La Matière radiante

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Revue des Deux Mondes tome 37, 1880
Adolphe Wurtz

La matière radiante


LA
MATIERE RADIANTE

Tout le monde sait que la matière se présente à nous diversement agrégée, à l’état solide, liquide ou gazeux. L’état gazeux, le plus subtil en quelque sorte, a été le plus difficile à reconnaître et à définir, et si des faits d’observation vulgaire, tels que l’effort du vent, ont fourni aux anciens la preuve de la matérialité de l’air, l’existence de divers fluides aériformes n’a été reconnue que dans les temps modernes. On attribue cette découverte au chimiste belge Van Helmont, dont les travaux remontent à la première moitié du XVIIe siècle. Le mot gaz. est de lui. C’est lui aussi qui a distingué le premier les gaz permanens d’avec les vapeurs, distinction qui s’est maintenue dans la science pendant deux siècles et demi, et que les découvertes récentes de MM. Cailletet et Raoul Pictet viennent seulement de faire disparaître.

Les fluides aériformes sont formés de particules matérielles, comme les liquides et les solides eux-mêmes ; mais ces particules sont placées à des distances respectives telles que la force d’attraction ou cohésion a perdu le pouvoir de les agréger les unes aux autres. Cette cohésion est sensiblement nulle dans les gaz, dont les dernières particules ou molécules, flottant librement dans l’espace, en sont affranchies. Elles n’y flottent point d’une façon indécise, mais sont animées de mouvemens d’une vitesse inouïe, soumis à de certaines lois et produisant de certains effets. Cette idée a été introduite dans la science, dès 1738, par Daniel Bernouilli et développée récemment par divers savans, à la tête desquels brillent MM. Clausius et Clerk Maxwell. Qu’on se figure un certain volume d’air ordinaire renfermé dans un espace clos, de la forme et de la capacité d’un multimètre cube, par exemple. Sous ce petit volume, l’air, formé de 4/5 d’azote et de 1/5 d’oxygène, contient, d’après la conception que nous venons de rappeler, des légions innombrables de molécules gazeuses, se mouvant en ligne droite avec une vitesse moyenne de 485 mètres par seconde. Leur nombre est tellement immense qu’à chaque instant elles se rencontrent, s’entrechoquent et rebondissent dans tous les sens, frappant dans toutes les directions les parois du vase qui les renferment. La tension de l’air ou d’un gaz quelconque, c’est-à-dire l’effort qu’il exerce contre les parois, est précisément le résultat de ces chocs multipliés, de ce bombardement moléculaire. Et telle est la vitesse avec laquelle ces mouvemens se propagent et se communiquent de proche en proche que la pression exercée par le gaz se transmet immédiatement dans tous les sens. Les distances librement parcourues par les molécules d’air, entre deux chocs, sont extrêmement courtes, à la température de 0° et sous la pression normale, car elles n’atteignent pas, d’après les calculs des savans les plus autorisés, un dix millième de millimètre, ce qui est une grandeur environ vingt-cinq fois plus petite que la plus petite grandeur visible au microscope. Mais lorsque la pression diminue, le nombre des molécules diminue dans la même proportion, et celles-ci, devenant plus libres dans leurs allures, peuvent alors parcourir des distances beaucoup plus grandes avant de s’entrechoquer ; en d’autres termes, dans une atmosphère raréfiée les chemins moléculaires ou distances de libre parcours s’allongent et peuvent atteindre plusieurs centimètres, lorsque la raréfaction de l’air est amenée à la millionième partie d’une atmosphère. Le vide absolu n’existe pas, ou du moins, ne peut pas être produit, et dans l’air amené au degré d’épuisement qui vient d’être indiqué il existe encore des myriades de molécules gazeuses, franchissant en ligne droite des distances relativement considérables et douées, par cela même, de propriétés nouvelles récemment découvertes par M. Crookes.

