La Maîtresse d’anglais/4

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Kiessling, Schnée et Cie (p. 61-78).

IV

Je me réveillai parfaitement remise de mes émotions et de mes fatigues de la veille, avec tout mon courage et toute la clarté de mes idées.

À peine avais-je fini de m’habiller, qu’on frappa à ma porte.

— Entrez.

Au lieu de la fille de chambre que je m’attendais à voir, ce fut une espèce de portefaix qui entra.

— Donnez-moi vos clefs, miss, me dit-il dans le plus étrange anglais.

— Pourquoi faire ?

— Donnez-moi vos clefs, reprit-il d’un ton brutal et, sans s’arrêter à ma question, qu’il ne comprenait apparemment pas, il m’arracha presque mes clefs des mains.

L’arrivée de ma malle que la douane avait voulu visiter me donna le mot de l’énigme.

En descendant pour déjeuner ; je remarquai coque mon extrême lassitude m’avait empêchée d’observer la veille. Cette auberge supposée était un très-vaste hôtel. Il me tardait si peu d’être en bas, que je faisais halte à chaque palier pour mieux regarder le plafond sculpté, les murs décorés de peinture, les hautes croisées par où la lumière entrait à flots, les grandes marches de marbre qui ne laissaient pas d’être froides faute de tapis : et ; assez pou propres. Comparant ce luxe d’architecture aux dimensions exiguës et au chétif ameublement de la chambre où j’avais couché, il me venait plus d’une réflexion philosophique.

J’admirai la sagacité avec laquelle les garçons de l’hôtel classaient tout de suite leur monde et proportionnaient la réception à la recette probable. Mon insignifiance sociale leur avait sauté aux yeux, mais dans l’économie de la maison les gros chiffres ne faisaient pas négliger les fractions les plus minimes.

J’arrivai enfin dans une grande salle pleine de lumière, qui paraissait être le café de l’Hôtel. Ce ne fut pas sans trembler un peu que j’y entrai ; la situation était si nouvelle pour moi ; la grandeur même du local me faisait plus péniblement sentir mon isolement, mon complet abandon. Avais-je eu tort ou non d’entrer ? Selon toute apparence j’avais eu tort, car il n’y avait pas d’autres femmes, mais je suis un peu fataliste, et dans l’incertitude il n’est pas plus rationnel de reculer que d’avancer. Je m’assis donc dans un coin écarté, devant une petite table où l’on m’apporta à déjeuner. J’aurais été beaucoup plus à mon aise s’il y avait eu d’autres dames ; aucun des messieurs qui déjeunaient comme moi isolément ne parut s’étonner de ma présence. Un ou deux me regardaient bien du coin de l’œil, mais d’une manière qui n’avait rien de désobligeant. Ma conduite, en cette circonstance, leur eût semblé d’ailleurs excentrique, qu’une simple réflexion aurait tout expliqué : « C’est une Anglaise ! »

Le déjeuner fini, il fallait se remettre en route, mais dans quelle direction ? Ostende n’offrait aucune ressource, d’après ce qu’on m’avait dit. Hors la saison des bains, la ville n’était pas moins déserte que les sables de sa plage. « C’est à Bruxelles qu’il faut aller. » murmurait une voix intérieure, inspirée sans doute par le souvenir de quelques mots jetés en l’air par miss Genevra Fanshawe au moment où nous nous étions quittées.

— Si vous n’avez pas d’autre ressource, présentez-vous chez madame Beck. Je sais qu’elle cherchait, il y a deux mois, une gouvernante anglaise pour ses vilains marmots d’enfants.

Qu’était-ce que madame Beck ? Où habitait-elle ? Je l’avais demande ; mais miss Genevra, entraînée par ses amis, n’avait pas eu le temps de me répondre. Je présumai que Bruxelles devait être la résidence de cette dame. Le chemin de fer n’existait pas encore. Quarante milles anglais ne sont pas une bien terrible distance à franchir. Partons pour Bruxelles. C’était se rattraper à un fétu de paille ; mais dans l’embarras où je me trouvais, je me serais rattrapée à une toile d’araignée. Ne me trouvais-je pas dans la position d’un joueur qui, n’ayant plus rien à perdre, aurait encore quelque chose à gagner ?

