que, dans une grande guerre navale, le droit d’arrêter en mer le trafic ennemi peut éventuellement lui être utile, et même nécessaire. Elle commence donc par prendre position avec l’Allemagne et la Russie contre la doctrine historique des États-Unis ; mais, tandis que l’Allemagne et la Russie éludent la question et l’ajournent, la France comprend qu’elle doit aux États-Unis, qu’elle doit à la Conférence, et plus encore à soi-même, de se justifier ici de tout soupçon d’être inhumaine. Et ce que n’avaient fait ni le baron Marschall, ni M. de Martens, M. Louis Renault le fit : il discuta. D’abord, il posa le droit sur sa base militaire : il était nécessaire pour frapper l’ennemi, surtout (allusion discrète) quand l’adversaire était de ces pays « où la navigation joue un rôle essentiel » (et tout le monde ici comprenait l’allusion qui visait l’Angleterre) ; mais, si nécessaire qu’il fût, un tel droit devait encore être juste en lui-même, et la France plaida les circonstances atténuantes : les navires et les chargemens, propriété des particuliers à l’âge de la voile, ont pris, au temps de la vapeur, des proportions telles qu’ils ne peuvent plus appartenir qu’à des sociétés : leur propriété, plus divisée, rend aujourd’hui leur prise moins sensible aux fortunes privées. Mais, pour être réduite, la perte individuelle n’en demeure pas moins. La justice ne peut admettre que, par l’incidence de la guerre, des particuliers souffrent d’un coup porté, non contre eux, mais contre l’Etat dont ils relèvent, et, laissant parler sa générosité naturelle, la France termine en demandant deux réformes : d’abord que les équipages n’aient plus de part de prise, ensuite que l’Etat indemnise de leurs pertes ses nationaux victimes de capture ; double vœu que la Conférence écarte comme une intervention dans le domaine réservé de la législation interne, mais qui cependant accuse, avec l’effort d’une grande nation vers la justice, un croissant progrès de la liberté commerciale.

Aidée de l’Italie, la France s’entremet pour trouver un régime transactionnel sur l’hospitalité neutre. Les Anglais limitent le séjour à vingt-quatre heures, le ravitaillement, à la quantité de charbon nécessaire pour gagner le port national le plus proche ; l’Allemagne veut, pour l’Etat neutre, une entière liberté, sauf dans la « zone des hostilités ; » la Russie, pour qui ce terme est trop vague, exige que l’Etat ait l’absolue maîtrise de son hospitalité. Les conceptions étant ainsi très variables, n’était-il pas sage de regarder la thèse russe et la thèse anglaise comme les deux doctrines extrêmes entre lesquelles chaque nation fixerait la mesure précise de sa neutralité, sous la double condition de faire son choix dès l’origine de la guerre, et de ne plus le modifier pendant les hostilités ? La finesse tout italienne d’un président diplomate et la sûreté toute juridique d’un rapporteur français trouvèrent entre les deux doctrines cette conciliation provisoire. L’adresse de la combinaison fut d’intéresser l’Angleterre au système en décidant que, faute d’une règle interne avant la guerre, le neutre serait d’office soumis au droit anglais, ce qui donnait à celui-ci le caractère de droit commun, et l’on ne s’explique guère ni les réserves de sir E. Fry le 9 octobre, ni les critiques ultérieures d’un jurisconsulte anglais[14]. Mais on peut espérer que toutes les nations, qui manquent de stations de charbon, s’entendront pour donner à leur hospitalité maritime un caractère large, et, de cette manière, la thèse libérale triomphe.