L’illustre inventeur du radiomètre, faisant sienne urne expression employée par Faraday dès 1816, a nommé matière radiante la matière encore répandue dans ces espaces que nous avions coutume de considérer comme vides et qui ne le sont pas en réalité. Par de brillantes expériences qu’il a faites au mois d’août de l’année dernière au congrès de Sheffield et qu’il vient de répéter à Paris à la faculté de médecine et à l’observatoire, avec le concours de M. Salet, M. Crookes a établi les propriétés de la matière radiante, pénétrant ainsi dans un domaine complètement inconnu avant lui et qui, marquant la limite des choses que l’on sait, touche à celles qu’on ignore et qu’on ne saura peut-être jamais. Dans l’exposé que nous allons essayer d’en faire nous serons privés du secours des belles démonstrations expérimentales par lesquelles M. Crookes a émerveillé son auditoire. Nous tâcherons donc de réduire cet exposé à des termes simples que chacun puisse comprendre.

Lorsqu’une étincelle électrique éclate entre deux conducteurs, elle sillonne l’air en zigzag, comme un trait de feu ou un petit éclair. Voici maintenant un tube renfermant de l’air très raréfié et qui se termine à ses deux extrémités par deux fils métalliques solidement encastrés dans le verre et par lesquels on peut faire passer une décharge électrique. Dans ces conditions, ce n’est plus une étincelle qui va apparaître dans le tube : ce dernier va s’illuminer tout entier, et la lumière sera diversement colorée suivant la nature de l’atmosphère raréfiée que contient le tube. C’est ce qu’on nomme un tube de Geissler.

Les physiciens ont remarqué depuis longtemps qu’autour du pôle négatif il existe un espace obscur, tandis que le reste du tube est lumineux. Or M. Crookes s’est assuré que cet espace s’allonge avec le degré de raréfaction de l’air, et a été amené à supposer que sa longueur représente précisément la distance de libre parcours des molécules. Celles qui s’élancent, fortement excitées, du pôle négatif, ne rencontrant que peu ou point de molécules dans toute l’étendue de l’espace obscur, aucune lumière ne jaillit : une lueur n’apparaît que par le choc des molécules électrisées contre elles-mêmes ou contre les parois du tube. À ce dernier on peut donner des dimensions telles, qu’après y avoir fait le vide à un millionième d’atmosphère, les molécules, presque entièrement soustraites au choc de leurs voisines, s’élancent du pôle négatif jusqu’à l’extrémité du tube, tout ce trajet représentant la distance de libre parcours. C’est ce qu’on nommera un tube de Crookes.

Pendant que le courant de molécules électrisées le traverse, une lueur verdâtre apparaît sur les parois du vase, principalement du côté opposé au pôle négatif : le verre est devenu phosphorescent. D’autres corps solides deviennent plus lumineux encore que le verre, dans ces conditions. Il en est surtout ainsi du sulfure de calcium, dont la phosphorescence a été découverte il y a vingt ans par M. Ed. Becquerel. Dans cet ordre de faits, une belle expérience consiste à projeter les molécules électrisées sur un diamant, qui jette alors des feux d’un jaune verdâtre. Le rubis s’illumine en rouge vif, et comme il est fait de cette terre blanche qu’on nomme alumine et qu’on peut précipiter de l’alun, si l’on fait passer la décharge électrique dans un tube de Crookes renfermant cette alumine, celle-ci répand aussitôt une vive lumière rouge.

La matière radiante se propage en ligne droite comme la lumière elle-même. Les molécules électrisées s’éloignent du pôle négatif normalement à sa surface, et si l’on donne à ce pôle la forme d’un petit miroir concave, on peut les concentrer en un foyer au delà duquel elles divergent de nouveau ; mais lorsque l’atmosphère du tube est très raréfiée, aucune lumière ne marque le passage de ces rayons d’un nouveau genre ; seule la paroi du tube s’éclaire du côté opposé au pôle négatif, à l’endroit où les molécules, fuyant devant ce pôle en ligne droite, frappent le verre. Lorsqu’on place sur le trajet de ce courant de matière radiante un petit écran tel qu’une feuille d’aluminium taillée en croix, l’ombre de cette croix sera projetée sur la paroi opposée, par la raison que les molécules, arrêtées dans leur course rectiligne, ne pourront plus exciter les parties du verre situées en face de l’écran, tandis que les parties voisines continueront à subir le choc moléculaire et seront illuminées. Mais, chose curieuse, l’impression que reçoit le verre et qui le rend phosphorescent, diminue d’intensité avec la durée de l’expérience. Si donc on renverse la petite croix de façon à démasquer les parties du tube sur lesquelles elle projetait son ombre, celles-ci, recevant à leur tour les chocs moléculaires, vont s’illuminer plus que les autres qui semblent déjà fatiguées, et la petite croix se détachera lumineuse au fond du tube.

