La Mère (Gorki)/2/5

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La Mère (1907)
Traduction par Serge Persky.
Éditions Hier et aujourd'hui (p. 215-224).
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V


Le troisième jour, en arrivant dans un village, la mère demanda à un paysan qui travaillait aux champs où se trouvait la fabrique de goudron. Bientôt les deux femmes descendirent un étroit sentier raide et agreste, pareil à un escalier dont les racines formaient les marches ; elles aperçurent une petite clairière arrondie, tout encombrée de copeaux et de charbon avec, çà et là, des flaques de goudron. — Nous voilà au but ! dit la mère en regardant autour d’elle avec inquiétude.

Près d’une hutte fermée de pieux et de branchages, quatre ouvriers dînaient, assis autour d’une table faite de trois planches brutes posées sur des pieux fichés dans le sol. C’étaient Rybine, tout noir, la chemise ouverte sur sa poitrine, Jéfim et deux autres jeunes gens. Rybine, le premier, aperçut les deux femmes ; il attendit en silence, s’abritant les yeux de sa main.

— Bonjour, frère Mikhaïl ! cria la mère de loin.

Il se leva et vint à leur rencontre sans se hâter ; lorsqu’il eut reconnu Pélaguée, il s’arrêta et caressa sa barbe.

— Nous allons en pèlerinage ! dit la mère en s’approchant. J’ai fait un détour pour te rendre visite. Voilà mon amie, elle s’appelle Anne…

Fière de son ingéniosité, elle regarda du coin de l’œil Sophie, qui restait grave et impassible.

— Bonjour ! dit Rybine avec un sourire morose. Il lui serra la main, salua Sophie et continua : Inutile de mentir, ce n’est pas la ville ; ici, on n’a pas besoin de mensonge. Ici, il n’y a que de braves gens, que l’on connaît…

Jéfim, toujours assis à la table, considérait avec attention les voyageuses ; il chuchota quelque chose à ses compagnons. Lorsque les femmes se rapprochèrent, il se leva, salua sans mot dire ; les deux autres restèrent immobiles, comme s’ils n’avaient pas aperçu les visiteuses.

— Nous sommes en reclus ici ! reprit Rybine, en frappant sur l’épaule de la mère. Personne ne vient nous voir, le patron n’est pas au village, sa femme est à l’hôpital, et moi, je suis maintenant une sorte d’intendant… Asseyez-vous. Voulez-vous du thé ? Jéfim, apporte donc du lait !

Lentement, Jéfim se rendit à la hutte, tandis que les voyageuses se débarrassaient de leur besace. Un des paysans, un grand gaillard maigre, se leva pour les aider. L’autre, déguenillé et trapu, s’était accoudé et regardait pensivement les femmes, en se grattant la tête et en fredonnant. L’arome étouffant du goudron frais se mêlait à l’odeur suffocante des feuilles pourries et faisait tourner la tête.

— Celui-ci s’appelle Jacob, dit Rybine en désignant le plus grand des deux ouvriers, et celui-ci, Ignati… Eh bien, et ton fils ?…

— En prison ! soupira la mère.

— De nouveau ! s’écria Rybine. Il faut croire qu’il s’y trouvait bien…

Ignati ne chantonnait plus ; Jacob prit le bâton d’entre les mains de la mère :

— Assieds-toi, grand-mère !

— Et vous aussi, asseyez-vous, dit Rybine en s’adressant à Sophie.

Sans parler, elle se plaça sur un ballot et se mit à examiner Rybine.

— Quand a-t-il été arrêté ? demanda celui-ci, et il s’exclama en branlant la tête : Tu n’as pas de chance, Pélaguée !

— Qu’importe !

— Eh bien, tu t’habitues ?

— Non, mais je le vois bien, il est impossible qu’il en soit autrement !