Je ne suis pas d’un tempérament artistique, bien s’en faut ! Le don de voir les réalités de la vie à travers le prisme de l’imagination ne m’a pas été accordé, mais l’impression, du moment me possède ; je sais dormir entre deux orages et jouir de l’heure présente, pour peu qu’elle m’agree. Nous voyagions lentement ; il faisait froid et il pleuvait ; la route traversait de vastes plaines sillonnées par des canaux d’une eau verdâtre et stagnante qu’on aurait pu comparer à de tortueux serpents à moitié engourdis ; de vieux saules marquaient les limites de champs cultives comme des jardins potagers ; le ciel, d’un ton gris et plombé, n’était pas moins monotone ; l’atmosphère avait une humidité pénétrante, et cependant mon cœur s’épanouissait aux rayons d’un, soleil intérieur ; je me complaisais dans l’inactivité forcée et, somnolente de la diligence, sans me déguiser que ce bien-être moral et physique relatif n’était qu’une trêve et que l’adversité m’attendait peut-être au bout du chemin comme un tigre tapi dans les jungles.

Mon espoir d’atteindre Bruxelles avant la nuit, et d’échapper ainsi à tous les embarras qu’ajoute l’obscurité à une première arrivée dans une ville étrangère, se trouva déçu par la lenteur de notre marche, le temps perdu à chaque relais, la pluie battante et un épais brouillard. Des ténèbres non-seulement visibles, mais palpables, s’étaient emparées de la ville, lorsque nous atteignîmes ses faubourgs.

À la lueur des réverbères je vis les soldats qui montaient la garde aux portes de la capitale de la Belgique. La diligence, roulant sur un pavé beaucoup plus rude que la chaussée boueuse, ne tarda pas à s’arrêter devant son bureau. Mon premier soin fut d’assister au déchargement des bagages ; on m’avait conseille d’user de patience en pareil cas, ide suivre des yeux l’opération entière et d’attendre pour réclamer ma malle que je la visse descendre. Mes yeux restaient donc fixés sur impériale, où l’on avait bissé, à l’heure du départ, mon unique propriété au monde et sur laquelle était amoncelée une véritable pile d’autres bagages. Un à un je les vis descendre tous, mais ma malle ne descendait pas. Pour mieux la reconnaître, je l’avais : pourtant, entourée d’un vieux ruban vert.

J’attendais encore, et le déchargement était achevé on avait même enlevé la bâche. Qu’étaient devenus ma pauvre malle et aveu elle mes rares effets et le reste de mes 15 £ ?

Cette question, je me la faisais à moi-même, mais je ne pouvais l’adresser à personne, le français étant la seule langue qui se parlât autour de moi. Réduite à la pantomime, je m’approchai du conducteur, je posai doucement la main sur son bras et je lui montrai une malle qui n’avait pas encore été enlevée pour lui faire comprendre que j’attendais la mienne. Il saisit aussitôt la malle désignée pour me l’apporter.

— Laissez là cette malle, dit une voix anglaise.

Et se traduisant elle-même en français :

— Cette malle est à moi.

Le son d’une voix qui était évidemment celle d’un compatriote, avait réjoui mon cœur.

— Excusez-moi, monsieur, dis-je à l’inconnu ; le conducteur m’a mal comprise et cela n’est pas étonnant ; je ne sais pas un mot de français. Je ne lui demandais pas votre malle, mais ce qu’il a fait de la mienne.

Sans bien m’expliquer, au premier moment, l’expression du visage sur lequel mes yeux s’étaient levés et fixés, je crus y lire un mélange de surprise et d’hésitation. Mes compatriotes, en général, se soucient peu de se mêler des affaires d’autrui.

— Seriez-vous assez bon, monsieur, pour lui demander ce qu’est devenue ma malle ? C’est un service que je serais moi-même heureuse…

Il ne me laissa pas achever ; je ne saurais dire s’il sourit ou ne sourit pas, mais il reprit du ton d’un véritable gentleman, c’est-à-dire d’un ton qui n’avait rien de dur ni d’impoli.

