La Harpe d’Armorique/Le Chêne

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La Harpe d’ArmoriqueAlphonse Lemerre, éditeur1 (p. 211-213).
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Le Chêne


Bardit


Sur l’air : Écoutons, jeunes et vieux.


I

Chantons tous le chêne, roi des grands bois !
Chantons tous, jeunes gens, et chantons les arbres verts
Cruel est celui qui coupe les chênes :
Hélas ! combien d’arbres en Bretagne ont été abattus !

II

Les arbres sont sacrés ! Les Nains, chaque nuit,
Viennent danser autour des vieux chênes ;
Et les pauvres Trépassés, à la clarté de la lune.
Répandent là des larmes, des larmes sur la terre.

III

Avec son feuillage touffu un chêne de cent ans,
Et avec ses cheveux longs sur le cou un Breton,
Sont comme deux frères : deux frères sans mentir,
Pleins de force et de vie, fermes et durs tous deux.


IV

J’ai vu à Scaer un chêne si élevé
Qu’il dressait dans les cieux sa tête au-dessus du vent ;
J’y ai trouvé un lutteur si solide
Qu’il avait sur la terre ses pieds comme attachés.

V

Si le chêne tombait sous les coups du tonnerre,
Un navire dans son corps profond, un navire sera taillé :
A l’œuvre donc, charpentier ! puis accourez, marins !
Le roi des montagnes est encore roi de la mer.

VI

Vous aussi, campagnards, venez ! avec chaque branche,
Faites des pieux et des fléaux, avec la souche une charrue !
Pourtant élevons d’abord à l’angle des chemins
L’arbre de la croix sur lequel fut attaché Notre-Seigneur.

VII

Sur ma tombe, jeunes gens, vous mettrez un chêne ;
Et le rossignol plaintif chantera sur le faîte :
Le Barde aux cheveux blonds est ici dans la tombe,
Celui-là dans son cœur aimait les Bretons.


Au mois de juin 1837.