Ce torrent de molécules électrisées qui se précipite en ligne droite d’une extrémité du tube à l’autre peut être dévié dans sa marche par l’action d’un aimant. M. Crookes a employé un artifice ingénieux pour faire voir cette déviation. Il dispose un de ses tubes de façon que le courant moléculaire puisse effleurer un écran phosphorescent placé dans le sens de la longueur et sur lequel va apparaître une ligne lumineuse : celle s’infléchit visiblement par l’action d’un aimant qu’on applique contre la région moyenne du tube.

S’il est vrai que ce sont des molécules matérielles qui sont ainsi entraînées en ligne droite, elles doivent pouvoir exercer un effort mécanique dans le sens de leur propagation. Leur course est assez longue pour que cet effort, cette pression ne se transmette pas instantanément dans tous les sens, comme cela a lieu dans un gaz à la tension ordinaire. C’est là précisément une des propriétés les plus caractéristiques de la matière radiante, et M. Crookes l’a mise en évidence à l’aide d’expériences variées et ingénieuses.

Dans un de ses tubes, il a disposé longitudinalement deux petits rails en verre sur lesquels il a placé une petite roue à palettes, de telle sorte que le flux de matière radiante puisse rencontrer les palettes, à la partie supérieure du tube. Au moment de la décharge, la roue va tourner et fuira devant le pôle négatif, poussée par le courant moléculaire, et elle rebroussera chemin immédiatement si l’on intervertit le sens du courant. Que l’on dispose maintenant devant une telle roue à palettes un écran et que l’on concentre sur cet écran, à l’aide d’un petit miroir concave formant le pôle négatif, les courans de matière radiante, de telle sorte que celle-ci ne puisse plus rencontrer les palettes, la roue demeurera immobile. Mais détournez le courant, à l’aide d’un aimant, vers la partie supérieure, la matière radiante rencontrera les palettes non protégées par l’écran et imprimera immédiatement, à la roue un mouvement de propulsion.

M. Crookes a employé le radiomètre pour compléter ses belles démonstrations. Tout le monde a vu tourner les ailettes de cet instrument, sorte de petit moulin à vent qui marche à rebours dans un ballon de verre dont l’atmosphère a été raréfiée. C’est l’effort direct du vent qui pousse et fait tourner les ailes d’un moulin à vent. Dans le radiomètre, au contraire, les ailettes tournent par l’effet d’un recul dont il est facile de se rendre compte. Chacune d’elles reçoit l’impression des rayons calorifiques sur l’une de ses faces, revêtue d’une substance absorbante et susceptible de s’échauffer un peu plus que l’autre. Les molécules d’air qui rebondissent après avoir frappé cette face, plus chaude tendent à faire reculer l’ailette, comme le jet d’eau fait reculer la petite lance du tourniquet hydraulique. L’ailette qui semble fuir le rayonnement calorifique tourne en réalité parce qu’elle est repoussée par le courant moléculaire qui s’éloigne de l’une des surfaces. Mais pour que cet effet puisse se produire, il faut que l’atmosphère de la boule soit raréfiée. A la pression ordinaire, les distances de libre parcours sont tellement courtes et les chocs moléculaires sont tellement multipliés que l’excès de pression des molécules qui s’élancent de la face chaude se communique instantanément, de proche en proche, à la masse gazeuse tout entière et se propage dans toutes les directions, de telle sorte que la face opposée de l’ailette reçoit, à l’instant même, une impulsion égale fit contraire à celle qui sollicite la face chaude. L’ailette reste donc au repos et le radiomètre ne tourne pas dans un gaz soumis à la pression ordinaire. Cet instrument délicat est vraiment bien nommé : après de longues discussions sur les causes du phénomène qu’il fait apparaître à nos yeux, les physiciens reconnaissent aujourd’hui que ce ne sont pas les radiations calorifiques ou lumineuses de l’éther, mais bien les molécules gazeuses de l’atmosphère raréfiée elle-même qui le mettent en mouvement. En d’autres termes, c’est de la matière radiante qui est émise, en quelque sorte, par la face chaude et qui fait reculer celle-ci. On peut la mettre en mouvement par de la matière radiante électrisée, si, comme l’a fait M. Crookes, on dispose un radiomètre de telle sorte que les faces métalliques des ailettes forment le pôle négatif et soient placées en regard et à une certaine distance du pôle positif. Lorsqu’on fait passer la décharge, il se produit des effets différens suivant le degré de raréfaction de l’air.