— Comment est votre malle ?

Je lui en fis la description, complète, sans oublier le ruban vert.

Immédiatement il prit le conducteur à part, et parut le secouer d’importance. Revenant ensuite vers moi :

— La voiture était trop chargée, à ce qu’il dit, à son départ d’Ostende, où il a laissé votre malle, avec plusieurs autres caisses et paquets. Il promet de la faire venir demain ; vous pourrez la réclamer après-demain matin à ce même bureau.

— Merci, monsieur.

Et j’essayai de sourire, mais, au fond, j’étais désolée. Que devenir, si ma malle était pendue ?

Il lut mon effroi dans mes traits, car il me demanda, d’un ton compatissant, si j’avais des amis à Bruxelles.

— Aucun.

— Et où descendez-vous ?

— Je ne sais.

Il y eut un moment de silence. À la clarté d’une lampe, vers laquelle se trouvait tourné son visage, je distinguai encore mieux ses traits. C’était un beau jeune homme, plein de distinction, un lord peut-être ! La nature lui avait donné une mine assez haute, un port assez fier pour qu’on pût le croire un prince ; mais il était exempt de morgue et d’arrogance. Presque honteuse de l’avoir forcé d’intervenir pour moi près du conducteur, je m’éloignais lorsqu’il m’arrêta en me demandant si mon argent se trouvait dans ma malle.

Combien je me sentis heureuse de pouvoir lui répondre que j’avais assez d’argent sur moi pour attendre le surlendemain ! Complétement étrangère à Bruxelles, je ne connaissais par malheur ni les rues ni les hôtels ; il me faudrait un gîte très-modeste.

— Je puis vous donner l’adresse d’un hôtel qui remplira vos intentions, me dit-il ; ce n’est pas loin d’ici ; quelques indications vous le feront aisément trouver.

Il déchira un feuillet de son carnet, écrivit quelques mots et me les donna. Je lui sus un gré infini de son obligeance, parce qu’il n’était pas évidemment dans sa nature de se montrer officieux pour tout le monde et à tout propos. Quant à me défier de lui, de ses avis et de l’adresse qu’il me donnait, j’aurais autant songe à révoquer la Bible en doute. Sa physionomie respirait la bonté, la loyauté brillait dans ses yeux.

— Votre plus court chemin, ajouta-t-il, est de suivre le boulevard et de prendre par le Parc ; mais il est trop tard, il fait trop obscur pour qu’une femme se hasarde à le traverser toute seule. Je vais vous accompagner jusque-là.

Sans attendre ma réponse, il se mit en marche et je le suivis par une pluie fine et pénétrante. Le boulevard était désert, ses allées remplies de boue, l’eau dégouttait des arbres ; le Parc était noir comme minuit dans les romans de mistress Anne Radcliffe. Je ne distinguais même pas mon guide, mais je le suivais au bruit de ses pas ; je l’aurais suivi ainsi jusqu’au bout du monde.

— Maintenant, me dit-il quand le Parc fut traversé, vous allez suivre cette grande rue jusqu’à ce que vous arriviez à un large escalier de pierre. Deux candélabres à réverbère vous indiqueront où il est. Vous descendrez les degrés, qui vous conduiront dans une rue étroite ; suivez cette rue ; votre hôtel se trouve à son extrémité ; on y parle anglais ; une fois là, vous serez tirée d’embarras ! Bonsoir !

— Bonsoir, monsieur, et croyez à ma sincère reconnaissance.

Nous nous séparâmes pour ne plus nous revoir selon toute apparence ; mais l’expression de ses traits, le son de sa voix, annonçaient une nature chevaleresque prête à venir en aide du faible et au malheureux, nature trop rare de notre temps pour qu’on n’en garde pas mémoire. C’était, je le répète, un véritable gentleman anglais.

