La Marocaine/Acte III

La bibliothèque libre.
Tresse (p. 85-103).

ACTE TROISIÈME

Une salle du palais. — Portes latérales. — Large baie au fond.



Scène PREMIÈRE

ACHMED, SÉLIM et ATTALIDE, entrant de droite, puis les Jannissaires, au fond.
TERZETTO.
ENSEMBLE.
–––––––––Plus d’alarme vaine !
–––––––––Ne redoutons rien !
–––––––––Que l’amour nous mène,
–––––––––Tout finira bien !
ACHMED.
––––––Viens dans la chambre nuptiale,
––––––Viens, ma sœur, te réfugier !
SÉLIM.
––––––À mon amour tendre et loyale,
––––––Tu peux, tu dois te confier !
ATTALIDE.
––––––Vous, par tendresse filiale,
––––––Sur Ottokar aller veiller !
REPRISE DE L’ENSEMBLE.
–––––––––Plus d’alarme vaine,
–––––––––Ne redoutons rien !
–––––––––Que l’amour nous mène,
–––––––––Tout finira bien !
LES JANISSAIRES, les surprenant.
–––––––Nage, nage, ô bon pilote,
–––––––Nage vers Al-ca-za-ra !
–––––––Saute, saute, pacha, saute,
––––––––––Hip ! hip ! hurra !
ATTALIDE.
––Ô ciel ! la Marocaine !
SÉLIM.
––Ô ciel ! la Marocaine ! Oui, ce sont nos amis !
ACHMED.
––––––Notre complot n’est que remis !
SÉLIM.
––––––Complices discrets et sincères,
––––––Reconnais nos bons janissaires !
LE CHŒUR.
––––––Reconnaissez nos janissaires !
SÉLIM.
COUPLETS.
I
––––––Ceux-là sont de hardis gaillards,
––––––Vrais loustics, ils aiment à rire !
––––––Leurs yatagans et leurs poignards
––––––Sont les colonnes de l’empire !
––––––Ils veillent de près et de loin,
––––––Pleins d’un zèle toujours extrême,
––––––Pour défendre le trône, et même
––––––Pour le renverser au besoin !
––––––Faire et défaire les pachas,
––––––Sont des actions nécessaires !
––––––C’est le droit, et dans tous les cas.
––––––C’est le plaisir des janissaires.
LE CHŒUR.
––––––Faire et défaire les pachas,
––––––Sont des actions nécessaires…
––––––––––––––Etc…
SÉLIM.
II
––––––Mon oncle n’est pas un tyran,
––––––Bonhomme, il s’en faut qu’on le craigne !
––––––Mais c’est assez de Soliman,
––––––Et dix ans, c’est trop pour un règne !
––––––Ils veulent un souverain neuf,
––––––Et lorsqu’ils me portent au trône,
––––––Je sais fort bien ce qu’en vaut l’aune,
––––––Ça n’est qu’un bail de trois, six, neuf !
––––––Faire et défaire les pachas,
––––––Sont des actions nécessaires !
––––––C’est le droit, et dans tous les cas,
––––––C’est le plaisir des janissaires !
LE CHŒUR.
––––––Faire et défaire les pachas…
––––––––––––––… Etc.

Scène II

Les Mêmes, HUZKA.
HUZKA.

C’est bien ! c’est très-bien, j’aime à vous voir dans ces bonnes dispositions !

ACHMED.

Pourquoi tardez-vous, alors ?

ATTALIDE.
Le temps presse…
SÉLIM.

Toutes ces lenteurs sont insupportables !…

HUZKA.

Ah ! mais, si vous croyez que ça va tout seul, une conspiration… Quand il y a des accrocs, surtout… comme l’accroc de tantôt !… Des gens qui se disent Marocains, et qui ne sont pas Marocains !… Sans compter qu’il lui reste des amis, au pacha !… des amis qui ont des positions, et qui ne seraient pas jaloux de les perdre, leurs positions ! Il me faut encore une heure !

ACHMED.

Et jusque-là ?

HUZKA.

Jusque-là, obéissance passive à Soliman… feinte obéissance, mais passive !

ATTALIDE.

Mais pendant ce temps, mon pauvre père…

ACHMED.

Et ma pauvre Fatime…

SÉLIM.

Sur la paille humide des cachots !…

HUZKA.