— Voilà ! dit Rybine. Eh bien, raconte…

Jéfim apporta un pot de lait ; il prit un bol sur la table, le rinça avec de l’eau, puis, l’ayant rempli de lait, il le poussa vers Sophie. Il marchait et agissait sans bruit, avec précaution. Lorsque la mère eut terminé son court récit, tout le monde garda le silence. Toujours assis à la table, Ignati dessinait avec son ongle sur les planches. Jéfim s’appuyait à l’épaule de Rybine. Jacob croisait les bras sur sa poitrine et baissait la tête. Sophie étudiait toujours le visage des paysans.

— Oui ! dit Rybine en traînant lentement les mots. Voilà, ils ont décidé d’agir ouvertement…

— S’ils avaient organisé une parade de ce genre chez nous, dit Jéfim avec un sourire, les moujiks les auraient battus à mort…

— Tu dis que Pavel sera jugé ? demanda Rybine.

— Oui, c’est décidé ! répondit la mère.

— À quelle peine peut-il être condamné… tu ne le sais pas ?

— Le bagne ou la déportation à vie en Sibérie ! répondit-elle à voix basse.

Trois des ouvriers la regardèrent simultanément. Rybine reprit :

— Et quand il a arrangé l’affaire, savait-il ce qui l’attendait ?

— Je l’ignore… probablement.

— Oui ! il le savait… dit Sophie avec force.

Tous se turent, ils ne bougeaient plus, comme s’ils se fussent figés en une même pensée réfrigérante.

— Voilà ! reprit Rybine d’une voix grave et sévère. Moi aussi, je crois qu’il le savait. C’est un homme sérieux, il n’agit pas à la légère. Voyez-vous ça, camarades ! Il savait qu’on pouvait le transpercer d’une baïonnette ou lui faire les honneurs du bagne, et il a marché quand même ! Il fallait qu’il marche et il a marché ! Si on avait placé sa propre mère au travers de son chemin, il aurait passé outre… n’est-ce pas, Pélaguée ?

— Oui… répondit la mère en tressaillant.

Et, après avoir promené son regard autour d’elle, elle poussa un profond soupir. Sophie lui caressa doucement la main et jeta un coup d’œil de mécontentement à Rybine.

— C’est un homme ! reprit celui-ci à mi-voix, en fixant ses yeux sombres sur ses compagnons. Et de nouveau, tous les six gardèrent le silence. De minces rayons de soleil pendaient en l’air comme des rubans d’or. On ne sait où, un corbeau croassait. La mère regardait autour d’elle, troublée par les réminiscences du Premier Mai, par le souvenir de Pavel et d’André. Dans la petite clairière étroite, gisaient des tonneaux brisés qui avaient contenu du goudron, des bûches écorcées et hérissées ; des copeaux frissonnaient au vent. Les chênes et les bouleaux se dressaient en un cordon resserré ; de tous côtés, ils gagnaient insensiblement sur la clairière comme pour effacer, anéantir tous ces débris, ces ordures qui les outrageaient, et, liés par le silence, immobiles, ils lançaient sur le sol des ombres noires et chaudes.

Soudain, Jacob s’écarta de l’arbre auquel il s’adossait, fit un pas, s’arrêta et demanda d’une voix forte et sèche, en secouant la tête :

— Et c’est contre des gens pareils qu’on nous enverra combattre, Jéfim et moi ?

— Et contre qui pensais-tu ? demanda Rybine d’un ton morne. On nous étouffe de nos propres mains… C’est là le comble !

— Malgré tout, je me ferai soldat ! déclara Jéfim d’une voix basse.

— Qui t’en empêche ? s’exclama Ignati. Vas-y !

Et fixant ses yeux sur Jéfim, il lui dit en riant :

— Seulement, quand tu tireras sur moi, vise à la tête, ne m’estropie pas… tue-moi du coup !…

— Tu me l’as déjà dit ! cria Jéfim avec âpreté.

— Attendez, camarades ! reprit Rybine, et il leva le bras d’un geste lent : Voyez cette femme ! — il désigna la mère — son fils est perdu, probablement…

— Pourquoi dis-tu cela ? demanda la mère d’une voix angoissée.