Restée seule, je hâtai le pas à travers une large rue et une place entourée de vastes maisons au milieu desquelles s’élevait plus d’un imposant édifice qui pouvait être un palais ou une église. Je passais devant un portique, quand deux hommes à moustaches sortirent de l’ombre des colonnes. Ils fumaient des cigares et se drapaient fièrement dans leurs Manteaux. Ces deux personnages ne pouvaient être des gentlemen en aucun pays, car ils insultèrent une femme en s’attachant à sa piste comme des limiers à celle d’un lièvre. Une, patrouille qui survint les força d’interrompre leur chasse. Dans mon effroi, j’avais mal suivi mon itinéraire et dépassé les degrés indiqués. Je ne savais plus où j’étais ; l’haleine me manquait ; mon pouls battait violemment, je tremblais de rencontrer encore ces chevaliers errants de triste espèce, mais il fallait bien revenir sur mes pas si je voulais trouver l’hôtel !

Enfin, j’arrivai près d’un vieil escalier de pierre aux marches tout usées, et le prenant pour celui qu’on m’avait, décrit, je descendis ces marches. La rue où elles conduisaient était bien une rue étroite, mais il n’y avait pas d’hôtel ; je continuai d’errer au hasard. Dans une autre, rue très-tranquille, comparativement propre et bien pavée, je remarquai une lanterne, placée au-dessus de la porte d’une grande maison plus haute d’un étage, que toutes les maisons voisines. Était-ce enfin l’hôtel, tant cherché ? Mes genoux commençaient à fléchir sous moi ; je me sentais à bout de force.

Non, ce n’était pas encore mon hôtel, mais sur une grande plaque en cuivre qui décorait la porte cochère, on lisait cette inscription : « Pensionnat de demoiselles, » et un peu plus bas, « Madame Beck. »

Mille pensées se heurtèrent à la fois dans mon cerveau ; je demeurai comme étourdie de surprise. Le doigt de la Providence n’était-il pas là ? Ne semblait-elle pas me dire : « Voilà ton asile ? » Comment opposer ma volonté à la sienne ? Je ne me sentais plus maîtresse de mes actions ; obéissant à une impulsion surnaturelle, irrésistible, je sonnai.

On me laissa le temps de la réflexion, mais je ne réfléchis à rien. Je regardais machinalement les cailloux, de la rue à l’endroit où ils étaient éclairés par le reflet de la lanterne ; je les comptais, j’observais leurs formes et le scintillement de l’eau à leurs angles. Craignant de n’avoir pas été entendue, je sonnai une seconde fois ; on finit par ouvrir : une servante coiffée d’un bonnet coquet se tenait devant moi.

— Puis-je parler à madame Beck ? lui dis-je en anglais.

Si j’avais parlé, français, elle aurait probablement refusé de m’admettre à cette heure indue ; mon accent anglais la dérouta. J’étais une gère ; je venais sans doute de loin, pour quelque affaire regardant le pensionnat, et trop pressée pour qu’on pût dire : « Repassez demain. »

Je fus donc introduite immédiatement dans un grand salon, dont le poêle de faïence n’était pas allumé et où il faisait très-froid. Les murs étaient couverts de boiseries dorées, le parquet ciré et luisant. Une riche pendule, placée sur le manteau de la cheminée, sonnait neuf heures.

Un quart d’heure se passa, mon pouls battait de plus en plus vite. Tantôt j’étais brûlante et tantôt je frissonnais ; bien certainement j’avais la fièvre. Les yeux fixés sur la porte a deux battants ornés de moulures dorées, j’épiais l’instant où elle s’ouvrirait ; mais tout restait calme ; on aurait entendu trotter une souris.

— Vous êtes Anglaise ? me dit soudain une voix partant je ne sais d’où.

Je bondis sur ma chaise, tant je me croyais certaine d’être seule.

Ce n’était pourtant pas la voix d’un spectre ; bien s’en faut ! une petite femme replète, en peignoir blanc, en cornette de nuit, enveloppée d’un grand châle, venait d’entrer à l’improviste par une porte masquée dans la boiserie.