A la pression de quelques millimètres de mercure, un halo de lumière violette se montre à la surface métallique des ailettes ; dès que la pression diminue, l’espace obscur, dont il a été question plus haut, fait son apparition entre l’ailette et la lumière et s’allonge à mesure que la raréfaction augmente ; la rotation commence lorsqu’il s’étend vers les bords du verre, et devient très rapide lorsqu’il les touche, nouvelle preuve qu’il existe une corrélation entre le degré de raréfaction, l’étendue de l’espace obscur et les propriétés du résidu gazeux.

Dans ce radiomètre électrique, les molécules d’air qui fuient devant le pôle négatif repoussent les ailettes, par la raison que les distances de libre parcours sont devenues assez considérables pour que la pression ne puisse pas se propager instantanément dans tous les sens. C’est le principe du radiomètre ordinaire, avec cette différence pourtant que les molécules gazeuses sont électrisées ; de fait, elles sont dans un état particulier d’excitation, comme si une nouvelle force s’était ajoutée à cette force vive que représente le mouvement moléculaire. Il est donc nécessaire de tenir compte de l’intervention de l’électricité dans les belles expériences de M. Crookes et aussi de l’influence qu’elle peut exercer sur les propriétés de la matière radiante.

Parmi ces propriétés, une des plus curieuses est relative à la transmission ou plutôt à la transformation du mouvement moléculaire dont nous venons de parler. Arrêté ou amorti, il se convertit en chaleur, et cette projection de molécules électrisées qui sont lancées avec force centre la paroi d’un tube de Crookes détermine non-seulement le phénomène de la phosphorescence, dont nous avons déjà parlé, mais encore un échauffement sensible de la paroi. M. Crookes a démontré ce dégagement de la chaleur par une expérience saisissante. A l’aide d’un miroir concave, il a concentre le courant moléculaire sur une petite lame de platine iridié : ce métal, presque infusible, a été porté d’abord à la plus vive incandescence et a fondu lorsqu’on a augmenté l’intensité de la décharge.

Ce sont des propriétés physiques de la matière radiante que nous venons de faire connaître et ces propriétés sont les mêmes, quelle que soit la nature chimique du gaz soumis à l’expérience. A une très basse pression, l’hydrogène, l’acide carbonique ou l’air atmosphérique montrent les mêmes phénomènes de phosphorescence, de déviation magnétique, de calorification ; seulement ces phénomènes commencent à paraître à des pressions différentes. Mais, chose curieuse, dans cet état de ténuité extrême où la matière radiante semble revêtir quelques-unes des propriétés de l’éther ou de l’énergie radiante, les molécules conservent cependant leur individualité chimique et leurs caractères propres : l’acide carbonique continue à être absorbé par la potasse, la vapeur d’eau par l’acide phosphorique anhydre, l’hydrogène par le métal palladium, et l’oxygène par le charbon, qu’il brûle. La permanence de ces propriétés chimiques a été mise à profit pour pousser la raréfaction du gaz à un degré inconnu jusqu’à nos jours. Ainsi, dans des tubes où l’air atmosphérique a été réduit à une pression excessivement faible, on peut remplacer cet air par de la vapeur d’eau et celle-ci peut être absorbée à son tour par une substance avide d’eau comme la potasse sèche ou l’acide phosphorique. C’est en employant des moyens de ce genre que M. Crookes est parvenu à produire un vide qu’il évalue à la vingt-millionième partie d’une atmosphère.