Peut-on couler les prises ? ou transformer, en haute mer, des navires de commerce en navires de guerre ? Ces questions, où trop d’intérêts se choquent, demeurent toujours pendantes. Ailleurs, des solutions limitées, mais précieuses, jalonnent dès maintenant la voie du progrès. Les bateaux pêcheurs sont immunisés, la correspondance postale ne peut être arrêtée, les marins d’un navire de commerce, en cas de prise, gardent leur liberté, neutres, sans condition, ennemis, sous la promesse de ne pas reprendre les armes ; les navires ennemis, au début des hostilités, peuvent être réquisitionnés moyennant indemnité, non saisis ; le bombardement des ports ouverts est interdit ; la convention de La Haye de 1899, relative à l’assistance des naufragés et des blessés dans la guerre maritime, s’harmonise avec le texte de la nouvelle convention de Genève de 1906. Petits résultats, dira-t-on. Mais, en matière d’humanité, rien n’est petit et tout est grand.

Vainement d’indiscrets amis de la paix ont-ils, de congrès en congrès, de Stuttgart à Munich, bruyamment proclamé l’impuissance de la deuxième conférence et décrété la banqueroute de l’humanisation de la guerre, notamment de la guerre maritime. C’est se tromper gravement que d’imposer à chacune des conférences de La Haye, isolément et immédiatement, d’aboutir : car chacune n’est qu’un anneau dans une chaîne ; et les puissances l’ont très justement affirmé quand, demandant la convocation, dans sept ans, d’une nouvelle conférence, elles ont exprimé le vœu d’y reprendre l’étude de la guerre maritime.

Mais pour développer le droit maritime, ce n’est pas assez des grandes conférences où les États doivent eux-mêmes accepter d’un consentement unanime la loi qui les restreint dans leur puissance de guerre. Comment leur demander, brusquement et d’avance, le total sacrifice de leur intérêt militaire ? C’est lentement, point par point, cas par cas, moment par moment, peuple par peuple, que l’arbitrage peut propager le droit dans le conflit des intérêts particuliers. Seule une institution judiciaire peut, de proche en proche, habituer les nations à l’idée que leur politique doit se soumettre au droit et non le droit à leur politique. Si le droit de la guerre maritime a pris un caractère égoïste, de nation à nation, c’est pour une grande part à raison de la formation, pour juger les prises, ennemies ou neutres, de tribunaux nationaux, chargés de vérifier l’exacte application, par le capteur, des ordres de l’amiral : tribunaux qui donnèrent la discipline et par surcroît, égarés par leur nom, crurent qu’ils pourraient aussi donner la justice. Pure erreur ! La justice ici ne peut être qu’internationale. Pour corriger l’iniquité des tribunaux de prises il fallut souvent employer l’arbitrage. D’où l’idée d’une Cour internationale des prises, jumelle de la Cour d’arbitrage. La délégation britannique en apportait un projet, tandis que, désireuse d’atténuer sa trop constante opposition à l’arbitrage, l’Allemagne en apportait un autre avec le secret espoir, peut-être, d’embarrasser l’Angleterre.

Les deux textes étaient très différens. La Grande-Bretagne ouvrait la Cour aux États, l’Allemagne aux particuliers ; la Grande-Bretagne aux neutres, l’Allemagne aux neutres et aux belligérans ; la Grande-Bretagne après l’épuisement de toutes les juridictions, l’Allemagne après le premier degré de l’instance. L’Allemagne faisait siéger des amiraux, l’Angleterre n’admettait à juger que des jurisconsultes. Dans le projet allemand, la Cour naissait au début de chaque guerre, pour se dissoudre ensuite, — tribunal transitoire, sans prestige et sans tradition ; le projet britannique prévoyait une cour stable, constituée dès la paix par tous les États ayant une part considérable dans le commerce maritime. Les deux textes permettaient à la Cour, à défaut de convention expresse, d’appliquer les règles reconnues du droit ; mais, à défaut de principes certains, l’Angleterre seule proposait de suivre, ici, l’équité pure.

Non seulement les idées, mais les tendances n’étaient pas les mêmes.