Je lui répondis qu’en effet j’étais Anglaise, et sans autre prélude nous nous lançâmes dans la plus singulière conversation. Madame Beck, car c’était elle, avait épuisé, en me demandant si j’étais Anglaise, tout son vocabulaire anglais ; elle continuait l’entretien dans sa propre langue avec une volubilité sans pareille. Je lui répondais dans la mienne autant que cela peut s’appeler répondre ; car si elle me comprenait peu, je ne la comprenais pas toujours, en sorte qu’en faisant un véritable va carme (jamais je n’avais rien entendu ni imaginé de comparable au débit de madame), nous faisions fort peu de chemin. Enfin, elle se décida à sonner pour appeler un renfort qui arriva sous la forme d’une sous-maîtresse, élevée, disait-on, dans un couvent irlandais et réputée connaitre à fond la langue anglaise. C’était une petite personne, visiblement brouillée avec les grâces, et Bruxelloise de la tête aux pieds. Comme elle massacrait ce pauvre idiome d’Albion ! Je lui racontai ma très-simple histoire qu’elle traduisit. Je lui dis que j’avais quitté l’Angleterre dans l’espoir de m’instruire en gagnant mon pain à l’étranger. J’étais prête à me rendre utile de toutes les façons, pourvu qu’on n’exigeât de moi rien de dégradant. Je me chargerais également d’élever des enfants ou de tenir compagnie à une dame âgée. J’accepterais enfin toutes les fonctions qui ne seraient pas au-dessus de mes forces physiques. Madame écoutait tout cela sans mot dire, et, à en juger par sa physionomie, mon récit ne choquait pas son oreille.

— Il n’y a que les Anglaises, dit-elle enfin, pour courir de pareilles aventures. Sont-elles donc intrépides ces femmes-là !

Elle me demanda mon nom, mon âge. Elle s’assit, en face de moi et me regarda. Il n’y avait dans ce regard ni commisération ni intérêt. Pas une lueur de sympathie, pas une ombre de pitié, ne traversèrent son visage pendant notre longue conversation à bâtons rompus. Je sentais qu’elle n’était pas femme à se laisser détourner d’un pouce de son chemin par ses sensations. Ne consultant, au contraire, que son jugement, elle m’étudiait à loisir. Une cloche se fit entendre.

— C’est le signal de la prière du soir, dit-elle, en se levant, et, par son interprète, elle me pria de revenir le lendemain. Mais cela ne faisait pas mon affaire, je ne pouvais supporter l’idée d’affronter de nouveau les périls de l’obscurité et de la rue. D’un ton ferme et contenu, je m’adressai donc à elle personnellement, et non à la sous-maîtresse :

— Soyez certaine, madame, lui dis-je, que si vous vous assurez immédiatement mes services, vos intérêts n’en souffriront pas. Vous trouverez en moi une femme qui mettra tout son amour-propre à s’acquitter de ce que vous ferez pour elle. Je lis à peine la langue du pays ; je ne connais personne à Bruxelles ; je me suis perdue dans les rues ; la Providence m’a ouvert votre maison comme un port ; je ne saurais ou trouver un logement cette nuit.

— Je comprends votre embarras, reprit madame Beck. Mais vous êtes-vous, au moins, munie de recommandations ? Avez-vous des papiers ?

— Aucun.

— Et votre bagage ?

— Il arrivera demain.

Ce retard d’un bagage qui devait être si léger lui parut probablement louche, car elle réfléchit plus profondément encore. En ce moment, on entendit dans le vestibule les pas d’un homme qui gagnait la porte extérieure.

— Qui va là ? demanda madame Beck.

— C’est M. Paul, répondit la sous-maîtresse. Il est venu ce soir donner une leçon extraordinaire à la première classe.

— Cela ne pouvait mieux tomber. Appelez-le vite.

La sous-maîtresse courut après M. Paul et Page:Bronte - La Maitresse d anglais - tome 1.djvu/80 s’éclipsa. Madame Beck m’accepta ce soir-là même pour gouvernante de ses enfants, et, grâce à Dieu, j’échappai à la nécessité d’errer de nouveau dans les rues désertes et semées d’embuscades.