Mais est-il bien vrai que les effets dont il nous a rendus témoins soient dus à une projection de molécules, et la décharge électrique ne serait-elle pas capable de les produire par elle-même ? L’éminent physicien a prévu l’objection et y a répondu. On sait que deux corps chargés de la même électricité se repoussent, tandis que deux courans de fluide électrique s’attirent lorsqu’ils se propagent dans le même sens, ainsi que l’a démontré notre immortel Ampère. Or M. Crookes a fait voir que deux courans de matière radiante qui se propagent dans le même tube et dans le même sens se repoussent : ils sont donc formés par un transport de matière électrisée, et l’un repousse l’autre parce que l’électricité est de même nom. On sait aussi que, dans des espaces où le vide est fait au degré extrême que l’on vient d’indiquer, l’étincelle électrique refuse de passer, tant il est vrai que l’électricité sous toutes ses formes est liée à la matière. On peut dire d’elle avec plus de raison. ce que Goethe a dit de la lumière :

… elle est engendrée par les corps,
Et avec les corps elle périra.


Mais quoi ! est-il permis d’admettre que ces tubes, épuisés à un millionième d’atmosphère, renferment tant de particules matérielles ? Oui, ils en contiennent un nombre tellement prodigieux que l’imagination en demeure confondue. A l’aide de considérations tirées de la théorie des gaz que nous avons exposée au début de cette étude, ce nombre a pu être évalué. Il l’a été d’une façon très approximative sans doute ; car, dans des calculs de ce genre, il faut toujours faire la part de quelques données hypothétiques.

D’après les autorités les plus compétentes en cette matière, une boule de verre d’un diamètre de 0m, 135 renfermerait plus d’un septillion de molécules. Un septillion ! c’est un million multiplié trois fois par lui-même, c’est l’unité suivie de vingt-quatre zéros ; et si vous divisez cette quantité par un million, le quotient représentera le nombre de molécules d’air contenues dans la boule dont il s’agit, après que cet air y aura été raréfié à un millionième d’atmosphère. Ce quotient est un quintillion, c’est-à-dire un million multiplié trois fois par lui-même ; l’unité suivie de dix-huit zéros. N’avais-je pas raison de parler plus haut de légions innombrables de molécules, et l’esprit n’a-t-il pas quelque peine à concevoir de telles immensités, comme aussi à se figurer les petitesses inouïes des molécules matérielles ?

Une expérience finale de M. Crookes met en lumière toute la difficulté, mais aussi toute la grandeur de ces conceptions. Voici le même ballon de verre que nous avons considéré tout à l’heure : le vide y est fait à un millionième d’atmosphère. A l’aide d’une puissante étincelle, nous pouvons en percer la paroi, et la fente ainsi produite est si petite que pour l’apercevoir il faut armer l’œil d’une forte loupe. Mais par cette fente imperceptible les molécules de l’air extérieur vont se précipiter dans le ballon, et si nous supposions (supposition bien au-dessous de la réalité et qui n’est faite ici que pour donner une idée de ces. immensités) qu’en une seconde il puisse passer cent millions de molécules à travers la fente, savez-vous combien il faudra de temps pour que ce petit ballon se remplisse entièrement d’air à la tension ordinaire ? Sera-ce une heure, un jour, une année, un siècle ? Non, ce sera presque une éternité ; et en admettant que l’expérience ait commencé dans le temps où notre système solaire a été constitué, elle ne serait pas achevée lorsque le soleil, source abondante, mais non intarissable, de chaleur, de lumière et de force, se sera refroidi et éteint. Cette pensée et ces paroles sont de M. Crookes : je veux laisser le lecteur sous leur impression.


ADOLPHE WURTZ.