L’institution était si grande et si belle, et, malgré tout, si fragile, qu’il fallait l’empêcher de se briser entre ces deux projets sur des divergences de détail. C’est à quoi fut invitée la France. Elle pouvait aider l’Allemagne et l’Angleterre, en cherchant des rédactions plus élégantes et plus précises, à trouver au fond des formules meilleures. Appelé par les deux délégations à l’étude conjointe des deux propositions divergentes, M. Renault pénètre dans le Comité qui, loin de les opposer, les combine, garde de chacune ce qu’elle a de préférable, et parfois les mélange harmonieusement de manière à compléter le libéralisme de l’une par la prudence de l’autre. Ainsi les particuliers ont l’accès direct à la Cour, mais l’Etat dont ils relèvent peut le contrôler ; ainsi toute question, qui, dans le délai de deux ans, n’a pas été jugée par la hiérarchie, réduite à deux degrés, des tribunaux dû capteur, peut quand même être évoquée. Avec ces perfectionnemens de détail, la Cour se crée : Cour permanente et stable de quinze juges désignés pour six ans, où les huit grandes puissances ont chacune un juge à demeure et les autres un juge par roulement. Plus heureuse que la Cour, soi-disant permanente, d’arbitrage, qui, faite de tribunaux temporaires, ne trouve que de temps en temps forme et substance, puis s’évanouit dans l’espace, la nouvelle juridiction prend un corps tangible sans que l’amour-propre des puissances secondaires proteste au nom de l’égalité des États dont l’habituel champion, le Brésil, élève seul un veto sans effet.

Maîtresse d’écarter, par la loi d’équité, la loi du capteur, la Cour peut devenir, pour toutes les questions non réglées de la guerre maritime, un puissant instrument d’unification juridique. Mais ce pouvoir même lui est, en ce moment, un obstacle. L’idée que le tribunal pourrait, dans le silence des textes, créer lui-même la loi, loi contraire aux principes anglais, semble, un peu tard, inadmissible à la réflexion britannique : « Nous ne pouvons admettre, dit le Times, que la Cour fasse la loi, nous avons jusqu’au 30 juin 1909 pour ratifier la convention[15] : il est encore temps de conclure les traités qui, fixant le droit, rendront l’acceptation possible. D’ici là, nous ne pouvons laisser aux étrangers carte blanche pour faire des lois sur notre flotte et tenir à leur discrétion notre puissance. » — « Ne dites pas, écrit Holland, qu’en jugeant en équité, la Cour des prises ne ferait que suivre l’exemple donné par les tribunaux anglais, car ils suivent le sentiment national, tandis que la Cour des prises irait contre lui. » Le 9 novembre, au Guildhall, le premier ministre promettait d’ajourner la signature jusqu’à la conclusion d’une convention complète et totale sur la guerre maritime, tandis que la Conférence de La Haye n’avait produit, en quelques points isolés, que des textes incomplets. Et, depuis, le discours du Trône en a fait la promesse formelle : annonçant même la prochaine convocation d’une conférence qui reprendrait à Londres, entre grandes puissances maritimes, l’œuvre ébauchée à La Haye entre puissances qui n’étaient ni toutes grandes ni toutes maritimes. Mais comment admettre que, sur le blocus ou les mines, une entente puisse actuellement intervenir ? La nouvelle formule « pas de Code, pas de Cour, » n’est qu’un ajournement à peine déguisé, l’insuffisant moyen par lequel la Grande-Bretagne essaie de reprendre la parole que tout auteur d’un projet donne d’avance à qui plus tard l’accepte. Serait-ce qu’à La Haye, la proposition de la Cour se liât pour l’Angleterre à la codification du droit ? — Mais, dès l’origine, dans les instructions des délégués britanniques, les deux questions de la Cour et du droit furent indépendantes, et c’est précisément parce que la guerre maritime ne paraissait pas mûre pour une codification que la proposition d’une Cour des prises, avec pouvoir de juger librement faute de droit certain, parut nécessaire. Les Anglais en conviennent : « Attendre une codification du droit des gens, dit Westlake, est impossible : ce serait incompatible avec l’attitude que nous avons prise à La Haye ; nous renverrions la Cour aux calendes grecques sans profiter des avantages que nous en pouvons attendre[16]. »