— Parce qu’il le faut ! Il faut que tes cheveux ne blanchissent pas en vain, que ton cœur ne souffre pas pour rien… Eh bien, est-ce que cela t’a tuée ?… Tu apportes des livres ?

La mère lui jeta un coup d’œil et fit après un silence :

— Oui !

— Voilà ! dit Rybine en frappant la table de la paume de sa main. Je l’ai deviné aussitôt que je t’ai vue… pourquoi serais-tu venue, sinon pour cela ? Vous voyez, le fils a été arraché des rangs, et la mère a pris sa place !

Il se redressa et cria d’une voix sourde, avec un geste menaçant :

— Ces canailles ne savent pas ce que sèment leurs mains aveugles ! Ils verront quand notre force aura grandi, quand nous nous mettrons à faucher ces herbes maudites ! Ils verront !

Ces paroles effrayèrent Pélaguée ; elle regarda Rybine et remarqua combien il avait changé et maigri : sa barbe n’était plus carrée, mais inégale ; on entrevoyait au-dessus les os des pommettes. De fines veines rouges se dessinaient sur la cornée bleuâtre, comme s’il eût été en proie à l’insomnie. Son nez était devenu plus cartilagineux et crochu, comme le bec d’un rapace. Le col déboutonné de sa chemise, jadis rouge et imbibée de goudron, découvrait des clavicules sèches et l’épaisse toison noire de la poitrine. Il y avait en toute la personne de cet homme quelque chose d’encore plus sombre et de plus mélancolique qu’auparavant. L’éclat de ses yeux enflammés illuminait son visage foncé d’une lueur d’angoisse et de colère, qui brillait en pourpres étincelles.

— L’autre jour, continua Rybine, le chef du district me fait appeler et me demande : — Qu’as-tu dit au prêtre, mauvais garnement ? — Pourquoi serais-je un mauvais garnement ? Je gagne mon pain en m’échinant, je n’ai fait de mal à personne, lui ai-je répondu. Il s’est mis à hurler et m’a donné un coup de poing en pleine figure… et il m’a mis aux arrêts pour trois jours. Ah ! c’est comme cela que vous parlez au peuple ? C’est bien ! Mais n’attendez pas de pardon, diables ! Si ce n’est pas moi, ce sera un autre qui se vengera de l’outrage, sur vous ou sur vos enfants… souvenez-vous-en ! Vous avez labouré la poitrine du peuple avec les griffes de fer de votre avidité, vous y avez semé le mal… Nous ne vous ferons pas grâce, maudits ! Voilà !

Il bouillonnait de fureur ; dans sa voix résonnaient des notes qui épouvantaient la mère.

— Et qu’avais-je dit au prêtre ? reprit-il un peu calmé. Après une assemblée, il était là dans la rue avec les paysans et leur racontait que les hommes sont un troupeau, qu’ils ont toujours besoin d’un berger… voilà ! Et moi, j’ai dit en plaisantant : Si on nommait le renard chef de la forêt, il y aurait beaucoup de plumes, mais point d’oiseaux ! Il me regarda de travers et se mit à dire que le peuple devait souffrir, se résigner et prier Dieu plus souvent, afin qu’il lui donne la force de tout supporter. Et moi, j’ai répondu : Le peuple prie beaucoup, mais Dieu n’a probablement pas le temps de l’écouter. Il ne l’entend pas ! Voilà ! Alors, il m’a demandé quelles prières je disais. Je lui ai répondu : Je n’en ai appris qu’une dans ma vie, celle du peuple tout entier : Dieu, apprends-moi à travailler pour les seigneurs, à manger des pierres, à cracher des bûches ! Il ne m’a pas laissé achever… Vous êtes une dame de la noblesse ? demanda brusquement Rybine à Sophie, interrompant son récit.

— Pourquoi croyez-vous cela ? fit-elle en tressaillant de surprise.