Oh ! oh ! la paille humide !… Vous croyez encore à la paille humide, vous ? Eh ! bien, non, rassurez-vous ! mes hommes emmenaient les prisonniers dans les souterrains du palais !… Par une faveur qui ne se refuse pas aux condamnés, on s’est arrêté devant le buffet, qui avait été dressé pour la fête !…

SÉLIM.

Devant le buffet, je respire !

HUZKA.

Et je les ai laissés qui soupaient… oh ! mais, qui soupaient ! Le Kabyle surtout ! ça serait une jolie, fourchette, le Kabyle… s’il ne mangeait pas avec ses doigts !… Alors, comme vous voyez, tout tient !… Mais voici Soliman ! qu’il ne vous trouve pas ici ! Vous, soldats, répandez-vous dans les détours du palais… Vous trois, dans cette galerie !

Tous sortent.


Scène III

HUZKA, puis SOLIMAN.
HUZKA.

Oh ! Soliman ! quel air sombre ! sombre et rêveur !

SOLIMAN, entrant.

» L’aimé-je ?… ou la haïs-je ? impénétrable arcane, » Ou l’œil ne peut rien entrevoir ! » Peux-je vouloir ? Veux-je pouvoir ? » Quelle tempête sous mon crâne !… »

(À Huzka.) Ah ! Tu étais là, mon bon Huzka ?

HUZKA.

Oui, maître !… je respectais votre douleur…

SOLIMAN.

Où est Fatime ?

HUZKA.

On la traîne en prison, entre son vrai père et son faux père !…

SOLIMAN.

On la traîne… on la traîne… doucement, n’est-ce pas ?

HUZKA.
On a des égards !
SOLIMAN.

Va me chercher les coupables, je veux les voir !…

HUZKA.

Vous y tenez ?…

SOLIMAN.

Si j’y tiens !… Huzka, t’es-tu jamais senti dominé ?

HUZKA.

Quelquefois… il y a des natures si dominantes !

SOLIMAN.

Eh ! bien,… je me sens dominé, moi ; cette petite me domine… va !

HUZKA.

Quand je le disais qu’il mollirait.

Il sort.


Scène IV

FATIME, SOLIMAN, OTTOKAK, TAMAHJIN, puis Les Sultanes.
SOLIMAN, seul.

Elle va venir !… Et voilà ma tempête sous un crâne qui recommence !

Entrent Ottokar, Fatime et Tamarjin.

FATIME.
COUPLETS.
I
––––––Ayez pitié de nos alarmes,
––––––Nous nous jetons à vos genoux !
––––––Voyez leurs pleurs, voyez mes larmes,
––––––Grand Soliman, pardonnez-nous !
––––––Par la clémence un prince brille,
––––––Soyez doux à qui vous trompa !
––––––Ça n’est pas la faute à leur fille,
––––––Ça n’est pas la faute à papa !
OTTOKAK et TAMARJIN.
––––––C’est pas la faute à notre fille !
––––––C’est pas la faute à son papa !
FATIME.
II
––––––Pour être grand comme le monde,
––––––Pour que le globe en soit surpris,
––––––Épargnez cette tête blonde,
––––––Et respectez ces cheveux gris !
––––––C’est le bonheur de sa famille
––––––Que chacun de nous vous devra !
––––––Ça n’est pas la faute,
––––––––––––––Etc., etc.
OTTOKAR.

Grâce, Sire !

TAMARJIN.

Sire, grâce !…

SOLIMAN.

Eh ! bien, oui, je fais grâce… ça n’est pas pour toi, ni pour vous, c’est pour elle !… Elle est charmante ! (À Ottokar.) Ta fille est charmante !… Non ! pas ta fille !… la fille de Tamarjin !… votre fille est charmante !

TAMARJIN.

Vous trouvez, Sire !

SOLIMAN.

Si je trouve ! Mais malgré tout, ça n’est plus la même chose ! j’ai été victime d’une indigne supercherie !… Il y a erreur sur la personne ! Au lieu et place de la fille de mon général vainqueur, la fille d’un Kabyle battu à plate couture !

FATIME.
Ah ! mais, Sire vous manquez de tact !
TAMARJIN.

Assurément, vous me devez, à moi, autant de reconnaissance qu’à votre Ottokar !

OTTOKAR.

Par exemple !

TAMARJIN.

Dame ! si je n’avais pas perdu la bataille, vous ne l’auriez pas gagnée !

SOLIMAN.

C’est pourtant vrai !

OTTOKAR.

Eh ! bien, elle est raide !