Pour l’accepter tout de suite, il suffirait, d’après Westlake, d’un amendement en vertu duquel, à défaut de droit conventionnel ou de règles généralement reconnues, la Cour ne pourrait jamais contredire un principe certain de la loi du capteur. Même ainsi limitée, la Cour des prises pourrait se constituer et contribuer aux progrès du droit, fixer par exemple le rayon dans lequel peut s’exercer le droit de visite, question où nulle loi, ni conventionnelle, ni nationale, ne s’est encore prononcée. Mais pourquoi s’en tenir là ? « Si nous étions sûrs, disait récemment Lawrence[17], qu’un belligérant ne pourrait à sa discrétion envoyer les bateaux neutres au fond de la mer et que les vivres à destination de la population pacifique ne seraient pas condamnés du chef de contrebande, nous pourrions hardiment signer, — et sans réserve, — la convention relative à la Cour. » Mais pourquoi cette appréhension vis-à-vis d’une Cour qui, formée d’une majorité de neutres, au lieu de relever la rigueur de la guerre, ne fera très probablement que l’adoucir ? Neutre, l’Angleterre profiterait de cette Cour, et, ne l’oublions pas, sa tendance actuelle est à la neutralité. Belligérante, elle n’entend ni couler les prises neutres, ni faire des ports neutres un usage qui pourrait mettre en question la validité de ses captures. Le seul risque qu’elle puisse courir est devoir sa notion du blocus écartée ; mais, depuis que la mine a fait son apparition, l’importance anglaise du blocus est très ébranlée, et l’on peut espérer que, se ravisant, l’Angleterre fera clairement voir à toutes les nations qu’en leur proposant une Cour des prises elle était vraiment sincère.

Enfin, si par impossible la Cour des Prises ne se formait pas, faudrait-il désespérer de l’avenir et croire qu’entre les nations le conflit de l’Intérêt et de l’Idéal éterniserait à jamais sa douloureuse persistance ? Grave problème où le principe même du droit des gens, de son avenir et de sa loi, repose. S’il fallait attendre, pour trouver le droit, que tous les intérêts se confondissent, il serait à redouter de voir indéfiniment se perpétuer l’attente. Pour hâter la venue de son règne, la justice trouve heureusement dans la science un précieux allié.

C’est une idée souvent émise que la guerre s’élimine elle-même par le progrès des inventions. Dans la civilisation de la guerre plus encore que dans sa suppression, la sélection mécanique opère.

L’article premier de la déclaration de Paris énonce : « La course est et demeure abolie. » Mais plus et mieux que par le droit des gens, la course est désavouée par les changemens intervenus dans la nature et les méthodes de la guerre maritime. Pour une guerre faite près de terre contre des vaisseaux ennemis traversant des eaux étroites et souvent forcés par le vent de serrer le rivage, un petit vaisseau quelconque, bateau de pêche ou barque, pouvait être improvisé corsaire ; contre les bâtimens lents et lourds des anciens jours, la course était puissamment destructive ; doué de l’ubiquité souvent et de l’agilité toujours, le corsaire imprenable multipliait les prises. Mais aujourd’hui ni barque ni bateau ni petit navire qui, jadis, eût menacé le lent et lourd voilier, près du rivage, n’aurait de chance contre le moderne vapeur qui jamais n’est au calme, rarement approche de la côte, et, quand il le faut, file plus de dix nœuds.

Par les changemens de la navigation, la course a fait son temps. Sur le problème qui divisait les diplomaties, l’invention des hommes s’est prononcée. L’Espagne, le Mexique qui jadis repoussèrent l’abolition de la course, adhèrent à La Haye, en 1907, à sa suppression.