— Parce que !… s’écria Rybine. C’est votre sort, vous êtes née ainsi. Voilà ! Vous vous imaginez que vous pouvez cacher votre péché de noblesse en vous couvrant la tête d’un fichu d’indienne ? On reconnaît le prêtre, même quand il n’a plus de tonsure… Vous venez de poser le coude sur la table mouillée et vous avez fait la grimace… Et votre dos est trop droit pour être celui d’une ouvrière…

Craignant qu’il n’offensât Sophie par sa voix, ses paroles et son ironie lourdes, la mère intervint vivement, avec sévérité :

— C’est mon amie. C’est une brave femme… c’est en travaillant pour nous et notre cause qu’elle s’est fait des cheveux blancs… Ne sois pas si rude…

Rybine soupira péniblement.

— Ai-je donc dit des choses insultantes ?

Sophie le regarda et demanda d’un ton sec :

— Vous vouliez me dire quelque chose ?

— Moi ? Oui ! Voilà, il y a ici un homme qui est venu il y a quelques jours ; c’est le cousin de Jacob, il est malade, il a la phtisie, mais il comprend pas mal de choses. Peut-on l’appeler ?

— Pourquoi pas ? répliqua Sophie.

Rybine la regarda en plissant les paupières et dit en baissant la voix :

— Jéfim, va donc chez lui… dis-lui qu’il vienne dans la soirée…

Jéfim se dirigea vers la cabane, mit sa casquette et sans mot dire, sans regarder personne, disparut d’un pas tranquille dans le bois. Rybine hocha la tête en le désignant et dit sourdement :

— Il souffre !… il est obstiné… il sera bientôt soldat… Jacob aussi… Jacob dit tout simplement qu’il ne peut pas aller au régiment, et Jéfim ne peut pas non plus, mais il veut y aller quand même… Il a une idée… Il pense qu’on peut répandre parmi les soldats des ferments de liberté… Moi, je crois qu’on ne peut pas enfoncer un mur en le heurtant du front. Et eux, ils prennent une baïonnette à la main et s’en vont. Où ? Ils ne voient pas qu’ils marchent contre eux-mêmes… Oui, il souffre, Jéfim. Et Ignati lui retourne le couteau dans le cœur, c’est peut-être inutile…

— Pas du tout ! dit Ignati d’un air sombre, sans regarder Rybine ; on le convertira au régiment, et il fera feu aussi bien que les autres !

— Non, je ne crois pas ! répliqua Rybine pensivement. Mais, tout de même, il vaut mieux éviter cela. La Russie est grande… comment retrouver un homme ? Il faut se procurer un passeport et s’en aller par les villages.

— C’est ce que je veux faire ! déclara Ignati, en se frappant la jambe avec un copeau. Du moment qu’on est résolu à combattre, il faut marcher sans hésiter…

La conversation tomba. Les abeilles et les guêpes voltigeaient affairées, et leur bourdonnement nuançait le silence. Les oiseaux gazouillaient ; dans le lointain s’élevait une chanson qui errait au-dessus des champs. Après un instant de silence, Rybine reprit :

— Il faut travailler, camarades… Vous vous reposerez, peut-être ? Il y a des lits de camp dans la hutte. Jacob ramasse-leur des feuilles sèches… Et toi, mère, donne les livres, où sont-ils ?

Sophie et Pélaguée ouvrirent leur besace. Rybine se pencha pour regarder, et dit avec satisfaction :

— Voilà… Quel paquet vous en avez apporté… Voyez-vous cela ? Il y a longtemps que vous êtes dans cette affaire… vous ? fit-il en s’adressant à Sophie.

— Il y a douze ans.

— Comment vous appelez-vous donc ?

— Je m’appelle Anna Ivanovna. Pourquoi ?

— Comme ça. Et vous avez été en prison, probablement ?

— Oui !

