La Maison de granit/1/L’Attente

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Plon-Nourrit (p. 24-26).


L’ATTENTE



Où es-tu donc, Toi dont l’âme à la mienne
Est destinée et doit m’appartenir ?
Pour te trouver où faut-il que je vienne ?
Vois, la nuit tombe et le jour va finir.

J’ai regardé bien longtemps sur la route,
Mais sans te voir passer sur mon chemin…
À chaque bruit je tressaille et j’écoute…
C’est Toi, peut-être, et j’avance la main.

 
Et quelquefois, dans une chaude étreinte,
Je me sens prise ; on m’attire, on me veut ;
Un cœur qui souffre a murmuré sa plainte,
Et le mien ploie, il palpite, il s’émeut !

Si c’était Toi ! Si, dans mon ignorance,
J’allais te perdre à l’heure où meurt le jour !
J’ai si longtemps désiré ta présence
Que j’y veux croire, et j’attends ton amour.

J’attends le goût des douceurs éternelles
Que cet amour seul pourra me donner ;
J’attends des mots, des paroles si belles
Que je frémis, rien qu’à les deviner.

Pourtant jamais le baiser sur ma bouche
N’a pu fleurir malgré tout mon émoi,
Car ce n’est pas ta main que ma main touche…
Unique ami, ce n’est pas encor Toi !


Entends gémir ma jeunesse sévère
Sur des chemins que tu ne suis jamais ;
Prends le sentier où je vais, solitaire ;
Viens, tu sauras de quel cœur je t’aimais.

Réalité plus belle que mon rêve !
Être ton bien, ton orgueil, ton bonheur,
Ton seul trésor ; et, si la vie est brève,
Entre tes mains mourir comme une fleur.