Par la mine et la torpille, réflectivité du blocus est compromise. Par l’invention du railway, frère jumeau du steamer, la force du blocus s’atténue contre le belligérant qui, sur le continent, peut, par terre, recevoir des neutres ce qu’ils ne peuvent lui porter par mer. La puissance militaire de la contrebande est frappée à fond. Interdit-elle le transport des vivres à destination d’un port de guerre ? Le chemin de fer les dirigera sur un port de commerce voisin. Interdit-elle le transport des armes à destination d’un port quelconque de l’ennemi ? Avec le détour d’un port neutre et du rail, ce transport est désormais permis.

La vapeur sur mer complète ici l’effet de la vapeur sur terre. Devenus plus rapides, les vaisseaux deviennent plus grands : accru par la vitesse, le commerce s’étend. Sous la Révolution et sous l’Empire les chargemens dépassaient rarement 200 ou 300 tonnes ; la visite, même en cas de soupçons, n’était pas longue ; la confiscation, en cas de saisie, n’était jamais très grave : elle portait sur des barils de goudron, des mâts, des agrès, des vivres ; un riche galion du Brésil pouvait accidentellement se faire prendre, mais l’aubaine était rare. Aujourd’hui les navires portent des chargemens de 7 000 à 10 000 tonnes et dont la valeur se chiffre par millions. La vérification de leur cargaison, quand les papiers de bord ne paraissent pas suffisans, demande des heures. En cas de retard ou d’erreur, les responsabilités pécuniaires peuvent être considérables. Comme l’observait à la Chambre des communes, le 11 août 1904, M. Balfour, les difficultés de la visite se sont accrues dans des conditions telles que le commerce ne peut plus les souffrir. L’inconvénient marchand de la contrebande augmente ; son avantage militaire diminue : quand les navires avaient un faible tonnage, la cargaison, consignée au même point, était déchargée dans un seul port ; maintenant que le navire a des escales multiples, il emporte des cargaisons mixtes où la marchandise coupable n’entre plus que pour une valeur réduite, de sorte que la détention du navire et de la marchandise innocente inflige aux neutres un tort très supérieur à l’avantage qu’en retire le belligérant, désormais arrêté par la crainte d’indemnités formidables.

Au temps de la voile, un croiseur ennemi, guettant les navires marchands, déterminait aisément, par la brise, l’espace de mer dans lequel ils devaient s’engager. Même il arrivait que les belligérans, retenus par vent contraire à l’entrée d’un port neutre, s’en félicitaient pour cueillir au passage les navires, ennemis ou porteurs de contrebande, que ce même vont, qui les empêchait d’entrer, faisait sortir. Désormais, par la vapeur, le navire de commerce est maître de sa route et de sa direction : la chasse est, pour le croiseur, sensiblement plus difficile, sinon dans les couloirs d’exploration aisée, — la Méditerranée, la Mer-Rouge, — du moins dans les grands océans vers lesquels la politique mondiale incline la guerre future. Le navire marchand augmente sa capacité de fuite, le navire de guerre voit diminuer sa puissance de chasse : plus promptement rejoint par la vapeur que par la voile, il se hâte davantage ; il est plus inquiet, plus nerveux, d’autant moins redoutable aux autres qu’il craint davantage pour lui. Enfin, la prise faite, il peut difficilement la conduire en lieu sûr. Dans le navire de jadis, facile à manœuvrer, large et spacieux, qui n’avait à porter que des vivres et de l’eau, l’on trouvait aisément assez d’hommes pour en détacher, de capture en capture, les équipages de prise, que le bonheur des rencontres avait rendus nécessaires. Dans le navire d’aujourd’hui, gros mangeur de charbon, la place manque pour embarquer le surcroît d’hommes nécessaire à la conduite, d’ailleurs plus difficile, des grands steamers marchands. Et c’est, par là, le principe de la saisie de la propriété privée ennemie, sous pavillon ennemi, qui s’ébranle.