SOLIMAN.

Et c’est une trouvaille, ça, de récompenser le général ennemi qui a été vaincu !

FATIME.

L’autre est assez payé par le plaisir d’avoir remporté la victoire.

OTTOKAR.

En voilà un raisonnement !

SOLIMAN.

Je te dois une récompense, Tamarjin, et je veux te la donner éclatante. Demande à Ottokar ce que je faisais pour lui ?

FATIME.

Vous épousiez sa fille !

SOLIMAN.

Je t’épousais ! Tamarjin, veux-tu être mon beau-père ?

TAMARJIN.
Ça n’est pas de refus !
FATIME, à part.

Allons ! bon ! je n’en réchapperai pas !

SOLIMAN.

Je te r’épouse !… Et comme ça il n’y a rien de changé… que le beau-père !… Quant à vous, monsieur, je ne vous dois plus rien !…

OTTOKAR.

Ah ! pardon ! vous manquez encore de tact ! car, sans ma petite supercherie, vous n’auriez jamais connu Fatime !

SOLIMAN.

Jamais ! c’est vrai !

OTTOKAR.

C’est comme la bataille !… Si je ne l’avais pas gagnée, la bataille, Tamarjin ne l’aurait pas perdue !

SOLIMAN.

C’est encore vrai ! Eh ! bien, je ne t’en veux pas ! Et maintenant messieurs, je vous invite…

OTTOKAR.

Vous nous invitez… à souper peut-être ?…

SOLIMAN.

Je vous invite à vous retirer ! allons ! Embrassez votre fille !…

OTTOKAR, s’avançant.

Ma fille !…

SOLIMAN.

Non, pas ta fille !… La sienne !… Embrasse-la, toi,… et vivement !

TAMARJIN, l’embrassant une fois.
Sois heureuse, je te bénis !… C’est fait !
SOLIMAN.

À la bonne heure !… Il est raisonnablement tendre, ce père-là !… Je ne vous retiens plus, beau-père !…

Il frappe sur le gong.

FATIME.

Qu’est-ce que vous faites là ?

SOLIMAN.

Je sonne !… Ce gong résonne dans la galerie des femmes !… Les sultanes de service vont venir te chercher !

FATIME.

Pourquoi faire ?…

SOLIMAN.

Pourquoi faire ?… Tu vas le voir, mon enfant !… Il nous reste encore quelques petites choses du petit cérémonial…

FATIME.

Ah… mais… ah ! mais… c’est donc sérieux ?…

SOLIMAN.

Si c’est sérieux ?… je me le demande…

TAMARJIN.

Un pacha est toujours sérieux !

OTTOKAR, à part.

Il ne connaît pas la jalousie paternelle ?…

Entrent les sultanes.

CHŒUR.
––––––Ô la plus chère des sultanes,
––––––Viens sans effroi, viens avec nous,
––––––Dans la chambre close aux profanes,
––––––Où te suivra l’heureux époux !
SOLIMAN, parlé.
Si tu veux, maintenant, suivre ces demoiselles, elles vont te conduire dans la chambre nuptiale !
FATIME.

Non !… non !… je ne veux pas suivre ces demoiselles !… C’était bien, ce matin ; maintenant, je n’en veux plus !

SOLIMAN.

Comment !… comment !À ça n’est donc pas pour être ma sultane que tu t’étais substituée à Attalide ?

FATIME.

Si !… un peu !… et aussi pour lui rendre service ! mais j’ai bien changé d’avis là-dessus.

SOLIMAN.

Et quel est ton avis, maintenant ?…

FATIME.

Il y a une petite chanson de mon pays qui vous répondra pour moi !… Écoutez-la bien !…