— Tu vois ! dit la mère à voix basse, d’un ton de reproche. Et toi, tu lui parles avec rudesse…

Il garda le silence un instant ; puis, prenant un paquet de livres sur le bras, il répondit :

— Ne vous fâchez pas contre moi ! Le paysan et le seigneur, c’est comme le goudron et l’eau, ils ne vont pas ensemble, ils se repoussent l’un l’autre…

— Je ne suis pas une grande dame, je suis un être qui pense, souffre et gémit ! répliqua Sophie.

— C’est bien possible ! dit Rybine… Je vais cacher tout cela.

Ignati et Jacob s’approchèrent de lui et tendirent les mains.

— Donne-nous-en ! dit Ignati.

— Ils sont tous pareils ? demanda Rybine à Sophie.

— Non, pas tous. Il y a aussi un journal…

— Ah ?

Les trois hommes se précipitèrent dans la cabane.

— Il est ardent, le paysan ! fit la mère à voix basse, en les suivant d’un regard pensif.

— Oui ! dit Sophie de même… Je n’ai encore jamais vu un visage comme le sien… on dirait un grand martyr !… Allons-y aussi, j’aimerais voir l’effet du journal.

— Ne vous fâchez pas contre lui… pria doucement la mère.

— Quelle bonne âme vous êtes, Pélaguée !

En voyant les deux femmes au seuil de la cabane, Ignati leva la tête, leur jeta un coup d’œil rapide ; puis, plongeant ses doigts dans ses cheveux bouclés, il se pencha sur le journal, qu’il avait posé sur ses genoux.

Rybine, debout, éclairait sa feuille d’un rayon de soleil qui se glissait dans la hutte par une fente du toit ; il avançait peu à peu le journal sous le rayon, au fur et à mesure de sa lecture, et lisait en remuant les lèvres. Jacob, agenouillé, appuyait sa poitrine contre le bord du lit de camp et lisait aussi.

La mère vit que Sophie remarquait leur enthousiasme pour les paroles de vérité. Son visage s’éclaira d’un sourire. Elle alla doucement dans un coin de la hutte et s’assit. Sophie, gardant le silence, lui entoura les épaules de son bras.

— Oncle Mikhaïl ! On nous injurie là-dedans, nous autres paysans ! fit Jacob à mi-voix, sans bouger. Rybine se tourna vers lui et dit en souriant :

— Parce qu’on nous aime. Ceux qui vous aiment peuvent vous dire tout ce qu’ils veulent sans vous irriter !

Ignati renifla, leva la tête et se mit à rire ; puis il ferma les yeux et dit :

— On écrit là : « Le paysan a cessé d’être une créature humaine. » C’est bien vrai, il ne l’est plus !

Une ombre d’humiliation passa sur son visage simple et franc.

— Viens donc, fichu savant ! Mets-toi dans ma peau et bouge ! On verra alors ce que tu seras…

— Je vais me coucher un instant, dit la mère à Sophie. Je suis tout de même un peu fatiguée et cette odeur de goudron me fait tourner la tête… Et vous ?

— Non !

La mère s’étendit sur son lit et sommeilla bientôt. Sophie, assise à côté d’elle observait toujours ses lecteurs ; elle chassait avec sollicitude les bourdons ou les guêpes qui venaient voltiger autour du visage de la mère. Pélaguée s’en rendait compte, les yeux mi-clos, et ces attentions lui étaient douces.

Rybine s’approcha et demanda :

— Elle dort ?

— Oui !

Il se tut un instant, braqua ses yeux sur le visage calme de la dormeuse, soupira et reprit à voix basse :

— C’est peut-être la première femme qui ait suivi son fils sur cette voie-là… la première !

— Allons-nous-en !… ne la dérangeons pas ! proposa Sophie.

— Il faut que nous allions au travail… J’aimerais bien pouvoir causer avec vous… mais il faut attendre jusqu’au soir ! Allons, camarades !

Les trois hommes sortirent, laissant Sophie dans la hutte. La mère pensa :

— Dieu merci ! ils se sont réconciliés !… Ils s’accordent !… Et elle s’endormit paisiblement, respirant l’air embaumé de la forêt.