Après que la télégraphie sans fil a fait son apparition, on a pu proclamer, à La Haye même, l’inviolabilité de la correspondance postale, ennemie ou neutre, officielle ou privée. Que les ingénieurs trouvent une formule — encore à chercher — pour que la mine flottante, au bout d’une heure, devienne inoffensive, et le problème des mines sera simplifié. Que le pétrole prenne la place du charbon à bord des navires, et la facilité du ravitaillement à la mer fera de l’illustre question de la prise du combustible dans les eaux neutres un problème vieilli. Ce ne sont pas les philosophes avec leurs théories, ni les juristes avec leurs formules, mais les ingénieurs avec leurs inventions, qui font le droit et surtout le progrès du droit.

Ainsi l’industrie, force matérielle, secondant les vues de l’idée, force morale, ouvre, ou plutôt entrouvre la séduisante perspective d’une solution plus ou moins prochaine, mais fatale, des problèmes de la guerre sur mer. Mystérieuse, presque troublante, une évolution se dessine qui, dans un progrès parallèle de la science et du droit, mène les peuples au bonheur par la liberté. Par-dessus l’émouvant conflit des intérêts nationaux, ingénieux à la controverse, ardens à la discussion, opiniâtres à la résistance, plus haut que la souveraineté des Etats, dogme éminent et cependant fragile, apparaît, — pour imposer la Justice, — cette autorité décisive et suprême : l’invention, maîtresse des lois.


A. DE LAPRADELLE.

  1. Les procès-verbaux de la Conférence, encore inédits, comprennent plus de 836 documens, dont le gouvernement néerlandais commence en ce moment la publication. L’Allemagne a donné sur la Conférence un livre blanc (Weissbuch über die Ergebnisse der zweiten internationalen Friedenskonferenz, 6 décembre 1907) et l’Angleterre un livre bleu (Blue Book, n° 1, 1908 : Correspondence respecting the second Peace Conference). Un livre jaune vient de paraître, en juillet. Cpr. Fried, die zweite Haagerkonferenz, Leipzig, 1908.
  2. Fred. T. Jane, Hérésies of sea power, London, 1906, p. 190.
  3. De Martens, Traités et Conventions de la Russie, t. XI, p. 86.
  4. Pour les origines de la Conférence, voyez l’article de M. André Tardieu, dans la Revue du 15 juin 1907.
  5. Lessons of the War, Boston, 1899, p. 84. Sea power in its relations to the war of 1812, London, 1905, t. I, p. 144-145.
  6. Lawrence, War and neutrality in the Far East, London, 1904.
  7. T. Schiemann, Deutschland und die grosse Politik, année 1904, Berlin, 1905, p. 60-61.
  8. Mahan, The problem of Asia, Boston, 1900, page 52.
  9. Report of the royal commission on supply of food and raw material in time of war, with minutes of evidence and appendices, 3 vol., 1903.
  10. Déposition du professeur Holland, Report supra cit., II, Minutes of evidence, p. 231 et suiv.
  11. Report supra cit., III, Appendices, p. 257.
  12. Correspondence respecting the second conference, p. 14.
  13. Reventlow, Weltfrieden oder Wellkrieg ! Wohin geht Deutschlands Wea ? Vor der Haager Friedenskonferenz, Berlin, 1907.
  14. Westlake, International law, II, War, 1908, p. 327.
  15. Ce délai est exceptionnel ; toutes les autres conventions doivent être signées à la date du 30 juin 1908. Pour le tableau des signatures et des réserves, comparer le Livre jaune de juillet 1908, p. 271.
  16. Westlake, The Hague conference, dans la Quarterly Review, janvier 1908, p. 242.
  17. Conférence (non publiée) faite au War Course College, à Portsmouth, le 5 février 1908.