CHANSON
I
–––––––Au pays, il est un cheik,
–––––––Un cheik riche autant qu’habile,
–––––––Un vieux cheik, maigre et sec,
–––––––Au pays, il est un cheik,
–––––––Très-épris d’une Kabyle
–––––––Qui le tient en échec !…
–––––––« Veux-tu, lui dit-il, mon sabre,
–––––––» Ma cavale qui se cabré,
–––––––» Dromadaires et brebis,
–––––––» Saphirs, perles et rubis ?
–––––––» Par Mahom et sa barbiche,
–––––––» Je suis riche comme un roi,
–––––––» Et je donne tout, ma biche,
–––––––» Tout pour un baiser de toi ! »
–––––––––Nenni, seigneur cheik !
–––––––––Trop de barbe au bec !
––––Quêter un baiser c’est me parler grec !
––––Gardez vos présents, et vous-même avec,
–––––––––Un refus tout sec,
–––––––––Et salamalec !
Tous reprennent.
II
–––––––C’est qu’elle, à l’insu du cheik,
–––––––Pour ce grave personnage
–––––––Sans égard, sans respect,
–––––––Elle aime, à l’insu du cheik,
–––––––Un Kabyle de son âge
–––––––À sa barbe, à son bec !
–––––––Il n’a pourtant, sur la terre.
–––––––De biens que son cimeterre,
–––––––Son burnous et son chibouk,
–––––––Pauvre pâtre de Mabrouk !…
–––––––Mais mieux elle aime, en sa tente,
–––––––Jeune berger que vieux roi,
–––––––Lui disant : « Rien ne me tente
–––––––» Rien, hors un baiser de toi ! »
–––––––––Que fait le vieux cheik
–––––––––Devant cet échec,
––––De voir, à sa barbe, aimer un blanc-bec ?
––––Il prend sa cavale et son bonnet grec,
–––––––––Et sa veste avec,
–––––––––Et salamalec !

Tous reprennent.

SOLIMAN.

Ah ! mais je la comprends, la chanson de ton pays !… La petite Kabyle, c’est toi !…

FATIME.

Et le vieux cheik, c’est vous !

OTTOKAR, railleur.

Dites donc, c’est vous, le vieux cheik !

SOLIMAN.

Ah ! c’est moi !… (Il appelle.) Huzka !

FATIME.

Vous voulez quelque chose ?

SOLIMAN.

Je veux Huzka !… (Éclatant.) Ah ! tu crois que je souffrirai qu’une petite Kabyle de rien du tout m’offense de ses mépris ! moi, Soliman XXV ! L’arrière petit-fils du farouche Muleï-Ismaïl !… (Appelant.) Huzka !

OTTOKAR.

Bien rugi, vieux lion !

FATIME.

Qu’est-ce que vous lui voulez ? Vous m’effrayez !

SOLIMAN.

Ah ! ah ! je t’effraie, enfin ! Eh ! bien, tremble ! Je tiens ton père dans ma main ! et par ton père je te tiens ! Huzka !

HUZKA, entrant.

Votre Hautesse m’appelle, j’étais au buffet, je prenais un sorbet.

SOLIMAN.

Eh ! bien, prends quatre hommes et… Tamarjin…

TAMARJIN.

Moi ?…

SOLIMAN.

Descendez Tamarjin dans le souterrain… cousez-le dans un sac, et soulevez la pierre de la citerne ! Ce gong résonne dans le souterrain ! si tu l’entends résonner, lâchez tout ! crac ! Si, d’ici une petite demi-heure, tu ne l’as pas entendu résonner, lâchez Tamarjin. Bing ! lâchez tout !… Pas bing ! lâchez Tamarjin ! as-tu compris ?

HUZKA.

Parfaitement !… Bing !… lâchez tout ! Pas bing ! lâchez Tamarjin ! (À Tamarjin.) Allons, venez-vous !…

TAMARJIN.
Ayez donc des enfants, pour vous mettre dans ces situations !
OTTOKAR, le suivant.

Vous voyez que ça n’est pas le tout de perdre des batailles, pour s’attacher la faveur des souverains !

Sortent Huska, Ottokar et Tamarjin.

SOLIMAN, à Fatime.

As-tu compris aussi ?

FATIME.

Oui !

SOLIMAN.

La grâce de ton père est dans tes mains ! Achète la grâce de ton père !


Scène V

Les Mêmes, UN OFFICIER.
L’OFFICIER, apportant une dépêche.

Sire ! une dépêche !

SOLIMAN.

Donne ! (Il lit.) Oh ! oh !

FATIME.

Qu’est-ce que c’est ?

SOLIMAN.

Une affaire d’État !… de la dernière gravité !… Allez ! emmenez la favorite, et qu’on attende mes ordres !…

Tous sortent, sauf Soliman.

Scène VI

SOLIMAN, puis HUZKA, puis OTTOKAR.
SOLIMAN.

Oh !… Huzka !… (Rentre Huzka.) Lis !…

HUZKA.

Oh ! Ottokar ! (Entre Ottokar.) Lis !

OTTOKAR.

Oh ! Tamarjin !

SOLIMAN.

Non, pas Tamarjin !…

OTTOKAR.

Pas Tamarjin !

HUZKA.

Pas Tamarjin !

SOLIMAN.

Eh ! bien ?… (Il lit.) « Déroute carabinée, par suite de stratagème de général Tamarjin… général Ottokar disparu avec toute cavalerie… nous, fuite désordonnée Signé ! Ibrahim ! » Ton lieutenant ! Eh ! bien ?

OTTOKAR.

Eh ! bien, je ne comprends pas !

SOLIMAN.

Tu m’as encore fourré dedans !

OTTOKAR.

Mais pas du tout !

HUZKA.
Ça ne serait pas la première fois !
OTTOKAR.

Je vous dis que non ! Vous ne me croyez pas ? Eh ! bien, vous croirez mon ennemi !… Appelez Tamarjin !

TOUS, appelant.

Tamarjin !


Scène VII

Les Mêmes, puis TAMARJIN.
TAMARJIN, au dehors.

Oh !

SOLIMAN, bas aux autres.

Pas un mot de la dépêche.

HUZKA.

Pardi !

TAMARJIN, entrant.

Qu’est-ce qu’il y a ?

OTTOKAR.

Demandez-lui ! Vous ne direz pas que je l’influence, je ne le regarde pas !… Qui est-ce qui a gagné la bataille ?

TAMARJIN.

Cette question ! Vous savez bien que c’est vous !

OTTOKAR.

Vous l’entendez ?

HUZKA.

Il en convient !

SOLIMAN.
Et il ne voudrait pas me tromper, lui, mon beau-père !
OTTOKAR.

Et maintenant, croyez-vous que j’ai été victorieux ?…

SOLIMAN.

Mais oui, je te crois !… mais je t’ai toujours cru !…


Scène VIII

Les Mêmes, FATIME, MUSTAPHA, puis SÉLIM, ACHMED, ATTALIDE et Tous les Personnages.
FATIME, entrant avec Mustapha.

Non, non, ne le croyez pas !

TAMARJIN.

Mustapha !

FATIME.

Emporte tes caisses, papa, tu as gagné la bataille.

TAMARJIN.

Moi ?…

TOUS.

Vous ?…

FATIME..

Toi !… grâce à ton stratagème, qui a facilité le retour offensif de Mustapha.

MUSTAPHA.

Les marocains d’Ibrahim ont lâché pied, et trois mille Kabyles d’infanterie galopent derrière moi, sous les murs du Maroc !

SOLIMAN, à Ottokar.

Tu as donc encore été battu !…

OTTOKAR.
Il parait !
HUZKA.

Ça vous étonne ?

SOLIMAN.

Non !… ça ne m’étonne pas ! je m’y attendais ! mais c’est le comble !… toujours criblé de dettes, toujours fourré dedans, et toujours vaincu ! J’en ai assez !… je démissionne !

HUZKA.

Eh ! bien c’est de l’à-propos !… Dix heures !…

CHANT AU DEHORS.
–––––––Nage, nage, ô bon pilote,
––––––––––––––Etc.
SOLIMAN.

La Marocaine…. À bas Soliman !

OTTOKAR.

Vive Sélim !

SÉLIM, entrant avec tout le monde.

Excusez-moi, mon oncle, je suis confus…

SOLIMAN.

Mais, comment donc, mon neveu !

OTTOKAR.

Je vous donne ma fille, sire, et je reste votre généralissime !

HUZKA.

Oui ! pour perdre encore des batailles !

ATTALIDE.

Non ! puisque mon frère épouse Fatime !…

FATIME.

… Papa vous signera la paix !

OTTOKAR.
Et les caisses seront ta dot ! sauvons les caisses !
SOLIMAN.

Bien de l’agrément, mon neveu !

SÉLIM.

Oh ! bien ! mon oncle, j’ai idée que je ne ferai pas mes dix ans !

FATIME.
COUPLET.
––––––Messieurs tout paraît fini,
––––––Quand, dénouement exemplaire,
––––––––Chaque couple est uni !
––––––Mais il nous reste un souci,
––––––Dans notre effort pour vous plaire,
––––––––Avons-nous réussi ?
–––––––––Car c’est là le hic !
–––––––––La peur est un tic,
––––Dont la guérison dépend du public !
––––N’en marchandez pas l’heureux pronostic,
–––––––––Et faites-nous, sic,
–––––––––Un succès très-chic !

Tous reprennent.

Rideau.


FIN